II. — Des lettres et des sciences pendant la guerre de la seconde coalition. - Suppression des pensions royales. - Langueur de l'Académie des sciences. - Querelle des anciens et des modernes. - Derniers travaux des grands écrivains. - Faiblesse du théâtre. - Commencements de Fénelon et de Massillon. - Travaux soutenus des Érudits. C'est en vain que Boileau avait cru promettre à Louis XIV la victoire à perpétuité, et aux lettres une inspiration toujours féconde, dans cette antiphrase qui ouvre sa huitième épître : Grand roi, cesse de vaincre ou je cesse d'écrire. En dépit de l'espérance du courtisan, la victoire avait cessé même dans les batailles où l'ennemi n'était pas vainqueur, et la gloire littéraire du pays s'éclipsait comme la gloire des armes. Il avait encore trop présumé du pouvoir et de la munificence du maître, quand, à la fin de l'Art poétique, il garantissait aux beaux-arts les regards d'un astre favorable, et au mérite les sages libéralités d'un prince éclairé. La guerre avait absorbé les subventions aux lettres et aux sciences comme les encouragements à l'industrie et au commerce. Depuis la mort de Colbert, on ne trouve plus de liste annuelle de gratifiés, et bientôt on n'entend plus parler des pensions royales que par quelques exceptions en faveur d'écrivains plus particulièrement attachés au service du roi. Racine et Boileau, ses historiographes, parviennent encore à obtenir leurs ordonnances ; mais avec quelle peine et quelle industrie ! Outre qu'il y a un peu de diminution, il y faut l'heureuse entremise de Mme de Maintenon, la bonne volonté des Pontchartrain père et fils, surtout une grande attention à saisir le bon moment pour être payé, et même la générosité de Boileau, qui moins pressé que son ami, consent de bonne grâce à le laisser servir le premier, et à ajourner sa propre satisfaction[1]. Nous avons déjà vu que, dès 1694, le roi cessa de payer l'Académie des sciences et la petite Académie, comme l'année suivante il renonça à faire la dépense d'une flotte à la mer. Nous voyons encore à la même époque divers écrivains pensionnés, non plus par le roi, mais par quelque prince, comme La Bruyère qui reçoit une rente de mille écus du prince de Condé, ou comme le jeune Lagrange-Chancel que soutient la princesse de Conti, fille bâtarde de Louis XIV. La Fontaine, après la mort de Mme de La Sablière, n'a plus guère de ressources que dans les libéralités assez fréquentes du duc de Bourgogne, qu'il amuse par ses dernières fables. Sans cela, il céderait aux invitations de Saint-Évremond et de plusieurs lords anglais qui le tentent d'aller finir sa vie outrer mer[2]. A cet abandon correspond un dépérissement sensible dans les travaux et les ouvrages de l'esprit. Ce dépérissement est signalé par les contemporains, même dans l'Académie des sciences. Les mémoires de cette Académie disent, à la date de 1692, que Pontchartrain lui donna alors pour chef l'abbé Bignon son neveu, et que, sous la direction de ce Mécène, la compagnie fut tranquille au milieu des guerres auxquelles les académiciens ne prirent que la part des autres sujets du roi zélés pour la gloire d'un si grand prince[3]. Mais cette affirmation de prospérité constante est formellement démentie par Fontenelle dans quelques-uns des éloges des académiciens. L'Académie, dit-il, par le concours de quelques circonstances malheureuses, était tombée dans une assez grande langueur. Souvent on ne trouvait pas de quoi occuper les deux heures de séance[4]. Un écrivain tout moderne[5] impute cette langueur à la mauvaise direction donnée par Louvois, encouragée par le roi et certains courtisans, qui détournait les savants du véritable esprit scientifique vers l'esprit pratique, et leur faisait chercher dans la science, non pas tous ses secrets, mais avant tout des applications usuelles : dans l'astronomie un perfectionnement de la navigation, dans la géométrie l'art de fortifier les places, dans les calculs un secret pour gagner à la bassette, au quinquenove, au hoca et au lansquenet. Sauveur en particulier aurait ainsi perdu thon temps à instruire les courtisans joueurs, et à prendre part au siège de Mons pour mieux connaître. le métier de Vauban. En 1692, la vie commença de se ranimer un peu. L'abbé Gallois fut chargé de publier chaque mois les travaux de l'Académie après en avoir épuré le style. Pontchartrain plaça dans la compagnie Tournefort pour la botanique et Homberg pour la chimie. Cet Homberg était un Hollandais de Batavia que sa conversion à la religion catholique avait séparé de sa patrie, et disposé à devenir Français, c'est lu i qui fut plus tard le chimiste du duc d'Orléans. Sa grande abondance, dit Fontenelle, contribua beaucoup à soutenir la compagnie. Tournefort l'honora aussi par la publication (1694) de ses Éléments de Botanique, méthode pour connaitre les plantes, son premier ouvrage, où tout d'abord il enseigna une classification que ses découvertes ultérieures en Europe et en Orient ont à peine modifiée[6]. A Homberg et à Tournefort, en peut joindre encore le nom de Varignon avec son projet d'une nouvelle mécanique, ses théories sur les lois du mouvement, sur les forces centra les et sur la résistance des milieux du mouvement. Il contribua avec les deux autres à dissimuler la stérilité de cette époque critique, mais ces renforts sont déclarés insuffisants par Fontenelle ; il faut attendre la réorganisation qui suivra la paix, pour voir une ère nouvelle s'ouvrir à l'Académie des sciences. L'Académie française semblait atteindre enfin l'objet de son institution. En 1694, elle publia son dictionnaire. Ce n'était pas trop tôt, si l'on suppute le temps écoulé depuis sa fondation (1635-1694), c'est-à-dire soixante ans. Aussi l'abbé Regnier, son secrétaire, a-t-il cru devoir expliquer dans la préface cette lenteur plusieurs fois signalée par la dérision publique ; il fait valoir l'incertitude des commencements de la compagnie, l'interruption de ses assemblées, la longueur des délibérations dont nous avons vu que Colbert avait reconnu la nécessité[7], et l'exemple de l'Académie de la Crusca, qui avait employé quarante années à produire le dictionnaire de la langue italienne. Ces raisons sont fort acceptables ; il n'en faut pas juger par l'impatience française, qui, comme le remarque l'abbé d'Olivet, demande souvent l'impossible, une extrême diligence et une extrême perfection[8]. Un grief plus sérieux, encouru à cette époque par l'Académie française, c'est de s'être lancée à corps perdu dans la querelle des anciens et des modernes, et d'avoir absorbé, dans une dispute sans solution et sans profit, le temps et la capacité des esprits supérieurs eux-mêmes. On peut d'abord apprécier cette querelle par la valeur des hommes de chaque parti. Quels étaient les défenseurs si acharnés des modernes ? A l'exception du seul Fontenelle, engagé avec eux par des haines personnelles, c'étaient tous les hommes médiocres du temps. Le jugement qu'en porte un des soutenants des anciens, le baron de Longepierre, quoique un peu rude dans la forme, est au fond l'exacte vérité : Esprits superficiels, dit-il[9], qui croient se faire honneur en chargeant d'injures les anciens, qui osent blâmer ce qu'ils n'entendent pas, qui, sans goût, sans mérite, sans lumière, ne pouvant se rendre recommandables par eux-mêmes et désireux de réputation aux dépens de leur propre honneur, cherchent du moins à se signaler par d'illustres inimitiés, et à attirer les regards du public par quelque excès honteux et condamnable. On peut encore juger les modernes par la mauvaise foi avec laquelle ils posaient la question. De quoi s'agissait-il en effet ? De savoir si les écrivains et les artistes modernes l'emportaient sur les écrivains et les artistes anciens, de comparer genre à genre, Homère à Chapelain, Sophocle à Corneille, Euripide à Racine, Molière à Plaute et à Aristophane, La Fontaine à Phèdre, Apelle à Lebrun, Phidias à Coysevox ou à Puget, etc., etc. ; c'est la méthode qui fut si judicieusement indiquée par Boileau dans un de ses derniers écrits sur la question[10]. Sur ce terrain on aurait constaté sans peine, ici l'égalité entre les anciens et les modernes, ailleurs la supériorité des modernes, ailleurs encore la supériorité des anciens ; et Boileau lui-même finit par donner, dans l'ensemble, la supériorité aux modernes. Au lieu de se borner à ces matières qui sont le plus agréable objet du bel esprit, et qui, procédant du cœur et des sentiments de l'homme, ont pu se faire jour dans tous les temps, les modernes glissèrent dans les éléments du débat la physique, l'astronomie, la navigation, et jusqu'à l'invention des lunettes[11], c'est-à-dire des sciences dont la perfection dépend du cours des années, et où la vérité est fille du temps. Ils y comptèrent aussi les mœurs, les convenances, le luxe, le bien-être matériel, tous progrès Où ils étaient bien sûrs de ne pas rencontrer de rivaux, afin de s'assurer, dans leur parallèle, la majorité des avantages. Ainsi, tai jour, ils concluent la supériorité des modernes de ce qu'il y avait plus d'or et de marbre dans le palais de Versailles que dans les jardins d'Alcinoüs. Plus loin, au profit des Mœurs modernes, ils tournent en dérision là Didon de Virgile et surtout cette Vénus, horrible impudente, qui prie Vulcain, son mari, de lui forger des armes pour son bâtard. Ils oubliaient que Louis XIV, ce grand moderne, qu'ils prétendaient mettre de leur parti par leur système, avait imposé plus d'une complaisance à sa femme pour les bâtards de la Montespan. Deux choses étaient bien faites pour mettre en colère les partisans des anciens et justifier le jugement de Longepierre. Les modernes, sauf quelques réserves polies, affectaient pour l'antiquité un dédain et une dérision inconvenante vis-à-vis de ces vieux génies consacrés par l'admiration des siècles. Jusque dans .le sous-titre de leurs pamphlets, ils insultaient à ceux dont ils prétendaient détruire la renommée. C'étaient des réflexions sur Pindare où l'on enseignait l'art de ne pas comprendre ce grand poète, ou des parallèles dans lesquels on voit la poésie portée à son plus haut point dans les opéras de M. Quinault. En vers comme en prose, ils entassaient contre Homère, par exemple, après un éloge glissé pour la forme, toutes les pauvretés qu'ils prétendaient avoir relevées dans ses œuvres, et ils terminaient par une condamnation superbe à la gloire de leur supériorité[12]. Ailleurs, ils y mettaient moins de façons ; ils traitaient Platon de philosophe qui a des visions si bizarres, et Homère de poète qui dit des choses si peu sensées. Ils ne ménageaient pas davantage les partisans de l'antiquité. ; leurs contradicteurs n'étaient que des pédants, des hommes gagés et payés pour faire entendre cette prévention aux jeunes gens, de longues robes noires ou des bonnets carrés, des esprits étroits qui n'avaient pu rien faire de mieux que d'apprendre parfaitement les langues anciennes. Ce qui irritait et redoublait l'impatience dans le parti contraire, c'est qu'ils ne tiraient tant d'aplomb que de leur ignorance flagrante. Ils savaient évidemment fort peu les langues anciennes, et surtout le grec ; ils ne connaissaient ou jugeaient les anciens que sur des traductions plates ou décolorées, ou sur les contresens qu'ils commettaient eux-mêmes avec une assurance imperturbable. Retournant leurs propres fautes contre leurs ennemis, ils se vantaient de les accabler, et ils ne s'apercevaient pas qu'au contraire ils leur mettaient en ma in de nouvelles armes. Boileau a relevé leurs principales bévues[13] ; elles sont si grossières qu'on n'a pas de peine à croire qu'elles ont été faites de bonne foi ; mais ici la sincérité même est un témoignage plus péremptoire d'ineptie. Qu'on lise seulement de quelle manière il faut entendre la première strophe de Pindare, et de quelle manière Perrault l'a défigurée, ou l'absurde langage prêté à Nausicaa pour n'avoir pas compris les divers sens légitimes d'un mot grec, ou la burlesque comparaison d'Ulysse avec un boudin sur le gril, dont il n'y a pas un mot dans l'Odyssée, on sera tenté de n'en pas demander davantage, de refuser à de tels critiques l'honneur d'un examen sérieux, et de ne pas même leur tenir compte de quelques idées justes qu'ils rencontrent çà et là. C'est ce qui est arrivé tout naturellement à Boileau et à plusieurs autres au XVIIe siècle. Ces idées, non méprisables assurément, étaient la fécondité permanente de la nature capable de produire de grands génies dans tous les temps, comme elle donne chaque année de riches moissons et d'abondantes vendanges, l'indépendance du génie dont c'est le propre de tirer sa principale force de lui-même bien plus que des exemples du passé, le développement ajouté au domaine de l'esprit par les expériences .et les découvertes successives des siècles, enfin les inspirations nouvelles apportées par la différence des temps, des mœurs, des religions, et, puisqu'il s'agissait d'influence religieuse, celle du christianisme à qui les lettres ont dû, dès le second siècle, une première renaissance. Tout cela pouvait servir d'arguments aux modernes. Mais si Boileau ne loue pas Perrault de ces idées, il ne les réfute pas non plus, et, sauf la préférence accordée dans l'Art poétique à la mythologie, et l'exclusion du merveilleux dans les sujets chrétiens, on ne trouve nulle part dans ses écrits qu'il refusât aux modernes l'indépendance et le progrès ; on trouve au contraire, dans sa dernière lettre à Perrault, qu'il mettait plus d'un moderne au-dessus de l'antiquité. Aussi bien ces idées n'appartenaient pas à Perrault, elles circulaient en France, non-seulement depuis Boisrobert, mais encore depuis Descartes. Ceux même qui n'en faisaient pas une théorie, les appliquaient dans la pratique par l'impulsion naturelle du progrès, et en tiraient des chefs-d'œuvre. Elles avaient donné la supériorité à Molière et à La Fontaine sur les anciens, sans que Boisrobert en eût le mérite. Elles avaient créé le Cid, Polyeucte, Athalie et le Discours sur l'histoire universelle, sans empêcher Corneille d'estimer fort Lucain et Tite-Live à côté des Espagnols, Racine de révérer Sophocle, et Bossuet d'être enthousiaste d'Homère. La conciliation était donc faite d'elle-même. Ce furent les partisans des modernes qui brouillèrent les esprits par leur impatience, toute française, d'être tout de suite proclamés les premiers, sous le couvert de ceux dont ils prenaient le nom pour s'approprier leur gloire. Notre siècle, écrivait un ami de La Fontaine[14], a produit de très-grands hommes... mais nous ne sommes pas contents de ces louanges, et, à moins de mettre les anciens sous nos pieds, nous ne croyons pas être assez élevés La querelle, ouvertement engagée en 1687 par le Poème du siècle de Louis le Grand, prit une nouvelle ardeur en 1688 par la publication du plus grand ouvrage de Perrault, d'un premier volume des Parallèles des anciens et des modernes, qui devait être suivi de trois autres. Elle passionna dès lors les esprits, et s'étendit même aux pays étrangers. Les Français réfugiés en Hollande, Basnage, Bayle, prirent parti dans le débat, et dans une intention évidemment favorable aux modernes. En Angleterre, les deux opinions eurent immédiatement leurs représentants : du côté des anciens, Temple, le chevalier Temple, l'ancien diplomate, auquel devaient succéder Boyle et Swift ; du côté des modernes Wootton, le plus impartial des disputants, et Bentley. Il est même juste de reconnaitre que ce fut à l'étranger que la discussion déploya le plus d'esprit, de talent et d'intelligence de la question[15]. En France elle ne produisit aucun ouvrage remarquable, supérieur et décisif. Perrault dépréciait les anciens avec passion ; ses adversaires tombèrent par passion dans l'excès contraire. La majorité de l'Académie applaudissait de parti pris aux productions plus que médiocres de Perrault et de ses partisans les partisans des anciens ramassèrent avec peu de discernement les moyens de défense. Ainsi Dacier, dans sa préface d'Horace, avançait au profit des anciens, que Horace n'avait rien ignoré, qu'il avait lu les livres de Moïse, et suivi la méthode de Salomon dans ses Proverbes pour inspirer l'horreur de l'adultère. Ainsi Huet, après des réfutations de détail très-sages (1692), abordait maladroitement le fond en soutenant, contre la doctrine du progrès, que tout allait en décadence dans l'humanité, que les terres mêmes étaient moins fertiles qu'au commencement du monde, la taille des hommes plus petite, et les intelligences moins fécondes parce qu'elles étaient moins bien servies par une nature affaiblie. Les littérateurs les plus distingués s'en tenaient habituellement à de petites escarmouches qui agaçaient les adversaires sans les convaincre. Fontenelle, dans son discours de réception à l'Académie (1691), avait affecté de louer les modernes ; La Bruyère, à son tour (1693), ne loua que les anciens. Boileau, dans les premières années, s'était borné à quelques épigrammes contre Perrault et contre l'Académie, auxquelles Perrault avait été assez sensible pour en compter plus qu'il n'y en avait, et les appeler une grêle d'épigrammes[16]. En 1692, Boileau fit un pas de plus ; les attaques de Perrault contre Pindare lui inspirèrent la pensée d'une ode pindarique à la louange du roi, pour enseigner à Perrault comment il fallait entendre l'ode, et apprécier ces mouvements et ces transports où l'esprit parait plutôt entraîné par le démon de la poésie que guidé par la raison. C'était l'ode sur la prise de Namur. Hélas ! en dépit de la connivence de Racine et de quelques admirateurs qui la traduisirent en latin[17], Boileau, forçant son talent, ne pouvait rien faire avec bonheur selon son propre précepte. Il la publia comme une réponse à ces étranges dialogues, où tous les grands écrivains de l'antiquité étaient traités d'esprits médiocres. Malheureusement, ainsi que le disait assez finement Perrault, l'œuvre était plus capable de nuire à Pindare si elle lui ressemblait que de profiter aux anciens si elle était bonne. Presque en même temps Boileau, qui méditait depuis longtemps une satire contre les femmes, se décidait à la publier, augmentée d'un coup de dent contre le poème de Saint-Paulin et d'une tirade contre ces femmes qui prenaient parti pour les modernes. Aussitôt Perrault répliqua par une Apologie des femmes, une des plus plates œuvres poétiques qui eussent encore paru, mais qui eut naturellement l'approbation des femmes qu'elle prétendait venger. Cette digression n'avançait nullement la question des anciens et des modernes ; elle servit pourtant les modernes en redoublant la passion des femmes contre les anciens, dans la personne de Boileau, l'ennemi de leur sexe et le grand champion de l'antiquité. Boileau se résolut à entrer plus directement en lutte ; il profita d'une nouvelle édition de ses œuvres pour ajouter à sa traduction de Longin des Réflexions qu'on a pu réunir en un seul ouvrage et qui traitent au moins un côté de la question (1693). Ces réflexions partent évidemment d'une main supérieure, d'un philologue exact, d'un critique judicieux, d'un maître digne d'enseigner les règles par son habileté à expliquer le pourquoi de ce qui est beau. Boileau se propose de prouver à Perrault que les défauts, reprochés par lui a ti x auteurs anciens, n'existent que dans ses préjugés et ses ignorances. Il lui démontre qu'il n'a compris ni le texte matériel ni les idées des auteurs dépréciés par lui, que d'un côté il a commis des contre-sens monstrueux, que de l'autre le mauvais goût de son parti lui a fait prendre pour bassesse ou grossièreté ce qui est simplicité et naturel, c'est-à-dire la justesse même. Il rétablit avec une précision parfaite le sens défiguré, la pensée travestie par le traducteur incapable ; et il met les anciens hors de cause, en dissipant les erreurs qui étaient le seul argument de leurs adversaires[18]. Il démontre en second lieu que le vrai mérite des ouvrages ne peut être établi qu'à la longue par une approbation soutenue de génération en génération, que les contemporains sont des juges suspects, souvent intéressés dans la louange ou dans la critique, et que les œuvres qui ont subi l'épreuve des temps d'impartialité peuvent seules être proclamées supérieures. Il en apporte pour preuve tant d'auteurs, depuis Nævius jusqu'à Ronsard, objets en leur temps d'un engouement passager, tombés depuis dans un dédain et un oubli dont personne n'a pensé à les tirer. Par ces principes, tout en admirant Racine et Corneille, il ne veut pas qu'on se presse encore de les mettre en parallèle avec Sophocle et Euripide, parce que ni l'un ni l'autre n'a encore reçu le sceau de la durée ; et cette durée même n'est pas la suite des temps seule, mais la continuité de l'admiration. Il ne convient pas de régler l'estime que mérite un ouvrage par le temps qu'il y qu'il dure, mais par le temps qu'il y a qu'on l'admire[19]. En vertu de cette règle, il invite les modernes à une patience et à une modestie qu'il pratique lui-même envers ses amis. De telles raisons sont péremptoires pour tout esprit calme et désintéressé, mais outre que Boileau ne disait rien des principes généraux sur lesquels les modernes fondaient leur supériorité comme un droit de conséquence, il prenait dans ses Réflexions le ton du maitre qui flagelle un écolier ignare ; il imputait de plus à Perrault un calcul d'ambition dans sa persévérance a défendre les auteurs ridicules ou médiocres, sans autre but, disait-il[20], que de placer sur le trône des belles-lettres ses chers amis afin d'y trouver sa place avec eux. Ces rigueurs, quelque méritées qu'elles pussent être, n'étaient pas propres à apaiser les modernes. Perrault de son côté le prenait un peu haut, il avait d'abord affecté d'être poli, bienveillant pour ses adversaires ; il avait fait vœu d'une placidité inébranlable en écrivant en épilogue à la fin d'une préface : Nous dirons toujours des raisons, Ils diront toujours des injures. Maintenant il tournait à l'emportement de mauvais genre. Si Boileau était rude, Perrault devenait grossier. Dans la préface de l'Apologie des femmes, il disait que l'habitude de ramener toujours dans les satires ou les épigrammes les noms de Chapelain, de Coras, de Cotin, était la chose du monde la plus ennuyeuse et la plus dégoûtante. Plus bas, il invitait Boileau à quitter la satire pour les poèmes religieux, et à ne plus voler terre à terre comme un corbeau qui va de charogne en charogne. Dans l'Apologie même, traçant le portrait de Boileau dans celui du pédant, il le représentait crasseux, sauvage, le plus fastidieux comme le plus immonde de tous les animaux qui rampent dans le monde. Enfin, pour venger les femmes des traits du satirique, il l'accusait d'avoir pris son aversion pour le sexe dans la société des femmes perdues. Peut-être que Perrault, 'qui n'était ni grand écrivain, ni surtout grand poète, avait par moments, comme son ami Chapelain, le mot propre difficile, et disait par impuissance plus qu'il n'aurait voulu ; mais enfin les gros mots lâchés n'étaient pas une préparation bien naturelle à une entente prochaine. L'entente ou du moins l'apaisement fut l'effet d'une intervention inattendue. Le grand Arnauld, toujours à Bruxelles, avait l'œil ouvert sur tout ce qui se passait ou se disait en France. Perrault lui avait fait hommage de son Apologie des femmes et de la préface, c'est-à-dire des accusations qu'il formulait contre Boileau : immoralité, pour s'être servi d'expressions telles que musique luxurieuse, lit effronté, etc., diffamation pour avoir qualifié de lubrique la morale de Quinault, médisance par l'habitude de nommer ceux qu'il critiquait dans ses satires. Arnauld, à la grande surprise de l'accusateur, répondit par l'apologie de Boileau, cette apologie dont le satirique s'est tant glorifié dans sa dixième épître. Le sévère janséniste ne trouvait rien que de raisonnable à nommer les vices par leur nom. Il ratifiait la condamnation portée par Boileau contre les opéras et les romans. Il adhérait — et l'on reconnaît ici l'auteur de la Fréquente Communion — à la tirade contre les directeurs relâchés. Il déclarait innocente la critique littéraire qui, tout en nommant les auteurs, ne diffamait pas la vie privée. Puis de la justification il arrivait à l'éloge ; et, plaçant Boileau à un rang supérieur, il invitait Perrault à traiter avec plus de respect un homme entouré d'une si grande considération. Il terminait en souhaitant à l'un et à l'autre l'esprit de charité et de paix qui est la marque des vrais chrétiens. A peine Boileau eut-il reçu la confidence de celte lettre que, poussé d'un vrai mouvement de charité, il offrit la paix à Perrault, un renoncement mutuel, non pas à leurs opinions, mais aux invectives personnelles ; il n'y mettait pour condition que la publication de la lettre d'Arnauld, le plus grand honneur qu'il eût reçu de sa vie. Perrault fit d'abord le difficile ; croyant son adversaire rendu, il essayait d'en profiter pour sa gloire ; il lui fallait des excusés pour son esprit méconnu, un témoignage publié d'estime et d'admiration complète pour ses œuvres. Cette rétractation du bon sens et, du bon goût, Boileau ne pouvait la faire ni en conscience ni avec honneur. Il la refusa. Au bout de quelques mois Perrault, convaincu de l'inutilité de ses exigences, finit aussi par comprendre que, s'il n'obtenait pas l'admiration de Boileau, il gagnerait encore beaucoup à n'avoir plus son inimitié. Il consentit à rendre publique la lettré d'Arnauld. Aussitôt Boileau annonça au public, par une épigramme contre Pradon, que Perrault l'anti-pindarique et Despréaux l'homérique consentaient à s'embrasser (août 1694). Cette réconciliation personnelle des deux chefs n'était pas la dispersion des deux partis. La controverse continua, comme on le voit par la publication du dernier volume des Parallèles de Perrault en 1697, et par la lettre[21] où Boileau explique à Perrault de quelle manière il convient de procéder à la comparaison entre les anciens et les modernes. Mais l'aigreur avait disparu et, avec l'aigreur des combattants, l'intérêt malicieux du public. Boileau, dans les nouvelles éditions de ses œuvres, consentait à supprimer quelques passages trop durs pour Perrault, entre autres ceux de la satire des femmes. Perrault se priva du plaisir de prouver sa thèse par une comparaison entre les plus beaux endroits des poètes anciens et ceux des poètes modernes pour ne pas rester brouillé plus longtemps avec des hommes d'un grand mérite, et dans son dernier dialogue, il évita les questions les plus brûlantes en ne traitant que des sciences, de la médecine, de la musique, de la philosophie, auxquelles les anciens mettaient moins d'importance. Il finit même par quitter cette polémique pour des sujets moins féconds en orages, et mieux appropriés à sa capacité. En 1697 il rédigeait ses contes. Barbe-Bleue, le Chat botté, etc., et de 1696 à 1700 il composa ses notices sur les Hommes illustres du siècle. La querelle des anciens et des modernes languit ainsi jusqu'à ce que, quelques années plus tard, elle se ranimât par la question d'Homère. Elle n'avait pas porté bonheur à la littérature contemporaine. Ces controverses de théories et de préférences n'avaient ni ranimé la vigueur des vieux génies, ni suscité beaucoup de génies nouveaux. Racine, par d'autres motifs, avait déjà renoncé à la gloire d'homme de lettres, et en particulier à celle du théâtre. Il ne compose plus que quelques cantiques qu'on chante devant le roi[22], ou, par une vieille habitude de mordre, quelques épigrammes que Boileau lui envie[23]. Il n'écrit pas même l'histoire du roi, quoiqu'il en ait la charge officielle, et qu'à ce titre il figure dans le voisinage des batailles ou des tranchées. C'est donc bien à tort, comme dit Mme de La Fayette, qu'on l'a tiré de sa poésie, où il était inimitable, pour en faire un historien très-imitable. Telle est même son indifférence en matière de renommée, qu'il ne prend pas la peine de surveiller la dernière édition de ses œuvres, et qu'il en laisse le soin à Boileau[24]. La Fontaine est moins stérile que Racine. Il donne, en 1693, son douzième livre de fables, la fin de ses ouvrages, comme il dit clans les derniers vers. Convenons qu'en effet, on y sent un peu la fin. L'écrivain inféodé au duc de Bourgogne, quoiqu'il n'en soit pas à sa première flatterie, semble un peu gêné dans ses allures. Épuisé sans doute par tant de chefs-d'œuvre, le poète a le choix des sujets moins heureux, la mise en scène moins vive, les moralités moins saillantes. Il donne parfois dans le remplissage, dans les longueurs de prologue et d'épilogue[25]. Il meurt en 1695. Boileau est certainement des trois le plus fidèle à lui-même. Il ne produit pourtant, en quinze ans, que deux satires, trois épîtres[26] et l'ode de Namur ; il en donne quelquefois pour excuse ses infirmités et ses emplois ; mais à part la témérité malheureuse de son essai lyrique, cet infirme n'a rien perdu de ses qualités primitives et tant redoutées. C'est toujours la même vigueur de pensée et de langage, la même verve satirique, la même justesse de termes. Il continue à dire, sans bassesse ou sans inconvenance, les choses les plus petites ou les plus honteuses, et il triomphe dans cet art des transitions qu'il appelle le plus difficile chef-d'œuvre de la poésie et sa plus grande fatigue[27]. L'épître A mes vers est un écho ferme et sonore de la satire A mon esprit ; et la Satire des femmes, malgré les clameurs des femmes et de Perrault, est un modèle de difficulté vaincue et de peinture supérieure. Arnauld y louait le mérite de représenter le vice sans laisser échapper un seul mot qui blessât la pudeur. Bossuet, qui la condamnait au fond comme la dérision du mariage, n'hésitait pas à lui accorder la beauté des vers et des peintures[28]. Le théâtre d'alors peut être jugé par l'oubli où il est
tombé. Campistron, Longepierre, Boyer, tiennent la scène tragique.
Campistron, fort applaudi de son temps, n'est pas même connu aujourd'hui par
son Tiridate (1691), où il
risqua une comparaison avec Racine, dans la représentation d'un amour incestueux.
Pas un caractère marqué, pas une situation frappante,
pas une scène approfondie, pas un vers nerveux, tel est le jugement
bref et vrai que La Harpe porte des œuvres de Campistron. Longepierre échoue
avec sa Médée (1694), et il n'a
laissé de son Sésostris (1695)
que le souvenir de l'épigramme de Racine[29]. Boyer croit un
jour, par sa Judith (1695) et le
talent de la Champmeslé, tenir le public
; mais Boileau avait dit, en apprenant le succès : Je
l'attends sur le papier ; quelques jours après l'impression, Racine
écrivait à son ami : Je n'ai jamais rien vu de si
méprisé dans ce pays-ci, et vos prédictions sont accomplies. Racine a
encore porté sur la fécondité malheureuse de Boyer un jugement dont la malice
n'infirme pas l'exactitude : On prétend que M. Boyer
a fait en sa vie plus de cinq cent mille vers. Si c'était la mode de brûler
les morts, on aurait pu lui faire les mêmes funérailles qu'à ce Cassius
Parmensis, à qui il ne fallut d'autre bûcher que ses propres ouvrages[30]. Un abaissement
si continu de l'art inquiétait parfois Louis XIV ; il aurait voulu former des
poètes. Un jour, il accueillit, sur la recommandation de sa fille la
princesse de Conti, un jeune prodige de dix-sept ans, appelé Lagrange-Chancel.
Il chargea Racine de faire l'éducation dramatique de ce novice, à qui les
vers ne coûtaient rien. Racine, ramené aux idées du théâtre par une
obéissance de cour, aida Lagrange à mettre en état une tragédie de Jugurtha
; il assista même à la première représentation, qui ne fut pas une chute (1694). Mais un Jugurtha précieux, ennemi d'Adherbal par rivalité
d'amour, et une fille de Jugurtha, ennemie d'Adherbal parce qu'elle ne peut
s'en faire aimer, juraient trop avec l'histoire pour convenir longtemps au
public. Lagrange-Chancel n'est pas plus dramatique dans Oreste et Pylade
(1697), où Thoas, amoureux d'Iphigénie,
est poursuivi à son tour par l'amour d'une reine Thomyris, et laisse échapper
Iphigénie par un quiproquo digne de l'opéra-comique. Un seul homme réussit
alors à relever le genre tragique par la peinture des caractères, par la
conduite et l'intérêt toujours croissant de l'intrigue. C'est Lafosse et sa
tragédie de Manlius (1698). Ses
commencements — Polyxène — n'avaient pas fait prévoir ce succès. La
suite ne le soutint pas. La comédie est moins malheureuse. Ce n'est pas qu'il faille en juger par les noms de plusieurs des auteurs qui s'y essayent, et qui, pour avoir eu plus tard u n rang dans la littérature, n'en ont pas moins échoué à leurs débuts. Lamotte-Houdard, par exemple, tomba si complètement à plat avec ses Originaux (1693), que de dépit il se retira à la Trappe, où sa vocation, comme toutes celles qui procèdent de l'orgueil blessé, ne persévéra pas longtemps. Jean- Baptiste Rousseau ne brilla pas davantage par le Café (1692), ni même par le Flatteur (1696), qui lui souffla, dit-on, la première tentation de renier son père ; enflé de quelques applaudissements, il aurait rougi de se laisser reconnaître pour le fils d'un honnête cordonnier. L'homme qui rend à la comédie une valeur réelle, c'est Regnard. On lui a toujours accordé la première place après Molière, toutefois à une distance sensible : Proximus intervallo. Il n'est pas médiocrement gai, a dit Boileau. Il a beaucoup d'esprit gaulois, il saisit vivement les ridicules et les met en scène avec éclat. Il parle une langue de bon goût dans son indépendance, et renforce la vigueur de la pensée par le mordant du style ; il compte donc parmi les écrivains du grand siècle. Mais il n'a pas la philosophie ni le génie d'observation de Molière ; la comédie de caractère n'est son fait qu'en passant, comme dans son Joueur. Il prend plus volontiers les choses par le dehors que par le dedans, et se complaît à développer les incidents comiques beaucoup plus qu'à peindre et à corriger les passions. On dirait même qu'il n'a pas d'antipathie pour le vice, tant il est commode au vice amusant et spirituel. Telle vie, tel écrivain. Riche par l'héritage de son père, marchand aux piliers des halles, et par ses bonheurs au jeu, il jouissait de sa fortune en vrai épicurien, sans autre souci que de son plaisir et de son bien-être[31]. Avide d'aventures, il en avait cherché dans les voyages sur terre et sur mer, et il avait même rencontré la captivité chez les Barbaresques, dont il s'était beaucoup amusé dans un roman. Un accès de cet esprit fantaisiste l'avait porté ensuite à réfuter la Satire des femmes et à entrer en lutte contre Boileau, auquel, plus tard, il rendit les armes par une dédicace grosse d'admiration. Est-il surprenant qu'il se plût aux surprises, aux intrigues, aux émotions plaisantes, et qu'on ne trouve à peu près dans son théâtre que des fripons, des dupes ou des fous[32] qui font rire ? Regnard avait débuté (1688) à la comédie italienne par des farces à verve emportée, à comique surchargé. En 1694, il s'essaya au théâtre français avec peu de distinction — Attendez-moi sous l'Orme — ; mais tout à coup il donna le Joueur (1696) et s'empara de la réputation qui lui est restée. Là, pour la première fois depuis Molière, on trouvait un caractère ou une passion suivie dans tous ses caprices et dans tous ses effets, passant de l'espoir à la crainte, de la résipiscence à la rechute, se condamnant tour à tour et se rassurant contre le remords, et survivant aux leçons les plus capables de la corriger. Là encore, le comique ressortait sans charge du contraste des personnages et de la marche inévitable de l'intrigue. Quoi de plus plaisant que la placidité moqueuse du valet à côté du désespoir incohérent du maître ? La scène où Hector lit Sénèque, pour calmer le joueur ruiné, n'a certainement de supérieure dans aucune comédie, et la mise en gage du portrait d'une femme aimée qui rompt si plaisamment le projet de mariage, n'est pas moins dans la nature que tous ces expédients désespérés auxquels la passion contraint ceux qu'elle domine, au détriment de leurs plus chers intérêts. Mais Regnard ne se maintint pas à cette hauteur. Dès l'année suivante, dans le Distrait (1697), il se réduisit à décrire des situations divertissantes, à présenter, sans instruction pour personne, des contrastes d'humeur. Il en sera de même des surprises qui abondent dans les Menechmes par la ressemblance trompeuse de deux visages, et des roueries triomphantes de Scapin dans le Légataire universel ; toutes situations à grande gaieté, mais qui ne constituent pas la grande comédie. Molière ne serait pas Molière s'il n'avait fait qu'Amphitryon et les Fourberies de Scapin, malgré le génie qui éclate dans les rencontres et dans les vers du premier, et le rire qui s'échappe de chaque phrase du second. Ainsi Regnard ne garde pas longtemps sa place à côté de Molière, mais il conserve jusqu'au bout une grande fécondité de plaisanterie et un langage supérieur. Après Regnard, ou plutôt à côté de lui, on compte Dufrény, qui fut quelque temps son collaborateur, et le comédien Dancourt, dont le théâtre occupe douze volumes. On se souvient peu aujourd'hui de Dufrény, qui d'ailleurs ne réussit pas auprès du public de son temps, quoiqu'il eût de l'esprit et tournât quelquefois les vers avec distinction. Dancourt n'est pas étudié d'avantage ; aussi bien ce n'est pas un littérateur, il n'écrit qu'en prose, et ce n'est pas la prose de l'Avare ou du Festin de Pierre. Il est correct, et sème çà et là quelques mots heureux. On ne petit pas donner à ses comédies le nom de compositions. Elles sont courtes, beaucoup n'ont qu'un acte ; la conduite n'en est guère compliquée, et l'invention se borne à des historiettes grivoises, à des rivalités de classes ou de voisins, à des querelles de ménage, ou des infidélités conjugales[33], à des friponneries de valets ou de soubrettes. Peu important au point de vue de l'art dramatique, Dancourt l'est davantage pour l'histoire, par les jours qu'il jette sur les mœurs de la société, à la fin du XVIIe siècle. On y trouve la fatuité des financiers, ces honnêtes partisans qui ont gagné deux millions au service du roi ; on y sent la haine qu'ils inspirent, aux mauvais tours que leur jouent leurs rivaux d'amour[34]. Ici c'est la sotte vanité des bourgeoises riches, aspira nt à égaler les marquises, et des femmes de notaires établissant chez elles des parties de jeu et de plaisir[35]. Là, des soubrettes se vantent de favoriser les désordres de leurs maîtresses pour devenir maîtresses à leur tour, pendant que les maîtresses ruinées deviendront soubrettes. Ailleurs des maris se défendent d'aimer leurs femmes, ce qui serait du dernier bourgeois, et d'ailleurs se marie-t-on pour cela dans le monde[36] ? A en croire un personnage, il n'y aurait plus de femmes honnêtes : Presque toutes sont coquettes, dit-il, on en convient ; on le leur pardonne comme défaut de tempérament, et ce n'est que leur bon ou mauvais choix qui fait qu'on les méprise ou qu'on les estime[37]. Voilà bien encore un signe de décadence. Le vice autrefois avait au moins la pudeur de ne pas s'ériger en droit, et les amours de comédie ne prétendaient justifier leurs entreprises que par le bon motif. Aujourd'hui il s'avoue hautement pour ce qu'il est ; c'est plus que de la franchise, c'est la crudité de la pensée et du langage. Cependant la fécondité du grand siècle n'était pas encore épuisée. Si les nuages commençaient à s'amonceler autour du soleil, l'astre les rompait çà et là par de brillants rayons. Si la première génération des écrivains de génie pâlissait et menaçait de disparaître, il leur naissait quelques jeunes frères, dignes deux, quoique enfants de la vieillesse. C'est surtout dans l'Église que nous les trouvons. L'abbé de Fénelon avait consenti (1688) à laisser imprimer son traité de l'Éducation des filles et le Ministère des pasteurs. On avait aussitôt admiré dans l'un la finesse et la profondeur de la pensée, et, sous un style charmant, plus d'idées justes et utiles, plus de vérités pratiques et de saine morale, que dans de volumineux ouvrages sur le même sujet. Dans l'autre, la force de la controverse, malgré l'esprit de douceur et de modération toujours uni à la vigueur du raisonnement, avait inquiété les protestants jusqu'en Hollande, et suscité des essais de réfutation[38]. Cette publication avait consacré l'importance de l'auteur déjà préparée par les missions du Poitou. Fénelon en était devenu précepteur des petits-fils de Louis XIV (1689). Dans ce nouveau ministère, à propos de l'éducation des princes, il élevait à la belle littérature des monuments qui ont survécu à leur première destination ; ces Fables, ces Dialogues des morts, si abondants, à l'usage de tous, en vérités morales et en instruction historique, et ce Télémaque réservé à tant de disputes sur ses intentions et ses utopies, mais, de l'aveu général, une merveille de grâce et de style, et le modèle de la poésie en prose. Seulement, ces chefs-d'œuvre n'étaient pas encore connus du public[39] pour qui l'auteur ne s'inquiétait pas de travailler. Fénelon n'avait pas davantage recherché la gloire d'orateur sacré, quoiqu'il eût, dès 1686, frappé l'attention par un éclatant sermon sur la vocation des gentils. Sa manière même d'entendre la prédication, qu'il a expliquée plus tard, le détournait de composer pour la chaire des œuvres capables de passer à la postérité. Mais la place, qu'il ne prenait pas à la suite de Bossuet et de Bourdaloue, ne tarda pas à être occupée par Massillon. Massillon, ordonné prêtre en 1692, appartenait à la
congrégation de l'Oratoire. Il débuta dans la chaire par des oraisons
funèbres d'évêques : Villars, archevêque de Vienne en 1694, Villeroi,
archevêque de Lion, quelques mois après. Il annonça, dans ces deux occasions,
par ses apostrophes aux relâchés, un énergique vengeur de la discipline et de
l'honneur ecclésiastique. Il eut ensuite la pensée d'embrasser la Vie
monastique à Sept-Fonts ; mais cet essai ayant échoué, les oratoriens lui
confièrent, dans leur séminaire de Saint-Magloire à Pari, le soin de faire des
conférences aux aspirants au sacerdoce. Il s'y montra propagateur ardent du
véritable esprit sacerdotal, et y déploya des qualités oratoires qu'on peut
admirer encore aujourd'hui. Dès lors, jugé capable de la grande prédication,
on l'envoya prêcher le carême à Montpellier (1698)
; l'année suivante il prêcha l'avent à la cour. Son entrée dans le grand
monde mérite d'être remarquée comme à-propos et comme acte de courage. Il
avait pris pour texte du sermon de la Toussaint : Beati
qui lugent. Voici comment il le commenta : Sire, si le monde parlait ici à la place de Jésus-Christ, sans doute il
ne tiendrait pas à Votre Majesté le même langage. Heureux, dirait-il, le
prince qui n'a jamais combattu que pour vaincre, qui n'a vu tant de
puissances armées contre lui que pour leur donner une paix glorieuse... Mais Jésus-Christ ne parle pas comme le monde : Heureux,
vous dit-il, non celui dont l'histoire va immortaliser le règne et les
actions dans le souvenir des hommes, mais celui dont les larmes auront effacé
l'histoire de ses péchés du souvenir même de Dieu ; heureux enfin celui qui a
pu se donner la paix à lui-même et bannir de son cœur les vices et les
affections déréglées qui en troublent la tranquillité. Ce tour habile,
mélange de respect et de liberté, qui ramenait les esprits des pensées d'une
gloire affaiblie à la contemplation sérieuse de la vertu et des devoirs,
saisit vivement tous les auditeurs et décida de la fortune oratoire de
Mis-sillon. Louis XIV lui-même, toujours sensible à ce qui était grand, même
contre lui, accepta la leçon en disant au prédicateur à la fin de la station
: Mon père, j'ai entendu plusieurs grands orateurs dans
ma chapelle, j'en ai été fort content ; pour vous, toutes les fois que je
vous entends, je suis très-mécontent de moi-même[40]. L'érudition est sans doute de tous les travaux de l'esprit celui qui ressent le moins le contre-coup des événements contemporains, si l'on en excepte l'érudition de secte ou de faction qui va chercher dans le passé des arguments pour le présent. Ce parti pris de vivre au milieu des temps anciens, ou des pays étrangers, comme dans la solitude et loin du bruit, ne se laisse pas détourner de son objet par les préoccupations qui déroutent les travaux ou changent le style de tant d'écrivains. Aussi l'époque de la seconde coalition n'est pas moins fertile que les autres en érudits de premier ordre et en collections de riches matériaux historiques. Nous y trouvons encore Baluze, qui publie ses Vies des papes d'Avignon (1693) ; nous n'y regrettons que la prévention qui rend le savant favorable çà et là aux ennemis de ces pontifes. Quelquefois déjà Baluze avait mis son savoir au service des desseins de Colbert contre la puissance pontificale, et ce n'est pas pour son savoir tout seul qu'il obtient ici les louanges de Basnage[41]. Le zèle des bénédictins ne se ralentit pas. Pendant que Mabillon commence ses Annales de l'ordre de Saint-Benoît, Martène, qui sera un des continuateurs de Mabillon, publie de lui-même ses Antiques Rites monastiques (1690), et Ruinart, qui sera parfois un collaborateur de Martène, donne ses Actes sincères et choisis des premiers martyrs (1689) ; un peu plus tard son histoire de la Persécution des Vandales (1694) ; histoire de l'Église primitive, histoire du moyen âge et des Barbares, tout est fouillé et mis à la disposition des historiens futurs par ces infatigables chercheurs. Mais deux grands monuments marquent surtout cette époque ; ce sont les in-quarto de Le Nain de Tillemont, et la bibliothèque orientale de d'Herbelot. Le Nain de Tillemont est le type de l'érudit. Libre, dit-il, de tout engagement particulier, mais ne se croyant pas dispensé de l'obligation d'employer son temps d'une manière digne d'un homme et d'un chrétien, il s'était confiné dans une petite maison solitaire, et là il travaillait à réunir en corps et en récit suivi les documents divers de l'histoire ecclésiastique et profane des six premiers siècles. De là deux ouvrages : les Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique, et l'Histoire des empereurs. Le premier, dit-il, appelait le second, par la liaison étroite qui existe entre l'histoire sainte et l'histoire profane, et par la nécessité de faire connaître ces princes, ces magistrats et ces grands du siècle qu'on voit si souvent mêlés dans les affaires de l'Église. Il les composa simultanément et commença à les publier en 1690 ; sa mort, en 1698, laissa à ses amis le soin d'achever la publication. L'Histoire des empereurs comprend six volumes in-quarto, les Mémoires pour l'histoire de l'Église en remplissent quatorze. L'Histoire des empereurs n'a pas d'autre plan que l'ordre des années, ce sont des annales complètes par l'assemblage des originaux, chacun déposant de ce qu'il sait ou confirmant le témoignage des autres. L'auteur n'y cherche d'autre mérite personnel que l'exactitude ; il ne fait pour ainsi dire que des extraits et des abrégés des auteurs, et souvent s'attache même à leurs expressions quand elles ont quelque chose de grand, de singulier, ou qu'elles nous marquent quelque usage ancien. Les Mémoires se composent de biographies des saints dans l'ordre chronologique, entremêlées, selon le temps, de l'histoire des persécutions, des hérésies, ou de personnages importants, tels que Clément d'Alexandrie ou Tertullien. Ce n'est donc pas une histoire d'ensemble, mais une division par titres qui ne présente qu'une chose à la fois, sans qu'on sache ce qui se passait en même temps dans le reste de l'Eglise. L'auteur, qui pressent l'objection, essaye de s'excuser par la faiblesse de son esprit incapable d'embrasser tant de choses à la fois, par la difficulté de placer certains faits personnels dans une histoire générale, et par l'exemple des biographies de Plutarque et de l'histoire romaine d'Appien. Mais ce défaut de composition n'ôte rien à la plénitude, à la solidité de science dans chacune des parties isolées. Tillemont craignait pourtant de n'être pas irréprochable même sous ce rapport, et il faisait appel, pour réparer ses erreurs, aux lumières des autres, avec une modestie que plus d'un savant ferait bien de méditer. Si des personnes qui auront autant d'amour pour la vérité que l'auteur souhaite d'en avoir, mais qui auront plus de lumière ou d'application que lui pour la découvrir, remarquent qu'il s'en soit souvent écarté... on les supplie de sa part pour l'amour de cette même vérité, d'envoyer aux libraires un mémoire de leurs remarques et de leurs raisons, ils verront qu'on est très-disposé à se rendre à leurs raisons et à suivre leurs sentiments. Cette simplicité, au lieu de critiques malveillantes, lui a concilié une confiance qui se traduit encore aujourd'hui par le surnom expressif de mulet des Alpes qui ne bronche pas. D'Herbelot, dont nous avons vu les commencements (tome III, ch. XIX), avait patiemment et activement poursuivi ses études sur les nations orientales. Après avoir composé un dictionnaire persan et turc, le plus ample qu'on puisse souhaiter, il avait ramassé une collection prodigieuse des histoires fabuleuses ou vraies de tous les peuples (lu Levant, et d'abondantes notions de leur géographie, de leur théologie, de leurs sciences et arts et de leurs savants. Il était en mesure d'exposer leurs traditions sur l'origine du monde et d'en montrer la concordance avec celle des chrétiens, de retracer, à la manière des musulmans, l'histoire ancienne de l'Asie et de la comparer aux récits des Grecs, de suivre d'après les mêmes traditions l'établissement de la postérité de Japhet dans la Chine et dans les pays septentrionaux, d'établir l'histoire des Arabes, des khalifats, des Seldjoucides, des Mongols, des dynasties de la Perse, mouton noir et mouton blanc, des Ottomans et des empereurs de Constantinople, d'exposer la géographie de toute l'Asie et de toute l'Afrique, et de montrer, par le nombre et les ouvrages des auteurs orientaux, que ces populations étaient bien éloignées de la barbarie qu'on leur impute en Occident. De ces trésors de savoir, il composa la Bibliothèque orientale, et comme complément une Anthologie pour recevoir ce qui ne pouvait convenablement trouver place dans le grand ouvrage. Malheureusement la Bibliothèque Orientale a la forme d'un dictionnaire ; tout y est disposé par ordre alphabétique. Les noms des hommes et des choses, des dynasties, des contrées, des souverains et des villes, des savants et des rivières, y sont rangés sans aucune suite historique. On trouve à la file Abaka-Khan, huitième empereur de la dynastie de Gengis-Khan, Ahad, qui, en langue persane, signifie bâtiment, Abadan, ville de l'Yrak babylonien, Abadi, auteur d'un livre arabe, intitulé Aacub-Alketub. Au nom d'une dynastie comme celle des Abassides, on trouve, il est vrai, les noms de tous les khalifes qui en font partie, énumérés chronologiquement, mais il faut aller chercher, à l'ordre de sa lettre initiale, l'article des détails attribués à chacun. L'article du khalife Almamon précède celui de Haroun, son père, de toute l'avance de la lettre A sur la lettre H, et l'article de Haroun est placé entre celui de Harmozan, seigneur persan, du temps d'Isdegerd, et celui du château d'Haroun, dans l'Irak. La préface justifie cette méthode comme le seul moyen d'insérer dans le livre plusieurs choses indifférentes à l'histoire générale, qui trouveraient difficilement place dans un récit suivi, telles que la description des lieux fameux, des plaines, des fontaines, etc., et les titres des ouvrages orientaux. L'excuse nous parait faible ; un pareil livre n'est bon qu'à consulter, non à lire à la suite ; il n'est même abordable qu'à ceux qui, connaissant déjà les éléments essentiels et la chronologie des histoires d'Orient, savent quels noms il faut chercher, et, en courant de l'un à l'autre, peuvent profiter avec ensemble de la science de l'auteur. Néanmoins, c'était un grand travail, le premier qui révélât l'Orient à l'Europe. La France avait l'honneur, comme se l'était proposé Colbert, de prendre le pas dans ce genre d'études sur les nations voisines. D'Herbelot, mort en 1695, n'avait pu achever la publication ; son frère termina l'impression en 1697 et dédia au roi la Bibliothèque orientale. A propos de cette offrande et des grands événements racontés dans ce livre, il trouva moyen de consoler le potentat vaincu à Ryswick par une comparaison avec les puissances d'Orient. Si d'Herbelot, dit-il, vivait encore, il n'aurait pu s'empêcher de préférer ce que la France a fait depuis peu d'années contre le reste de l'Europe à tout ce que les plus puissantes nations d'Asie ont exécuté en plusieurs siècles. |
[1] Racine à Boileau, 30 mars 1693 : Quant à nos ordonnances, M. de Pontchartrain me promit qu'il nous les ferait payer aussitôt après le départ du roi. C'est à vous de faire vos sollicitations... Enfin on m'assure qu'il faut presser et qu'il n'y a pas un moment à perdre... Le même au même : Songez à nos ordonnances... Boileau à Racine, 6 juin : Je vous ai mandé ce que M. de Pontchartrain avait répondu touchant nos ordonnances. Comme il a fait la distinction entre les raisons que vous aviez de le presser, et celles que j'avais d'attendre, je m'en vais ce matin chez Mme Racine, et je lui conseillerai de porter votre ordonnance à M. de Bie à part ; je ne doute pas qu'elle ne touche au plus tôt son argent. Pour moi, j'attendrai sans peine la commodité de M. de Pontchartrain.
[2] D'Olivet, Histoire de l'Académie française.
[3] Mémoires de l'Académie des sciences, tome II.
[4] Fontenelle, Éloges de l'abbé Gallois et de Homberg.
[5] Maury, les Académies d'autrefois : Académie des sciences.
[6] Fontenelle, Éloge de Tournefort : Il divisait les plantes en quatorze classes différentes d'où l'on descend à 673 genres, et de là à 8.646 espèces de plantes de terre et de mer connues jusqu'au temps où le livre parut. De retour d'Orient, après 1700, il présenta 1.356 nouvelles espèces de plantes dont la plupart se rapportaient aux 673 genres établis par lui, et pour le reste il n'eut à établir que 23 nouveaux genres, sans aucune augmentation de classes.
[7] Voir plus haut, ch. XIX, parag. 2.
[8] D'Olivet, Histoire de l'Académie.
[9] Longepierre, Discours sur les anciens, 1687.
[10] Boileau, lettre à Perrault, 1700.
[11] Perrault, cinquième dialogue.
[12] Voir les Parallèles, tome III, page 125. Perrault dit que les ouvrages d'Homère, admirables en certains endroits, sont pleins de grossièreté, de puérilité et d'extravagance. Voir, dans le poème du siècle de Louis le Grand, la tirade où trois vers à la louange d'Homère sont suivis de quarante-trois autres contre ce vaste et puissant génie, qui se terminent par cette moquerie :
... Ton esprit s'égare et prend de tels essors
Qu'Horace te fait grâce en disant que tu dors.
[13] Dans les Réflexions sur Longin.
[14] Maucroix à Boileau, 1695.
[15] Voir à ce sujet l'Histoire de la Querelle des anciens et des modernes, par Rigault. Ce livre donne de très-agréables délaite sur ces travaux étrangers. Nous y renvoyons le lecteur avec la confiance qu'il ne s'y ennuiera pas. Nous ne nous permettrons qu'une coule critique sur cet ouvrage, ou plutôt ce testament littéraire, d'un ancien collègue mort prématurément. Par quelques motu qui omet la seconde partie, et par le défaut de précision des dates, ou pourrait croire que le débat ne commença en Angleterre qu'après qu'il se fut amorti en France par la réconciliation de Boileau et de Perrault. Or l'ouvrage de Temple : Essai sur le savoir des anciens et des modernes, en était déjà à sa seconde édition en 1690, et les Réflexions de Wootton parurent au plus tard en 1694.
[16] Il y en a six : Pour quelque sot discours... D'où vient que Cicéron ?... Clio vint l'autre jour... Le bruit court que Bacchus... J'ai traité de topinambour... Ne blâmez pas Perrault.
[17] Voir les lettres où Racine laisse passer cette composition sans la critiquer, et la lettre d'Arnauld à Perrault où il dit que trois des meilleurs poètes latins de ce temps ont bien voulu prendre la peine d'en faire chacun une ode latine.
[18] Réflexion III, IV, VIII.
[19] Réflexion VII.
[20] Réflexion III.
[21] Publiée en 1700.
[22] Lettres de Racine à Boileau, 1694, septembre, octobre.
[23] Voir l'épigramme contre la Judith de Boyer. On disait un jour à Boileau : Savez-vous que M. Racine est ainsi satirique que vous ? — Dites, répondit Boileau, qu'il est plus malin que moi. Bolæana, LXXX.
[24] Bolæana, LXXXV.
[25] Voir le Soleil et les Grenouilles, allégorie peu piquante des hostilités des Hollandais contre Louis XIV ; le Singe, dont la moralité n'est pas claire ; le prologue et la conclusion du Milan, le Chasseur et le Roi.
[26] Les Femmes, l'Honneur, A mes vers, A mon Jardinier, l'Amour de Dieu.
[27] Boileau à Racine, 7 oct. 1692 : C'est un ouvrage qui me tua par la multitude des transitions.
[28] Bossuet, Traité de la Concupiscence, ch. XVIII : Il ne se met pas en peine, s'il condamne le mariage et s'il en éloigne ceux à qui il a été donné comme un remède. Pourvu qu'avec de beaux vers il sacrifie la pudeur des femmes à son humeur satirique et qu'il fasse de belles peintures d'actions souvent très-laides, il est content.
[29] Ce fameux conquérant, ce vaillant Sésostris
Qui, jadis en Égypte, au gré des destinées,
Véquit de si longues années,
N'a vécu qu'un jour à Paris.
[30] Racine à son fils, 24 juillet 1698.
[31] Il a dit lui-même dans le Mariage de la Folie :
Faire tout ce qu'on veut, vivre exempt de chagrin,
Ne se rien refuser, voilà tout mon système,
Et de mes jours ainsi j'attraperai la fin.
[32] Merlet, Extraits des classiques français, poésie : Il y a là une courte appréciation de Regnard aussi vive qu'exacte, aussi serrée que spirituelle. Il est vraiment regrettable que ce recueil, si remarquable par le bon choix des morceaux, la finesse des appréciations, la brièveté et l'intérêt des notices biographiques, ne soit pas depuis longtemps entre les mains de tous les élèves des hautes classes.
[33] Voir le Mari retrouvé, 1698 ; le Moulin de Javelle, 1696.
[34] Foire de Saint-Germain, 1696, et Retour des officiers, 1697.
[35] Les Bourgeoises à la mode, 1692.
[36] Foire de Besons, sc. VII, 1695.
[37] Foire de Saint-Germain, sc. XXV, 1696.
[38] Voir Basnage : Histoire des ouvrages des savants, 1689.
[39] Les premières Fables publiées l'ont été furtivement on 1899 ; rien n'a paru des Dialogues des morts avant 1700. La première édition du Télémaque, arrêtée à la 208e page, est de mai 1699. Nous n'apprécierons le Télémaque qu'à l'époque où il commença à être connu et suscita ces difficultés qui font partie essentielle de la politique de Louis XIV dans la dernière période de sa vie.
[40] Abbé Bayle, Étude sur Massillon.
[41] Basnage, Histoire des ouvrages des savants, 1693.