LES TRANSFORMATIONS DE LA ROYAUTÉ PENDANT L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE

LIVRE PREMIER. — L'AFFAIBLISSEMENT DE L'AUTORITÉ PUBLIQUE [SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS]

 

CHAPITRE VI. — [D'UNE SORTE D'ARISTOCRATIE FÉODALE AU VIIe SIÈCLE].

 

 

1° [LES GRANDS DU PALAIS CONSTITUÉS UN ARISTOCRATIE.]

 

Les textes et les faits du vne siècle ne nous ont montré ni une lutte de partis politiques ni une lutte de races ou de peuples. Mais ce que les documents nous montrent bien, et ce qui est le propre de cette époque, c'est la constitution d'une aristocratie. Les grands remplissent toute cette histoire. Ce sont les grands qui font les événements, qui renversent ou élèvent les rois. Nous avons à chercher quelle est la véritable nature de cette aristocratie.

Les chroniqueurs la désignent par les termes optimates, proceres, primates. C'est toujours d'un de ces termes qu'ils se servent lorsqu'ils parlent d'eux en général, par exemple lorsqu'ils les montrent assemblés, et ces termes sont également employés dans les actes officiels. Ces mêmes hommes sont quelquefois qualifiés viri illustres.

Le terme de leudes ne se trouve ni dans les lois franques, ni dans les chartes ; il n'est pas employé non plus dans les Vies de saints ; mais il se rencontre assez souvent dans les Chroniques. Il ne se confond pas avec les proceres ou optimates dont nous parlions plus haut et ne désigne pas spécialement une aristocratie. Il peut s'appliquer à tous les hommes libres qui sont sujets du roi et qui doivent le service militaire. Les vrais grands sont ceux que les chartes et les chroniques appellent optimates ou proceres.

Or ces termes sont ceux qui depuis l'Empire romain désignaient ceux qui étaient grands par la faveur du prince ou par les fonctions qu'ils remplissaient auprès de lui. Ils ont encore le même sens au VIIe siècle. Cela ressort de l'observation des textes. Ils nous montrent des optimates régis, des proceres palatii ; ils ne nous montrent jamais des hommes qui soient optimates ou proceres sans être de l'entourage et de la dépendance du roi. La classe des optimates ou des grands n'existe que dans le Palais.

Le fréquent emploi de l'épithète nobilis porte d'abord à croire qu'il existait une caste nobiliaire. Mais on devra d'abord remarquer que ce terme ne se trouve pas dans les actes officiels. Il se rencontre quelquefois dans les Chroniques et plus souvent dans les Vies de saints dont la langue est peu précise. Les hagiographes de ce temps aiment beaucoup à vanter la haute naissance des saints ; ils se plaisent à dire que ces hommes sont de grande famille, de noble naissance. Cependant, si vous observez d'un peu près ces nombreux personnages qu'on dit nobles, vous remarquez que l'hagiographe rie peut jamais remonter plus haut que le père, et il ne dit jamais quelle est cette grande famille à laquelle ces hommes appartiennent. Vous ne pouvez même pas une seule fois, sur ces quatre-vingts ou cent personnages, reconstituer une famille qui remonte à un demi-siècle. Le fréquent emploi du mot noble ne doit donc pas faire illusion. Dans aucun de ces nombreux documents on ne trouve le moindre indice d'une vieille noblesse de naissance. Il n'y a pas trace chez les Francs de familles nobles d'ancienne date, nobles par droit héréditaire, comme il en existait quelques-unes chez les Bavarois. Les lois franques accordent une valeur plus haute, non à celui dont la lignée remonte aux anciens temps, mais à celui qui est au service du roi.

Qu'on regarde d'ailleurs, dans les Vies de saints, quel est chacun de ces personnages qui sont qualifiés nobles. Pour un quart à peu près, tout renseignement fait défaut ; mais pour tous ceux sur lesquels l'hagiographe donne quelque renseignement, nous constatons que ce noble est un homme du Palais ou un fonctionnaire du roi. Citons quelques exemples. Au VIe siècle, l'hagiographe nous présente un personnage nommé Florus qu'il qualifie de clarissimus et de nobilissimus[1] ; el nous voyons en même temps que ce Florus est primus inter primos proceres, que non seulement il est du Palais, mais qu'il a même le gouvernement du Palais[2], et qu'il était familier du roi[3] ; détail plus significatif : il portait le cingulum, insigne du service du roi[4]. — Un autre hagiographe parle du noble Ricimer, et la suite nous montre qu'il est un agent du roi et qu'il exécute ses ordres[5]. — Voici ailleurs le très noble Maurontus ; il est un des proceres du Palais[6]. — Burgundofara et son frère Faro sont, nous dit-on, de noble naissance ; c'est que leur père Hagnéric est l'un des conseillers royaux, l'un des grands du roi[7]. — Romaric est un homme noble ; il est noble dans le Palais[8]. — La Vie de saint Wandrille nous signale un personnage très riche en terres nommé Waningus ; elle le qualifie vir inluster[9], titre qui n'est donné jusqu'ici qu'aux fonctionnaires royaux ; el nous savons par ailleurs que ce Waningus était parmi les premiers du Palais[10] ; nous avons même un diplôme où il figure comme comte du Palais[11]. — Magnoald, qui est très noble, est en même temps au nombre des optimates du Palais[12]. De même Baso, qui est signalé comme très noble, est un personnage qui vit dans le Palais[13]. Le noble Lanthaire est comte de Limoges[14]. — On nous dit que saint Ansbert était né d'une famille noble : c'est que son père avait été successivement au service de trois rois[15].

En regard de ces exemples et de beaucoup d'autres semblables, nous n'apercevons pas une seule fois un homme dont il soit dit qu'il est noble et qu'il vit en dehors des fonctions publiques. Les nobles du VIIe siècle ne sont donc pas autres que les grands du Palais et les hauts fonctionnaires du roi. Il existe une noblesse palatine ; on ne voit pas d'autre noblesse. Un hagiographe nous dit expressément que la noblesse est la parenté avec les grands de la cour[16].

Il est utile de remarquer que ces hommes du Palais s'enrichissaient aisément. Il n'est pas très sûr qu'un traitement régulier fût attaché à leurs fonctions ; mais il n'est pas douteux que l'or du roi ne se partageât aisément entre eux[17], et les rois se montraient prodigues pour eux de leurs domaines. Les dons de terre en toute propriété sont fréquemment signalés. Éligius, encore laïque et fonctionnaire du roi, n'a qu'à lui demander le beau domaine de Solignac. Didier, avant d'être évêque de Cahors, reçut du roi plusieurs beaux domaines dont il disposa en toute propriété[18]. On voit aussi par le testament dé Bertramn que son dévouement à Clotaire II avait été payé du don de plusieurs belles terres.

Aussi les personnages très riches du VIIe siècle sont-ils presque tous des hommes du Palais. La Vie de Launomarus parle du très riche Ragnoswinthe ; c'est en même temps un vir illuster[19]. Le très riche Ingomar, qui est signalé par la Vie d'Éligius comme possédant de nombreux domaines, est comte d'une cité[20]. Gérémar, qui possédait de nombreux domaines, avait passé une grande partie de sa vie dans le Palais[21]. Le riche Génésius est un comte d'Auvergne[22].

Observons les chartes de l'époque mérovingienne, et voyons quels sont les propriétaires qui sont assez riches pour donner de grands domaines à l'Église. Sur 39 chartes de donations faites par des laïques[23], nous en trouvons 33 dont les auteurs sont des fonctionnaires de la royauté, et seulement 6 dont les auteurs n'ont aucun titre qui nous fasse connaître ce qu'ils sont[24].

Tous ces documents autorisent donc à penser qu'au VIIe siècle : 1° les grands étaient seulement les plus hauts fonctionnaires ou dignitaires du Palais ; 2° les nobles étaient ces mêmes hommes, tenant leur noblesse de la fonction qu'ils exerçaient ; 3° les riches étaient, sinon tous, du moins pour la plupart, ces mêmes hommes enrichis par leurs fonctions ou par les dons de terre des rois. La grandeur, la noblesse, la richesse appartiennent, en général, à cette catégorie d'hommes qui servaient les rois.

Il y a une différence à noter entre le VIe siècle et le VIIe. Au VIe siècle on voyait encore une noblesse sénatoriale, noble par ses ancêtres et riche de ses biens héréditaires. Cette noblesse sénatoriale disparaît au VIIe siècle[25] ; elle est remplacée exclusivement par la noblesse des fonctionnaires royaux ou noblesse du Palais. On est noble si l'on a un rang élevé dans la hiérarchie des fonctions. On est né de père noble si l'on a un père ayant ce rang élevé. Ragnebert, dit l'hagiographe, était d'une haute naissance ; son père Ratbert était duc[26].

A côté des grands nous trouvons toujours les évêques. Le roi réunit-il une assemblée, elle est toujours composée des pontifes et des grands[27]. Rend-il un simple jugement, le tribunal royal est composé d'évêques et d'officiers du Palais. Des centaines d'anecdotes éparses dans les Vies de saints montrent que, si l'on entrait dans le Palais, on y trouvait toujours quelques évêques. Il n'y a pas d'entourage royal sans évêques. Les évêques sont une partie nécessaire du Palais d'un Mérovingien.

Or les évêques du viie siècle, si nous en jugeons par tous ceux dont la vie nous est racontée, sortaient rarement des rangs du clergé par voie d'élection canonique. Ils sortaient le plus souvent du Palais. Saint Didier, évêque de Cahors, saint Éloi, évêque de Noyon, saint Ouen, évêque de Rouen° passèrent une partie de leur vie dans la carrière du Palais avant que le roi leur donnât l'épiscopat. Wandrégisile, Romaric, Gérémar, fondateurs de trois abbayes, avaient été d'abord au service des rois. Rémaclus, un des grands du Palais, fut fait évêque. Faron, après une longue carrière dans l'administration et dans l'armée, devint directement évêque de Meaux. Ansbert ne fut archevêque de Rouen qu'après avoir traversé presque toutes les fonctions du Palais. Pareils exemples sont nombreux. Quelques-uns de ces hommes, une fois évêques, disaient adieu au Palais et se confinaient dans les devoirs de l'épiscopat ; mais d'autres revenaient souvent au Palais, et quelques-uns y vivaient plus que dans leur diocèse[28]. Le Palais faisait les évêques, et les évêques continuaient à former une partie du Palais.

Nous devons entendre par le Palais tout l'ensemble des hommes, ou laïques ou ecclésiastiques, qui entouraient le roi ou étaient ses agents dans les provinces. Ce Palais était en possession de toutes les fonctions administratives et de presque tous les évêchés. II possédait l'État et l'Église.

Ce Palais[29] se divisait naturellement en deux parties : la partie centrale, c'est-à-dire ceux qui restaient auprès du roi ; la partie externe, qui se répandait dans les provinces pour les régir.

La partie centrale comprenait le maire, le comte du Palais, les sénéchaux, les référendaires, les cubiculaires, le comte de l'écurie, le garde du sceau, les trésoriers, et toute une série d'optimates. Au-dessous était une série de scribes et d'employés de toute sorte. A côté d'eux étaient quelques évêques, le clergé de la chapelle, et le chapelain spécialement chargé de la garde des reliques qui accompagnaient toujours les rois. Cette partie centrale du Palais vivait avec les rois, ne les quittait jamais, les suivait dans leurs déplacements. S'agissait-il de juger, c'était elle qui composait le tribunal royal. S'agissait-il de faire une loi, le roi ne la faisait qu'avec le conseil de ces hommes. S'agissait-il de quelque décision importante à prendre, le roi prenait conseil des évêques et des optimates. Tous ces hommes étaient ses conseillers ; il les consultait et c'était d'après leurs avis qu'il gouvernait l'État. Rien ne se faisait sans eux. Pour de simples actes de donation royale, on jugeait utile de faire figurer leurs signatures.

Ce qui faisait surtout l'importance de cette partie centrale du Palais, c'est qu'elle était la source des nominations et des grâces. Les ducs et les comtes étaient nommés en principe par le roi seul ; en réalité ils l'étaient par le chef du Palais, le maire, et il n'est pas douteux que l'entourage immédiat n'eût un grand poids sur ces nominations. Cela était vrai même pour le choix des évêques. Le biographe de saint Léger, qui est un contemporain, dit que ce personnage fut désigné comme évêque par les grands du Palais[30]. De même saint Lambert fut nommé évêque d'Utrecht par le roi Childéric et par les optimates[31].

La partie externe du Palais comprenait les ducs, patrices, recteurs, comtes, c'est-à-dire tous les administrateurs des provinces. Il faut y joindre les domestici, administrateurs des biens royaux, et tous ceux qui avaient la jouissance bénéficiaire de terres du fisc. Nous pouvons encore y ajouter, au moins en un certain sens, les évêques, surtout ceux dont l'existence se partageait entre le diocèse et le Palais.

 

2° [CETTE ARISTOCRATIE SE REND INDÉPENDANTE DU POUVOIR ROYAL].

 

Ces ducs et comtes du VIIe siècle continuaient à être des fonctionnaires royaux, administrant et jugeant les populations au nom du roi qui les avait nommés. La formule de nomination que donne Marculfe était certainement encore en usage au viie siècle. Mais plusieurs faits que l'on trouve dans les Chroniques donnent à penser que ces fonctionnaires royaux étaient beaucoup plus indépendants qu'à l'époque précédente. Les rois, qui avaient encore le droit de les révoquer, ne le pouvaient plus faire avec la même facilité qu'un Chilpéric et un Gontran. Quand Clotaire II, en 615, voulut nommer Herpon duc du pays d'Outre-Jura à la place d'Eudila, un complot fut vite formé contre le nouveau venu ; or les chefs du complot étaient deux hauts fonctionnaires du pays, le patrice Aléthée et le comte Herpin, auxquels se joignit l'évêque Leudémurid. Le nouveau duc fut massacré[32].

Voici un autre fait qui me paraît fournir indirectement un indice des habitudes d'indépendance de ces hauts fonctionnaires. A l'année 629, le chroniqueur raconte comme un des plus grands événements de l'époque que Dagobert parcourut la Burgondie en rendant la justice ce et qu'il frappa de terreur les évêques et les grands[33]. Il s'était donc commis de graves abus, et il fallait toute l'énergie et tout le prestige de Dagobert pour les réprimer. Comme ses successeurs n'eurent pas sa force, nous pouvons penser que les abus recommencèrent.

Je suis frappé de voir que ces ducs lèvent des troupes, dans des cas où il est visible que le roi ne leur en a pas donné l'ordre. Ces troupes ne servent pas non plus pour former une armée royale ; chacune d'elles ne combat que pour son chef. C'est ainsi qu'en 627, dans une réunion des grands à la villa royale de Clichy, nous voyons que les ducs Ægyna et Brodulf ont chacun une armée à leurs ordres[34], et que ces deux armées en viendraient aux mains si une troisième troupe de guerriers bourguignons ne les séparait pas. Quinze ans plus tard, nous voyons que le patrice Willibad mandé à une assemblée s'y rend avec une véritable armée, qu'il a levée dans le ressort de son patriciat[35]. C'est que ces ducs et comtes avaient toujours été des chefs omnipotents de la population ; leur dépendance à l'égard du roi se relâchait pour peu que le roi fût faible ou fût mineur.

Ils visèrent à rendre leurs fonctions inamovibles. Le chroniqueur ne nous dit pas ce qu'ils demandèrent à Clotaire II dans l'assemblée de 616, ni ce que le roi accorda à leurs justes demandes[36] ; mais nous savons qu'en 641 le maire Flaochat, au nom de Clovis II, s'engagea à conserver chacun des grands dans sa fonction et dignité ; il prit cet engagement par lettre, il y joignit même un serment sacré. C'était l'inamovibilité des fonctions[37].

Plaçons-nous vers l'année 650. Nous avons sous les yeux un État franc qui ressemble déjà par bien des points à ce que sera l'État carolingien après Charles le Chauve.

En haut existe une royauté qui est représentée par deux rois mineurs, Sigebert III et Clovis II, après lesquels viendront encore d'autres rois enfants. Cette royauté est toujours respectée et personne ne songe à s'en défaire ; mais elle n'exerce pas le pouvoir.

Au-dessous d'elle est une hiérarchie de plusieurs centaines d'hommes puissants, ducs, comtes, évêques, abbés de monastères, lesquels dépendent en principe de la royauté, mais qui en réalité sont indépendants d'elle et qui sont les vrais chefs de la population. Le lien qui unit ces ducs et ces comtes au roi ne s'appelle pas encore suzeraineté, mais il n'est guère plus étroit que ce qu'on appellera de ce nom. Chacun de ces ducs a lui-même ses sujets, qu'il appelle ses fidèles, ses amis, qui le suivent et lui sont personnellement attachés. Voyez le patrice Willibad : il est mandé par le roi à Chalon ; mais comme il sait que le roi lui veut du mal et probablement le destituera, il ne quitte sa province qu'en se faisant accompagner de tous ses fidèles, qui sont comme ses vassaux[38]. Ce sont des évêques et des comtes[39]. Chacun de ceux-ci est lui-même suivi d'une troupe de serviteurs et de soldats, ce nobles hommes et courageux[40]. Tout cela forme une véritable armée. C'est ainsi que Willibad se présente au roi, et il s'engage une bataille sanglante entre ce feudataire indocile et les autres qui tiennent pour le roi[41].

Trente ans plus tard, un autre chroniqueur contemporain nous dit que les ducs et comtes se faisaient la guerre entre eux : Ceux qui auraient dû gouverner en paix les provinces se faisaient entre eux des guerres continuelles ; et, comme s'il n'y avait pas d'autorité royale, chacun faisait ce qui lui semblait bon[42].

Les évêques, de leur côté, devenaient des chefs de peuple. Grâce au système de l'immunité, l'évêque ne dépendait presque jamais du duc ou du comte de la province. L'immunité avait fait passer la moitié des forces de chaque circonscription du comte à l'évêque ou à l'abbé. Il était un souverain dans sa ville et sur les vastes domaines de son église. La cité connaissait rarement un autre pouvoir que le sien. Les archives de Reims témoignent que dès le temps des Mérovingiens l'archevêque exerçait dans celte ville l'autorité suprême[43]. Le biographe de saint Didier, évêque de Cahors, le loue d'avoir été toujours attentif à entretenir et à rebâtir les murs de la ville ; c'était l'acte d'un chef de cité[44]. On peut remarquer dans les hagiographes : de cette époque qu'en parlant des évêques ils se servent volontiers d'expressions qui marquent l'autorité politique et le gouvernement[45]. Saint Léger, dans la biographie que les contemporains ont tracée de lui, apparaît comme le seul chef politique de la ville d'Autun. Il a sous sa direction tout un peuple qui lui a été confié par Dieu[46]. Il en est le défenseur contre les ennemis du dehors. Il commande, et tout ce peuple lui obéit. Quand Ebroin l'attaque, ce n'est pas seulement à la personne de l'évêque, c'est à la cité qu'il fait la guerre. Saint Léger dirige la résistance des assiégés et ordonne les sorties. De même un peu plus tard, Rigobert, archevêque de Reims, ferme les portes de la ville à l'ennemi et défend contre toute attaque et la ville qui lui a été confiée par Dieu[47]. Un évêque de Sens voit l'ennemi venir sous ses murs ; il ordonne une sortie, il la commande en personne et repousse les assaillants[48].

Il s'élevait ainsi, sur toute la surface de l'État franc, plusieurs centaines de petites souverainetés, les unes laïques, les autres ecclésiastiques. Elles se plaçaient entre la royauté et les populations. Elles devaient obéir h la royauté ; les populations n'obéissaient qu'à elles. La société formait déjà une, sorte d'échelle féodale.

On discerne même avec quelque clarté un autre fait : c'est qu'il se forme des familles qui de père en fils font partie du Palais, exercent les fonctions, jouissent des profits de l'autorité. C'est ce qu'on reconnaît en observant de près les nombreux personnages que les Chroniques ou les Vies de saints mentionnent. Voici, par exemple, Gérémar ; il est un des grands du Palais ; son biographe mentionne son père Rigobert, sans nous dire si Rigobert était déjà dans le Palais ; mais il nous dit que beaucoup des parents de Gérémar y figuraient[49]. Quand, sa carrière finie, il se retira dans un couvent, il laissa son fils Amalbert dans le Palais, après avoir obtenu du roi de lui laisser tout ce qu'il possédait lui-même[50].

Voici un autre personnage, nommé Hagnéric. Il est l'un des proceres palatii[51], il a quatre fils, Faron, Chagnulf, Chagnoald et Walbert. Faron entre comme son père dans le service de la Cour[52]. Il y débute sous Théodebert II ; il est élevé au rang de procer par Clotaire II[53]. Un autre fils, Chagnulf, suit la même carrière et devient comte[54]. Les deux autres frères entrent dans la carrière ecclésiastique ; Chagnoald est bientôt nommé évêque de Laon[55] ; Walbert aussi devient rapidement abbé de Luxeuil[56] et évêque de Meaux[57] ; enfin, quand Walbert meurt, son frère Faron, qui s'est fatigué de ses longues fonctions dans le Palais[58], prend à son tour l'évêché de Meaux, et le chroniqueur est si peu surpris décela qu'il ajoute : Il succéda à Walbert en vertu de sa parenté et comme par droit d'héritage[59]. Voilà comment une famille se partageait les fonctions et dignités dont le Palais disposait., De même nous voyons Gunduinus, duc sous Childéric II, laisser un fils qui devient à son tour un des grands et qui termine sa vie dans l'épiscopat[60]. Siwinus était un grand personnage qui avait servi sous les rois Clotaire III, Childéric II, Thierry III ; son fils Ansbert fut placé par lui dans les emplois du Palais et plus tard eut l'évêché de Rouen[61].

Léodger ou saint Léger appartenait à une de ces familles qui se partageaient les dignités et les évêchés. Ses biographes ne nous disent pas ce qu'était son père[62] ; son oncle Dido était évêque de Poitiers, évêque assez mêlé aux affaires, et même aux intrigues, puisque Grimoald se servit de lui dans son projet d'usurpation en Austrasie. Un autre de ses parents, Ansoald, fut évêque de la même ville après Dido. Le frère de Léodger, nommé Gérin, fut un des grands personnages de la cour de Clotaire III[63] et de Childéric II[64]. Léodger lui-même vécut plusieurs années dans le Palais ; puis ce fut par le choix du Palais qu'il fut nommé évêque d'Autun ; enfin, tout évêque qu'il fut, il continua à être assidu auprès du roi et fut l'un des chefs politiques du royaume[65].

Plus tard, en comparant entre eux plusieurs diplômes, nous voyons un Adalbert qui est duc et ses deux fils Liutfrid et Ébrohard qui sont, l'un domesticus, l'autre duc[66]. Erchinoald était maire du Palais, et son fils Leudésius est maire après lui[67], puis son petit-fils Adalric devient duc[68]. Le type le plus achevé de ces dynasties de grands est la famille d'Arnulf, qui finit par s'emparer de la royauté.

Nous ne voyons pas, au VIIe siècle, l'hérédité des fondions qui s'établira deux siècles plus tard ; mais nous voyons des familles qui de père en fils se perpétuent dans le Palais et s'en partagent les fonctions et les profits[69].

Ce Palais forme une sorte de vaste association. Voici un détail qui est caractéristique. Quand un de ces grands veut se marier, il demande le consentement du roi et des autres grands[70]. Aussi remarquons-nom par d'assez nombreux exemples que ces familles se mariaient volontiers entre elles[71].

Il semble qu'une donation de terre fiscale ne pût être faite par le roi qu'en présence des grands. Si ce n'était une règle, au moins paraît-il bien que c'était un usage[72]. La raison de cela était que les domaines royaux, aussi bien que les gouvernements et les fonctions, étaient comme le bien commun du Palais.

Telle était l'aristocratie du VIIe siècle. Elle n'était autre que la hiérarchie des fonctionnaires jointe à l'épiscopat. Elle était le Palais. Individuellement, chaque membre était riche en terre, élevé en dignité, puissant par sa fonction, chef absolu d'un territoire et d'une part de peuple. Tous ensemble, ils formaient un corps très fortement constitué autour de la royauté, mais plus fort qu'elle.

 

3° [LE PALAIS DEVIENT LE TUTEUR DE LA ROYAUTÉ].

 

Survint une série, de minorités dans la famille mérovingienne. A Dagobert Ier succèdent en Austrasie Sigebert qui a huit ans, et en Neustrie Clovis II qui en a quatre. Sigebert ne laisse qu'un fils tout à fait en bas âge. Clovis II en laisse trois, dont l'aîné a sept ans. Puis nous voyons régner en Austrasie Childéric II, qui n'en a que six. Thierry III commence son règne à seize ans et prolonge sa vie jusqu'à trente-sept ; mais Clovis III qui lui succède est un enfant de dix ans, et il meurt à quatorze. La situation du Palais par rapport à la royauté se trouva modifiée par là : au lieu d'être l'organe des rois, il fut leur tuteur.

Un changement s'accomplit aussi dans la mairie du Palais. Nous avons vu qu'en principe le maire était le chef que le roi préposait à sa maison, c'est-à-dire à tout le corps du Palais. Il est visible qu'au VIe siècle ce chef était toujours choisi par le roi. Il n'en est plus tout à fait de même au VIIe.

Clotaire II et son fils choisissent encore leurs maires ; mais, d'une part, ils se croient obligés de les prendre parmi les chefs du Palais, et de nommer ceux-là mêmes qui lui ont livré Brunehaut et ses deux royaumes. Ils oui donc presque forcément pour maires Warnachaire en Burgondie, Arnulf[73] et Pépin en Austrasie. Puis, s'ils nomment encore les maires, ils sont impuissants à les destituer, Clotaire II s'était engagé par serment à ne jamais révoquer Warnachaire[74]. A partir de ce temps, nous pouvons remarquer qu'aucun maire ne fut révoqué par les rois ; Æga, Flaochat, Gundoald[75], Erchinoald, Ébroin, meurent maires du Palais, et si Ébroin doit quitter quelque temps la mairie, nous verrons que ce ne fut pas par la volonté royale. Pépin de Landen encourut la disgrâce de Dagobert[76], il n'en resta pas moins maire du Palais ; Grimoald fut renversé, mais ce ne fut pas non plus par le roi.

Il vint même un moment où les rois ne purent plus nommer les maires. Ils étaient mineurs. Flaochat fut nommé maire par la reine Nanthilde, mais sur le choix des évêques et de tous les ducs[77], et il n'avait peut-être obtenu leur choix qu'en leur promettant l'inamovibilité. Voilà donc le Palais qui arrivait à nommer lui-même son chef. Un peu plus tard les chroniqueurs disent expressément qu'à la mort d'Erchinoald ce furent les Francs qui lui cherchèrent un successeur et qu'après de grandes hésitations ils décernèrent la mairie du Palais à Ébroin[78]. Il n'est guère douteux que la même chose n'ait eu lieu en Austrasie ; la manière dont on nous dit que Wulfoald y devint maire implique bien qu'il fut désigné par d'autres que par le roi[79].

Il y a dans ces mots du chroniqueur un point qui doit nous arrêter. Ébroin, dit-il, fut nommé maire par les Francs. On voit bien que par ce mot Franci il n'entend pas la population franque tout entière. Rien dans son récit ne fait supposer qu'un peuple franc se soit assemblé pour nommer le maire. Les Francs dont il parle ne peuvent être que ceux qui entouraient le roi au moment de la mort d'Erchinoald. Voilà les hommes qui, leur chef disparaissant, s'agitent, hésitent, discutent, et finissent par se décider pour Ébroin. Or ce sont ces mêmes hommes que le chroniqueur désigne par le nom de Franci. Il est à remarquer, en effet, que le mot francus prend, à partir du VIIe siècle, une signification particulière, celle de grand. Souvent l'homme que les textes appellent francus est un optimate, ou tout au moins un homme du Palais.

C'est ici que se place[80] l'institution du conventus, du plaid général, ou Champ de Mars. Nous devons noter en effet que c'est dans les documents du VIIe siècle, et non pas dans ceux du VIe, que nous trouvons ces assemblées. Elles y sont d'ailleurs assez souvent mentionnées et suffisamment décrites pour que nous puissions en apprécier le vrai caractère.

Ce ne sont pas de simples revues de soldats comme le Champ de Mars du temps de Clovis. Ce ne sont pas non plus des assemblées populaires : elles n'ont aucun des traits qui caractérisent des comices. Gardons-nous de transporter nos idées démocratiques du XIXe siècle dans des temps où l'on n'avait pas même la notion de la démocratie ou de l'égalité. Ne nous figurons pas une multitude de citoyens el d'hommes libres accourant à un rendez-vous légalement établi, dans une plaine consacrée par la loi ou par la tradition. Ne nous figurons pas davantage des députés élus par les populations : nul n'avait alors l'idée d'un régime représentatif. Les mœurs publiques et les conceptions d'esprit de cette époque ne connaissaient ni citoyens, ni nation, ni dépilation. ! Ce n'est pas la population directement qui est convoquée, ce sont les évêques et les grands. Il est bien vrai que chacun de ces hauts personnages ne voyage pas seul. Chacun a sa suite, et souvent une suite armée. Mais cette suite ne représente pas le peuple, et elle n'est jamais admise à une délibération. Ordinairement la suite campe en plein air, et chaque évêque ou duc entre dans le Palais du roi. Il est visible que la vraie assemblée ne se compose que des grands.

Or ces grands sont ces mêmes fonctionnaires royaux dont nous avons parlé. Ces grands et ces évêques sont le Palais lui-même. Nous avons dit que le Palais était un vaste réseau qui s'étendait de la personne du roi aux extrémités du royaume. Mais nous avons ajouté que ce Palais se divisait naturellement en deux parties, la partie centrale qui entourait immédiatement le roi, el la partie externe qui se répandait dans le royaume. La partie centrale forme le conseil presque quotidien du roi et son tribunal ; pour les grandes affaires, il faut la réunion du Palais tout entier, c'est-à-dire des évêques, des ducs, des comtes. Quand la partie centrale est seule, c'est le concilium ; lorsque le Palais tout entier est convoqué, c'est le conventus generalis.

En principe, cette sorte d'assemblée n'est pas une nation vis-à-vis de la royauté ; elle est l'entourage et comme l'extension de cette royauté ; elle est l'ensemble de ses serviteurs, qu'elle appelle pour la conseiller ou pour recevoir ses ordres ; elle est convoquée, dit le chroniqueur, pour le service du roi et le bien du pays.

En fait, nous ne voyons pas quelles questions on lui pose, comment elle délibère, comment elle vote, ni même si elle vote ; seulement, nous voyons qu'elle peut, étant composée de tout ce qui est puissant et indépendant, émettre des vœux et même imposer ses volontés aux rois. Aucune constitution, écrite ou traditionnelle, ne fixait les droits de ces assemblées. Mais, comme elles contenaient toutes les forces de la société, elles pouvaient ce qu'elles voulaient.

Les rois ne les convoquaient que lorsqu'ils le jugeaient bon ; mais il devint de règle de les convoquer particulièrement au début de chaque règne nouveau. Lorsque Ébroin fit roi Thierry III, le chroniqueur fait observer qu'il aurait dû convoquer suivant l'usage tous les optimates du royaume pour procéder à l'installation solennelle du roi[81]. Ce n'est pas qu'un droit précis d'élection appartînt à l'assemblée ; on ne voit pas comment ces évêques d'une part, ces fonctionnaires royaux de l'autre, auraient possédé le droit d'élire les rois[82]. Il n'en est pas moins vrai qu'aucun roi n'aurait pu régner sans l'assentiment de ces grands[83], et il y eut même des cas où l'assemblée se crut le droit de choisir un roi plutôt qu'un autre[84].

Ainsi, la nation franque n'avait pas d'assemblées, mais le Palais avait les siennes, et c'était de là que devait venir le péril de la royauté.

Deux surtout parmi ces assemblées paraissent avoir imposé des conditions aux rois. On ne peut l'affirmer avec une pleine certitude, à cause du langage vague des chroniqueurs, mais cela paraît tout à fait vraisemblable. L'assemblée de Bonneuil de 616 adressa certainement des demandes au roi Clotaire, et Clotaire publia des ordonnances qui établissaient ce qu'on lui avait justement demandé. Par malheur le chroniqueur ne nous dit ni quelles étaient les demandes ni quelles furent les ordonnances royales. Plus tard, vers 670, tous les grands demandèrent à Childéric de faire des décrets[85], dont ils lui dictèrent la teneur. [Nous les examinerons dans le chapitre suivant, et nous verrons comment] la hiérarchie du Palais essaye de former alors, autour de la royauté nominale, une sorte de république aristocratique. Cet essai ne réussit pas. On y renonça au bout de trois ans.

 

 

 



[1] Vita Mauri, c. 40 et 41 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 290.

[2] Vita Mauri, c. 59. Je pense que l'hagiographe exagère quelque peu ; Florus ne fut ni major ni comes palatii ; mais il exerça sans doute quelque fonction élevée.

[3] Vita Mauri, 40.

[4] Vita Mauri, 55.

[5] Vita Rusticolæ ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 143.

[6] Vita Walarici, 26 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 85.

[7] Vita Faronis, 14 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 612.

[8] Vita Amati, 44 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 132 ; Vita Romarici, ibidem, p. 446.

[9] Vita Wandregisili, 46 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 541.

[10] Vita Waningi, 4 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 972.

[11] Diplomata, édit. Pardessus, n° 534.

[12] Vita Agili, 4 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 316.

[13] Vita Salabergæ, c. 8 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 425.

[14] Vita Pardulfi, 4 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, III, p. 573.

[15] Vita Ansberti ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 1049.

[16] Vita Theodulfi, 2 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, I, p 346.

[17] Voir le testament de Désiderius, Diplomata, n° 325.

[18] Vita Desiderii Caturrensis, 17.

[19] Vita Launomari, p. 47.

[20] Vita Eligii, II, p. 42.

[21] Vita Geremari, 7 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 477.

[22] Vita Præjecti, 1 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 640.

[23] Nous laissons de côté, bien entendu, les donations des évêques, abbés et abbesses ; nous omettons aussi les donations si peu importantes, que leurs auteurs ne peuvent pas passer pour être riches.

[24] Nos trente-trois donateurs sont, dans les Diplomata de Pardessus : n° 108, Marégaire, lequel est qualifié illuster vir au n° 117 ; n° 140, Ansémund, qui est qualifié dux par la Vita Desiderii ; n° 186, Godinus, dont Grégoire de Tours parle comme attaché successivement à deux rois (V, 5) ; n° 230, Bertramn, qui, avant d'être évêque, était au service de Clotaire II ; n° 254, Éligius, encore fonctionnaire du Palais ; n° 256, Ërmenbert, qualifié illustris vir ; n° 312, Adroald, lequel a la même qualification à la fin de l'acte ; n° 316, Grimoald, qui est maire du Palais ; !i° 348, Amalgaire, qui est qualifié illustris vir et dont il est dit qu'il est duc, tempore ducatus sui donavit ; n° 575,. Wolfaudus, qui est comte ; n° 404, Amalfrid, illuster vir ; n° 409, Pépin, maire du Palais ; n° 414, Pépin ; n° 416, Godéfridus, dux et filius ducis Drogonis ; n° 458, Hédénus, vir inluster et dux ; n° 461, Angilbald, vir illuster ; n° 469, Arnulf, dux ; n° 472, Godéfridus, vir illuster, dux ; n° 475, Wulfoald, vir illuster ; n° 500, Siédénus ; n° 502, Arnulf ; n° 503, Charles Martel ; n° 511, Odilia, fille du duc Adalric ; n° 519, Ébroin, comes ; n° 524, Adelbert, dux ; n° 525, Liutfrid et Ébrohard, l'un dux, l'autre domesticus, tous deux fils du duc Adelbert ; n° 529, Haicho, cousin des précédents ; n° 556, Boronus, de la même famille ; n° 559, Rohingus, vir illuster ; n° 544, Éberhard, dont nous ne savons pas la fonction, mais qui est fils du duc Adalbert ; n° 547, Wademer, inluster vir ;n° 548, Galtérius, qui fait donation de quatre villas, est un des proceres regis ; n° 549, Petto, dont nous ignorons la situation, mais qui avait deux frères comtes ; n° 550, Ébrohard, comes ; n° 559, Abbon, très riche propriétaire, qui se qualifie recteur de Maurienne et de Suze dans un acte de 726 (Diplomata, t. II, p. 479) et qui, s'il faut en croire la Chronique de Novalize, devint plus tord patrice. — Les six donateurs sur lesquels je n'ai trouvé aucun renseignement sont Girard, n° 196 ; Nizezius, n° 393 ; Wandémirus, n° 412, dont l'en-tête a disparu ; Gammo,. n° 442 ; Darmundus, n° 470 ; et Angelbertus, n° 474.

[25] On retrouve encore les mots genus senatorium dans quelques hagiographes ; ainsi l'auteur de la Vie de saint Germain, abbé de Grandval, dit qu'il était, ex genere senatorum genitus (Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 514) ; l'auteur de la Vie de Rusticola dit qu'elle était clarissimis orta natalibus Valeriano et Clementia Romanis (ibidem, II, p. 440) ; mais ce sont là des exceptions, et cela n'est pas comparable avec la manière dont Grégoire de Tours parlait du genus senatorium. — Vita Boniti, 1 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, III, p. 90 ; Bouquet, III, p. 622.

[26] Vita Ragneberti, Bouquet, III, p. 619.

[27] Frédégaire, 56. — Idem, 89. — Idem, 90.

[28] Voir saint Ouen de Rouen (Vita Balthildis ; Vita Geremari, 8 et 10), Chronobert de Paris (ibidem), Cunibert de Metz, Léger d'Autun, et tous ceux qui sont nommés dans les diplômes royaux. — De même pour les monastères. Les chefs de monastères sont presque toujours des grands du Palais. Sanctus Usmarus monasterium Laubiense (Lobbes, diocèse de Cambrai) suscepit regendum per Hedulphi intervenium qui erat unus ex principibus regis (Vita Usmari, Acta Sanctorum ordinis Benedicti, III, p. 255).

[29] [La Monarchie franque, c. 8.]

[30] Vita Leodegarii ab Ursino, 3. Ce ne fut qu'après cette élection dans le Palais qu'un simulacre d'élection eut lieu dans la ville d'Autun.

[31] Vita Lanlberti, 3 (Acta Sanctorum ordinis Benedicti, III, p. 70). — Vita Ansberti, 18, ibidem, p. 1051.

[32] Frédégaire, 43.

[33] Frédégaire, 57.

[34] Frédégaire, 55.

[35] Frédégaire, 90.

[36] Frédégaire, 44.

[37] Frédégaire, 89.

[38] Frédégaire, 90.

[39] Frédégaire, 90. — Le chroniqueur cite parmi eux l'évêque de Valence Ægilulfe [Ailulfus] et le comte Gyson.

[40] Frédégaire, 90. Le chroniqueur cite le Burgundion Manaulfe. Willibad était lui-même genere Burgundionum, c. 78.

[41] Frédégaire, 90. Le roi avait avec lui, outre le maire Flaochat et le comte du Palais Berthaire, les ducs Amalgaire, Wandelhert et Chramnelène, de Bourgogne ; quant aux ducs neustriens, ils refusèrent de se jeter sur Willibad qu'ils auraient dû envelopper et restèrent avec leurs troupes spectateurs de la bataille, attendant l'événement. Quand ils virent Willibad tué et les siens en déroute, ils pillèrent son camp.

[42] Vita Leodegarii ab Anonymo, 7.

[43] Flodoard, Historia Remensis ecclesiæ, II, 12 ; Varin, Archives administratives de Reims, t. I, p. 26.

[44] Vita Desiderii Caturcensis, c. 17 (Migne, t. LXXXV1I, col. 235).

[45] Quelques exemples. Grégoire de Tours, De gloria martyrum, I, 53. — Vita Leodegarii ab Ursino, c. 7. — Vita Arnulfi, 1.

[46] Vita Leodegarii ab Anonymo, 9.

[47] Flodoard, Historia Remensis ecclesiæ, II, 42.

[48] Chronicon auctoris incerti, Bouquet, III, p. 315.

[49] Vita Geremari, c. 7 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 477.

[50] Vita Geremari, c. 7 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 477 ; c. 48.

[51] Vita Faronis, c. 11 : Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 642.

[52] Vita Faronis, c. 21. Cf. c. 83.

[53] Vita Faronis, c. 32, p. 645. C'est probablement le même personnage que nous voyons référendaire sous Dagobert Ier (Diplomata, Pardessus, n° 245).

[54] Diplomata, n° 226, in fine.

[55] Vita Eustasii, c. 5 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 118. Vita Columbani, c. 30 ; ibidem, p. 17. Vita Faronis, c. 38 ; ibidem, p. 614.

[56] Vita Frodoberti, Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 629.

[57] C'est du moins ce que dit la Vie de saint Faron, et cela y est deux fois répété, c. 60 et c. 102, pages 614 et 616. — L'épiscopat de Walbert à Meaux a été mis en doute ; voir Mabillon, Acta Sanctorum, II, p. 503 ; mais il faut noter que si l'auteur de la Vie de saint Faron est seulement du IXe siècle, il est d'autre part évêque de Meaux et qu'il doit avoir des renseignements précis sur la série des évêques qui l'ont précédé ; or, dans cette série, il compte Walbert comme le 19e.

[58] Vita Faronis, 83.

[59] Vita Faronis, c. 102, p. 619.

[60] Vita Salabergse, c. 5 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 425. Nous trouvons Gunduinus dux dans un diplôme de Childéric II, n° 359. Il a un fils nommé Bodo, qui devint à son tour vir illuster, potens, et enfin évêque de Toul, ibidem, c. 47.

[61] Vita Ansberti, c. 2 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 1049.

[62] D'après le Testamentum Leodegarii (Pardessus, p. 173), sa famille maternelle possédait des terres dans le pays de Dijon.

[63] Vita Baboleni, Bouquet, III, p. 571.

[64] Vita Lantberti, Bouquet, II, p. 585.

[65] [Voir plus loin, c. 7.]

[66] Diplomata, n° 525 et 544.

[67] Continuateur de Frédégaire, 95 ; Gesta, 45.

[68] Fragmenta auctoris incerti, Bouquet, II, p. 693.

[69] Il y a même quelque tendance à se perpétuer dans l’épiscopat. A Metz, Clodulf succède à son père Arnulf ; à Poitiers, Ansoald succède a son parent Dido ; à Sens, Géry a pour successeur son neveu Ebbon (Vita Ebbonis, 6 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, III, p. 649 ; Bouquet, III, p. 650).

[70] Vita Geremari, 7 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 476. — Vita Anstrudis, 1 ; ibidem, p. 976.

[71] Vita Ansberti, ibidem, p. 1049. De même Leudésius épouse la nièce de Léodger (Bouquet, II, p. 693).

[72] Tardif, n° 2. — Ibidem, n° 16, voir les signatures. — Ibidem, n° 25. — Même pour une simple confirmation de succession de biens fiscaux (Vita Geremari, 10 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 477).

[73] Arnulf est dit avoir été maire par Paul Diacre, Historia Langobardorum, VI, 16.

[74] Frédégaire, 42.

[75] Gesta, 42.

[76] Frédégaire, 61.

[77] Frédégaire, 89.

[78] Continuateur de Frédégaire, 92 [2]. — Gesta, 45.

[79] Il devint maire le même jour où le petit Childéric fut choisi pour rot. Les Gesta marquent bien que les deux choix furent simultanés, c. 45. D'ailleurs Clovis II venait de mourir et il n'y avait pour roi que des enfants.

[80] [Elle a été étudiée avec plus de détails, et au point de vue de l'organisation politique, au c. 16 de La Monarchie franque.]

[81] Vita Leodegarii ab Anonymo, 3.

[82] Dans le passage du chroniqueur cité plus haut, il n'est pas question d'élection : les grands disent seulement qu'ils ont le droit de sublimare in tenium, c'est-à-dire de procéder à l'installation. La preuve que c'est bien là la pensée de l'auteur est dans la phrase suivante, où il montre ces grands se portant tous ad regis novi occursum ; ils ne vont donc pas élire le roi : ils savent que Thierry est déjà roi ; et c'est seulement ensuite, après qu'Ebroin leur a défendu d'approcher, qu'ils se décident à abandonner Thierry et à choisir Childéric. Voir tout ce passage.

[83] Exemple en 635, Frédégaire, c. 75.

[84] Ainsi, en 670, l'assemblée des grands choisit Childéric II à la place de Thierry.

[85] Vita Leodegarii ab Anonymo, 4.