LES ORIGINES DU SYSTÈME FÉODAL

 

CHAPITRE XII. — LA COMMENDATIO ET LA MAINBOUR DES PARTICULIERS[1].

 

 

1° DE CEUX QUI SE COMMENDENT PARCE QU'ILS N'ONT PAS DE QUOI SE NOURRIR ET SE VÊTIR.

 

Nous avons étudié plus haut la commendatio dans la société romaine. Elle se continue dans la société mérovingienne. Il y a même cette particularité : en étudiant cette pratique au temps de l'Empire, nous nous sommes demandé si la commendatio se constituait par un acte écrit, et nous n'avons trouvé aucun indice de cela ; l'acte écrit et la formule se trouvent, au contraire, sous les Mérovingiens. On écrivait beaucoup à cette époque. L'usage des actes écrits est attesté par la Loi des Francs Ripuaires et par celle des Bavarois ; il l'est mieux encore par les centaines de formules qui sont venues jusqu'à nous. Il y avait des formules pour tous les actes de la vie privée ; il y en a eu une pour la commendatio, c'est-à-dire pour l'acte de se mettre en mainbour ou patronage d'un homme.

Elle est dans le formulaire de Tours[2]. Nous allons la citer textuellement ; il s'en dégagera plusieurs vérités importantes ; le style et les mots même en sont dignes d'attention. Elle porte pour rubrique : Celui qui se commende en puissance d'un autre. On voit, dès ces premiers mots, que se commender c'est se mettre en mains et en puissance d'un autre homme.

L'acte est fait sous forme de lettre, et c'est naturellement l'inférieur qui l'écrit : Au seigneur un tel, homme magnifique, moi un tel. Ceci est simplement la façon mérovingienne d'écrire les deux noms ; l'usage veut qu'on appelle seigneur l'homme à qui l'on s'adresse. Tout homme a d'ailleurs, à moins qu'il ne soit d'une classe tout à fait inférieure, un qualificatif honorifique : il est illuster, ou magnificus, ou laudabilis, ou pour le moins honestus, et la politesse du temps exige qu'en lui écrivant on lui donne le titre auquel il a droit.

Il est constant que je n'ai pas de quoi me nourrir et me vêtir ; en conséquence, je me suis adressé à votre bonté[3], et je me suis résolu, par ma volonté, à me livrer et commender à votre mainbour4[4]. Pour désigner l'acte qu'il accomplit, l'homme emploie les trois termes précis mundeburdum, tradere, commendare. Des trois, l'un est germanique, les cieux autres sont latins et étaient appliqués à cette sorte d'acte depuis plusieurs siècles. L'expression germanique et l'expression romaine sont ainsi associées dans la même phrase. Le même homme les emploie ensemble et les confond, parce qu'elles sont entrées dans la langue courante.

M'étant livré et remis en votre mainbour, vous devrez m'aider et me soutenir, tant de la nourriture que du vêtement, autant que, de mon côté, je pourrai vous servir et bien mériter de vous[5]. Voilà les obligations réciproques qui résultent du lien qu'on contracte. Voici qui marque mieux encore la subordination de l'inférieur : Et tant que je vivrai, je devrai vous rendre le service d'homme libre et l'obéissance[6]. La sujétion est exprimée par les deux mots tout latins, servitium et obsequium. L'autorité du supérieur est exprimée, à la ligne suivante, par les trois mots potestas, mundeburdum, et defensio ; protection, mainbour et puissance sont en effet, trois termes synonymes. Déjà le caractère de la mainbour ressort assez nettement.

Avant de traduire la seconde moitié de la formule, il y a quelques remarques à faire. L'homme qui se commende, c'est-à-dire qui se met dans les mains d'un autre, commence par déclarer qu'il n'a pas de quoi se nourrir et se vêtir. On se tromperait, si l'on prenait cette expression dans son sens littéral et matériel. C'est, visiblement, une formule ; ce sont des termes solennels et obligatoires. Il faut que l'inférieur les écrive, afin que son infériorité soit bien constatée. Que cela soit vrai ou non, il faut qu'il se déclare absolument pauvre, et cela veut dire qu'il devra tout à celui qu'il prend pour patron et pour chef[7].

Il a soin d'écrire aussi que c'est par une résolution de sa volonté qu'il se met en mainbour. Il constate qu'il agit librement, qu'il ne cède à aucune contrainte. Il est nécessaire, en effet, que l'acte de comnendatio soit spontané ou le paraisse. Il ne peut s'opérer que par la volonté libre de deux hommes.

Enfin, l'homme qui écrit cette lettre et qui s'engage à servir fait pourtant cette réserve qu'il ne servira que comme libre. Il ne s'agit pas de la servitude. Nous possédons d'autres formules par lesquelles l'homme se met en esclavage ; elles sont conçues en d'autres termes que celle-ci ; on n'y trouve ni le terme commendare, ni le mot mainbour[8]. La commendation laisse à l'homme sa qualité d'homme libre, et cette règle restera celle de la vassalité.

Voici la seconde partie de la formule : Je n'aurai pas la faculté de me retirer de votre puissance et main-hotu ; je resterai tous les jours de ma vie sous votre pouvoir et en votre défense. Et il a été convenu entre nous que, si l'un de nous manque à la présente convention, il payera à l'autre contractant tel nombre de sous, et cette convention restera ferme à toujours. Il a été encore convenu qu'il serait fait et signé deux lettres identiques du présent acte.

Cette seconde partie présente des traits de caractère qui n'étaient pas dans la première. La première avait le caractère d'une demande, petii. La seconde a plutôt le caractère d'un contrat, convenu. C'est même un contrat synallagmatique, et il se conclut par deux lettres de même teneur qui sont remises aux deux parties. Les deux hommes sont déclarés égaux entre eux, pares. Ils sont autant engagés l'un que l'antre ; en cas de manque de parole, tous les deux sont sujets à une clause pénale de dédit, et la somme est la même pour tous les deux. Enfin le contrat est fait à perpétuité. Ni l'une ni l'autre des deux parties n'aura le droit de le rompre. La mort seule pourra le dissoudre, et du moins il n'est ni héréditaire, ni transmissible.

Mais on se tromperait beaucoup si l'on jugeait que toute commendatio dût ressembler à celle dont nous avons ici la formule. Une première illusion serait de croire que cette convention se formât toujours par un acte écrit. Il est bon d'observer que la formule que nous venons de traduire est unique. On ne la trouve que dans un seul des neuf formulaires mérovingiens ; et dans celui-là même, sur quatre manuscrits, il n'en est qu'un seul qui la contienne. Cela permet de supposer qu'elle n'a pas été d'un usage très fréquent. Elle fait voir que la commendatio pouvait se faire par lettre, et même par double lettre ; mais elle ne doit pas faire croire que la rédaction d'une lettre fût obligatoire. La perpétuité du contrat et l'interdiction pour l'une comme pour l'autre partie de le rompre ne doivent pas non plus être prises pour des règles générales. Enfin, la clause de dédit ou la stipulation pénale qui frappe celui des deux hommes qui manquera à son engagement, est un trait que nous ne retrouverons dans aucun autre exemple.

Il est visible que nous avons devant les yeux l'une des variétés de la commendatio, non pas la commendatio en général.

On peut du moins discerner dans cette formule quelques traits qui sont communs à tous les genres de commendatio et qui se retrouveront dans la vassalité. On y peut voir que l'homme qui se commende est un homme qui se met en puissance d'un autre. On y peut voir que mainbour, pouvoir et protection sont une mémo chose. On y constate encore le principe du contrat volontaire, et la réciprocité des obligations. On y aperçoit enfin que l'égalité morale subsiste entre l'inférieur et le supérieur : quoique l'un d'eux serve l'autre et en quelque façon lui appartienne, ils s'appellent pourtant pares entre eux.

Nous poserons-nous, à propos de cette formule, la question de race ? Chercherons-nous si les deux hommes sont des Francs ou des Romains ? Celui à qui la lettre est adressée est seulement désigné par son titre de vir magnificus ; nombre d'exemples prouvent que ce titre, comme celui de vir illuster ou de vir laudabilis, était porté indifféremment par des hommes de naissance franque et par des hommes de naissance romaine. Il n'y a pas dans tout le corps de la formule un seul mot qui fasse présumer la race de celui qui devient seigneur. Quant à l'homme qui se place en mainbour et se commende, il ne dit pas non plus, dans sa lettre assez longue, à quelle race il appartient. La langue dont il se sert est le latin. Il s'y trouve, à la vérité, un mot d'origine germanique, mundeburdum ; mais la même chose est exprimée par d'autres mots latins. Le mot mundeburdum ne prouve pas plus que l'homme soit un Germain que les mots commendare, potestas et defensio ne prouvent qu'il soit un Romain[9]. Si d'ailleurs on fait abstraction de ce mot. unique, tout le reste des quinze lignes est du plus pur latin, non pas du latin classique et littéraire, mais du latin qui était usité dans la pratique au IIIe et au IVe siècle de notre ère[10]. Tous les mots ont le sens précis qu'ils avaient eu sous l'Empire. Les tours de phrase et les constructions appartiennent bien à la langue latine. Il n'y a pas à supposer que celte formule ait été rédigée par des barbares s'exprimant dans une langue étrangère. Il n'y a pas non plus d'indice qu'elle soit la traduction d'une formule germanique. Elle appartient d'ailleurs au recueil de Tours, où tout est romain, la langue et le Droit., et où ce sont les lois romaines, et non la Loi Salique, qui sont toujours citées. Encore n'est-on pas en droit de conclure de là que l'acte dont il s'agit soit fait par un Romain. Nous savons, en effet, que beaucoup de formules romaines ont été employées par des Francs, pour leurs ventes, pour leurs donations, pour leurs testaments. En résumé, il est impossible de dire si les actes visés par notre formule appartiennent plutôt aux Romains ou aux Francs. Le plus sage est de croire qu'ils appartiennent sans distinction aux deux races.

[On fera encore une autre remarque à propos de l'acte conclu par ces hommes. Il ne renferme] rien de militaire. L'homme qui entre en mainbour ne se présente pas comme un guerrier. Il s'engage bien à servir son chef ; il ne s'engage pas à combattre pour lui. Le chef promet de le nourrir et de le vêtir ; il ne lui promet ni la framée ni le cheval de bataille. [Il n'est question, dans tout cela, ni d'armes, ni de soldats, ni de service militaire.]

 

2° DE CEUX QUI SE COMMENDENT POUR OBTENIR DES HONNEURS ET DES PLACES.

 

Voici une autre sorte de commendatio. Nous avons vu que, sous l'Empire romain, des hommes riches et de grande famille se plaçaient sous le patronage d'un grand de la cour impériale pour se pousser dans la carrière des honneurs. Les mêmes habitudes se continuèrent dans l'époque mérovingienne. Elles se continuèrent commode pouvoir monarchique se continuait, et comme se continuait la vie de cour, la hiérarchie des emplois, la carrière des honneurs.

Il est naturel que les lois ne mentionnent pas ce genre de commendatio et que nous n'en trouvions pas la formule ; mais les écrivains, ceux surtout qui décrivent les mœurs du temps, ont plus d'une fois l'occasion de la signaler, et ils nous en présentent ainsi des exemples concrets.

Voici, par exemple, un personnage nommé Désidérius, qui devint plus tard un évêque et même un saint, mais qui commença par être un homme de cour. Son biographe commence par nous montrer qu'il est de naissance romaine. Il appartenait, dit-il, à une famille des plus honorables et des plus nobles parmi les familles gauloises[11]. Il reçut aussi une éducation toute romaine ; il apprit les belles-lettres, l'éloquence gauloise, et les lois romaines[12]. Avec cette instruction, il entra dans le Palais et de bonne heure il fut élevé à la charge de trésorier du roi. Dès lors son patronage fut recherché. Le biographe dit que beaucoup d'évêques, de ducs, de fonctionnaires de la cour, vivaient sous l'aile de sa protection, sub ala tuitionis ejus degebant[13]. Par ces mots, le biographe traduit-il le mot germanique mainbour ? Cela est possible, mais non certain. Tuitio était l'un des termes dont on désignait le patronage romain. En tout cas, voilà un personnage qui n'est pas un Franc, qui n'est pas non plus un guerrier, et qui, parce qu'il est, fonctionnaire influent, voit des hommes se grouper autour de lui et vivre sous son patronage[14].

Grégoire de Tours raconte l'histoire d'un certain Patrocle. Nous ne savons pas s'il était Romain ou Franc ; il était né dans le pays de Bourges sous le règne de Clovis ; fils d'Ætherius, frère d'Antonins, il portait un de ces noms grecs qui étaient alors [comme autrefois] en vogue chez les Gaulois. Enfant, il fréquenta l'école, dit Grégoire de Tours ; il s'agit vraisemblablement d'une école de village, où il apprit les éléments[15]. Devenu jeune homme, il fut commendé à l'un des grands du roi nommé Nunnio[16]. Le même historien parle ailleurs d'un homme que nous pouvons supposer être un Franc, et qui commenda son fils à l'un des plus grands personnages de la cour de Childebert II, nommé Gogon[17]. On voit par ces deux exemples que l'acte de commendatio n'était pas nécessairement fait par celui-là même qui entrait en patronage ; s'il était un enfant ou un jeune homme, l'acte pouvait être fait par son père ; mais l'enfant ne se trouvait pas engagé pour sa vie[18]. Un autre trait rapporté par Grégoire de Tours nous montre qu'un ancien esclave, tout nouvellement affranchi, pouvait se commender au patronage d'un duc[19].

Nous avons peu de renseignements à tirer du poète Fortunat, qui n'écrit ni ne pense avec précision. Il a pourtant un vers où il lui échappe de mettre un des termes propres qui s'appliquaient à la mainbour. S'adressant au duc Chrodinus, il dit : D'autres te reconnaissent pour leur protecteur et nourricier, tutorem nutritoremque[20]. Pour comprendre le sens de ce dernier mot, il faut rappeler que Grégoire de Tours a dit que Patroclus commende à Nunnio était nourri par lui[21] : qu'un évêque écrivant à Désidérius, et lui rappelant le temps où il était dans la truste royale, exprime cela par les mots : Quand vous étiez nourri dans le Palais[22]. Nous voyons dans le testament de Bertramn que l'un des noms du patronage était nutritura ; il fait ses adieux à ses fidèles en leur disant : souvenez-vous toujours que je vous ai nourris, memores sitis meæ nutriturae[23]. Cinquante ans plus tard, un chroniqueur parlant d'un homme en patronage du duc Chrodinus l'appelle son nourri, nutritum suum[24]. Cette manière de parler restera dans la langue courante, et, six siècles plus tard, un vassal s'appellera encore un nourri.

Les Vies de Saints attestent l'usage de la commendatio. Sigirannus, au sortir de l’école[25], fut attaché à l'homme puissant Flaocat, pour être nourri[26]. C'est que son père voulait le pousser à la cour ; Sigirannus ne tarda pas, en effet, à devenir échanson du roi. De même Arnulfus, trop jeune, est confié à Gundulf, maire du Palais, du patronage duquel il passa bientôt dans la truste du roi[27]. Arnulf était un Franc ; Eligius paraît être de race romaine ou gauloise ; né et élevé à Limoges, instruit dans son art, il veut faire fortune dans le Palais ; mais pour faire. partie du Palais il doit se mettre dans la mainbour d'un grand ; il se remet au patronage du trésorier Bobbo, et vit sous son autorité[28].

On peut observer que les ecclésiastiques avaient une propension à se mettre ainsi en mainbour des grands. Le concile d'Auvergne de 555 juge nécessaire de le leur interdire ; le patronage d'un grand serait pour eux un moyen d'échapper à l'autorité de leur évêque[29]. Le concile d'Orléans de 538 signale ce fait curieux qu'il y a des ecclésiastiques qui refusent d'accomplir les actes de leur ministère et qui allèguent pour excuse qu'ils en sont empêchés par leurs obligations envers leurs patrons[30]. Le concile de Paris de 615 doit de nouveau interdire aux ecclésiastiques de se rendre vers le roi ou vers des hommes puissants et de les prendre pour patrons[31]. La même défense est adressée aux abbés et aux moines par le concile de Châlon de 642, et elle s'étend aux agents et administrateurs des domaines des monastères[32]. Les conciles luttaient ainsi contre un penchant bien fort. Ils finissent par lui céder, et le concile [dit] de Bordeaux de 662 autorise les ecclésiastiques, pourvu qu'ils obtiennent l'assentiment de l'évêque, à se mettre en mainbour d'un laïque, comme c'est l'usage[33].

Voilà donc, à côté de la commendatio du pauvre qui a déclaré qu'il n'avait pas de quoi se nourrir et se vêtir, une seconde sorte de commendatio de l'homme qui se met aux mains d'un grand par ambition ou pour le succès de ses intérêts. Ce patronage ou cette mainbour se pratique au VIe siècle sans distinction de race ni de classe. Tous les hommes peuvent se commender, les pauvres comme les riches, les Francs comme les Romains, les ecclésiastiques comme les laïques. Tous aussi, sans distinction de race ni d'ordre, peuvent exercer cette mainbour, pourvu qu'ils soient assez puissants, c'est-à-dire assez grands auprès du roi pour que leur patronage soit utile.

Cette sorte de commendatio et de mainbour n'a encore aucun caractère militaire. Nous avons cité tous les exemples que les documents en présentent ; il se trouve que parmi eux il n'y a pas un seul guerrier.. Ces hommes que nous avons vus se commender à un grand, visaient à des fonctions administratives ou financières, à des emplois à la cour, à des dignités ecclésiastiques. Aucun d'eux ne paraît avoir porté les armes.

Nous ne conclurons pas de là qu'il n'y eût pas beaucoup de guerriers parmi ceux qui se commendaient ; mais nous en conclurons que le service militaire n'était pas la condition essentielle et nécessaire de l'acte de commendation.

 

3° DU CARACTÈRE DE LA COMMENDATIO ; QU'ELLE NE PRÉSENTE RIEN DE MILITAIRE.

 

Mais il faut pousser plus loin nos recherches. Peut-être trouverons-nous une mainbour ou une truste plus militaire. Il faut voir s'il n'existait pas des groupes guerriers constitués par la commendation de quelques hommes à un chef choisi par eux. Pour cela, nous allons passer en revue tous les documents, et surtout ceux qui ont un caractère plus germanique. Nous commençerons par les lois barbares.

Dans la Loi Salique, on ne trouve pas un seul trait qui se rapporte à cette vassalité. Qu'on en parcoure tous les articles, on ne rencontrera nulle part un homme qui soit en mainbour d'un autre homme, si ce n'est du roi. Le mot mainbour ou mundebour n'y est pas ; le terme trustis ne s'y rencontre qu'appliqué au roi. Il n'y existe ni fidèles, ni vassaux. Aucune allusion n'y est faite à la pratique de la mainbour d'un particulier. De groupes guerriers attachés à un chef, il n'y a pas le plus petit indice.

Il en est de même de la Loi des Burgondes, qui a été rédigée peu de temps après l'invasion. Pas un mot de la mainbour, de la commendation, de la truste, de la bande guerrière. Ni ces mots, ni les choses qu'ils expriment, ne se trouvent dans ce code[34].

Dans la Loi des Francs Ripuaires, nous trouvons un mot qui paraît être une allusion aux usages que nous cherchons. Il y est parlé d'un homme libre, ingenuus, qui se trouve en dépendance d'un autre, in obsequio alterius[35]. Je n'oserais pas affirmer qu'il s'agisse ici de la mainbour, mais j'incline à le penser[36]. En tout cas, la Loi des Ripuaires emploie une expression toute latine. Le mot mainbour n'y est pas, et la loi ne connaît d'autre truste que celle du roi[37].

Les Codes des Alamans et des Bavarois ont été rédigés au Vile siècle par l'ordre des rois francs. Dans le Code des Alamans, nous ne trouvons pas un seul mot qui se rapporte à la mainbour, au patronage, à la commendation[38]. Dans le Code des Bavarois, il n'est pas question de mainbour, ni de truste[39] ; niais on rencontre, une fois, le terme romain de commendatio, et il est fait allusion incidemment à l'homme qui s'est commendé, c'est-à-dire donné, à un autre homme[40]. Mais il n'est rien dit de plus sur cette pratique.

Dans la Loi des Thuringiens et dans celle des Frisons, nous ne trouvons rien qui s'y rapporte. Il n'y est pas même fait allusion. On n'y rencontre ni les termes germaniques mundeburd, trustis, vassus, ni les termes latins commendatio, patrocinium. La Loi des Saxons renferme un mot qui peut être une allusion au patronage ; il y est parlé de l'homme libre qui a été sous la tutelle d'un noble[41] ; on n'y trouve d'ailleurs ni la mainbour, ni la truste, ni la vassalité.

La Loi des Lombards, écrite au VIIe siècle, mentionne l'homme qui a fait quelques profits au service du roi, ou dans l'obéissance d'un comte ou d'un simple particulier[42]. Peut-être faut-il voir ici un indice de la pratique de la mainbour ; mais on n'ose pas l'affirmer.

C'est dans la Loi des Wisigoths que ce régime du patronage est le mieux décrit. Il n'est appelé ni trustis, ni mainbour ; il est appelé patrocinium[43]. Le supérieur est désigné par le terme patronus[44] ; l'inférieur est désigné, non par le mot vassus, qui ne se rencontre jamais, mais par cette périphrase : celui qu'on a en patronage[45]. Et il est dit de lui qu'il est entré en patronage par la commendatio : se patrono commendavit[46].

Tels sont les seuls renseignements que fournissent les codes barbares au sujet du patronage exercé par d'autres que par les rois. Les formules y ajoutent quelque lumière. Encore faut-il observer que ce régime de vassalité y tient bien peu de place. Sur cinq cents formules environ, il n'en est que quatre où il soit parlé d'elle[47].

Le roi déclare dans une lettre que tel évêque ou tel grand, ayant été chargé par lui d'une mission, soit dans une province, soit à l'étranger, tous les procès qui pourront surgir contre lui seront remis à être jugés jusqu'au moment de son retour[48]. Il ajoute : Et aussi les procès de ses amici ou gasindi, soit que ces amici, l'accompagnent dans sa mission, soit qu'ils restent, chez eux[49]. C'est là le patronage. Le terme amici, dans la langue latine de la République et de l'Empire, avait désigné les hommes qui s'attachaient comme clients et sujets à un autre homme. Il avait conservé la même signification sous les Mérovingiens. Le testament de Bertramn nous montre que amis et serviteurs étaient deux termes synonymes[50]. Nous pouvons lire dans Grégoire de Tours que le même homme est appelé l'ami de Sirivald et le sujet de Sirivald[51]. Quant au terme gasindi, qu'emploie aussi notre formule, il est le terme germanique qui correspond au latin amici[52].

Ces subordonnés d'un grand étaient encore désignés par d'autres noms. Une formule du recueil de Marculfe les appelle pares. Ce terme qui, dans la langue classique, avait signifié égal ou pareil, s'appliquait à toutes personnes libres unies par un contrat ou quelque autre lien volontaire[53]. Il avait à.peu près le sens de compagnon. Une formule explique le mot pares par les hommes qui suivent[54]. C'est ainsi que nous le voyons appliqué, dès le VIIe siècle, aux hommes qui forment la suite ou le cortège d'un grand personnage[55].

Nous trouvons aussi le terme fideles. Dans une formule, le chef ou patron, s'adressant au gasindus, l'appelle son fidèle, et il le récompense de sa foi et de son service[56]. C'est ainsi que Bertramn, dans son testament, dit de plusieurs hommes qu'ils sont ses fidèles[57]. La Loi des Wisigoths appelle infidèle l'homme qui manque aux devoirs envers son patron[58]. Nous avons vu précédemment que le lien moral entre les deux hommes s'était toujours appelé fides.

Le terme vassus existait dans la langue du temps ; mais il n'avait pas la signification de vassal. Dans la Loi Salique, le vassus est un esclave ; il figure parmi les autres esclaves ; il est parmi eux celui qui sert personnellement le maître ; mais son wergeld n'est pas pour cela plus élevé que celui de l'esclave qui garde les porcs ou qui taille la vigne[59]. Dans la Loi des Alamans, le mot vassus a le même sens[60], et nous pourrions citer une série de diplômes qui vont jusqu'au VIIIe et au IXe siècle, où les vassi ne sont autre chose que des esclaves attachés au service domestique[61]. L'idée de service libre, volontaire, honorable, ne s'attachait donc pas d'abord à ce mot germanique. Cette idée ne s'y est attachée qu'assez tard ; on la voit poindre dans les Lois des Alamans et des Bavarois[62]. Il semble que le mot ait désigné d'abord un serviteur esclave et qu'il ait fallu du temps pour qu'il s'appliquât 'au serviteur libre et noble. Ajoutons qu'il ne se trouve ni dans les Lois des Lombards[63], ni dans celles des Ripuaires, des Wisigoths, des Burgondes, des Thuringiens, des Frisons[64]. Il faut remarquer aussi que le mot leudes ne se rencontre jamais appliqué à d'autres fidèles qu'à ceux des rois. Enfin, comme on ne trouve pas non plus le mot truste ou le mot mainbour appliqué aux fidèles d'un particulier[65], on est réduit à se demander si les Germains avaient dans leur langue un mot spécial et précis pour désigner cette subordination de l'homme libre à un autre homme.

Quoi qu'il en soit, les textes de l'époque mérovingienne nous ont assez bien montré que, sous les noms d'amici, de gasindi, de pares, de fideles, un homme peut avoir d'autres hommes libres attachés à sa personne. On voudrait savoir quelle était la nature du lien qui les unissait, à lui.

Le lien se formait-il par un acte écrit ? Le recueil des formules de Tours nous a fourni un curieux exemple d'une lettre de commendatio ; mais nous avons dit. qu'il ne fallait pas tirer de cet exemple unique une conclusion générale.

Se contractait-il par un serment ? On le supposera volontiers, si l'on songe qu'il y avait un serment pour entrer dans la truste du roi[66]. Mais ce n'est là qu'une induction, et les documents de l'époque mérovingienne ne mentionnent pas le serment prêté à des particuliers.

Ce lien engageait-il l'homme pour toute sa vie ? La formule de Tours que nous avons analysée le donnerait à penser ; mais il y a de fortes raisons de croire qu'il s'agit ici d'un cas particulier. La Loi des Wisigoths déclare formellement que l'homme peut changer de patron, et se commender à qui il veut[67]. Ce patronage peut se trouver héréditaire en fait, parce que les fils du patronné peuvent rester attachés au fils du patron[68] ; mais cette hérédité n'est jamais obligatoire. Le patronage cesse de plein droit à la mort de l'un ou l'autre des deux contractants, et pour que le lien subsiste, il faut que le pacte soit renouvelé.

On chercherait en vain dans les textes quelque renseignement précis sur les obligations que les deux hommes avaient l'un envers l'autre. Il y est parlé d'obéissance, de foi, de service[69] ; mais la nature de cette foi, de cette obéissance, de ce service, n'est nulle part indiquée.

Si l'on s'en rapporte à la Loi des Wisigoths, et si l'on croit pouvoir d'après elle juger l'institution tout entière, on sera porté à croire que ce lien de patronage était fort étroit. Il est dit du patronné qu'il habite avec le patron[70]. Ce qui marque mieux encore sa dépendance, c'est que le patron est seul responsable en justice des crimes que son inférieur a pu commettre par son ordre. Il semble que ce subordonné n'ait pas conservé sa volonté assez libre pour résister au chef qui lui commande un crime[71].

Dans la Loi des Bavarois, le commendé fait partie de la maison de son maître à tel point que, s'il vient à être tué, c'est au maître que le prix du meurtre est payé. Le patron représente les parents et la famille[72]. Il semble qu'il en ait été de même chez les Francs. Au moins voyons-nous qu’en cas de procès intenté à l'inférieur, c'est le supérieur qui a le devoir de l'amener au juge[73] ; ou bien il est responsable du dommage. Le supérieur doit défendre son subordonné dans tous ses procès. C'est pour cela que, si le supérieur est absent du pays, on devra attendre son retour pour juger les procès de ses amis et de ses subordonnés[74].

Comment, ce service de l'homme libre était-il rémunéré ? Il est probable qu'il n'existait sur ce point aucune règle générale. Une formule de Tours dit que le chef doit fournir nourriture et vêtement[75]. La Loi des Lombards montre que l'homme en service d'un autre peut recevoir des dons et des présents[76]. La Loi des Wisigoths parle aussi de présents d'armes ou d'autres objets[77]. Une formule de Marculfe nous présente un homme qui fait donation d'une terre à son fidèle, à son gasindus, pour reconnaître sa foi et ses constants services, or cette donation est perpétuelle. La terre, récompense de services passés, est donnée en pleine propriété et héréditairement[78].

A côté de cela, d'autres règles tendent il se constituer. Il semble, d'après les lois des Wisigoths, que lés hommes du  VIIe siècle aient fort agité la question des droits de propriété du vassal. D'une part, le législateur dit formellement que les dons reçus des patrons forment une propriété personnelle ; le serviteur peut les vendre ou en faire donation à sa guise, suivant toutes les règles du droit commun[79]. Que ces présents consistent en armes ou en tout autre objet, le patron ne peut pas les reprendre[80]. D'autre part, si le serviteur quitte spontanément le patron pour se commender à un autre, il doit rendre à celui qu'il quitte tout ce qu'il a reçu de lui[81]. Si le patronné meurt, ses fils conserveront ce qu'il a acquis, moyennant qu'ils restent dans l'obéissance du même patron et de ses fils[82]. S'ils quittent volontairement la famille du patron, ils doivent rendre tout ce que leur père a reçu de cette famille[83].

La loi distingue des dons les acquêts. Elle considère qu'il y a là une véritable propriété, sur laquelle les fils ont des droits après le père. Mais elle juge en même temps que, ces biens ayant été acquis à la faveur du patronage, sur la terre du patron ou par son appui, la famille du patron a aussi des droits sur eux. Elle combine ces deux principes en partageant la succession par moitié[84]. De même, si le patronné devient infidèle, c'est-à-dire s'il quitte le patron, il ne peut garder que la moitié de ses acquêts[85].

Une disposition spéciale est prise à l'égard des dons de terre. Si le serviteur quitte son patron, il lui rend la terre qu'il tient de lui ; c'est à son nouveau patron à lui en donner une autre[86]. Enfin, si l'homme en patronage ne laisse après soi qu'une fille, elle doit rester sous la tutelle et puissance du patron. Il appartient à celui-ci de lui choisir un mari de sa classe. Recevant un mari de sa main, elle gardera les dons faits à son père ; mais si elle se marie contre la volonté du patron, elle devra rendre tout ce que son père a reçu[87].

Tels sont tous les renseignements que les documents divers fournissent. sur ce patronage. Nous voyons les noms dont on l'appelait, et une partie des règles qui le régissaient. Deux choses sont à y remarquer.

En premier lieu, ce que nous avons vu marque bien que ce qui unit le commendé à son patron n'est pas précisément un lien moral. C'est plutôt un lien d'intérêt. L'inférieur s'est commendé, tantôt pour être nourri, tantôt pour recevoir des dons. D'ailleurs, l'union entre les deux hommes est singulièrement étroite ; l'inférieur habite avec le patron ; il est de sa maison ; il est son nourri. Plus que cela, le patron est en quelque point responsable des délits de l'inférieur, et il est en tout cas tellement mêlé à ses procès, qu'on ne conçoit pas que l'inférieur puisse être jugé en l'absence de son patron. L'inférieur est toujours libre. de se retirer ; mais tant qu'il reste, il est sujet et il ne possède que sous conditions. Il dépend de lui, il est en sa puissance[88], en lui est sa force et la source de tout ce qu'il a. Aussi la langue du temps dit-elle qu’il regarde vers lui et espère en lui[89].

La seconde remarque qu'il faut faire, c'est que, parmi les conditions imposées à l'inférieur, nous ne voyons jamais le service militaire. On serait tenté de croire que ce groupe d'hommes qui s'est formé autour d'un chef est un groupe guerrier. Cependant les documents ne contiennent aucun indice de cela. Cherchez dans les onze codes germaniques, vous ne verrez nulle part que la loi reconnaisse à. un homme autre que le roi ou qu'un fonctionnaire du roi le droit de se faire chef de guerriers et d'avoir une troupe militaire à sa suite. Les écrivains du temps ne parlent jamais d'une telle coutume. Grégoire de Tours, dans ses longs et minutieux récits, ne mentionne pas un seul homme qui, à moins d'être fonctionnaire du roi, soit chef de guerriers. Rien de pareil dans Fortunatus, ni chez les hagiographes. De tels faits ne s'apercevront tout au plus que chez Frédégaire et dans le déclin de la royauté mérovingienne ; nous n'aurons à en parler que plus tard. Au Ve, au VIe et jusqu'au milieu du VIIe siècle, de pareilles bandes guerrières ne s'aperçoivent jamais[90]. Chaque fois que le roi franc lève une armée, il ne s'adresse pas à des chefs de bandes, il s'adresse aux fonctionnaires qui administrent en son nom. La Loi des Wisigoths, qui décrit si nettement ce patronage, ne le présente pas comme une institution militaire[91]. Dans les formules franques qui concernent la coin men dation ou la mainbour, on ne trouve pas un seul trait qui caractérise des guerriers.

Il n'a pourtant pas manqué d'érudits parmi les modernes qui se. sont figuré ces sociétés germaniques du Ve et du VIe siècle comme des hiérarchies de petites bandes guerrières. Ils ont même donné à ces bandes un nom, celui d'arimannies, qu'ils croyaient trouver dans les textes.

De textes, ils n'en ont cité qu'un, parmi tant de textes mérovingiens. C'est une formule du recueil de Marculfe, où il serait dit qu'un homme qui s'adressait au roi devait se présenter avec son arimannie ; et de cela, on s'est hâté de conclure que l'arimannie était une bande guerrière, et que cet homme qui se présente iei devant le roi est un chef de bande. Par malheur, le mot arimannie n'est pas dans la formule, dans l'unique formule où on l'avait vu ; tous les manuscrits portent, non pas arimannia, mais arma. Le désir de trouver une bande guerrière avait fait qu'on avait mal lu[92].

Quant il ce mot arimannia, sur lequel on s'est tellement hâté de construire un système, on aurait bien dit observer d'abord où et comment il a été employé. On ne le trouve pas une seule fois dans les documents de la Gaule mérovingienne[93]. Il n'est ni dans les lois, ni dans les formules, ni chez les écrivains. Pas une fois non plus on ne le rencontre dans les. Codes des Mamans, des Bavarois, des Thuringiens, des Frisons, des Saxons, des Wisigoths. Il n'existe que dans les Lois des Lombards ; encore faut-il noter deux choses : l’une, qu'il n'est pas dans l'édit de Rotharis, qui est du VIIe siècle, et qu'il n'apparaît que dans des lois du VIIIe ; l'autre, que, même dans ces lois, il ne désigne jamais des guerriers unis sous un citer de bande[94]. Qu'il y ait eu dans la langue un mot arimannia désignant un groupe de guerriers liés à un chef par la mainbour, qu'il y ait eu dans la société franque des troupes guerrières de cette nature, c'est ce dont on ne voit pas un seul exemple.

Les formules et les chartes franques désignent quelquefois par le mot milium, le groupe qui s'est formé autour d'un homme par la commendation ou la mainbour[95]. Ce mot, qui paraît avoir été inconnu de tous les pays hors de la Gaule, n'a pas une signification très claire pour nous[96]. L'idée qui s'y attache visiblement est celle d'autorité. Ce qui résulte le mieux de nos textes, c'est qu'il s'applique à des hommes qui sont placés sous le pouvoir d'un autre homme ; l'un des effets de cette subordination est que la justice publique ne puisse les atteindre que par l'intermédiaire de cet homme[97]. C'est un groupe indivisible, en telle sorte que, s'il arrive, par exemple, que le roi prenne le chef sous sa protection, il y place en même temps le groupe entier[98]. Mais ce groupe n'est jamais présenté comme un groupe guerrier. Le mitium appartient à des évêques et à des abbés aussi souvent qu'à des laïques[99]. Non seulement les hommes du mitium ne sont jamais représentés comme des guerriers, mais nous voyons qu'ils ne sont même pas toujours des hommes libres ; car le même mitium comprend des colons, des affranchis et même des serfs[100]. Ce mitium est tout l'ensemble des hommes qui sont personnellement sujets d'un autre homme[101]. L'idée de service militaire n'y est jamais impliquée[102].

Nous ne devons pas oublier, d'ailleurs, que dans l'époque que nous étudions, tous les hommes libres portaient les armes, les ecclésiastiques seuls exceptés. Gaulois et Francs étaient également soldats quand le roi levait l'armée. Le laboureur et le marchand- devenaient guerriers sur l'ordre du roi. Les affranchis, les lites, beaucoup de colons figuraient à l'armée. Les esclaves même, quand ils accompagnaient leurs maîtres, portaient des armes. Il ne faut donc pas être surpris qu'il pût arriver souvent que les hommes en patronage portassent des armes autour de leurs patrons. Mais il ne suit pas de là que le groupe formé par le patronage fût par essence un groupe guerrier. Le patronné, qui devait toujours obéir et servir, pouvait parfois devenir un combattant. Cela ne signifie pas que l'obligation essentielle et générale du patronage fût de combattre pour la personne du patron.

Ce patronage, à en juger par tous les documents qui nous sont. parvenus, n'était pas un patronage guerrier. Le caractère militaire ne s'y est attaché que plus tard.

 

 

 



[1] Roth, Beneficialwesen, p. 167 ; Feudalitæt, p. 514 ; Waitz, t. II ; Ehrenberg, Commendation und Huldigung nach frankische Recht, 1877 ; Meyer, dans la Zeitschrift der Sarigny Stiflung, 1882.

[2] Formulæ Turonenses, n° 43 ; Zeumer, p. 158 ; Sirmondicæ, 44 ; Rozière, 43.

[3] C'est le sens du mot pietati vestræ à l'époque mérovingienne : pietas regis, la bonté du roi ; pietas divina, la bonté de Dieu.

[4] Les expressions omnibus habetur percognitum ; decrevit voluntas ; quod ita et feci, sont de style usuel dans toutes les formules du temps. — Le verbe debere, qui est aussi d'un usage ordinaire, n'a pas le sens précis d'obligation ; c'est une sorte de verbe auxiliaire ; exemples : Turonenses, 144 ; Marculfe, II, 25, etc.

[5] Cf. Grégoire de Tours, II, 52; idem, IV, 10 ; III, 6, etc. ; Grégoire le Grand, Lettres, I, 13 ; X, 25 ; Decretum Childeberti, 4.

[6] Nous n'avons pas besoin de rappeler que vel dans la langue du temps n'est pas un disjonctif, mais a au contraire le sens de et.

[7] Joignez à cela que la règle était qu'en quittant le patron, le vassal lui abandonnait tout ce qu'il avait gagné à son service ; on pouvait donc avoir intérêt à lui faire écrire qu'au moment où il entrait dans son service il ne possédait rien.

[8] Voir, par exemple, dans le même recueil des Turonenses, le n° 10. — Nous ne savons pourquoi M. Zeumer, p. 132 de son édition, insinue que notre n° 45 fait double emploi avec le n° 10 ; ces deux formules n'ont rien de commun.

[9] On observera que le mot mundeburdis était employé aussi bien par l'Église que par les laïques. Concile [dit] de Bordeaux de 662, dans Pardessus, Diplomata, t. II, p. 150 ; Formulæ Senonicæ, 6. Voir un grand nombre de diplômes royaux, dont la formule est visiblement dictée par les évêques ou par les moines, et où se trouve le mot mundeburdis.

[10] Appartiennent au vrai latin courant du IIIe et du IVe siècle, les mots me pascere, vestire, pietas dans le sens de bonté, decrevit voluntas, tradere vel commendare, servire et promereri, adjuvare vel consolare, obsequium, convenit ut, convenientiis, duas epistolas uno tenore conseriptas, etc. L'expression solidos componat n'est peut-être que du Ve ou du VIe siècle.

[11] Vita S. Desiderii Caturcencis, Bouquet, III, 527 ; Patrologie, t. LXXXVII ; Labbe, Bibliotheca manuscriptorum, t. I, p. 711. — Désidérius était né dans le pays d'Albi, où les Francs n'avaient guère pénétré. Son père s'appelait Salvius. Sa mère porte un nom germain, Erchenefrida, et peut-être est-elle une Germaine ; ces unions étaient fréquentes, et celle-ci se comprend d'autant mieux que Salvius avait vécu à la cour des rois francs. En tout cas on avait conservé des lettres de cette Erchenefrida, lettres écrites à son fils, et qui sont en bon latin. — Les frères et les sœurs de Désidérius s'appelaient Rusticus, Siagrius, Avita et Selena ; tous ces noms appartiennent à la race gauloise.

[12] Vita S. Desiderii Caturcencis, Bouquet, III, 527.

[13] Vita S. Desiderii Caturcencis, Bouquet, III, c. 5.

[14] On a des lettres écrites à Désidérius pendant cette période de sa vie. Voir, par exemple, une lettre de Verus, un Romain aussi, qui était peut-être déjà évêque de Rodez (il le fut en 625 ; Didier ne fut évêque de Cahors qu'en 630), Bouquet, IV, 48.

[15] Grégoire de Tours, Vitae Patrum, IX, 1.

[16] Grégoire de Tours, Vitae Patrum, IX, 1.

[17] Grégoire de Tours, Historia Francorum, V, 46. Ce Transobadus du texte était un prêtre, et Grégoire de Tours insinue qu'il avait placé son fils dans la mainbour d'un grand pour obtenir un appui en vue d'arriver à l'épiscopat.

[18] C'est ce que prouve l’histoire de Patroclus, qui, à la mort de son père, quitta son patron et revint dans son pays.

[19] Grégoire de Tours, IV, 46. — Militandi se dit de toute espèce de service ; Andarchius ne fut jamais un guerrier ; il devint duc d'Auvergne.

[20] Carmina, IX, 16.

[21] Grégoire de Tours, Vitæ Patrum, IX, 1.

[22] Lettre Désidérius, dans Bouquet, IV, 43.

[23] Testamentum Bertramni, Pardessus, n° 250, t. I, p. 212.

[24] Historia epitomata, c. 39.

[25] Vita Sigiranni, dans les Acta Sanctorum ozylinis Benedicti, II, 452.

[26] Vita Sigiranni, dans les Acta Sanctorum ozylinis Benedicti, II, 452.

[27] Vita Arnulfi, écrite par un contemporain (c. 2). (Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, 149.)

[28] Vita Eligii, ab Audoeno, I, 4. (Bouquet, III, 552.)

[29] Concilium Arvernense, 555, c. 4 ; Sirmond, I, 242.

[30] Concilium Aurelianense, 558, c. 11 ; Sirmond, I, 251.

[31] Concilium Parisiense, 615, c. 5 ; Sirmond, I, 471.

[32] Concilium Cabilonense, 642, c. 15 ; Sirmond, I, 492.

[33] Concilium Burdigalense, 662, dans les Diplomata de Pardessus, t. II, p. 150. — Il est curieux qu'un concile de Bordeaux appelle mundeburdis ce que les conciles d'Orléans, de Paris et de Chaton avaient appelé patrocinium.

[34] Il s'y trouve pourtant un mot sur lequel on a bâti bien des théories ; c'est le mot faramanni, titre 54, § 2 et 5 ; Pertz, t. III, p. 558. Cf. fara, titre 107, § 11, p. 577. Les érudits n'ont pas manqué d'y voir des groupes guerriers sous un chef. Mais la loi ne dit rien de pareil ; voici comment elle s'exprime. On voit qu'il s'agit là de contestations au sujet d'essarts et de vergers. Le mot faramanni signifie-t-il des guerriers ? Cela est possible, bien qu'on ne puisse pas l'affirmer, puisqu'on n'en connaît pas d'autre exemple. En tout cas, l'idée d'un groupe guerrier n'est nullement exprimée ici, et il n'y a pas le moindre indice que ces hommes fussent des comites ou des vassaux d'un chef.

[35] Lex Ripuaria, XXXI (XXXII).

[36] D'autant plus qu'une rubrique porte : De eo qui in obsequio se commendat (édit. Sohm, p. 210 et 41). Mais cette rubrique est l'œuvre d'un copiste et ne se trouve que dans un seul des trente-quatre manuscrits.

[37] Lex Ripuaria, XI, 1.

[38] Le mot mundeburdis n'est pas dans la Loi des Alamans ; le mot mundium n'y est employé que pour désigner l'autorité du mari sur la femme, titre LI [(LIII), p. 110 et 111 de l'édit. Lehmann]. Le mot commendare ne s'y trouve qu'avec le sens de mettre un objet en dépôt, titre VI et LXXXI (LXXXIV). Le mot trust n'y est pas.

[39] Le mot mundeburdis n'est que dans un additamentum qui est l'œuvre de Charlemagne, Pertz, t. III, p. 478.

[40] Lex Baiuwariorum, III, 15, 1, Walter ; ou IV, 28, Pertz, p. 294.

[41] Lex Saxonum, XVII.

[42] Lex Langobardorum, Rotharis, 167. — Ibidem, 225. — Ailleurs, § 195, on rencontre le terme se commendare, mais appliqué à une femme qui peut se soustraire au mundium de son mari pour se placer sous le mundium du roi.

[43] Lex Wisigothorum, VI, 4, 2. — V, 3, 4.

[44] Lex Wisigothorum, V, 3.

[45] Lex Wisigothorum, V, 3, 1.

[46] Lex Wisigothorum, V, 3, 2. — V, 3, 4. — Toutes ces lois sont qualifiées antiquæ, c'est-à-dire antérieures à la codification de Chindasuinthe, antérieures par conséquent au milieu du VIIe siècle.

[47] Turonenses, 45 ; Marculfe, I, 23 ; I, 32 ; II, 36. Nous ne parlons pas encore de la mainbour royale qui est un autre sujet. Nous avons déjà vu la formule I, 24, relative à la mainbour d'église.

[48] Marculfe, I, 25 ; Rozière, 455.

[49] Marculfe, I, 25 ; Rozière, 455.

[50] Testamentum Bertramni, Pardessus, p. 213. Les deux termes nutrituræ et benefactum sont caractéristiques du patronage.

[51] Grégoire de Tours, Historia Francorum, III, 55. La synonymie de amicus et de subditus est ici bien évidente.

[52] Le terme gasindus se retrouve dans Marculfe, I, 21 et II, 56. La signification du mot est bien marquée par la Loi des Lombards qui parle du gasindium ducis dans un passage où il s'agit manifestement d'un service d'homme libre (Rotharis, 225).

[53] C'est ainsi que deus époux sont désignés par l'expression par, l'un par rapport à l'autre ; voir Marculfe, Il, 59 ; Rozière, 528. Cf. Diplomata, Pardessus, t. II, p. 210. — A plus forte raison, deux contractants sont pares entre eux ; même quand l'un se trouve fort inférieur à l'autre, ils sont égaux en tant que contractants : Andegavenses, 55 et 57 (Rozière, 125 et 114) ; Turonenses, 45 ; Senonicæ, 5 ; Merkelianæ, 54 ; Bignonianæ, 15 et 19. — C'est se tromper beaucoup que de donner au mot pares une origine féodale.

[54] Marculfe, I, 52 ; Rozière, 42. — Dans la Lex Alamannorum, XLV (XLIV) ; pares a le sens de compagnons.

[55] Marculfe, I, 52. — Cf. pares ipsius monasterii, dans les Diplomata, n° 585, diplôme de 677, p. 177, où pares est répété deux fois.

[56] Marculfe, II, 36 ; Rozière, 161.

[57] Testamentum Bertramni. — Testamentum Hadoindi, Pardessus, n° 500.

[58] Lex Wisigothorum, V, 5, 3. — De même Abbon, dans son testament, parle d'un infidelis qui nobis mentitus fuit. Et cet infidèle se trouve être un clerc (Diplomata, n° 559, t. II, p. 577). On trouve le terme nutritus noster dans une formule d'Anjou, 56 (55) ; Rozière, 164.

[59] Lex Salica, XXXV. — Notons que, sur les 66 manuscrits, il n'y en a que 5 où se lise ce mot : vassus ; ce sont, il est vrai, les meilleurs, Paris 4404 et 9655, Wolfembutel. Le manuscrit de Munich remplace vassum par puerum ad ministerium, et l'on sait que puer dans la Loi Salique signifie toujours un esclave.

[60] Lex Alamannorum, LXXIX, 3 ou LXXXI, 5 ; Pertz, p. 75 [LXXIV, 1, Lehmann, p. 138]. Ces douze vassi forment la domesticité intérieure qui obéit au sénéchal, esclave comme eux. Cf. article 4.

[61] Voir, par exemple, dans les Traditiones Wissemburgenses, le n° 159. Traditiones Sangallenses, n° 15. -- Neugart, Codex diplomaticus Alamannorum, n° 21.

[62] Lex Alamannorum, XXXVI [3, Lehmann] : Vassus ducis aut. L'expression est dans les trois textes de la lui, Hlotarii, p. 56 ; Lantfridiana, p. 99 ; Karolina, p. 142. — Lex Baiuwariorum, II, 15. Le contexte marque bien qu'il s'agit d'hommes libres.

[63] Le mot vassus ne s'introduit dans les lois des Lombards qu'à partir de Charlemagne. Voir Liber Papiensis, Karoli, § 18.

[64] Le mot vassus se lit dans une formule de Marculfe, II, 17 (Rozière, 129), mais dans un seul des trois manuscrits ; il est difficile de décider s'il désigne des fidèles ou des serviteurs. ll est aussi dans le testament d'Eberhard, Pardessus, n° 345, p. 357 ; mais il est difficile de déterminer le sens qu'il donne à vassus ; car il dit plus haut qu'il a donné un beneficium à un serves ; l'acte est d'ailleurs de 728 au plus tôt.

[65] Mundobardum n'est employé que dans la formule de Tours, n° 45 ; trustis ne l'est jamais.

[66] Loi Salique, XLII, 2 : In truste dominica juratus, dans deux manuscrits seulement, Paris, 4105 B et 48257. Cf. traité d'Andelot, p. 14 ; Marculfe, I, 18.

[67] Lex Wisigothorum, X, 3, 1. — V, 3, 4.

[68] Lex Wisigothorum, V, 3, 1.

[69] Turonenses, 43. — Marculfe, II, 36. — Lex Wisigothorum, V, 3.

[70] Lex Wisigothorum, V, 3, 3.

[71] Lex Wisigothorum, VI, 4, 2.

[72] Lex Baiuwariorum, III, 15, 1 (IV, 28).

[73] Lex Ripuaria, XXII.

[74] Marculfe, I, 23.

[75] Turonenses, 43.

[76] Lex Langobardorum, Rotharis, 225. — De même, 167.

[77] Lex Wisigothorum, V, 3, 1.

[78] Marculfe, II, 56 ; Rozière, 161 : SI ALIQUIS SERVO AUT GASINDO SUO ALIQUID CONCEDERE VOLUERIT. — Noter que serves dans cette rubrique ne peut pas désigner un esclave ; jamais on ne donne un esclave une terre en pleine et perpétuelle propriété ; le serves est ici un serviteur. Cette formule n'est pas isolée ; de même, Rozière, 165 et 164 ; Arvernenses, 6 ; Andegavenses, 56.

[79] Lex Wisigothorum, IV, 5, 5.

[80] Lex Wisigothorum, V, 3, 1.

[81] Lex Wisigothorum, V, 3, 1.

[82] Lex Wisigothorum, V, 3, 1.

[83] Lex Wisigothorum, V, 3, 1.

[84] Lex Wisigothorum, V, 3, 1.

[85] Lex Wisigothorum, V, 3, 5.

[86] Lex Wisigothorum, V, 3, 4.

[87] Lex Wisigothorum, V, 3, 1.

[88] In potestate patroni, Lex Wisigothorum, V, 5, 1 et 2.

[89] Marculfe, I, 24. — Pardessus, n° 144. — Bouquet, V, 698. — Dans tous ces exemples, celui en qui l'on espère se trouve titre un ecclésiastique ; niais nous pontons penser que la même expression existait dans le patronage des laïques ; exemple : Senonicæ, 28 : Rosière, 11.

[90] Le terme haricarda de la Loi Ripuaire, LXIV, le terme contubernium de la Loi Salique, XLIV et XLV, désignent une troupe armée pour le brigandage ou pour un coup de main ; c'est la hostilis manus de la Loi des Bavarois, IV, 25 ; Pertz, 293, et la manus armata de la Loi Lombarde, Rotharis, 10. Cela n'a aucun rapport avec le groupe guerrier.

[91] Il ne faut pas tirer du mot arma qui se trouve dans la Loi une conclusion exagérée. La Loi parle des dons que le patron a faits ; il est clair qu'il a pu donner des armes, comme il a pu donner autre chose (V, 5, I), comme il a pu donner de la terre (V, 5, 4). — Le terme saio (V, 5, 2) ne signifie pas proprement un guerrier ; il se dit de toute sorte de serviteurs et d'inférieurs ; voir Cassiodore, XII, 5 et IV, 47 ; I, 24 ; II, 4 ; IX, 18 ; Isidore de Séville, Origines, X ; Lex Wisigothorum, II, I, 17 ; VI, 1, 6 ; X, 2, 5.

[92] Marculfe, I, 18 ; Rozière, 8. Voir Zeumer, p. 55. Arimannia sua avait été donné par Bignon, Pithou et tous les éditeurs jusqu'à M. de Rozière, qui le premier a rétabli la vraie leçon. — Voir Rozière, t. III, p. 315, où il rectifie une inexactitude qui lui était échappée et affirme nettement que tous les manuscrits sans exception portent arma [Cf. la note expresse de Zeumer, p. 55]. — Nous reviendrons plus tard sur cette formule et nous dirons pourquoi l'homme qui se présente devant le roi doit avoir ses armes ; ce qui n'indique pas précisément qu'il soit un guerrier de profession. Observons seulement ici que les mots una cum arma sua ne doivent pas se joindre à ce qui précède, mais à ce qui suit jusqu'à conjurasse. Le sens est que l'homme jure avec ses armes. Sur le jurare ad arma, cf. Rotharis, 559 et 566.

[93] On en a rapproché les faramanni dont il est parlé dans la Loi des Burgondes ; mais il faudrait établir quel est le sens de ce terme que la Loi des Burgondes n'applique, semble-t-il, qu'à des cultivateurs, et qui, bien certainement, ne désigne pas un groupe guerrier autour d'un chef. Cf. fara dans la Loi des Lombards, Rotharis, 177. Il faut avoir l'esprit bien prévenu pour croire que fara désigne ici des guerriers.

[94] Les arimanni paraissent d'abord dans les lois de Liutprand ; ils y sont mentionnés deux fois, une fois parmi les fonctionnaires et agents du roi (Liutprand, Notitia de actoribus regis) ; une autre fois comme des subordonnés du judex, c'est-à-dire du fonctionnaire public ; Liutprand, 44 : si notre fonctionnaire a négligé d'arrêter un homme coupable ou de charger son ariman de l'arrêter. Puis, dans la loi du roi Ratais, l'ariman est le justiciable du juge royal ; Ratchis, 1. Le mot se dit d'un homme libre quelconque ; Ratchis, 2 et 10. Dans la Loi d'Aistulphe, 4, il se dit de l'homme libre, justiciable du judex. On trouve uxor arinianna dans le sens de femme libre, Ratchis, 6. — Il n'est pas douteux que le sens primitif de arimannus ne soit homme de guerre, et il a encore ce sens dans Ratchis, 4 ; mais on ne le trouve jamais avec le sens de guerrier d'un autre homme, vassal guerrier, et arimanni n'est jamais employé pour désigner un groupe militaire privé.

[95] Le terme mitium se trouve dans les textes suivants : Marculfe, I, 25 ; I, 21 ; Senonicæ, 51 ; Diplomata, Pardessus, n° 141 ; le 172 ; Pertz, n° 97 ; Tardif, n° 55 ; dom Bouquet, V, 698 et 699 ; Capitulaire de 810, Borétius, p. 115. Il se trouve aussi, mais avec moins de certitude, dans un additamentum à la Lex Salicæ, Behrend, p. 89 : De mitio fristatito, et p. 96 ; édit de Chilpéric, c. 7 ; Borétius, p. 9.

[96] M. Henri Brunner a publié en janvier 1885 (dans les Juristische Abhandlungen, Festgabe für Georg Beseler) une curieuse étude où il a porté sa pénétration ordinaire, sur Mithio und Sperantes. Il voit surtout dans le mithium un droit de représentation judiciaire ; le mithium est le groupe de ceux qu'un même individu représente en justice. — Nous croyons que cette conception est trop étroite et n'est conforme qu'à une partie des textes.

[97] Marculfe, I, 25 ; I, 24. — Pardessus, n° 572. —Cf. Capitulaires, additamenta ad Legem Salicam, Behrend, p. 96, 97 ; édit de Chilpéric, 7.

[98] Diplôme de 546 ; Pertz, n° 4 ; Pardessus, n° 144.

[99] La formule de Marculfe, I, 24, concerne le mitium d'un évêque en d'un abbé. La formule I, 23, s'applique indifféremment à un laïque et à un évêque. Dans les Diplomata de Pardessus, les n° 144 et 372 s'appliquent au mitium d'un monastère ou d'un abbé : Mitium ipsius abbatis. De même dans Pertz, n° 97. De même encore dans les deux diplômes de Pépin, Bouquet, V, 698 et 699, et dans un diplôme de Pépin cité par Waitz, t. II, p. 428. Il n'y a qu'un seul acte où le mitium soit celui d'un laïque : c'est le jugement de 695, dans Tardif, n° 55.

[100] Cela est surtout visible dans le diplôme du recueil de Pertz, n° 97. — Diplôme de Pépin cité par Waitz, II, p. 428. — Diplôme de Pépin pour l'abbaye de Morbach, Bouquet, V, 699.

[101] Diplôme de Pépin pour Anisola, Bouquet, V, 698. Jugement de 695, Tardif, 55. — Plusieurs textes présentent le mitium comme un groupe territorial, comprenant tous les habitants de certains domaines. Pertz, n° 97. Cf. un diplôme de Pépin, cité par Waitz, t. II, p. 428. Diplôme de Pépin pour l'abbaye de Murbacli, Bouquet, V, 699. — Mitium est même venu à signifier le domaine lui-même que le groupe des sujets occupe ; capitulaire de 810, Borétius, p. 115. Le Polyptyque d'Irminon, p. 115, distingue les hommes qui habitent l'intérieur du domaine, les inframitici, et ceux qui habitent à l'extérieur, les forasmitici. (Cf. Prolégomènes, p. 450.)

[102] A dire toute ma pensée, je doute fort que mithium soit un terme propre à ce lien de patronage : 1° nous le voyons appliqué à des esclaves et à des colons ; 2° il se présente, dans les textes, presque toujours sous cette forme : Unde legitimo redhibet mitio ; or ni le mot redhibere ni surtout l'épithète legitimus ne sont des termes qui conviennent à la mainbour ou au patronage. Il y a même une sorte de contradiction entre ce terme legitimus et l'institution que nous étudions du Ve au VIIe siècle. — La question du mitium me parait à peu près insoluble.