I. — Efforts du parlement pour annuler les lits de justice. - Insuccès de la politique extérieure. - Arrêt d'union. - Assemblées de la chambre Saint-Louis. - Déclaration du 31 juillet. Dans les diverses comparaisons qu'on peut établir entre la Fronde et la révolution d'Angleterre, il y a au moins un fait certain, un rapprochement incontestable, c'est la ressemblance des causes d'où la lutte est sortie, des principes invoqués par les opposants de l'une et de l'autre nation. En France, comme en Angleterre, le drame s'ouvre, dans les assemblées délibérantes, par la haine des impôts, par des pétitions de droits contre l'arbitraire, par des concessions .timides de la royauté, par des séditions de la rue, par des prises d'armes populaires. Il s'arrête, en France, à la menace d'une révolution, il ne tourne pas au meurtre du roi et à l'établissement de la république ; mais il constitue une première tentative contre le pouvoir absolu, une première déclaration des droits des sujets, un premier avertissement que la royauté eut le tort de trop dédaigner, même après la démonstration de son insuffisance. A ce point de vue, la Fronde mérite une place dans l'histoire sérieuse. Aucune classe ne reste étrangère à ce mouvement ; magistrats, peuple des villes, princes et seigneurs, peuple des campagnes, y paraissent successivement, et se confondent dans les mêmes efforts. Mais ce sont les magistrats qui commencent au nom de la loi, qui veulent autoriser l'entreprise par les règles de la justice, qui prétendent élever contre le pouvoir royal un pouvoir également légitime. Dans ces conditions, leur résistance, leurs subtilités, leur mauvaise foi même, demandent une étude approfondie. Dès les premiers jours de 1648 le besoin d'argent avait inspiré à Mazarin la pensée de recourir à quelques expédients nouveaux, et aussitôt une nouvelle irritation surgissait de ces exigences. Il s'agissait de rétablir un impôt sur les maisons, de créer douze nouveaux maîtres des requêtes pour leur vendre leurs charges, de multiplier les offices de secrétaires et greffiers du conseil, et autres employés de la chancellerie, en leur donnant la qualité de secrétaires du roi. Le gouvernement annonça l'intention de ne pas souffrir de résistance. Des marchands de Paris réclamaient déjà auprès du duc d'Orléans et du premier président, et tiraient des coups de fusil pendant la nuit, en alléguant l'exemple des Napolitains. On crut leur faire peur en décrétant prise de corps contre plusieurs d'entre eux, en forçant les portes de leurs maisons, en répandant au Pont-Neuf, au Palais-Royal, dans les rues Saint-Denis et Saint-Martin, le régiment des gardes-françaises. Les anciens maîtres des requêtes, qui avaient acheté leurs charges fort cher, voyaient de mauvais œil les nouveaux venus avec qui il faudrait partager les bénéfices de leurs fonctions ; ils juraient sur les saints Évangiles de ne pas consentir à ce préjudice, et ils invoquaient contre le ministre l'assistance du Parlement. Il fut résolu que le roi irait au Parlement pour y faire passer, en sa présence, les nouveaux édita, en dépit de toutes les réclamations. Il importait de prouver que l'opposition des officiers judiciaires, non plus que celle du peuple, n'était comptée pour rien[1]. On ne prévoyait pas que cet essai de force, destiné à prévenir la contradiction, ne lui donnerait qu'un élan plus vigoureux. Un lit de justice se tint en effet au Parlement de Paris le 15 janvier 1648. On y lut les édita, on en requit l'enregistrement et l'exécution immédiate. Le premier président n'y paraissait pas trop contraire, et sa harangue sans couleur laissait voir le désir de tout concilier ; mais l'homme du roi, l'avocat général Omer Talon, prit ensuite la parole, et se prononça contre le gouvernement. Il enseigna aux magistrats un nouveau moyen d'attaque vis-à-vis du pouvoir. Il protesta contre l'assemblée elle-même, contre l'usage de tenir des lits de justice. Il fit de ces réunions extraordinaires une histoire longue et calculée, pour démontrer qu'elles avaient changé de forme et de but ; qu'elles étaient devenues un moyen d'oppression, tandis que, dans l'origine, elles servaient à garantir les peuples des caprices du souverain. Les anciens rois, dit-il, venaient au Parlement, non pas pour imposer sans discussion l'enregistrement de leurs édits, mais pour consulter leurs sujets, demander leur avis sur l'exécution des traités de paix, expliquer les motifs d'une guerre, établir un lieutenant général pendant leur absence. De telles assemblées n'étaient pas des effets de puissance souveraine qui donnent de la terreur partout ; la fonction des officiers du Parlement n'était point diminuée, la présence des rois ne leur fermait pas la bouche. L'orateur passa de là tout naturellement à réclamer contre le pouvoir absolu ; il opposa ce pouvoir à ce qu'il appelait les puissances bornées et raccourcies. Dans celles-ci, il existe des conseils nécessaires, des assemblées d'états fixes et ordinaires, des cercles et des diètes auxquelles le souverain est obligé de déférer, qui censurent ses actions et prennent connaissance de leurs affaires. Dans l'autre, on ne trouve que des provinces ruinées, des pays déserts ou brûlés de l'ardeur du soleil, et pour sujets des nomades ou des Lapons, des insulaires septentrionaux qui n'ont d'hommes que le visage. Il convenait à la France, ces délices du ciel, cette abondance de la terre, ce préciput de la nature, d'avoir un prince qui comprît la qualité de roi des Francs, qui voulût exercer le commandement sur des hommes de cœur, sur des âmes libres, et non sur des forçats obéissant par contrainte. Il justifia cette doctrine par le tableau, malheureusement
trop vrai, de la misère publique : Il y a, Sire, dix
ans que la campagne est ruinée, les paysans réduits à coucher sur la paille,
leurs meubles vendus pour le payement des impositions auxquelles ils ne peuvent
satisfaire, et que, pour entretenir le luxe de Paris, des milliers d'âmes
innocentes sont obligées de vivre de pain de son et d'avoine, et n'espérer
aucune autre protection que celle de leur impuissance. Ces malheureux ne
possèdent aucun bien en propriété que leurs âmes, parce qu'elles n'ont pu
être vendues à l'encan ; les habitants des villes, après avoir payé la subsistance
et le quartier d'hiver, les étapes et les emprunts, sont encore imposés aux
aisés. La reine était donc invitée à considérer, dans la solitude de
son oratoire, l'amertume et la consternation de tous les officiers du
royaume, la calamité des provinces, à se souvenir que l'espérance de la paix,
l'honneur des batailles gagnées, la gloire des conquêtes, ne pouvait nourrir
les affamés ; que les myrtes, les palmes et les lauriers ne comptaient pas
entre les fruits ordinaires de la terre. Le roi était supplié de se contenter
de la puissance et de la volonté de ses sujets,
et d'accorder les noms d'amitié, de bienveillance, d'humanité et de tendresse
avec la grandeur et la pourpre de l'Empire. L'avocat général du roi terminait
par cette leçon au roi : Donnez, Sire, à ces vertus
lettres de naturalité dans le Louvre, et méprisant toutes sortes de dépenses
inutiles et superflues, triomphez plutôt du luxe de votre siècle et de celui
des siècles passés, que non pas de la patience, de la misère et des larmes de
vos sujets[2]. Le conseil était trop explicite pour n'être pas compris. Les magistrats se jetèrent dans la voie nouvelle que leur ouvrait l'avocat général. Déjà ils s'étaient fait reconnaître, dans les affaires de finances, une juridiction supérieure à celle de la Cour des aides. Désormais ils entendent s'affranchir des lits de justice et ne plus accepter les édits royaux qu'après les avoir examinés ; ce qui était accaparer le pouvoir législatif. Richelieu, par une déclaration de 1641, avait ôté au Parlement, non pas le droit de faire des remontrances, c'est-à-dire de signaler un vice, un danger, dans les édits du roi, mais bien le droit de suspendre l'exécution de ces édits, jusqu'à ce que les remontrances eussent été acceptées. Le roi ne refusait pas de recevoir des conseils utiles, mais il prétendait rester juge de leur valeur, et ne s'y conformer que s'il le trouvait opportun ; en attendant, ses ordres auraient leur cours régulier. Les lits de justice avaient le même effet que cette déclaration. Les édits lus, dans ces assemblées, en présence du roi, étaient enregistrés sans délibération et devenaient, par le fait, exécutoires ; mais, tout en les faisant observer sans délai, les magistrats étaient libres de remontrer au prince ce qu'ils y trouvaient de défectueux, ce qu'il serait bon qu'il y corrigeât lui-même. Évidemment, un contrôle aussi restreint n'opposait à l'arbitraire que d'impuissantes entraves ; le pouvoir était toujours maître de se donner raison. Il fallait à la sécurité des administrés une plus sérieuse garantie, un droit de résistance formel et souverain. Mais ce droit, qui eût été celui des états généraux, n'appartenait pas aux magistrats d'un ressort particulier qui pouvaient être contredits par ceux d'un ressort voisin[3]. Le Parlement de Paris ne le tenait pas non plus de ses fonctions judiciaires, qui le constituaient l'agent et non le correcteur de la royauté. Il était réduit à supplier le roi de le lui reconnaître, ne voulant pas voir que la puissance qui octroie est toujours maîtresse de reprendre ; cercle vicieux où il s'agita pendant plusieurs années, dans une série d'efforts maladroits et impuissants. Et tout d'abord, il ne put s'établir dans le droit nouveau d'éluder les lits de justice, qu'en cherchant a le ravir subrepticement. Il eut recours au mensonge pour gagner du temps ; le premier président lui-même ne dédaigna pas d'autoriser d'une équivoque misérable les empiétements de ses confrères. On trompa la reine sur les intentions des magistrats ; on lui déroba, au profit de leurs projets, un consentement qu'elle croyait donner pour autre chose. La compagnie était déterminée à ne pas faire exécuter les édits enregistrés au lit de justice du 15 janvier. Elle le voulait pour donner raison aux maîtres des requêtes qui avaient invoqué sa protection, pour supprimer les nouveaux impôts que le peuple de Paris repoussait. De simples remontrances, qui pouvaient très-bien n'être pas accueillies, auraient laissé ses protégés sans satisfaction, elle-même sans popularité. Il fallait une suspension immédiate de l'observation des édits, et, pour l'honneur du Parlement, il fallait encore que ce soulagement vint évidemment de lui. On se mit donc à relire, en assemblée de toutes les chambres, ces édits odieux ; on se mit à en délibérer, ce qui, de l'aveu d'Omer Talon lui-même, emportait le droit de les modifier. Et quand la reine, étonnée et irritée, demanda des explications, Molé lui répondit que, des conseillers absents de la séance du 15 janvier n'ayant pas entendu la lecture de ces actes, il était convenable de leur en donner connaissance, afin de les mettre en état de les étudier et de savoir s'ils n'y trouveraient pas matière à remontrances. Il ajouta que tout se passait selon l'ordre ancien. La reine fut persuadée que les magistrats voulaient seulement concerter leurs remontrances, mais non pas suspendre l'exécution des édits ; elle ne s'opposa plus aux délibérations. Mais le premier président et les magistrats prétendirent donner à sa réponse un autre sens. Dans la discussion qui suivit, Mathieu Molé leur fit ce raisonnement : Depuis quatre-vingts ans et plus, les rois, dans quelques occasions, ont tenu des lits de justice ; ils y ont fait publier leurs édits en leur présence, sans prendre les suffrages ; si on a pu leur faire des remontrances, néanmoins l'exécution de ces édits n'a pas souffert de retard. A présent, la chose semble changer de face, puisque le roi souffre que les édits qu'il a fait publier le 15 janvier soient lus en la compagnie et délibérés ; il faut prendre avantage de cette occasion comme d'un acte de possession, pour s'en servir à l'avenir dans de pareilles rencontres. s Ainsi le droit réclamé n'existait pas ; on le déduisait, par voie d'interprétation frauduleuse, d'une rencontre imprévue. Ce qui suit n'est pas moins curieux : Il faut donc, continuait le président, prendre garde d'offenser la reine, de crainte que, dans ce commencement, le roi y trouvant à redire et improuvant ce qui aura été fait, ce ne soit un moyen pour empêcher l'établissement de ce droit dans lequel le Parlement veut s'établir pour contredire à l'avenir les édits que le roi fera vérifier en sa présence[4]. Ainsi le Parlement n'avait pas par lui-même la puissance qu'il ambitionnait, il ne pouvait tenir que du roi ce qu'il voulait lui prendre ; il avait besoin, pour le combattre, de recevoir des armes de sa main. Assurément, une telle opposition n'avait pas les allures tranchées, le ton vif et révolutionnaire des communes anglaises. Le cardinal de Retz raille avec raison ces formes de chicane, ce goût des procès, dans les débats politiques. Ces compagnies, dit-il, bonnes pour le repos, ne peuvent jamais être propres au mouvement. Quoi qu'il en soit, si les délibérations des magistrats ne décidaient pas encore le triomphe d'un principe, elles arrêtaient la marche du gouvernement. Les édits du 15 janvier ne s'exécutaient pas, tantôt parce que le parlement en réclamait la modification immédiate, tantôt parce que la cour, incertaine, offrait de transiger. La lutte dura plus de trois mois sans solution. Cependant les affaires du dehors prenaient définitivement une tournure fâcheuse. La guerre languissait ou la victoire revenait aux ennemis ; les alliés faisaient défection ; la paix semblait reculer toujours. Et ce mal, fruit des discordes intérieures, leur donnait un aliment nouveau, en paraissant justifier l'antipathie contre le ministre. Disons quelques mots de ces événements militaires de I 6V3, éclipse courte, mais triste, des gloires de Rocroy, inquiétude sérieuse de la politique française, et juste grief de la royauté contre une opposition égoïste ou imprévoyante. Dès le mois de janvier 1648, les Hollandais consommèrent leur défection. Ils firent avec l'Espagne leur paix particulière, laissant à la France seule le poids de la guerre aux Pays-Bas. La faute en était évidemment à Mazarin, selon les bruits les plus répandus. Les uns lui reprochaient de n'avoir pas su gagner le prince d'Orange en envoyant à sa femme les pendants d'oreille en diamants qu'elle désirait[5]. Les autres l'accusaient d'avoir poussé à bout les Espagnols par la rigueur de ses exigences. Le duc de Longueville, revenu de Munster après cet échec de la diplomatie française, répétait hautement que le cardinal avait empêché la conclusion de la paix générale[6]. La guerre de Naples eut une issue encore plus triste, parce qu'elle tourna au ridicule. On avait cru, un moment, que la flotte française, commandée par le duc de Richelieu, avait battu la flotte d'Espagne devant Naples. On finit par savoir qu'il avait été tiré un grand nombre de coups de canon, que quatre vaisseaux espagnols avaient été coulés à fond, mais que la flotte française était, rentrée dans les ports de Provence. Aucun secours efficace n'avait été apporté au duc de Guise, ni argent, ni munitions. Un émissaire de Mazarin avait essayé de former, par Gennaro Annese, un parti opposé à Guise, afin d'empêcher le paladin de se faire roi. Cette division n'eut d'autre résultat que de mettre la discorde entre les ennemis de l'Espagne. Annese, après le départ des Français, prêta l'oreille aux propositions du nouveau vice-roi, qui remplaçait d'Arcos. Pendant que le duc de Guise, avec une activité remarquable, soumettait les environs de Naples, et surtout une fie qui aurait offert un bon port à la flotte française, dont il espérait le retour, la trahison ouvrait la capitale aux Espagnols (6 avril 1618). Vainement il y courut, dans l'espoir de ranimer le zèle de ses partisans ; à la vue de toutes les portes fermées, ses Napolitains l'abandonnèrent ; quelques Français, restés fidèles, ne purent favoriser sa fuite. Il alla subir en Espagne une captivité de quatre années. En Allemagne, le duc de Bavière n'avait pas persévéré dans l'observation de la paix d'Ulm ; il était revenu à l'alliance de l'Autriche. Au fond — tant la diplomatie sait concilier d'intérêts ! —, Mazarin n'était pas trop contrarié de cette circonstance ; il y voyait un moyen de modérer les prétentions des Suédois et de relever le parti catholique en Allemagne ; il était même parvenu à demeurer neutre pendant quelques mois et à laisser la Suède seule aux prises avec la Bavière. Mais enfin — tant la diplomatie a de nécessités contraires ! — il ne pouvait plus refuser son assistance à son plus ancien allié, sous peine d'inquiéter tous les autres. Il avait fallu renvoyer Turenne au delà du Rhin ; il était nécessaire de recommencer une lutte dispendieuse au moment où les ressources faisaient défaut de tous côtés. Il est vrai que l'expédition dans l'empire eut une heureuse issue. Turenne, uni à Wrangel, refoula au delà du Danube les Bavarois et les Impériaux commandés par Melander. Une victoire vivement disputée, près de Zumarshausen (7 mai 1648) ne permit même pas aux vaincus de se maintenir à Augsbourg ; le Lech ne les couvrit pas davantage. Turenne franchit cette rivière au lieu même où Gustave-Adolphe avait mis fin à la fortune du grand Tilly ; les fugitifs se dispersèrent dans diverses places ; les campagnes furent abandonnées à l'invasion. Le duc de Bavière, vieux, infirme, réduit à quitter sa capitale avec sa famille, alla chercher asile chez l'archevêque de Salzbourg, qu'il avait toujours traité avec peu de ménagements. Cependant Français et Suédois passaient l'Isar, et pénétraient jusqu'aux bords de l'Inn, aux confins de l'Autriche ; ils levaient partout de grosses contributions. Les Suédois, plus avides, plus impatients de vengeance, ruinaient ou réduisaient en cendres tout ce qui leur tombait en partage[7]. Ce nouveau désastre de la Bavière fut le dernier grand fait d'armes de la guerre en Allemagne, un avertissement décisif à l'empereur de ne plus s'opiniâtrer à la lutte. Mais ailleurs, sur les points où combattaient les Espagnols, obstinés dans l'espérance de réparer leurs pertes, la position des Français devenait critique. L'armée d'Italie réclamait en vain le nécessaire. Elle était sans blé, sans munitions de guerre, sans argent pour en acheter, sans savoir d'où elle pourrait en tirer. Le pain y manqua pendant plusieurs semaines. Son chef, le maréchal du Plessis, y consumait sa propre fortune, c'est au moins ce qu'il dit lui-même[8]. Mazarin appelé au secours était réduit à plaindre le maréchal, et à déclarer sa complète impuissance. Dans les Pays-Bas, la confiance revenue aux Espagnols passait à l'arrogance. Assurés de n'être plus entravés par les Hollandais, témoins de l'insuffisance des armements français, ils étaient entrés en campagne plus tôt qu'ils n'avaient l'habitude. L'archiduc Léopold annonçait, dans les gazettes d'Anvers, qu'il allait publier des monitoires pour savoir ce qu'était devenue l'armée française, car après l'avoir cherchée partout où elle pouvait être, il ne l'avait trouvée nulle part. Le prince de Condé, qui devait leur tenir tête, avait commencé sa campagne de cette année par un séjour à Chantilly avec toute sa cour[9]. Pendant qu'il oubliait ainsi la guerre, les Espagnols occupaient Courtrai (19 avril). Aussi le murmure était grand contre le ministre. Le ministre voulait la guerre, le ministre ne savait pas y pourvoir. Le ministre foulait le peuple par les impôts, et personne n'était payé. Le ministre gardait pour lui la meilleure part des revenus publics. Il aurait pu répondre, comme ce corsaire à Alexandre, qu'il n'était que le petit voleur, et que le prince de Condé et le duc d'Orléans, en se faisant une part de conquérants, le contraignaient à la modestie. Mais l'impulsion ne s'arrêtait pas ; la vogue était aux accusations contre Mazarin. Dans une telle disposition des esprits, tout conspirait à donner raison au Parlement. Mais si le triomphe se fût borné à la suppression des lits de justice, ce n'eût été encore qu'un privilège judiciaire de plus, qu'un procès gagné dans l'enceinte et avec les formes du palais. Tout à coup une nouvelle provocation vint ouvrir un champ plus vaste à ces novateurs. Ils laissèrent là une question secondaire pour courir à une réforme radicale dans la Constitution de l'État, et s'organiser, s'ils pouvaient, en corps politique. L'argent manquait, manquait de plus en plus. Il était pourtant indispensable de trouver de l'argent. Mazarin conçut l'audacieux projet d'en tirer des magistrats eux-mêmes. Il rendit la Paulette aux membres des cours souveraines, c'est-à-dire l'espoir de transmettre leurs charges à leurs enfants, moyennant la prestation d'un droit annuel ; mais en retour de cette faveur à venir, il leur demandait l'abandon provisoire de quatre années de leurs gages, espèce d'emprunt sous forme de retenue, que la paix prochaine permettrait de rembourser (avril 1648). Il crut être habile en faisant une exception pour le Parlement de Paris. Il regardait cette compagnie comme un corps dangereux qu'il importait de ménager ; il avait éprouvé, dans la question du toisé et dans celle du tarif, combien il se mêlait d'égoïsme personnel dans le zèle de ces défenseurs du bien public ; il leur rendait donc la Paulette gratuitement sans leur rien retrancher de leurs gages. Il avait espéré qu'une préférence aussi manifeste, un bénéfice aussi net, les engagerait à soutenir une mesure qui ne frappait que sur d'autres ; il avait compté sans l'esprit de contradiction qui commençait à faire la popularité de ces magistrats, sans un reste de pudeur qui leur interdirait d'avouer tout haut leurs mobiles secrets, sans l'honneur qu'ils allaient mettre à défendre des confrères opprimés. Il y eut bien vite douleur et rumeur dans la Chambre des comptes, dans la Cour des aides, dans le Grand-Conseil, et chez beaucoup d'officiers, trésoriers, élus, grenetiers, qui ne s'accommodaient pas de la nouvelle exigence du ministre. Le Parlement de Paris leur apparut comme leur plus utile protecteur ; il s'était montré si favorable aux maîtres des Requêtes dont il défendait encore les intérêts, qu'on devait espérer qu'il n'abandonnerait pas les Conseillers des autres cours. Il comprendrait sans doute que laisser affaiblir leur importance, c'était découvrir la sienne, et s'exposer aux entreprises du pouvoir, comme une armée privée de son avant-garde ; il ne consentirait pas, en se laissant traiter comme une compagnie ordinaire, à supprimer le plus redoutable obstacle que rencontrât la puissance des favoris. Le Parlement fut, en effet, touché de ces raisons. Il s'assembla, il reconnut, dans le traitement infligé à d'autres, la menace du sort qu'on lui réservait à lui-même ; en conséquence, toutes les Chambres réunies, il rendit, le 14 mai, l'arrêt d'Union. Cet arrêt proclamait la jonction du Parlement avec les autres compagnies, ordonnait que deux conseillers de chaque Chambre se réuniraient aux députés des autres cours, pour conférer sur les intérêts communs ; et pour prévenir les effets du refus de la Paulette, défendait de recevoir aucun officier nouveau dans les charges de finances ou de judicature, sans le consentement de la veuve ou des héritiers de l'officier décédé. L'arrêt d'Union fut la véritable déclaration de guerre contre Mazarin ; il donna du cœur et de l'espérance à tous les opposants, il mit en train la lutte par la parole, par les réclamations de droits, et aussi par les quolibets. Mazarin répétait souvent ce nom odieux, mais il le prononçait à l'italienne : arrêt d'Ounion, d'ougnon ; on le lui fit bientôt prononcer arrêt d'oignon[10] ; et cette forme grotesque, devenue populaire, peut être comptée parmi les premières mazarinades. Il n'y avait plus à s'y méprendre. Par l'arrêt d'Union, par la convocation d'une assemblée élue, par le pouvoir d'examiner les affaires déféré à cette assemblée, le Parlement de Paris aspirait aux droits et à l'autorité du Parlement d'Angleterre. Omer Talon le représenta sans détour au nom de la reine : Établir à Paris une assemblée de 50 ou 60 personnes, faire des quatre compagnies souveraines une cinquième, sans ordre du roi, et sans autorité légitime, voilà ce que la reine trouve une chose sans exemple et sans raison, une espèce de république dans la monarchie, l'introduction d'une puissance nouvelle préjudiciable à l'ordre du gouvernement public. Le roi, pour éviter ce péril, devait y opposer un refus inflexible, appuyé au besoin par la force. Malheureusement, Mazarin n'avait ni la fermeté qui se fait craindre, ni la résolution à la Richelieu qui va droit à son but. Il commençait par oser, mais aussitôt qu'il s'effrayait de l'effet de son audace, il retombait dans la déférence vis-à-vis de ses adversaires. Il prétendait concentrer toute l'administration dans ses mains, et annuler les autres ministres jusqu'à leur ôter le courage de produire un avis, mais dès qu'il se trouvait embarrassé du parti qu'il avait pris tout seul, il se plaignait d'un silence qui lui laissait ignorer ses fautes et le moyen de les réparer. Il heurtait les prétentions ou les habitudes, les droits réels ou imaginaires, qui le gênaient, mais quand il y rencontrait trop d'obstacles, il s'excusait sur sa qualité d'étranger, sur son ignorance des lois et coutumes du royaume, donnant ainsi, pour se faire supporter, l'argument le plus capable de le faire exclure des affaires. Voilà, dans ce contraste, tout le secret de ses humiliations. Ce caractère une fois connu, loin d'inspirer de crainte à personne, ne sert à ses ennemis que d'une excitation plus vive. En passant toujours de la menace à la concession, il trahit à la fois son dépit et sa faiblesse, et après avoir fait montre de son autorité, il se laisse déborder comme un maître colère et bonace par des écoliers malins et actifs à profiter de l'occasion. D'abord il veut sévir ; il exile quelques magistrats ; il s'oppose à l'union des cours souveraines, il entend être obéi. Mais tout à coup le duc de Beaufort, mal gardé à Vincennes, s'évade, peut-être avec la connivence de Chavigny. Le ton baisse aussitôt. Que va faire le fugitif ? Ira-t-il se cacher dans ses terres de Bretagne, ou profitera-t-il de l'irritation des magistrats pour se former un parti ? Le lion recourt à la peau du renard ; le ministre se retourne d'un air bienveillant vers ses ennemis ; il les flatte par des promesses, il leur offre son intervention auprès de la reine comme celle des saints auprès de Dieu, la grâce des exilés, le maintien des anciens privilèges du Parlement. Les récalcitrants ont compris qu'il a peur ; ils ne recueillent ses paroles que pour en rire. Tout, jusqu'aux ruelles, retentit des preuves de son incapacité. Dans un second accès de fermeté (8 juin), le ministre fait casser l'arrêt d'Union par le conseil d'en haut, et signifie officiellement au Parlement qu'il ait à s'abstenir de toute alliance avec les autres cours. Mais Omer Talon, l'homme du roi, vient encore une fois en aide aux adversaires de la royauté. Il les justifie par des exemples, il cite des assemblées tenues en 1594, 1597, 1618, composées de députés de toutes les cours ; ces assemblées ont reçu du Parlement leur autorité et leur juridiction ; elles ont délibéré, non plus seulement sur des questions de justice, mais sur des questions d'administration et de politique, telles que les rentes différées, la mendicité, les fortifications de Paris. Le Parlement, en vertu de ces précédents, maintient son arrêt d'Union et proclame qu'il sera exécuté malgré le conseil du roi. A ce coup, le ministre perd de nouveau son assurance. Il essaye de tout concilier, à l'amiable, dans une conférence, chez le duc d'Orléans. Il y fait parler l'oncle du roi, le chancelier Séguier ; il y parle lui-même en invoquant le nom de Dieu et le jugement de la postérité. Il ne parvient qu'à se déshonorer tout à fait[11], par ces aveux réitérés d'impuissance. Le Parlement ne laissa pas échapper un moment aussi propice pour entrer dans une place qui demandait à capituler. Il vint en corps, au Palais-Royal, signifier à la reine ses conditions. Mathieu Molé porta la parole avec un ton qui dut plaire à l'arrogance des vainqueurs. Il remontra que le Parlement était la seule barrière contre les désordres où tombait l'autorité ; ceux qui l'accusaient de sédition et de faction étaient, eux-mêmes les seuls séditieux. Il justifia le projet d'assemblées communes aux quatre cours, par l'exemple du passé et l'approbation des autres souverains. Il affirma que l'arrêt d'Union avait été rendu avec pouvoir et justice, et devait être exécuté ; que l'arrêt du conseil d'en haut, rendu à la suite de rapports calomnieux, devait être supprimé. Il demanda réparation pour toutes les injures et les affronts dont le Parlement avait à se plaindre, et promit en retour des preuves certaines de fidélité. Il finit en annonçant que les assemblées, interdites par le roi, allaient s'ouvrir. J'ai mission, dit-il, d'annoncer à Votre Majesté qu'il ne se passera rien que pour le bien de son service dans l'assemblée qui se fera : — Ainsi il ne demandait pas la permission de tenir une assemblée, il ne dit pas qu'elle se tiendrait sous le bon plaisir du roi et de la reine ; mais il dit : dans l'assemblée qui se fera, qui était un terme d'une résolution prise, nonobstant toutes les oppositions de la reine[12]. La reine resta interdite ; le duc d'Orléans, le cardinal, les autres ministres, ne soufflèrent mot. La réponse royale fut remise à quelques jours ; mais quelle pouvait être cette réponse après tant de reculades ? Pour ne pas paraître emporté par le flot, le ministre crut utile de se laisser aller au courant. Le 29 juin, on manda au Parlement que la reine avait bonne opinion de leur fidélité, qu'elle ne craignait pas que leurs assemblées fussent préjudiciables au service du roi, qu'elle leur permettait donc de s'assembler pourvu que toutes leurs délibérations fussent terminées en une semaine. Ainsi les magistrats étaient investis, avec le consentement du roi, du pouvoir de contrôler le gouvernement, de réformer l'administration, d'essayer l'établissement d'une constitution nouvelle. Ce programme, s'il n'était pas aussi net dans leur pensée, n'en est pas moins le résumé exact des propositions qu'ils lancèrent pêle-mêle dès leur première réunion ; et s'il ne fut pas rempli, c'est qu'il eut le malheur d'être mal soutenu, c'est qu'il avait le tort de venir trop tôt. On a cru reconnaître dans l'agitation de 1648 un avant-goût de 1789, une première tranchée ouverte devant l'ancien régime[13]. On aperçoit en effet dès lors, dans les magistrats et dans le peuple, des projets, des tentatives, des audaces, des doctrines violentes, qui ont plus tard ensanglanté et transformé la France. Mais personne, au XVIIe siècle, n'avait la volonté ou la force de faire la Révolution. L'opinion était plutôt agitée que préparée, plutôt mécontente d'abus partiels qu'habituée à chercher un changement radical dans les principes et la forme du gouvernement. La multitude s'emportait en clameurs, et s'apaisait par une concession ou un succès de vanité. Elle courait aux armes par enthousiasme français, et souvent elle ne se battait qu'à coups de pamphlets ou de gros mots contre une soutane et une femme, par habitude de nargue gauloise. De leur côté, les magistrats ne se sentaient pas à l'aise pour diriger le mouvement. Toujours inquiets de leur origine, car ils ne tenaient leur mission que d'une surprise, ils ne savaient pas bien ce qu'ils devaient réclamer ; car ils se cherchaient eux-mêmes avant tout, et il leur fallait se montrer amis du peuple. Ils tâchaient de partager entre eux et le peuple les réformes qu'ils prescrivaient ; au peuple les abolitions ou les réductions d'impôts, à eux des privilèges, des honneurs, au besoin de l'argent, toutes choses qui ne concilient pas la faveur populaire. Plusieurs, on pourrait dire le plus grand nombre, surtout les jeunes, n'avaient aucun plan arrêté. Ils se laissaient entraîner par l'amour de bruit, l'espoir de la renommée, par la satisfaction de se montrer capables, sur le domaine d'autrui, en des matières qui n'étaient pas de leur compétence. Le premier président n'a pas, dans cette histoire, la grandeur soutenue qu'on lui a complaisamment prêtée. Il a un mérite que personne ne conteste, que tout le monde admire, l'intrépidité. Impassible aux dangers personnels, il ne se trouble, il ne pâlit, il ne recule devant aucune menace. Sur le théâtre des séditions, il est l'égal de Monsieur le Prince et du grand Gustave sur le champ de bataille[14]. Mais, comme Monsieur le Prince, il fléchit dans le conseil, devant ses intérêts. Ses évolutions rapides d'un camp à l'autre font soupçonner qu'il ne se propose pas seulement de défendre tour à tour ce que chacun a de bon et de vrai. On a dit de Michel de l'Hôpital : Dieu nous garde de la messe du chancelier ! On pourrait dire de Mathieu Molé chaque matin : Savez-vous quel est aujourd'hui l'intérêt du premier président ? Selon un des contemporains étranger aux colères de ces luttes, par esprit d'équité et d'impartialité il porte à la cour l'intérêt du Parlement, au Parlement l'intérêt de la cour[15] ; mais selon d'autres il veut quelquefois faire son devoir, et il est de tous les partis quand bon lui semble[16] ; il parle vigoureusement en certaines occasions, mais c'est pour acquérir du crédit dans le Parlement et faire peur à la cour afin d'être mieux payé de ses cent mille livres de rente[17]. M. Dès le début il s'associe aux demandes de réformes, mais dès qu'il s'agit de la suppression des intendants, il se récrie parce que son fils est intendant en Champagne[18]. Plus tard, il poursuit Beaufort pour venger Condé, et deux jours après il applaudit à l'emprisonnement de Condé au profit de Beaufort. S'il contribue à tirer les princes de prison, il se brouille aussitôt avec eux, parce qu'ils lui refusent le ministère pour son fils. Quand on examine froidement son histoire, on comprend, avec un magistrat qui le voyait de près, pourquoi il exerce si peu d'influence. M. le premier président, dit Omer Talon, était sans honneur dans sa compagnie et sans estime dans le Palais-Royal. La modération, qu'il voulait apporter dans les affaires, lui fut imputée à lâcheté de part et d'autre ; les petits artifices, avec lesquels il voulait éluder les délibérations de la compagnie, s'appelaient trahisons et dans le Palais-Royal faiblesses ; car l'on voulait qu'il interrompit les délibérations, qu'il empêchât les propositions, et qu'il prit sur lui l'envie de toute l'assemblée ; et les zélés du Parlement l'accusaient qu'en toutes sortes d'affaires il abandonnait l'intérêt du peuple pour être complaisant à la cour. Ainsi étant discrédité dans sa compagnie, il le fut bientôt dans l'esprit du peuple, auquel beaucoup de gens faisaient entendre tout ce qui se passait[19]. Si la considération publique manque à Mathieu Molé, combien plus doit-elle faire défaut à ces autres présidents, à ces conseillers dont les intentions transparentes dénoncent trop clairement l'égoïsme. Potier de Blancmesnil et Novion se précipitent à la défense du bien public, parce qu'ils n'ont pas obtenu la coadjutorerie de Beauvais pour un de leurs proches ; ils réclament l'expulsion du cardinal pour se consoler d'avoir vu exiler de la cour leur oncle Augustin Potier. Qu'importe au peuple ce dévouement de famille[20] ? Viole, président de la quatrième chambre des enquêtes, est l'ami intimiste de Chavigny[21] ; poussé aux avis les plus violents par ce ministre disgracié qui veut rentrer au pouvoir, il a par lui-même le dépit de ne plus être chancelier de la reine, et l'espoir de monter aux plus hautes charges[22]. Qui donc aura confiance dans une amitié aussi intéressée ? On peut en penser autant du conseiller Longueil, esprit noir, décisif, allant à ses fins pour son intérêt particulier[23], ou de son frère le président Longueil de Maisons, autre agent de Chavigny[24] qui n'incommode le cardinal que pour faire triompher sa coterie, et devenir un jour ministre. Entre les conseillers se dresse et domine la tête de Broussel. Voilà enfin l'homme populaire, le tribun, le Père du peuple, le Romain. On croit à la sincérité, au désintéressement de celui-là, quoique quelques incrédules risquent de temps en temps un soupçon, en demandant s'il n'y a pas un peu de dépit au fond de sa haine pour la cour[25]. Il a deux grands titres au respect : ses beaux cheveux blancs et sa résistance à tous les impôts ; c'est lui qui accueille, qui rapporte toutes les plaintes des contribuables. On va se disputer son portrait et les vers composés à sa louange ; on se soulèvera pour sa liberté comme pour celle du pays. Cependant ce n'est qu'un pauvre homme, aussi impuissant que les autres, par incapacité. Simple et facile comme un enfant, aigre comme un vieillard têtu, il prend au sérieux son métier d'opposant, d'accusateur, il s'y renferme sans en comprendre l'insuffisance. Il travaille à détruire, il n'a pas une idée de reconstruction. Quand je l'ai vu, dit Mademoiselle, je me suis étonnée comment il put se soutenir si longtemps avec si peu de capacité. Le cardinal de Retz, a raison de dire qu'on ne fait rien avec des cervelles de ce carat. Broussel peut être un drapeau, jamais un chef de parti ; comme tous les drapeaux il ne conduit que lorsqu'on le porte. Les jeunes conseillers ont aussi leur moment de popularité ; ils semblent des anges descendus du ciel pour dissiper la tyrannie de Mazarin[26]. Mais leur effervescence est trop bruyante, trop personnelle surtout. Ils se trompent sur leur rôle et son effet. Cinquante ou soixante jeunes gens des enquêtes, peu intelligents, peu appliqués aux affaires, peu considérés dans leur compagnie, saisissent l'occasion de changer de devoirs, de paraître en public, de se faire une réputation facile par des avis emportés et caustiques[27]. Déjà ils se prennent pour des ministres d'État ; ils dédaignent, comme au-dessous d'eux, les affaires du palais ; ils ne parlent que de finances, de guerre, de marine, de police, de tout ce qu'ils ne savent pas. Ils opinent tous ensemble, sans ordre, dans un tumulte qui ne permet pas de s'entendre. Que les présidents, que les vieux conseillers veuillent dire leur avis et rétablir le calme, la jeunesse les traite de gagés de la cour, de pensionnaires du cardinal. La barbe même du premier président, si vénérable, ne peut retenir ces échappés[28]. Voilà l'enivrement qui, les condamne à la stérilité. La haine de tout frein, le besoin du nouveau, la vanité de se faire connaître, ne leur laissent pas la faculté de chercher le résultat réel, utile, durable. Pourvu qu'ils aient posé, ils croient le pays bien servi et content. C'est le gouvernement parlementaire dans l'enfance avec les fautes et l'impuissance de cet âge ; de méchantes gens de nos jours prétendront peut-être que, malgré le cours des années, cette enfance n'est pas encore arrivée à son terme. Cependant la guerre parlementaire, comme tous les enthousiasmes, fut, au début, très-ardente et grosse de menaces. Les ennemis de Mazarin ne perdirent pas un instant ; à peine la permission de s'assembler leur était accordée, que déjà les quatre compagnies avaient nommé leurs représentants. Ces états généraux de la magistrature parisienne se réunirent à la chambre Saint-Louis le 30 juin 1648. Ils entrèrent brusquement dans toutes les parties vives de l'administration. Leurs propositions ne ménagèrent ni les nécessités impérieuses de la situation, ni les droits les plus chers au roi, ni la considération des agents de l'autorité : 1° Remettre au peuple ce quart des tailles qui se donnait aux partisans pour leur profit ; 2° Remettre au peuple ce qu'il devait des dernières années, par égard pour son insolvabilité ; 3° Révoquer les intendants des provinces qui foulaient le peuple, et rendre seuls responsables des deniers du roi les trésoriers de France, les élus, receveurs généraux et particuliers ; 4° Ne plus mettre personne en prison, sans que, passé vingt-quatre heures, le détenu soit interrogé par le Parlement qui, à l'avenir, prendra connaissance des motifs de l'arrestation ; 5° N'établir ni impositions ni taxes, avant que les édits en aient été dûment vérifiés ; 6° Établir une chambre de justice, composée des quatre cours souveraines, pour juger des abus et malversations qui se sont faites dans les finances. L'intention était dévoilée. L'assemblée laissait bien loin le premier objet de la lutte. Ce n'était plus la question des remontrances, la suppression des lits de justice, qu'il s'agissait de résoudre. Les magistrats voulaient désormais contrôler l'autorité exécutive dans tous ses actes, et prescrire les lois à faire. Un nouvel ordre de législateurs apparaissait. Le Parlement déclara plus haut encore cette révolution, et fit bien voir au profit de qui elle devait s'opérer. Il avait ses députés à l'assemblée commune des compagnies, mais, tout en participant à ces travaux, il en voulait être l'arbitre unique et suprême. Il se posait comme supérieur à l'assemblée, comme souverain entre les cours souveraines, il ne considérait les députés que comme un conseil à son service et sous sa protection. C'était au Parlement réuni en grand'Chambre que se faisait le, rapport de tout ce qui se passait à ce conseil, c'était au Parlement seul d'en approuver ou rejeter les délibérations. Enfin, il se donna le pouvoir de les ériger en lois. Le juillet, il rendit un arrêt qui révoquait les intendants de provinces, comme coupables de voleries, et délivra commission au procureur général pour informer de la mauvaise administration des finances. L'arrêt ne faisait aucune mention de la volonté ou du consentement du roi. Il devenait exécutoire par la volonté des magistrats, désormais législateurs. Rien n'était capable de modérer leur emportement. On leur eût vainement représenté la misère personnelle de la reine, obligée alors d'emprunter 100.000 livres à Madame la Princesse mère, et à mettre en gage les pierreries de la couronne. Ils n'étaient pas même sensibles au tableau des armées du prince de Condé, de Turenne, de la landgrave de Hesse, réduites à l'inaction par la pénurie d'argent. Il fallait encore moins songer à les gagner par des flatteries à l'italienne et par l'éloge de leurs bonnes intentions. Mazarin acheva de se faire mépriser, lorsque, dans une nouvelle conférence chez le duc d'Orléans, il les qualifia de restaurateurs de la France et de pères de la patrie. Une seule satisfaction pouvait leur convenir, la soumission du gouvernement à leurs arrêts. Mais cette soumission était la ruine de la royauté ; en présence d'une condition inacceptable, Mazarin essaya au moins de partager. Il entra dans un système de transactions, qui, en abandonnant beaucoup au Parlement, réserverait quelque chose au roi. Il fit comme un pauvre acheteur qui marchande, comme un débiteur obéré qui tâche d'obtenir une remise sur sa dette, espérant par chaque soumission prévenir la nécessité d'en faire d'autres, retenant, sur chacune, une petite part de la satisfaction exigée, pour se garder un air de résistance dans la défaite. L'expédient ne fut pas heureux. Ces concessions, qui se suivaient de deux en deux jours, ne l'empêchaient pas de tomber plus bas à chaque effort tenté pour se relever, de rebondir de chute en chute vers la ruine complète ; cascade d'affronts, selon une comparaison familière au XVIIe siècle, au pied de laquelle apparaissait l'abîme. Le 9 juillet, le surintendant d'Émery fut disgracié ; on ne lui laissa que deux heures pour sortir de la cour. Son expulsion était accordée au vœu de l'opinion, au conseil de quelques magistrats. Mais cette première concession n'apaisa personne. L'assemblée de la chambre Saint-Louis n'en voulut pas laisser le mérite à Mazarin ; elle feignit d'ignorer la disgrâce du surintendant ; elle la réclama comme de son propre mouvement, et invita le procureur général à informer contre ce ministre dénoncé. Il fallut consentir à donner une autre satisfaction aux mécontents. Le 11 juillet, une déclaration du roi, apportée au Parlement, semblait résoudre la question des intendants et des tailles. Toutes les tailles arriérées jusqu'à la fin de 1647 étaient remises ; celles de 1648 étaient diminuées d'un demi-quart. Toutes les commissions extraordinaires étaient révoquées, les intendants supprimés, sauf ceux de Lyonnais, Champagne et Picardie. Mais ce n'était pas là tout ce que le Parlement avait signifié ; il voulait la suppression de tous les intendants, le roi en conservait trois ; il voulait la remise d'un quart des tailles de l'année courante, le roi n'accordait qu'un demi-quart. L'autorité royale retenait trop pour elle ; la seconde concession fut aussi mal accueillie que la première. Le 13 juillet, le duc d'Orléans porta lui-même une nouvelle déclaration qui instituait une cour de justice contre les financiers, composée de magistrats de tous les Parlements, choisis par le roi. Mais le Parlement avait bien entendu que cette cour de justice serait dans sa dépendance. Il représenta que l'honneur de siéger dans ce tribunal extraordinaire devait être réservé à des officiers du Parlement, de la cour des aides, de la chambre des comptes de Paris, choisis par le roi, sur des listes dressées par leurs collègues. Puis, reprenant le débat de l'avant-veille, il ajouta que, si l'on conservait les trois intendants, ii fallait les réduire an rôle d'assistants des gouverneurs, sans aucune connaissance des tailles. Il réclama ensuite la remise, non du demi-quart, mais du quart de cet impôt. Ainsi la troisième concession ne faisait pas oublier l'insuffisance de la seconde, et n'était acceptée elle-même que sous bénéfice d'amendement. Le 14 juillet, arrivèrent des lettres-patentes du roi, déclarant que, à l'avenir, il ne serait levé d'impôts sur le peuple qu'en vertu d'édits ou de déclarations dûment vérifiées. Le droit de vérification, tel que l'avait exigé l'assemblée de la salle Saint-Louis, était ainsi expressément reconnu. Mais le mot à l'avenir parut suspect. Voulait-on légitimer par là un passé irrégulier, et continuer à lever certaines impositions en vertu d'actes antérieurs que le pouvoir s'était dispensé de soumettre aux magistrats ? Le Parlement réclama des explications précises, pour établir qu'aucun édit non vérifié depuis 1606 n'aurait force de loi, qu'aucune imposition ne continuerait à être levée en vertu d'arrêts du conseil ou de rôles de la chancellerie, publiés depuis cette époque. Les lettres-patentes du 14 juillet n'apaisaient pas plus la querelle que les déclarations des jours précédents. A voir cet entrain d'opposition, cet acharnement d'exigences, quelques contemporains craignaient déjà pour Louis XIV le sort de Charles Ier. L'étoile, dit un d'eux, était alors terrible contre les rois. Mais, quoi qu'il affectât de paraître, le Parlement de Paris était loin de ressembler au Parlement d'Angleterre. Nous l'avons déjà dit, il était gêné dans ses allures. Émancipés de la veille, les magistrats n'avaient pas l'aplomb de l'expérience. Ils tenaient mal leurs armes nouvelles et n'en savaient pas bien l'usage. De vieilles coutumes dont on ne se défait pas en un jour, dominaient leur conduite et modifiaient l'exécution de leurs projets. Leur langage tout seul, les formes du palais, les expressions de respect vis-à-vis de la royauté, leur revenaient malgré eux et tempéraient leur rôle révolutionnaire. Au bout de quelques semaines, le premier élan était amorti ; on ne faisait plus d'arrêts au nom du Parlement tout seul ; même en refusant de recevoir les dernières déclarations, on parlait de recourir au roi pour les modifier. Malgré les instances de l'assemblée de la Chambre Saint-Louis, on refusait de prononcer, sans la reine, la suppression des partisans. On voulait également examiner avec elle la question de l'exportation de l'or en pays étranger. Sans doute la conversion n'était pas complète ; il devait y avoir bien des rechute, et même très-prochainement. Mais ces intermittences étaient un bon symptôme, et donnaient l'espoir que la maladie s'userait à la longue. Sous l'impression d'une pensée de ce genre, la reine, après un mois de guerre, tenta une réconciliation. Le Parlement avait fait acte de déférence, en demandant une décision sur les dernières remontrances, en venant au Palais-Royal traiter avec la reine la question des partisans et de l'exportation de l'or. Le ministre, fidèle à son système, crut le moment favorable pour récompenser la bonne volonté des opposants, pour rappeler les droits du roi quand son autorité n'était plus méconnue. J'irai au Parlement, dit la reine, pour leur jeter des roses à la tête, mais après cela, s'ils ne sont pas sages, je saurai bien les punir. On fit dans ce dessein la déclaration du 31 juillet. Cette déclaration touchait tous les points débattus depuis le commencement de l'année, revenait sur les autres déclarations ou lettres patentes expédiées pendant le dernier mois, pour les compléter ou les expliquer et les remplacer définitivement. Le roi reconnaissait certains droits au Parlement, et s'en réservait d'autres. Il accordait des réformes immédiates, il en ajournait d'autres à l'époque où il les jugerait opportunes. En voici le résumé. Remise au peuple, non plus du demi-quart mais du quart des tailles pour 1649 et les années suivantes. Nulle imposition ne sera levée à l'avenir, avant que l'Édit en ait été dûment vérifié. La taxe sur l'entrée du vin à Paris est abolie ; les autres subsistent : le roi, en son conseil, en fixera le tarif. Les officiers qui ont perdu leurs gages les recouvreront ; le payement des rentes est assuré par un fonds spécial. Les nouvelles charges de maîtres des requêtes, et tous les offices inventés en janvier, sont supprimés. Les partisans ne seront conservés que jusqu'au jour où le roi pourra se passer de leurs services. Un conseil, nommé cour de justice, sera formé pour aviser au mauvais état des finances, et composé des princes du sang, ducs et pairs et premiers officiers des cours souveraines. Enfin les assemblées de la Chambre Saint-Louis, devenues inutiles, sont interdites. Il y avait là des concessions considérables ; un soulagement réel dans la diminution des tailles, on peut même dire un abandon exagéré des ressources indispensables au succès de la guerre qui n'était pas finie. Le Parlement obtenait le plus important peut-être des droits politiques, le contrôle et le vote des impôts ; c'était les voter en effet que de n'en permettre la levée qu'après vérification. Les intérêts personnels des magistrats étaient aussi solennellement sauvegardés, et les anciens maîtres des requêtes recevaient l'assurance que de nouveaux copartageants ne viendraient pas diminuer les bénéfices éventuels de leurs fonctions. Mais le roi retenait beaucoup pour sa part ; le silence imposé à la chambre Saint-Louis surprenait trop brusquement des parleurs qui n'avaient pas eu le temps de se fatiguer. Le ministre se relevait avec trop d'avantage. C'était juste le moment où le persiflage venait en aide aux attaques légales, où les magistrats mettaient en circulation, contre lui, le mot nouveau de Fronde, où les conseillers se vantaient de fronder les avis de la cour, où l'un d'eux chantait, au commencement d'un débat : Un vent de Fronde S'est levé ce matin, Je crois qu'il gronde Contre le Mazarin[29] ; où le nom de frondeurs devenait celui de la liberté et de l'honneur, et le nom de Mazarin la flétrissure de ses partisans. Les magistrats, pour se rendre populaires, n'avaient pas cru déroger en adoptant comme cri de guerre, le nom des batailles d'enfants dan& les fossés de Paris[30]. En conséquence la déclaration du 31 juillet n'atteignit pas son but. En arrivant au Parlement, la reine et son fils eurent à subir une nouvelle mercuriale d'Omer Talon qui entreprit de les édifier, pour leur plus grand bien, sur les avantages de la contradiction. Les rois, dit-il, bien qu'ils soient de la race des Dieux, sont pourtant égaux aux enfants des hommes dans les principes communs de la nature ; le gouvernement de la terre diffère du gouvernement du ciel, Dieu seul règne sans être contredit. Les rois sont débiteurs de leur fortune et de la grandeur de leurs couronnes aux diverses qualités des hommes qui leur obéissent, dont les grands sont la moindre partie ; sans les peuples les États ne subsisteraient pas et la monarchie ne serait qu'en idée. Il fallait donc des lois publiques, marques d'une alliance réciproque, témoignage de la soumission que les sujets devaient au souverain, et de la protection qui était due aux sujets. Le contrôle exercé autrefois par les grands du royaume était aujourd'hui dévolu aux Parlements. L'usage, sans doute, s'en était introduit par la prescription des temps, par la tolérance des rois ; mais la contradiction des magistrats, loin d'être interprétée comme une marque de désobéissance, était bien plutôt un effet de la fonction de leur charge. Les rois ne sont pas en tutelle lorsqu'ils défèrent aux ordres publics ; la majesté de l'Empire n'est pas diminuée quand ils défèrent aux ordonnances qu'ils ont faites, et que leur gouvernement est le royaume de la loi. Le danger de ce discours était précisément dans les vérités qu'il invoquait, dans ce fier langage sur les droits des peuples et contre les prétentions des grands et le règne du caprice. C'en était bien assez pour rallumer le zèle de l'opposition en la justifiant. Aussi, quand le chancelier voulut recueillir les voix pour faire passer la déclaration, plusieurs conseillers répondirent qu'ils aviseraient le lendemain à ce qu'ils avaient à faire. On se taisait devant la reine, mais on ne promit pas d'obéir. Dès le lendemain, on réclama la continuation des assemblées de la Chambre Saint-Louis ; on voulut délibérer sur la déclaration, pour savoir si on lui donnerait force de loi. Les plus ardents, Broussel en tête, recommencèrent le tumulte, et le duc d'Orléans ne fut pas écouté. Deux points surtout passionnaient la cour. On voulait que la pancarte des droits à lever aux portes de Paris fût faite par deux conseillers de la cour, et non par le conseil du roi. On voulait, pour assurer la restitution de leurs gages aux officiers, des garanties plus efficaces, des arrêts contre ceux qui avaient obtenu du roi l'argent de ces gages[31]. Toutes ces propositions étaient accompagnées d'insultes où résonnait toujours avec éclat la voix de Broussel. Une nouvelle crise menaçait ; la reine la précipita. Elle se résolut à sévir, à employer la force dans un moment où ses affaires se rétablissaient inopinément au dehors. Mais elle ne fit que compliquer la situation, en donnant un nouvel allié au Parlement, en faisant descendre dans la rue le peuple de Paris. Ce fut le second acte du drame. |
[1] Motteville. — Omer Talon.
[2] Mémoires d'Omer Talon.
[3] En voici un exemple frappant : En 1652, le Parlement de Paris déclarait le prince de Condé rebelle, et le Parlement de Bordeaux déclarait que le prince n'avait rien fait que pour le service du roi. De ces deux parlements quel était le bon ? La France était-elle à Paris, ou à Bordeaux ?
[4] Mémoires d'Omer Talon.
[5] Motteville.
[6] René Rapin.
[7] Bougeant, Histoire de la paix de Westphalie.
[8] Mémoires du maréchal du Plessis.
[9] Motteville.
[10] Mémoires de la duchesse de Nemours. — L'oignon ou l'union qui fait mal à Mazarin, pamphlet de la Fronde.
[11] Motteville. — Omer Talon.
[12] Mémoires d'Omer Talon.
[13] Chateaubriand.
[14] Mémoires de Retz.
[15] Mémoires de René Rapin.
[16] Motteville.
[17] Guy-Joly.
[18] Mémoires d'Omer Talon.
[19] Omer Talon, à l'année 1648, à la suite des barricades.
[20] Le Désintéressé, pamphlet de 1649.
[21] Retz.
[22] Note sur des membres du Parlement.
[23] Montglat.
[24] Omer Talon.
[25] Le Désintéressé : T'imagines-tu que Broussel et été si fort ton tribun s'il eût pu obtenir pour son fils la compagnie aux gardes qu'il poursuivait ?
[26] Motteville.
[27] Omer Talon.
[28] Monglat.
[29] Mémoires de Mademoiselle de Montpensier.
[30] Mémoires de Retz : Dans ces assemblées du Parlement, il y avait des colères et des apaisements successifs. La présence du duc d'Orléans calmait ordinairement les esprits. Bachaumont s'avisa de dire un jour que le parlement faisait comme les écoliers qui frondent dans les fossés de Paris, qui se séparent dès qu'ils voient le lieutenant civil, et qui se rassemblent dès qu'il ne parait plus. Cette comparaison plaisante fut célébrée par des chansons. On y vit bientôt un rapprochement utile avec le peuple, aussi heureux que le nom des gueux et les bissacs des Flamands par où avait commencé la révolution des Pays-Bas.
On a beaucoup disputé sur l'origine du nem de fronde. Pourquoi ne prendrait-on pas pour la meilleure explication celle qui est donnée par Retz, le frondeur le plus opiniâtre, et qui devait connaître mieux que personne les sentiments du parti et la raison des moyens employés ?
[31] Mémoires d'Omer Talon.