I. — Nouvelle phase du jansénisme : le cardinal de Noailles et les jésuites. - Le livre des Réflexions morales du père Quesnel. - Problème ecclésiastique. - Cas de conscience. - Fénelon contre les jansénistes ; importance de ses écrits sur cette matière. - Bulle Vineam Domini. — Destruction de Port-Royal des Champs. - Rivalité du cardinal de Noailles et du père Le Tellier ; le duc de Bourgogne médiateur. - Bulle Unigenitus. - Rigueurs exercées contre les jansénistes. - Résistance du cardinal de Noailles. - La querelle non terminée à la mort de Louis XIV. Il n'y a aucun lien naturel entre les rivalités politiques dont nous venons de terminer le récit et les controverses religieuses qui ouvrent la seconde époque de l'histoire du jansénisme, si ce n'est qu'elles sont simultanées et que les dernières, en ajoutant une agitation domestique à ses embarras extérieurs, redoublèrent les soupçons et l'antipathie de Louis XIV contre un esprit de malveillance et de sédition qu'il croyait toujours prêt à profiter des malheurs publics. Il mit au service de cette cause sa vigilance ordinaire, le concert le plus complet avec le Saint-Siège, et l'exercice de son autorité jusqu'à des rigueurs que Fénelon a condamnées et que nous ne tairons pas. Mais il fut moins heureux dans la guerre théologique que dans la guerre européenne, et s'il laissa la paix à la France avec ses voisins, il ne la laissa pas à l'Église. Le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, fut la première occasion de ces débats, par une attaque contre sa personne, qu'il lui était assez difficile de repousser, et que, dans l'irritation de cet embarras, il imputa à tort aux jésuites. Il faut remonter un peu plus haut pour réunir tous les objets de la querelle. Il avait approuvé en 1693, quand il n'était encore qu'évêque de Châlons, les Réflexions morales sur le Nouveau Testament, par le père Quesnel de l'Oratoire, sans y voir ou sans vouloir y reprendre des principes favorables au jansénisme mêlés à des réflexions très-saines et très-pieuses. Ces erreurs étaient pourtant en grand nombre. Bossuet y dénonçait en effet cent vingt propositions absolument erronées, et beaucoup d'autres d'un sens équivoque qui réclamaient une explication précise ; invité à recommander le livre à son tour, il n'avait promis de le faire qu'à la condition que toutes ces propositions seraient retranchées ou redressées conformément au sens catholique, et, les partisans de Quesnel n'ayant pas accepté, il avait refusé son approbation[1]. Une nouvelle édition du livre n'en avait pas moins paru en 1699 avec l'approbation du cardinal de Noailles. Or, en 1696, peu après son avènement au siège de Paris, le cardinal avait condamné une Exposition de la foi catholique par un neveu de Saint-Cyran, qui renouvelait toutes les erreurs des cinq propositions, et que les contemporains[2] signalent comme la reprise des hostilités publiques entre les jansénistes et leurs adversaires. Il y avait dans ces deux actes opposés du même prélat, une contradiction qui ne tarda pas à être dénoncée. Il parut en effet (1699), sous le titre de Problème ecclésiastique, un livre anonyme dans lequel on opposait Louis-Antoine de Noailles, évêque de Châlons à Louis-Antoine de Noailles, archevêque de Paris ; l'auteur demandait avec malice auquel des deux on devait croire, de l'approbateur des Réflexions morales ou du censeur de l'Exposition de la foi. Le cardinal en fut d'autant plus irrité que la réponse était plus difficile ; il chercha l'auteur, et dans un emportement qui lui a fait commettre bien des fautes, et où se laissait entrevoir une antipathie préconçue, il accusa les jésuites. C'était leur déclarer la guerre sans justice ; les jésuites étaient complètement étrangers au Problème ecclésiastique ; le coupable, qui se dénonça lui-même un peu plus tard, était un janséniste des plus outrés, Thierry de Viaixnes, un bénédictin qui fut mis à la Bastille par l'ordre du roi[3]. La colère du cardinal ne lui avait servi qu'à dévoiler ses intentions malveillantes contre un ordre important, et à mettre justement en garde contre lui ceux qu'il voulait rendre odieux. Elle n'avait nullement dissipé les soupçons qu'inspirait sa doctrine, et dont Mme de Maintenon l'avertissait avec une constance d'amitié qu'il ne savait pas lui-même apprécier. Car il est faux que Mme de Maintenon ait jamais été l'ennemie du cardinal de Noailles. Sa correspondance jusqu'en 1714 témoigne qu'elle a tout employé, avertissements, conseils, prières, intervention officieuse, pour le sauver de ses emportements et de ses indécisions, et pour lui conserver les bonnes grâces du roi. C'est lui qui, par sa conduite équivoque et ses mesures indiscrètes, par ses efforts pour ménager à la fois les deux partis, par la contradiction flagrante de ses soumissions et de ses résistances, s'est attiré les tribulations dont on se sent peu disposé à le plaindre quand on le voit s'y jeter à chaque pas, tête baissée[4]. Il ne tarda pas à donner de nouveau prise contre lui, et dans des circonstances plus graves. En 1702, parut le Cas de conscience, rédigé par le confesseur des religieuses de Port-Royal. C'était, sous forme de consultation, la reprise de la trop célèbre distinction du fait et du droit, appuyée sur le système des restrictions mentales tant reproché par Pascal à ses adversaires. Pouvait-on, quand on ne croyait pas au fait de l'hérésie de Jansénius, signer la condamnation prononcée contre lui, en faisant vis-à-vis de soi-même quelques réserves implicites et sous-entendues? Suffisait-il de garder le silence respectueux pour rendre aux constitutions des papes l'obéissance qui leur était due? La réponse portait que, à l'égard de la question du fait, le silence respectueux suffisait sans l'adhésion de l'esprit[5]. Il y avait là évidemment une tentative de ranimer des controverses apaisées depuis plus de trente ans, à la faveur de la guerre généra le qui commençait en Europe, et dont les préoccupations paraissaient de nature à ne pas laisser au roi le loisir de se mêler à un débat théologique. Il se trouva environ quarante docteurs de Sorbonne, qui, faute de prévoir les conséquences, répondirent oui à cette consultation. On remarqua que le cardinal de Noailles ne se donnait aucun mouvement pour arrêter le colportage du Cas de conscience dans son diocèse, ni pour le flétrir par une censure ; on prit sa lenteur pour une connivence[6]. A en croire même certains témoignages jansénistes, il aurait encouragé les signataires pourvu qu'ils ne le connaissent pas ; plusieurs de ceux qui furent exilés pour avoir signé disaient hautement que le cardinal leur avait fait faire les choses pour lesquelles ils étaient punis[7]. Mais dans ce silence de l'archevêque de Paris, un grand nombre d'évêques protestèrent, Bossuet en tête. Bien plus, le pape Clément XI, par un bref du 12 février 1703, condamna le Cas de conscience avec les qualifications les plus sévères, et dénonça à la faculté de théologie de Paris la témérité de quelques-uns de ses docteurs. Le roi même rendit un arrêt conforme au jugement pontifical, et adressa le bref aux évêques et son arrêt aux parlements. Devant de telles réclamations, les docteurs signataires se rétractèrent à l'exception d'un seul, et le cardinal s'empressa, pour se justifier, de condamner à son tour le Cas de conscience, et d'écrire une lettre d'adhésion au pape. Il se félicitait d'avoir reçu le bref le même jour qu'il avait publié sa censure. Bien des gens crurent, dit le chancelier d'Aguesseau, qu'il aurait pu renverser la phrase, et dire qu'il avait publié sa censure le même jour qu'il avait reçu le bref. Entre les évêques qui se prononcèrent avec éclat contre le Cas de conscience, il est juste de placer au premier rang Fénelon. C'est une partie importante de son histoire qui est peu connue, et pourtant celle qui peut le mieux justifier le parallèle qu'on se plaît à établir entre lui et Bossuet. Fénelon n'a été ni le premier des orateurs de tous les siècles, ni le maitre des historiens modernes, ni le continuateur parmi les chrétiens du langage et de la majesté des prophètes ; mais comme évêque, comme défenseur de la foi, il est dans la controverse contre les jansénistes ce que Bossuet avait été contre les protestants, c'est-à-dire le dernier docteur de la question, et ses ouvrages renferment un corps de doctrine complet sur les matières de la grâce. Les Pays-Bas, et jusqu'au diocèse de Cambrai, abondaient en jansénistes que multipliait l'esprit des anciens gueux, la protection de la Hollande et la conformité du jansénisme avec le calvinisme. Tolérant envers les personnes jusqu'à se faire le garant de leur sécurité, Fénelon fut pendant dix ans l'adversaire infatigable, inépuisable de leurs erreurs. C'est en 1704, l'année même de la mort de Bossuet, qu'il débuta par une instruction pastorale contre le Cas de conscience. Dans cette instruction, ou plutôt ce livre, il foudroie le silence respectueux en prouvant l'infaillibilité de l'Église, et par conséquent la nécessité d'adhérer d'esprit à ses décisions, quand elle prononce sur la catholicité ou l'héréticité d'un livre ; et il prouve cette infaillibilité par les promesses faites à l'Église, par la pratique constante de l'Église dans tous les siècles, par l'autorité du clergé de France, par les propres aveux des disciples de Jansénius ; car ceux-ci adhèrent à l'autorité de l'Église quand elle approuve saint Augustin ; de quel droit rejettent-ils cette autorité quand elle condamne l'évêque d'Ypres ? Il relève enfin l'indécence, le peu de bonne foi, les inconséquences du silence respectueux, et le convainc d'autoriser le parjure, l'hypocrisie, les restrictions mentales et l'attachement aux erreurs les plus monstrueuses[8]. Ce livre fit grande sensation. La célébrité de l'auteur, la méthode simple et claire qui s'y faisait agréablement sentir, la modération du langage où les adversaires eux-mêmes ne trouvaient rien à reprendre, désignèrent dès lors l'archevêque de Cambrai comme le principal champion de la vérité catholique ; honneur qui, en lui conciliant la confiance des orthodoxes, et en excitant toute l'amertume du parti contraire, le constitua en état de lutte permanente contre les disciples avoués ou silencieux de Jansénius et de Quesnel. Louis XIV avait fort à cœur de s'opposer au renouvellement des troubles excités par les propositions de Jansénius, et si heureusement apaisés par lui. Il l'avait écrit aux évêques en leur transmettant le bref de Clément XI. Il était convaincu, comme Richelieu, que tout ce qui agite l'Église peut également agiter l'État. et c'est dans ce sens qu'il redoutait moins un athée silencieux qu'un janséniste remuant, si toutefois cette anecdote n'a pas été forgée par Saint-Simon. Le dernier bref paraissait insuffisant pour le rétablissement de la paix, parce qu'il contenait certaines clauses et formules contraires au langage et aux maximes des tribunaux français, et que les magistrats s'opposaient à ce que, dans cet état, il fût revêtu du sceau de l'autorité royale. Le roi supprima cette difficulté en demandant au pape, non plus un bref, mais une bulle qui exprimât les décisions les plus précises et les plus énergiques contre les subtilités des jansénistes, sans mêler aucun de ces termes dont s'alarmaient les partisans des libertés gallicanes. Demandée par le roi, enregistrée par ses parlements, cette bulle deviendrait loi de l'État, et le soin de la faire exécuter serait confié aux magistrats eux-mêmes. Ainsi fut préparée la bulle Vineam Domini Sabaoth. Elle parut le 15 juillet 1705. Elle renouvelait les bulles antérieures d'Innocent X et d'Alexandre VII. Elle condamnait le silence respectueux comme un voile trompeur dont on se servait pour cacher l'erreur au lieu d'y renoncer, pour rouvrir toutes les plaies au lieu de les guérir, pour se jouer de l'Église au lieu de lui obéir. On ne satisfaisait pas par ce silence respectueux à l'obéissance qui était due aux constitutions apostoliques ; tous les fidèles de Jésus-Christ devaient condamner comme hérétiques, et rejeter, non-seulement de bouche, mais de cœur, le sens du livre de Jansénius condamné dans les cinq propositions. Rien n'égale la clarté, la précision de cet acte de l'autorité souveraine, si ce n'est l'accord avec lequel il fut accueilli. Il n'y avait peut-être jamais eu, dit d'Aguesseau, d'exemple plus remarquable du concert entre les deux puissances spirituelle et civile. L'assemblée du clergé reçut la bulle avec une soumission et unanimité parfaite. Le parlement de Paris l'enregistra sans réclamation le 4 septembre, et tous les évêques la publièrent sans restriction, à l'exception d'un seul — l'évêque de Saint-Pons — qui entreprit de justifier le silence respectueux. Fénelon, toujours à l'affût des ignorances pour les éclairer, ou des entêtements pour les soumettre, joignit à l'ordonnance de publication une instruction pastorale, où il s'attachait à développer le sens de la nouvelle constitution et ses conséquences contre les erreurs et les subtilités du parti. Les petits, disait-il, ont besoin qu'on leur rompe le pain, et les grands se font souvent petits par l'excès de leur prévention. Nous croyons donc qu'il est à propos de joindre au texte de la constitution quelques remarques, qui en fassent simplement sentir toute la force et toute l'étendue à certains lecteurs auxquels leurs préjugés obscurcissent les décisions les plus évidentes. Malheureusement les partisans de Jansénius n'imitèrent pas cette soumission. A l'étranger, et surtout dans les Pays-Bas, ils multiplièrent leurs écrits contre la bulle et le pape, son auteur, et donnèrent ainsi à l'archevêque de Cambrai l'occasion de repousser, avec autant de modération dans le langage que de savoir et de fermeté dans la doctrine, les erreurs obstinées et les injures personnelles de ces adversaires incorrigibles[9]. En France, la résistance prit la même tournure qu'en 1662 ; elle mit en avant des femmes, des religieuses, dans la pensée, sans doute, de présenter ceux qui rejetaient la bulle comme des victimes intéressantes, ceux qui la défendaient comme des persécuteurs odieux. Ce manège lui réussit en partie, mais il lui en conta Port-Royal. On ne parlait plus guère de Port-Royal depuis trente ans, et surtout de Port-Royal des Champs depuis qu'il n'avait plus de pensionnaires. En 1706, il fut question de faire accepter par les religieuses de cette maison la bulle Vineam Domini et l'ordonnance de l'archevêque de Paris. On leur apporta la formule suivante à signer : La bulle et l'ordonnance ci-dessus ont été lues et publiées à la grille de Port-Royal par nous, prêtre, soussigné, et reçues avec le respect dû à Sa Sainteté et à Son Éminence par les religieuses. On ne leur demandait rien qui ne fût un devoir pour tout catholique croyant, puisqu'il ne s'agissait que d'adhésion à un enseignement doctrinal défini par toutes les puissances ecclésiastiques. Les religieuses prétendirent ne s'y soumettre qu'à leur manière, avec cette clause : Sans déroger à ce qui s'est fait à leur égard à la paix de l'Église sous le pape Clément IX. C'était dire qu'en 1669, en promettant toute l'obéissance due aux constitutions des papes, elles s'étaient réservé d'interpréter tout bas cette obéissance dans le sens du silence respectueux, et qu'en 1706 comme en 1669 elles s'opiniâtraient à ne pas reconnaître d'hérésie dans Jansénius. Il était vraiment singulier et ridicule, dit un historien favorable à Port-Royal[10], qu'une vingtaine de filles, vieilles, infirmes ; et la plupart sans connaissances suffisantes, vinssent faire acte de méfiance envers une bulle pontificale, reçue par l'assemblée du clergé, acceptée avec de grands témoignages de soumission par la faculté de théologie, publiée avec mandement par tous les évêques. Elles ne s'en obstinèrent pas moins dans leur jugement personnel : Devons-nous livrer nos consciences ? disaient-elles. Une des plus vieilles invoquait déjà le martyre : La seule pensée que je souffrirai encore pour la vérité me remplit de joie. Le père Quesnel, du fond de la Hollande où il était réfugié, applaudit à cette opposition. Ils étaient en vérité bien coupables, ces théologiens qui, pour venger leur cause et se concilier la faveur de l'opinion publique, s'abritaient derrière les dangers et les souffrances de ces femmes égarées par leurs enseignements. Mais l'autorité royale elle-même contribua à leur susciter des partisans par les mesures qu'elle adopta pour la punition des récalcitrantes. Les premières : interdiction, par arrêt royal, de recevoir des novices, défense d'élire une abbesse, n'étaient encore que des peines spirituelles justifiées par l'état de révolte où les religieuses se mettaient contre les supérieurs légitimes. Comme elles n'y cédèrent pas, on voulut aller plus loin, et ôter pour toujours à Port-Royal des Champs son existence particulière. Par une sentence de l'officialité métropolitaine, ses biens furent déclarés réunis à ceux de Port-Royal de Paris. Les religieuses dépossédées protestèrent et en appelèrent à la primatie de Lyon. Le cardinal de Noailles, qui, dans cette affaire, paraissait entièrement déclaré contre le jansénisme, les excommunia (novembre 1707), et demanda au pape une bulle pour consacrer définitivement la réunion des deux maisons. Clément XI la donna (1708), mais, par un ménagement paternel pour les personnes, il laissait les religieuses des Champs dans leur monastère jusqu'à leur mort ; désormais sous la direction de l'abbesse de Paris, il n'y avait guère à craindre la contagion de leur doctrine. Cette transaction ne satisfit pas les conseillers du roi ; aussi bien les religieuses la repoussaient elles-mêmes ; elles refusaient absolument de reconnaître pour leur supérieure l'abbesse de Paris. On insista donc auprès du sain t-siège, et le pape accorda à la fin (mars 1709) une autre bulle qui ordonnait de transférer les religieuses des Champs en divers monastères. C'est surtout l'exécution de cette sentence qui a ému les contemporains, et laissé à Louis XIV jusque dans la postérité un caractère de persécution froide et vindicative. Le 29 octobre 1709, d'Argenson se présenta à Port-Royal des Champs, comme le lieutenant civil en 1664, avec une nombreuse escorte d'archers et des voitures. Il se fit ouvrir la grille au nom du roi, et rassembla les religieuses dans la salle du chapitre. Après les avoir comptées, il leur lut l'arrêt du Conseil qui ordonnait leur dispersion, et exhiba les lettres de cachet prêtes à recevoir le nom de chacune d'elles, et adressées aux supérieures des différentes communautés où elles devaient être conduites. Il fallut partir en quelques heures. Ce ne fut pas sans une certaine compassion que le magistrat les vit s'embrasser avant la séparation, se donner rendez-vous dans l'Éternité, demander la bénédiction de leur supérieure, ou sortir d'un pas ralenti par l'âge ou par les infirmités. Il exprima même le regret d'avoir à remplir une mission si triste, et par moments l'impatience d'en avoir fini. Mais ce sentiment hâta l'opération. Avant la nuit, il ne restait plus dans la maison qu'une escouade d'archers du guet ; toutes les voitures étaient en route vers Amiens, Blois ou Nevers. On entendait seulement dans la vallée, disent les historiens de Port-Royal, les cris des pauvres du voisinage qui réclamaient leurs mères, leurs bienfaitrices. Ces cris s'étendirent bientôt au loin. Il y eut, dit Fénelon, un soulèvement du public sur la translation des filles de Port-Royal[11], où il croyait reconnaître une preuve des progrès du parti, et il écrivait au duc de Chevreuse[12] : Pendant que ces théologies mettent de si dangereux préjugés dans les esprits, un coup d'autorité comme celui qu'on vient de faire à Port-Royal ne peut qu'exciter la compassion pour ces filles, et l'indignation contre leurs persécuteurs. Ces sages observations ne réussirent pas à inspirer au Conseil du roi plus de modération. Un arrêt du 22 janvier 1710 ordonna la démolition des bâtiments de Port-Royal, bientôt suivie de l'exhumation des morts fameux qui reposaient dans le cimetière. Tous ces actes, aussi bien que les controverses dont ils étaient la suite, ont été imputés aux jésuites, et en particulier au père Le Tellier, confesseur du roi. C'était le mot d'ordre du parti janséniste au XVIIe siècle ; c'est devenu, par la force de l'usage, par l'habitude de le répéter, la seule vérité possible, une foi historique contre laquelle il n'y a pas à revenir. Les jésuites, dit ironiquement Fénelon[13], ont fait les censures des facultés de théologie dont ils sont exclus. Ils ont présidé aux assemblées pour régler les délibérations de l'Église de France ; ils ont conduit la plume de tous les évêques dans leurs mandements. Ils ont donné des leçons à tous les papes pour composer leurs brefs ; ils ont dicté les constitutions du Saint-Siège. L'Église entière devenue imbécile, malgré les promesses de son Époux, n'est plus que l'organe de cette compagnie pélagienne. Il y avait pourtant à ces axiomes plus d'une contradiction. Les ennemis mêmes des jésuites s'accordent à louer le père de La Chaise, confesseur du roi pendant trente-quatre ans, et qui ne mourut qu'en janvier 1709. Sa bonhomie, sa simplicité, sa douceur, son empressement serviable pour tout le monde, ont été reconnus par Saint-Simon, et quant à son influence, il parait qu'elle n'effrayait pas beaucoup Mme de Maintenon, qui était peu amie des jésuites. Car cette dame écrivait au cardinal de Noailles, pour le rassurer, en 1701 : Jamais les jésuites n'ont été plus faibles qu'ils le sont ; le père de La Chaise n'ose parler, leurs meilleurs amis en ont pitié, ils n'ont de pouvoir que dans leur collège... Le bon homme, encore un coup, n'a nul crédit[14]. Il pourrait donc être équitable de n'admettre l'action dominante des jésuites sur l'esprit du roi, qu'à partir de l'entrée en fonctions du père Le Tellier. Tous les Mémoires du temps, dit le cardinal de Bausset[15], se sont exprimés sur le père Le Tellier avec une telle sévérité qu'il est difficile de ne pas croire qu'il a mérité, au moins en partie, les reproches qu'on a faits à son caractère. Mais ici encore l'équité nous fait un devoir de reconnaître que, dans sa lutte contre le cardinal de Noailles, il a été provoqué ou excité par les colères injustes et les caprices singuliers d'un adversaire plus préoccupé de son importance personnelle que de la défense de la vérité. La question du Cas de conscience étant réglée en principe, la controverse se reporte sur le livre de Quesnel dont les partisans se prévalaient de l'approbation du cardinal de Noailles. Deux évêques fort peu connus à La cour, mais très-estimables par le dévouement à leurs fonctions, ceux de Luçon et de La Rochelle, publièrent contre la doctrine de ce livre (1711) une instruction pastorale qui formait une espèce de traité dogmatique sur la grâce, sans aucune allusion personnelle. Le cardinal de Noailles, qui n'y était pas nommé ni même désigné, crut cependant y reconnaître un acte d'hostilité contre lui, parce que l'imprimeur, dans l'intérêt du débit de l'œuvre, en avait fait placarder des exemplaires dans Paris et jusqu'aux portes de l'archevêché. Il voulut se venger avec éclat, et, par un mauvais conseil de sa colère, il fit chasser honteusement du séminaire de Sain t-Sulpice les neveux des deux évêques qui étaient fort innocents de la réclame de l'imprimeur. Les évêques, fort justement blessés de cet affront de famille, réclamèrent auprès du roi, et cette fois, dans une lettre confidentielle, ils parlèrent explicitement du cardinal comme d'un fauteur des novateurs et des hérétiques ; mais leur lettre fut livrée à la publicité par l'infidélité d'un commis. Si le cardinal avait le droit de se plaindre de la forme et de la gravité de la dénonciation, il devait à sa dignité de ne pas se faire justice lui-même. Au lieu de le comprendre, il se laissa emporter jusqu'à la violation de l'ordre hiérarchique, jusqu'à s'attribuer une juridiction qu'il n'avait pas. Il publia un mandement contre l'instruction pastorale des deux évêques, dans lequel il la déclarait infectée des erreurs de Baïus et de Jansénius, et, non content d'en interdire la lecture dans son diocèse, il la condamnait solennellement comme si les deux évêques eussent été dans sa dépendance[16]. Par cette usurpation d'une autorité patriarcale, il souleva contre lui un grand nombre d'évêques, et mécontenta fort le roi. Il crut répondre péremptoirement à ces plaintes par une affectation de mépris pour de petits évêques ; on trouve dans une de ses lettres à Mme de Maintenon cette parole regrettable : Est-il juste que, tandis que les plus vils des prélats font des mandements, un archevêque de Paris n'ait pas le droit d'en faire ? Dès le commencement, il s'en était, selon la formule banale, pris aux jésuites. Il les accusait d'avilir l'épiscopat, de le diviser, d'y faire entrer les sujets les plus minces et les plus dépendants d'eux[17]. Était-ce l'orgueil du grand seigneur blessé de se voir donner des collègues d'une naissance inférieure à la sienne, et une protestation contre cette sainte égalité par le mérite personnel que l'Église a introduite dans la société en la pratiquant la première ? Il traitait de même le père Le Tellier, fils, en effet, d'un pauvre paysan : Le père Le Tellier, disait-il, est dans ce goût, et plus qu'un autre. Il crut bientôt avoir pris les jésuites en flagrant délit de guerre secrète contre lui. Une lettre dérobée lui fut apportée, dans laquelle un neveu de l'évêque de Clermont invitait son oncle à prendre la défense des évêques de Luçon et de La Rochelle, lui envoyait le modèle d'un mandement contre le père Quesnel, et lui promettait l'assistance du père Le Tellier. Il tenait donc les preuves d'un complot des jésuites contre lui ; il en envoya les pièces au roi ; mais, au lieu d'attendre une réponse, il se hâta de retirer les pouvoirs à la plupart des jésuites qui exerçaient dans le diocèse de Paris, sous ce prétexte qu'ils enseignaient une mauvaise doctrine et soulevaient le troupeau contre le pasteur. La précipitation ne lui permit pas de voir dans quelle contradiction il se jetait. Cette mauvaise doctrine ne l'avait pas empêché depuis trente ans de confier des pouvoirs aux jésuites ; et si les jésuites soulevaient vraiment le troupeau contre le pasteur, il ne suffisait pas de les accuser tout haut, il fallait produire des preuves publiques comme l'accusation. Cette remarque est de Fénelon. Mme de Maintenon, qui ne se lasse pas de rappeler le cardinal au calme et au bon sens, lui écrivait de son côté : De dire que les jésuites sont incapables de confesser, il n'est pas possible qu'ils soient devenus tels dans un moment ; s'ils sont dans une intrigue contre vous, ce ne sont que quelques particuliers, et vous faites affront à tout le corps à qui vous faites un crime de ce qu'il se dit innocent. Il s'opiniâtra. Il n'avait pas osé interdire le père Le Tellier, le confesseur du roi, précisément celui qu'il voulait frapper avant tous les autres ; mais il s'obstina à demander que le roi changeât de confesseur. Il y va, écrivait-il, du salut du roi. Le père Le Tellier manque aux premiers principes de la probité et de la sincérité[18], et il continua à réclamer contre le mauvais choix des évêques. Telle fut la cause de la rupture entre le cardinal et le roi. Le cardinal, en dépit des conseils de Mme de Maintenon, refusa de revenir sur son interdit, affectant toujours de le présenter comme une affaire spirituelle, comme un devoir de conscience ; et le roi n'y voulut jamais voir qu'un procédé particulier, que la vengeance personnelle d'une prétendue offense[19]. De là, pour le cardinal, la popularité qui s'attache à tout acte de résistance contre une autorité puissante, et pour les jésuites l'imputation d'avoir exploité contre un prélat vertueux et courageux l'aveuglement où ils tenaient le roi. Fénelon leur conseillait de s'effacer dans cette circonstance, de supporter avec patience et humilité ce qui n'intéressait que leur ordre, et de ne pas souffrir que le roi s'échauffât sur cet article[20]. Si le père Le Tellier peut mériter le reproche de n'avoir pas adopté cette règle de conduite, on va voir que le cardinal s'engagea de lui-même dans des démarches fort propres à échauffer le roi sans l'intervention d'aucun conseiller. Le roi avait chargé le duc de Bourgogne de ménager un accommodement entre le cardinal et les deux évêques de Luçon et de La Rochelle. Ce prince, avec l'assistance de l'archevêque de Bordeaux, de l'évêque de Meaux et de trois ministres, le chancelier Pontchartrain, le duc de Beauvilliers et Voisin, rendit une décision arbitrale, qui paraissait capable de satisfaire les deux partis. Le cardinal permettrait la lecture de l'instruction pastorale des deux évêques, et désapprouverait par un acte public le livre du père Quesnel. Les deux évêques en retour écriraient au cardinal une lettre de satisfaction sur celle qu'ils avaient écrite au roi contre lui ; cette satisfaction aurait lieu aussitôt après l'accomplissement des conditions proposées au cardinal[21]. Le cardinal fit des objections, traîna en longueur, et il croyait déjà l'affaire ajournée indéfiniment par la mort du duc de Bourgogne, lorsque le roi lui remit un mémoire où il lui offrait de nouveau, mais avec le ton du commandement, les conditions déjà proposées et la levée de l'interdit prononcé contre les jésuites. C'était le roi qui parlait dans ce mémoire ; c'était le roi qui le remettait confidentiellement au cardinal ; c'était donc au roi seul et avec le même secret que le cardinal devait répondre[22]. Mais il laissa ou fit imprimer, en France et en Hollande, le mémoire que personne ne pouvait connaître que par lui, et la réponse que le roi seul avait le droit de connaître ; et dans cette réponse, il représentait le mémoire comme l'œuvre de gens qui abusaient de la confiance du roi, qui voulaient mettre à profit la mort d'un prince pleuré par toute la France, et soumettre un cardinal au jugement d'un évêque son suffragant, d'un simple curé et des jésuites. On comprend tout d'abord, par le caractère bien connu de Louis XIV, quelle offense c'était lui faire que de le représenter comme un aveugle qui donnait pour sien un écrit qu'il n'avait ni compris ni lu, comme l'instrument inconscient d'une cabale puissante, enfin comme capable d'exploiter la mort de son petit-fils pour vexer son archevêque. Il dut ne voir dans cette contradiction qu'une manœuvre du cardinal pour se consoler de l'improbation du roi en tâchant de gagner le public, pour se faire admirer par ceux qui sont toujours prêts à critiquer l'autorité la plus respectable[23]. C'est Fénelon qui parle ainsi, ce n'est pas le père Le Tellier[24]. Le cardinal de Noailles, dans sa réponse au mémoire du roi, se refusait absolument à relever les jésuites de l'interdit qu'il leur avait infligé. Il refusait également de condamner le livre du père Quesnel, pour trois raisons : 1° parce qu'une condamnation ainsi demandée passerait pour une condamnation forcée ; 2° parce que depuis dix-huit ans qu'il avait approuvé ce livre, il en avait bien perdu les idées ; 3° parce que le pape étant en ce moment occupé à eu-miner ce livre, Sa Sainteté trouverait mauvais qu'un autre prononçât sur cet objet un jugement juridique avant Elle. Rien ne lui paraissait donc plus convenable que d'attendre le jugement du pape auquel il promettait d'être très-soumis. Cette dernière difficulté, par laquelle il se flattait peut-être d'éluder les instances du roi, fut précisément ce qui le mit dans l'obligation de se prononcer. Il demandait le jugement du pape ; le roi saisit l'arme qu'on lui proposait, et sollicita le pape de mettre fin, par l'autorité d'un jugement apostolique, aux contestations qui troublaient la paix des consciences. Telle fut l'occasion de la constitution Unigenitus qui fut promulguée en 1713. Au lieu d'un coup monté ténébreusement par le père Le Tellier, il convient de n'y voir que l'acceptation d'un défi jeté par le cardinal de Noailles. A en croire certains historiens, à la tète desquels brille Saint-Simon par son empressement, son aplomb et ses ignorances, la Constitution fut u ne œuvre de dissimulation et de fraude, rédigée en dehors des cardinaux qui sont pourtant les assesseurs et conseillers nécessaires du pape sur des matières de cette importance. Elle procède des idées ultramontaines inspirées à Louis XIV par sa mère et imposées par Louis XIV à ses parlements[25]. Elle a été commandée au pape par le roi ; car le pape ne trouvait pas dans le livre en question de proposition répréhensible, et les instances des Français lui en ont bien fait trouver plus de cent. Or, le bruit que faisait le livre de Quesnel avait si bien éveillé l'attention spontanée de la cour de Rome, que déjà en 1703 elle l'avait donné à examiner au Saint-Office, et qu'en 1708 le pape Clément XI l'avait condamné par un décret solennel. Le nouvel examen demandé par Louis XIV (1712) dura plus d'un an. Les treize examinateurs, entre lesquels on ne comptait qu'un jésuite, eurent d'abord ensemble dix-sept conférences ; puis ils soumirent leur travail au pape et à neuf cardinaux du Saint-Office dans vingt-trois congrégations ou séances. Le pape y apportait une attention qui fut admirée ; chacune des propositions lui coûta trois ou quatre heures d'étude ; le travail sur l'ensemble, écrit de sa main, aurait pu faire un gros volume[26]. Une instruction aussi consciencieuse répondait déjà de la sagesse et de l'exactitude du juge, ment. La lecture attentive et intelligente de la bulle, en dehors même de l'adhésion due aux constitutions apostoliques, achève la démonstration. La bulle Unigenitus condamne cent et une propositions extraites des Réflexions morales de Quesnel. Ce nombre ne paraîtra lias exagéré, si on se souvient que Bossuet, qu'on n'a jamais accusé de passion dans cette affaire, en dénonçait cent vingt. Ces propositions ne sont pas autant d'erreurs différentes, mais diverses formes des mêmes erreurs, et il n'y en a aucune, dit Fénelon[27], qui ne soit en elle-même excessive, captieuse, accommodée au système de Jansénius et digne d'une rigoureuse censure. Il n'est pas même nécessaire d'être théologien pour y reconnaître trois points principaux contraires à la doctrine et aux usages de l'Église catholique : la fatalité et la prédestination janséniste, le droit de résistance aux décisions et censures de l'Église, l'usage indiscret et par conséquent dangereux de l'Écriture sainte. Quesnel veut qu'on n'interdise à personne la lecture de l'Écriture sainte ; or, ç'a toujours été, dit Bossuet, le désir des saints évêques que les divines Écritures ne fussent mises entre les mains du peuple qu'avec certaines précautions, et en retranchant certains récits et certaines expressions qui peuvent produire de mauvais effets sur les âmes faibles[28]. Quesnel enseigne que la crainte d'une excommunication injuste ne nous doit jamais empêcher de faire notre devoir, qu'on ne sort jamais de l'Église alors même qu'on en semble exclu par la méchanceté des hommes, que c'est imiter saint Paul que de souffrir l'excommunication injuste plutôt que de trahir la vérité. Cette doctrine allait tout droit à encourager les individus à soutenir leur sens propre contre celui de l'Église, à ne pas reconnaître que c'est de l'Église seule que le chrétien doit recevoir la vérité ; et, dans le temps même, on pouvait la traduire ainsi : Si vous êtes excommunié pour jansénisme, restez janséniste. Quesnel enfin admet que Jésus-Christ ne soit pas mort pour tous les hommes, que l'homme ne puisse résister â la grâce, et que l'homme qui n'a pas la grâce soit inévitablement entraîné au mal. C'est, comme nous l'avons déjà dit au commencement de l'histoire du jansénisme, pousser les âmes d'un côté au désespoir, de l'autre au libertinage. Fénelon est très-explicite sur ce point : Je vois, dit-il[29], un grand nombre d'impies qui, méprisant toute religion, se passionnent néanmoins pour le jansénisme. Il ne faut pas s'en étonner. Le principe fondamental du jansénisme est qu'il est nécessaire que tout homme suive sans cesse son plus grand plaisir, qui le détermine invinciblement au bien ou au mal. Les libertins sont flattés d'un principe si commode pour leurs passions les plus honteuses. Suivant ce principe, l'homme n'est jamais libre ni responsable de ses actions. Tout châtiment est injuste, toute correction est ridicule. Voilà ce qui charme les libertins dans le jansénisme. Voilà aussi l'erreur convaincue par ses derniers effets. Il est possible, il est probable même que Quesnel, pas plus qu'Arnault autrefois, n'entendait autoriser de pareilles déductions. Mais une fois posée la doctrine de la grâce efficace par elle seule, et du choix arbitraire des élus et des réprouvés, ces conséquences étaient inévitables. La bulle Unigenitus fut publiée à Rome par Clément XI le 8 septembre 1713. C'était quelques semaines après les ratifications du traité d'Utrecht. On put croire un moment que la paix allait être rendue aussi à l'Église. Le cardinal de Noailles, dont la résistance avait provoqué cette sentence, s'empressa de faire ce qu'il avait si longtemps refusé, et ce qui était le plus capable de mettre fin aux divisions. Le 28 septembre, il révoqua par mandement l'approbation qu'il avait autrefois donnée au livre du père Quesnel. Il en condamnait la doctrine, il en défendait la lecture aux fidèles de son diocèse. Il ne pouvait plus souffrir que son nom parût davantage à la tête d'un livre condamné par Sa Sainteté. Le roi, fidèle à sa coutume de ne recevoir un jugement de Rome, même demandé par lui, qu'après l'avoir fait examiner par les évêques de France, convoqua une assemblée du clergé qui dura plus de trois mois, du 16 octobre 1713 au 1er février 1714. Cette assemblée examina la bulle à loisir ; elle rédigea une instruction pastorale qui en justifiait toutes les dispositions, et, à une majorité considérable (40 sur 51), accepta la constitution avec soumission et respect. Le roi en ordonna l'exécution par des lettres patentes qui furent enregistrées au parlement de Paris, le 15 février. Les magistrats, selon leur coutume, firent quelques réserves en faveur des libertés de l'Église gallicane, et contre une manière d'interpréter la bulle qui pourrait nuire à l'autorité du roi et à celle des évêques. Il est sorti plus tard de ces réserves de graves oppositions qui ont agité une grande partie du règne suivant. Mais, dans le moment même, cela ne parut qu'une formalité sans conséquence qui ne serait pas un obstacle à la paix[30]. C'était quelques jours avant la signature du traité de Rastadt. Ces espérances favorables s'évanouirent presque aussitôt. Une nouvelle contradiction du cardinal de Noailles ranima les troubles qui semblaient apaisés. Dans la dernière séance de l'assemblée, le cardinal avait déclaré, en son nom et au nom de huit évêques, qu'il leur était impossible d'accepter la bulle et l'instruction pastorale qui en contenait le commentaire ; ils se croyaient obligés de recourir au pape, et de lui proposer leurs peines et leurs difficultés. A leurs yeux, ce parti était le plus régulier, le plus canonique, le plus respectueux pour le pape et le plus utile pour conserver la paix de l'Église. Quelques jours après, il se mit en opposition formelle et publique. Le 25 février, il défendit par mandement de recevoir la bulle dans son diocèse, sans son autorité sous peine de suspense. Ainsi on voyait en deux ans le même homme refuser obstinément de condamner le livre du père Quesnel, et engager sa soumission au jugement que le pape en porterait, puis condamner ce même livre, et rejeter le jugement que le pape en avait porté[31]. Il n'était pas plus conséquent avec lui-même dans sa nouvelle entreprise. En faisant remettre aux docteurs en théologie de la faculté de Paris le mandement par lequel il défendait de recevoir la bulle, il déclarait qu'il n'entendait pas les comprendre eux-mêmes dans l'ordonnance. Si la bulle n'était pas acceptable, pourquoi laisser aux docteurs le droit de l'accepter, et si les docteurs avaient cette liberté, pourquoi la refuser aux autres ? Cette recrudescence d'agitations religieuses blessa, irrita profondément le roi. Elle donna une nouvelle impulsion aux rigueurs contre les jansénistes. Ce système de coercition, familier à Louis XIV, tenait entre autres causes à une dévotion malentendue que Fénelon a dénoncée dans une lettre au duc de Chevreuse[32] : Dieu se contentera-t-il d'une dévotion qui consiste à dorer une chapelle, à réciter un chapelet, à écouter une musique, à se scandaliser facilement et à chasser quelque janséniste ? Il existait avant le gouvernement du père Le Tellier, comme le prouve en particulier la disgrâce de du Charmel, relégué pour soupçon de jansénisme (1705) dans ses terres où il mourut, dit-on, faute de trouver, dans une campagne isolée, un chirurgien capable de le tailler avec succès. Mais c'est contre Le Tellier que s'élèvent les plaintes les plus retentissantes. Ecoutons Saint-Simon (1714) : Nous voici parvenus à l'époque des premiers coups d'État en faveur de la Constitution et de la persécution qui a fait tant de milliers de confesseurs, et quelques martyrs, dépeuplé les écoles et les places, introduit l'ignorance, le fanatisme et le dérèglement, couronné les vices, mis toutes les communautés dans la dernière confusion... Je me contente de ce mot, et je n'en noircirai pas ces Mémoires. Quoique ce refus de produire les pièces permette de supposer que le plaignant en a moins à sa disposition qu'il n'affecte de dire, il est vrai que les dernières années de Louis XIV sont assombries par un grand nombre de châtiments, disgrâces, exils, emprisonnements infligés pour cause de jansénisme. Que des supérieurs de communautés, ou d'autres fonctionnaires ecclésiastiques, convaincus régulièrement d'hérésie, aient été déposés par leurs supérieurs, il n'y a rien là que de légitime selon la probité, rien que ne commandât le devoir impérieux de conserver la pureté de la foi. Nul n'a le droit de garder un emploi qu'il ne remplit pas en conscience, ni de se donner pour docteur d'un enseignement qu'il dénature. Ce qui est regrettable, c'est l'autorité civile s'ingérant dans la connaissance de ces affaires, prononçant elle-même la culpabilité d'un homme sur un mot, sur une dénonciation, et encourageant par là les inimitiés personnelles jusqu'à justifier cette parole qu'on attribue au maréchal d'Harcourt : Un janséniste souvent n'est qu'un homme qu'on veut perdre à la cour. Ici donc, comme à d'autres époques, nous n'approuvons pas l'emploi du bras séculier et de la puissance arbitraire ; mais nous devons faire observer que cet emploi ne déplaisait au parti janséniste que lorsque les coups eu portaient sur lui, et qu'il était tout prêt à en user à son tour à son profit, à la première occasion. Les historiens jansénistes se plaignent des prisons malsaines. étroites, isolées, où la volonté du roi retenait leurs amis. Qu'on lise les conseils donnés par Saint-Simon au duc d'Orléans pour sa régence future ; on y trouvera le même arbitraire et la même dureté : Enlever, dit-il, les jésuites Lallemant, Doucin et Tournemine, et leurs papiers, mettre le dernier au donjon de Vincennes, sans papier, ni encre ni plumes, ni parler à personne, du reste bien logé et nourri à cause de sa condition personnelle ; les deux autres au cachot, en des prisons différentes, avec le traitement du cachot, qu'on ne sût où ils sont et les y laisser mourir[33]. Cent dix évêques de France avaient accepté la bulle
purement et simplement. Douze autres, en la repoussait elle-même,
condamnaient cependant le livre de Quesnel ; un seul s'obstinait à la fois à
ne pas recevoir la bulle, et à ne pas condamner les Réflexions morales.
Une si éclatante majorité prouvait surabondamment que la soumission des
évêques à la Constitution du pape, n'était pas le résultat des intrigues d'un
seul homme ; elle montrait avec évidence de quel côté devait se ranger
l'Église enseignée[34]. Mais la
résistance des douze autres, et surtout le procédé du cardinal de Noailles,
offrait un exemple qu'il importait à l'honneur de la discipline et à
l'instruction des fidèles de ne pas laisser impuni. C'était
peut-être, dit un écrivain gallican[35], le premier exemple dans l'Église d'un évêque, qui eût
défendu sous peine de suspense, de recevoir un jugement dogmatique
prononcé par le Saint-Siège, accepté par la presque universalité des
évêques, revêtu de l'autorité du roi, et enregistré dans tous les parlements. Il était urgent de réduire au plus tôt ces réfractaires à accepter la bulle avec une soumission absolue ou à perdre leurs sièges ; et personne n'exposait cette nécessité avec plus de précision et de fermeté que Fénelon. Il est digne de remarque, d'autant plus que le fait est peu connu, que Fénelon rentrait alors en considération, sinon en faveur, auprès du roi ; on le sent aux lettres du père Le Tellier. Son mandement pour l'acceptation de la bulle avait produit un grand effet. Nous aurions sujet de plaindre la France, lui écrivait le confesseur du roi, si ce mandement ne devait être que pour le diocèse auquel il est adressé ; mais c'est un trésor qui lui sera commun avec tout le royaume et avec toute l'Église. En même temps paraissait (juin 1714) un de ses plus grands ouvrages, l'instruction pastorale en forme de dialogues où il résume toute la controverse du jansénisme, et démontre la conformité du système de Jansénius avec celui de Calvin, son opposition à la doctrine de saint Augustin, et sa nouveauté, avec ses conséquences pernicieuses pour les bonnes mœurs. Le Tellier l'en remerciait également, lui demandait des communications importantes sur l'état de son diocèse, et l'assurait de l'impression que sa correspondance faisait sur le roi. C'est peut-être à la suite de quelque confidence de ce
genre que Fénelon composa son mémoire sur la voie
de procéder contre les prélats réfractaires[36]. Le roi avait
d'abord tenté les moyens de persuasion sur le cardinal de Noailles pour
l'amener à l'obéissance, jusqu'à ses larmes et
ses conjurations, dit Mme de Maintenon. Quand il fit bien évident
que cette voie était sans effet, il rechercha quelle force les lois de
l'Église et de l'État lui offraient pour vaincre cette résistance obstinée.
Le mémoire de Fénelon en propose et discute trois : 1° des commissaires
envoyés par le pape ; 2° des conciles provinciaux ; 3° un concile national.
Il rejette les commissaires du pape, quoique cette forme de procéder eût été
souvent admise, même sous le cardinal de Richelieu, parce qu'elle est odieuse
aux tribunaux du royaume. Il trouve dans les circonstances présentes des
difficultés presque insurmontables à la réunion et à l'autorité des conciles
provinciaux. Il se prononce pour un concile national, dans lequel les
réfractaires verraient toute l'Église gallicane unie
avec le Saint-Siège contre eux. Ils reconnaîtraient que leur déposition faite
par une si grande autorité ne pourrait plus être défaite que par un concile
œcuménique, qu'ils n'obtiendraient jamais ce concile, et que Rome ne
manquerait pas de l'empêcher. Ils se verraient accablés sans ressource par un
jugement final de l'Église, qui serait incontestable suivant les prétentions
des Français les plus jaloux des libertés du royaume[37]. Il est certain que Louis XIV donna la préférence au concile national ; il envoya Amelot à Rome pour concerter avec le pape tous les arrangements nécessaires[38]. Mme de Maintenon a, de son côté, exprimé la pensée que Fénelon aurait pu faire du bien dans le concile. Mais Fénelon mourut le 7 janvier 1715 : la négociation à Rome traîna en longueur, et la mort de Louis XIV, en changeant le gouvernement de mains, rendit à la résistance la liberté de se ranimer, de recommencer des discussions interminables et une guerre malheureuse de cinquante ans. |
[1] Ainsi s'explique, sans la moindre difficulté, un écrit trouve dans les papiers de Bossuet après sa mort, un avertissement pour mettre en tête du livre de Quesnel. Bossuet l'avait composé dans l'attente des corrections qu'il demandait ; les corrections n'ayant p& été faites, il ne l'avait pas publié, et c'était plus tard une mauvaise foi insigne que de citer cet écrit en faveur du livre non modifié.
[2] Mémoires de d'Aguesseau.
[3] Mémoires de d'Aguesseau.
[4] Voir les lettres de Mme de Maintenon en 1698, 1701, 1704, 1711, 1712 ; elle lui dit encore en 1714 : Vous dites que vous espérez venir à bout de la paix de l'Église, si les conseils que l'on donne au roi n'y mettent pas d'obstacle. Je vous assure que ceux qu'il consulte le plus dans cette affaire importante ne sont ni violents ni vos ennemis.
[5] Sainte-Beuve, Histoire de Port-Royal, tome V.
[6] Mémoires de d'Aguesseau.
[7] Beausset, Histoire de Fénelon, tome III, page 302 ; il cite les déclarations du docteur Petit-Pied et du docteur Bourlet, et l'histoire du Cas de conscience.
[8] Voir cette instruction dans les Œuvres de Fénelon, édition de Saint-Sulpice, tome II, pages 105 et suivantes.
[9] Voici le résumé des publications de Fénelon, de 1706 à 1711 : Lettre à un évêque, sur le mandement de l'évêque de Saint-Pons : Lettres à l'occasion d'un nouveau système sur le silence respectueux, 1707-1708 ; Instruction pastorale sur le livre intitulé : Justification du silence respectueux, 1708 ; Lettre sur l'infaillibilité de l'Église touchant les textes dogmatiques, dont Fénelon lui-même a dit que c'était un résumé net et précis de toute la controverse sur le silence respectueux, 1709 ; Lettres au père Quesnel, 1710.
[10] Sainte-Beuve, Histoire de Port-Royal, tome V.
[11] Fénelon : Mémoire au père Le Tellier. 1710, sur les affaires du jansénisme, section II : Œuvres de Fénelon, tome III, page 170.
[12] Fénelon à Chevreuse, 24 novembre 1709 : tome III des Œuvres de Fénelon, page 815.
[13] Fénelon, Instruction pastorale en forme de dialogues ; préambule.
[14] Lettres de Maintenon, 17 février 1701.
[15] Histoire de Fénelon, livre VI, § IX.
[16] Voici comment Fénelon explique et réfute cet abus d'autorité : Quand même l'instruction pastorale serait défectueuse, M. le cardinal de Noailles n'était pas en droit de prohiber, par un acte solennel de juridiction, cet acte solennel de la juridiction épiscopale. Il pouvait empêcher le débit du mandement et se pourvoir devant le juge commun. Il pouvait même enseigner, par un autre mandement opposé, une doctrine contraire à celle de cette instruction pastorale, s'il la croyait pleine d'erreurs ; mais il n'avait aucun droit de prononcer un jugement solennel contre le jugement épiscopal de deux évêques indépendants de lui. Fénelon, tome IV, page 201 : réponse à l'évêque de La Rochelle.
[17] Lettre du cardinal à Maintenon, 11 mai 1711.
[18] Lettre du cardinal à Maintenon, 11 août 1711.
[19] Lettres de Maintenon à Noailles, juillet et octobre 1712.
[20] Œuvres de Fénelon, tome III, page 879 : Fénelon au duc de Chevreuse, 19 décembre 1711.
[21] A cette occasion, on a insinué que le duc de Bourgogne était favorable au jansénisme ; et l'on entrevoit dans la correspondance de Fénelon la crainte que le jeune homme ne se laisse prendre aux subtilités du parti. La réponse à ces bruits ou ces appréhensions se ' trouve d'abord dans une lettre du duc de Bourgogne à Fénelon, du 21 mai 1708, et dans un Mémoire écrit de sa main à l'époque de sa médiation, et trouvé dans ses papiers après sa mort. Il dit dans la lettre de 1708 : Quant à l'article des jansénistes, j'espère, par la grâce de Dieu, non pas telle qu'ils l'entendent, mais telle que la connaît l'Église catholique, que je ne tomberai jamais dans les pièges qu'ils voudront me dresser. Je connais le fond de leur doctrine, et je sais qu'elle est plus calviniste que catholique. Je sais qu'ils écrivent avec esprit et justesse ; je sais qu'ils font profession d'une morale sévère, et qu'ils attaquent fortement la relâchée ; mais je sais en même temps qu'ils ne la pratiquent pas toujours. Vous en connaissez des exemples qui ne sont que trop fréquents. Dans le mémoire que le roi fit imprimer et sur lequel le roi voulut avoir l'avis de Fénelon, il rassemble d'une manière vive, courte, claire et précise toutes les erreurs qui composant le jansénisme. Il représente les jansénistes soutenant d'abord la question du droit sur laquelle ils furent condamnés ; ensuite prétendant ne l'avoir jamais soutenue et recourant à celle qu'ils nomment de fait, sans vouloir paraître avoir reculé. Il les montre retranchés dans le silence respectueux et cherchant un dernier refuge dans l'école des Thomistes, qui les désavoue et les rejette. N'est-ce pas embrasser avec un vrai génie toute l'histoire du jansénisme et en saper jusqu'aux fondements par une simple exposition ? Ce résumé et cette appréciation se trouvent dans une lettre de Fénelon (3 mai 1712) au ministre Voisin, qui lui avait demandé, de la part du roi, son avis sur ce Mémoire. Voir Œuvres de Fénelon, tome IV, pages 202 et 203.
[22] Voir l'Examen de la réponse du cardinal de Noailles par Fénelon, tome IV, pages 209 et 210 : Sa Majesté, par bonté pour lui, a bien voulu faire la fonction de médiateur entre lui et les évêques : elle lui donne, de sa propre main, son projet d'accommodement : ce cardinal peut, il est vrai, n'accepter pas ce projet, mais il doit au moins garder le secret ou savoir du roi s'il l'en dispense. n n'y a aucun homme de la plus haute dignité qui se croie libre de divulguer un projet d'accommodement que le dernier des hommes aurait fait avec affection pour lui procurer la paix, à moins qu'il ne fût assuré du consentement de cet homme. Telle est la règle d'honneur dans la société humaine.
[23] Fénelon, Ibid. Réflexions générales, III.
[24] On pourrait citer bien d'autres passages de la correspondance et autres écrits de Fénelon, pour démontrer que ce n'était pas le père Le Tellier tout seul qui dénonçait les tendances du cardinal de Noailles, le danger du livre de Quesnel, et la nécessité d'une décision solennelle, appuyée par le roi, contre ces doctrines. Fénelon écrivait à Chevreuse (2 janvier 1712) : Il s'agit de la foi... Les jésuites on sans doute leurs défauts, comme tous les corps très-nombreux, répandus en tant d'emplois extérieurs, et avec tant d'autorité. Mais dans la conjoncture présente, il est capital de soutenir ce corps qui est attaqué pour la foi, et qui est seul en état de résister à la très-puissante cabale tics jansénistes. Il écrivait à Beauvilliers (25 décembre 1712) : Le jansénisme fait des progrès étonnants. Les défenseurs de la bonne cause deviennent de plus en plus odieux et méprisables... Le confesseur du roi n'a qu'un demi-crédit. Il importe de soutenir fortement le père Le Tellier, car si le parti vient à bout de le décréditer, il ne resterait plus personne en place contre le parti, et M. le cardinal de Noailles en tirerait de grands avantages. H serait à désirer que quelque ami commun fit un concert très-secret entre le père Le Tellier et vous pour les choses les plus capitales.
[25] Les idées ultramontaines de Louis XIV ! Son habitude de tout céder à la cour de Rome ! Serait-ce par hasard dans ses démêlée avec Alexandre VII, dans la si longue querelle avec Innocent XI, ou dans le soin qu'il prend de ne recevoir les bulles de Rome que lorsqu'elles ont été adoptées par l'Église de France ? Il faut être Saint-Simon pour s'aviser de pareilles extravagances. On ferait un recueil curieux de toutes les inventions, de toutes les contradictions dans lesquelles le jette son antipathie contre la bulle. Outre qu'il ignore les faits matériels, leur date, par conséquent leur liaison entre eux, il se dédit d'une page à l'autre, avec la sécurité d'un grand seigneur qui ne se doute pas qu'il puisse errer et que quelqu'un ose le prendre en défaut. Il place intrépidement avant la bulle la révocation, que le cardinal de Noailles ne fit qu'après, de l'approbation donnée par lui au livre de Quesnel. Il montre Le Tellier demandant une condamnation in globo qui, en n'épargnant rien et en tombant sur tout, pût se sauver par le vague, et, à la page suivante, voulant une constitution qui condamne des propositions extraites du livre. C'est ainsi encore qu'après avoir dit que Louis XIV avait toujours été conduit par les jésuites et Mme de Maintenon gouvernée par le même esprit, à quelques lignes de là il affirme l'aversion de Mme de Maintenon pour les jésuites. Voir tome VI, chapitre XXXVIII, fin du § II.
[26] Voir la Correspondance de Fénelon, tome IV, septembre 1713.
[27] Fénelon, Mandement sur la constitution Unigenitus.
[28] Bossuet, précisément dans le travail qu'il avait préparé pour mettre en tête des Réflexions morales, si ce livre était corrigé.
[29] Fénelon, tome IV des Œuvres complètes, page 246, lettre au père Le Tellier.
[30] Voir ces réserves dans Dangeau, Journal, 15 février 1714.
[31] Bausset, Histoire de Fénelon, tome IV.
[32] Fénelon à Chevreuse, 4 août 1710.
[33] Saint-Simon, tome VII, chapitre XXX, pages 395 et 396.
[34] A la Sorbonne, 3 mars, il y eut 67 docteurs pour recevoir la constitution et 7 pour ne la recevoir pas. Le 5 mars, il y eut 128 voix pour recevoir la bulle et 9 pour la rejeter. Journal de Dangeau.
[35] Bausset, Histoire de Fénelon, livre VIII.
[36] Ce Mémoire est sans date et sans nom de destinataire.
[37] Œuvres de Fénelon, tome IV, pages 323-330.
[38] Décembre 1714. Voir Dangeau.