HISTOIRE DU RÈGNE DE LOUIS XIV

DEUXIÈME PARTIE. — L'ÉPOQUE DE PUISSANCE ET DE GLOIRE SOUS COLBERT ET LOUVOIS (suite)

 

CHAPITRE XXIV. — Dernière période de la guerre de Hollande ; 1676, 1677, 1678. Paix de Nimègue.

 

 

II. — Année 1677. - Les Hollandais favorables à la paix. - Neutralité de l'Angleterre maintenue. - Campagne de Flandre ; prise de Valenciennes, Cambrai, Saint-Orner. - Campagne inutile du duc de Lorraine sur la Moselle. - Siège inutile de Charleroi par le prince d'Orange. - Les mécontents de Hongrie soutenus par la Pologne et par la France. - Campagne heureuse des Français sur le Rhin. - Prise de Fribourg. - Difficultés pour la paix.

 

Si l'on veut savoir quelles étaient les dispositions des Provinces-Unies pour la France, il faut lire le passage suivant des Mémoires du chevalier Temple. Il prouve que, si le prince d'Orange ne pouvait ou n'osait encore se décider à rompre lui-même avec les coalisés, la nation dont il était le chef réprouvait désormais une alliance dont elle payait en grande partie les dépens.

Au commencement de 1677, Fagel, grand pensionnaire de Hollande, disait à Temple que non seulement ils souhaitaient la paix, mais qu'elle leur était absolument nécessaire, qu'ils n'insisteraient pas sur la paix suivant les prétentions de leurs alliés, et qu'il ne répondait pas que les États ne fissent un traité particulier ; qu'ils avaient payé leur dette à l'Espagne en combattant pour elle depuis trois ans, que l'Espagne ne payait ni la flotte de Sicile, ni les provisions et dépenses de la dernière campagne ; qu'à Vienne on ne se souciait pas plus de la conservation des Pays-Bas que la Hollande ne se souciait de la Hongrie, et que, pour ne pas prendre leurs quartiers d'hiver dans un pays ruiné comme l'Alsace, les Impériaux avaient renoncé à tous les avantages de la dernière campagne ; que la France leur offrait tous les avantages qu'ils pouvaient souhaiter, la restitution de Maëstricht, un traité de commerce et tout ce que le prince d'Orange pouvait demander pour sa famille.

Temple lui ayant alors représenté que, par leur défection, les Hollandais permettraient à la France de conquérir les Pays-Bas, et qu'ils l'auraient ainsi pour voisin limitrophe contrairement à toutes les traditions de leur politique, Fagel n'hésitait pas à renoncer aux anciennes défiances et à trouver même un bon côté dans cette perspective. Il répondait : que s'il fallait laisser la France occuper la Flandre, on pourrait encore subsister avec elle ; qu'il y avait apparence que les Français tourneraient plutôt leurs armes contre l'Italie et l'Allemagne ; que ce n'était pas l'intérêt de la France de détruire ou de conquérir leur République, mais plutôt de la conserver en quelque dépendance de cette couronne ; que les Français tireraient beaucoup plus d'avantages des troupes hollandaises que de quelques pauvres villes de pêcheurs auxquelles ils seraient réduits ; que le roi de France avait vu leur par et qu'il avait dit plusieurs fois qu'il aimait mieux avoir ce peuple pour ami que pour sujet[1]. Une résignation aussi catégorique semblait annoncer que la paix se déciderait par les convenances de la Hollande. Il est vrai que l'Espagne ayant, à peu près au même moment, pavé aux Etats une partie de ce qu'elle leur devait, ils consentirent à aider encore les alliés pendant la campagne prochaine. Mais leurs négociations et le sens positif des nasses finiront par donner raison au système de Fagel, au grand désespoir de Temple.

Les dispositions de l'Angleterre étaient toutes différentes. Ici le prince tenait pour la France ; la nation, ou du moins l'opinion bruyante, était impatiente d'entrer en lutte avec Louis XIV. Les progrès du roi aux Pays-Bas, le développement et surtout la force maintenant reconnue de la marine française, donnaient aux Anglais de mortelles inquiétudes ; à côté du gouvernement neutre et immobile, les particuliers faisaient déjà la guerre pour leur compte en faveur des Hollandais. Il existe un mémoire de Colbert adressé à Charles II en 1676[2], où le ministre français dénonce au roi d'Angleterre les violations partielles de la neutralité par ses sujets. Il leur reproche, un peu naïvement, de n'avoir pas compris quels avantages ils auraient pu retirer de la destruction du commerce hollandais, et d'avoir non-seulement laissé à la France seule la charge de l'anéantir, mais encore travaillé à le soutenir et à lui conserver la même abondance qu'en pleine paix. On a pris, disait-il, pendant la guerre des vaisseaux sous nom anglais, qui étaient de fabrique hollandaise, ou achetés en Hollande, dont le maître était hollandais, l'équipage hollandais levé en Hollande ou à Ostende. Les lettres de naturalité anglaise qu'on y trouvait avaient été envoyées d'Angleterre en Hollande par les ordinaires ; les maîtres hollandais allaient les prendre à Londres, ou les Anglais, Écossais et Irlandais les avaient portées en Hollande. Tous les vaisseaux pris dans ces conditions ont dû et pu être déclarés de bonne prise malgré la neutralité de l'Angleterre.

Ces prises avaient encore accru l'irritation des Anglais ; le jour approchait à grands pas où le Parlement allait se réunir ; il fallait s'attendre à une explosion de colère contre la neutralité du roi Louis XIV parvint à apaiser les marchands en concluant d'avance avec Charles II (24 février 1677) un traité de navigation qui sauvegardait les intérêts anglais, et réglait les droits des neutres d'après le principe que le pavillon couvre la marchandise. Le commerce serait libre entre les deux nations et dans tous les ports de l'une et de l'autre. On trafiquerait des mêmes marchandises que pendant la paix, sauf la contrebande de guerre. L'article 8 est surtout remarquable ; il porte que les vaisseaux libres affranchiront la marchandise ennemie qui ne sera pas contrebande de guerre, à la condition que les Anglais, dont le pavillon couvrirait les marchandises ennemies vis-à-vis de la France, couvriront aussi les marchandises françaises vis-à-vis des ennemis[3]. Cette satisfaction donnée aux marchands anglais, il en fallait une autre aux adversaires politiques. Louis XIV autorisa Charles II à déclarer en son nom qu'il se contenterait des places propres à rendre sa frontière plus commode et plus sûre, qu'il renoncerait à la Sicile pour la Lorraine, et s'engagerait à ne plus faire de nouvelles conquêtes dans les Pays-Bas[4]. Un argument plus persuasif fut mis à la disposition de l'ambassadeur français à Londres ; Courtin reçut 200.000 livres à répartir entre les membres les plus influents du Parlement.

Quoique les autres puissances, cédant à la menace des Hollandais, eussent enfin envoyé leurs négociateurs à Nimègue, elles affectaient de repousser toute transaction, et de traiter Louis XIV en débiteur ou en vaincu. On le vit clairement aux premières propositions qui furent échangées au congrès, le 5 mars 1677. L'Empereur réclamait le payement des frais de la guerre, la restitution à l'Empire et à ses alliés de tout ce que la France avait pris ; l'Espagne, la restitution de tout ce qu'elle avait perdu depuis 1667, et le rétablissement de ses places démolies ; le Danemark, les frais de la guerre, la conservation de ce qu'il avait pris aux Suédois, l'expulsion des Suédois hors de l'Empire ; Brandebourg, les frais de la guerre et la reconnaissance de ses conquêtes ; le duc de Lorraine, ses États. Les Hollandais, seuls modérés, se contentaient de Maëstricht et du rétablissement du château d'Orange[5]. Évidemment on voulait éprouver Louis XIV. Un coup de verge, selon l'expression de Louvois, semblait nécessaire pour fléchir iii ces volontés. Ce coup de verge fut une campagne dans les Pays-Bas qui commença en plein hiver, le 1er mars 1677.

Tout le monde, amis ou jaloux, étrangers ou Français, reconnaissent qu'on devait à l'infatigable activité, à la prévoyance universelle de Louvois, la meilleure part des succès de cette époque. L'éloge convient surtout à la campagne de 1677. Les magasins des frontières, dit Basnage[6], avaient été remplis de bonne heure par la vigilance de M. Louvois. Le fantassin y trouvait son pain de munition, le cavalier son fourrage comme dans la saison des herbes, et la gelée, qui était forte, rendait le transport du canon plus aisé. Le roi lui-même ne se ménageait pas ; quelque voluptueux qu'on le connaisse malheureusement, il quittait sans hésiter ses plaisirs pour les affaires, et allait camper en Flandre, comme jadis en Franche-Comté, au milieu des hivers. Il s'agissait encore cette fois, conformément à la pensée de Vauban, d'acquérir les villes de l'Escaut, au-dessus de Condé, et de ne rien laisser aux Espagnols en Artois. Deux armées étaient prêtes pour faire simultanément le siège de Valenciennes et celui de Saint-Orner. Le 1er mars, Valenciennes était investi ; le 4, le roi y arrivait, précédant ses bagages, et, en attendant mieux, bivouaquait dans son carrosse. Neuf jours suffirent à l'achèvement de la circonvallation ; après six jours de canonnade, deux traits d'audace inouïe emportèrent la conquête. Trois ouvrages avancés, à la suite les uns des autres, couvraient le corps de la place. Vauban par une surprise de jour, contraire à toutes les habitudes et aux prévisions de l'ennemi, enleva le premier dans un vigoureux assaut. Les deux autres furent pris au pas de course iar les mousquetaires et les grenadiers du régiment lu roi[7]. Ces téméraires, sans avoir reçu d'ordre, sans s'inquiéter s'ils étaient soutenus, se lancèrent à a poursuite des fuyards, et tour à tour montant et descendant, arrivèrent par-dessus les deux obstacles à la place même. Là ils commençaient à se rallier et à se mettre en garde contre les assiégé qui, revenus de la surprise, se rassemblaient pour les écraser, lorsque Luxembourg les ayant aperçus comprit ce qu'ils avaient fait et que la ville était à moitié prise. Il se précipita sur leurs traces avec des renforts ; son arrivée sur le rempart de la place ôta aux défenseurs de Valenciennes toute volonté de continuer la lutte ; la garnison se constitua prisonnière, et la bourgeoisie sollicita l'exemption du pillage. Ainsi la ville la plus forte peut-être des Espagnols succombait, le seizième jour, à une seule attaque en deux temps, et ne coûtait pas au vainqueur plus de cinquante hommes. L'Histoire métallique en a consacré le souvenir dans une des médailles les mieux justifiées de cette époque, dédiée à l'impétuosité française. Le roi reçut force compliments. On sourit en trouvant dans cette affluence le vieux maréchal de La Ferté, qui, faisant sa cour de ses propres humiliations, se réjouissait de voir venger par son maître son échec de 1656 devant Valenciennes[8]. Mais Louis XIV ne perdit pas son temps à savourer ces fadeurs : le 22 mars, il arrivait sous les murs de Cambrai et expédiait le duc d'Orléans à Saint-Omer.

Ici encore tout réussit à la rapidité et à la prévoyance. La tranchée ayant été ouverte devant Cambrai le 28 mars, la ville proprement dite capitula le 3 avril ; cette réduction, écrivait Louvois, n'aura pas mis cinquante hommes hors d'état de monter la garde pendant huit jours. La citadelle seule tenait encore ; le gouverneur y avait retiré ses meilleures forces pour prolonger la résistance. Le due d'Orléans, arrivé devant Saint-Omer avec tout ce qui était nécessaire pour le siège, recevait successivement des renforts contre l'attaque probable d'une armée de secours. En effet, le prince d'Orange, furieux, mais non découragé de la prise de Valenciennes, rassemblait à la bâte des Hollandais et des Espagnols, et calculait lequel des deux nouveaux sièges il lui serait le plus avantageux de troubler. On sut qu'il s'était décidé pour Saint-Omer. Aussitôt le duc d'Orléans, en compagnie des maréchaux d'Humières et de Luxembourg, leva le siège et s'avança à la rencontre du prince d'Orange dans la Plaine de Cassel.

Le 11 avril, les deux armées étaient en présence. Après un premier engagement sur les bords d'un ruisseau, dont l'avantage demeura aux Français, une vraie bataille rangée s'engagea où l'impétuosité ne l'emporta pas du premier bond. La gauche du prince d'Orange fut battue par d'Humières ; mais Luxembourg lutta d'abord péniblement contre une cavalerie plus nombreuse que la sienne, et à la droite une manœuvre de flanc donna quelque temps la supériorité aux Hollandais. Il fallut, pour établir le combat de ce côté, l'arrivée de l'infirmerie de la seconde ligne française, et la bravoure du duc d'Orléans et des officiers de son état-major, dont vingt tombèrent morts à ses côtés. Alors les Hollandais plièrent, puis s'enfuirent malgré les imprécations et les coups de leur chef. On raconte qu'il frappa un de ses soldats au visage, en lui disant : Coquin, puisque tu veux vivre, je te marquerai au moins pour te reconnaître[9]. Il ne put arrêter la déroute ; il lui fallut laisser sur le champ de bataille trois mille morts, quatre à cinq mille blessés, deux mille cinq cents prisonniers, quarante drapeaux, autant d'étendards, tout son canon, toutes ses munitions. La relation qu'il envoya aux États Généraux n'était avantageuse ni à ses troupes ni à sa capacité. Il s'en prenait à un second ruisseau que personne n'avait prévu, et qu'on n'avait découvert qu'après avoir traversé le premier, à la lâcheté des deux premiers régiments qui avaient honteusement abandonné leur poste, à la peur de trois autres qui, en prenant la fuite, s'étaient renversés sur les escadrons chargés de les soutenir. Il avouait la défaite par ces paroles tristes : Nous sommes bien fâché d'être obligé dire à vos hautes puissances qu'il n'a pas plu à Dieu de bénir cette fois les armes de l'État sous notre conduite[10]. En France, la victoire de Cassel provoqua des louanges entre lesquelles on remarque à la fois celles du grand Condé et celles de Cotin. Elle inspira à Cotin lui-même des vers qui valent mieux que la réputation de leur auteur[11]. On a prétendu que Louis XIV, qui avait manqué la gloire d'une bataille rangée devant Bouchain, fut jaloux de l'avantage que Cassel donnait sur lui à son frère, et que c'est cette jalousie qui retint désormais le duc d'Orléans loin du commandement des armées[12]. Cependant Louis XIV, avant la bataille, n'avait rien négligé pour assurer le succès à son frère ; et après la victoire, il en témoigna sans embarras sa satisfaction. L'historien de Louvois est explicite et décisif sur ce sujet.

Après cette nouvelle mésaventure de son plus énergique auxiliaire, l'Espagne ne pouvait pas espérer de sauver ses villes. Les citadelles de Cambrai et de Saint-Omer étaient marquées pour une prompte reddition. Il convient pourtant de faire honneur à la garnison de Cambrai des grands efforts qu'elle soutint avant de céder, et qui ont rendu le siège de cette citadelle le plus meurtrier de la campagne. Les défenseurs, Espagnols naturels, étaient animés du point d'honneur castillan. Ils firent payer cher aux Français la prise des dehors ; ils réussirent même une fois à reprendre une demi-lune occupée trop tôt et contrairement à l'avis de Vauban[13]. Ils méritèrent par cette belle tenue une capitulation honorable (17 avril), qui leur permit de retourner à Bruxelles. Saint-Omer capitula le 19 ; la garnison, traitée avec honneur, fut conduite à Gand. Ainsi, en sept semaines, à travers la fin de l'hiver, les Français avaient gagné une bataille rangée, expulsé définitivement les Espagnols de l'Artois, et complété l'acquisition du cours supérieur de l'Escaut ; et dans ces conquêtes ils comptaient Cambrai, une place, disait Louvois, qui a fait des maux infinis au royaume, et qui doit rendre le repos à un million de sujets du roi. Ils pouvaient retourner à leurs quartiers dans une saison ou leurs adversaires avaient à peine l'habitude d'en sortir.

En effet Louis XIV affecta de s'arrêter après ces succès. Ce repos entrait comme son activité dans les calculs de sa diplomatie. Il prétendait démontrer à tous que, s'il prenait des villes à son gré, il savait s'en tenir à des acquisitions raisonnables ; aussi bien c'était sa promesse, récemment envoyée au roi d'Angleterre, de n'occuper dans les Pays-Bas que les points nécessaires à la rectification et à la sûreté de sa frontière. Il espérait que la paix n'en serait que plus facile, et que ses ennemis intimidés Par sa puissance se hâteraient de profiter de sa 1odération. Il se trompa. Ses victoires avaient exaspéré ses adversaires, son inaction leur rendit une espérance. En Angleterre, l'irritation des communes croissait d'un degré à chacune des villes qui tombaient entre les mains du roi de France. Le Parlement votait à l'unanimité le rappel des auxiliaires anglais ; il promettait un subside de vingt millions de livres pour soutenir les Pays-Bas contre la France. Le duc de Lorraine, infatué de son triomphe de Philipsbourg, s'était promis enfin de rentrer dans ses États ; il l'annonçait par sa devise : Aut nunc, aut nunquam ; dès le 13 avril, Par le pont de Strasbourg, il revenait sur la rive gauche du Rhin. Le prince d'Orange, après Cassel, s'était rendu à Wesel pour y tenir un conseil de guerre avec ses alliés. Là se trouvaient l'électeur de Brandebourg, l'ambassadeur de Danemark, les ducs de Brunswick, l'évêque de Munster, les électeurs palatin, de Trêves et de Cologne, le pensionnaire Fagel, l'amiral Tromp[14]. Le parti de la guerre y domina. Tromp fut renvoyé dans les mers du Danemark, Brandebourg reprit sa lutte contre les Suédois. Le prince d'Orange se promit de combiner ses manœuvres avec celles du duc de Lorraine.

A cette obstination Louis XIV opposa une politique défensive, qui, par l'argent d'une part, de l'autre par les armes quand il y eut nécessité, rendit vaines toutes ces menaces. L'argent ne lui manquait pas, même pour ses caprices, grâce à l'industrie féconde de Colbert. Un autre que vous, lui écrivait-il du milieu des camps, serait embarrassé de trouver ce qui est nécessaire ; mais je suis assuré que vous ferez en sorte que rien ne manquera, et que votre principale peine sera de me plaire. Colbert, le lendemain de la bataille de Cassel, lui envoyait 10.000 pistoles pour sa cassette, 20.000 livres pour Bontemps, son valet de chambre, chargé des dépenses secrètes ; et, sur la demande de la reine, livrait 800 pistoles au comte de Grammont[15]. Ne serait-il pas juste d'imputer en partie à l'habileté et à la complaisance du ministre l'avidité et la confiance du dissipateur ? Les moyens employés pour plaire au roi étaient souvent impitoyables envers les contribuables, et quelquefois contradictoires aux bonnes doctrines économiques du ministre lui-même. Ici il travaillait à établir à Rouen un chevalier du guet, avec les officiers et archers nécessaires, sans doute pour l'utilité de la ville, pour empêcher les désordres des débauchés, des vagabonds et coureurs de nuit, mais tout autant pour l'utilité du roi, et pour en tirer un secours annuel de 100.000 livres[16]. Là, il pressait les marchands, par des visites rigoureuses, de prendre du papier timbré pour leurs registres, et les intendants de donner toutes les assistances aux collecteurs des revenus extraordinaires[17]. Il allait même jusqu'à rocher la protection accordée par lui à l'agriculture, et il faisait examiner la question de savoir s'il n'était pas avantageux de rétablir la contrainte par corps et la saisie des bestiaux pour assurer le recouvrement des tailles[18]. Hâtons-nous de reconnaître qu'il ne fut pas réduit à une extrémité aussi pénible pour lui-même.

L'argent fut encore une fois le remède appliqué à l'emportement hostile des Anglais, Au lendemain de la bataille de Cassel, Colbert expédiait des présents pour le comte de Sunderland et milord Duras. Charles II, dès le début de la session s'était montré ferme dans le parti de la France. Il éludait les demandes du Parlement ; un jour il traita les propositions de guerre d'attentat à sa prérogative, et de coquins les auteurs de ces propositions[19]. Il faisait sortir du royaume les agents de l'Espagne. Circonvenu par l'ambassadeur français Courtin, par la duchesse de Portsmouth que Louis XIV saluait ma cousine[20], il négociait plus commodément au domicile de cette femme avec son allié[21]. D'ajournement en ajournement, il promena les chambres, sans rien décider, jusqu'au 31 juillet. Alors, assuré de recevoir de la France deux millions de livres tournois, il les ajourna définitivement jusqu'au 13 décembre ; et le marché conclu, il s'engagea à prononcer encore à cette échéance une autre prorogation jusqu'au mois de mai. Il déclara aux ministres des confédérés qu'aucune considération ne serait capable de le porter à entrer dans la guerre présente[22].

L'argent fut aussi employé à susciter des embarras à l'Empereur par la Pologne. Depuis la paix de Zurawno, le roi travaillait à tourner Sobieski, délivré des Turcs, contre l'Autriche, afin de forcer cette puissance à rappeler, pour la conservation de ses propres États, son armée du Rhin. Sobieski avait reçu l'ordre du Saint-Esprit, un lit, un ameublement magnifique, un carrosse et de l'argent pour lever des troupes[23]. Un compte de Colbert, dans une lettre au roi, résume les sommes expédiées en quelques mois à la Pologne : soixante six mille livres le 16 novembre, soixante mille le 19décembre, cent dix mille le 23 mars 1677, cent cinquante mille le 12 mai. Louis XIV répond : Les sommes sont un peu fortes, mais elles seront d'une grande utilité[24]. Sobieski, hésitant à se déclarer ouvertement contre l'Autriche, laissa lever par Béthune, l'ambassadeur français, un corps de cinq à six mille hommes. Le colonel Boham, qui devait le commander, fut fait brigadier par Louis XIV ; les mestres de camp des régiments reçurent de la même main leurs commissions. Ces forces devaient descendre en Hongrie pour y appuyer les mécontents. Par une coïncidence favorable, Abassi, prince de Transylvanie, sous prétexte d'une conspiration contre sa personne qu'il attribuait aux Allemands, promettait son concours aux sujets rebelles de l'Autriche, et recherchait l'alliance de la France[25]. Abassi et les mécontents s'étant engagés à mettre sur pied neuf mille chevaux et six mille fantassins, Louis XIV leur promit vingt mille écus pour l'entrée en campagne, et cent mille écus par an[26]. Plus de vingt mille hommes, y compris le corps levé en Pologne, allaient prochainement attaquer l'Autriche chez elle. L'importance de cette diversion est suffisamment démontrée par les plaintes que les amis de l'Empereur lui adressent à lui-même. S'il n'avait pas donné lieu au mécontentement de ses sujets, dit Basnage, s'il n'avait pas eu à diviser ses forces, il aurait mis l'Allemagne à couvert, rétabli le duc de Lorraine, et peut-être porté la guerre en France.

Mais, avant même l'explosion du soulèvement hongrois, la défensive par les armes ne réussissait pas moins à Louis XIV que les négociations. Il en prenait mal aux coalisés d'avoir voulu essayer l'invasion pendant que le roi suspendait l'offensive. La guerre en France, tentée par le duc de Lorraine échoua, au grand désappointement de ses alliés et de lui-même. Il avait trouvé l'Alsace ouverte par le démantèlement des villes de Haguenau, de Saverne et de Montbéliard, le pays ravagé entre le Rhin et la Sarre, entre la Sarre et la Moselle ; c'était Louvois qui, en lui enlevant par là toute ressource Pour faire vivre ses troupes, avait d'avance renversé fous ses desseins. Le maréchal de Créqui était opposé ail due de Lorraine. Ce vaincu de Konz-Saarbrück était un de ceux qui, cinq ans plus tôt, avaient cru se rabaisser en servant sous les ordres de Turenne. Il Lui était réservé de réparer cette faute et de venger. sa propre défaite par une tactique et des succès capables de rappeler un peu, sur le même théâtre, les exploits du libérateur de l'Alsace. Le due de Lorraine, après une marche facile dans la vallée de ta Sarre, prit le chemin de Nancy où Créqui s'était longtemps tenu en observation. Il avait grande envie de se battre au milieu de son pays, à la vue de ses villes. Mais il trouva son adversaire posté mie la Seille qui lui barra le chemin ; et plus loin il le retrouva à Morville, dans une position qui ne Permettait pas d'attaque (15 juin). Après avoir subi une vigoureuse canonnade sans y répondre, il crut Pendent de reprendre la direction de Trêves. Quelques jours après, une manœuvre adroite du maréchal de Créqui lui enlevait un grand convoi venu die Trêves et tous ses bagages. On sut bientôt qu'il s'éloignait de la Moselle et se rapprochait de la Meuse. On soupçonna, ce qui était vrai, que le prince d'Oronge l'appelait aux Pays-Bas. Créqui prévint encore cette jonction. A peine le duc de Lorraine avait atteint Mouzon (2 août), que les Français parurent sur les deux bords du fleuve, et le réduisirent à risquer le passage entre deux feux. Il comprit le danger, mit le feu à Mouzon pour avoir au moins fait quelque mal à ses ennemis, et rétrograda vers la Moselle. Cette retraite fut un désastre décisif. Harcelé par les garnisons de Mézières, Sedan, Stenay, Metz, Thionville, il ne put regagner Trêves qu'en perdant ses convois, ses fourrages, ses traînards, et hors d'état pour quelque temps de secourir ses alliés qui succombaient ailleurs.

Le prince d'Orange, toujours vaincu, jamais dompté, plus furieux encore depuis Cassel, voulait à tout prix montrer à cet odieux roi de France qu'il n'était pas invincible. Il avait rétabli une armée, et réclamé avec menaces les secours de l'Empereur ; c'était sur cette réclamation hautaine que le duo de Lorraine avait tenté de pénétrer dans les Pays-Bas. Rendant à Louvois stratagème pour stratagème, par des mouvements en sens divers, il tint quelque temps les Français dans l'incertitude de ses desseins, puis subitement, le 6 août, il parut devant Charleroi. Cette ville était un de ses écueils de 1672, de comme surcroît de rancune, elle avait Montal pour commandant, le même qui avait fait lever le prenait siège. La passion de Guillaume s'exaltait jusqu'à la fanfaronnade. Il négligea de hâter l'investissement, et voyant plusieurs compagnies françaises entrer devant lui dans la place, il répondait : Plus il y en aura dedans, plus on en prendra. Dans la prévision d'une attaque par le maréchal de Luxembourg, il promettait, si cet ennemi s'approchait de lui, d'aller jusqu'à six lieues à sa rencontre. Cependant le duc de Lorraine, battu par Créqui, ne paraissait pas ; les travaux du siège étaient si mal conduits, que les Français enlevaient le commandant de l'artillerie hollandaise et dispersaient les avant-postes ; enfin Luxembourg avec quarante-cinq mille hommes arrivait à quelques lieues de Charleroi. Dès que cette armée eut commencé ses mouvements, le prince d'Orange se mit en observation ; il fit marcher les Hollandais au delà de la Sambre pour rejoindre les Espagnols ; on crut pendant un jour une bataille inévitable. Grande fut la surprise le lendemain. Le prince d'Orange avait reconnu la supériorité de nombre des Français, les avantages de leur position ; il regardait la lutte comme impossible. Il levait le siège (14 août), selon son habitude. Il en donne froidement les raisons dans une lettre écrite au duc de Lorraine (15 août) : M. de Luxembourg ayant passé la Sambre près de nous, ayant un bois à la droite, et un ruisseau devant, qui, au rapport des gens du pays, ne pouvait être passé qu'en défilant, nous sommes convenus de l'impossibilité de continuer le siège, tant qu'il occuperait ce poste, où il pouvait non-seulement nous empêcher le fourrage entre Sambre et Meuse, mais encore incommoder trios convois venant de Bruxelles. Les généraux espagnols ont été d'avis qu'il fallait combattre, j'ai été d'avis qu'il fallait se retirer[27]. C'était toute la consolation qu'il savait offrir à un alibi malheureux dont il avait provoqué le désastre.

N'en était-ce pas assez ? L'obstination d'un seul homme tant de fois convaincue d'impuissance devait elle faire plus longtemps obstacle à la paix ? Le Provinces-Unies surtout, à qui le vainqueur laissait entrevoir de si avantageuses conditions, murmuraient contre le stathouder ; les magistrats des principales villes étaient d'accord en cela avec les populations. On s'attroupait dans les rues pour calcule les pertes subies ; on demandait à quoi tant di sommes d'argent avaient passé. Les diplomates n'étaient pas fâchés du dernier malheur, parce qu'il favorisait leurs pensées pacifiques, et ébranlait li domination du prince par son humiliation. A quelque chose le malheur est bon, disait Biverningk en parlant de la levée du siège de Charleroi Louis XIV les trouva donc disposés à traiter ; ii reprit avec eux sa négociation particulière. Il leur proposait un traité de commerce ; il fixait sa frontière du Nord à certaines villes avec promesse de rendre tout ce qu'il avait pris au delà. Malheureusement les Hollandais ne savaient pas transiger. Nous connaissons depuis longtemps ce qu'ils appelaient traiter à la hollandaise : se faire la part bonus sans tenir compte de celle des autres. Dès qu'ils eurent l'espérance d'un traité de commerce, ils réclamèrent aussitôt les conditions de 1662 ; non seulement ils voulaient l'abolition des derniers tarifs qui avaient fait éclater la guerre, ils repoussaient encore les tarifs de 1667, et même ceux de 1664, Colbert n'y pouvait pas consentir, et tant que l'ensemble des affaires ne paraissait pas exiger ce sacrifice, Louis XIV tenait à donner satisfaction à Colbert. Les Hollandais trouvaient encore que ; même après les restitutions de territoires proposées, la frontière de France ne serait pas assez loin d'eux ; ils demandaient que Condé et Valenciennes au moins fussent rendues à l'Espagne. C'était mutiler le plan de Vauban, abandonner la position de l'Escaut, et le profit le plus net et le plus glorieux des deux dernières campagnes. Louis XIV discutait avec la détermina-lion de ne pas eider. Les négociations languirent en conséquence ; la bonne volonté des Hollandais se refroidit[28]. Les hostilités durent continuer ; elles furent, il est vrai, favorables à la politique et aux armes de la France.

Le poids le plus lourd en retomba sur l'Empereur. La ligue entre les Hongrois et les volontaires polonais, menée par la France, avait bien réussi. Les mécontents hongrois étaient faciles à rassembler. Après leurs défaites, ils avaient un asile sûr dans les montagnes, en Transylvanie ou chez les Turcs. Ils y laissaient leurs femmes, leurs enfants, leurs équipages, dès que la diminution des troupes impériale leur donnait l'espérance de rentrer avec avantage en Hongrie. Leurs chefs, Tékeli, Wesselini, Théokeoli, Pétrozzi, ayant annoncé, dans un manifeste, qu'une puissance touchée de leurs maux travaillait à les tirer de la servitude, ils affluèrent sur cette assurance. Ils étaient réunis en août, au nombre de quinze ou seize mille, et commençaient les hostilités. L'arrivée de Boham et de six mille Polonais (septembre) donna l'impulsion décisive. Ils remportèrent une grande victoire à Nalab (6 octobre). Ils occupèrent un bon nombre de lieux fortifiés dans les montagnes ; ils saisirent les mines de l'Empereur. Vienne même fut inquiète de leurs succès ; l'Empereur se vit contraint de rappeler une partie de son armée du Rhin[29].

Cette armée, après son expédition malheureuse de Lorraine, avait été ramenée vers l'Alsace par le retour du maréchal de Créqui dans cette province. Un prince allemand, Saxe-Eisenach, s'était maintenu jusque-là dans la haute Alsace, mais sans oser rien entreprendre sous les yeux du gouverneur Montelar qui le gardait de près. A la rentrée du maréchal de Créqui, l'Allemand repassa le Rhin, mais, bientôt poursuivi sur la rive droite et battu, il ne put empêcher une partie de ses troupes de capituler dans une île du Rhin et de renoncer par serment à la guerre. Le vainqueur aurait volontiers complété son succès en attaquant dans le Brisgau quelqu'une des villes qui appartenaient à l'Empereur. La réapparition du duc de Lorraine en Alsace le força de suspendre ce dessein. Créqui repassa prudemment le fleuve et se porta dans le voisinage de Saverne sur les hauteurs de Kokersberg. Là s'engagea fortuitement (9 octobre) un combat de cavalerie, qui ne fut pas décisif, mais qui, par l'éclat de la valeur, laissa l'apparence de la supériorité aux Français. Le duc de Lorraine en conclut au moins qu'il aurait peine à se maintenir en Alsace, dans cette saison avec des troupes fatiguées. Il regagna le Palatinat, et sépara son armée en quartiers d'hiver, selon la coutume allemande. Créqui se sentit libre de reprendre son premier plan. Par un semblant de séparation de ses troupes, il avait confirmé la sécurité des Impériaux. Un mois après l'engagement de Kokersberg, il réunit rapidement ses différents corps, et passa le Rhin à Brisach. En neuf jours, Fribourg en Brisgau fut investie, canonnée et réduite à capituler le 17 novembre : L'empereur était Frappé dans une de ses plus chères possessions. C'était la revanche de Philipsbourg.

La prise de Fribourg, écrivait Sévigné[30], a comblé de joie et de gloire le maréchal de Créqui, et a contraint le gazetier de Hollande d'avouer bonnement qu'il n'y a pas le mot à dire sur la campagne du roi ; que trois grandes villes prises, une bataille gagnée, et Fribourg pris pour dire adieu aux Allemands, est une suite de bonheur si extraordinaire qu'il n'y a qu'à l'admirer. Ce bonheur s'accrut encore huit jours après d'un succès sur les Espagnols, et après huit autres jours d'une victoire navale sur les Hollandais. Ces belligérants, qui s'obstinaient à ne pas poser les armes, ne pouvaient se plaindre que leur adversaire continuât à les combattre et leur fit les mêmes adieux qu'à l'Empereur. Le 10 décembre, les Espagnols eurent la surprise de se voir enlever Saint-Ghislain, entre Mous et Condé, par un siège rapide. Le 15 décembre, les Hollandais perdaient définitivement la partie dans les mers d'Amérique. Depuis deux ans il se poursuivait de ce côté une guerre maritime doublement chère à Colbert, parce qu'elle mettait en honneur ses marins et sauvait ses colonies. En 1676, les Hollandais étaient parvenus à saisir l'établissement français de Cayenne ; ils se promettaient déjà d'en faire un second Brésil, plus riche que le premier[31]. Ils en dressaient de grands trophées, comme si, dit Colbert, il y avait eu un grand mérite à occuper une terre lointaine, forcément négligée par le roi[32]. Ils ne la gardèrent pas longtemps. Le vice-amiral d'Estrées alla leur reprendre Cayenne à la fin de la même année, et visita les Antilles pour maintenir ces îles sous l'autorité de la France. Prenant à son tour l'offensive, il attaqua Tabago, colonie hollandaise (2 février 1677). Dans un combat furieux, il détruisit plus de vaisseaux ennemis qu'il n'en perdit lui-même, sans réussir encore à rien conquérir. Revenu en France, et pourvu de nouvelles forces, il reprit la mer en octobre, avec des instructions de Colbert, qui désignaient de ses efforts Curaçao, Tabago, Surinam et les colonies hollandaises des côtes de l'Afrique. Chemin faisant, il occupa, près de l'Afrique, l'île de Gorée. Débarqué à Tabago (décembre 1677), il décida la querelle par un avantage si complet, que l'historien de Hollande en rapporte les détails plus explicitement que Colbert lui-même. Tous les vaisseaux hollandais qui étaient dans le port furent pris ; une bombe fit sauter le gouverneur avec sa maison, qui était le magasin à poudre ; la garnison se rendit prisonnière de guerre ; toute l'île fut soumise à Sa Majesté Très-Chrétienne[33]. Les Hollandais ne pouvaient plus refuser à la France une part dans l'empire des mers.

Les Suédois eux-mêmes, malgré de nouveaux malheurs, soutenaient la cause de la France par l'occupation qu'ils donnaient à une partie des troupes allemandes et hollandaises. Ils ne perdirent Stettin qu'après une résistance de six mois (juillet-décembre 1677). Battus sur mer par les Danois et les Hollandais de Tromp, ils tenaient bon sur leur continent. Ils sauvèrent une seconde fois Malmö (9 juin). Ils forcèrent, par une vigoureuse bataille, les Danois à se retirer du voisinage de Landskroona (24 juillet). Pendant que leurs petites îles, Œland, Smalande, Unno, Kuno, tombaient aux mains de leurs ennemis, ils se maintenaient dans le fort de l'île de Rugen par l'intrépidité de Kœnigsmark[34].

Cependant la paix n'avançait pas. Il faut chercher la cause de ces retards dans les nouveaux incidents diplomatiques que la ténacité du prince d'Orange opposait aux décisions des armes, en attendant qu'il tentât d'opposer la force des armes aux décisions diplomatiques. C'est le dernier temps d'arrêt et la dernière phase de la guerre de Hollande.

 

 

 



[1] Temple, Mémoires, ch. II.

[2] Lettres et instructions de Colbert : Collection Clément.

[3] Voici le texte : Dumont, Corps diplomatique, tome VII : Les marchandises appartenant aux sujets du roi Très-Chrétien qui se trouveront chargées sur les vaisseaux des ennemis du roi d'Angleterre, seront sujettes à confiscation bien qu'elles ne soient pas de contrebande. Et au contraire, les marchandises des ennemis dudit seigneur, roi de la Grande-Bretagne, ne pourront être prises et confisquées si elles sont sur des vaisseaux appartenant aux sujets du roi Très-Chrétien. De la même manière, les marchandises appartenant aux sujets du roi de la Grande-Bretagne qui se trouveront chargées sur les vaisseaux des ennemis du roi Très-Chrétien, seront sujettes à confiscation, bien qu'elles ne soient pas de contrebande ; et au contraire, les marchandises des ennemis dudit seigneur roi Très-Chrétien, ne pourront être prises ni confisquées si elles sont sur des vaisseaux appartenant aux sujets du roi de la Grande-Bretagne.

[4] Louis XIV à Courtin, 2 et 27 février 1677.

[5] Voir Mignet, Négociations, tome IV.

[6] Basnage, 1677 : paragraphe 18.

[7] On appelait les grenadiers les Riotorts du nom de leur chef : voir Rousset.

[8] Basnage, 1677.

[9] Temple, Mémoires.

[10] Basnage, 1677, ch. XXVIII.

[11] Voici ces vers adressés au duc d'Orléans :

Surprendre l'univers par des faits inouïs

Et contraindre l'Espagne et l'Europe à se taire,

C'était faire beaucoup ; mais pouvais-tu moins faire,

Philippe, fils de France et frère de Louis ?

[12] Mémoires de Lafare : Le roi, selon ce mécontent, étant venu à Saint-Omer, causa peu de la bataille de Cassel, et ne voulut pas aller voir le champ de bataille. Il ne fut pas trop content de ce que les peuples sur son chemin criaient : Vive le Roi et Monsieur qui a gagné la bataille! Aussi ace été la première et la dernière de ce prince ; car, comme il fut prédit dès lors par des gens sensés, il ne s'est trouvé de sa vie à la tête d'une armée.

Comme contre-partie à cette affirmation malveillante, on ne peut rien choisir de mieux que la lettre écrite par Louis XIV en réponse aux compliments du grand Condé : C'est avec justice que vous me félicitez de la bataille de Cassel. Si je l'avais gagnée en personne, je n'en serais pas plus touché, soit pour la grandeur de l'action, soit pour l'importance de la conjoncture, surtout pour l'honneur de mon frère. Œuvres de Louis XIV, tome IV.

[13] Racine, Fragments historiques. Dumetz, brave homme, mais chaud et emporté, avait prévalu dans l'esprit du roi sur Vauban. Celui-ci disait au roi : Vous perdrez peut-être à cette attaque tel homme qui vaut mieux que la place. La demi-lune fut attaquée et prise, mais les ennemis y étant revenus avec un feu épouvantable, ils la reprirent et le roi y perdit plus de quatre cents hommes et quarante officiers. Vauban, deux jours après, l'attaqua dans les formes, et s'en rendit maitre sans y perdre que trois hommes. Le roi promit qu'une autre fois il le laisserait faire. Le récit de Racine ne diffère de celui de Louvois rapporté par Rousset, que par le nombre d'hommes tués ou blessés dans la première attaque. Louvois convient de vingt-cinq officiers tués ou blessés, de cinquante soldats tués et deux cents blessés.

[14] Basnage, 1677.

[15] Lettres de Louis XIV et de Colbert, 17 avril 1677 et jours suivants. Collection Clément.

[16] Colbert à l'intendant de Rouen, 1er août 1677.

[17] Colbert à l'intendant de Rouen, 2 avril 1677.

[18] Colbert aux intendants, 24 avril 1676.

[19] Temple, Mémoires.

[20] Œuvres de Louis XIV : lettre du 8 octobre 1877 : Ma cousine (pourquoi pas ? elle était duchesse au même titre que La Vallière), j'ai lu avec une satisfaction particulière la lettre que vous m'avez écrite par le sieur Courtin, voyant les assurances qu'elle me donne d'une affection aussi sincère que je sais qu'est la vôtre. Les deux montres qu'il m'a présentées aussi de votre part, ne m'ont pas été moins agréables, non-seulement parce qu'elles sont fort belles, mais aussi parce qu'elles viennent de vous ; enfin le compliment ni le présent ne pouvaient être mieux reçus, et vous ne pouvez pas douter que je ne reçoive toujours de même les marques de votre souvenir.

[21] Mémoires du marquis de Pomponne.

[22] Œuvres de Louis XIV, lettre de Courtin, 5 août.

[23] Mémoires de Pomponne.

[24] Lettre de Colbert, 22 mai 1677.

[25] Basnage, 1677, XLIII et suivants.

[26] Mémoires de Pomponne. Mémoires de Choisy, livre XI, dans Mignet, tome IV, le texte du traité conclu, 27 mai 1677, entre Béthune, au nom du roi de France, et le prince de Transylvanie et les Hongrois.

[27] Voir cette lettre dans Basnage.

[28] Mignet, tome IV : Négociations.

[29] Mémoires de Pomponne. Basnage, 1677.

[30] Sévigné, 8 décembre 1677.

[31] Basnage, 1676.

[32] Lettres de Colbert à d'Estrées, 11 août 1676, 6 avril 1677.

[33] Basnage, 1677, LXV. Lettres de Colbert à Seignelay et à D'Estrées, février et mars 1678.

[34] Basnage, 1677.