HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848

TOME DEUXIÈME

 

CHAPITRE XV.

 

 

    Résultat des attaques dirigées contre Louis Bonaparte. — Causes diverses qui contribuent à la catastrophe de juin. — Les partis républicain, bonapartiste et légitimiste, en présence. — Obstination des réactionnaires pour dissoudre inopportunément les ateliers nationaux. — Proposition du citoyen Turck contre ces ateliers. — Rapport de la Commission chargée de surveiller l'emploi des crédits alloués pour les travailleurs. — Elle sollicite une solution prompte et rapide à cet égard. — Attaques contre le ministre des travaux publics. — Réponse du citoyen Trélat. — Il défend les ouvriers et s'oppose aux mesures inhumaines. — Moyens qu'il indique pour arriver à une dissolution sans dangers. — Parti qui veut la dissolution immédiate. — Les réactionnaires veulent en finir. — Discours des citoyens Victor Hugo et Léon Faucher. — Ce dernier attaque le ministre des finances. — Question des travaux publics de la ville de Paris. — Manœuvres pour égarer l'opinion publique. — Explications du ministre des travaux publics. — Opinion de M. La Rochejaquelein. — Idées émises par le citoyen Caussidière. — L'Assemblée vote les trois millions, et conserve les pouvoirs à la Commission.

 

Il ne faudrait pas croire, parce que le bruit extérieur cesse et que les rassemblements de la porte Saint-Denis ne se renouvellent plus, qu'on en a fini avec le mouvement impérialiste, disait un journal portant la date du 20 juin. Tout au contraire, la partie se prépare, et elle sera bientôt jouée. Le calme du jour, c'est le recueillement qui précède l'action. Que la Commission exécutive et l'Assemblée nationale avisent !

En effet, les attaques contre Louis Bonaparte n'avaient eu d'autre résultat que celui de donner au prince des partisans qu'il n'eût jamais eus si l'on ne se fût pas tant occupé de lui, ou si l'on eût coupé court à toutes les intrigues dont il était le prétexte, en faisant revivre la loi de 1832. Des hommes du peuple, les ouvriers de Février, avaient crié Vive Napoléon ! en même temps que Vive Barbès ! vive la République ! Ce qui démontrait que les efforts des ennemis de la République tendaient à brouiller les idées du peuple, afin de profiter de cette confusion, le jour où ils attacheraient le grelot.

Ce jour néfaste ne tarda pas à luire.

Comment l'abominable lutte qui ensanglanta la capitale de la France fut-elle amenée, quelles causes précipitèrent cette terrible catastrophe, c'est ce que nous allons essayer d'exposer.

Plaçons d'abord en première ligne le mécontentement général des classes laborieuses.

Les travailleurs, après avoir fondé de grandes espérances sur la révolution de Février, voyaient avec douleur que ses résultats devenaient chaque jour plus problématiques pour eux : il ne leur était plus permis de mettre en doute les mauvaises dispositions de la majorité de cette Assemblée nationale, qui avait refusé d'inscrire le droit au travail dans la Constitution bâtarde dont elle allait doter la République[1] : toutes les illusions dont les ouvriers s'étaient bercés pendant les trois mois de souffrances qu'ils avaient mis au service de la patrie, disparaissaient ainsi au moment où leurs misères devenaient insupportables. Pour comble d'irritation, les malheureux que le défaut d'occupations régulières et la nécessité de sustenter leurs familles avaient jetés dans les ateliers nationaux, se voyaient journellement l'objet des plus vives récriminations lancées de la tribune nationale, et des plus révoltantes injures que leur adressaient les journaux contre-révolutionnaires. Ils comprenaient tout ce que leur position avait d'humiliant, aggravée qu'elle était encore par le soin qu'avaient certains représentants de leur reprocher hautement cette aumône insuffisante qu'on leur faisait de si mauvaise grâce.

Ajoutons que tous ces hommes du peuple, dévoués à la cause de la liberté, voyaient avec un chagrin extrême les progrès de la réaction, et qu'ils les imputaient, non-seulement à l'Assemblée nationale, mais encore à la Commission exécutive et à ses agents : la confiance et l'affection qui avaient naguère lié les masses en faisceau autour du gouvernement provisoire s'étaient changées en suspicion, en aversion même ; et le peuple était arrivé à faire des vœux pour que d'autres hommes plus sympathiques, plus à la hauteur de leur mission révolutionnaire, remplaçassent ceux qu'il avait soutenus jusqu'alors.

D'un autre côté, les bonapartistes et ceux qui se ralliaient autour d'un nom parce qu'il était, à leurs yeux, synonyme de gloire et de patriotisme, portaient déjà leurs vues plus loin que la simple admission de Louis Bonaparte comme représentant du peuple ; et, sans que l'on pût leur imputer de mauvaises intentions, ils travaillaient à détruire ce qui existait, persuadés qu'un nouvel ordre de choses ne pourrait manquer de donner à la France une impulsion plus conforme aux intérêts des peuples qui espéraient en elle.

Le parti de la réaction, composé du caput mortuum des diverses royautés dont la France s'était débarrassée à plusieurs reprises ; ce parti, qui comptait dans ses rangs non-seulement les anciens fonctionnaires et la domesticité des monarchies, mais encore tous les commerçants dont les intérêts personnels avaient été lésés par les suites de la Révolution, tous ces trafiquants, agioteurs et gens d'affaires qui pullulent dans toutes les grandes villes ; ce parti s'appuyait, à Paris, sur le côté droit de l'Assemblée, dont il connaissait parfaitement l'esprit contre-révolutionnaire. Dans les campagnes, il avait pour lui la plupart des autorités, le clergé et tous les officiers ministériels, fort influents sur l'opinion des paysans. Fier d'avoir déjà détaché tant de pierres de l'édifice de Février, ce troisième parti, le plus dangereux pour la cause des peuples, s'agitait vivement depuis les élections, et marchait droit à son but, qui était le renversement de la Commission exécutive, et le retour aux formes propres à perpétuer les abus, dont la plupart de ses chefs vivaient avant la Révolution.

Si ces gens-là voyaient avec un secret plaisir l'accumulation des troupes de ligne dans le chef-lieu de la République, ils ne cessaient de se récrier contre l'existence des ateliers nationaux, considérés par eux comme une armée toujours prête à seconder les factieux, c'est-à-dire les hommes de la Révolution. Ils voulaient donc en finir à tout prix avec ces terribles ateliers, et leur mot d'ordre était la dissolution.

Ainsi le mécontentement, la désaffection des classes ouvrières firent cause commune avec les erreurs des bonapartistes et les manœuvres liberticides des contre-révolutionnaires pour amener la catastrophe la plus déplorable dont la France ait jamais eu à gémir.

Cette catastrophe fut précipitée par l'obstination que mirent les réactionnaires à dissoudre inopportunément ces formidables ateliers nationaux : aucune considération ne put retenir ces esprits emportés qui, pour arriver plus promptement à la catastrophe dont ils voyaient la ville de Paris menacée, se mirent à souffler de toutes leurs forces sur les matières inflammables qu'ils voulaient détruire,

Nous avons déjà mis sous les yeux du lecteur les vives discussions dont les ateliers nationaux furent l'objet au sein de l'Assemblée nationale, sans que cette question eût fait un pas. Dans la séance du 19 juin, un représentant, du nom de Turck, parut à la tribune pour y lire les vues qu'il aurait désiré faire adopter à l'égard de ces ateliers. Le citoyen Turck était du nombre de ces représentants antipopulaires disposés à en finir à tout prix avec cette agglomération d'ouvriers, qu'il voyait toujours prêle à mettre la ville au pillage. A ses yeux, la plupart de ces hommes condamnés à des travaux stériles pour l'Etat étaient des forçats libérés ou des voleurs, prenant impunément plus de cent mille francs par jour dans les coffres de la nation. Les vues que ce député présenta sur ces ateliers se ressentirent donc de son opinion malveillante à l'égard de ces hommes et du peuple.

Le premier des décrets proposés par ce législateur réactionnaire portait que tous les forçats libérés en rupture de ban qui se trouveraient dans le département de la Seine devaient, dans les trois jours, faire leur déclaration à la police, qui leur fournirait les moyens de retourner à leurs résidences ; faute par eux de se conformer à ces dispositions, ceux qui seraient arrêtés devaient subir la peine de la déportation[2].

Le second projet de décret exigeait le retour immédiat dans leur commune de tous les ouvriers des ateliers nationaux qui n'étaient pas domiciliés à Paris depuis un an.

Tous les ouvriers des chantiers nationaux non domiciliés à Paris depuis un an, et dont l'aisance serait constatée, portait le projet Turck, seront poursuivis par les procureurs de la République et punis comme voleurs.

Les mêmes poursuites seront dirigées contre les ouvriers des chantiers nationaux domiciliés depuis plus d'un an à Paris, et dont l'aisance sera constatée, lisait-on encore dans l'art. 2 du projet de ce représentant.

Tous les ouvriers qui ne se conformeraient pas aux prescriptions proposées par le citoyen Turck, devaient être poursuivis correctionnellement.

Enfin le citoyen Turck proposait encore un décret par lequel il était enjoint à tous les ouvriers des chantiers nationaux, domiciliés depuis plus d'un an à Paris, et ayant des métiers, de rentrer immédiatement dans les ateliers, pour y reprendre leurs travaux. Des secours devaient être accordés aux chefs d'ateliers pour les mettre à même de fournir du travail à leurs ouvriers.

Quelque mal disposée que fût une partie de l'Assemblée à l'égard des ateliers nationaux, les mesures proposées par M. Turck furent peu goûtées. En effet, elles donnaient une bien pauvre idée de l'humanité et de la sagacité de leur auteur. On pouvait demander à M. Turck dans quels pays il avait rencontré des forçats libérés rompant leur ban pour aller remuer la pelle et pousser la brouette afin de gagner si laborieusement et si honnêtement un franc dix centimes par jour. Jusqu'à présent la police avait pensé que les forçats libérés qui se rendaient à Paris s'y cachaient pour y vivre d'une industrie moins honnête, il est vrai, mais plus lucrative, plus en rapport avec leurs antécédents industriels. Et que dire encore de ces ouvriers jouissant d'une aisance facile à constater, qui, comme les honnêtes forçats libérés, iraient s'exposer à l'ardeur du soleil, du matin au soir, et bêcher péniblement la terre toute la journée pour recevoir de la munificence nationale vingt-deux sous, à titre de secours ! Et enfin, le représentant Turck ne devait-il pas savoir que pour contraindre les ouvriers professant des métiers à entrer dans les ateliers privés, il fallait commencer par ouvrir ces ateliers ?

Bien des membres de l'Assemblée nationale durent faire ces réflexions, car ils montrèrent peu de sympathie pour les projets du citoyen Turck. On eut bien de la peine à trouver les vingt-cinq voix que le règlement exigeait pour qu'une proposition fût prise en considération, et encore ne fut-ce qu'à condition que l'on établirait la division entre les diverses parties de ses projets, et qu'il en adoucirait les expressions dures, propres seulement à blesser l'amour-propre des ouvriers. A ces conditions, les vingt-cinq amis de M. Turck firent décider que ses propositions seraient développées à une prochaine séance. L'immense majorité de l'Assemblée, et principalement les représentants siégeant au côté gauche, ne prirent aucune part à cette décision, ne voulant pas même discuter des projets de loi si propres à augmenter l'irritation des ouvriers embrigadés.

L'Assemblée parut vouloir réserver son attention pour le rapport que devait faire, ce même jour, la Commission dont le citoyen Falloux s'était déjà rendu l'organe. Cette Commission avait été chargée de suivre l'emploi des crédits alloués au ministre des travaux publics pour ces ateliers. Mais, tout en s'occupant des trois millions réclamés d'urgence, on savait qu'elle aborderait la grande question de la dissolution, et qu'elle proposerait les moyens considérés comme les plus propres à faciliter cette dissolution, sans jeter sur le pavé cent mille hommes que la misère et les autres causes d'irritation pouvaient rendre dangereux pour la tranquillité publique.

Aussi, lorsque le citoyen Falloux se présenta pour lire le rapport si impatiemment attendu, l'Assemblée, naguère agitée par les propositions du citoyen Turck, se montra-t-elle calme et attentive.

Comme ce rapport avait pour principal objet de régulariser des crédits décrétés d'urgence et provisoirement, le rapporteur se plaignit d'abord, au nom de la Commission, des irrégularités administratives qu'elle avait remarquées dans la question dont elle était saisie.

Nous avons reconnu avec un égal regret, ajoutait-il, que les clauses formelles de votre décret n'avaient pas encore reçu ou avaient reçu à peine un commencement d'exécution. Divers projets de travaux publics ont été depuis votés par l'Assemblée, et l'approche de la saison la plus active pour l'agriculture, les insistances de plusieurs chefs d'industrie, tant à Paris qu'en province, en avaient rendu l'application plus facile...

Votre Commission a pensé qu'en même temps qu'une impulsion plus active aurait dû être imprimée à cette mesure[3], elle pouvait s'exécuter partiellement sur certaines catégories, avant que l'ensemble du travail ait atteint sa perfection...

Nous avons hâte d'abréger notre tâche, ajoutait le rapporteur ; nous en avons hâte pour vous qui, voulant rayer le provisoire de toutes les institutions de la République, avez à cœur de l'effacer d'abord dans tout ce qui touche aux institutions populaires ; nous en avons hâte pour les ouvriers eux-mêmes, qui attendent de la République un emploi de leurs facultés qui les élève à leurs propres yeux, au lieu d'une oisiveté honteuse, d'une occupation dérisoire et d'une rémunération insuffisante ; nous avons hâte enfin de déjouer partout les complots et de calmer les esprits par un argument infaillible, victorieux chez un peuplé intelligent.

Il importe à la tranquillité publique, à la renaissance des transactions commerciales, à l'intérêt évident des travailleurs de toutes les classes, disait en terminant son rapport le citoyen Falloux, que la question des ateliers nationaux, sur laquelle le pays fixe en ce moment ses regards, reçoive une solution rapide et définitive. C'est votre but ; c'est le nôtre ; et nous ne voudrions nous séparer qu'après avoir conquis à ce sujet une sécurité absolue. Si l'inertie administrative dont nous nous plaignions ne tient qu'à quelques difficultés passagères et peu profondes, nous en triompherons facilement. Si, contre notre attente, nous étions conduits à penser qu'un débat solennel et approfondi doit être ouvert à celte tribune, nous le ferions précéder d'un second rapport dont tous les éléments auraient été mûrement et sérieusement pesés.

 

A la suite de ces attaques, évidemment dirigées contre le ministre des travaux publics, la Commission n'en proposait pas moins l'allocation des trois millions demandés pour les ateliers nationaux ; mais elle y mettait pour condition qu'elle conserverait les pouvoirs qui lui avaient été conférés, et qu'à l'avenir chaque allocation ne pourrait excéder 1 million.

La malveillance de la Commission, tant envers le ministre qu'à l'égard des ateliers nationaux, était flagrante ; le citoyen Trélat le comprit ; aussi insista-t-il pour que la discussion s'ouvrît immédiatement.

Il commença par exposer toutes les mesures qu'il avait déjà présentées concernant ces ateliers ; il énuméra les travaux auxquels il destinait une partie des ouvriers agglomérés à Paris, et annonça le départ immédiat de plusieurs détachements formant ensemble 5.000 travailleurs.

Répondant ensuite aux plaintes formulées par le rapporteur, le ministre s'exprima ainsi :

Tous les jours je dis : Mais pourquoi nos ouvriers ne partent-ils pas ? Eh bien, citoyens, c'est que je reconnais chaque jour que toute œuvre demande du temps. En toute chose, il y a l'incertitude, la lenteur humaine. Nous n'avons pu nous occuper d'embrigader nos ouvriers que quand nous avons su positivement où nous les mettrions ; car enfin, ces ouvriers sont nos frères ; ce ne sont pas des malfaiteurs que nous avons à renvoyer ; et ici, trop souvent, on parle des ouvriers des ateliers nationaux comme de malfaiteurs...

Personne n'a jamais dit cela ! s'écrièrent plusieurs membres qui n'avaient probablement pas entendu lire les projets du citoyen Turck.

— Je ne puis pas oublier, répliqua le ministre, ce qu'on disait au sein de la Commission : Débarrassons-nous sur-le-champ, sans aucun retard, à l'instant même, des ateliers nationaux. — J'ai répondu et je dois répondre, et rien au monde ne pourra m'empêcher de répondre ceci : Non, je ne le veux pas ; c'est impossible, parce que jamais il ne m'arrivera d'agir avec irréflexion, avec précipitation, toutes les fois que les intérêts de mes semblables seront en jeu, ou que leur vie pourra être compromise. —

Eh bien ! j'ai dans ce moment-ci, et vous m'avez donné la responsabilité des ateliers nationaux. Je ne fuis pas cette responsabilité ; j'en sens tout le poids ; je le supporterai jusqu'au jour où vous me répéterez qu'il faut à toute condition en finir avec les ateliers nationaux... je vous dirai : non !...

Citoyens, vous venez d'entendre dire ceci : — N'oubliez pas que vous allez discuter tout à l'heure la loi sur les chemins de fer, et que les ateliers nationaux sont encore debout !...

Vous remplissez le rôle d'un factieux ! crie un membre au ministre.

— Comment ! ajoute un autre membre, c'est une armée pour nous faire voter, que les ateliers nationaux !

— J'ajouterai que cette même pensée, reprend le ministre sans s'arrêter à ces interruptions, m'a été exprimée de différents côtés. — Comment se fait-il que les ateliers nationaux en sont encore au point de développement où ils sont arrivés ? m'a-t-on dit cent fois. Il y a donc un intérêt caché ; il y a donc une volonté qui veut entretenir une armée permanente ? — Cela m'a été dit plusieurs fois ; je l'affirme. Voici ma réponse : — Croyez-vous qu'il suffise d'avoir obtenu de vous un vote pour que, le lendemain, les ouvriers des ateliers nationaux puissent partir ? Il faut aller préparer le lieu qui doit les recevoir ; il ne faut pas les mettre dans le cas de n'avoir en arrivant pas même un asile !...

C'est fait : ils vont partir, ajoutait le ministre. Nos embrigadements se succéderont avec rapidité de deux jours en deux jours. Mais cela ne peut pas se faire autrement. Que si maintenant vous trouvez d'autres moyens plus expéditifs, pourvu qu'ils soient humains, nous les accepterons avec reconnaissance.

Mais, je vous le répète, concluait le citoyen Trélat, vos décrets, leur exécution, la meilleure volonté du monde, les correspondances les plus rapides, cette idée, cette volonté dé forcer le chiffre des embrigadements, de porter même sur chaque point plus d'ouvriers qu'il n'en faudrait, de nous mettre dans le cas d'avoir achevé les travaux avant que l'agriculture, le commerce, l'industrie, que toutes les branches de l'industrie humaine aient repris leur cours ordinaire, tout Cela ne me mettra pas à même d'en finir complètement avec les ateliers nationaux.

Il y a une autre source bien plus abondante que celles-là, c'est l'industrie privée : celle-là absorbe de toutes parts, parce qu'elle reçoit de toutes parts, parce qu'elle envoie partout en même temps ; celle-là est puissante. Si nous pouvons venir à son secours, si nous pouvons, par elle, disséminer partout les ouvriers de chaque industrie ; si nous pouvons faire renaître le travail de tous côtés, à force de confiance, oh ! alors, nous aurons remis l'ordre à la place du désordre, le calme à la place de l'agitation, le travail à la place de l'inertie. C'est ce que j'appelle de tous mes vœux.

 

La parole du citoyen Trélat avait été aussi simple que nette ; toutes les intonations de sa voix décelaient une émotion généreuse et profonde qu'il avait su communiquer à l'Assemblée ; aussi le rapporteur, après s'être montré si exigeant et si hostile, ne répondit-il au ministre des travaux publics que pour se disculper des imputations tombées sur la Commission. Il affirma qu'elle comprenait l'humanité aussi bien que tout autre, et que jamais elle n'avait appliqué aux ouvriers embrigadés la dénomination flétrissante de malfaiteurs. Le citoyen Falloux se défendit encore d'avoir mis en présence la question des chemins de fer et celle des ateliers nationaux.

Il restait pourtant évident que la Commission, de même qu'une partie de l'Assemblée, voulait chaque jour plus fortement la dissolution immédiate des ateliers nationaux ; que tout le côté droit était d'accord sur la nécessité de ne plus laisser exister ce qu'il appelait un cancer qui dévorait en pure perte une partie des ressources de la nation ; il était positif aussi que la Commission exécutive ne désirait rien tant que la cessation de cet état de choses alarmant pour les uns, ruineux pour l'Etat et la ville de Paris ; mais que l'on différait sur les moyens à employer pour obtenir ce résultat. Personne, excepté les contre-révolutionnaires, que la haine aveuglait, ne voulait que l'on procédât à cette dissolution brutalement, sans précautions aucunes, sans avoir préparé l'écoulement de la plus grande partie des travailleurs embrigadés, sans avoir ménagé les issues nécessaires ; personne, excepté les réactionnaires, ne voulait jeter imprudemment sur le pavé des masses d'hommes que la misère et l'irritation pouvaient porter aux moyens les plus extrêmes.

Faut-il le dire ? les esprits emportés dont le citoyen Falloux était devenu l'organe ne reculaient devant aucune prévision. Ayant compté le nombre des soldats dont regorgeait la ville, quelques-uns désiraient le combat, assure Louis Blanc[4] ; ils comptaient sur un triomphe facile. Leur mot était : Il faut en finir !

Ce fut dans ces sentiments et avec les impressions de la veille que la discussion recommença le lendemain, 20 juin.

Le citoyen Victor Hugo, dans un discours préparé, répéta pompeusement ce qu'une foule d'autres orateurs avaient dit Sur tous les tons, à savoir : que les ateliers nationaux étaient une lèpre fatale et honteuse, qui désaccoutumait les épaules à porter le fardeau du travail et accoutumait les consciences à porter celui de l'aumône. Selon lui, la monarchie avait des oisifs et la République tendait à faire des fainéants. Tout en affirmant que le noble peuple de France ne permettrait jamais un pareil état de choses, le citoyen Hugo laissait entrevoir qu'on pourrait bien copier, sans le vouloir, Naples avec ses lazaroni ou Constantinople avec ses janissaires. Il lançait l'anathème contre quiconque avait la pensée de créer une émeute prétorienne au profit de la dictature.

Oui, citoyens, s'écriait le poète représentant, il est nécessaire que les ateliers nationaux soient transformés le plus tôt possible ; qu'on fasse d'une institution dangereuse, nuisible, une institution utile. Et comme le ministre des travaux publics l'interrompit à la fin de cette phrase pour le prier d'indiquer le moyen d'opérer celle transformation dont tout le monde souhaitait la réalisation, l'orateur continua son discours en déclarant qu'on avait perdu beaucoup de temps et usé beaucoup de forces inutilement ; il se borna à stimuler le gouvernement, qu'il rendait responsable du malheur de la situation par les fausses mesures qu'il avait prises.

Ce qu'il fallait faire avant tout, lui disait le citoyen Hugo, c'est d'améliorer la situation des pauvres en rendant la propriété facile. On n'a pas fait descendre la richesse, on a fait monter la misère...

Deux monstres s'agitent derrière nous, ajoutait en terminant le nouveau représentant du peuple : la guerre civile et la guerre servile : le lion et le tigre ; ne les déchaînez-pas... Il serait douloureux que par une révolte d'équipage, la France, le premier navire du monde, sombrât en vue du port qui s'ouvre devant la lumière.

L'analyse la plus consciencieuse du factura de l'ex-pair de France démontrait qu'il n'y avait pas une idée pratique dans ce merveilleux discours, et le début du grand penseur, sur cette question ardue, ne valait pas mieux que l'économie politique étroite et jalouse du citoyen Léon Faucher.

Ce grand fossoyeur des ateliers nationaux, comme on l'appelait alors, se mit à présenter des statistiques ayant pour objet de démontrer, ce que tout le monde savait, que le travail manquait partout, que si l'on n'y prenait garde, tout Paris défilerait dans les ateliers nationaux, et que le tour de la province ne manquerait pas d'arriver, quoiqu'il n'y eût, à Paris, pas plus de dix mille journées de travail. L'économiste malthusien déclarait que puisque l'Etat faisait l'aumône, il valait mieux qu'il la fit à l'instar de l'Irlande.

Comme il s'agissait d'arriver à une prompte solution, le citoyen Léon Faucher se mit à en chercher les moyens ; mais il les trouva tous négatifs. Dans son opinion, les chemins de fer, même entre les mains de l'Etat, ne pouvaient occuper tous les ouvriers des ateliers nationaux ; il ne voyait pas non plus des ressources suffisantes dans les divers travaux à exécuter.

Il y a, dit-il, dans les ateliers nationaux quarante mille ouvriers du bâtiment : ceux-là ne pourraient être employés dans les chemins de fer ; ils ont été jetés dans les ateliers nationaux parce qu'il n'y avait pas de travail dans le bâtiment. Le moyen de faire revivre ce travail, ajouta-t-il, c'est la confiance, c'est le crédit qui ne peuvent revenir qu'avec l'ordre, non-seulement dans les choses, mais encore dans les idées. L'orateur terminait son discours, qui ne fut qu'une critique sans aucune vue nouvelle, en reprochant au ministre des finances d'avoir mis l'interdit sur des fonds considérables appartenant à la ville de Paris, fonds avec lesquels elle aurait pu occuper bien des bras à des travaux utiles.

Cette dernière allégation d'un orateur qui semblait s'être donné la mission de trouver des torts au gouvernement provisoire, amena un incident auquel prirent une part active les représentants Mortimer-Ternaux, Boulay (de la Meurthe), Thayer, d'une part ; le ministre des finances, Garnier-Pagès et Marrast, de l'autre côté. D'après la dénonciation du citoyen Faucher, l'État n'aurait pas voulu rendre à la ville de Paris quelques millions déposés au Trésor, et que la ville voulait employer en travaux. Le ministre commença par déclarer le fait suivant :

Ni mes prédécesseurs ni moi, dit-il, nous n'avons jamais refusé de restituer les fonds à la ville ; tout l'argent qu'elle a demandé lui a été compté immédiatement. Mais il s'agissait de marchés antérieurs à la révolution, que M. Garnier-Pagès, à son arrivée à la mairie, ne voulut pas approuver, après les avoir examinés.

Il ne s'agissait pas de fournisseurs, reprit M. Mortimer-Ternaux ; ce sont les propriétaires du bas de la rue Montmartre qu'on a expropriés, dont les maisons ont été coupées en deux, et qui n'ont pu les reconstruire. C'était donc une dette qu'il fallait payer.

Quand je me suis servi du mot marché, répondit le ministre des finances, personne ne s'est trompé sur mes intentions.

On a mis la ville de Paris au régime où l'on a mis l'Etat, répliqua le citoyen Boulay ; on a ruiné son crédit, comme on a ruiné le crédit de l'Etat ; et tout cela vient de ce qu'on a renvoyé le Conseil municipal.

Certes, répondit le citoyen Marrast, j'ai beaucoup de respect pour les lumières du Conseil municipal ; mais je pense que, si l'orateur qui s'est exprimé ainsi avait examiné avec attention les circonstances cruelles dans lesquelles nous nous sommes trouvés, il aurait compris que, malgré toutes ses lumières, le Conseil municipal n'eût pu faire ce que l'Etat seul était assez fort pour, entreprendre.

Quant à la question des halles, je dirai que le Conseil municipal lui-même n'avait pas été unanime pour ce projet ; nous avons donc cru ne pas devoir donner l'argent du Trésor à des propriétaires qui l'auraient reçu pour l'emporter ou le retirer de la circulation[5]. Nous avons tous pensé que le projet du percement pour la prolongation de la rue de Rivoli était plus avantageux et plus utile pour donner du travail aux ouvriers.

Le citoyen Victor Considérant appuya le maire de Paris ; il se montra également contraire au projet des halles, à cause des dépenses considérables qu'il exigerait, non pas en travaux de main-d'œuvre profitables aux ouvriers du bâtiment, mais en indemnités d'expropriation, qu'il élevait à près de 20 millions.

Le citoyen Falloux ayant voulu terminer l'incident par une interpellation au ministre des travaux publics, tendant à le mettre en demeure de déclarer s'il avait fait des démarches pour obtenir le remboursement des 5 à 6 millions déposés au Trésor :

Non, répondit résolument le citoyen Trélat, et je ne puis que répéter ceci : les sommes ne devaient pas servir à solder les travaux.

Tout ce que je puis dire, reprit le ministre des finances, c'est que le Trésor a remboursé à la ville les deux tiers de ce qu'il lui devait, et qu'il est prêt à lui rembourser le reste. Et la discussion sur l'incident provoqué par les réactionnaires fut close.

Nous l'aurions passée sous silence, si elle ne nous eût pas fourni une nouvelle preuve des manœuvres propres à tourner le peuple contre la République. Le but que les réactionnaires se proposaient était évidemment de faire croire aux ouvriers du bâtiment que le gouvernement empêchait la ville de leur donner du travail, en retenant une somme considérable qu'elle avait déposée au Trésor ; tandis que, d'après les intentions de l'ancien Conseil municipal, ce dépôt n'eût servi, en réalité, qu'à enrichir ceux qui avaient spéculé sur les maisons destinées à tomber sous le marteau démolisseur.

La discussion générale sur les ateliers nationaux ayant été reprise, le citoyen Alkan dit que la situation des ouvriers des départements était aussi critique que celle des ouvriers de Paris. Dans l'opinion de ce représentant, il valait mieux dépenser cent millions en travaux utiles et productifs, qu'un million stérilement. Le ministre des travaux publics, tout en gémissant sur la situation, déclara que la France subissait en ce moment les conséquences de trente années de fausse route et d'oppression ; ce qui excita les réclamations des dynastiques. La preuve de ce que j'avance, poursuivit-il, c'est que la crise actuelle pesait déjà sur nous bien avant Février.

Au surplus, ajoutait-il, étudions mûrement la question ; apportons-y la franchise et la bonne foi ; j'y apporterai tout mon dévouement. Personnellement, je ne crois pas que les travaux publics suffisent ; il faut en appeler à l'industrie privée, et venir à son secours.

Mais il faut que cela finisse sans retard, lui crie une voix de réactionnaire ; il n'est plus temps d'éluder !

On me demande comment, ayant annoncé un projet de décret qui devait mettre un terme à la crise, reprend le ministre, je pouvais retenir ce décret dans mon portefeuille ! Ce projet, citoyens, est encore à l'étude ; il doit être le fruit d'un travail qui s'accomplit maintenant ; mais ce travail n'est pas encore complet ; il subit ses phases. Je vous promets de vous le soumettre dans un bref délai. Une explosion de murmures de la part des impatients couvrit ici la voix du ministre, tant était grande la hâte du côté droit. Mais comme personne n'indiquait le moyen de faire marcher de front et la dissolution, et les exigences de l'humanité, et les moyens de prévenir les dangers de la précipitation, l'Assemblée entendit encore quelques nouveaux orateurs.

Le citoyen La Rochejaquelein proposa de prêter, sans intérêt, aux entrepreneurs de bâtiment, les quatorze millions que coûteraient les ateliers nationaux en huit mois, à charge par eux de les employer en travaux. Il se flattait que ces avances suffiraient pour donner l'élan nécessaire à toutes les entreprises suspendues, et qu'ainsi les ouvriers trouveraient, dans des occupations honnêtes, à doubler le prix de leur semaine.

Le citoyen Caussidière parut aussi à la tribune pour y développer les idées que son contact habituel avec les masses avait pu lui suggérer.

Vous avez ici une masse énorme d'ouvriers venus de tous les points de la France, dit-il ; à quoi les employez-vous ? A gratter la terre. Je ne dis pas, moi, que vous leur avez ôté leur dignité, mais je dis qu'il faut agir autrement ; je dis qu'il faut trouver le moyen d'accorder des journées raisonnables aux ouvriers qui rentreront dans les manufactures ; et pour cela, il faut accorder une prime à l'exportation ; par là vous anéantirez le commerce de l'Angleterre, qui vient acheter sur nos marchés nos produits à bas prix pour les revendre fort cher dans l'Inde et aux Etats-Unis !

On parle de l'état de nos manufactures : on vous parle de Lyon, de Lille, de Reims, de Roubaix. Eh bien ! la misère y pullule, parce que les manufacturiers ne peuvent pas écouler leurs produits. Prenez donc des mesures pratiques, des mesures urgentes et bien entendues ; faites rouvrir toutes les fabriques ; faites marcher tous les métiers. Que les ennemis de la République ne puissent pas dire qu'elle a tout écrasé sur son passage, et qu'elle n'a rien su créer. Puis ensuite, ramenez par la colonisation et par le défrichement, ces ouvriers qui languissent et courent au suicide par la démoralisation ; admettez-les à la propriété ; faites-leur des avances, et vous parviendrez ainsi à les tirer du bourbier où ils se trouvent depuis trois mois. Profitez du temps qui nous sépare encore de l'hiver : une récolte magnifique vous aidera à triompher des difficultés de la situation. Frappez, s'il le faut, un emprunt pour vivifier le commerce et l'industrie ; cet impôt ne paraîtra lourd à personne. L'ouvrier est honnête ; vous le verrez accourir au travail. A l'œuvre donc : exportation, défrichement, mettez tout en œuvre ; mais agissez promptement ; sinon, prenez garde qu'avec vos deux cent mille baïonnettes, vous ne fassiez crever un matin comme des vessies trop gonflées ces malheureux dont vous ne savez aujourd'hui que faire. Agissez promptement, et il n'y aura plus de partis en France, plus de troubles, plus de prétendants, et vous pourrez crier alors : Vive la République !

 

L'Assemblée, qui avait écouté religieusement les paroles empreintes de bon sens que venait de prononcer l'ancien préfet de police, comprit que le citoyen Caussidière n'était monté à la tribune ni pour tresser des phrases lyriques, ni pour grouper des chiffres et assouvir des rancunes ; aussi pesa-t-elle les paroles d'un homme qui connaissait bien le peuple, et qui pouvait parler savamment des souffrances de celui de la capitale. La discussion fut donc fermée, après un résumé de tout ce qui avait été dit ou proposé. Le citoyen Waldeck Rousseau réclama pour le Comité du travail, dont il était membre, le mérite de l'initiative de toutes les mesures indiquées parles précédents orateurs, et déposa sur le bureau un exposé des travaux de ce Comité, et un projet de résolution relatif aux exportations.

Le décret relatif aux trois millions demandés par le ministre des travaux publics fut adopté d'urgence, avec la clause qu'à l'avenir chaque allocation nouvelle ne pourrait excéder un million. Les pouvoirs de la Commission dont M. de Falloux était le rapporteur lui furent continués jusqu'à nouvelle décision.

L'Assemblée crut avoir fait beaucoup pour les ouvriers en leur jetant de si mauvaise grâce la pâture quotidienne.

Le lendemain, elle s'occupa du rétablissement de l'impôt sur les boissons, et laissa la Commission dont le citoyen Falloux s'était rendu l'organe, méditer les mesures ultérieures relatives aux ateliers nationaux.

 

 

 



[1] Le projet de constitution émané de la Commission nommée ad hoc venait d'être publié ; on savait que le droit au travail, admis d'abord comme une nécessité, avait été effacé ensuite de cette œuvre bâtarde, par l'influence du parti contrerévolutionnaire.

[2] La pensée malveillante pour les ateliers nationaux avait évidemment dicté ce premier projet de M. Turck ; elle tendait à faire croire qu'un grand nombre de forçats libérés s'étaient introduits dans ces ateliers. M. Turck a probablement à se reprocher d'avoir fourni aux feuilles réactionnaires toutes les atroces absurdités débitées sur les forçats libérés des journées de juin.

[3] Il s'agissait de divers travaux ordonnés tout récemment dans plusieurs départements, travaux à l'exécution desquels on avait destiné une partie des ouvriers embrigadés dans les ateliers nationaux. Or, la Commission exprimait ici sa surprise de ce que les ouvriers désignés pour se rendre sur les lieux n'étaient pas encore partis de Paris. Le ministre des travaux publics s'empressa d'expliquer ces retards.

[4] Appel aux honnêtes gens.

[5] Il était évident que la querelle intentée au gouvernement par les réactionnaires, à propos des ateliers nationaux, n'était qu'une question d'amour-propre pour quelques membres de l'ancien Conseil municipal de Paris, et de bénéfices pour quelques entrepreneurs. Les 6 à 6 millions que les réactionnaires reprochaient au ministère des finances de ne pas avoir mis à la disposition de la ville, à laquelle le Trésor les devait, n'étaient point destinés à désintéresser les propriétaires expropriés du bas de la rue Montmartre, et encore moins à fournir du travail aux ouvriers du bâtiment ; mais bien, ainsi que l'indiqua le maire de Paris, à indemniser les propriétaires des maisons qui, d'après le plan d'agrandissement des balles, mis eu exécution un peu plus lard, devaient être démolies. Or, les maires successifs de Paris depuis la Révolution crurent avoir la certitude qu'il s'agissait bien plus d'enrichir quelques spéculateurs que de soulager la misère des ouvriers. Ils donnèrent donc la préférence au projet de prolongation de la rue de Rivoli, parce qu'ici on créait du travail à de nombreux ouvriers pour l'édification des maisons destinées à border la rue ; tandis que le projet des halles, quoique beaucoup plus coûteux, ne comportait que des démolitions ; d'où il serait résulté que les neuf dixièmes de la somme déboursée par la ville seraient passés dans la puche de propriétaires, qui n'auraient pas été tenus de réédifier.