LES ORIGINES DU SYSTÈME FÉODAL

 

CHAPITRE IX. — LE PATRONAT ET LA COMMENDATIO DANS LA SOCIÉTÉ ROMAINE.

 

 

La domination de Rome n'était pas pour faire perdre aux populations gauloises leurs habitudes de clientèle et de patronat ; car ces habitudes existaient aussi dans la société latine.

La clientèle dont nous allons parler ici ne doit pas être confondue avec la clientèle des temps primitifs, qui avait été une sorte de lien religieux et domestique. Elle ne se confond pas non plus avec une autre clientèle qui se formait par l'affranchissement. La clientèle antique avait été héréditaire ; la clientèle de l'affranchi était obligatoire. Celle dont nous allons parler est volontaire. Il s'agit d'un lien de patronat, de protection, de sujétion, qui est contracté par la volonté libre des deux parties.

Nous avons vu ce patronat en Germanie et en Gaule ; nous allons étudier la même institution, et plus longuement, dans la société romaine. De ce que rions nous y étendrons davantage, on ne devra pas conclure qu'elle tînt plus de place dans la société romaine qu'en Germanie et en Gaule ; car cela ne pourrait pas être affirmé. Nous nous y étendrons davantage par le seul motif que nos documents sont plus nombreux. A Rome, mieux qu'en Gaule ou en Germanie, nous pourrons étudier le patronat en détail et en voir le principe et la nature.

Cette étude n'est pas étrangère à l'histoire du moyen âge. Il ne sera pas inutile de porter notre attention sur des pratiques qui ont pu se transmettre, sur des mots même qui se sont transmis. Il sera bon d'observer la nature du patronat avant l'époque où ce patronat a engendré le régime féodal. Il y aura à discerner les différences ou les ressemblances qu'il a eues avec le patronat des âges suivants. Ce qui fait le fond de la science historique, c'est l'observation de la continuité des choses et de leurs lentes modifications.

 

1° LA CLIENTÈLE VOLONTAIRE DANS LES DEUX DERNIERS SIÈCLES DE LA RÉPUBLIQUE.

 

Plaute parle déjà de cette clientèle[1]. Un de ses personnages se plaint des ennuis qu'elle lui cause : La sotte et déplaisante coutume ! C'est celle des plus grands et des meilleurs d'entre nous. C'est à qui aura le plus de clients. Ils prennent tous ceux qui se présentent, sans s'inquiéter de la qualité[2]. Il est visible que les clients dont il s'agit ici sont des hommes libres ; petites gens qui recherchent un patron, et que, tout autant, le patron recherche. Comme en Germanie et en Gaule, le crédit et l'autorité d'un grand de Rome se mesurent au nombre de ses clients. Chaque client a besoin du patron pour être protégé, pour être soutenu dans ses procès, pour être au besoin nourri. Le patron a besoin de tous ses clients pour avoir un cortège tous les jours et pour avoir des votes aux jours d'élections.

Cette même sorte de clientèle est signalée par Térence. Non que Térence veuille précisément parler d'elle ; il traduit une pièce de Ménandre, lequel ne connaissait. pas cette clientèle à Athènes. Mais, ayant à traduire des vers où le poète grec parlait de simple protection, Térence est amené par les habitudes de sa langue à employer les termes qui étaient ceux du patronage romain. lin de ses personnages dit : Je me recommande et confie à ta foi et te prends pour patron sur moi[3]. Et plus loin : Thaïs s'est recommandée à mon père en clientèle et foi ; elle s'est donnée à nous, elle nous est toute[4]. Ces expressions, qui appartenaient à la langue courante des Romains, étaient celles qui caractérisaient la clientèle volontaire. Ce n'étaient pas des termes vagues. C'étaient les ternies sacramentels, c'était presque la formule de l'acte par lequel l'homme se donnait à un patron.

Ces mêmes termes, se commendare, se dare, clientela, fides, patronus, continueront d'être employés, pour désigner le même acte, à travers tout l'Empire romain, dans la période mérovingienne, et dans la période carlovingienne.

Cicéron parle aussi de la clientèle, et l'expression par Laquelle il la désigne est significative. Être client, c'est être dans la foi d'un autre et dans sa clientèle[5]. Il a encore une phrase qui montre le caractère essentiel de ce patronage ; non seulement il est volontaire, mais encore le client peut quitter celui qu'il a d'abord choisi et. se transporter à un autre patron. Ces hommes, dit-il, ont cessé d'adresser leur respect et leur obéissance à Roscius et ils se sont transportés dans la foi et clientèle de Chrysogonus[6].

L'expression être dans la foi d'un autre était sans doute l'expression courante, peut-être même l'expression consacrée, car on la trouve dans un texte de loi de l'an 122 avant notre ère, qu'un marbre nous a conservé[7]. La Lex Acilia de repetundis, qui autorise tout étranger à accuser un magistrat romain pour concussion, et qui oblige le préteur à donner à cet étranger un patron pour le soutenir en justice[8], contient cette disposition singulière : Le préteur aura soin de ne pas assigner pour patron à l'étranger un homme dont le magistrat accusé soit le client, on dont les ancêtres aient eu pour clients les ancêtres de l'accusé[9]. Ces mots jettent un grand jour sur la clientèle. ils montrent d'abord que cette clientèle pouvait être héréditaire. Ils mouftent aussi qu'elle créait un lien tel, que celui qui se trouvait être déjà le patron d'un accusé, ne semblait pas pouvoir intervenir en faveur de l'accusateur. Ils montrent surtout que l'usage du patronat était fort répandu, et que des magistrats même pouvaient se trouver dans la situation de clients. Les clients n'étaient donc pas uniquement cette tourbe de gens sans aveu qui venaient chaque matin à la porte d'un riche mendier la sportule. Il existait des clients d'un ordre plus relevé. On pouvait être un magistrat, un chevalier, un sénateur, et être encore le client d'un plus grand. Il y avait des clients dans toutes les classes de la société.

Cette loi prouve encore que la clientèle n'était pas un état déshonorant, puisqu'on parle d'elle ici comme d'un fait régulier et reconnu.

Comme il y avait plusieurs classes de clients, on leur donnait aussi plusieurs noms. Le terme de client qui s'appliquait à tous avait pris une signification un peu humiliante. A ceux d'un ordre plus relevé on appliqua la qualification plus haute de comites. Encore devons-nous faire attention que dans la langue latine le mot comes n'avait pas exactement le sens que nous donnons au mot compagnon. Dans notre langue, un compagnon est ordinairement un égal ; chez les Romains un comes était surtout un suivant, un homme qui faisait cortège, un homme de la suite d'un autre[10]. Comitem vocamus, dit Ulpien, qui sequatur[11]. Ce terme contenait donc, non l'idée d'égalité, mais l'idée d'infériorité. C'est ainsi que Cicéron appelle annules les gens attachés à sa personne, hommes libres et fort supérieurs aux affranchis, mais qui obéissent à ses ordres et qu'il charge de toutes ses commissions[12].

Aux clients, du moins aux plus élevés d'entre eux, s'appliquait aussi le titre d'amicts. C'était un terme de convention. La politesse voulait que le patron appelât ainsi ceux de ses gens qui avaient. droit à quelques égards. Cette qualification paraît avoir été en usage dès le temps de Scipion Émilien. Appien traduit visiblement le mot amici lorsqu'il dit que Scipion, partant de Rome pour prendre le commandement de l'armée d'Espagne, emmena cinq cents amis et en forma une cohorte, qu'il appela la cohorte des amis[13]. C'est la première fois qu'on voit apparaître ce terme d'amici appliqué à l'entourage immédiat d'un chef ou d'un grand[14]. Il gardera cette signification durant tout l'Empire romain et au delà.

Chaque grand personnage de Rome eut dès lors son groupe d'amis, c'est-à-dire de clients. Ces amis étaient si nombreux, qu'il ne pouvait pas bien savoir leurs noms : il lui fallait un nomenclateur pour les lui nommer ; encore ce nomenclateur ne pouvait-il pas se fier toujours à sa mémoire : il avait un registre où les noms étaient écrits[15]. Ces hommes devaient venir chaque jour pour saluer le maître[16]. Ils arrivaient en un gros bataillon, et frappaient à la porte[17]. Elle ne s'ouvrait Pas toujours. De temps à autre elle s'entr'ouvrait pour en laisser passer quelques-uns[18]. On distinguait les amis de la première audience et ceux qui n'étaient introduits qu'à la seconde, s'il y en avait une[19]. En attendant, ils se rangeaient à la porte du logis, plus ou moins près de cette porte, suivant leur place dans l'amitié du maître[20].

On attribuait à Caius Gracchus et à Livius Drusus d'avoir les premiers réparti les amici en plusieurs rangs. Ces deux hommes, que l'histoire représente comme deux démocrates, avaient un tel nombre d'amici, sans compter la foule des clients vulgaires, qu'ils crurent devoir établir dans cette cohue d'amis une classification régulière[21]. ils eurent les amis de premier rang., de second rand, de troisième rang[22]. On reconnaissait les premiers à ce qu'ils obtenaient, de temps à autre, une audience et pouvaient voir le maître seul à seul ; les seconds n'étaient introduits près de lui que par groupes ; quant aux amis du troisième degré, ils n'abordaient le patron que tous ensemble et par masse[23].

Il serait trop long d'observer toutes les faces diverses que prenait cette clientèle. Prenons du moins un exemple. Trébatius Testa, qui était un assez riche propriétaire[24], et qui avait de l'ambition[25], se plaça tout jeune dans la clientèle de Cicéron, et figura parmi ses amici[26]. A ce titre, nous voyons qu'il devait à Cicéron conseil et services[27]. Cicéron lui devait en retour la protection, tueri, et travaillait à le pousser dans la carrière[28]. Un jour, Cicéron imagina, dans l'intérêt sans doute de Trébatius, de le faire passer de sa clientèle dans celle de César. Cela était dans les habitudes romaines. P lui écrit dans une lettre qu'il l'a remis et donné à César[29], et dans la lettre qu'il écrit à César il lui dit : Je t'envoie Trébatius et te le donne tout entier, le faisant passer de ma main dans la tienne[30]. Il garde d'ailleurs dans les lettres qu'il continue d'écrire au jeune homme le ton d'un patron et d'un directeur, et l'on peut voir dans ces lettres avec quel mélange de politesse et d'autorité un patron parlait à cette catégorie de clients[31].

Il n'est pas bien sûr que Cicéron, qui avait tic tels clients, n'ait pas été lui-même, au moins au début de sa carrière, client de Pompée. Cela expliquerait à la fois sa fortune politique inespérée et beaucoup d'actes de sa vie ; cela ferait peut-être l'unité de cette vie en apparence inconstante.

La clientèle romaine, comme elle comprenait plusieurs espèces et mille nuances, donnait lieu aussi à des appellations diverses. Nous avons vu les noms de cliens, de comes, d'arnicus. On désignait aussi un client par le terme de familiaris[32] ; il faisait en effet partie de la grande familia du patron, c'est-à-dire de sa maison. Le terme necessarius marquait le lien étroit qui unissait les deux hommes[33]. Il semble, d'après deux passages d'Horace et une lettre d'Auguste, qu'on donnait encore au client la qualification de conviva ou convictor ; cela indiquait qu'il partageait la vie du patron, quelquefois sa table[34].

Horace a naturellement connu toutes les formes de clientèle usitées de son temps, et il en a décrit quelques-unes. Voyez l'histoire qu'il raconte de Vultéius Ména. Longtemps Vultéius avait voulu se soustraire aux attraits de la clientèle ; pauvre, il gagnait sa vie ; il avait un chez-soi, larem certum ; il n'appartenait à personne. Mais le riche Philippus s'est mis en tête de faire de lui un client ; il lui fait des avances ; il l'attire dans sa maison, et voilà Vultéius qui devient cliens et conviva[35]. Il est même un jour comes, c'est-à-dire qu'on lui fait l'honneur de le faire marcher à la suite du maître un jour qu'il se rend à sa maison des champs[36]. Encore est-il un trop mince personnage pour qu'on le gratifie du titre d'amicus. Son patron lui donne de l'argent, lui en prête, lui fait acheter une terre et le transforme en un paysan. Mais Vultéius regrette le marché et finit par supplier son patron de lui rendre sa liberté.

Horace lui-même est un client, mais de rang plus élevé ; Mécène l'a fait inscrire sur la liste des amis[37]. Ce terme d'ami ne doit pas faire illusion. Entre le tout-puissant Mécène et le jeune Horace qui n'avait encore presque rien produit et qui n'était alors qu'un petit commis de la questure, il ne se pouvait agir de ce que nous appelons l'amitié. Mécène n'avait encore parlé à Horace qu'une fois, et pour lui demander qui il était[38]. L'admettre au nombre des amis, ou, comme dit ailleurs Horace, au nombre de ses gens[39], c'était l'admettre dans son groupe, dans son cortège, dans sa maison, sous son patronage, et dans les rangs supérieurs de la clientèle. Mécène l'emmène parfois en voyage ; un jour il le fait asseoir à ses côtés au théâtre, et toute la ville s'extasie devant une telle distinction[40] ; mais peut-être ne lui confierait-il pas un secret[41]. Je ne doute guère qu'un sentiment affectueux n'ait uni Horace et Mécène ; mais dans le passage où Horace écrit qu'il est l'ami de Mécène, il veut dire qu'il est son client[42].

Ainsi l'on peut tenir pour certain que le patronat volontaire, sous les noms de clientela, de comitatus, d'amicitia, existait dans la société romaine.

 

2° RELATIONS ENTRE CLIENTS ET PATRONS.

 

Nous voudrions dire avec exactitude comment le lien de protection se contractait, quelle était la nature de ce lien et quelle sorte de relations il établissait entre les deux parties. Cela est fort difficile, à cause de l'insuffisance et du vague de nos documents. Les écrivains, qui nous parlent si souvent de ce patronat, n'en disent jamais la nature ni les conséquences. Comme ils n'écrivaient pas pour nous, mais pour leurs contemporains, ils n'ont pas pris la peine de définir ce que tout le monde savait. Nous n'avons pas non plus la ressource des lois et des textes juridiques. Les lois et les textes juridiques nous éclairent sur le patronage des affranchis ; ils ne nous apprennent rien sur le patronage volontaire des hommes libres[43].

Il est vrai que, de ce silence même des lois, nous pouvons dégager l'un des caractères du patronage. Si les lois ne s'occupent pas de lui, c'est apparemment qu'il est une pratique extra-légale. Il est en dehors de la constitution politique, en dehors aussi du Droit privé. On remarquera que les jurisconsultes du Digeste, lesquels nous présentent toutes les difficultés juridiques et en donnent la solution, ne nous donnent aucune solution, aucune opinion, aucune explication, au sujet de ce patronat[44]. Nous pouvons conclure de là que ce patronat ne donnait lieu à aucune question juridique. Il n'était pas matière à procès, et certainement les écrivains ne font jamais mention d'un seul conflit en justice auquel il ait donné lieu. C'est qu'étant étranger au Droit, aucune action judiciaire ne s'exerçait à cause de lui. Voilà un premier point acquis, et il est important.

D'autres traits essentiels du patronat ressortiront de l'observation des mots qui y étaient employés.

Le terme qui paraît avoir été le plus usuel pour désigner l'acte de se faire client était se commendare[45]. Or ce mot n'avait pas le sens vague du français recommander. Il signifiait mettre dans les mains d'un autre. C'est ainsi qu'il se disait d'un dépôt qu'on confiait à quelqu'un pour qu'il en eût la garde, commendare nihil aliud est quam deponere, dit Ulpien[46]. Quand le client disait me commendo, il voulait dire qu'il mettait sa personne aux mains du patron. Pour exprimer cela avec plus d'énergie encore, il ajoutait me trado[47] ; il se livrait réellement. Il disait même qu'il se livrait tout entier, totum trado[48]. On employait encore l'expression très forte se dedere[49] ; le client faisait abandon de soi. L'idée qui dominait dans l'acte de clientèle était qu'on renonçait à sa personnalité pour la remettre entière dans les mains du patron[50].

Plusieurs termes exprimaient le rapport qui s'établissait entre les deux hommes : c'était clientela, patrocinium, tutela, amicitia, c'était surtout fides. Ce dernier mot est celui qu'on employait le plus. Remarquez que, si l'on se servait de deux mots, on employait l'un des quatre premiers indifféremment, et toujours le dernier[51]. Si l'on n'employait qu'un mot, c'était fides[52]. Il semble que l'expression officielle et légale pour désigner cette sorte de clientèle était esse in fide ; c'est cette formule que l'on trouve dans la Lex Acilia[53]. Tous les autres termes sont simplement explicatifs, Mes paraît avoir été le terme caractéristique. Clientela et patrocinium s'appliquaient à d'antres sortes de patronage ; fides ne s'appliquait qu'au patronage que nous étudions ici.

Pour nous faire une idée exacte du lien de patronage, il faudrait savoir le sens du mot (ides, c'est-à-dire l'idée que l'esprit y attachait. Or, parmi les applications très diverses de ce mot, nous reconnaissons une signification primordiale et constante : c'est celle d'engagement[54]. Mais il s'agit ici d'un engagement d'une nature particulière. Pour nous rendre compte de cela, prenons le plus ancien texte où le terme se rencontre ; c'est le sénatus-consulte sur les Bacchanales, de l'an 185 avant notre ère. Le Sénat, voulant dire qu'il interdit aux hommes toute espèce d'association, leur défend inter se conjurare, neve convovere, neve conspondere, neve fidem inter se dare[55]. Les quatre expressions expriment les quatre sortes d'engagement par lesquels les hommes pourraient s'unir. Conjurare est l'engagement par le serment religieux, juramentum ; convovere est l'engagement par la promesse aux dieux qu'on appelait votum ; conspondere est l'engagement juridique par la sponsio. Fidem dare désigne donc un engagement qui n'est ni religieux ni juridique et qui est purement moral. Aussi remarque-t-on que le mot fides, si fréquent en latin, n'est jamais appliqué ni aux obligations religieuses ni aux obligations de droit strict[56]. Ce qui fait l'essence de cette sorte d'engagement est de n'être imposé ni par les lois divines ni par le droit civil, c'est-à-dire d'être volontaire et de dériver de la seule volonté de ceux qui le contractent[57].

Telle est donc la nature de ce lien : il est librement formé, et il engage la conscience. Or le mot fides, qui est appliqué quelquefois au client[58], l'est plus souvent encore au patron. Le patron reçoit le client en sa foi[59]. Le client se remet dans la foi du patron[60]. Il est dans sa foi. Ainsi la foi du patron est plus souvent mentionnée dans nos textes que la foi du client. Ce qui prouve tout au moins que le premier était aussi engagé que le second. Le lien de fides enchaînait également les deux parties[61].

Aussi ne se contractait-il que par l'expression des deux volontés. Nul ne pouvait être client malgré soi. Nul ne pouvait contraindre un homme à être son patron. Pour établir la clientèle, il fallait donc deux actes : un acte du client qui se remettait dans la foi du patron, un acte du patron qui acceptait el, recevait le client dans sa foi. Ces deux actes se faisaient-ils par écrit ? Rien ne l'indique. Les deux paroles suffisaient ; mais il était nécessaire que les deux paroles fussent prononcées.

Nous possédons un grand nombre d'inscriptions qui nous montrent comment la clientèle se constituait entre une ville et un patron. Car cette sorte de patronage existait également pour les cités, pour les provinces, pour les collegia et corporations. Ce patronage collectif ne ressemblait pas de tout point au patronage des particuliers, mais il avait avec lui les analogies les plus étroites, et il n'est guère douteux qu'il en ait emprunté les formes. Or ce patronage se formait toujours par la réunion de deux actes distincts. La cité commençait par choisir un personnage à qui elle demandait d'être son patron. Puis ce personnage répondait qu'il recevait la cité dans sa clientèle et sa foi[62].

Le lien une fois contracté par la double déclaration, les deux parties avaient des devoirs l'une envers l'autre. Ces devoirs n'étaient pas fixés par la loi. Le Droit pouvait bien régler le patronage d'affranchi ; mais ce patronage libre n'était pas de son domaine. Aussi ces obligations réciproques ne nous sont-elles connues que par quelques indications des écrivains.

Le patron devait défendre le client dans tous ses procès. Un personnage d'une comédie de Plaute se plaint de tout ce que ce devoir lui coûte d'ennuis et de vilaines démarches : Il faut toujours s'occuper d'eux ; quand on cite en justice les clients, c'est aussi le patron qu'on cite ; il doit parler pour eux, si mauvaise que soit leur cause ; il faut qu'il se présente à toutes les juridictions, devant le peuple, devant le préteur, devant le judex[63]. Il fallait défendre le client contre toute violence et même contre tout procès[64]. Il fallait assurer sa sécurité[65]. Il fallait prendre ses intérêts comme un tuteur prend les intérêts d'un pupille[66].

Les autres obligations du patron variaient suivant la situation sociale de son client. Si celui-ci, appartenant aux classes supérieures, visait aux magistratures, le patron devait lui prêter aide et concours et travailler à sa fortune politique. S'il était un homme des classes inférieures, il devait ou lui procurer quelque emploi, ou lui prêter de l'argent, ou lui donner un coin de terre. S'il était un client des dernières catégories, il le nourrissait à ne rien faire.

En retour, le client avait des devoirs. La protection n'allait pas sans la sujétion. Ces deux idées étaient associées dans l'esprit au point de se confondre. Être dans la foi d'un autre, c'était être dans sa dépendance, sous son autorité, presque à sa discrétion[67]. Les obligations du client, qui n'étaient sans doute pas celles de l'esclave, s'exprimaient par les mots colere et observare[68] ; des deux, le premier marquait surtout le respect et la déférence, la second marquait l'obéissance, c'est-à-dire la conformité avec les volontés du maître[69]. La limite de ces obligations n'était pas exactement marquée. On savait seulement que, si le patron était candidat, le client, était tenu de voter pour 'lui et de travailler sans réserve ni vergogne à son élection[70]. Si le patron avait un procès, le client devait lui faire cortège au tribunal. Même en temps ordinaire, il l'accompagnait dans les rues de la ville pour marquer son rang et rehausser son prestige. Il venait le saluer chaque matin et prendre ses ordres.

Le client n'avait aucune obligation militaire à l'égard de son patron. On voit, à la vérité, cinq cents amis de Scipion se faire ses gardes du corps. Il n'est guère douteux non plus que tout général d'armée n'ai quelques clients ou quelques amis autour de sa personne. Mais cela ne constituait pas une obligation générale de service militaire. Le client romain était, au moins en principe, soldat de la cité, non pas soldat du patron.

Ce lien de clientèle était-il héréditaire ? Les inscriptions relatives au patronage des villes mentionnent toujours l'hérédité[71]. Mais il serait téméraire de conclure du patronage des cités à celui des particuliers. La Loi Acilia montre que les ancêtres d'un homme ont été dans la foi des ancêtres d'un autre homme, sans que ces deux hommes soient personnellement dans la foi l'un de l'autre. Ce langage de la loi donne à entendre que ce patronage était souvent héréditaire, mais ne l'était pas forcément. De même, Cicéron parle de gens dont les ancêtres ont été dans la foi des Roscius, et qui ont eux-mêmes quitté cette famille pour se transporter dans la clientèle de Chrysogonus. L'auteur présente ce changement de patron, non comme une chose louable en soi, mais comme une chose permise. En fait, il était naturel que la clientèle du père se transmît au fils ; mais cela n'était pas obligatoire. Le contrat étant essentiellement volontaire, la volonté du père ne pouvait contraindre le fils. Quelques inscriptions indiquent que les cités clientes, bien que le décret eût été fait à perpétuité, renouvelaient l'acte de clientèle à la mort de chacun des patrons[72]. Cela permet de supposer qu'un usage analogue existait entre particuliers, et que, si la clientèle était héréditaire, encore fallait-il que l'expression de la volonté fia renouvelée à chaque génération[73].

Telle fut, autant que les documents nous permettent d'en juger, la nature de la clientèle romaine au temps de la République. Elle groupait les petits autour des grands, et les grands eux-mêmes entre eux hiérarchiquement. Car un homme pouvait avoir des clients et être lui-même client d'un plus puissant que lui.

Cette pratique du patronage a été pour beaucoup dans la structure sociale de la République romaine. Elle explique qu'au milieu de lois d'égalité, les grandes familles aient toujours gardé le pouvoir. Le droit de suffrage appartenait à tous, mais c'étaient les clientèles qui votaient. La loi ouvrait les magistratures aux plus petits et aux plus pauvres, mais c'étaient les clientèles qui les donnaient. A Rome, comme chez les Germains et les Gaulois, la puissance d'un personnage se mesurait au nombre de ses clients[74]. Rome était la réunion de deux ou trois cents familles, autour de chacune desquelles des milliers d'hommes se groupaient. Cette démocratie apparente était une échelle de patrons et de clients. La clientèle n'était pas dans les lois ; elle ne touchait pas à la constitution politique ; mais elle régnait dans la société. Ne touchant pas à la constitution politique, elle n'engendra pas un régime féodal ; elle fit seulement de cette société républicaine la société la plus aristocratique qui fût jamais.

 

3° LE PATRONAT SE CONTINUE DANS LES TROIS PREMIERS SIÈCLES DE L'EMPIRE.

 

La substitution de l'Empire à la République n'a pas été cette révolution complète et radicale que plusieurs historiens modernes se sont figurée. Le pouvoir a été seulement déplacé ; les lois ont été fort peu modifiées, et les mœurs ne l'ont pas été.

Les habitudes de patronage et de clientèle se sont continuées. Il est vrai que la suppression des comices a diminué l'importance des clientèles ; mais elles ont, persisté, au moins comme cortège des grands et des riches. C'est sous Néron que Sénèque décrit la foule des amici qui viennent chaque matin saluer le maître à sa porte[75]. Tacite mentionne, à l'occasion, un certain Egnatius qu'il appelle à la fois le client et l'ami de Soranus, et qui le trahit[76]. Le même historien nous dit ailleurs qu'une grande partie du peuple, et la meilleure, était liée aux grandes maisons, soit à titre de clients, soit à titre d'affranchis[77]. Juvénal fait un long tableau de la clientèle, et le trait qu'il y faut surtout noter, c'est que parmi ces clients il se trouvait des personnages de grande famille, même des hommes ayant exercé quelques magistratures[78]. La clientèle n'était donc pas particulière aux plus basses classes. Plus tard, une lettre de Marc Aurèle à Fronton marque que la maison d'un grand, sa familia, se composait d'esclaves, d'affranchis, de clientes, d'amici[79]. Ulpien aussi signale autour d'un riche un groupe qu'il distingue en affranchis, en clients et en amis[80]. Plusieurs inscriptions mentionnent aussi ce patronage ; elles attestent l'habitude qu'avaient les clients d'honorer la mémoire du patron mort par des monuments et quelquefois par des statues. Nous y voyons les noms d'individus qui se qualifient clients. D'autres fois, un homme élève un monument à un personnage qu'il appelle son patron excellent ; on pourrait croire d'abord que cet homme est affranchi ; mais comme il ne porte pas le nom du patron, il est un homme né libre et il s'est fait volontairement client[81].

Il n'est donc pas douteux que la subordination personnelle de l'homme à l'homme ne se soit continuée sous l'Empire romain. Les hommes se groupaient autour des grands ou des riches sous les noms de clientes, de comites, d'amici, qui étaient à peu près synonymes.

 

4° LA CLIENTÈLE IMPÉRIALE.

 

La maison qui avait le plus nombreux cortège de clients était la maison. impériale. C'était elle qui pouvait le mieux récompenser l'assiduité et les services. Aussi y trouvons-nous les clients sous les mêmes noms de comices et d'amici. Le Palatium impérial était rempli de trois sortes d'hommes : esclaves, qui s'acquittaient ordinairement des services domestiques ; affranchis, qui le phis souvent étaient employés dans les bureaux ; hommes libres, hommes de famille équestre et quelquefois même sénatoriale, qui, sous le nom d'amis, formaient la suite du prince, son cortège, sa cour.

Aucun historien n'a pris la peine de nous décrire cet entourage du prince ; mais plusieurs le mentionnent incidemment. C'est ainsi que Tacite parle d'un certain Sextus Vistilius, homme de rang élevé, ancien préteur, qui, après avoir fait partie des amis de Drusus, fut admis dans la cohors amicorum, de Tibère[82]. Suétone nous dit que Tibère partageait ses comites en trois catégories, suivant la situation de chacun ; les deux premières seules avaient le titre d'ami ; la troisième n'avait que la qualification moins haute de grati[83]. Les amis du premier degré étaient les seuls qui fussent admis avec quelque liberté aux audiences du prince ; on les appelait amici liberæ admissiortis ; leur rang se reconnaissait à un signe extérieur : ils avaient le droit de porter un anneau d'or où était gravée l'image du prince[84]. C'était comme une décoration qui marquait le rang dans la clientèle impériale. Caligula, Claude, Néron eurent ainsi leur cohorte d'amis[85]. Le poète Lucain fut admis dans celle de Néron. Il avait mérité cet honneur par quelques vers à la louange du prince[86].

Cette situation d'ami de l'empereur s'appelait le contubernium principis[87]. Elle s'appelait aussi convictus principis, parce que c'était une sorte de vie commune, et que ce client était de quelque façon convive du prince[88]. Elle s'appelait encore du nom de comitatus, compagnonnage, cortège[89]. On entrait dans ce groupe par la faveur du prince ; on en était exclu par sa disgrâce[90].

Être ami du prince fut naturellement un honneur vis-à-vis des autres hommes. Il arriva donc que ce qui n'avait été d'abord que l'expression d'une clientèle domestique devint un titre Les inscriptions ne manquent pas de relater que tel personnage a été ami de l'empereur[91]. En cela les inscriptions ne font guère que constater un usage. Il est visible que dans la vie ordinaire, dans la conversation, dans les correspondances, l'homme se parait volontiers de ce titre honorifique.

Les amis d'un prince n'étaient pas nécessairement ceux de son successeur. Toutefois l'usage s'établit peu à peu que le groupe passa d'un empereur à l'autre. Un historien, remarque que les amis de Titus restèrent les amis des princes suivants[92]. Un autre remarque comme un fait anormal que Commode ait renvoyé plusieurs de ceux de son père[93]. Maximin, avant d'être empereur, fut parmi les amis de Caracalla et d'Héliogabale. Son biographe raconte qu'ayant été offensé un jour par une plaisanterie de ce dernier, il se retira du palais et du service ; mais il ajoute que l'empereur ne le raya pas de la liste des amis[94]. Cela donne à penser que la qualification d'ami du prince tendait à devenir une sorte de titre permanent et presque inamovible. Encore au temps d'Alexandre Sévère on continuait à distinguer ces amis en trois catégories[95].

Les Actes des martyrs et les Vies de saints sont des documents précieux en ce qu'ils marquent les coutumes et les pensées de l'époque. Nous y voyons assez souvent qu'un proconsul, essayant de ramener un chrétien au culte officiel, lui promet les richesses et les honneurs. Parmi ces honneurs, celui qu'il fait luire au-dessus de tous les autres, c'est le titre d'amicus. Si tu sacrifies aux dieux, dit-il au martyr, tu obtiendras tout, tu seras même ami du prince[96]. Il ne connaît pas d'argument plus puissant ; il ne voit pas d'honneur plus haut[97].

Il en fut de même des comites. Ces suivants devinrent bien vite des dignitaires. On se para du titre de comes principis ou comes Augusti. Cette marque de la clientèle impériale devint une décoration. Dans les inscriptions honorifiques où chaque personnage est revêtu de tous les titres qu'il a obtenus dans sa carrière, on a grand soin de ne pas omettre celui de comes impérial[98]. Ce qui marque bien que cela est devenu une dignité de cour, c'est que, lorsque deux empereurs règnent conjointement, le personnage est qualifié comes Augustorum[99].

Les comtes comme les amis sont distribués en trois classes. On est comes de premier rang, de second rang, de troisième rang[100]. Un personnage a été d'abord comte de second ordre, puis, à mesure qu'il avançait dans la carrière, il est devenu comte de premier ordre ; l'un et l'autre titre sont relatés dans l'inscription[101].

La situation de comes s'appelle comitica ; elle est reconnue par les lois et compte parmi les dignités officielles de l'Empire[102]. Elle est acquise, presque de plein droit, par l'exercice de certaines fonctions[103]. Elle donne le droit d'approcher du prince et de le saluer aux jours de cérémonie.

L'entourage de l'empereur s'appelle aussi comitatus. Ce mot prend peu 'a peu la signification de ce que le langage moderne appelle la cour. Une série d'exemples, jusqu'au ve siècle, marque que dans la langue courante on disait comitatus pour désigner à la fois l'empereur et son entourage[104].

Cette grande clientèle impériale n'a pas tardé à s'emparer de toutes les fonctions publiques. Pendant que les affranchis du prince remplissaient les bureaux, qui contrôlaient ou dirigeaient tous les administrateurs, les amici étaient chargés de missions de confiance, de fonctions ou de commandements[105]. Ceux qui restaient dans le palais formèrent d'abord le conseil judiciaire qui entourait le prince rendant la justice[106]. Bientôt ils formèrent un Conseil d'État. Antonin le Pieux, dit son historien, ne prenait aucune décision sans en avoir délibéré avec les amici, et c'est sur leur avis qu'il rédigeait ses édits[107].

Marc Aurèle fit une grande réforme : d'une part, il écarta les amici de la société constante du prince, de ses amusements, de sa table[108] : d'autre part, il en forma un conseil permanent qu'il consulta sur toutes choses et dont il se fit une loi_ de suivre les avis[109]. Par là les amici cessèrent d'être de simples courtisans et devinrent un Conseil d'État.

De même, les comites principis devinrent des fonctionnaires publics. Le chef de l'administration financière, par exemple, fut un comes du prince, chargé des largesses sacrées. A la tète des bureaux de l'administration centrale furent des cornues du prince chargés des scrinia. D'autres comites du prince gouvernèrent les provinces, et l'usage s'établit de dire comte d'Orient, comte d'Égypte, comte d'Espagne, comte de Marseille[110]. D'autres encore furent qualifiés comtes des soldats. Ces expressions signifiaient, au sens littéral, compagnons du prince chargés du gouvernement d'une province, ou d'un commandement militaire.

Notre titre de comte vient de là. On voit la filiation. Le comes est primitivement le client d'un grand ou d'un riche. Il est ensuite le client, le suivant, le courtisan du prince. Puis il devient un fonctionnaire de l'ordre le plus élevé. Après les invasions, il restera fonctionnaire du roi mérovingien ou carolingien et continuera à administrer une province. Plus tard enfin, souverain de cette province, il deviendra un comte féodal.

Cela ne signifie pas que la féodalité vienne du comitatus romain, surtout qu'elle en vienne directement. Bien d'autres faits devront s'associer à celui-là, bien des modifications devront se produire, avant que le régime féodal surgisse au grand jour. Le comitatus impérial a sans doute quelques points communs avec la vassalité des rois francs ; mais il s'en distingue au moins en ce qu'il ne s'est jamais séparé de la royauté et a toujours travaillé pour elle.

 

5° LE PATRONAGE ROMAIN AU IVe SIÈCLE.

 

L'habitude de la clientèle, de la commendatio, du patronage, s'était transmise de la République à l'Empire. Elle n'avait jamais été interrompue. Au ive siècle, elle prit un grand développement et un caractère particulier.

La société de cette époque était à la fois très monarchique et très aristocratique. On peut se rappeler ce que nous avons dit plus haut de la prédominance de la grande propriété. Les historiens du temps qui, comme Ammien, entrent assez dans le détail des mœurs pour nous donner une idée nette de cette société, nous montrent qu'elle était riche, mais que la richesse et la terre s'accumulaient dans un assez petit nombre de mains. Ammien nous dit, par exemple, que les hommes de familles sénatoriales avaient autour d'eux un personnel incalculable de serviteurs, et qu'ils ne se montraient pas en public sans un cortège qui ressemblait à une armée[111]. Un autre historien dit qu'il y avait beaucoup de familles romaines à qui leurs propriétés foncières rapportaient annuellement, par les seules redevances en argent, 4.000 livres pesant d'or. A cela s'ajoutaient les redevances en nature, blé, huile, vin, et tous les autres profits que ces mêmes hommes tiraient de l'exercice des fonctions publiques[112]. C'était, en langage actuel, quatre ou cinq millions de francs de revenu.

A ces immenses fortunes s'attachaient d'innombrables clientèles. Chacun de ces grands personnages avait des clients, non seulement dans l'entourage immédiat de sa personne, mais autour de chacun de ses grands domaines. Ammien va nous en présenter un exemple. Il parle de Pétronius Probus ; c'est un homme d'une famille clarissime ; il est fils et petit-fils de consuls et de préfets du prétoire ; il est puissant ; par sou opulence il est connu de tout le monde romain, car dans presque toutes les provinces il possède des domaines[113]. Le personnel de ses serviteurs est immense. L'historien y distingue deux éléments, des esclaves et des clients[114]. Comme patron, il est tenu d'intervenir dans les procès d'une immense clientèle ; c'est même pour la mieux défendre, au dire d'Ammien, qu'il reste dans les fonctions administratives, et qu'après avoir été proconsul d'Afrique, il exerce quatre fois la préfecture du prétoire. Il préférerait le repos, mais cette interminable clientèle condamne son maître à rester dans la vie publique ; elle a besoin qu'il soit puissant[115]. Il nous est parvenu une inscription relative à ce même personnage[116]. Nous y voyons que les habitants de l'Istrie et de la Vénétie lui érigent un monument, de son vivant, pour le remercier d'une faveur qu'ils en avaient reçue ; et nous y remarquons que ces hommes l'appellent leur patron et se disent ses hommes à lui[117]. Nous ignorons si Pétronius Probus avait des monuments pareils dans d'autres provinces ; mais on devine assez que les hommes dont il était le patron étaient innombrables.

Ammien signale une autre fois la pratique de la clientèle. A l'occasion d'une accusation d'empoisonnement, il dit que plusieurs nobles furent faussement. dénoncés comme ayant employé leurs clients à des pratiques criminelles[118].

[Nous voyons encore, par un sermon de saint Augustin, que] la coutume de la clientèle était populaire[119] : Vous savez bien, dit-il à ses auditeurs, que chacun s'appuie sur son patron. Un homme vous menace-t-il, vous êtes client d'un grand, et vous dites à votre adversaire : Tant que mon seigneur vivra, tu ne me feras rien. Ainsi nous, nous avons pour patron le Christ, et sous ce patron nous n'avons rien à craindre. Ceux qui se prévalent d'un patron sont ses clients ; et nous, c'est le Christ qui est notre patron. Saint Augustin parle à des gens qui savent tous que le patronage d'un grand est l'ambition, la sûreté, l'orgueil même des petits.

Il n'est. pas inutile d'observer que le mot cliens tomba en désuétude à cette même époque où la clientèle se développait. Le grammairien Servius, dans son commentaire sur Virgile, arrivé au mot clientes, croit nécessaire de l'expliquer et de le traduire. Les clientes, dit-il, sont ceux (pie nous appelons aujourd'hui suscepti[120]. Le sens de ce dernier terme est bien visible ; on avait toujours employé les mots recipere ou suscipere pour désigner l'acte par lequel le patron acceptait et recevait le client en sa foi. Le verbe suscipere est employé fréquemment avec cette signification dans les lois du IVe siècle[121]. Susceptus est par conséquent un client. Désormais le mot cliens ne se rencontre que rarement, et chez quelques écrivains qui se piquent d'écrire la vieille langue[122]. Il est remplacé presque partout par susceptus. C'est ce dernier terme qu'emploient Symmaque, saint Augustin, Césaire d'Arles, Paulin de Noie, Salvien, Ennodius, Jordanès[123]. De là vient que dans les textes mérovingiens nous ne trouverons plus le mot cliens ; mais nous trouverons le mot susceptus.

Cette clientèle fait des progrès au ive siècle ; elle s'étend à toutes les classes de la société, et prend les formes les plus diverses.

Dans les classes élevées on se fait client par ambition. L'homme riche et de grande famille veut arriver aux honneurs publics, aux fonctions de l'administration ou du palais ; il cherche l'appui d'un homme déjà arrivé, et pour avoir son patronage il se donne à lui comme client. L'historien Zosime nous présente un exemple de cela. Lucianus est fils d'un préfet du prétoire ; il est fort riche : il peut aspirer à tout ; mais il est jeune : il lui faut un appui pour s'élever plus vite ; il prend Rufin pour patron[124]. Enfin qui est alors le ministre dirigeant de l'Empire. N'allons pas croire qu'il s'agisse ici d'un vague patronage comme on l'imaginerait de nos jours. C'est le patronage au sens propre du mot et avec toutes ses conséquences. Ce patronage n'est pas non plus gratuit. Car Lucianus pour l'obtenir doit faire ce que font tous les clients : il transfère à son patron la propriété de ses terres[125]. En retour, Rufin fait son office de patron : il obtient de l'empereur pour son client la haute dignité de comte d'Orient, c'est-à-dire l'administration supérieure des provinces asiatiques.

Voilà une des formes du patronage ; en voici d'autres. Nous savons que dans l'Empire romain la justice n'était pas rendue par un corps spécial de juges, analogue à ce que nous appelons aujourd'hui la magistrature ; la décision du procès comme le jugement des délits appartenait aux fonctionnaires publics, c'est-à-dire aux gouverneurs de provinces et aux préfets du prétoire. Or la hiérarchie des fonctionnaires était occupée, à cette époque, par la classe opulente, par ces mêmes hommes qui possédaient de vastes domaines dans toutes les parties de l'Empire. L'ordre des grands propriétaires était en même temps l'ordre des fonctionnaires publics, et par conséquent l'ordre judiciaire. Cela eut des conséquences que l'on peut apercevoir dans la jurisprudence et même dans la législation. Cela en eut aussi dans la manière dont les procès furent jugés. Mille traits épars dans les écrivains du temps laissent voir qu'il s'était établi entre ces hommes de telles habitudes de solidarité et de recommandation mutuelle, qu'il était à peu près impossible qu'un homme de la classe inférieure obtînt gain de cause contre l'un d'eux. De là vint la nécessité pour les faibles de prendre l'un d'eux pour patron. Les empereurs l'interdirent, mais en vain. Le pli était pris, et par suite de causes générales et persistantes. Les Lois de Claude II et de Dioclétien[126] n'empêchèrent pas l'usage de se continuer et de s'étendre. Pour prendre un exemple, Ammien nous dit que ce même Pétronius Probus défendait en justice tous ses clients, coupables ou non ; il les soutenait, qu'ils eussent tort ou raison, dans tous leurs procès[127]. Nous devinons sans peine que beaucoup de plaideurs, pour gagner leurs procès, se faisaient tout exprès clients de Pétronius Probus. Probus ne conservait pas seulement ses clients par son zèle à les défendre, il en acquérait sans cesse de nouveaux, parce qu'on savait qu'avec lui on gagnerait sa cause. Quelques lois, qui sont restées au Code Théodosien, laissent apercevoir les arrangements qui se formaient entre ce client et ce patron. Le procès portait-il sur une valeur mobilière, l'une des deux parties réclamait la somme contestée ou la dette prétendue comme appartenant à son patron ; il la transférait à son nom[128]. Le procès portait-il sur un immeuble, l'une des deux parties mettait la terre contestée sous le nom d'un patron[129]. Le résultat de ces fraudes était que le client gagnait son procès ; mais il était aussi que le patron devenait propriétaire légitime de l'objet contesté, quitte à s'arranger ensuite avec le client. On ne saurait calculer combien de milliers et de millions d'hommes tombèrent ainsi, eux et leurs biens, dans une clientèle dont ils ne pouvaient plus se dégager.

Un contemporain de Théodose le Grand, dans un discours malheureusement écrit du style vague et faussement élégant des rhéteurs de cette époque, Libanius, décrit cette propension des paysans it se donner des patrons. Les uns le font pour avoir un défenseur contre la violence. Les autres le font, dit-il, pour commettre eux-mêmes des violences impunément[130]. Il semble qu'en justice le puissant personnage ait toujours raison, et que le faible n'ait jamais gain de cause que par l'intermédiaire de celui dont il se fait le client. La clientèle devient le prix dont toute chose se paye.

Ce qui est le plus curieux ici, c'est que ce ne sont pas les pauvres seuls qui subissent le patronage. Libanius laisse voir que beaucoup de ces hommes étaient des propriétaires[131]. Il s'en fallait beaucoup que la petite propriété eût encore disparu. Mais, soit qu'elle manquât de sécurité, soit qu'elle donnât trop peu de bénéfices, les petits paysans se laissaient attirer par le patronage. Plusieurs lois du Code Théodosien constatent cet entraînement, qu'elles essayent d'enrayer. Nous interdisons aux agriculteurs, dit le prince, de se mettre en patronage des grands[132]. Or les agriculteurs dont il parle sont des propriétaires, car il ajoute qu'il confisquera leurs fonds de terre[133]. Il les menace des peines capitales, et il frappe le patron lui-même d'une amende de 25 livres d'or par chaque fonds de terre qu'il aura pris en patronage[134]. Cette dernière disposition nous révèle la nature de l'engagement qui s'est formé entre les deux hommes : on y voit que le client n'a pas seulement livré sa personne, il a aussi livré sa terre[135].

Le désir de se soustraire au payement de l'impôt produisait les mêmes effets. Nous ne voulons pas tomber dans les déclamations ordinaires sur le poids des impôts de l'Empire romain. Mais il faut songer que la contribution foncière formait à cette époque la plus grande partie de la charge totale des contribuables, les impôts indirects étant relativement fort légers. Ce qui n'est pas, dans la France actuelle, la dixième partie des impôts, en était alors la moitié ou les deux tiers. Le petit paysan avait donc bien plus encore qu'aujourd'hui la propension à vouloir échapper à la contribution foncière. Un moyen s'offrait à lui, c'était de mettre sa terre sous le nom d'un grand. Dans les mains de celui-ci la terre ne devenait pas exempte des impôts ; mais elle les payait autrement et suivant un autre mode de perception. De cette différence il résultait pour le champ livré au grand propriétaire un tel dégrèvement de charges, que les deux hommes pouvaient trouver quelque profit, l'un à céder sa terre, l'autre à la prendre[136]. C'est par le patronage que ce transport s'opérait. Le petit paysan demandait au riche sénateur de recevoir lui et sa terre en sa clientèle. Dès ce jour, en restant homme libre, il devenait client ; en continuant à jouir de sa terre, il n'en avait plus la pleine propriété.

Voilà le trait caractéristique de la clientèle du ive siècle. Du haut en bas de l'échelle sociale, que le client soit un riche ambitieux comme ce Lucianus dont nous avons parlé, qu'il soit un propriétaire a procès, qu'il soit un petit paysan besogneux, toujours la clientèle entraîne, en même temps que la sujétion de la personne, la sujétion de la terre.

Salvien explique assez clairement cette conséquence de la clientèle. Les petits, dit-il, se donnent aux grands, ad tuendum, pour avoir leur protection[137], c'est bien là le patronage. Ils se font les sujets des riches, dedititios divitum, et se placent sous leur autorité et sous leur pouvoir, in jus ditionemque corum ; c'est bien là l'assujettissement de la personne. Pour être protégés, ils commencent par transférer à leurs protecteurs presque tout ce qu'ils possèdent, et leurs fils sont dépouillés de l'héritage[138] ; c'est bien ici l'assujettissement de la terre, c'est-à-dire l'abandon du plein droit de propriété sur elle.

À tous ces motifs qui poussaient les hommes vers le patronage, ajoutons encore celui qu'indique saint Augustin, parlant des plus pauvres : Ils se mettent dans la sujétion des riches, afin d'être nourris par eux[139].

Pour toutes ces raisons la clientèle s'étendait et peu à peu s'emparait de la plupart des hommes. La maison d'un riche comptait, outre la foule des esclaves et des colons, un nombreux personnel de clients. Voyez les lettres de Symmaque, contemporain de Théodose et d'Honorius. Comme il est fort riche et qu'il remplit les plus hautes fonctions de l'État, il a aussi une vaste clientèle. Beaucoup d'hommes, assurément libres de naissance, et quelques-uns de haute naissance, sont attachés à sa maison et en font partie[140]. Rarement il.les appelle du nom de clients[141] ; plus souvent il les désigne par les termes de familiaræ mei[142], domestici mei[143], hommes de la maison, quelquefois amici[144]. Et, parmi eux, il en est qui sont d'un rang élevé[145]. Les expressions propres au patronage reviennent sans cesse sous sa plume, parce que la réalité en est dans ses habitudes[146]. Sidoine Apollinaire atteste pour la Gaule les mêmes pratiques de clientèle. Il montre, d'une part, des clients de bas étage qui entourent le maître et qui le servent[147] ; il montre, d'autre part, des hommes d'assez grande famille qui se font clients d'un plus grand[148].

Ces usages et ces mœurs ne doivent pas échapper à l'historien. Les écrivains du temps en parlent peu, parce que ce qui est le plus dans les habitudes est ce dont les écrivains parlent le moins. Les lois ne les mentionnent que pour essayer de les combattre. Ils ont eu pourtant une action considérable sur la société de cette époque. Ce sont eux qui lui ont donné sa structure intime. En apparence, cette société de l'Empire romain était toute monarchique. Par le régime de la grande propriété et par la pratique du patronage, elle était tout aristocratique. L'homme libre avait pris insensiblement l'habitude de se faire sujet, non de l'État, non du prince, mais d'un autre homme. Partout on trouvait le patron, le seigneur ; partout aussi le client. La clientèle, sous des formes diverses, embrassait toutes les classes. Elle formait une sorte d'échelle où les hommes se groupaient hiérarchiquement.

L'imagination peut se figurer que l'autorité impériale eût été détruite par un autre événement que l'invasion des Germains. Le jour où elle aurait disparu, l'institution qui serait restée la plus forte pour gouverner les hommes aurait été le patronage. Ce patronage ou cette clientèle aurait donc été le lien social, de même que, plusieurs siècles plus tard, quand l'autorité des rois s'effaça, il ne se trouva que le lien féodal pour régir la société. Le nouveau régime aurait donc eu quelque analogie avec ce que fut plus tard la féodalité. La plus grande différence aurait été que cette aristocratie n'aurait pas eu un caractère militaire. Car ce qui distingue le plus le patronage romain de celui que rions verrons dans la suite, c'est qu'il n'est pas un patronage guerrier. Le patron ressemble au seigneur et le client au vassal par plus d'un point ; mais ce client n'est pas le soldat du patron. L'autorité impériale a réservé pour soi toute la force militaire. La noblesse qu'elle a laissée se former auprès d'elle est une noblesse pacifique. Le patrocinium, la clientela, la commendatio n'ont jusqu'ici rien de guerrier.

 

 

 



[1] On sait que Plaute traduit des pièces grecques, mais on sait aussi que les mœurs et les habitudes qu'il décrit sont toutes romaines.

[2] Plaute, Ménechmes, IV, 2.

[3] Térence, Eunuchus, V, 2, 70.

[4] Térence, Eunuchus, V, 9.

[5] Cicéron, Pro Roscio Amerino, 55.

[6] Cicéron, Pro Roscio Amerino, 57.

[7] Lex Acilia, dans le Corpus inscriptionum latinarum, t. I, n° 98, § 10, p. 58 : Cujus in fide is erit. La même expression est répétée au § 35, p. 60.

[8] Le patronus dont il s'agit ici est un simple patron judiciaire ; son patronage se borne à présenter l'étranger en justice.

[9] Lex Acilia.

[10] Comes s'oppose à dux ; dux est celui qui précède, comes celui qui vient derrière. Voir cette opposition bien marquée dans Cicéron, De amicitia, 11 ; Pro Marcello, 4. Cf. Virgile, VI, 778.

[11] Ulpien, au Digeste, XLVII, 10, 15, § 16.

[12] Cicéron, Ad Atticum, VIII, 1. — Le mot comitatus a toujours signifié le cortège ou la suite de quelqu'un.

[13] Appien, Guerre d'Espagne, c. 84.

[14] Un terme analogue était usité en Grèce, en Macédoine, en Égypte.

[15] Sénèque, De beneficiis, VI, 34. L'auteur parle en philosophe et, jouant sur les deux applications diverses que la langue faisait du mot amicus, il oppose au véritable ami, qu'il appelle res rara, les amici de la société romaine.

[16] Sénèque, De beneficiis, VI, 34.

[17] Sénèque, De beneficiis, VI, 34.

[18] Sénèque, De beneficiis, VI, 34.

[19] Sénèque, De beneficiis.

[20] Sénèque, De beneficiis.

[21] Sénèque, De beneficiis.

[22] Sénèque, De beneficiis.

[23] Sénèque, De beneficiis.

[24] Cicéron, Ad familiares, VII, 20.

[25] Il devint plus tard tribun de la plèbe, édile curule ; c'est surtout comme jurisconsulte qu'il acquit de la réputation.

[26] Cicéron, Ad familiares, VII, 17. — Les mots amicitia et fides sont caractéristiques de la clientèle, comme nous le verrons plus loin.

[27] Cicéron, Ad familiares, VII, 17.

[28] Cicéron, Ad familiares, VII, 17.

[29] Cicéron, Ad familiares, VII, 17.

[30] Cicéron, Ad familiares,, VII, 5. Les termes, que Cicéron applique ici à la clientèle, sont ceux qui s'appliquaient d'ordinaire au transfert de la propriété. — Je pourrais citer, comme autre exemple de cette façon de se passer un client, un certain Clodius que Scipion donna à César, tradidit et commendavit, César, De bello civili, III, 57. Ces mots étaient apparemment les termes consacrés pour cette sorte de transfert de clientèle.

[31] Cicéron, Ad familiares, VII, 6, 7, 8, 10, 12, 15, 14. Ces lettres sont de l'an 700 de Rome : une lettre de 704 (IV, 1) montre que Trébatius était encore le familiaris de Cicéron.

[32] Cicéron, Ad familiares, IV, 1. — Pro Roscio Amerino, 7.

[33] César, De bello civili, III, 57. — Cicéron, Ad familiares, XII, 2 ; Ad Brutum, 6. — On trouve une fois le mot peculiaris dans une inscription de 378, Henzen, 6418.

[34] Horace, Épîtres, I, 7, 75. Satires, I, 6, 47. — Lettre d'Auguste, citée par Suétone, Vita Horatii. — Rapprochez de cela un passage de Cicéron où il est parlé des domesticæ convictiones, c'est-à-dire de l'ensemble des gens de la maison (Lettre à Quintus, I. 1, édit. Le Clerc, t. XXI, p. 256).

[35] Horace, Épîtres, I, 7.

[36] Horace, Épîtres, I, 7, vers 75.

[37] Horace, Satires, I, 6, v. 62.

[38] Horace, Satires, I, 6, v. 56-60.

[39] Horace, Satires, II, 6, v. 41.

[40] Horace, Satires, II, 6, v. 42 et suivants.

[41] Horace, Satires, II, 6, v. 42 et suivants.

[42] Ce vers se rapporte en effet à la seconde fois qu'Horace avait été présenté à Mécène un intervalle de neuf mois s'était écoulé entre les deux présentations. — Suétone dit qu'il existait de son temps une lettre en prose d'Horace commendantis se Mæcenati, mais qu'il croit cette lettre fausse, parce qu'elle est d'un style obscur. On souhaiterait que cette lettre, fût-elle même fausse, se retrouvât. — Suivant Suétone, Auguste aurait reproché à Horace d'avoir méprisé son amitié. C'est sans doute une allusion à ce qu'Horace aurait refusé de quitter la maison de Mécène pour celle d'Auguste (Suétone, édit. Hase, t. II, p. 451). — Un autre amicus de Mécène était C. Melissus, dont on rie savait pas s'il était libre ou esclave ; il avait été donné comme esclave grammaticus à Mécène..., Suétone, Grammatici, 21. — Cette acception du mot amici est bien marquée dans Cicéron, Pro Murena, 54 ; il parle de la tenuiorum amicorum assiduitas, qui consiste à faire cortège aux grands lorsqu'ils se rendent au forum. D'après Salluste, Catilina, 26, Cicéron, pendant la conjuration de Catilina, circum se præsidia amicorum atque clientium occulte habebat. [Cf. Marquardt, Privatleben, p. 200 et s.]

[43] Du moins avant le IVe siècle. Il y a un passage de Cicéron où l'on serait d'abord tenté de voir une règle de droit relative à ce patronage. C'est ce qu'il dit du jus applicationis, au De oratore, I, 59. Mais en regardant de près on voit qu'il s'agit d'une sorte de patronage spécial aux étrangers. Dans le cas où cet étranger mourait sans tester, quelques jurisconsultes croyaient que le patron héritait de ses biens. C'est que, l'exil ayant brisé ses liens de famille, on ne lui voyait d'héritier possible que son patron. On appliquait ici la règle des affranchis. Mais il ne faut pas conclure de cette clientèle toute spéciale à la clientèle des citoyens romains.

[44] C'est à peine s'ils mentionnent deux ou trois fois le client, incidemment. Exemple, Paul, au Digeste, XLVII, 2, 90.

[45] Térence, Eunuchus, V, 2, 70 ; V, 9. — Cicéron, Ad familiares, VII, 17. — César, De bello civili, III, 57. — Suétone, Vita Horatii.

[46] Ulpien, au Digeste, L, 16, 186. — Cf. Digeste, XVI, 5, 24 et 26.

[47] Cicéron, Ad familiares, VII, 17 ; César, De bello civili, III, 57.

[48] Cicéron, Ad familiares, VII, 5. Ailleurs, dans un sens métaphorique, Cicéron emploie la même expression ; ibidem, II, 6.

[49] Aulu-Gelle, V, 15. Cf. Térence, Eunuchus, V, 9.

[50] Il est à peine besoin de dire que les Latins employaient aussi le mot commendare métaphoriquement, et qu'en ce cas il se rapproche beaucoup de notre mot recommander. Exemples, au Digeste, XVII, 1, 12, § 12 ; XXXIV, 1, 5 ; XLI, 1, 65 ; XLVII, 2, 67 (66), et plusieurs fois dans les Lettres de Cicéron et de Pline. Mais à côté des mots patrocinium, clientela, fides, il est toujours pris au sens propre.

[51] Aulu-Gelle, V, 15 ; Térence, Eunuchus, V, 9 ; Orelli, 5056 ; Corpus inscriptionum latinarum, II, 1545 et 5695 ; Wilmanns, 2850, 2851, 2859 ; Corpus inscriptionum latinarum, II, 5695 ; Cicéron, Ad familiares, VII, 17 ; Tite Live, XXXVIII, 51, etc., etc.

[52] Térence : Me tuæ commendo et committo fidei ; Cicéron, Pro Roscio, 57 ; Aulu-Gelle, XX, 1,40.

[53] La formule est répétée deux fois dans la loi. — De même Cicéron, Pro Roscio Amerino, 35 ; Pro Plancio, 41 ; César, VI, 4.

[54] Cela est frappant dans les expressions de Cicéron, Philippiques, V, 181, de Tite Live XXVII, 5, de Cicéron, Ad familiares, XII, 7 ; Pro Flacco, 20, Pro Rabirio, 10, De finibus, II, 20, De officiis, I, 13, Pro Rabirio, 10, Corpus inscriptionum latinarum, II, 5042. Cicéron, De finibus, II, 20.

[55] Corpus inscriptionum latinarum, I, n° 196, p. 45.

[56] Bona fides s'oppose à strictum jus (Institutes, IV, 6, 28). A cela se rattachent les expressions emptor bonæ fidei, Digeste, VI, 2, 7 ; Ti, 7, 14, Digeste, LXI, 5, 24. — Cf. Corpus inscriptionum latinarum, II, 5042. — Bona fide, en bonne conscience, Plaute, Aululaire, IV, 10, 42. — Ce devoir de conscience est marqué encore dans l'expression officielle fréquente : Uti eis a republica fideve sua esse videbitur, Lex Agraria, Corpus inscriptionum latinarum, t. I, nû 200, § 55 ; ibidem, n° 205. Cf. sénatus-consulte cité par Suétone, De rhetoribus, 1.

[57] Par suite, fides désigne l'exactitude à remplir les devoirs résultant de cet engagement de la conscience : Fides, id est dictorum conventorumque constantia, Cicéron, De officiis, I, 7 ; Partitiones, 22. — Par une nouvelle dérivation, fides signifie la confiance qu'un homme inspire par suite de son exactitude à remplir cette sorte de devoirs ; et de là vient encore le sens de crédit entre commerçants, César, De bello civili, III, 1 ; Cicéron, De Lege Manilia, 7.

[58] Plaute, Ménechmes, IV, 2, 6 [Ritschl]. Sénèque, De benefieiis, VI, 34.

[59] Aulu-Gelle, XX, 1, 40. Wilmanns, 2850 ; Orelli, 3695.

[60] Térence : Me commendo tuæ fidei. Cicéron, Pro Roscio, 57. — Corpus inscriptionum latinarum, I, 552. — Aulu-Gelle, V, 13. — Lex Acilia : In cujus fide erit. — Cicéron, Pro Roscio, 55 ; Pro Plancio, 41.

[61] Suétone, César, 71.

[62] Inscription de l'an 12 avant notre ère, dans Orelli, 5695. — Inscription de 158 de notre ère, dans Henzen, 6113. — De même dans Wilmanns, n° 2830, 2831, 2849 ; dans Orelli, n° 3056, 3057, 3058 ; Henzen, n° 6415, 6416, 6418, etc. — Dans ces exemples, les deux actes sont réunis dans la même inscription ; quelquefois ils étaient gravés sur deux pierres différentes. Nous avons alors, d'une part, une inscription où la cité inscrit le décret par lequel elle demande que tel personnage daigne la recevoir dans sa clientèle (Orelli, 4036 ; Wilmanns, 2855, 2855, 2849, 2855), et de l'autre une inscription par laquelle le patron marque son acceptation (Wilmanns, 2852). — Pour le patronage des collegia, voir Wilmanns, n° 1880, 2114, 2130, 2230, 2255, 2855, 2861 ; Orelli, n° 194, 1079, 2404, 4112, etc., etc.

[63] Plaute, Ménechmes, IV, 2. De même, Horace, Odes, III, 5, 55-54 ; Épîtres, II, 1, 104. Ovide, Ars amatoria, III, 552.

[64] Cicéron, De divinatione, 21.

[65] Wilmanns, 2856. — Ibidem, 2852, 2860. — Aulu-Gelle, XX, 1, 40.

[66] Aulu-Gelle, V, 15, place les clients à côté des pupilles avant les cognati et les affines. Il ajoute cette phrase [qu'il emprunte à un discours de César, grand pontife] : Neque clientes sine magna infamia deseri possunt. — Je ne cite pas la Loi des Douze Tables (citée par Servius, VI, 609). La clientèle dont parle ici la Loi des Douze Tables était probablement l'ancienne clientèle religieuse et familiale. La clientèle dont nous nous occupons ne paraît pas avoir jamais été l'objet d'une disposition si sévère.

[67] De là l'expression : In fidem ditionenique, Tite Live, XXXVIII, 51. Cf. Juvénal, IX, 71.

[68] Cicéron, Pro Roscio Amerino, 37. — La même expression est répétée, Pro Murena, 34.

[69] Cf. Cicéron, De Officiis, II, 11.

[70] Cicéron, Pro Murena, 54.

[71] Orelli, 5056, 5057, 5058, 3003 ; Henzen, 6415 ; Wilmans, n° 1385.

[72] Orelli, n° 156 et 4036 ; Henzen, 6415.

[73] Il n'est inique pas prouvé que le lieu de clientèle engageât l'homme pour toute sa vie. Notez que le mot commendare impliquait une remise temporaire, avec faculté de reprendre.

[74] Horace, Odes, III, 1, 15.

[75] Sénèque, De beneficiis, VI, 34.

[76] Tacite, Annales, XVI, 52.

[77] Tacite, Histoires, 1, 4. A cette pars populi qu'il qualifie de integra, il oppose la tourbe, plebs sordida ; ainsi, dans sa pensée, la clientèle n'est pas le partage des derniers rangs du peuple, mais au contraire de ce qu'il y a de plus honnête dans le peuple.

[78] Juvénal, Satires, I, 99 et suivants.

[79] Fronton, Epistolæ, I, 9.

[80] Ulpien, au Digeste, IX, 5, 5, § 1. Paul mentionne aussi le client, Digeste, XLVII, 2, 90 (89).

[81] Orelli, n° 5061. Junius n'est pas un affranchi d'Acilius, car il ne porte pas son nom ; il est un client. — Henzen, 7085. — Orelli, 1175. — Catinat, Impôts indirects chez les Romains, p. 60. — Pline parle de cette habitude d'élever des monuments aux patrons, Hist. nat., XXXIV, 4 (9), 17.

[82] Tacite, Annales, VI, 9 (15). [Cf. l'article de M. Mommsen, dans le tome IV de l'Hermes, p. 127 et suiv.]

[83] Suétone, Tibère, 46.

[84] Pline, Hist. nat., XXXII1, 5 (12), 41. — Cet usage, introduit par Claude, fut aboli par Vespasien ; mais la distinction des amici en trois classes ne fut pas abolie.

[85] Suétone, Caligula. 19. — Galba, 7. — Dans une inscription du temps de Claude un personnage est qualifié ex cohorte amicorum (Corpus inscriptionum latinarum, V, 7165).

[86] Suétone, Vita Lucani.

[87] Spartien, Hadrianus, 8. — Cf. Suétone, Vespasien, 4 ; Tibère, 56.

[88] Tacite, Annales, VI, 9 (15). Suétone, Tibère, 56.

[89] Tacite, Histoires, II, 65.

[90] Suétone, Vespasien, 4. Idem, Néron, 5. Tacite, Annales, VI, 9 (15). Suétone, Tibère, 56.

[91] Corpus inscriptionum latinarum, V, 5050. -- X, 8058. — V, 5811. — Code Justinien, I, 18, 4, année 290. — Ulpien, au Digeste, XXXVII, 14, 17 ; rescrit de Mare-Aurèle.

[92] Suétone, Titus, 7.

[93] Lampride, Commode, 3.

[94] Julius Capitolinus, Maximini, 4-5. — Cela ne veut pas dire qu'il resta l'ami d'Héliogabale, car l'historien ajoute qu'il ne voulut plus le voir et qu'il alla vivre dans la retraite.

[95] Lampride, Alexandre, 20.

[96] Vita S. Ignatii, Acta Sanctorum, IV, p. 25 (c'est Trajan qui parle). Ibidem, p. 50. — Vita S. Marii, ibidem, janvier, II, p. 582 ; ibidem, p. 585. Vita S. Sebastiani, 55, ibidem, janvier II, p. 654. — Vita S. Juliana, ibidem, février, II, p. 875.

[97] Sur la persistance de ce titre au ive siècle, voir Julien, Panégyrique de Constance, c. 59 ; saint Grégoire de Nazianze, Oratio VII, In laudem Cæsarii ; il raconte que Césarius, son père, arrive à Constantinople, qu'il est nommé sénateur, qu'il devient premier médecin du palais et qu'alors il est mis au nombre des amis. (Patrologie grecque, t. XXXV, col. 763-768).

[98] Corpus inscriptionum latinarum, III, 1457. — II, 4121. — X, 408. — VI, 1704. — X, 5752.

[99] Corpus inscriptionum latinarum, X, 5061. Le titre de comes est passé en grec.

[100] Comes ordinis primi, Corpus inscriptionum latinarum, X, 1695, 1696, 1700, 3846 ; Orelli, 5161, 3191 ; Henzen, 6473, 6916 ; Orelli, 3185 ; idem, 1187, etc.

[101] Orelli, 3184, 3672.

[102] Code Théodosien, XIII, 5, 17. [Voir du reste pour toute cette question les excellents commentaires de Godefroi.]

[103] Code Théodosien, XIII, 5, 17-19 ; VI, 13, 1 ; XII, 1, 75, etc. Lydus, De magistratibus, p. 106. Code Justinien, II, 7, 20.

[104] Tacite, Histoires, II, 65. — Macer, au Digeste, XLIX, 16, 13, § 5. — Lampride, Alexandre, 15. — Ammien, XVI, 6, 1. — Sulpice Sévère, Vita S. Martini, II, 6. — Ausone, Lettres, 17, Ad Symmachum. — Concile de Sardique, année 547, c. 8, Mansi, III, 25. — Lettre de Théodoric, dans Cassiodore, Variarum, I, 8. — Cf. encore saint Augustin, lettre 88 (Migne, t. II, col. 304). Ibidem, col. 306.

[105] Exemple, ce Julius Planta que Claude envoie pour régler une difficulté en province, Corpus inscriptionum latinarum, V, 5050. voir aussi Tacite, Annales, XI, 51. L'un des amici, Turranius, était præfectus rei frumentariæ. Un autre, Lusius Geta, était préfet du prétoire. Un amicus de Vespasien est en même temps procurateur, Corpus inscriptionum latinarum, X, 8058.

[106] Cela ressort du passage de Spartien, Hadrianus, 18. L'innovation que Spartien attribue à Hadrien est d'avoir appelé des jurisconsultes ; donc les prédécesseurs avaient plutôt dans leur consilium les amici et les comites.

[107] Julius Capitolinus, Pius, 6.

[108] C'est ce que dit Jules Capitolin sous forme de reproche (Julius Capitolinus, Marcus, 29).

[109] Julius Capitolinus, Marcus, 22 : Semper cum optimatibus non solum bellicas res sed etiam civiles, priusquam faceret aliquid, contulit. Denique sententia illius prœcipua semper hæc fuit : Ægnius est ut ego tot talium amicorum consilium sequar quam ut tot tales amici meam unius voluntatem sequantur. — Remarquez dans cette phrase la synonymie des deux mots optimates et amici désignant les mêmes hommes.

[110] [Voir la Notitia dignitatum et la Monarchie franque.]

[111] Ammien, XXVIII, 4, 6 et suivants. — De même, Sidoine, Epistolæ, I, 6, parle de deux sénateurs qui ne sortaient jamais de leur maison sans qu'une foule de clients se pressât derrière eux.

[112] Olympiodore, Fragments, 44, édit. Didot, p. 67.

[113] Ammien, XXVII, 11, 1. — Cf. Ausone, Gratiarum actio, VIII, 36.

[114] Ammien, XXVII, 11, 4.

[115] Ammien, ibidem, 3. — Sur l'histoire de ce personnage, voir encore Ammien, XXVIII, 1, 31 ; XXIX, 6, 9 ; XXX, 3, 1 ; XXX, 5, 4. Cf. Tillemont, Histoire des empereurs, t. V, p. 42. Une lettre d'Ausone lui est adressée.

[116] Henzen, 6418 ; Wilmanns, 1254. L'inscription est de 578.

[117] Peculiares ejus patrono. — Peculiares est un des termes que l'on employait à cette époque à la place du mot clientes qui ne semblait plus assez énergique.

[118] Ammien, XXVIII, 1, 10.

[119] Sermones, 150, Migne, t. V, col. 728.

[120] Servius, Énéide, VI, 609.

[121] Code Théodosien, XI, 24, 1. XI, 24, 3. — XI, 24, 4.

[122] Comme Sidoine Apollinaire, qui l'emploie quatre fois, Epistolæ, III, 4 ; I, 9 ; IV, 24 ; VII, 2. Il est aussi dans saint Augustin, Sermo, 130, édit. de la Patrologie, V, 728.

[123] Symmaque, Lettres, V, 41 ; saint Augustin, Lettres, 54 ; Pantin, Epistola ad Alethium ; Césaire d'Arles, 5e sermon ; Salvien, De gubernatione Dei, V, 8, § 40, édit. Halm, p. 62 ; Jordanès, De rebus Geticis, 60 ; Ennodius, Epistolæ, 5, 4, p. 75 de l'édit. Hartel ; 3, 20, etc.

[124] Zosime, V, 2.

[125] Zosime, V, 2. — Je suis frappé de ce mot μετενεγκών ; l'historien n'emploie ni le mot qui signifie donner, ni celui qui signifie vendre. S'agit-il d'un mode particulier de transfert ? d'un mode spécialement usité par le propriétaire qui transfère son titre à un patron en gardant la jouissance ?

[126] Loi de 293 au Code Justinien, II, 13, 1.

[127] Ammien, XXVII, 11, 3 et 4.

[128] Loi de 422 au Code Théodosien, II, 13.

[129] Loi de 400 au Code Théodosien, II, 14, 1. Voir l'Interpretatio.

[130] Libanius, Περί τών προστασιών, édit. Reiske, t. II, p. 501 et suivantes. Libanius, qui parle dans un procès particulier, ne mentionne que le patronage de soldats ; il va sans dire que les fonctionnaires civils faisaient la même chose que les chefs militaires ; cela ressort, au besoin, du Code Théodosien, XI, 24, 4. Libanius ajoute que cette clientèle se payait par une part des produits du sol.

[131] Il ajoute, d'autre part, que beaucoup de colons se donnaient à un protecteur pour se dispenser de payer les redevances à leur propriétaire. Ibidem, pages 507-525.

[132] Loi de 570, au Code Théodosien, XI, 24, 2.

[133] Loi de 370, au Code Théodosien, XI, 24, 2. — Ibidem, loi 5.

[134] Loi de 370, au Code Théodosien, XI, 24, 2, loi 2. — Ibidem, loi 4.

[135] A cet ordre de faits se rattache probablement ce que la loi dit des curiales : Ad potentium domus confugiunt, loi de 362 au Code Théodosien, XII, 1, 50.

[136] Loi de 595 au Code Théodosien, XI, 24, 5. — Loi de 599, ibidem, 4. — Cf. Libanius, Περί τών προστασιών, page 504. Ii est fait allusion aux mêmes pratiques dans une novelle de Majorien, VII, édit. Hænel, p. 515.

[137] Salvien, De gubernatione Dei, V, 8, § 58, Halm, p. 62.

[138] Salvien, De gubernatione Dei, V, 8, § 59.

[139] Saint Augustin, Cité de Dieu, II, 20.

[140] Symmaque, Epistolæ, IX, 11.

[141] Symmaque, Epistolæ, III, 76.

[142] Symmaque, Epistolæ, II, 70 ; V, 82 ; VII, 45 ; VII, 48 ; IX, 18.

[143] Symmaque, Epistolæ, II, 71 ; V, 56 ; IX, 57. Quelquefois il dit : Homines mei, V, 96 ; VI, 12 ; VI, 46 ; V, 87 ; V, 56.

[144] Symmaque, Epistolæ, IV, 58 ; V, 83 ; IX, 12. Une fois il les appelle fidèles, IX, 20. — Quelquefois il désigne les mêmes hommes par le mot cultores, IX, 57 ; V, 50 ; V, 81.

[145] Par exemple, Gaudentius, qui est generis senatorii, VII, 45 ; Asellus, qui in urbanis castris militiæ stipendia confecit, IX, 57 ; un autre qui fungitur mitilia in scriniis litterarum, VII, 124 ; et Diarius qui est un professeur de médecine et qui pourtant demande patrocinio tradi, III, 57.

[146] Voir par exemple cette lettre de commendatio par laquelle il veut faire passer Zénodore de sa maison dans celle de Vincentius ; Lettres, IX, 9 ; IX, 57 ; I, 93 ; II, 74 ; III, 57. — Quand même plusieurs de ces expressions seraient employées au sens métaphorique, elles n'en indiquent pas moins un ensemble d'habitudes.

[147] Sidoine, Lettres, IV, 24 : Pueri clientesque.

[148] Voir, par exemple, Amantius qui se fait client du comte de Marseille, Lettres, VII, 2. — Cf. III, 4 et IV, 8. — Cf. Vita S. Fulgentii a discipulo scripta, c. 3, Acta Sanctorum, janvier, I, 33.