III. — Bonnes espérances au commencement de 1706, bientôt démenties par les événements. - Victoire de Vendôme à Calcinato. - Nouveaux revers : Bataille de Ramillies ; perte des Pays-Bas espagnols ; disgrâce de Villeroi. - Siège et bataille de Turin ; perte de l'Italie. - L'archiduc, vainqueur en Espagne, entre à Madrid. - Philippe V rétabli par Berwick et par la fidélité des Castillans. L'année 1706 semblait s'ouvrir sous de bons auspices malgré la préoccupation des derniers événements d'Espagne. Le duc de Vendôme ayant profité de l'hiver pour faire une apparition à la cour, après une absence de quatre ans, recevait les cordiales félicitations du roi et des princes du sang et les témoignages de l'enthousiasme populaire, auxquels l'heureux capitaine, un peu fanfaron, répondait par des promesses de nouvelles victoires[1]. L'organisation des forces militaires marchait à souhait : vingt-sept mille hommes de indice, une augmentation de cinq hommes par compagnie d'infanterie ; trente nouveaux régiments d'infanterie formant trente-cinq bataillons ; et, par un dévouement remarquable, les princes du sang et plusieurs seigneurs de la cour se chargeant de les payer et de les entretenir. Outre les armées ordinaires des Pays-Bas, de la Moselle, du Rhin, de Lombardie et de Piémont, le duc de Noailles devait agir en Roussillon, Tessé en Catalogne, Berwick, créé maréchal de France, sur la frontière de Portugal, tous les trois pour aider aux opérations de Philippe V. Les premiers événements entretinrent cette confiance. Vendôme, rentré en Lombardie, attaqua brusquement, près de Calcinato (19 avril 1706), trois mille chevaux et onze mille fantassins commandés par le Danois Rewentklau en l'absence d'Eugène. Il lui tua trois mille hommes, fit trois mille prisonniers, prit six canons, plus de mille chevaux, des bagages, des vivres, des armes en abondance, quatre drapeaux et douze étendards, sans avoir lui-même plus de cinq cents hommes hors de combat. Poursuivant sa victoire sur Eugène revenu le lendemain de la bataille, il rejeta les Allemands hors du Bressan, et s'avança vers l'Adige pour leur fermer toute voie de retour par ce fleuve[2]. Le plaisir de cette nouvelle fut si sensible à Louis XIV que, du conseil même où il la recevait, il envoya un billet tout aimable à Mme de Maintenon pour la lui apprendre sans délai, s'excusant de ne pas la lui porter lui-même sur la nécessité de ne pas interrompre les affaires[3]. Mme de Maintenon à son tour écrivit, comme un encouragement à son ami le duc de Noailles en Roussillon, que l'action de M. de Vendôme aurait vraisemblablement des suites[4]. Il n'y eut pas jusqu'à la reine d'Angleterre qui ne s'émût d'une affaire si capable de décourager le duc de Savoie ; elle chargea Marlborough d'écrire à cet allié pour le détourner de faire son accommodement avec la France. Mais Marlborough répondit que les présages qu'on tirait de ce commencement de la campagne étaient faux, et qu'avant la fin de l'année on verrait en Italie ce qu'on avait vu en Allemagne[5]. Par un succès non moins rapide, Villars, commandant de l'armée d'Alsace, couronnait la campagne précédente en complétant la délivrance de cette province. En trois jours, il chassait les Impériaux de leurs derniers camps sur la Lauter, et des îles du Rhin ; il les forçait à repasser le fleuve ; et à l'intérieur du pays il s'emparait, dans Haguenau, de munitions et de provisions considérables (du 30 avril au 12 mai). Tous ces exploits ne lui coûtaient que cent quarante-huit hommes tués ou blessés, tandis qu'il avait fait trois mille prisonniers[6]. Si on l'eût écouté, si au lieu de pousser les hostilités en Flandre, on lui eût envoyé les troupes nécessaires, il se faisait fort de reporter avec avantage la guerre dans l'Empire[7]. En Espagne, Philippe V, avec le maréchal de Tessé, venait d'entreprendre le siège de Barcelone. Si le début n'avait pas été habile, on avait fini par trouver le vrai moyen de réussir. Le Montjouich dont l'occupation avait livré la ville aux alliés, était repris par les Français et les Espagnols (25 avril). On se réjouissait à la cour de France de l'inutilité des efforts des assiégés ; presque toute la garnison de Barcelone, les habitants en armes et un grand nombre de moines, sous le grand étendard de Sainte-Eulalie, qui ne se déployait que dans les occasions solennelles, avaient en vain fait une sortie contre lei tranchées françaises ; ils avaient été repoussés avec des pertes sensibles[8]. Mais Marlborough devait être prophète, et même bien au
delà de ce qu'il avait dit. Il n'avait parlé que de l'Italie ; les désastres,
avant d'atteindre l'Italie, s'abattirent d'abord sur la Flandre. Villeroi
commandait toujours dans cette contrée ; il était plutôt fait peur provoquer
les malheurs que pour les prévenir. L'électeur de Bavière, dont il paraissait
dépendre, n'avait rien de l'application nécessaire pour le retenir ou le diriger
sûrement. Fénelon, que ce prince avait visité, et qui était à portée de le
considérer de près, a tracé de lui et de son administration dans les Pays-Bas
un tableau dont l'histoire peut profiter pour expliquer les événements : L'électeur me paraît mou, et d'un génie médiocre...
Il est bien prime, c'est-à-dire faible dans sa
conduite et corrompu dans ses mœurs. Il parait que son esprit agit peu sur
les violents besoins de l'État qu'il est chargé de soutenir ; tout y manque,
la misère espagnole surpasse toute imagination. Les places frontières n'ont
ni canons ni affûts, les brèches d'Ath ne sont pas réparées... Les soldats sont tout nus et mendient sans cesse...
La cavalerie n'a pas un seul cheval. M. l'électeur
voit toutes ces misères, il s'en console avec ses maîtresses, il passe ses
jours à la chasse, il joue de la flûte, il achète des tableaux, il s'endette,
il ruine son pays, et ne fait aucun bien à celui où il est transplanté[9]. Si le portrait
n'est pas avantageux, il est en grande partie conforme aux rapports
officiels. Ces rapports constatent l'état de délabrement des places
espagnoles dont aucune n'était capable de soutenir un siège sérieux, et le
dépérissement, la mauvaise conduite, l'esprit de désertion des troupes
d'Espagne, de Bavière et de Cologne. Les Belges en particulier étaient
soupçonnés de préférer l'archiduc à Philippe V ; et c'était une disposition
que Marlborough entretenait avec beaucoup d'habileté[10]. L'heureuse supériorité de Villars sur les Impériaux avait donné au roi la confiance de reprendre l'offensive dans les Pays-Bas. Rassuré sur l'Alsace et même sur la Lorraine, il s'était cru libre de renforcer Villeroi par une partie des troupes de Marcin. Villeroi proposait le siège de Leau sur la Petite-Ghète, à l'extrémité orientale du Brabant, dont la prise pouvait entraîner celle de Huy ou de Liège. Le roi l'autorisa à assiéger Leau, et même à risquer une bataille si l'ennemi essayait de secourir la place, mais avec la recommandation implicite d'attendre l'arrivée de Marcin. Marlborough, non moins frappé des conséquences de cette entreprise, et convoitant pour lui-même Louvain, marcha de Tongres contre les Français et les atteignit près de Ramillies (23 mai 1706). Marcin n'était pas arrivé : Villeroi ne s'en prépara pas moins au combat, et prit toutes les dispositions les plus capables de lui faire perdre la bataille. Il plaça sa gauche et son centre derrière un marais impraticable, près duquel autrefois le maréchal de Luxembourg avait refusé de combattre, et les condamna, sans le voir, à l'inaction. Marlborough, certain de n'être pas attaqué de ce côté, porta toutes ses troupes vers la droite des Français, par le seul chemin qui permît d'aller à eux, et où ils ne pouvaient opposer qu'une seule de leurs ailes à une armée entière. La valeur de la maison du roi fut impuissante contre un tel nombre ; elle recula sur l'infanterie ; celle-ci, après plusieurs avantages, se trouva trop faible. Les troupes avaient été si mal rangées qu'il n'y avait que la première ligne d'infanterie et de cavalerie de l'aide droite, avec quelques escadrons de la seconde, qui pussent combattre. Ils finirent par se replier en désordre. A cette vue, Villeroi, voulant sauver les corps qui n'avaient pas donné, commanda la retraite. L'artillerie en tête, l'infanterie au centre, la cavalerie à l'arrière-garde, défilèrent d'abord sans obstacle dans la direction de Louvain ; mais, au défilé de Jadoigne qu'il fallait franchir, quelques voitures d'artillerie se brisant encombrèrent la voie. Cet obstacle imprévu inspire à tous la crainte d'être écrasés par les vainqueurs ; des cavaliers espagnols pressent leurs chevaux à travers l'infanterie en criant : Sauve qui peut ! les fantassins et les canonniers pris de la même Panique se débandent, jettent leurs armes et fuient dans toutes les directions ; la cavalerie ennemie survenant sabre ou prend tous ceux qui ne peuvent pas fuir, et l'armée de France et d'Espagne paraît complètement dissipée. La bataille même n'avait coûté que deux mille hommes aux deux couronnes. La retraite coûta six mille prisonniers, un grand nombre de drapeaux et d'étendards, et cinquante-quatre pièces de canon des soixante qui formaient l'équipage d'artillerie. Les fuyards ayant pris la route de Bruxelles, de Nivelles et autres places de Brabant, il fallait désormais un temps assez long pour les rassembler. Beaucoup se cachant dans les bois, la désertion. devenait facile, et les Belges surtout profitèrent de l'occasion. Ce qu'on pouvait encore appeler le gros de l'armée arriva à Louvain sans tentes, sans marmites, presque sans armes, et dans la confusion d'une déroute incomparable. Le désastre, l'humiliation dépassait Hochstett. Qu'on se représente l'étonnement de Louis XIV, lorsque, le 26 mai, à son réveil, il reçut une nouvelle aussi lamentable, à laquelle rien ne l'avait préparé. On n'avait jamais vu une plus grande révolution en moins de temps. On n'était qu'an commencement de la cama pagne, et déjà les ennemis étaient en état de faire tout ce qu'ils voudraient. — Pour moi, dit Mme de Maintenon, j'ai été étonnée, frappée, abattue, indignée, pétrifiée dans le premier moment. Le roi en souffrit d'autant plus profondément qu'il s'imposa la contrainte de contenir ses émotions : J'avoue, dit encore Mme de Maintenon[11], que la souffrance de le voir souffrir et se contraindre est grande. La foi vint à son aide ; le sentiment chrétien, et le besoin de ne pas faillir à sa dignité et à ses devoirs, lui conservèrent la présence d'esprit et l'activité nécessaire. Nous n'avons pas été heureux en Flandre, écrivait-il à Philippe V[12] ; il faut se soumettre aux jugements de Dieu, et croire que, si nous profitons des disgrâces qu'il nous envoie, elles nous procureront des biens solides et éternels. Il écrivait aussi à son ministre[13] : Toutes les nouvelles sont accablantes ; mais il ne faut pas se laisser abattre, ni manquer à faire tout ce qui est possible pour sortir de l'état où nous sommes. Il envoya Chamillard en Flandre pour con naitre l'état et l'esprit de l'armée et les mesures à prendre. Préoccupé des dangers de la Flandre maritime, et des convoitises de l'Angleterre sur les côtes, il confia à Vauban le défense de Furnes, Dunkerque, Bergues, Gravelines et de tout le pays en dépendant. La voit publique se déchaînait contre Villeroi à l'armée et dans Paris. Sacrifiant sa vieille amitié, il lui annonça avec les ménagements les plus délicats qu'il ne pouvait lui laisser son commandement, et l'invita, pour s'épargner l'apparence d'une disgrâce, à donner de lui-même sa démission. Le malheureux Villeroi accueillit cette proposition comme une injure, prétendant prouver qu'il n'avait pas mérité de perdre sa place ; il répondit si durement à ces marques d'amitié, que Mme de Maintenon renonça à lui écrire dans la crainte d'être aussi mal traitée que le roi : Louis XIV tint bon, il appela Vendôme au commandement de l'armée de Flandre, et déclara dans la patente qu'il fallait à cette armée un chef qui s'attirât la confiance des chefs et des soldats, et redonnât aux troupes cet esprit de force et d'audace si naturelle à la nation française. Ce choit contribua au moins à calmer l'opinion, comme on put le voir aux acclamations lui accueillirent le duc de Vendôme à son passage à Paris[14]. Ces mesures furent insuffisantes, tant avaient été rapides les conséquences de la bataille de Ramillies. Jour par jour, ville par ville, Marlborough occupait les Pays-Bas espagnols. Le lendemain de la bataille, 24 mai, l'électeur et Villeroi, ne se croyant pas en sûreté à Louvain avec les tristes débris de leur armée, avaient reculé derrière le canal de Bruxelles ; Marlborough, accouru sans délai, s'était emparé de Louvain. Le 26, Villeroi et l'électeur reculèrent au delà de la Dender ; Marlborough, continuant à avancer, occupa Bruxelles et Malines. Le 27, Villeroi et l'Électeur ne crurent plus pouvoir tenir que derrière L'Escaut, ils se réfugièrent à Gand ; mais Marlborough ayant poussé de ce côté, ils se retirèrent derrière la Lys sous Courtray ; Marlborough occupa Gand, Bruges et Damme, et fit sommer les gouverneurs d'Anvers, d'Oudenarde et de Dendermonde, d'imiter l'exemple de ceux qui avaient déjà reconnu l'archiduc pour leur souverain. Quand Chamillard arriva le 1er juin, il crut reconnaître, comme Villeroi, que la dernière chance de salut consistait à ne plus tenir la campagne, jusqu'à ce qu'on eût pu reformer une armée, et à disperser les restes de l'armée vaincue et les troupes amenées par Marcin, dans les villes les plus importantes du pays espagnol, et dans les places françaises les plus rapprochées de la frontière. Pendant qu'ils s'éloignaient de Coudray pour cette opération, Marlborough continua ses progrès. Le 4 juin, il occupait Oudenarde ; quelques jours après Anvers se rendit par la trahison du gouverneur espagnol, qui força la garnison française à se retirer. Dendermonde résista mieux ; mais Courtray fut occupé par Marlborough le 3 juillet ; Ostende, après une rigoureuse défense, n'obtint qu'à grand'peine les honneurs de la guerre, le 8 juillet. Lorsque Vendôme arriva, il n'y avait pas encore d'armée prête ; il ne put sauver ni Menin, ni Dendermonde, ni Ath ; il n'y eut que la mauvaise saison, qui, en forçant les vainqueurs à séparer leurs troupes, donna quelque répit aux Français. Une seule chose avait réussi : Vauban par des inondations, par un camp retranché sous Nieuport, par une sage distribution des troupes que le roi lui fit donner, imposa fièrement aux ennemis, et décida Marlborough à se retirer des bords de la mer. Pendant qu'Ostende se débattait dans les derniers efforts de la résistance, Vauban sauva Nieuport et Dunkerque, son œuvre de prédilection, avec tout le pays maritime dont il avait le commandement. Ce fut son dernier exploit et un complément à sa gloire qui le montra aussi habile à sauver les places fortes qu'à les prendre[15]. Mais ce succès, précieux pour la France, ne compensait pas pour les deux couronnes la perte des Pays-Bas. Après les Pays-Bas ce fut le tour de l'Italie. Les dispositions prises par Vendôme après la victoire de Calcinato fermaient aux Impériaux le passage depuis le Tyrol et le Trentin jusqu'au Ferra rais, depuis la Rocca d'Anfo à l'ouest du lac de Garda jusqu'à l'emboua tire de l'Adige. Il se flattait de couvrir ainsi le Milanais, le Bressan, le Mentouan et les positions des Français sur la rive droite du Pô. Les Impériaux, pour communiquer par terre avec le duc de Savoie, n'avaient plus que l'État ecclésiastique et le pays de Gênes. Sur cette assurance, Louis XIV avait autorisé le siège de Turin, proposé depuis longtemps et avec an fracas qui avait averti l'ennemi de s'y préparer. La Feuillade, le gendre de Cham i liard, en fut chargé à la grande joie de son beau-père, qui croyait déjà le voir maréchal de France. Ce présomptueux s'était permis de dédaigner les leçons de Vauban ; au lieu d'assiéger Turin par la ville entière, il prétendait l'attaquer d'abord par la citadelle seules et à ceux qui lui objectaient l'opinion du maitre des ingénieurs, il répondait témérairement : Je le prendrai à la Cohorn. Remarquons qu'il n'était pas seul à cette époque à contredire Vauban ; Villars en avait donné l'exemple à Kehl, et Vendôme s'en donnait les airs à propos de Turin. Louis XIV lui-même, malgré sa juste confiance en Vauban, laissa agir La Feuillade à son gré. Peut-on s'empêcher de reconnaître, dit Saint-Simon, que, lorsque Dieu veut châtier, il commence par aveugler ? Vauban ne devait être que trop vengé de ces dédains. Le siège de Turin, commencé dans les premiers jours de juin, trains en longueur d'abord par la facilité qu'une attaque si défectueuse laissa aux assiégés pour se défendre. Puis le duc de Savoie sortit sans peine d'une ville non investie, et se mit à courir le pays dans l'espérance d'attirer La Feuillade à sa poursuite, de diviser ses forces, de l'épuiser lui-même par des courses fatigantes, et d'assurer, en diminuant le nombre des assiégeants, la résistance de la place. La Feuillade donna dans le piège : laissant le siège à un lieutenant, il se lança sur les traces du fugitif qui le conduisit à Moncalieri, à Chivas, à Asti ; il prit dans Mondovi la famille du prince de Carignan, mais laissa échapper Victor-Amédée ; il essaya sans succès d'occuper Coni, et revint au siège avec une cavalerie harassée, de plus grandes difficultés à vaincre et beaucoup de temps perdu. Chamillard ne put se dispenser de relever cette faute et d'en gronder le coupable. L'affaire capitale de l'État, lui écrivait-il[16], est celle dont vous êtes chargé ; et de la prise de Turin dépend l'événement de la guerre d'Italie. Si vous n'aviez pas à craindre des secours étrangers, vous ne pourriez mieux faire que de vous rendre maitre de toutes les avenues. Je ne sais si vous n'auriez pas employé plus utilement à prendre la hauteur des Capucins, la petite armée que vous avez formée pour le siège de Cherasco et pour celui d'Asti. On eût dit qu'une influence non moins maligne, à l'autre extrémité de l'Italie, troublait l'esprit de Vendôme et lui ôtait l'intelligence de la situation. Il s'était persuadé un peu vite qu'il avait fermé au prince Eugène la rentrée en Italie ; il ne voyait pas que ses troupes dispersées sur une si longue ligne, du lac de Garda à l'Adige, n'étaient en force suffisante sur aucun des points particuliers que l'ennemi pouvait attaquer. Le prince Eugène, moins convaincu de l'impossibilité de s'ouvrir un chemin, et assuré de la connivence de Venise, assemblait dans le Véronais une armée qui augmentait, tous les jours ; c'était des Hessois, des Palatins, des Saxons de Gotha, des Prussiens, des Danois, et ce qui restait des vieilles troupes de l'Empereur en Italie, le tout montait à quarante mille hommes. Les alliés, écrivait Chamillard, ont résolu de secourir Turin à quelque prix que ce soit. Devant cette menace la prudence commandait aux Français de quitter l'Adige, de se masser et de concentrer la résistance sur le Mincio. Vendôme ne voulut rien entendre, il s'acharna à répéter que l'Adige était sa meilleure ligne de défensive ; il alla jusqu'à écrire au roi : Il faut que l'armée périsse plutôt que d'abandonner cette rivière, et de laisser entrer les ennemis dans le Bressan[17]. Pendant qu'il se reposait sur cette confiance en lui-même, Eugène attaqua un des postes français les moins garnis sur l'Adige (8 juillet), et en dix jours fit franchir à son armée l'Adige, le canal Blanc et le Pô. Il fallut bien alors que Vendôme rétrogradât sur le Mincio, et à peine il y avait pris position, qu'il reconnut qu'Eugène formait deux corps de ses troupes, l'un pour menacer le Milanais par la route du Mincio, l'autre pour avancer vers le Piémont par la droite du Pô. La situation était compromettante ; il en fut délivré fort à propos par l'ordre du Roi qui l'appelait au commandement de l'armée de Flandre ; et il laissa à son successeur la charge de réparer sa faute ou plutôt d'en subir les conséquences déplorables. Ce successeur était le duc d'Orléans, neveu du roi, assisté du maréchal de Marcin. Le prince, connu depuis Nerwinde pour, sa valeur, attendait impatiemment l'honneur de commander en chef ; il était difficile de débuter au milieu de circonstances plus pénibles. Le siège de Turin, qu'il visita en passant, était si mollement conduit, que la tranchée n'était pas encore faite, ni aucun ouvrage de l'ennemi entamé, et qu'on avait diminué le feu du canon dans la crainte d'épuiser trop vite les munitions : En Lombardie, la double marche annoncée par Eugène exigeait deux résistances à la fois, deux armées, pour lesquelles les Français étaient trop faibles de nombre. Le duc d'Orléans se résigna néanmoins à laisser quelques troupes derrière lui pour couvrir le Milanais, pendant qu'il suivrait lui-même avec les autres la marche des Impériaux vers le Piémont. Quoiqu'il y déployât beaucoup d'activité, tout contribua à favoriser les progrès de l'ennemi. Sur la rive droite du Pô, les retranchements étaient dégradés, les places dépourvues de munitions de guerre et de bouche ; les affluents du fleuve, desséchés dans cette saison, n'offraient aucun obstacle à l'agresseur, aucun poste aux Français pour en disputer le passage. Le défilé de Stradella, indiqué par Vendôme, pouvait seul barrer la route ; Eugène craignait d'y échouer, et le duc d'Orléans avait donné des ordres pour en assurer la défense ; mais La Feuillade allégua les besoins du siège de Turin pour ne pas y envoyer les bataillons nécessaires. Eugène donc, par la même route que Stahrenberg, avança de Reggio à Parme, à Plaisance, franchit le défilé de Stradella, et déjà il poussait des postes entre Alexandrie et Tortone. Le due d'Orléans jugea dès lors qu'il n'y avait plus d'autre ressource que d'aller rejoindre La Feuillade sous Turin, et de former par cette réunion une armée qui fût encore capable d'imposer à l'ennemi. Il trouva le siège dans un état déplorable : Pas un ingénieur ni un officier d'artillerie qui sût conduire une aussi grande besogne ; nul concert entre eux, nulle activité dans aucune des parties ; l'infanterie affaiblie par les fatigues ou les pertes de la tranchée, au point qu'à peine testait-il deux cents hommes à chaque bataillon[18]. Pour comble de malheur une attaque sur la demi-lune et les contre-gardes échoua tristement après un commencement de succès (25 août). Le prince Eugène approchait ; le duc de Savoie, sorti de ses montagnes avec sa cavalerie, ralliait ses auxiliaires. Une bataille était imminente. Le due d'Orléans représenta qu'il ne convenait pas de l'attendre dans les lignes où les troupes n'auraient pas la liberté de se déployer ; il voulait marcher à l'ennemi. Mais Marcin, La Feuillade, les lieutenants généraux réunis en conseil de guerre, opinèrent tout autrement. Le pauvre Marcin en particulier, tout troublé du pressentiment de sa mort prochaine[19], semblait avoir perdu la tête ; il s'opposa même au nom du roi à ce qu'on fit descendre pour prendre part au combat les bataillons qui occupaient la montagne. Le 7 septembre, Eugène et Victor-Amédée, après une canonnade bien nourrie, lancèrent leurs troupes contre les retranchements français dont plusieurs n'étaient pas même achevés. La défense fut aussi vigoureuse que l'attaque ; deux fois les assaillants furent repoussés ; Eugène eut son cheval tué, mais sa persévérance à revenir à la charge ranima la bataille : Victor-Amédée la décida par un mouvement bien calculé. Il avait remarqué que la droite des retranchements n'était pas garnie ; il s'y porta impétueusement et renversa tout ce qui s'y trouvait. Le centre fut aussitôt percé, et la ligne séparée ; la gauche, longtemps soutenue par le canon d'une hauteur, finit par céder ; Marcin était frappé mortellement, le duc d'Orléans avait deux blessures à la hanche et au bras ; il donna l'ordre de la retraite. Tout plia, tout se retira, abandonnant l'artillerie et les munitions. Le résultat de la bataille de Turin fut moins prompt que celui de la bataille-de Ramillies, mais il fut encore plus décisif. Au lendemain même (9 septembre) les troupes françaises laissées en Lombardie par le duc d'Orléans remportaient une véritable victoire à Castiglione, et fermaient de ce côté l'entrée du Milanais au prince de Hesse, lieutenant d'Eugène. Un bon nombre de garnisons françaises dans les principales villes étaient en état et en disposition de disputer à Eugène les fruits de sa victoire, et le général autrichien, avec des troupes harassées, n'était pas pressé d'entreprendre des sièges pénibles. Mais par une résolution malheureuse, par des conseils timides, le duc d'Orléans, au lieu de se replier sur le Milanais, avait ramené son armée dans les Alpes, pour prendre le temps de la refaire. Ce fut une faute irréparable ; cette armée ne put rentrer en Piémont. Les ennemis en profitèrent pour saisir les postes les plus faciles à aborder. Le duc de Savoie reprit le fort de Bard, Ivrée, Verrue. Dans le Milanais le parti autrichien, ou les populations, lasses de la guerre, livrèrent à l'archiduc comme au légitime souverain, Novare, la ville de Milan, moins le château (24 septembre), Pavie (2 octobre), Tortone, Alexandrie, Casal ; dès le mois de novembre, Louis XIV proposait un arrangement pour la neutralité de l'Italie et l'évacuation des garnisons françaises. Cet expédient, qui devait se conclure au mois de mars suivant, équivalait pour l'Espagne à la perte du Milanais et du royaume de Naples, et pour le duc de Mantoue à une spoliation complète. Pour comble de malheur dans cette année désastreuse, la royauté de Philippe V avait paru s'effondrer en Espagne même dans une catastrophe incomparable. Pendant que Philippe V, au printemps, assiégeait Barcelone, Berwick avait à contenir à l'ouest les Portugais et leurs alliés[20]. Les troupes lui manquaient ; les gouverneurs des provinces espagnoles lui refusaient leur assistance ; chacun voulait avoir son armée à soi, aucun ne se prêtait à former en commun une armée assez considérable pour égaler le nombre de l'ennemi. Il ne put empêcher la prise d'Alcantara, mauvaise place d'ailleurs, et dont la faiblesse s'accrut encore par l'empressement du gouverneur à capituler (14 avril). Ciudad-Rodrigo céda de même (26 avril), et la route de Madrid par Salamanque se trouva ouverte. Tout à coup les plus mauvaises nouvelles arrivèrent de Barcelone, au moment même où l'occupation du Montjouich par les assiégeants commandait encore la prudence aux alliés. Une flotte anglaise de trente-cinq voiles venait au secours, forçait le comte de Toulouse, trop faible avec vingt vaisseaux, de rentrer à Toulon, et ravitaillait la place de vivres et de soldats. Philippe et le maréchal de Tessé, regardant comme inutile de continuer le siège, décampèrent le 12 mai, abandonnant cent pièces d'artillerie, cent cinquante milliers de poudre, trente mille sacs de farine, et une grande quantité de bombes, boulets et outils. Louis XIV en reçut la nouvelle deux jours après celle de Ramillies[21] ; et il apprit en même temps que son petit-fils, se voyant la retraite coupée par l'Aragon en révolte, avait passé le Ter, et marchait sur Perpignan, sans autre chemin que de tourner les Pyrénées pour revenir à sa capitale. Le malheur d'Espagne, pas plus que le malheur de Flandre, n'ôta à Louis XIV la fermeté d'esprit nécessaire pour y apporter du remède. Il annonça sans délai à Philippe V que trente bataillons et vingt escadrons de l'armée française de Barcelone, qui rentrait en Roussillon, reprendraient la route d'Espagne par Bayonne ; il l'invita à dominer noblement sa douleur, étant, lui écrivait-il[22], du sang dont vous êtes, et dans le rang où Dieu vous a placé. Philippe V se montra digne de ces conseils. Il courut en poste à cheval de Pau à Pampelune, de Pampelune à Madrid, et là il trouva une première récompense dans l'accueil enthousiaste des Castillans. Mais la capitale n'offrait aucune sûreté. Dès que les généraux alliés avaient appris la levée du siège de Barcelone, ils s'étaient mis en marche vers Madrid ; ils espéraient y trouver les Anglais de Catalogne, et écraser enfin d'un seul coup sous leurs forces réunies la royauté française. Berwick, trop faible pour livrer une bataille, ne pouvait que les amuser, comme il dit, par des manœuvres douteuses, et son but était surtout de s'avancer au delà de Madrid derrière l'Hénarès, jusqu'à Guadalaxara, pour hâter sa jonction avec les renforts de France. Dans cette nécessité, la jeune reine Gabrielle de Savoie se retira sur Burgos avec les Conseils, tantôt exposée à être prise par des partis d'Anglais, tantôt manquant de lit ou de pain[23], mais toujours intrépide et d'autant plus populaire. Philippe se rendit à l'armée de 13erwick, pour se montrer aux Espagnols, et réfuter le bruit, répandu par ses ennemis, qu'il se réfugiait en France. Aussitôt qu'il fut sorti, la plupart de ces grands d'Espagne, dont nous connaissons les intentions, écrivirent aux alliés pour hâter leur arrivée à Madrid. Ces lettres étaient nombreuses et signées sans honte. Un historien espagnol[24] affirme qu'il en a eu la copie entre les mains, et que, s'il ne nomme pas les signataires, c'est par ménagement pour les premières familles du royaume. D'autres, impatientés de la lenteur des alliés, allèrent au-devant d'eux ; quelques-uns prenaient même la route de la Catalogne pour en ramener plus tôt l'archiduc. Attirés par tant d'assurances, les Portugais et les Anglais entrèrent à Madrid le27 juin, dans tout l'appareil du triomphe et proclamèrent Charles III ; un détachement envoyé par eux en fit autant à Tolède avec le concours empressé de la reine douairière, veuve de Charles II. Ce fut pour leurs soldats, après les longues marches depuis la frontière du Portugal, une étape dont ils abusèrent. Ils se livrèrent à tous les excès de l'oisiveté, aux vins d'Espagne, à la débauche. Les protestants d'Angleterre et de Hollande se donnèrent la satisfaction de triompher du culte catholique ; ils entraient dans les églises le chapeau sur la tête, insultaient aux cérémonies, et bravaient les Espagnols dans leurs sentiments les plus intimes. Un de leurs généraux en chef était le Français Ruvigny, protestant émigré en Angleterre, fils de l'ancien ambassadeur de Louis XIV, et devenu mylord Galloway par la grâce de Guillaume III. Cependant à Madrid même, les vainqueurs s'aperçurent qu'ils n'étaient les maîtres qu'en apparence. La population n'avait pas répondu aux cris de vive Charles III. Les rues étaient habituellement désertes, les portes et les fenêtres fermées. Tout étranger qui se risquait dans un lieu écarté tombait sous les coups de, stylet ; d'autres étaient victimes de voluptés perfides et meurtrières auxquelles les prenaient avec préméditation des femmes de mauvaise vie, déterminées à concourir aussi à la délivrance. Dans les villes, dans les campagnes, on se levait en masse pour Philippe V. A Salamanque, les habitants avaient emprisonné les partisans de l'archiduc. A Tolède son drapeau fut renversé et la reine douairière gardée à vue. La Manche, l'Andalousie levaient des troupes ; on compte 4.000 chevaux, et 14.000 miliciens fournis par Séville, Cordoue, Grenade, Jaen. Les peuples de l'Estramadure entre le Tage et la sierra de Ga ta se mirent sous les armes. Les protestations de fidélité à Philippe V affluaient de la Vieille et de la Nouvelle-Castille[25]. Il était évident que le royaume de Castille restait fidèle à la nouvelle dynastie, moitié par attachement à Philippe V et à sa femme, moitié par haine contre les peuples de la couronne d'Aragon qui paraissaient se déclarer pour l'archiduc. Si au lieu de s'amuser à Madrid,
écrit Berwick, à faire proclamer l'archiduc et à y
attendre de ses nouvelles, ils — les alliés — eussent
marché tout de suite après moi, ils m'auraient infailliblement chassé par
delà l'Èbre avant l'arrivée des secours. L'indécision changea la
fortune, et sauva contre toute attente Philippe V. Berwick eut le temps de
recevoir des volontaires espagnols, et toutes les troupes françaises, sana
que l'ennemi s'aperçût de leur marche, pendant quarante lieues de pays, et
sur la frontière d'Aragon. L'arrivée de l'archiduc (fin de juillet) hâta la crise.
Le prétendant n'amenait avec lui que 7.000 hommes, les alliés pour le
rejoindre évacuèrent Madrid. Immédiatement Philippe V fit reprendre cette
ville, le jour même (4 août) marqué par
les Autrichiens pour l'entrée de leur roi. En s'approchant pour observer
l'armée de Berwick, ils reconnurent qu'elle leur était supérieure en nombre,
et bientôt se virent fermer le retour en Portugal ou en Estramadure, à moins
de livrer une bataille. Mais comment risquer de perdre une bataille dans un
pays soulevé, où les vaincus, les fuyards pouvaient être assommés à chaque
pas ? Ils reculèrent de poste en poste jusqu'au royaume de Valence. Le
vigilant Berwick ne leur laissa aucun repos ; il assura la délivrance de la
Castille par l'occupation de Cuença ; et, quand il les vit tourner vers la
ville de Valence, il courut à Murcie où l'appelait l'évêque, délivra Murcie
assiégé, prit Orihuela et Carthagène, et remonta entre Albacète et Almanza.
L'hiver venu il sépara ses troupes, fort content de cette campagne
singulière, commencée sous de si sombres auspices, et terminée avec tant
d'utilité pour les deux couronnes. Les deux armées,
dit-il, firent pour ainsi dire, le tour de l'Espagne
; elles commencèrent la campagne aux environs de Badajoz, et après s'être
promenées en travers des deux Castilles, la finirent aux royaumes de Murcie
et de Valence, à cent cinquante lieues de là. Nous fîmes quatre-vingt-cinq
camps, et quoique tout se passât sans action générale, nous en tirâmes autant
d'avantage que si l'on eût gagné une bataille ; car de compte fait, nous
fîmes dix mille prisonniers. Philippe V et la reine étaient rentrés dans Madrid aux acclamations générales, aux cris de meurent les traîtres ! Louis XIV les félicitait de leur rétablissement et de l'amour de leurs sujets. Il leur écrivait[26] : Vos ennemis ne doivent plus espérer de réussir, puisque leurs progrès n'ont servi qu'à faire éclater le courage et la fidélité d'une nation toujours également brave et constamment attachée à ses maîtres. C'était là sans doute un de ces éclairs de joie que madame de Maintenon était heureuse de lui voir dans ce temps d'épreuves[27]. Mais ce n'était qu'un éclair. L'horizon redevenait bien vite sombre et menaçant. Il avait en vain, après Ramillies, offert la paix à la Hollande, consentant, selon le témoignage de Torcy[28], à perdre l'Espagne pour conserver les Deux-Siciles ; les Hollandais avaient repoussé tout arrangement[29]. Ses alliés, dont il tenait à gloire de sauvegarder les intérêts, succombaient pour sa cause, sans qu'il lui fût permis d'entrevoir par quel retour de fortune il pourrait les relever. L'empereur Joseph Ier avait, de sa seule autorité, et contrairement au droit germanique, mis au ban de l'Empire les électeurs de Bavière et de Cologne, ajoutant ainsi la dégradation à la conquête[30] ; et cette dureté n'annonçait que trop le sort qu'il réservait aux princes d'Italie, et en particulier au duc de Mantoue. Pendant que le roi perdait ainsi ses ressources et ses espérances l'une après l'autre, ses ennemis resserraient encore leur alliance, par une résolution énergique de traiter en commun ; et l'Angleterre complétait son unité conformément au projet de Guillaume III, et enchaînait l'Écosse à sa politique, par une convention qui confondait désormais les deux peuples en un seul gouvernement, avec un seul parlement, sous le nom de royaume de Grande-Bretagne. L'accord, débattu dans les conférences de Cockpit, près de Whitehall, en avril 1706, fut ratifié par les Écossais en janvier 1707. |
[1] Dangeau, Saint-Simon. Note du duc de Luynes sur Dangeau : M. de Vendôme, en quittant le roi, lui avait dit qu'il attaquerait lis ennemis ce jour-là, et qu'il les battrait. Sa Majesté y comptait si fort, qu'Elle ne craignit pas de le déclarer avant d'avoir reçu aucune nouvelle.
[2] Pelet, tome VI : relation de Vendôme et résumé des événements, pages 147 et suivantes.
[3] Œuvres de Louis XIV, tome VI. Nous citons ce billet comme un type de la part que le roi donnait à Mme de Maintenon dans les affaires, et aussi de sa confiance et de son affection pour elle : Je crois que vous ne serez pas fâchée de la nouvelle que je viens de recevoir. M. de Vendôme, avec douze cents chevaux, a battu toute la cavalerie ennemie, au nombre de quatre mille cinq cents ; tous les officiers généraux y ont fait merveille, Longueval y a été blessé. Vous en saurez tantôt davantage. Je ne pourrai être chez vous qu'à trois heures ; prenez des mesures pour éviter les importuns. Je suis très-fâché de ce retardement, mais le conseil ne finira pas plus tôt.
[4] Maintenon au duc de Noailles, avril 1705.
[5] Note du duc de Luynes sur Dangeau, du 25 avril 1706.
[6] Pelet, tome VI, pages 407 et suivantes.
[7] Mémoires de Villars : lettre de Villars à Mme de Maintenon, an 1711.
[8] Dangeau, 30 avril 1706.
[9] Correspondance de Fénelon : première section ; lettres au duc de Bourgogne, aux ducs de Beauvilliers et de Chevreuse et à leur famille. Cette lettre n'est pas datée ; mais il suffit de la ville d'Ath dont il parle, et qui fut occupée par les alliés après la bataille de Ramillies, pour reconnaître que la lettre est antérieure à cette bataille, et ne peut avoir été écrite plus tard qu'en 1706.
[10] Pelet, tome VI : Campagne de Flandre, passim.
[11] Lettres de Mme de Maintenon au duc de Noailles, juin 1706.
[12] Œuvres de Louis XIV, tome VI.
[13] Lettre du roi à Chamillard, 1er juin 1706 : Pelet, tome VI, page 52.
[14] Entre les preuves de bienveillance de Louis XIV pour Villeroi, an moment même de sa destitution, on cite toujours œ mot charmant qu'il lui aurait adressé à son retour : Monsieur le maréchal, on n'est plus heureux à notre âge. Nous dévons dire que nous avons vainement cherché ce mot dans les contemporains. Il n'est pas dans Dangeau, ce chroniqueur si fidèle aux dates. Il n'est pas dans Saint-Simon, qui pourtant n'omet rien des avances affectueuses et patientes, prodiguées alors par le souverain à son sujet, et qui en fait, avec raison, un titre d'honneur pour le vieille affection du souverain. Il n'est pas dans les lettres de Louis XIV à Villeroi ; ni dans la correspondante de Mme de Maintenon, qui se plaint de la mauvaise humeur du maréchal. Nous n'avons donc pas cru devoir admettre ce mot parmi les faits historiques, malgré le crédit dont il jouit dans les histoires modernes.
[15] Il existe, dans les Oisivetés de Vauban, un mémoire qui a pour titre : De l'importance dont Paris est à la France et de la nécessité de le conserver. Ce mémoire démontre qu'il serait utile et possible de fortifier Paris, et donne le plan des travaux, approprié à l'état où se trouvait alors la capitale. On a cru, et Allent, dans son Histoire du génie, affirme catégoriquement que ce travail est de 1706, qu'après les désastres de cette année, on conseillait à Louis XIV de se retirer derrière la Loire, et que Vauban s'opposa à ce projet en démontrant qu'il fallait garder Paris, et qu'on pouvait s'y défendre. La lecture du mémoire réfute complètement cette assertion. Il n'a point de date ; il n'y est nulle part question des désastres de 1706, ni d'aucun malheur présent. Par les périodes d'années qui y sont supputées, il remonterait à peu près à 1685, au plus tard à 1690. Vauban y parle des travaux de toute sorte et de la terre remuée depuis vingt-deux ans, et de la prospérité constante du royaume depuis vingt-cinq ou trente ans ; ce qui indiquerait comme point de départ, ou l'avènement de Louis XIV après la mort de Mazarin, en 1661, ou le commencement des travaux de fortifications auxquels Vauban a donné le premier élan pendant la guerre de Dévolution. Nous voilà bien loin de 1706. Au lieu de calamités qui exigent un prompt remède, il constate la prospérité ou est Paris, et la difficulté qu'aurait un jour l'ennemi à forcer la frontière et à pénétrer dans l'intérieur du royaume ; mais comme ce mal n'est pas impossible, il serait. à son avis, de la prudence du roi d'y pourvoir de bonne heure. Il sait bien que les esprits ne sont nullement préparés à cette proposition. Cependant, dit-il, cette pensée qui, dans le commencement, se m'a passé que fort légèrement dans l'esprit, s'y est présentée si souvent qu'à la fin elle y a fait impression ; mais, n'osant la proposer à cause de sa nouveauté, j'ai du moins cru la devoir écrire, espérant qu'il se trouvera un jour une personne autorisée qui, lisant ce mémoire, y pourra faire réflexion. Ainsi, le projet de fortifier Paris est une étude spéculative, inspirée à Vauban par la considération de l'importance de cette ville, par la comparaison entre la capitale et les autres villes de France qu'il garnissait de forteresses, et comme le couronnement de ce grand système de défense dont la plus grande gloire lui appartient. C'est une idée d'ensemble, et non l'effet d'une nécessité particulière et imprévue.
[16] Chamillard à La Feuillade, 8 juillet 1706 : Pelet, tome VI.
[17] Pelet, tome VI.
[18] Pelet, tome VI, page 261.
[19] C'est un secret qui a été révélé par une lettre de Marcin à Chamillard, conservée au ministère de la guerre.
[20] Mémoires de Berwick.
[21] Dangeau, Journal, 28 et 29 mai.
[22] Œuvres de Louis XIV, tome VI.
[23] Lettres de la princesse des Ursins à Mme de Maintenon.
[24] Mémoires de Saint-Philippe ; voir la Princesse des Ursins, par Combes, chapitre XXI.
[25] Mémoires de Berwick et de Noailles.
[26] Œuvres de Louis XIV, tome VI.
[27] Mme de Maintenon au duc de Noailles, 12 août 1706.
[28] Mémoires de Torcy.
[29] Lettre de Chamillard à Marcin, 15 juin 1706 : Pelet, tome VI, page 497.
[30] Dumont, tome VIII : lettres patentes de l'empereur Joseph, 29 avril 1706 ; décret commissorial du 10 mai 1706.