PARIS - THORIN - 1879
Deux théories opposées se partagent les érudits. D'après
l'une, la race gauloise, vaincue par Rome et tenue par elle dans une dure
sujétion, aurait défendu opiniâtrement ses croyances, aurait gardé en secret
ses habitudes, son droit, son caractère et sa langue. D'après l'autre, au
contraire, Rome aurait en très-peu de temps, par des moyens ou violents ou
habiles, arraché de Ce problème de la persistance du génie gaulois est fort difficile à résoudre. Il est clair qu'il ne faut introduire dans cette recherche aucune idée préconçue, aucun préjugé de patriotisme ou de poésie, aucune théorie préjudicielle sur la permanence des races. Les raisonnements à priori et la logique abstraite doivent d'abord être écartés. Les documents seuls et les faits doivent être observés. Il est prudent aussi, pour rendre la recherche plus facile, de diviser le problème. L'aborder de front et d'ensemble, c'est s'exposer à rester dans le vague et les généralités ; en examiner successivement les différentes faces est le seul moyen d'arriver, s'il se peut, à une solution. Nous bornerons donc, aujourd'hui, notre étude à un seul point. Nous chercherons seulement si le druidisme a vécu sous la domination romaine, et nous le chercherons en réunissant tous les textes que l'antiquité pourra nous fournir sur ce sujet. I Deux textes anciens, l'un de Pline, l'autre de Suétone, semblent indiquer que la religion druidique aurait été absolument détruite par un acte de l'autorité romaine, et cela dès le règne de Tibère et celui de Claude. Nous lisons, en effet, dans Pline ces mots : Tiberii Cœsaris principatus subtulit Druidas, le principat de Tibère fit disparaître les druides[1]. De son côté, Suétone écrit : Druidarum religionem Claudius penitus abolevit, phrase que l'on traduit généralement ainsi : Claude abolit entièrement la religion des druides[2]. Au premier abord, ces deux phrases semblent d'une parfaite clarté et sont d'une grande énergie. Elles donnent tout de suite l'idée d'une destruction complète. Remarquons bien, en effets la force des deux mots sustulit, abolevit. Les deux écrivains ne disent pas seulement que le prince ait prononcé une interdiction, qu'il ait lancé une loi visant à faire disparaître le druidisme ; ils parlent d'un fait accompli et achevé, d'une disparition totale de la religion et des druides. Il semble donc qu'il n'y eût plus de druides à partir de Tibère, plus de druidisme à partir de Claude. Pourtant, si l'on continue à observer les textes et les
faits de l'histoire, on est saisi par un scrupule et par un doute. En effet,
ces mêmes druides que Tibère aurait fait disparaître, cette même religion que
Claude aurait effacée, nous les retrouvons dans les époques suivantes. Pline
lui-même, dans un autre passage, montre qu'au temps où il écrivait,
c'est-à-dire sous Vespasien, les druides existaient encore et continuaient à
présider aux cérémonies religieuses. Les druides,
dit-il, n'ont rien qui leur soit plus sacré que le
gui du chêne et ils l'emploient dans leurs plus grands sacrifices ; la
recherche du gui se fait le sixième jour de la lune ; quand ils l'ont trouvé,
ils font un repas religieux au pied de l'arbre ; l'un d'eux, vêtu de blanc,
coupe le gui avec une serpe d'or, puis on immole des taureaux blancs en
prononçant des prières[3]. Pline décrit
cette cérémonie comme étant pratiquée au moment où il parle ; tous les verbes
qu'il emploie sont au temps présent, et il ne paraît pas se douter que les
druides et leur religion aient été supprimés sous l'un des règnes précédents.
Ailleurs, il rapporte la croyance des druides à la vertu magique de l'œuf de serpent, et c'est encore au temps présent
qu'il s'exprime[4].
Les druides ont si peu disparu à l'époque de Tibère que Tacite mentionne leur
action dans les troubles qui agitèrent Voilà donc une contradiction. D'une part, Pline et Tacite nous montrent les druides vivant et agissant sous Vespasien ; et d'autre part, Pline et Suétone nous disent que ces druides ont cessé d'être sous Tibère. En présence d'un désaccord si apparent, on est amené à se demander s'il est bien vrai que, dans les deux phrases que nous avons citées d'abord, Pline et Suétone aient voulu que les druides et leur religion eussent disparu. Reprenons donc ces deux textes ; une première vue, trop rapide, peut nous avoir trompés ; examinons-les de plus près et dans leur intégrité. Tous ceux qui lisent, savent que le vrai sens d'une phrase, c'est-à-dire la pensée que l'auteur avait dans l'esprit en l'écrivant, n'est déterminé pour nous que par les phrases qui précèdent et qui suivent, c'est-à-dire par le contexte. Pline, dans toute la partie du XXXe livre où se trouve le
passage allégué, s'occupe de la magie et de ce qu'il appelle les impostures
des magiciens, magicœ vanitates. Nous allons dévoiler, dit-il, la fausseté et le néant de la magie ; elle est à la fois
ce qu'il y a de plus faux et ce qui a le plus régné dans le monde. On ne
s'étonnera pas de l'empire qu'elle s'est acquis, si Ton songe qu'elle a
embrassé et confondu en elle les trois choses qui sont les plus puissantes
sur l'esprit humain, je veux dire la médecine, la crainte des dieux et le
désir de connaître l'avenir. C'est en Orient qu'elle est née, chez les
anciens Perses. On la trouve ensuite en Grèce ; elle a régné aussi en Italie
; on en voit des traces dans nos lois des XII Tables et dans d'autres
documents ; ce n'est même qu'en l'an 657 de Rome qu'un sénatus-consulte a
interdit d'immoler des victimes humaines, ce qui prouve que jusqu'à cette
époque on faisait cet horrible sacrifice. Si nous avons suivi avec attention
l'ordre des idées de Pline dans ce passage, si nous avons observé dans quelle
direction se meut sa pensée, nous avons pu remarquer que son esprit a surtout
en vue cette sorte de magie qui ne se contente pas de prédictions
inoffensives, qui ne s'arrête même pas aux incantations et aux sortilèges,
mais qui va jusqu'à l'immolation de l'homme. Et l'historien indique les
objets de cette magie, qui sont : 14° le besoin de guérir ; 2° le désir de
plaire aux dieux ; 3° la divination. Il réprouve cette magie qui immole
l'homme pour guérir un autre homme, qui l'immole aussi pour apaiser la
divinité, qui l'immole enfin pour deviner l'avenir dans les entrailles du
mourant. Tel est l'ordre des idées de Pline ; il continue : Cette magie a aussi possédé les Gaules, et même jusqu'à un
temps voisin de nous. Arrêtons-nous encore ici un moment pour
constater que cette assertion de Pline, en ce qui concerne Assurément, quand nous lisons ce chapitre entier, notre
impression n'est plus la même que quand nous avions sous les yeux les deux
seuls mots sustulit druidas. Ces deux
mots isolés pouvaient nous faire supposer que Pline songeait à l'interdiction
d'un culte ; le chapitre entier nous montre qu'il avait seulement dans
l'esprit l'interdiction d'une sorte de sorcellerie qui allait jusqu'à immoler
des hommes pour guérir des malades ou pour deviner l'avenir. Le passage de Suétone est plus court : raison de plus pour n'en supprimer aucun mot. Druidarum religionem dirœ immanitatis et tantum civibus sud Augusto interdictam Claudius penitus abolevii. Les deux mots dirœ immanitatis me paraissent dignes d'attention ; ils marquent sur quel point se fixe la pensée de Suétone. En parlant ici des druides, il ne songe ni à leurs dieux, ni à leur doctrine sur l'âme ; son esprit ne voit qu'une cruelle barbarie, dira immanitas. Pour avoir le sens de cette expression de Suétone, il faut la rapprocher de celles de Lucain : Immiis placature sanguine diro Teutatès[11], ou de celle-ci de Tacite : Luci sœvis superstitionibus sacri, nam cruore adolere aras fas habebant. Toutes ces expressions désignent les mêmes sacrifices humains que César avait déjà décrits, et c'est eux aussi que Suétone avait en vue lorsqu'il écrivait les mots religio dirœ immanitatis. — Il faut d'ailleurs prendre garde au sens que le terme religio présentait à l'esprit d'un romain ; on le traduisait inexactement par notre mot religion ; il se disait de toute pratique qui avait pour but de plaire aux dieux et surtout de les apaiser[12]. Je traduirais donc la phrase de Suétone de cette façon : La pratique religieuse des druides, la cruauté des sacrifices humains, avait déjà été interdite par Auguste aux citoyens romains ; Claude l'interdit à tous et la fit disparaître. Il ne me semble pas que Suétone ait voulu dire autre chose. Si Ton comprend de cette manière le chapitre de Pline et la phrase de Suétone, ils ne sont plus-en, contradiction avec les autres passages de Pline et celui de Tacite qui nous montrent encore des druides au temps de Vespasien. Ils se trouvent surtout en parfait accord avec deux autres textes qui se rapportent au même sujet. Strabon, qui écrivait au temps de Tibère, dit, non pas que Rome ait interdit le culte et supprimé les prêtres, mais qu'elle a fait disparaître ce qui, dans leurs pratiques sacrées et dans leur divination, était en opposition avec les mœurs romaines[13] ; et pour préciser sa pensée, il ajoute aussitôt : qu'auparavant les druides avaient coutume d'égorger un homme et de prédire revenir d'après la nature de ses convulsions. Pomponius Mela a vécu dans le temps même où fut accomplie la réforme dont parlent Pline et Suétone ; car il a écrit sous le règne de Claude[14] ; or, non-seulement il ne nous dit pas qu'on ait supprimé le druidisme ; mais après avoir rapporté l'abolition des sacrifices humains, il ajoute qu'on permet au moins d'en faire le simulacre ; on ne va plus, dit-il, jusqu'à immoler des hommes ; mais il y a encore des hommes qui sont désignés pour être victimes ; on les approche des autels, on fait mine de les frapper, et par quelque piqûre on fait couler des gouttes de leur sang[15]. Cette curieuse assertion d'un contemporain montre bien que le culte subsiste, que les druides vivent encore, et que toutes leurs cérémonies restent permises, à la seule condition que l'on n'aille pas jusqu'à mort d'homme. En résumé, voilà deux textes très-précis de Strabon et de Pomponius Mela qui marquent l'abolition des sacrifices humains, mais non celle du culte ; deux autres textes de Pline (XVI, 95, 251) et de Tacite montrent les druides subsistant sous Vespasien et pratiquant leur culte ; enfin, deux textes de Suétone et de Pline ne nous paraissent indiquer que la suppression des sacrifices humains. Tous ces écrivains nous semblent d'accord entre eux. Ce qui a été aboli par l'autorité romaine, ce n'est pas la croyance, ce n'est pas le culte, ce ne sont pas les prêtres ; c'est seulement l'immolation de l'être humain. Sur ce point, la suppression a été complète, et les termes sustulit et abolevit dont se servent Pline et Suétone, n'ont rien d'exagéré. L'histoire ne contient plus la trace d'aucun sacrifice humain en Gaule. Les lois impériales ont été parfaitement exécutées. Quant à une persécution du druidisme, il n'y a aucun texte
qui en parle. On a supposé, il est vrai, que la politique romaine avait dû
être hostile à un ordre sacerdotal qui représentait, disait-on, l'esprit
d'indépendance de Il n'est fait mention d'aucune condamnation à mort contre les druides ou contre leurs sectateurs. On a dit que des lois barbares défendirent sous peine de mort tous les signes qui appartenaient à cette croyance[19] ; mais il n'existe pas dans les documents la plus légère trace de ces lois barbares. On a dit encore, d'après une phrase de Pline, qu'un Gaulois avait été livré aux bourreaux parce qu'on découvrit sur lui un talisman druidique appelé œuf de serpent[20] ; mais si l'on se reporte au passage de Pline, on voit qu'il s'agit d'un citoyen romain, même d'un chevalier romain, qui avait un procès et qui avait imaginé de se munir du talisman qui était réputé le meilleur pour faire gagner tous les procès, c'est-à-dire l'œuf de serpent. Il portait donc cet objet sur lui devant le tribunal, in lite ; mais Pline remarque que ce talisman lui servit si peu qu'il fut, au contraire, condamné à mort. L'historien donne à entendre que sa cause n'était peut-être pas si mauvaise qu'il méritât une peine aussi sévère ; mais le juge, qui était précisément l'empereur Claude, le punit surtout pour avoir employé un talisman en Justice, c'est-à-dire pour avoir essayé de le tromper. Mais Pline ne dit nullement que cet homme fut misa mort parce qu'il croyait aux dieux gaulois ; il ne dit même pas s'il y croyait. On ne peut donc pas voir dans cette sentence de Claude l'indice d'une persécution contre la religion gauloise[21]. La meilleure preuve que les druides ne furent pas supprimés par l'autorité romaine, c'est que nous les voyons durer pendant presque tout l'empire, et même sans se cacher. Je ne sais s'il faut faire beaucoup de fond sur une inscription où l'on croit lire qu'une druidesse, druis, a élevé un monument sacré pour obéir à un songe[22] ; mais nous avons des documents plus sûrs ; Lampridius, dans le vie d'Alexandre Sévère, rapporte que la mort de cet empereur lui fut prédite par une druidesse qui cria sur son passage en langue gauloise : Défie toi de tes soldats[23]. Un autre historien, Vopiscus dit qu'Aurélien consulta les druidesses gauloises[24]. Il raconte aussi que Dioclétien, n'étant encore que soldat, vivait à Tongres dans une sorte d'auberge tenue par une druidesse qui lui prédit qu'il serait empereur[25]. Ce qu'il y a de curieux dans ces anecdotes, ce ne sont pas les prédictions, — tout le monde en faisait en ce temps-là, — mais c'est l'existence persistante des druidesses, laquelle suppose bien aussi l'existence de quelques druides. Allons encore plus loin ; voici, au IVe siècle, Ausone qui écrit des vers à la louange des professeurs de l'école de Bordeaux ; or, deux d'entre eux appartiennent à des familles druidiques. L'un, nommé Patéra, est né à Bayeux, stirpe druidarum satus, d'une famille vouée au culte de Bélen[26] ; l'autre, le vieux Phébicius, est né dans l'Armorique, stirpe satus druidum, et il a été d'abord prêtre de Bélen, Beleni œdiluus. Sans doute on aurait tort de conclure de ces lignes d'Ausone qu'il existât encore un sacerdoce druidique bien organisé et bien puissant ; j'en tirerais plutôt la conclusion opposée ; car ce Phébicius, paraît-il, avait tiré si peu d'argent et d'honneur de sa qualité de prêtre de Bélus qu'il avait volontiers échangé son sacerdoce contre une chaire à Bordeaux, Encore faut-il que le nom des druides n'ait été ni proscrit ni méprisé pour qu'Ausone, le fidèle observateur des moindres lois impériales, loue deux de ses maîtres d'appartenir à des familles druidiques ; assurément, on a le droit de conclure de là que le nom de druide n'était pas une injure. Il y a pourtant quelque chose que la conquête romaine a
supprimé dans le druidisme, c'est l'unité d'organisation et la hiérarchie.
Avant César, les druides tenaient des assemblées régulières, périodiques, où
ils se réunissaient de tous les points de En résumé, Rome a interdit certaines pratiques de magie, elle a défendu absolument les sacrifices humains, elle a renversé ou a laissé tomber l'organisation druidique ; voilà tout ce qu'on peut affirmer qu'elle ait fait disparaître. Quant à une persécution contre les croyances, à l'abolition du culte, à dés rigueurs contre les prêtres, il n'y en a pas le moindre indice dans les documents. II Mais maintenant une autre question se présente à l'esprit. De ce que les croyances n'ont pas été persécutées, il ne suit pas nécessairement qu'elles n'aient pas disparu. De ce que l'autorité romaine n'empêcha pas quelques druides de subsister, il ne faut pas se hâter de conclure que le druidisme ait subsisté aussi. L'un n'entraîne pas l'autre. Il y a donc ici un nouveau problème, fort différent du précédent, et qu'il importe d'étudier à part. Ce qui augmente la difficulté, c'est que ces croyances druidiques nous sont fort mal connues. Ceux qui passent leur vie à chercher la vérité historique, savent combien il est difficile de comprendre avec exactitude la pensée religieuse d'un peuple ancien. Apercevoir les traits extérieurs, les rites, les formules, est chose assez facile ; mais il y a loin de cette vue superficielle à la connaissance précise des idées qui ont eu vie autrefois dans des âmes qui ne ressemblaient peut-être pas aux nôtres. On connaît passablement les croyances des anciens Perses parce qu'on a leurs livres. On se fait une idée assez nette de la religion de l'antique Égypte parce qu'on possède ses inscriptions et son rituel. Pour les Grecs et les Romains, nous avons, à défaut de leurs livres sacrés qui sont perdus, un nombre incalculable de renseignements épars dans toute leur littérature. Malgré cela, il reste encore beaucoup d'incertitudes ; il est surtout une chance d'erreurs que nous devons reconnaître : nous ne sommes jamais sûrs, quand nous avons sous les yeux des textes anciens relatifs aux croyances des hommes, de posséder le rapport exact entre les mots et les idées ; nous ne pouvons pas affirmer que telle expression réponde précisément à telle croyance. Le mot Dieu, par exemple, et le mot âme peuvent n'avoir pas présenté à l'esprit de ces anciens hommes l'idée qu'ils présentent à notre esprit moderne ; et il en est de même des mots religion, prière, sacrifice, vœu, serment, et de beaucoup d'autres. Une autre cause d'erreur est que les opinions peuvent se modifier sans que les mots changent, sans que les formules et les rites varient, en sorte que les transformations les plus graves d'une religion peuvent nous échapper. C'est assez dire combien il faut être réservé quand on parle de la religion d'un peuple disparu, et combien il faut se réduire à citer les textes qu'on a, sans y rien mêler de nos idées personnelles ou des idées de notre temps. Or, sur les vieilles croyances druidiques, nous ne possédons aucun livre sacré, et notre unique renseignement à cet égard est qu'il n'en existait pas[27]. Nous n'avons même pas d'inscriptions ; les quelques signes qui sont marqués sur quelques pierres n'ont aucune signification certaine, et c'est notre esprit seul qui croit y voir des symboles de croyances. Aucune formule de prière, aucun chant réellement druidique n'est parvenu jusqu'à nous. Des rites, nous ne connaissons que ceux qui se rapportent à la manière de cueillir le gui du chêne, et ils sont de même nature que ceux qu'on rencontre dans toutes les religions. Des pratiques, nous ne connaissons guère que les sacrifices humains, et nous ne pouvons pas affirmer qu'ils aient eu une autre signification que celle qu'ils avaient chez tous les peuples barbares[28]. Nous connaissons aussi leur excommunication ; mais ce châtiment qui consiste à éloigner un coupable des cérémonies du culte, à l'exclure de la religion et en même temps de la société civile, n'est pas particulier aux Gaulois ; nous en trouvons l'analogue chez les Grecs, chez les Romains, chez les Germains[29]. Il ne nous est pas parvenu une seule légende dont nous puissions dire avec certitude qu'elle soit gauloise et surtout qu'elle soit druidique. Quant aux monuments, tels que dolmens et menhirs, ils ont ce grave inconvénient que l'on en rencontre de semblables dans tous les pays du monde, ce qui fait qu'on ne saurait y trouver la clef des croyances propres aux Gaulois[30]. Sont-ce les livres de l'Irlande et du pays de Galles qui nous diront ces vieilles croyances ? Mais ces livres sont, par la date, plus rapprochés de nous que des anciens druides. Ils sont postérieurs de beaucoup au christianisme, et aucun d'eux ne nous parle en termes précis de l'ancienne religion gauloise. Il y a beaucoup de témérité à supposer que le recueil connu sous le nom de Mystère des Bardes représente la doctrine druidique ; car ce livre n'a paru qu'en 1794, et l'on n'a jamais pu montrer un manuscrit ni un indice quelconque qui le rattache à une époque ancienne. Peut-on, sur des textes dont la date est certainement récente, dont l'origine est incertaine, dont le contenu est vague et obscur, dont les termes sont d'une interprétation douteuse, prétendre qu'on ait retrouvé une religion et des croyances disparues depuis vingt siècles ? Qu'un homme paraisse et nous dise : voici une suite de sentences que je vous présente le premier ; elles ne sont pas de moi ; elles sont vieilles de vingt siècles et constituent une antique doctrine religieuse ; il est vrai que je ne puis vous montrer aucune preuve qu'elles soient cette vieille doctrine ; mais je vous affirme qu'elles viennent des anciens druides, et je les tiens d'eux par une tradition orale que cinquante générations de bardes se sont transmises jusqu'à moi, bien qu'il n'y ait ni preuve ni indice de cette transmission. Si l'on nous dit cela, sommes-nous tenus de le croire ? La critique historique est-elle obligée d'abdiquer tous ses droits, de renoncer à toutes ses règles ? Et si l'histoire entre dans cette voie, jusqu'où nous faudra-t-il aller ? Un texte est publié en 1794 et la seule raison qu'on nous donne pour nous prouver qu'il est antique est que la doctrine étant secrète n'a pas pu être révélée plus tôt ; mais cette preuve aurait elle-même besoin d'être prouvée. On n'a rien montré jusqu'ici qui indique que durant le moyen-âge il y eût un druidisme qui se cachait. Tous ces pays étaient chrétiens, et l'on sait comme l'Église veillait. C'est une conjecture bien hardie que de penser qu'un druidisme ait pu durer à travers cinquante générations chrétiennes. Que les bardes, poètes assez semblables à nos trouvères, aient eu entre eux de certains secrets professionnels, ou qu'ils aient affecté d'en avoir, cela ne prouve pas que ces secrets fussent ceux des druides ; n'oublions pas que ces bardes étaient chrétiens. Aussi les pensées qu'on peut saisir dans le Mystère des Bardes sont-elles chrétiennes par ,bien des endroits ; tout ce qui n'y est pas chrétien ressemble fort à des fantaisies demi-philosophiques et demi-poétiques, vagues surtout et où l'esprit peut voir tout ce qu'il veut. L'ancienneté de trois ou quatre termes, que Ton ne sait s'il faut prendre dans leur sens antique et littéral ou dans un sens dérivé, ne prouve pas nécessairement l'ancienneté du texte et de la doctrine. D'ailleurs, il n'y est pas parlé des anciens druides ; aucun des traits qui nous sont fournis sûrement par les auteurs anciens ne s'y retrouve, et l'on n'aperçoit pas par quel point de jonction ces triades se peuvent rattacher à ce qu'on connaît du druidisme[31]. C'est donc uniquement par le canal des écrivains grecs et latins que nous savons quelque chose des croyances de l'ancienne Gaule. Trois chapitres de César, quelques lignes de Diodore et de Strabon, quinze vers de Lucain et une assertion du Grec Timagène reproduite par Ammien Marcellin, voilà nos seuls documents. On ne voit pas qu'aucun de ces écrivains ait fait une étude approfondie et vraiment scientifique de la religion gauloise ; la plupart n'en parlent que par ouï-dire ; aucun d'eux, pas même César, ne nous assure qu'il ait conversé longuement avec les druides et qu'il ait obtenu leurs secrets, au cas qu'ils en eussent. Malgré cela, le peu qu'ils ont su est la mesure de ce que nous pouvons savoir, et je crois que le plus sûr est encore de nous en tenir à ce qu'ils disent sans y rien ajouter de nous[32]. Or, il y a dans ce qui nous est dit de la religion gauloise, deux éléments qu'il importe de distinguer, d'une part les noms et les attributs des divinités, de l'autre les doctrines plus ou moins secrètes, plus ou moins élevées que les druides avaient peut-être sur la nature divine et sur la nature humaine, Pour ce qui est des dieux gaulois, nos renseignements sont assez nombreux. Nous avons d'abord un chapitre de César ; seulement, il se trouve que César désigne les divinités gauloises par des noms de divinités romaines ; il les appelle Mercure, Jupiter, Apollon, Minerve, Mars. Bien plus, il reconnaît en eux les mêmes attributs que ceux des divinités de Rome. Les Gaulois disent que Mercure est l'inventeur des arts et le dieu du commerce ; qu'Apollon guérit les maladies, que Jupiter préside aux phénomènes célestes, que Minerve enseigne les travaux et les arts, que Mars conduit la guerre[33]. Ils ont aussi une sorte de Pluton, un Dis Pater, qui règne dans la nuit infernale[34]. César qui est, de tous les anciens, celui qui, le moins imparfaitement connu les Gaulois, affirme qu'il ne voit presque pas de différence entre les idées qu'ils ont sur les dieux et celles des autres peuples[35]. Il ne paraît pas que la représentation des dieux par la figure humaine fût interdite par leur religion[36]. D'autres documents nous font connaître les noms gaulois d'un assez grand nombre de divinités. Les écrivains latins nomment Teutatès, Hésus, Tarann[37], Bélen[38], et une sorte d'Hercule appelé Ogmios[39]. Outre les divinités d'un caractère général, les Gaulois avaient, comme les Grecs et les Romains, un nombre infini de dieux topiques qui étaient attachés à un fleuve, à une montagne, à une ville. Les inscriptions de l'époque romaine nomment ces divinités locales, telles que Vosagus, Arduinna, Borvo, Grannus, Nemausus, Luxovius et beaucoup d'autres[40]. La domination romaine a-t-elle détruit ce panthéon gaulois
? On n'aperçoit pas quel motif les Romains auraient eu pour proscrire des
dieux qui, à les en croire, ressemblaient tant aux leurs. Aussi trouvons-nous
un nombre infini d'autels et d'images qui, au temps de l'empire, nous
montrent ces dieux toujours adorés. Rome a si peu proscrit les dieux gaulois,
que nous ne les connaissons que par l'époque romaine. On peut dire que, sans
la domination de Rome, nous ne saurions rien de ces dieux, et que c'est grâce
à elle qu'ils ont laissé quelques souvenirs et quelques traces. Mais il est
bon d'ajouter que, dans les textes de l'époque romaine, ces dieux gaulois
sont toujours présentés comme fort semblables aux dieux romains. Ils sont
souvent adorés sur les mêmes autels et reçoivent un culte analogue. Les
hommes, associent Hésus à Vulcain et à Jupiter[41], leur Bélen
semble un Apollon[42] ; Bélisama est
une Minerve, et les mêmes Gaulois qui continuaient de vénérer leurs anciens
dieux vénéraient également Jupiter, Diane, et même des divinités orientales
comme Isis, Sérapis et Mithra. Nous apercevons donc la persistance des dieux
gaulois, mais nous n'apercevons pas la persistance d'une religion qui soit
particulière à III Il reste à nous demander, si, en dehors des dieux et du culte, une doctrine intime et profonde a subsisté. Mais il faudrait d'abord démontrer que les druides, au temps de l'indépendance, aient possédé une doctrine secrète qui ait été supérieure aux opinions populaires, supérieure surtout aux pratiques abominables et au culte grossier. Or, c'est là un point qui n'a jamais été bien démontré. L'opinion qui attribue aux anciens druides une doctrine secrète, repose sur une phrase mal interprétée et inexactement citée de César. On la cite ainsi : neque in vulgum disciplinam efferri volunt. Mais dans le texte il n'y a pas volunt, il y a velint, et ce subjonctif mérite bien qu'on y prenne garde[43]. C'est que César n'affirme pas un fait, il exprime une simple supposition, de sa part. Après avoir rapporté que les druides s'interdisent de mettre en écrit leurs chants sacrés, quoiqu'ils connaissent et emploient l'écriture[44], il se demande quelles peuvent être les raisons de cette règle qu'ils s'imposent, et il lui semble qu'il y en a deux : id mihi duabus de causis instituisse videntur : l'une serait qu'ils ne voudraient pas que cette connaissance se répandît dans la foule ; l'autre serait qu'ils craindraient que leurs élèves se fiant à récriture ne négligeassent la mémoire. Ce sont là deux explications que César présente, et il les donne comme des conjectures personnelles. On n'a pas non plus regardé d'assez près au sens du mot disciplina qui est employé par César dans ce
passage. Ce terme se dit de tout ce qui s'apprend. Dans la phrase de César, disciplina résume l'expression ediscere magnum numerum versuum qui est dans la
ligne précédente[45]. L'historien
veut parler de la connaissance des vers et des chants sacrés ; il ne songe
nullement à la connaissance de dogmes particuliers. Or, nous savons que, chez
tous les peuples anciens, les pontifes et les prêtres avaient grand soin de
cacher les formules, les chants sacrés, les rites, les vers et le rythme des
prières, souvent même le vrai nom des divinités, afin de se réserver la
possession de ces paroles puissantes et de ces hymnes auxquels les dieux ne
résistaient pas. Un esprit moderne, pour qui toute religion est un ensemble
de dogmes, suppose d'abord que les druides cachaient une doctrine, mais
César, qui est accoutumé aux pensées des anciens, remarque simplement qu'ils
possèdent un grand nombre de vers et qu'ils les cachent. Cela est si vrai que
c'est seulement dans les phrases suivantes qu'il arrive à parler de leurs
dogmes, et ici, il n'est plus question de secret : Ils
veulent persuader à tous que l'âme est immortelle, et ils veulent qu'on le
croie pour que les hommes en aient plus de courage[46]. Que les druides
se soient réservé la connaissance de chants sacrés, de formules magiques,
d'hymnes, de règles augurales, c'est ce qui se voit dans les documents.
Qu'ils se soient réservé aussi la connaissance de quelques dogmes, c'est ce
qui est possible, mais les textes ne l'attestent pas. On ne peut, sur ce
point, ni affirmer ni nier. Secrète ou non, quelle était leur doctrine ? Croyaient-ils à un dieu unique, ou tout au moins à un dieu suprême ? Sur ce point si grave, nous n'avons aucun renseignement. Rien qui ressemble à l'unité de Dieu n'est attribué aux druides par les anciens[47]. Il est avéré qu'ils croyai0nt à l'immortalité de l'être humain, ce qui n'est pas très-étonnant puisque tous les peuples anciens y ont cru. Mais, quelle était lia nature de cette immortalité, c'est ce qui est loin d'être clair. D'une part, César dit que les druides enseignent que les âmes ne meurent pas et passent d'un corps d'homme dans un autre corps d'homme[48], Lucain va plus loin ; il parle d'une suite d'existences, toujours dans un corps, mais au milieu d'un autre monde[49], D'autre part, Pomponius Mela représente la vie future des druides comme celle que se figuraient les Romains : ce n'est pas une suite d'existences, c'est seulement une autre vie, et elle se passe sous la terre, ad manes, ad inferos[50]. Or, ce qui donne quelque poids à cette assertion de Pomponius Mela, c'est d'abord que nous savons que les Gaulois avaient un dieu infernal, un Pluton, un Dis pater qui possédait la région de la nuit. C'est ensuite qu'ils avaient la coutume d'enterrer ou de brûler avec le mort les objets qui pouvaient leur être utiles dans cette autre vie[51]. Beaucoup de sépultures gauloises nous montrent qu'on entourait le mort des armes et des ustensiles dont il pouvait avoir besoin dans son existence sous la terre. Un ancien prétend même que les Gaulois avaient l'habitude d'aller consulter et interroger les morts sur leurs tombeaux[52], tant on croyait qu'ils vivaient là. Il faut avouer que de tels usages s'accordent mal avec la doctrine de la métempsychose ou avec celle de la résurrection dans un autre monde. Peut-être les idées des Gaulois étaient-elles très-confuses, très-mêlées, et nous pouvons douter au moins qu'ils eussent sur ces difficiles questions des dogmes bien arrêtés. A en croire quelques auteurs grecs, les druides auraient eu les mêmes doctrines que Pythagore, et ce serait même ce philosophe ou un de ses disciples qui aurait instruit les prêtres gaulois. Le système de Pythagore régnait chez eux, dit Diodore de Sicile[53]. Ils se conformaient, dit l'historien Timagène, aux dogmes et même aux règles de discipline que Pythagore avait institués[54]. Cette opinion était fort répandue dans le monde grec ; Origène la répète ; il sait même le nom du disciple de Pythagore qui aurait porté sa doctrine aux druides[55]. De telles assertions nous mettent naturellement en défiance, et l'on ne peut s'empêcher de se demander comment Diodore de Sicile et Timagène, à supposer qu'ils sussent bien ce que Pythagore avait enseignée pouvaient savoir ce qu'enseignaient les druides. Cette opinion courait dans le monde grec, sans qu'on sût comment elle y était venue ; à peine est-il besoin de dire qu'elle a peu de valeur aux yeux de la critique historique. Il est encore un trait que les anciens se plaisent à attribuer au druidisme. Aristote parlait déjà de la philosophie des druides, comme de celle des gymnosophistes indiens et des prêtres de Chaldée[56]. Diodore appelle les druides des philosophes et des théologiens. Même sans attribuer à ces deux mots toute la valeur qu'ils ont dans notre langue, on ne peut s'empêcher d'y voir un grand éloge. Strabon représente les druides comme s'occupant de l'étude de la nature et de celle de la morale[57], et Pomponius Mela les appelle des maîtres de sagesse[58]. On a parlé aussi de la science des druides. César remarque qu'ils disputent sur le cours des astres, sur la forme et la grandeur de la terre, sur le système de la nature[59]. Il est vrai que disputer sur le cours des astres n'est pas nécessairement connaître les lois de l'astronomie. S'ils enseignaient, comme le rapporte Strabon, que le monde n'aurait pas de fin, mais qu'un jour le feu et l'eau l'emporteraient[60], il faut reconnaître qu'une pareille théorie n'avait rien de bien scientifique. Pomponius Mela dit qu'ils prétendent connaître la forme de l'univers et le cours des astres[61]. Enfin Ammien Marcellin écrit que les druides vivaient en communautés étroites, l'esprit toujours tendu vers la recherche des problèmes les plus élevés[62]. Voilà encore des affirmations en présence desquelles la critique historique est assez embarrassée. Ces philosophes et ces théologiens étaient les mêmes qui immolaient des hommes pour découvrir l'avenir dans leurs entrailles palpitantes[63]. Ces solitaires qui tendaient leur esprit vers la recherche des grands problèmes étaient certainement des devins et des sorciers : toute l'antiquité l'atteste. Ces hommes qui, suivant Strabon, étudiaient la physiologie, guérissaient aussi toutes les maladies avec quelques gouttes d'une eau bénite où avait trempé le gui sacré[64] ; ils avaient une autre herbe qui était aussi fort efficace, à la condition qu'on l'eût cueillie de la main droite passée dans l'ouverture gauche d'une tunique blanche[65] ; une troisième herbe guérissait toutes les maladies de tous les animaux, pourvu qu'elle eût été cueillie de la main gauche, mais le grand et capital remède pour sauver la vie d'un homme était d'immoler aux dieux un autre homme. Telle était leur médecine. Pour ce qui est de leur astronomie, Cicéron a connu intimement un druide, l'Éduen Divitiac, qui a été son hôte à Rome ; or, Cicéron dit bien que ce druide prétendait connaître le système de la nature, mais il ajoute aussitôt qu'il se servait de cette connaissance, et aussi des augures, pour annoncer l'avenir[66]. Voilà un renseignement qui rabaisse les connaissances des druides à un emploi qui n'est pas précisément celui de la science. Pomponius Mela dit aussi que ces druides prétendent savoir le mouvement des astres et la volonté des dieux[67]. Était-ce astronomie ou astrologie ? S'agissait-il de science, de poésie, ou simplement de divination et d'augurat ? c'est ce qu'on ne saurait dire[68]. Il ne faut donc accepter qu'avec les plus grandes réserves les éloges, d'ailleurs très-vagues, que les anciens font de la philosophie et de la physiologie des druides. Leur métempsychose, si réellement ils avaient cette doctrine, pouvait être aussi naïvement matérielle que l'Erèbe des Grecs et des Romains. Leur science de la nature pouvait être aussi grossière et aussi conjecturale que celle des Étrusques. Avant d'apprécier et d'admirer de telles doctrines, il faudrait être bien sûr d'elles, il faudrait surtout en posséder l'expression exacte et le détail. On observera encore que, si les druides avaient véritablement possédé quelques connaissances positives en astronomie, en médecine, en philosophie, il est infiniment vraisemblable que ces connaissances n'auraient pas été aisément rejetées par les Gaulois, et qu'elles auraient même pénétré dans le monde romain. Les Romains n'avaient aucun intérêt à s'en priver. On sait qu'ils empruntaient volontiers aux vaincus tout ce qui pouvait être utile, et que, comme dit Pline, ils étaient ardents à s'approprier tout ce que les autres peuples avaient de bon, omnium utilitatum et virtutum rapacissimi[69]. Ils n'ont rien pris aux druides. Nous pouvons donc conserver de grands doutes jusqu'à ce que surgissent de nouveaux documents sur les doctrines secrètes du druidisme. Dès lors, il est bien difficile de dire si l'autorité romaine a volontairement combattu ces doctrines, et d'établir la mesure de ce qu'elle a détruit. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que les documents ne mentionnent aucune lutte à l'égard des croyances ou des théories druidiques ; nul indice à instructions données aux fonctionnaires romains à cet égard ; nul indice d'un effort de l'autorité publique ou d'une résistance des populations. Une chose sans doute a disparu, ce sont les écoles druidiques. On ne peut pas constater que Rome les ait fermées par un acte d'autorité ; mais on ne peut pas constater non plus qu'elles subsistent. Il semble bien que les druides n'enseignent plus. Il est une autre remarque qu'on peut faire. Tous les
textes qui permettraient de concevoir quelque haute idée des doctrines
druidiques, sont des premiers temps de la domination romaine ; ils sont de
César, de Diodore, de Strabon, de Pomponius Mela, et le dernier est de
Lucain. A partir de là, tous les textes relatifs aux druides prennent un
autre caractère. Pline ne voit en eux que des magiciens, magi[70]. Tacite ne
connaît d'eux que les sacrifices humains qu'ils font encore dans Il est visible, en effet dans les documents et les faits
de l'histoire, que, dès le IIIe siècle, il n'y a plus de doctrine druidique.
Les dieux de Ce qui est encore bien digne d'attention, c'est que l'on
n'aperçoit pas que la religion chrétienne ait eu lieu de faire la guerre au
druidisme. On a supposé, à la vérité, qu'elle avait pu, au contraire, se
servir de lui, et le rallier à elle pour renverser le polythéisme romain ;
pure hypothèse qu'aucun document, aucun moi, aucun indice n'autorise. La
prétendue affinité entre le druidisme et le christianisme n'a été remarquée
par aucun des écrivains de ce temps-là et est, par conséquent, une opinion
moderne[72].
Quand il serait avéré que les deux religions eussent quelque analogie par
certains côtés, ce n'était pas une raison pour qu'elles fussent moins
ennemies ; car on sait bien qu'en matière de religion, moins on est éloignée
et plus on se déteste. Il n'y avait donc pas de motif pour que l'Église
chrétienne ménageât le druidisme, si elle l'avait trouvé encore debout. Or,
jamais nous né la voyons le combattre. Je ne connais aucun acte des conciles
de Les fées et les lutins[76] ont persisté, mais comme objets d'imagination populaire plus que comme objet de religion. On sait aussi que jusqu'au VIIIe siècle, l'Église dans ses conciles, et les rois par leurs capitulaires, continuent à poursuivre certaines pratiques, telles que le culte des fontaines et révocation des morts ; mais nul ne peut dire que ces pratiques appartiennent plutôt à l'ancien druidisme qu'au polythéisme gallo-romain ou germanique[77] ; ce sont des superstitions qui appartiennent à tous les peuples ; on les voit chez toutes les sociétés à l'état barbare et même, dans les sociétés civilisées, on les retrouve chez les esprits incultes ; elles vivent et vivront éternellement dans le fond de rame humaine, car elles sont l'infirmité naturelle de l'humanité. Elles n'ont rien qui soit propre aux Gaulois ni qui soit spécialement druidique. Il n'y a pas, à notre connaissance, un seul document qui marque que l'Église chrétienne ait rencontré en Gaule une religion qui fût différente de celle du reste de l'empire. IV De cette étude des textes il nous paraît résulter deux
choses ; la première, que les Romains, en proscrivant les pratiques
sanguinaires, en brisant la hiérarchie et l'unité d'organisation du
sacerdoce, n'ont pourtant jamais proscrit ni les dieux gaulois ni les druides
; la seconde, que le druidisme, sans être autrement persécuté, est pourtant
tombé, et que les vieilles croyances n'avaient plus aucune vie dans les
derniers siècles de l'empire. La disparition de la religion gauloise n'a pas
été le résultat d'une mesure politique ou d'un acte de violence ; elle s'est
faite insensiblement, spontanément, comme toute la transformation sociale et
intellectuelle de Il n'était pas nécessaire de déclarer une guerre ouverte
au druidisme. Les religions peuvent mourir de mort naturelle, lorsque
l'esprit et la conscience les quittent. Avant César, les druides avaient été
un ordre puissant, riche, dominateur, et l'historien avait remarqué qu'ils
tenaient la plèbe fort au-dessous d'eux.
Après lui, ils ne paraissent plus comme caste supérieure ; ils sont de la
plèbe. Autrefois ils avaient été les juges de FIN DE L'OUVRAGE |
[1] Pline, Hist. nat., XXX, 4, 13.
[2] Suétone, Claude, 25.
[3] Pline, Hist. nat., XVI, 95, 251.
[4] Pline, Hist. nat., XXIX, 12, 52.
[5] Tacite, Histoires, IV, 64.
[6] César, VI, 16 : Qui sunt affecti gravioribus morbis,... aut pro victimis homines immolant, aut se immolaturos vovent, administrisque ad ea sacrificia Druidibus utuntur ; quod pro vita hominis nisi hominis vita reddatur, non posse aliter deorum immortalium numen placari arbitrantur.
[7] Justin, XXVI, 2 : Sperantes deorum minas expiari cæde suorum, conjuges et liberos suos trucidant. — Pomponius Mela, III, 2 : Superstitiosi adeo ut hominem optimam et gratissimam diis victimam cæderent.
[8] Tacite, Annales, XIV, 30 : Hominum fibris consulere deos fas habebant.
[9] Pline, XXX, 4, 13 : Gallias possedit, et quidem ad nostram memoriam ; namque Tiberii Cæsaris principatus sustulit eorum druidas et hoc genus vatum medicorumque per Senatus-consultum.
[10] Pline, XXX, 4, 13 : Nec satis æstimari potest quantum Romanis debeatur qui sustulere monstra in quiubus hominem occidere religiossimum erat, mandi vero etiam saluberrimum.
[11] Lucain, Pharsale, I, 445 ; cf. III, 404 : Structæ diris altaribus aræ.
[12] Ainsi, lorsque César dit en parlant des Gaulois natio admodum dedita religionibus, il ne veut pas dire que les Gaulois aient un sentiment religieux plus profond et plus élevé que les autres races, mais qu'ils se livrent aux pratiques les plus minutieuses du culte. De même il dit des druides (VI, 13) ; Religiones interpretantur ; ce qui signifie, non pas qu'ils fussent des théologiens expliquant des dogmes, mais qu'ils interprétaient les présages de manière à dire quelles pratiques les dieux réclamaient.
[13] Strabon, IV, 4, 6, édit. Didot, p. 164.
[14] Pomponius Mela mentionne l'expédition de Claude en Bretagne.
[15] Pomponius Mela, III, 2 : Manent vestigia feritatis jam abolitæ, atque, ut ab ultimis cœdibus temperant, ita nihilominus, ubi devotos altaribus admovere, delibant.
[16] Tacite, Histoires, IV, 54 : Fatali igne signum cœlestis iræ datum et possessionem rerum humanarum gentibus transalpinis portandi.
[17] Tacite, Histoires, II, 61.
[18] Michelet dit que la lutte du druidisme ne peut avoir été étrangère au soulèvement des Gaules, quoique l'histoire lui donne pour cause le poids des impôts. La seule raison qu'il donne est qu'un des révoltés s'appelait Julius Sacrovir et le nom de Sacrovir n'est peut-être qu'une traduction du mot druide. Ce n'est pas avec de pareils raisonnements que l'on fait la science historique.
[19] Amédée Thierry, Histoire des Gaulois, t. III, p. 285, édit. de 1844.
[20] Amédée Thierry, Histoire des Gaulois, t. III, p. 285, édit. de 1844.
[21] Pline, Hist. Nat., XXIX, 3, 54 : Vidi equidem id ovum... ad victorias litium mire landatur, tantæ vanitatis ut habentem id in lite in sinu equitem romanum e Vocuntiis a divo Claudio interemptum non ob aliud sciam.
[22]
Cette inscription est dans Orelli, n° 2200 ; mais l'original est perdu, et il y
a quelque raison de douter de l'authenticité ; la lecture du mot druis est suspecte : voyez Ch. Robert, Épigraphie
gallo-romaine de
[23] Lampridius, Alexander, 60 : Mulier dryas eunti exclamavit gallico sermone : Vadas nec victoriam speres nec militi tuo credas.
[24] Vopiscus, Aurelianus, 44.
[25] Vopiscus, Carinus et Numerianus, 14 : Diocletiauus, quum apud Tungros in Gallia in quadam caupona cum dryade quadam muliere rationem convictus sui faceret...
[26] Ausone, Professores, IV.
[27] César, VI, 14 : Neque fas esse existimant ea litteris mandare.
[28] Les textes présentent ces sacrifices humains comme inspirés par la pensée d'apaiser la colère des dieux. César, VI, 16 : Quod pro vita hominis nisi hominis vita reddatur, non posse aliter deorum numen PLACARI arbitrantur. Voyez un exemple curieux de cela dans l'abréviateur de Trogue Pompée : Sperantes deorum minas expiari cœde suorum, conjuges et liberos suos trucidant (Justin, XXVI, 2). — Les anciens Grecs aussi ont immolé des victimes humaines pour apaiser la colère des dieux ou pour obtenir leur faveur ; voyez la légende d'Iphigénie, et beaucoup d'autres exemples dans Plutarque, Questions grecques, 39 ; Pausanias, I, 5 ; IV, 9 ; VII, 19 ; VIII, 2 ; IX, 8 ; X, 24 ; Elien, Hist. var., XII, 28. — Cette même pensée que la divinité fût apaisée par l'immolation d'un homme ou se fît payer sa faveur à ce prix, se retrouve chez les Romains ; voyez Tite-Live, XXII, 17 : Ad oraculum missus est sciscitatum quibus supplidis deos possent PLACARE..... Gallus et Galla, Grœcus et Grœca in foro bovario sub terra vivi demissi sunt in locum saxo conseptum, jam ante hostiis humanis imbutum. Cf. Pline, Hist. Nat., XXX, 4, 12 : Anno demum DCLVII urbis senatusconsultum factam est ne homo immolaretur. L'idée antique est exprimée par Virgile, II, 116 : sanguine placastis ventos et virgine cœsa.... animaque litendum Argoliea. A la même idée se rattache la pratique appelée devotio ; voyez Preller, Römische mythologie, VII, 2. Tacite remarque le même usage chez les Germains : Mercurio humanis hostiis litare fas habent (Germ., 9). De ces rapprochements que l'on pourrait multiplier, il ressort que les sacrifices humains avaient chez les Gaulois le même caractère que chez les autres peuples ; au moins les textes ne signalent-ils aucune différence.
[29] César, VI, 13 : Sacrificiis interdicunt.... neque iis petentibus jus redditur, neque honos ullus communicatur. Comparer l'άτιμία chez les Grecs : εἴργεσθαι τῆς ἀγορᾶς καὶ τῶν ἱερῶν, ὥστε μηδ´ ἀδικούμενον ὑπὸ τῶν ἐχθρῶν δύνασθαι δίκην λαβεῖν (Lysias, in Andocidem, 24) ; voyez surtout Eschine, in Timarchum, 21 ; même chose à Sparte, Thucydide, V, 34 ; Plutarque, Agésilas, 30. Comparez chez les Romains l'interdictio aqua et igni, et l'infamia. — Les Germains, qui n'avaient pas de druides, connaissaient pourtant l'excommunication avec ses effets religieux et civils : Neque aut sacris adesse aut concilium inire ignominioso fas est (Tacite, Germ., 6.)
[30] Voyez A. Bertrand, Archéologie celtique, p. 111, 131, 148 et suiv.
[31] Pour l'opinion contraire à la nôtre, nous recommandons la lecture du beau travail de M. H. Martin, dans ses Études d'archéologie celtique, p. 289 et suiv. Nous n'avons nul besoin de protester de notre respect pour la science de cet historien, notre confrère et notre maître. Il est possible qu'il ait eu l'intuition de la vérité, et que quelque jour des documents nouveaux lui donnent raison ; mais jusqu'ici sa théorie nous paraît manquer de preuves suffisantes, et nous nous prononçons provisoirement pour une méthode plus rigoureuse et pour ainsi dire expectante. Voyez d'ailleurs Leflocq, Études de mythologie celtique, 1869 ; Roger de Belloguet, le Génie gaulois, 1868 ; Ferd. Walter, Alte Wales, 1859 ; de Valroger, les Celtes, 1879 ; Gaidoz, Esquisse de la religion des Gaulois et Revue celtique, t. I, p. 467.
[32] Voyez, sur ce sujet, des vues très-justes et très-sages émises par M. Gaidoz, Esquisse de la religion des Gaulois, 1879.
[33] César, VI, 17 ; Mercurium inventorem artium ferunt... viarum atque itinerum ducem, hunc ad quaestus pecuniae mercaturasque habere uim maximam arbitrantur... Apollinem morbos depellere, Minervam operum atque artificiorum initia tradere, Jovem imperium cœlestium tenere, Martem bella regere.
[34] César, VI, 18 : Galli se omnes ab Dite patre prognatos prædicant ; idque ab druidibus proditum dicunt. Ob eam causam spatia omnis temporis non numero dierum, sed noctium finiunt.
[35] César, VI, 17 : De his eamdem fere, quam reliquæ gentes, opinionem habent.
[36] César, VI, 17 : Mercurii sunt plurima simulacra. Lucien, dans son petit traité intitulé : Hercule, dit que les Gaulois représentaient ce dieu sous la figure d'un vieillard.
[37] Lucain, Pharsale, I, 445-446.
[38] Hérodien, VIII, 3 ; Jules Capitolin, Maximin, 22.
[39] Lucien, LV, Préface ou Hercule.
[40] Il n'est pas de notre sujet de tracer le tableau complet de la religion gauloise. Pour de plus amples détails voir Gaidoz, Esquisse de la religion des Gaulois ; de Valroger, Les Celtes ; Roger de Belloguet, Le génie gaulois.
[41] Orelli, n° 1993.
[42]
Dans Jules Capitolin (Maximin, 22) le même dieu est appelé dans deux
phrases consécutives Bélen et Apollon ; cf. Hérodien, VIII, 3, et Orelli, n°
1967 et 1968. Il faut faire toutefois cette réserve que l'assimilation de Bélen
et d'Apollon n'apparaît que dans des monuments d'Aquilée ; il y a là un motif
de douter en ce qui concerne
[43] César, VI, 14, édit Fr. Kraner et Dittenberger, 1875, p. 249.
[44] César, VI, 14 : Neque fas esse existimant ea litteris mandare, quum in reliquis fere rébus publicis privatisque rationibus, græcis utantur litteris.
[45] César, VI, 14 : Magnum ibi numerum versuum ediscere dicuntur : itaque annos nonnulli vicenos in disciplina permanent. Neque fas esse existimant ea litteris mandate. — On voit qu'en toute cette phrase il s'agit de vers et nom pas de dogmes.
[46]
Une phrase de Pomponius Mela, III, 2, signale des écoles druidiques qui
auraient été établies loin de la foule, clam, dans des cavernes ou des forêts.
Il est très-possible qu'il ait existé quelques écoles de cette nature, mais
Pomponius Mela se trompe grandement quand il se figure les druides comme des
hommes vivant loin du monde. César les présente au contraire, comme fort mêlés
au monde et très-avant dans la vie politique. Ils formaient une aristocratie ;
ils jugeaient, ils figuraient dans les comices d'élection, et y présidaient
peut-être. Qu'ils eussent quelque chose de semblable à des couvents, cela est
possible, et il est possible aussi que dans ces retraites la religion druidique
ait pris une teinte particulière ; le druidisme était peut-être beaucoup plus
divers et complexe qu'on ne croit, mais qu'une partie d'entre eux aient vécu en
communautés dans des forêts, cela n'explique pas nécessairement que tout le
corps ait eu un ensemble de doctrines secrètes. — M. Desjardins, dans sa Géographie
de
[47] On a pensé que Lucain, I, 452, faisait allusion à ce dogme par ces mots : solis nosse deos aut solis nescire datum (Belloguet, p. 131) ; mais cette interprétation nous parait par trop hardie.
[48] César, VI, 14 : Non interire animas, sed ab aliis post mortem transire ad alios. Les mots ab aliis, ad alios ne peuvent s'entendre que de corps d'hommes. Telle est au moins la pensée de César.
[49] Lucain, I, 456-457 : regit idem spiritus artus orbe alio. Nous ne citons pas, et pour cause, un passage souvent allégué de Plutarque (de facie lunœ, c. 26) ; il n'a aucun rapport avec notre sujet ; il s'agit d'un récit entendu à Carthage sur des îles imaginaires situées à cinq journées de navigation de l'île d'Ogygie qui est déjà elle-même une île imaginaire. Plutarque ne prononce d'ailleurs ni le nom des druides ni le nom des Gaulois et rien ne marque qu'il pense à eux. Nous sommes donc surpris de voir ce passage cité par M. de Belloguet et encore par M. de Valroger.
[50] Pomponius Mela, III, 2. Valère Maxime, II, 6, 10.
[51] César, VI, 19-20 ; Pomponius Mela, III, 2 : Itaque cum mortuis cremant ac defodiunt apta viventibus.
[52] Nicander, cité par Tertullien, de anima, 21 : Et Nasamonas propria oracula apud parentum sepulcra mansitando captare... et Celtas apud virorum fortium busta eadem de causa peenoctare Nicander affirmat.
[53] Diodore, V, 28.
[54] Timagène, cité par Ammien Marcellin, XV, 9.
[55] Origenis opera, éd. de 1733, t. I, p. 335, 882, 906. Philosophoumena, éd. Cruice, 1, 22, p. 48.
[56] Aristote cité par Diogène Laërte, proœmium.
[57] Strabon, IV, 4, 4, édit. Didot, p. 164 : πρὸς τῇ φυσιολογίᾳ καὶ τὴν ἠθικὴν φιλοσοφίαν ἀσκοῦσι.
[58] Pomponius Mela, III, I.
[59] César, VI, 14 : Multa præterea de sideribus atque eorum motu, de mundi ac terrarum magnitudine, de rerum natura... disputant.
[60] Strabon, IV, 4, 4, édit. Didot, p. 164 : Ἀφθάρτους λέγουσι τὰς ψυχὰς καὶ τὸν κόσμον, ἐπικρατήσειν δέ ποτε καὶ πῦρ καὶ ὕδωρ.
[61] Pomponius Mela, III, 1 : Scire profitentur.
[62] Ammien Marcellin, XV, 9 ; Druidæ ingeniis celsiores, ut auctoritas Pythagoræ decrevit, sodalitiis adstricti consortiis, quæstionibus occultarum rerum altarumque erecti sunt, et despectantes humana pronuntirunt animas immortales.
[63] Tacite, Annales, XIV, 30 : Hominum fibris consulere deos.
[64] Pline, XVI, 95, 251.
[65] Pline, XXIV, 63-64.
[66] Cicéron, De divinatione, I, 41 : In Gallia druidæ sunt, e quibus ipse Divitiacum Æduum, hospitem tuum laudatoremque, cognovi ; qui et naturæ rationem... notam esse sibi profitebatur, et partim auguriis, partim conjectura, quæ essent futura, dicebat.
[67] Pomponius Mela, ibid. : motus siderum et quid dii velint scire profitentur.
[68] L'abréviateur de Trogue Pompée signale, comme Cicéron, le goût des Gaulois pour les pratiques augurales : Augurandi studio Galli præter cœteros callent (Justin, XXIV, 4).
[69] Pline, XXV, 2.
[70] Pline, Histoires naturelles, XVI, 96, 249 ; XXV, 69, 106.
[71] Ammien Marcellin, XV, 9.
[72] On a allégué un passage de saint Augustin, Cité de Dieu, VIII, 9 ; mais il fallait le citer entièrement, et non pas quelques mots isolés. Saint Augustin dit qu'on a vu chez toutes les nations du monde quelques hommes qui ont eu une certaine idée d'un Dieu unique : Il y a eu de ces hommes chez les libyens, les Egyptiens, les Juifs, les Perses, les Chaldéens, les Scythes, les Gaulois, les Espagnols. Il ajoute tous ces hommes, à quelque nation qu'ils aient appartenu, nous les préférons aux autres hommes et nous disons qu'ils se rapprochent de nous. Cela peut-il signifier que le druidisme eût des affinités plus particulières que la religion des Égyptiens, des Chaldéens ou des Scythes avec le christianisme ?
[73] Origène ne fait que répéter les fables sur le Pythagorisme des druides. Clément d'Alexandrie (Stromates, I) ne les mentionne qu'en citant Alexandre Polyhistor, qui vivait avant l'ère chrétienne.
[74] Lactance, de falsa religione : Galli Hesum atque Teutatem humano cruore placabant.
[75]
Sulpice Sévère, Vita Martini, 12-15, dans
[76] Les dussi, dont parle saint Augustin (Cité de Dieu, XV, 28), sont assimilés par lui aux δαίμονες des Grecs, aux genii des Romains.
[77] Les Germains, qui n'avaient pas de druides, avaient le culte des fontaines et des forêts (Tacite, Germ., 9 ; Grégoire de Tours, Hist. Franc., II, 10 ; cf. le concile de Leptines, d'indiculus superstitionum dans Pertz, t. I legum, p. 19, le capitulaire de 785).
[78] César, VI, 13 : Fere de omnibus controversiis publicis privatisque constituunt..... Si de hæreditate, si de finibus controversia est, iidem decernunt ; præmia pœnasque constituunt..... Considunt in loco consecrato. Huc omnes undique, qui controversias habent, conveniunt, eorumque judiciis decretisque parent.
[79] César, VII, 33 : Magistratum qui per sacerdotes, more civitatis, esset creatus.
[80] César, VI, 14.
[81] César, VI, 14 : Sua sponte multi in disciplinam conveniunt, et a parentibus mittuntur. Pomponius Mela, III, 2 : docent multa nobilissimos gentis.