II. — Années 1696 et 1697. - Pénurie d'argent. - La noblesse vendue. - Projet de descente en Angleterre. - Toujours les bombardements et Jean Bart. - Le duc de Savoie se détache de la coalition. - Congrès de Ryswick ; prise de Barcelone. - Paix de Ryswick. L'obstacle souverain aux grandes hostilités était le manque d'argent. L'Angleterre elle-même en souffrait par suite d'une réforme monétaire, qui, en retirant la monnaie justement décriée, ne pouvait pas mettre assez vite la nouvelle à la portée de tous les besoins. Cette réforme, depuis longtemps reconnue nécessaire, venait d'être décrétée par le nouveau parlement, et sévissait dans toute sa rigueur au commencement de 1696. Les hautes classes avaient peine à payer comptant leur dépense de nourriture, les manufacturiers à solder chaque semaine leurs ouvriers. Il fallait recourir aux bons ou promesses souscrites qui n'avaient d'autre crédit que celui de leur souscripteur, et ne valaient, par conséquent, qu'auprès de ses connaissances. Toutes les ressources du revenu public étaient taries par les embarras particuliers ; une de celles qu'on avait destinées à défrayer la guerre ne rendait plus même un shilling. L'armée, qu'on ne pouvait entretenir à l'étranger qu'avec de l'or ou de l'argent, n'offrait aucune garantie de solidité. Un jour Guillaume écrivait du continent que, sans de prompts subsides, les troupes allaient se mutiner ou déserter[1]. La France ne savait plus à quels expédients se vouer. Le
roi venait d'inventer encore des charges de triennaux aux gardes du trésor
royal, aux intendants de la marine et des galères ; il y joignait bientôt des
jaugeurs de futailles par tout le royaume, pour tirer de ces dignités
ridicules quelques millions[2]. Mais comme cette
recette ne durait guère, il offrait maintenant la noblesse, à qui en voudrait,
pour de l'argent (mars 1696). Les considérants
de cette opération financière sont assez curieux pour mériter de figurer dans
l'histoire des embarras du grand règne. Si la noble
extraction, y est-il dit[3], et l'antiquité de la race qui donne tant de distinction
parmi les hommes, n'est que le présent d'une fortune aveugle, le titre et la
source de la noblesse est un présent du prince qui sait récompenser avec joie
les services importants que les sujets rendent à leur patrie. Ces services,
si dignes de la reconnaissance des souverains, ne se rendent pas toujours les
armes à la main. Le zèle se signale de plus d'une manière, et il est des
occasions où, en sacrifiant son bien pour l'entretien des troupes qui
défendent l'État, on mérite, en quelque sorte, la même récompense que
ceux qui prodiguent leur sang pour le défendre. C'est ce qui nous a fait
prendre la résolution d'accorder cinq cents lettres de noblesse pour servir
de récompense à ceux de nos sujets, qui, en les acquérant par une finance
modique, contribueront à nous fournir les secours dont nous avons
besoin pour repousser les efforts de nos ennemis. Quoi que fit cette
précaution oratoire pour égaler, en quelque sorte,
l'argent au sang et le sacrifice du superflu au sacrifice de la vie, il
n'était que trop clair que le roi mettait la noblesse au rabais. Il la mit
plus bas encore par la modicité du prix. Il avait eu d'abord la pensée que
des lettres d'écuyer et de chevalier, avec la perspective de monter plus
haut et la satisfaction de porter des armoiries
timbrées, valaient bien dix mille livres. Il craignit ensuite que
sa marchandise à ce taux ne trouvât pas assez d'amateurs malgré l'avidité des
orgueils bourgeois ; il se rabattit à ne demander à chaque aspirant que six
mille livres[4].
Il consentait à déprécier la noblesse, à lui ôter son plus beau prestige et
sa puissance d'émulation, pour une somme de trois millions payée
immédiatement. Malgré l'insuffisance de ces moyens d'action, on soupçonna un moment que quelque grande entreprise se préparait. Dès le mois de février 1696, de nombreux bâtiments français se, rassemblaient dans les eaux de Calais, des troupes de terre prenaient la même direction sous le commandement du marquis d'Harcourt. Jacques II lui-même s'y transporta. Il était question, en effet, de tenter un coup sur l'Angleterre. Les Jacobites promettaient de se soulever contre Guillaume s'ils étaient soutenus par une armée française. Berwick s'était rendu à Londres incognito pour étudier ce projet et ses chances de réussite. Le roi reconnut bientôt que la tentative n'était pas possible. Les Jacobites voulaient attendre pour se déclarer que les Français fussent débarqués en Angleterre. Louis XIV, instruit par le souvenir de la Hogue, ne prétendait agir pour eux que quand il serait assuré de leur concours par un commencement d'exécution. Quelques Jacobites avaient, en outre, le projet particulier de se saisir avant tout de la personne de Guillaume ; Berwick, trouvant leur projet difficile à exécuter, et ne voulant pas être confondu avec ces conjurés, revint en France. Presque en même temps (premiers jours de mars), une dénonciation fit connaître à Guillaume de quoi il était menacé et la destination des armements français. Il arrêta les conspirateurs dénoncés ; vingt-quatre vaisseaux de guerre anglais sortirent de la Tamise contre l'invasion, plusieurs régiments anglais furent rappelés de Flandre ; le duc de Bavière envoya des bataillons à Ostende, à destination de l'Angleterre. Le coup de main était évidemment manqué[5]. Il valut à Guillaume un redoublement de popularité. Comme on répétait partout, en Angleterre et en Hollande, que les Jacobites avaient voulu l'assassiner, les Anglais formèrent une association dont les adhérents s'engageaient, par écrit, à le défendre ou à le venger. Quiconque refusa sa signature fut déclaré, par un bill, incapable de toute fonction publique et de siéger au parlement[6]. En d'autres temps un pareil enthousiasme aurait été un brandon de guerre ; dans l'état présent des affaires, il ne mit pas même Guillaume en humeur de combattre. Le conquérant de Namur, quelques mois après sa plus belle victoire, s'estimait heureux d'empêcher ses troupes de mourir de faim. La France paraissait n'avoir plus ni projet, ni énergie. Jamais la guerre ne s'était traînée avec plus de lenteur et d'indécision. Pendant plusieurs mois encore il ne fut plus question que de petits exploits partiels de bombardeurs ou de corsaires. Ici (31 mars), Nesmond, au sortir des côtes de France, capture une flotte partie d'Ostende avec un chargement de toiles et de dentelles, d'une valeur de quatre millions. Là, par contre (13avril), les alliés reviennent devant Calais : troisième bombardement aussi insignifiant que les deux premiers ; trois vaisseaux sur cent endommagés dans le port, deux petites églises et quelques maisons maltraitées ; en somme, moins de soixante mille livres de dégât. Mais tout cède à la gloire de Jean Bart. Sorti de Dunkerque avec huit vaisseaux (10 juin), il débute par quatre vaisseaux de guerre hollandais qu'il prend, amarine à son usage, et ainsi renforcé il se porte au devant de la flotte anglaise de la Baltique. Il la rencontre près de Vlieland, au delà du Texel, forte de plus de cent voiles et escortée par cinq frégates. Attaquer les frégates, les prendre après deux heures de combat, et capturer plus de cinquante vaisseaux marchands, tel est le prix de cette seconde journée (18 juin). Mais sa proie va lui être disputée. Treize vaisseaux de guerre l'ont enfin aperçu et s'avancent pour lui barrer le retour. Il a vu le danger ; en un instant il a calculé, préparé les moyens de salut. Trop faible pour soutenir la lutte, il l'évitera ; il ne peut garder tout ce qu'il a pris, il détruira au moins ce qu'il ne peut emmener. Quatre des frégates captives sont aussitôt brûlées ; les équipages, rassemblés sur la cinquième, s'engagent à la conduire en Hollande et à la ramener de là à Dunkerque ; il s'en donne pour garants deux capitaines et plusieurs officiers qu'il garde comme otages. Il porte en même temps la flamme sur les vaisseaux marchands, en brûle trente-cinq et s'esquive avec quinze autres, pendant que les ennemis contemplent l'incendie de leurs propres richesses sans oser approcher. Il rentre sain et sauf à Dunkerque, après avoir, dans cette course de trois semaines, capturé ou détruit avec leur chargement quatre vaisseaux de guerre, cinq frégates et cinquante bâtiments de commerce[7]. Devant ces coups de maître, les bombardeurs de la coalition n'étaient que des écoliers maladroits. Ils tentèrent encore de foudroyer l'île de Ré et les Sables-d'Olonne (15 et 16 juillet). Ils y lancèrent deux mille bombes et deux cent soixante carcasses ; dépense à peu près inutile, puisqu'ils endommagèrent à peine quarante maisons et ne touchèrent pas à la citadelle. Ils ne s'étaient pas risqués à descendre à terre. Près de Brest, ils trouvèrent de petites îles abandonnées par les paysans ; ils y abordèrent, coupèrent les jarrets à cent cinquante chevaux, enlevèrent les moutons et tuèrent toutes les bêtes à cornes. Cette expédition ridicule contre le bétail fut leur dernier exploit. Peu à peu une nouvelle commença de circuler, d'une portée bien plus haute et capitale pour les alliés. Le roi de France, disait-on, s'accommodait enfin avec le duc de Savoie ; si la chose était vraie, la coalition se sentait dissoute. Depuis la perte de Namur, Louis XIV n'avait pas cessé de négocier ; l'activité de la diplomatie avait remplacé celle des armes. On soupçonnait même que les Hollandais, dont il avait tiré un si bon parti à Nimègue, n'étaient pas éloignés, leurs intérêts u ne fois garantis, de traiter à la hollandaise, c'est-à-dire à part[8]. Comme eux, Victor-Amédée était prêt à la défection, nous l'avons vu, si le roi voulait lui rendre Pignerol. Les alliés eux-mêmes le confirmèrent dans cette disposition par un peu de froideur à soutenir ses exigences. Guillaume lui avait fait dire que, dans toutes les restitutions promises parla France, il n'était pas question de Pignerol ; il ajoutait qu'il n'était pas probable, en effet, que le roi abandonnât cette ville, donnant ainsi à entendre qu'il ne fallait pas insister là-dessus[9]. Le duc de Savoie, blessé de cette indifférence, se promit d'acquérir tout seul ce que ses alliés se refusaient à lui faire obtenir. Il savait que Louis XIV répugnait particulièrement à rendre Pignerol, cette porte sur l'Italie acquise par Richelieu et citadelle française depuis 1631. Mais il savait aussi que Louis XIV attachait un grand prix à le détacher des alliés, qui devaient tant à ses services. Il mit toute son opiniâtreté auprès du roi à réclamer Pignerol et à promettre sa défection, à fatiguer son ennemi d'une exigence inflexible, et à le tenter par l'espérance d'un dédommagement considérable. L'espérance l'emporta sur la répugnance. A la fin de mai, plusieurs traités étaient signés à Pignerol, où le duc de Savoie, moyennant la restitution de ses États, y compris Pignerol, et une alliance de famille avec Louis XIV, s'engageait à quitter la coalition et même à la combattre si elle ne consentait pas à la neutralité pour l'Italie jusqu'à la paix générale. Les alliés ne connurent pas d'abord tous les détails ni l'état avancé de cette grande affaire. Victor-Amédée commença par faire entendre à leurs représentants que, la France lui offrant des conditions avantageuses, il était de son intérêt légitime de ne pas les rejeter, et d'assurer aux négociations le temps et la liberté nécessaires en suspendant les hostilités. Il réussit même, dès le 12 juillet, à faire conclure par les Impériaux et les Espagnols une trêve pour l'Italie jusqu'au 15 septembre. Après réflexion, les alliés s'aperçurent qu'ils pourraient bien être joués ; ils s'agitèrent beaucoup pour prévenir les conséquences qu'ils entrevoyaient. Pour retenir Victor-Amédée dans leur parti, ils recoururent tour à loura la bienveillance et à la menace. L'empereur lui offrit l'investiture du Montferrat, le mariage de sa fille avec le roi des Romains, et jusqu'à la propriété du Milanais après la mort du roi d'Espagne ; Guillaume, pour engager l'Autriche à continuer la guerre en Italie, promit à l'empereur de plus grands secours en argent, et même des troupes pour le cas où le duc de Savoie joindrait ses armes à celles de la France. Il était trop tard. Victor-Amédée passait au parti de la France. Le traité définitif était signé à Turin (29 août) et quelques jours après publié par Louis XIV. Il faut bien le reconnaître, ce traité, qui irritait si fort les ennemis de la France, était, de la part du grand roi, une reculade. Comme il avait cédé au pape, il cédait à Victor-Amédée. Sous le couvert de quelques formules respectueuses pour la personne du monarque et de quelques garanties politiques, le duc de Savoie forçait Louis XIV à renoncer à toutes ses conquêtes, et à toutes les tracasseries de prétendue protection exercées autrefois sur sa mère et sur lui-même. C'était lui qui prenait le premier engagement, celui de rompre toute alliance avec l'empereur et les autres rois ou princes, et d'obtenir la neutralité pour l'Italie ; mais aussitôt le roi lui rendait Pignerol et les forts en dépendant, tous les pays, toutes les places conquises dans ses États, depuis Nice jusqu'à Montmélian. Il acceptait avec gratitude la splendeur d'une nouvelle alliance de famille, le mariage de sa fille avec le duc de Bourgogne, fils aîné du dauphin ; mais il se faisait reconnaître, contrairement aux anciennes exigences, le droit d'entretenir des ambassadeurs dans les différentes cours de l'Europe, et de recevoir chez lui les ambassadeurs de ces princes ; il obtenait pour les siens à la cour de France les mêmes honneurs que pour ceux des têtes couronnées. Il promettait d'interdire le culte protestant dans la ville de Pignerol, de ne pas tolérer de relations, sur le fait de la religion, entre les Vaudois ses sujets et les religionnaires de France ; mais il demeurait libre de traiter les Vaudois à sa guise, et de ne plus les inquiéter, comme on lui en avait intimé l'ordre en 1686. Le dernier article seul rappelait un peu la suprématie exercée autrefois par la France au delà des Alpes. Par cette raison qu'en temps de paix, les troupes nombreuses sont inutiles et deviennent même une cause de mésintelligence entre voisins, le duc de Savoie n'entretiendrait en temps de paix que six mille hommes de pied en Piémont et quinze cents chevaux et dragons en Savoie et dans le comté de Nice[10]. Pour le moment, à en croire les colères des alliés, Louis XIV paraissait avoir l'avantage. Le traité de Turin porta immédiatement ses fruits. Espagnols et Impériaux s'obstinaient à ne pas accepter la neutralité pour l'Italie ; à l'expiration de la trêve, ils reprirent les armes (15 septembre). Aussitôt, selon sa promesse, Victor-Amédée se déclara contre eux, joignit ses troupes à celles de France, et reçut de Louis XIV une patente de généralissime. Valenza, dans le Milanais, fut assiégée vigoureusement. Le duc de Savoie s'y comportait avec tant de bravoure, que Louis XIV le fit inviter à se ménager davantage pour leurs intérêts communs[11]. Les alliés, désespérant de résister, traitèrent à Vigevano (8 octobre), et consentirent à la neutralité. Les Impériaux devaient sortir d'Italie ; ils demandèrent au moins, pour compensation, quelque argent aux peuples qu'ils ne pourraient plus piller : 300.000 pistoles réparties entre les princes, en proportion des ressources de chacun. Les Italiens, dont ils se prétendaient les protecteurs, étaient si las de ces hôtes fâcheux, que chacun se pressa de payer pour hâter leur départ ; le pape lui-même donna 400.000 écus. Tous les historiens sont d'accord sur ce point[12]. Les coalisés ne pardonnèrent pas au duc de Savoie ce qu'ils appelaient une trahison. Son ambassadeur à La Haye, le comte de La Tour, devint l'objet de l'animadversion du peuple et du mépris des autres ambassadeurs. Personne ne voulait le voir, ni se rencontrer à table avec lui. Il eut un moment à craindre un soulèvement populaire ; les états durent envoyer un escadron des gardes bleues pour le protéger. Il finit par se retirer sous la protection de ces gardes jusqu'aux frontières de Hollande, et de là il passa à Bruxelles[13]. Le grand motif de ces colères, c'était le sentiment de leur propre faiblesse, et la crainte de la supériorité que Louis XIV pouvait reprendre. Ils étaient las et épuisés de la guerre. Guillaume, dit Burnet, sentait que, par la continuation des hostilités, son gouvernement devenait désagréable au peuple anglais ; les Hollandais commençaient à fléchir sous le poids des dépenses militaires ; les Impériaux ne parvenaient pas encore à dompter les Turcs[14]. Ils avaient besoin de la paix ; ils ne restaient en armes que pour faire cette paix à leur guise et non aux conditions de l'ennemi. Si maintenant le roi, affranchi des embarras d'Italie, resserrait le théâtre de la guerre avec plus de liberté d'action et un accroissement de forces, ne pouvait-il pas se dédommager de ce côté de ce qu'il avait abandonné au duc de Savoie ? Ils se trompaient ; il était réservé à Louis XIV, pour le châtiment de son orgueil, de leur céder bientôt comme au pape et à Victor-Amédée. Tout l'avantage du traité de Turin pour le roi consistera à reprendre en effet une apparence de supériorité militaire capable de sauvegarder son honneur, mais non à dominer et à contraindre les volontés de ses adversaires. En ne cédant qu'après de nouvelles victoires, il gardera les dehors fastueux de la modération et de la générosité, mais il se laissera reprendre à peu près tout ce que voudront les vaincus. A la fin de 1696, il y eut des deux parts un redoublement d'efforts pour hâter la conclusion. Guillaume, félicitant les chambres anglaises d'avoir échappé aux effets les plus redoutables de la crise monétaire, demandait de nouveaux subsides, le meilleur moyen de traiter avec la France étant, disait-il, de traiter les armes à la main[15]. En même temps, l'Angleterre et la Hollande s'assuraient le concours du Danemark par les armes, pour le cas où la France refuserait de traiter[16]. Louis XIV ramassait également de l'argent par les voies et moyens qui lui étaient devenus familiers. Il créait, moyennant finance, des gouverneurs héréditaires dans toutes les villes qui n'avaient pas de gouverneurs pourvus du roi[17]. Il rétablissait, comme institution à part, les jurés-priseurs vendeurs de meubles, les séparant des huissiers et des sergents. Il gratifiait toutes les paroisses de contrôleurs de bans de mariage[18]. Il inventait une taxe sur les armoiries, dont il attendait sept millions, et, dans la crainte que l'économie ne l'emportât sur la vanité, il prenait ses mesures pour ne laisser à aucun des porteurs d'armoiries la liberté de se soustraire à cette charge[19]. Au dehors, la vacance du trône de Pologne, par la mort de Sobieski, lui inspirait la pensée de faire élire à cette couronne un prince français, qui pût tenir en échec le Brandebourg et la maison d'Autriche. Le prince de Conti se prêtait à cette manœuvre ; il vendait deux de ses terres au prix de six cent mille livres. Le roi se chargeait de faire distribuer cet argent en Pologne selon les besoins de l'élection, et en promettait le remboursement au candidat s'il n'était pas élu[20]. Cependant, au lieu d'armées, ce furent les négociateurs qui entrèrent en campagne. En novembre, Louis XIV nomma pour plénipotentiaires Caillères, Harlay et Crécy, qui se rendirent sans tarder à la Haye pour étudier les dispositions des différents alliés. Ils comprirent d'abord que les plus grandes difficultés viendraient de l'Espagne et de l'empereur. L'Espagne toujours battue, qui n'avait, dans cette longue lutte, prêté d'assistance efficace à personne, entendait exiger, par l'assistance de tous, la restitution de tout ce qu'elle avait perdu. L'empereur Léopold avait un intérêt personnel à maintenir la coalition. On attendait, parla mort de plus en plus prochaine du roi d'Espagne, l'ouverture de cette succession tant convoitée de deux côtés. Si les bonnes dispositions de la France pour la paix s'expliquaient, on le croyait du moins, par le désir de n'avoir pas toute l'Europe armée sur les bras au moment de réclamer sa part de l'héritage espagnol, l'empereur par contre aurait voulu que l'Europe restât en armes et coalisée jusqu'à cette heure solennelle, pour lui remettre à lui seul ce qu'il avait promis de partager avec Louis XIV[21]. L'Espagne réclamait donc la restitution de tout ce qu'elle avait perdu depuis la paix de Nimègue, y compris certaines localités que la France pouvait légitimement retenir comme de véritables dépendances. L'empereur remontait bien plus haut ; il ne voulait d'autres conditions que les dispositions littérales de la paix de Westphalie. En opposant les égoïsmes aux égoïsmes, les Français eurent
en grande partie raison de ces fiertés. Personne plus que Guillaume n'avait
sacrifié les autres à son intérêt particulier. C'était lui qui, depuis quatre
ans, faisait rejeter les propositions de paix de Louis XIV, quelque avantage
qu'elles offrissent à ses alliés, parce que Louis XIV ne le satisfaisait pas
lui-même, et ne parlait pas de le reconnaître pour roi d'Angleterre. Il
fallait céder sur ce point pour ébranler une résistance qui était l'âme de
toutes les autres. Aucun sacrifice ne pouvait être plus pénible à Louis XIV ;
c'était se dédire de son passé et de ses principes politiques, d'une guerre
acharnée de dix ans et de sa foi à la légitimité inviolable des rois. La
nécessité de terminer une lutte ruineuse lui imposa la résignation. Dès le
mois de décembre, Caillères eut la permission de promettre cette
reconnaissance. La chose ne fut ni écrite ni prononcée
par le plénipotentiaire français, mais insérée par les Hollandais dans un
procès-verbal où son nom figurait parmi les consentants[22]. L'effet ne s'en
fit pas attendre. Au bout de quelques jours, Guillaume se prononça
énergiquement contre les ministres de l'empereur. Il
est honteux, disait-il, qu'après n'avoir rien
fait pour la défense commune, ils déploient tant d'efforts contre le succès
des négociations[23]. Les états généraux ne furent pas moins sensibles aux avances du roi. Dès le mois de septembre et d'octobre la perspective d'un nouveau traité de commerce, plus avantageux encore que celui de Nimègue, avait assez flatté leur avidité pour inspirer à Guillaume la crainte de les voir faire sans lui leur paix particulière[24]. Maintenant leur vanité trouvait également son compte à la préférence que le roi donnait à leur pays sur l'Allemagne pour le lieu du congrès. Il ne voulait pas d'une ville allemande, Cologne par exemple, où l'on violait la foi publique comme en la personne de Furstenberg. Si l'on n'acceptait pas une ville de France, il insistait pour les Pays-Bas, pour la Haye, Utrecht ou Bréda. Il cherchait évidemment à faire plaisir aux états généraux ; les Hollandais le lui rendirent en déclarant exorbitantes les réclamations de l'Espagne, en trouvant des raisons pour justifier quelques-unes des acquisitions de la France, et surtout en manifestant leur inclination à la paix ; par là ils ôtaient le principal nerf de la résistance à ceux qui n'avaient soutenu la guerre qu'à l'aide des finances hollandaises. Le langage ferme et parfois menaçant de Caillères, dans ces conférences préparatoires, contribua aussi pour beaucoup à rabattre la confiance des plus fanfarons. Quand il posait Louis XIV en bienfaiteur de l'humanité, faisant la paix par compassion pour les peuples, et ne cherchant pour lui-même qu'un repos bien mérité à son âge, il était permis de prendre ces assurances pour des vertus de théâtre ou pour des compliments diplomatiques. Mais quand il disait que le roi avait du monde de reste pour grossir ses armées et de l'argent pour les entretenir, cela pouvait être vrai, car cela faisait penser aux années précédentes où la France avait réellement tenu sur pied des armées supérieures à toutes celles de la coalition. Il avait encore un argument plus décisif. Tant de villes, de pays que la coalition n'avait pu reprendre par la force, Louis XIV était prêt à les restituer sans qu'il leur en coûtât rien. Les alliés ne refusaient ces offres que parce qu'ils espéraient de leur union des bénéfices plus considérables. Mais cette union tenait à la vie d'un seul homme. Il n'était pas impossible que cet homme disparût tout à coup, et dans les embarras, dans les révolutions même que sa mort était capable de susciter, où donc serait leur force et le moyen de recouvrer par des efforts isolés ce que la communauté avait été impuissante à leur rendre ? Ce rapprochement entre la bonne occasion à saisir et le danger de la laisser échapper fut si persuasif, que les récalcitrants baissèrent le ton, consentirent à l'ouverture de négociations en règle, et le 4 février 1697, acceptèrent comme les autres alliés, la médiation du roide Suède, qui leur avait en vain offert ses services depuis plusieurs années[25]. Ce commencement, utile sans doute, ne fut pas cependant la fin des chicanes préparatoires. On disputa d'abord sur le lieu où se tiendrait le congrès ; on attendit jusqu'à la fin de mars pour accepter le château de Ryswick, propriété de la maison d'Orange entre la Haye et Delft ; mais ce château ne pouvait être approprié à cette destination avant le mois de mai. Quand la place fut enfin prête (19 mai), les plénipotentiaires, fidèles aux vieilles coutumes et étiquettes, comme à Munster, perdirent plusieurs semaines à débattre les honneurs auxquels chacun avait droit[26] ; enfin, le médiateur suédois, retardé par la mort de Charles XI, n'arriva que le 22 juin ; son arrivée seule permit l'ouverture des négociations définitives. Louis XIV, prévoyant ces lenteurs, avait préparé une dixième campagne pour ranimer le désir de la paix par la crainte de sa supériorité. Pendant que les armateurs de Saint-Malo enlevaient, avec la flotte marchande de Biscaye, trois vaisseaux de guerre et une capture de deux millions, Jean Bart était nommé chef d'escadre (avril 1697), par quoi, dit le Mercure, le roi faisait bien voir que chacun n'avait qu'à se reposer sur ses mérites pour monter aux premières dignités de sa profession[27]. Pointis était parti pour l'Amérique dans le dessein de surprendre quelque colonie espagnole. Sur le continent, Villeroi et Boufflers étaient en Flandre, Catinat sur la Moselle, Choiseul en Allemagne, d'Estrées en Bretagne, Joyeuse en Normandie, Tourville en Poitou et dans le pays d'Aunis. Vendôme recevait des renforts pour achever la conquête de la Catalogne. Par d'habiles mouvements de troupes, l'ennemi trompé crut que les principaux efforts des Français allaient se porter sur le Rhin, tandis que tout à coup Catinat entra en Flandre[28], et, renforcé de Vauban, investit Ath (mars 1697). Villeroi, campé près de Ligne, couvrait le siège ; Vaudemont, l'électeur de Bavière, Guillaume lui-même, ne réussirent pas à le troubler. La bonne position de l'armée française et sa supériorité de nombre les retinrent dans l'impuissance. Le 5 juin Ath capitulait ; tout ce que Guillaume put faire de plus avantageux, ce fut de couvrir Bruxelles contre un nouveau bombardement. En même temps on sut que Vendôme avançait sur Barcelone, et qu'il disposait pour cette entreprise de 60 canons de batterie et de 20 mortiers. On répandait aussi la nouvelle que Pointis avait heureusement attaqué la colonie anglaise de la Jamaïque. La France, loin d'être aux abois, comme l'ennemi l'avait espéré, reparaissait aussi menaçante que par le passé. Néanmoins, à Ryswick, l'Espagne et l'empereur s'entêtaient à des exigences extravagantes. L'Espagne redemandait tout ce que la France lui avait enlevé depuis la paix des Pyrénées, en Europe et en Amérique, c'est-à-dire, outre le Luxembourg et la Catalogne, Cambrai, Lille et la Franche-Comté. L'empereur redemandait tous les pays dont la France s'était emparée depuis la paix de Munster, et ne voulait lui laisser en toute souveraineté que les Trois-Évêchés. Non-seulement il protestait contre toute acquisition faite par la France sous le nom d'union et de réunion, telles que Strasbourg ; mais encore il prétendait que le landgraviat d'Alsace, la préfecture des dix villes impériales et le Suntgau, n'avaient été cédés à la France qu'au titre auquel les possédait la maison d'Autriche, que c'était une seigneurie et non une souveraineté, et que ces terres, tout en demeurant sous la seigneurie du roi de France, devenu landgrave d'Alsace, devaient toujours être considérées comme partie de l'Empire. Cette chicane s'obstina à se reproduire jusqu'aux derniers jours du congrès[29]. Louis XIV, plus intelligent, fit ouvertement connaitre ses propositions le 20 juillet. Il y dépassait les concessions déjà promises par lui en 1693. Prenant pour hase les traités de Munster et de Nimègue, il abandonnait toutes les réunions prononcées par les chambres de Metz, de Besançon et de Brisach. Il consentait à se retirer de Strasbourg moyennant un équivalent : Strasbourg rasé redeviendrait ville impériale. Il rendrait Kehl et Philipsbourg, démolirait les forts du Rhin et ceux de Mont-Royal et de Traerbach ; il rétablirait le duc de Lorraine dans ses États. Quant à l'Espagne, il lui rendrait tout ce qu'il lui avait pris depuis la paix de Nimègue. Il donnait aux alliés jusqu'à la fin d'août pour accepter ces propositions[30]. Elles étaient assurément fort acceptables ; elles offraient aux alliés assez de garanties pour leurs intérêts, et de revanches pour leur amour-propre. Elles prouvaient que l'ancien vainqueur, malgré un état militaire encore important, ne se croyait plus capable de maintenir sa domination superbe. En France, la pensée seule d'abandonner Strasbourg affligeait l'opinion et inspirait à Vauban d'éloquentes doléances et une douloureuse comparaison avec la paix de Cateau-Cambrésis, la plus honteuse, disait-il, que la France eût jamais conclue[31]. L'Espagne et l'empereur trouvèrent qu'ils ne profitaient pas assez de la lassitude de leur ennemi : ils continuèrent à chicaner pour obtenir une plus large part de ses dépouilles. Ils fatiguèrent ainsi leur principal défenseur, et laissèrent venir des événements qui leur ravirent au dehors l'honneur d'avoir imposé la paix. Guillaume les avait déjà abandonnés. La France lui ayant accordé tout bas satisfaction, il n'attendait plus que la reconnaissance publique, et supportait impatiemment des lenteurs diplomatiques qui retardaient ce triomphe. Dès le mois de juillet, il avait entamé, en dehors des plénipotentiaires officiels, une négociation secrète avec le roi. Louis XIV, résigné à la nécessité, n'avait pas laissé échapper cette occasion de battre les alliés de Guillaume par Guillaume même. Portland et Boufflers, dans plusieurs promenades, qui étaient des conférences, avaient arrêté les points essentiels de la réconciliation entre la France et l'Angleterre, sans rien stipuler pour les autres belligérants. Guillaume séparait sa cause de celle de ses alliés. Ceux-ci ne s'en doutaient pas encore lorsque la force des armes se déclara en faveur de la France. Pointis revenait vainqueur d'Amérique (9 août) ; ce n'était pas, comme on l'avait cru, la Jamaïque qu'il avait attaquée, c'était Carthagène l'Espagnole. Il l'avait pillée, et avait fait sauter les murailles et les forts ; au retour, il avait évité une escadre de vingt-quatre vaisseaux anglais, en avait battu une de sept, et rentrait avec une prise de dix millions. Ce même jour le duc de Vendôme fondait sa réputation militaire par un grand exploit en Catalogne. Il assiégeait Barcelone depuis cinquante-deux jours ; d'Estrées et le bailli de Noailles le secondaient par mer. La grande difficulté était dans la division des forces espagnoles ; les unes, au nombre de 15.000 hommes dans la ville, les autres au dehors dans un camp volant soutenu par les montagnards du voisinage. Vendôme surmonta, à la longue, les deux obstacles. Il dispersa le camp volant, et força la ville elle-même à capituler le 9 août. La Catalogne était véritablement soumise, et Vendôme en fut nommé vice-roi. En présence de l'inaction militaire où se tenaient les alliés, la France, forçant l'Espagne dans son dernier retranchement, avait peu t-être quelque droit à se dire invincible, comme fit Louis XIV par une médaille dont la devise était : Bello per decennium feliciter gesto[32]. Le roi usa de cette nouvelle situation avec beaucoup d'habileté. Il reprit le ton de maître, mais tempéré de tant de modération que si, d'un côté, il laissait entrevoir la menace, de l'autre il éloignait la crainte par ses promesses d'impartialité et de satisfaction réciproques. Les alliés n'ayant pas encore, au 31 août, accepté ses propositions, il n'était plus obligé lui-même de s'y tenir. Le 1er septembre, il déclara son ultimatum. Loin d'abuser des heureux succès de la présente campagne, pour réduire dans des bornes plus étroites ses offres de paix, il n'en voulait profiter que pour procurer plus promptement le rétablissement du repos en Europe. Bien que Sa Majesté, disait-il, se soit trouvée libre de ses engagements à la fin d'août, bien qu'elle juge parfaitement de l'avantage qu'elle pourrait tirer de la prise de Barcelone et des autres événements de la guerre, Sa Majesté se sert de la liberté qu'elle a maintenant pour changer seulement dans les conditions celles qui paraissent retarder la tranquillité publique. Sur ce fondement, il entendait garder Strasbourg et ses dépendances, pour être à jamais unis à sa couronne, mais en échange il rendait à l'empire, outre Kehl et Philipsbourg déjà promis, Brisach acquis par la paix de Westphalie, et Fribourg acquis par la paix de Nimègue. Il ne serait pas moins généreux envers l'Espagne ; à toutes les autres restitutions déjà stipulées, il joindrait Barcelone aussitôt que l'empereur et l'empire auraient consenti à l'abandon de Strasbourg. C'était aux alliés de choisir entre ces accommodements assurés et la continuation d'une lutte incertaine. Il leur accordait jusqu'au 22 septembre pour se décider[33]. Quelque raisonnable que fût la proposition, la réponse ne fut pas immédiate. Les Allemands entretinrent la résistance dans les alliés presque jusqu'à l'expiration des trois semaines de délai, et pour eux-mêmes quelques jours au delà. Tout prétexte de chicane fut saisi et soutenu avec acharnement. L'électeur de Saxe réclamait des conditions spéciales pour ses intérêts personnels. Il était en concurrence pour la couronne de Pologne avec le prince de Conti. Au mois de juin, Conti avait été élu par un premier vote des Polonais, puis une seconde assemblée assez irrégulière lui avait substitué l'électeur de Saxe Frédéric-Auguste. Ni l'un ni l'autre concurrent ne l'avait encore emporté ; Conti avait même, dans cette incertitude, hésité à se rendre en Pologne[34] ; puis il venait de partir sur un vaisseau conduit par Jean Bart. L'électeur de Saxe notifiait au congrès son élection, et dénonçait comme un attentat criminel la concurrence française ; après avoir dépensé de fortes sommes pour payer les voix, il faisait un crime à la France d'avoir employé au même objet plusieurs millions. Il pressait donc le congrès de comprendre la Pologne dans la paix générale, et d'obliger la France à ne plus assister d'aucune façon son compétiteur (5 septembre). Quelques jours après (11 septembre), les Allemands insistaient pour qu'il n'y eût pas de paix particulières, pour qu'au contraire personne ne traitât que d'accord et en commun avec tous. Le 19 encore, ils alléguaient l'intérêt des protestants français émigrés, pour faire du rétablissement de ces religionnaires dans tous leurs droits une condition de la paix générale. Enfin, ils trouvaient insuffisant l'équivalent offert par Louis XIV pour Strasbourg ; il leur paraissait raisonnable d'y joindre Landau et Sarrelouis[35]. Ces moyens dilatoires échouèrent. Les protestants français n'intéressaient les coalisés que comme des auxiliaires qu'on avait trouvés bons pour embarrasser Louis XIV. Ils n'étaient entrés pour rien, dit Burnet[36], dans les causes de la guerre ; leur rétablissement n'aurait rien ajouté aux avantages que chaque belligérant poursuivait pour lui-même et se voyait à la veille d'obtenir. On ne fit donc autre chose que de recommander les protestants français à la bienveillance du roi sans rien exiger. Les Français avaient très-habilement, comme à Nimègue, rompu la coalition en proposant à chacun des ennemis, à commencer par les Hollandais, un traité particulier. Chacun assuré de sa part était plus pressé de se mettre en possession de ses avantages que d'assurer la satisfaction des autres. Les Allemands seuls ne se trouvaient pas autant favorisés que leurs alliés, mais qu'importait maintenant à la Hollande et à Guillaume la question de Strasbourg qui ne les touchait en rien ? Et si la Hollande et l'Angleterre consentaient à traiter, que pouvait faire l'Espagne sans leur assistance ? Les Impériaux réduits à eux-mêmes n'auraient que le stérile honneur de céder les derniers comme à Nimègue. Il en advint ainsi. Le 20 septembre, deux jours avant l'expiration du délai accordé par Louis XIV, la Hollande, l'Angleterre, l'Espagne, signèrent leurs paix particulières ; l'empire gagna dix jours et ne signa que le 30. Louis XIV l'emportait. Il parvenait à faire la paix dont il avait besoin, plus tôt que ses adversaires ne le lui avaient laissé espérer primitivement. Son dernier ultimatum, moins avantageux aux alliés, était accepté avant la date fixée par lui, sous l'impression de ses dernières victoires. Havait le droit de dire qu'on ne l'avait ni vaincu ni contraint. Mais ce succès d'amour-propre à part, la guerre de la seconde coalition avait tourné au profit de ses ennemis, à la ruine de sa domination en Europe. La teneur des traités, l'étendue de ses concessions, offraient un triste contraste avec la paix de Nimègue. Le langage même de ces actes diplomatiques, plein de défiance et de mesures de sûreté, était un blâme du passé, une menace pour l'avenir, une atteinte à sa considération que personne en d'autres temps n'aurait osé se permettre envers le grand roi. Voici l'abrégé de ces traités[37] : Avec la Hollande, le grand objet comme toujours est surtout le règlement du commerce au profit des marchands des Provinces-Unies. Les deux parties se rendent d'abord les pays, villes, forts, îles et seigneuries, occupés par l'une sur l'autre depuis le commencement de la guerre et notamment Pondichéry qui rentre au pouvoir de la compagnie française des Indes ; elles comprennent dans leur accord l'électeur de Brandebourg et le roi de Suède. Puis, par un second traité, les sujets des états généraux cessent d'être aubains en France, ils y pourront disposer des biens qu'ils y possèdent, et leurs héritiers les recueillir même sans testament. Ils seront libres de faire en France le commerce du Levant aux mêmes conditions que les Français, sans payer le droit de 20 pour cent auquel ce commerce est assujetti, que dans le cas où les Français le payent eux-mêmes. Par un article séparé, l'imposition de 50 sols par tonneau, établie en France sur les navires étrangers, est abolie à l'égard de leurs vaisseaux. Qu'aurait dit Colbert, lui à qui les conditions commerciales de Nimègue avaient infligé un inconsolable regret ? Dans le traité avec l'Angleterre, Guillaume est appelé roi de la Grande-Bretagne, etc. Le roi très-chrétien, qui n'a rien tant désiré qu'une paix ferme et inviolable, promet de ne troubler en aucune manière le roi de la Grande-Bretagne, dans la possession de ses royaumes, terres et domaines ; il engage son honneur, sur sa foi et parole de roi, à ne favoriser ni directement ni indirectement les ennemis dudit seigneur roi, ni leurs conspirations et machinations, à ne les assister ni d'armes ni d'instruments de guerre, ni de pro. visions de bouche, ni de vaisseaux, ni d'argent. En retour, le roi de la Grande-Bretagne promet de tenir la même conduite vis-à-vis des royaumes, des terres et domaines du roi très-chrétien. Cette réciprocité n'était pas sérieuse. Louis XIV n'avait ni chez lui ni au dehors aucun compétiteur. Les ennemis que Guillaume s'engageait à ne pas favoriser, c'étaient tout au plus les religionnaires dont il avait fait des régiments, répartis entre ses alliés et soldés par lui. Quelle ressemblance pouvait-on établir eue ces individus obscurs pour lesquels les alliés refusaient de rien stipuler, et Jacques II, représentant du principe monarchique et soutenu depuis dix ans par toutes les forces de la France[38] ? Après une concession si grave, il est peu intéressant d'ajouter que Guillaume rentrait personnellement en possession de la principauté d'Orange, et que la France recouvrait les pays situés sur la baie d'Hudson, que les Anglais avaient pu conquérir depuis le commencement des hostilités. Ainsi fut abandonnée par son plus persévérant défenseur la cause de Jacques II. Louis XIV ne laissa aucune équivoque sur ce point, lorsque quelques semaines plus tard, dans l'ordonnance pour la publication de la paix, il nomma le très-haut, très-excellent et très-puissant prince Guillaume III, roi de la Grande-Bretagne. Jacques II avait inutilement réclamé l'assistance des autres rois. Il avait envoyé des mémoires au congrès contre l'usurpation de son gendre. Les alliés avaient répondu, sur la question de fait, que, si Jacques II était tombé du trône, c'était uniquement par sa faute, par sa retraite volontaire, et que, s' i Is avaient eux-mêmes soutenu Guillaume, ç'avait été par la nécessité de se défendre contre le progrès des armes françaises et de venger l'incendie du Palatinat. Sur la question de droit, ils donnaient raison contre leur légitimité à une politique nouvelle dont ils ont aujourd'hui mauvaise grâce à se plaindre. La France, disaient-ils, si opiniâtre à défendre un roi renversé, a pourtant reconnu l'indépendance des Provinces-Unies révoltées contre l'Espagne, et traité avec Cromwell pendant qu'elle refusait l'hospitalité à un prince injustement dépouillé, petit-fils de Henri IV, neveu de Louis XIII, cousin germain de Louis XIV ; elle avait accepté dom Pedro en Portugal, au détriment d'Alphonse VI, et continué, malgré le renversement de son allié Mahomet IV, son alliance avec le nouveau sultan Soliman III. Cet argument ad hominem était fort bon sans doute pour mettre la France en contradiction avec elle-même ; mais il sapait la base de la légitimité royale, en substituant à un droit imprescriptible le droit nouveau et perpétuellement variable du fait accompli. Avec l'Espagne commençaient ces énumérations défiantes, stipulant détail par détail les restitutions concédées, par souvenir des chicanes d'interprétation et pour en prévenir le retour. Les premiers articles contenaient séparément la remise de toutes les villes de la Catalogne, y compris Barcelone, la remise de Luxembourg, la remise de Charleroi, la remise de Mons, la remise de Courtrai. Venait ensuite la restitution de tous les lieux, villes, bourgs, places ou villages, que le roi très-chrétien avait occupés et réunis depuis la paix de Nimègue, dans les provinces de Luxembourg, de Namur, de Brabant, de Flandre et de Hainaut et autres des Pays-Bas. Il ne restait à Louis XIV que quatre-vingt-deux villes, villages ou bourgs nommés dans une liste d'exception, comme dépendances de territoires régulièrement cédés par les traités d'Aix-la-Chapelle et de Nimègue ; mais ces prétendues villes aussi bien que les villages n'étaient que des localités sans nom, bonnes tout au plus à la délimitation d'une frontière correcte, ou de quelque utilité stratégique. Ces restitutions devaient s'accomplir sans aucune démolition, affaiblissement, diminution ou endommagement de ces places. On avait peur que, selon un système recommandé autrefois par Colbert, elles ne fussent rendues hors d'état de servir et exposées sans défense à une nouvelle occupation. Le roi pourrait seulement en retirer l'artillerie, les poudres, boulets, armes et vivres qu'il y avait apportés. Quand on lit cette liste interminable de remises faites à une nation qui n'avait rien su reprendre par elle-même, on s'étonne des difficultés opiniâtres que l'Espagne avait opposées à la paix. On est tenté d'autre part de croire que le roi, en prévision de la mort de Charles II, et de l'ouverture de sa succession, espérait se rendre favorable le peuple espagnol comme il arriva en effet. Nous verrons, trois ans après, qu'entre l'Autriche, dont l'influence à Madrid avait mécontenté l'opinion publique, et la France qui s'était montrée si généreuse, l'Espagne n'hésita pas à demander, à acclamer pour successeur de Charles II, un prince français. Enfin le tour des Impériaux arriva. Ils s'étaient flat tés de rester seuls sur la brèche, malgré la défection de leurs amis. Ce n'avait été que deux jours après la signature des trois autres traités, le 22 septembre, qu'ils avaient consenti à une suspension d'armes avec la France. Quand ils se sentirent décidément seuls, ils perdirent assez vite leur aplomb. Il était stipulé par les autres nations que, si les Impériaux prétendaient s'obstiner au delà du 1er novembre, on se passerait de leur adhésion. Ils n'attendirent pas même jusque-là ; le 30 septembre ils signèrent les arrangements préparés avec les Français. Ce quatrième traité était sans contredit le moins désavantageux à la France ; aussi est-il rédigé d'un ton hautain, hostile, mécontent. Il commence par casser tous les arrêts et délibérations des chambres de Metz et de Besançon, et du conseil de Brisach. Comme le traité d'Espagne, il énumère par le menu tout ce que l'empire a droit de reprendre, et avec plus d'arrogance, car il en donne une raison explicite. De ces termes généraux, dit le texte, on peut facilement conclure ce qui doit être restitué. Cependant, sur la demande de plusieurs et par des raisons particulières, il a paru raisonnable de fixer nominalement certains points, afin qu'on ne prenne pas pour un abandon le défaut de désignation. Alors suit la désignation de tous les lieux, villes, forts à rendre : Trèves à l'électeur, les villes du Palatinat au Palatin, le duché de Deux-Ponts à la Suède, leurs terres enlevées à l'électeur de Cologne, à la maison de Wurtemberg, à la maison de Bade, aux princes de Nassau, de Hanovre, de Leiningen. Plus loin on spécifie l'abandon par la France du fort de Kehl, la démolition des forts du Rhin et de la Moselle, la restitution de Fribourg et dee forts élevés dans le Brisgau et dans la Forêt-Noire, la restitution de Brisach avec ses arsenaux et magasins, la restitution de Philipsbourg et de ses fortifications intactes. Le duc de Lorraine rentre dans ses États ; mais comme il faut laisser à la France Sarrelouis avec une demi-lieue de territoire, la prévôté de Longwy, et le passage des troupes françaises à travers le duché, on affecte de prendre contre le soldat français des précautions injurieuses. Ce passage sera inoffensif, transitus innoxius ; le soldat n'ira pas à l'aventure, ne cherchera pas de détour ; il passera par la voie ordinaire et la plus courte, il n'allongera pas son chemin par des retards indus ; il se gardera de toute violence, de tout dommage, envers les localités et les sujets du duc de Lorraine. Il n'y aurait pas eu lieu à cette mauvaise humeur, si la satisfaction de Louis XIV s'était bornée à ces lambeaux de la Lorraine, au rétablissement du cardinal de Furstenberg dans ses droits, fiefs, alleuds et prérogatives, et à la promesse d'une indemnité pour la duchesse d'Orléans. Ce que les Allemands avaient sur le cœur, c'étaient deux articles que Louis XIV leur imposait évidemment et qui, à leurs yeux, contrebalançaient tous leurs avantages. Le premier portait que le roi très-chrétien devait rendre tout ce qu'il avait acquis hors de l'Alsace par voie de fait ou autrement sous prétexte de réunion. Ce mot hors de l'Alsace coupait court à toutes les difficultés soulevées par les Allemands au sujet des villes impériales de cette province, à toutes les interprétations qu'ils prétendaient donner à leur profit de la paix de Munster. L'Alsace, de leur consentement même, restait ce que Louis XIV l'avait nommée, une province française. L'autre article contenait la renonciation formelle des Allemands à Strasbourg, par une dérogation expresse à tous les décrets, constitutions, statuts et coutumes passées ou à venir, qui interdisaient ou interdiraient l'aliénation des droits ou des biens de l'empire[39]. Dans la nécessité où était réduit Louis XIV de reculer, d'abandonner tant de conquêtes extérieures, c'était une compensation estimable que de renfermer chacun dans ses limites naturelles, de constituer le Rhin pour barrière entre les deux nations, de ne rien laisser aux Allemands sur la rive gauche, en ne gardant rien pour les Français sur la rive droite. Si l'Allemagne n'était plus ouverte à la France, la France était toujours fermée à l'Allemagne. C'était aussi une raison suffisante de croire que l'acquisition de Strasbourg était désormais à l'abri de toute revendication. Quelle propriété pouvait être plus légitime que celle que l'on acquérait au prix de Philipsbourg, de Fribourg et de Brisach, trois enclaves françaises en Allemagne, que les Allemands n'avaient pas même essayé de reprendre dans le cours de dix années de guerre ? Hélas ! nous avons éprouvé qu'il n'y a pas de droit qui tienne contre les chicanes de la mauvaise foi et les excès de la force. La paix signée, Louis XIV l'observa sans délai. Avant même les dernières ratifications, il envoya dans tous les ports (21 octobre) la défense aux corsaires de sortir et de troubler désormais le commerce étranger[40]. Il s'imposa un sacrifice encore plus grand en ordonnant à ses plénipotentiaires, avant de quitter le congrès, de rendre visite à Guillaume. Caillères a laissé de cette entrevue une relation qui ne manque pas d'intérêt. Guillaume y déploya un grand art d'amabilité. Il protesta de son respect pour le roi, se défendit d'avoir jamais manqué à la personne d'un si grand prince, et rejeta sur son mauvais sort le parti opposé où il avait été engagé. Lui aussi, il avait désiré la paix ; Caillères en particulier pouvait témoigner des assurances qu'il avait toujours données à cet égard. Il louait donc les plénipotentiaires de leur habileté à ajuster tant de différents intérêts opposés. Il n'y avait jamais eu de guerre aussi terrible que celle qui venait de finir, de batailles aussi sanglantes, d'armées aussi considérables ; il convenait qu'il n'avait que trop éprouvé par là la puissance du roi de France. La paix lui était nécessaire à lui-même pour son repos, à son Age, après tant de travaux, et aux peuples pour leur soulagement après tant de misères. Si le roi le voulait bien, la paix serait ferme et durable entre les deux couronnes[41]. Ainsi Guillaume lui-même semblait abjurer ses haines personnelles, et cette jalousie contre la grandeur de la France qui était chez lui, de l'aveu de ses admirateurs, une véritable infirmité[42]. Malgré cette réconciliation apparente des deux plus grands adversaires, la paix ne fut pas accueillie en Europe avec tout l'empressement qu'on pourrait croire. En Angleterre même on regrettait qu'elle n'eut pas rapporté davantage. Le roi Guillaume, dit Burnet, vint à bout du grand dessein qu'il poursuivait depuis 1672, de mettre des bornes au progrès des armes françaises. Mais les conditions n'étaient toujours que trop avantageuses à la France. On avait obtenu les meilleurs arrangements possibles dans l'état présent des affaires, mais il était fâcheux que l'épuisement des alliés les eût contraints à cette modération. En Allemagne les plénipotentiaires eux-mêmes donnèrent l'exemple des doléances. Ils accusèrent les alliés de les avoir abandonnés, d'avoir traité chacun à part, d'avoir rendu par cette malheureuse séparation l'audace et l'inflexibilité à la France, de les avoir réduits à cette alternative de continuer la guerre avec des chances de ruine ou d'accepter une paix peu avantageuse[43]. Il n'y eut que l'Espagne qui ne trouvât rien à redire à la part qu'on lui avait faite. En France l'honneur national se sentit profondément blessé. La paix de Ryswick était dans l'ensemble une défaite flagrante. Sur quelques points on reculait au delà de la paix de Westphalie ; sur d'autres on restituait, sans avoir été véritablement vaincu, tout le fruit de tant de batailles gagnées, de sièges mémorables depuis dix ans. La France était amoindrie et abaissée. C'était en vain qu'on essayait de dissimuler ce résultat sous un prétendu mérite de modération et de générosité. Le regret perce à travers les paroles de ceux mêmes qui s'ingénient à y répondre. Le roi, écrivait Dangeau[44], donne la paix à l'Europe aux conditions qu'il a voulu imposer. Il était le maitre, et tous les ennemis ne sauraient s'empêcher de louer et d'admirer sa modération. Mme de Maintenon n'insinuait pas moins la résignation quand elle disait[45] : Toutes les restitutions que le roi offre ont causé ici de grands débats ; on est las de la guerre, et l'on trouve une espèce de honte à restituer ce qui a coûté tant d'efforts et de sang : pour moi il me semble qu'il y a de la gloire à restituer ce qu'on a pris pourvu qu'on n'y soit pas contraint par une puissance supérieure ; cette démarche ne peut qu'être attribuée à la générosité du roi. Louis XIV crut nécessaire de parler lui-même à son peuple, et de lui faire voir quelles satisfactions la paix offrait encore à l'honneur et à l'intérêt. Dans une première lettre à l'archevêque de Paris (12 novembre 1697) il se glorifiait d'avoir sacrifié le fruit de ses conquêtes au repos de l'Europe et au prompt soulagement de ses sujets : L'éclat des plus grands triomphes, disait-il, ne vaut pas la gloire de récompenser le zèle de mes sujets qui tous, avec une ardeur égale et sans jamais se démentir, ont prodigué leur sang et leurs biens pour mon service. Dans une seconde, deux mois après (5 janvier 1698), il comptait les succès obtenus sur les Allemands : Strasbourg, un des principaux remparts de l'Empire et de l'hérésie, réunie pour toujours à ma couronne, le Rhin rétabli pour barrière entre la France et l'Allemagne, et, ce qui me touche encore plus, le culte de la véritable religion autorisé par tin traité solennel chez des souverains d'une religion différente, sont les avantages de ce dernier traité[46]. Ce qu'il essayait de persuader par lui-même à ses contemporains, il chargeait l'Académie des médailles de le persuader à la postérité. Trois médailles furent frappées à l'occasion de la paix de Ryswick ; la seconde est la plus curieuse par l'intention politique qui y est avouée assez clairement. Les plus glorieux succès, dit le texte explicatif[47], ne dédommageaient pas le roi à son gré de la perte d'un grand nombre de soldats et d'officiers, ni des impositions qu'exigeaient les nécessités de l'État. Le désir de soulager le peuple le fit donc résoudre de relâcher non-seulement une partie des conquêtes qu'il avait déjà faites, mais de renoncer à celles que la continuation de la guerre lui promettait. Cette tendresse paternelle de Sa Majesté a paru digne d'un monument particulier qui en éternise la mémoire. Vains sophismes ! ni les contemporains ni la postérité ne se sont laissé prendre à ce système de gloire et de profits de convention, imaginé tout exprès pour couvrir un dommage et un affront réels. La paix de Ryswick est restée, dans le temps même et dans l'histoire, ce qu'elle est réellement, la première manifestation de la décadence de Louis XIV. Il s'y joignit bien-lot lin complément qui ne pouvait lui être insensible, puisque c'était la confusion de sa politique et un retour d'honneur pour l'Autriche. Cette guerre des Turcs, dont il s'était fait une diversion peu chrétienne, finissait par un désastre décisif de ses alliés secrets. Le 25 septembre, pendant que les Allemands débattaient encore à Ryswick leurs intérêts particuliers, le prince Eugène remportait à Zentha la plus brillante victoire qui eût jamais illustré les armes impériales. Une grande armée ottomane presque entièrement détruite, un butin incomparable et le sceau même des sultans aux mains du vainqueur, vengeaient enfin la chrétienté de tous les outrages des infidèles[48]. C'étaient les préliminaires de la paix de Carlowitz qui devait, l'année suivante, rendre à l'Ans riche la Transylvanie et la Hongrie jusqu'à la Save, livrer aux Vénitiens la Morée, la Podolie et Kaminiek à la Pologne, et Azof aux Russes. Le dix-septième siècle allait finir sur cet abaissement du roi très-chrétien par la coalition de l'Europe, et sur cette revanche glorieuse de la chrétienté par l'Autriche. |
[1] Burnet. Voir dans Macaulay de longs et intéressants détails sur cette question financière.
[2] Dangeau, 27 décembre 1695. — Isambert, Anciennes Lois françaises, tome XX.
[3] Isambert, Anciennes Lois françaises, tome XX.
[4] Mémoires de Foucauld, février 1696.
[5] Burnet, Guillaume III ; Mémoires de Berwick ; Dangeau, Journal, premiers mois de 1696.
[6] Les Anglais affectèrent de croire à une tentative d'assassinat par les Jacobites ; c'est encore aujourd'hui le grand cheval de bataille de Macaulay. Il n'ose pas, il est vrai, accuser Jacques d'avoir positivement ordonné ce crime ; mais il lui reproche de l'avoir insinué par des phrases vagues telles que celles-ci : Se lever en armes, s'emparer des forts et des villes, et se porter de temps à autre à tels actes d'hostilités qui seraient nécessaires pour le service du roi (Jacques). Or de bonne foi, on ne peut entendre par ces paroles que des actes de guerre, et l'assassinat n'est pas au nombre de ces actes. Il accuse Berwick de connivence, et il cite en témoignage les Mémoires mêmes de Berwick ; or celui-ci, dans ses Mémoires, ne parle que du projet d'enlever Guillaume, et c'est ce qui explique son mot de projet difficile à exécuter ; car l'assassinat malheureusement eût été plus facile. Enfin Burnet, le contemporain, reconnaît qu'il ne s'agissait pas d'assassiner Guillaume, mais de l'arrêter. Les accusés, dit-il, qui avouèrent le complot, ne disaient pas autre chose.
[7] Dangeau, Journal ; Histoire métallique, 1696. La grande action de Jean Bart fut en effet honorée d'une médaille.
[8] Actes et Mémoires de la paix de Ryswick, publiés (1707) en Hollande, par Adrien Moetjens — 5 volumes in-12.
[9] Actes et Mémoires de la paix de Ryswick.
[10] Dumont, Corps diplomatique, tome VII.
[11] Dangeau, 4 octobre.
[12] Burnet dit ici la même chose que Dangeau.
[13] Actes et Mémoires de la paix de Ryswick ; introduction.
[14] Hammer, tome XIII : grande défaite des Impériaux sur la Bega, 20 août 1696.
[15] Burnet, Actes et Mémoires de la paix de Ryswick.
[16] Actes et Mémoires de la paix de Ryswick.
[17] Mémoires de Foucauld : Dangeau dit à la même date : Polignac achète le gouvernement du Puy 30.000 livres.
[18] Isambert, Anciennes Lois françaises.
[19] Voir la lettre de Racine à propos des armoiries ; voir surtout, dans Depping, tome III, la lettre de Pontchartrain à Harlay : Le roi, voulant tirer parti de cette taxe, désire que chacun vienne apporter ses armoiries et contribue à la finance. Comme l'exemple en ces rencontres sert puissamment, et que ceux que donnent les corps entiers portent toujours plus de fruit que ceux que donnent les particuliers, Sa Majesté a commandé ce matin à M. le chancelier, en expliquant à tous les maîtres du Conseil et aux secrétaires du roi la pensée de Sa Majesté, de les exciter puissamment à envoyer tous enregistrer leurs armes et à le faire même par la voie de leur greffier pour le corps, afin que cela allât plus vite et que chacun se trouvât par là déchargé en son particulier d'envoyer et de retirer les expéditions. Sa Majesté m'a commandé de vous dire que vous fissiez la même chose dans le Parlement. Elle m'a ordonné aussi la même chose à l'égard de toutes les autres compagnies supérieures du royaume, dans la résolution qu'elle a prise de donner à cette affaire un prompt et heureux succès.
[20] Dangeau, Journal, 30 septembre 1696.
[21] Actes et Mémoires de la puez de Ryswick, introduction.
[22] Actes et Mémoires de la paix de Ryswick. — Lettre de Villiers à Schwresbury, 14 décembre, citée par Macaulay.
[23] Lettre de Guillaume à Heinsius, 21 décembre, citée par Macaulay.
[24] Dangeau, Journal, sept., octobre 1696.
[25] Actes et Mémoires de la paix de Ryswick.
[26] Actes et Mémoires de la paix de Ryswick.
[27] Dangeau. Mercure de septembre.
[28] Dangeau, mai. Histoire métallique.
[29] Actes et Mémoires de la paix de Ryswick.
[30] Actes et Mémoires de la paix de Ryswick.
[31] Voir dans Rousset, Histoire de Louvois, dernier chapitre, la lettre de Vauban à Racine.
[32] Dangeau, août 1697. Mémoires de Noailles. Histoire métallique.
[33] Actes et Mémoires de la paix de Ryswick, tome III.
[34] Lettre de Conti au primat de Pologne, juillet 1897, dans les Œuvres de Louis XIV, tome VI.
[35] Actes et Mémoires de la paix de Ryswick.
[36] Burnet, Guillaume III, année 1697.
[37] Voir le texte de ces traitas dans les Actes et Mémoires de la paix de Ryswick, et dans le Corps diplomatique de Dumont, tome VII.
[38] Il ne faut pas prendre pour un autre affront le préambule du traité où Guillaume se nomme non-seulement roi de la Grande-Bretagne, mais encore roi de France, à l'imitation de tous les rois d'Angleterre depuis Henri VI de Lancastre ; Louis XIV n'y est appelé que le roi très-chrétien. Cette formule souleva une réclamation de la part des négociateurs français. Les Anglais répondirent que c'était une formalité qu'on avait employée comme par le passé, comme au traité de Breda même, sans y attacher aucune signification. Ils offraient, si les Français le désiraient, un autre acte de ratification réformé sur ce point, et conforme pour le reste audit traité de paix : Actes et Mémoires de la paix de Ryswick, tome III, page 375.
[39] Voir le texte : Ad cujus cessionis alienationisque majorem validitatem, Imperator et Imperium vigore præsentis tractationis expresse derogant omnibus et singulis prœdecessorum Imperatorum sacrique imperii decretis, constitutionibus, statutis et consuetudinibus, etiam juramento firmatis, aut in posterum firmandis, nominatimque Capitulationi Cæsareæ, quatenus omnimoda alienatio bonorum aut jurium Imperii prohibetur.
[40] Dangeau, 21 octobre.
[41] Œuvres de Louis XIV, tome VI : lettre de Caillères à la marquise d'Huxelles, 12 nov. 1697.
[42] Macaulay, tome IV, chap. II.
[43] Actes et Mémoires de la paix de Ryswick, tome IV, page 119 : lettre des plénipotentiaires allemands à la diète de Ratisbonne.
[44] Dangeau, 26 sept. 1697.
[45] Maintenon à comtesse de Saint-Géran.
[46] Voir ces deux lettres dans les Actes de la paix de Ryswick, tome IV, p. 168 et suivantes.
[47] Histoire métallique.
[48] Voir dans Hammer, tome XII, pages 424, 425, les détails de la bataille de Zentha.