L'ALLEU ET LE DOMAINE RURAL PENDANT L'ÉPOQUE MÉROVINGIENNE

 

CHAPITRE XIII. — DIVISION DU DOMAINE EN DEUX PARTS : LE DOMINICUM, LES MANSES.

 

 

De ce que nous avons vu jusqu'ici, il ressort que le propriétaire du sol était en même temps un propriétaire d'hommes. Il possédait des esclaves, il possédait aussi des affranchis. Le domaine était vaste ; il ne pouvait le cultiver lui-même. Il faisait donc cultiver sa terre par ses hommes. Voilà le fait général qui domine tout le moyen âge.

Mais il y a plusieurs manières de faire travailler ses hommes sur sa terre. On peut les faire travailler collectivement, toujours ensemble, labourant en commun, moissonnant en commun. Un autre procédé est de distribuer à chacun d'eux chaque année un lot qu'il cultivera seul à ses risques et périls et dont il payera au maître une partie du produit. Un troisième procédé est de leur distribuer les lots de terre une fois pour toutes, afin que chacun d'eux ait le même champ toute sa vie et même héréditairement. Ces trois procédés produisent des conséquences fort différentes pour l'existence de la population rurale. Suivant que l'un ou l'autre prévaut, cette population se forme ses habitudes, sa vie matérielle et morale, et à la longue sa condition sociale sera fort différente, ses progrès dans la liberté et le bien-être fort inégaux. Il est donc important d'observer, au début du moyen âge, quel est celui des trois procédés qui a prévalu en Gaule.

Nous avons vu plus haut que, dans les siècles qui précédèrent les invasions germaniques, la Gaule avait adopté les habitudes romaines. Les domaines ruraux y étaient constitués comme dans le reste de l'empire. Or les habitudes romaines en matière de culture avaient passé par deux phases bien distinctes. Au temps de Caton et de Columelle, le domaine avait été cultivé par le groupe d'esclaves travaillant en commun au seul profit du maître ; mais, sous l'empire, des pratiques nouvelles s'étaient introduites peu à peu. Souvent le propriétaire donnait à un esclave un petit lot à cultiver séparément ; il faisait la même chose, et plus souvent, pour ses affranchis ; plus souvent encore il distribuait sa terre entre des colons. Ainsi le travail en groupe, sans disparaître tout à fait, perdait peu à peu du terrain, et la tenure individuelle se substituait insensiblement à la culture collective et impersonnelle.

Ce mouvement se continua après les invasions. Les Germains n'étaient pas pour l'arrêter ; eux-mêmes dans leur propre pays étaient habitués à ce mode d'exploitation du sol. Tacite avait remarqué que chez eux l'esclave rural avait son domicile propre, et qu'il avait aussi un lot de terre qu'il cultivait à ses risques et profils, à charge de remettre au propriétaire une partie des produits[1]. Ainsi, d'une part le mouvement naturel de la société romaine vers ce genre de culture, d'autre part la prédilection des Germains pour les mêmes pratiques, voilà les deux causes qui ont fait qu'à l'époque mérovingienne l'usage de la tenure individuelle a prévalu.

Une habitude que nous avons déjà aperçue dans la société romaine était que le propriétaire se réservât une partie de son domaine pour son habitation et pour son agrément ; et il la faisait exploiter lui-même par un villicus et quelques esclaves ; il divisait le reste du domaine en parcelles ou lots sur chacun desquels il plaçait soit un petit fermier, soit un esclave, un affranchi ou un colon. Cette même division du domaine en deux grandes parts se retrouve à l'époque mérovingienne. Le propriétaire se réserve la maison principale, et autour d'elle une certaine étendue de terres en parcs, jardins, champs, vignes, prés et forêts. C'est ce que les textes appellent le dominicum, la terra dominicata ou terra indominicata, c'est-à-dire la terre réservée au maître[2]. Il partage le reste en petits lots, qu'il distribue à ses hommes ; ce sont autant de tenures.

Cette division du domaine en deux parts devient d'un usage général. Elle est bien marquée dans les chartes, les formules et les polyptyques. Nous voyons, par exemple, un fiancé donner à sa fiancée, dans une villa, l'habitation du maître, mansum indominicatum, avec les terres, vignes et bois qui y sont attachés[3]. Un autre, dans le pays de Chartres, donne à sa fiancée un manse dominical avec quatre manses serviles ou dépendants[4]. Ailleurs, un donateur distingue dans sa villa Herinstein le manse de maître et les soixante-dix manses qui en dépendent[5]. Une femme fait donation spéciale, dans la villa Cucenniacus, de sa maison de maître, casa indominicata, et elle y ajoute des vignes, vineas indominicatas[6]. Huntbert donne de même des maisons de maître, avec les terres et esclaves qui y sont attachés[7]. Un autre donne dans sa villa Nugaretum le manse de maître avec toutes ses dépendances[8] ; un autre encore, dans sa villa Aziriacus, donne six lots de colons et le manse de maître[9]. Hartwig a échangé une maison de maître et quatre manses serviles contre une autre maison de maître de laquelle six tenures serviles dépendent[10]. Les polyptyques surtout sont, très nets sur cette division en deux parts. Prenez, par exemple, le modèle qui paraît avoir été donné par Charlemagne pour la confection de ces registres, et vous voyez qu'on doit écrire d'abord la casa indominicata avec l'indication des terres qui s'y rattachent, puis le nombre des manses qui sont aux mains des tenanciers[11]. Dans le polyptyque de Saint-Germain-des-Prés, chaque domaine se présente d'abord avec la description et l'étendue du manse dominical ; puis vient rémunération des manses des tenanciers[12]. Il en est de même dans les polyptyques de Saint-Remi, de Sithiu, de Saint-Maur. Dans les chartes du Nord et de l'Est, la même distinction est faite en des termes différents : la maison du maître avec ses dépendances est désignée par le mot sala, et les tenures par le mot casatæ[13].

Il est difficile déjuger quelle était la proportion entre la part du maître et la part qu'il confiait à ses hommes. Visiblement, il n'y avait aucune règle générale sur ce point. Chaque propriétaire à l'origine avait fait ce partage comme il avait voulu. Nous avons des chiffres pour un petit nombre de domaines. Voici un exemple du sixième siècle : Vers 550, dans le diocèse d'Auxerre, un nommé Eleuthérius possède le domaine de Vitriacus. Dans ce domaine il y a une part qui est son dominicum cette part comprend, outre les constructions et la cour, environ 120 hectares de terres labourées, 53 arpents de vignes, 52 arpents de pré, et une forêt. Le reste du domaine est distribué entre des colons, dont nous ignorons le nombre[14]. Le polyptyque de Saint-Germain, rédigé au commencement du neuvième siècle, décrit un état de choses qui certainement est plus ancien. Nous y voyons, par exemple, que le domaine de Verrières, à quinze kilomètres de Paris, comprend : 1° pour le manse domanial, 257 bonniers de terre en labour, c'est-à-dire à peu près 300 hectares, 95 arpents de vigne, 60 arpents de pré, et une grande forêt ; 2° pour les tenures, 280 bonniers de terre en labour, 200 arpents de vigne, 117 arpents de pré[15]. Le domaine de Villeneuve-Saint-Georges a un dominicum de 172 bonniers de terres labourables, 91 arpents de vignes, 166 arpents de pré, et une grande forêt ; il a en tenure 375 bonniers de terres labourables, 255 arpents de vigne et 340 arpents de pré[16].

Nous avons dit que les villæ royales étaient organisées comme celles des particuliers. Au sixième siècle, la villa Palaiseau appartenait au roi. Elle avait un dominicum composé de 287 bonniers en labour, de 127 arpents de vigne, de 100 arpents de pré et d'une forêt dont la circonférence était d'une lieue ; elle avait en tenure 490 bonniers de champs, 178 arpents de vignes et 160 arpents de pré. L'abbaye de Saint-Germain, en acquérant Palaiseau, ne paraît avoir rien changé à cette disposition[17].

Voici, dans une autre région, le domaine ou la villa de Bouconville. Le dominicum renferme environ 135 hectares de champs, une vigne cultivée par dix-huit vignerons, 4 grandes prairies, une petite forêt, un moulin ; l'étendue de la terre en tenure n'est pas indiquée, mais nous savons qu'il y avait 54 tenanciers pour la cultiver[18]. Si l'on se rapproche de la frontière du nord, les domaines sont généralement plus petits ; mais la distribution en est la même. La villa Businiaca contient un dominicum d'environ 25 hectares seulement, avec un potager, un parc, une chapelle et un moulin ; la terre en tenure est distribuée en 19 parts, ce qui fait supposer une étendue de 100 à 150 hectares. La villa Madria a un dominicum un peu plus étendu ; mais la part en tenure paraît fort réduite, puisqu'elle n'est occupée que par six tenanciers[19].

Aucune loi ni aucune convention écrite n'interdisaient au propriétaire de modifier la proportion entre sa part et la part de ses hommes. Mais nous ne trouvons pas d'exemples de pareilles modifications. Nous pouvons croire qu'elles étaient rares et exceptionnelles. La distribution du domaine en deux parts était faite pour toujours[20].

La terre en tenure ne formait pas une masse compacte qui fût cultivée en commun par tous les propriétaires. Non que l'on puisse affirmer que le cas ne se soit jamais présenté ; au moins n'en trouve-t-on aucun exemple. Ce que l'on voit toujours, c'est que cette partie du domaine était distribuée en lots indépendants les uns des autres et sur chacun desquels vivait et travaillait un petit tenancier.

Ces lots sont ordinairement désignés dans la langue du temps par le mot mansus[21]. Ce terme de manse se retrouvera durant tout le moyen âge. Il est même resté jusqu'à nos jours dans la langue de quelques provinces sous la forme mas ou mex. Il vient visiblement de la langue que la Gaule parlait au temps de l'empire. Il a son origine dans le verbe latin maneo[22] et a ainsi la même étymologie que le mot manant. Le manant est l'homme qui habite ; le manse est l'habitation.

Au sens propre, mansus — quelquefois mansio — ne désigne que la maison. Aussi peut-il se dire d'une maison de ville, et l'on en a des exemples[23]. Le plus souvent, nous le trouvons appliqué à une demeure rurale, et alors il se dit aussi bien de la maison du maître[24] que de la maison d'un esclave. Mais, de même que le mot villa, qui ne signifiait originairement qu'une maison, s'appliqua insensiblement au domaine entier, de même l'usage s'établit de désigner par le mot manse à la fois la maison et toute l'étendue de terres qui s'y rattachait. Nous avons vu que l'on appelait mansus dominicus toute la part du maître ; on appela aussi mansus servilis tout le lot d'un esclave en maison et en terres, et l'usage vint même d'appliquer le mot mansus plutôt aux terres qu'à la maison[25].

L'unité de propriété était la villa ; l'unité de tenure était le manse[26].

Le manse en tenure était, sauf de rares exceptions, de peu d'étendue. Les 490 bonniers de terres labourables du domaine de Palaiseau étaient répartis en 117 manses, ce qui faisait une moyenne d'environ 4 bonniers par manse, c'est-à-dire de 5 hectares. Les 257 bonniers en tenure du domaine de Morsang sont distribués en 46 manses, ce qui fait une moyenne de 6 hectares pour chacun d'eux[27]. A Verrières, la moyenne ne dépasse pas 4 hectares. Mais nous voyons ailleurs beaucoup de manses qui comptent 10, 12, 15 et jusqu'à 30 hectares.

L'étendue de chaque manse n'était déterminée par aucune règle, par aucun usage. Elle dépendait uniquement de la volonté du propriétaire qui avait fait les lots et les avait concédés à ses hommes[28]. Aussi étaient-ils fort inégaux, même dans l'intérieur d'un domaine. A Verrières, le colon Godalric ne tient que 1 bonnier et demi, tandis que le colon Theudold en a 6[29]. Ailleurs on voit des manses de 1 ou 2 bonniers, à côté d'autres qui en ont 12, 16, et parfois davantage[30]. La plupart du temps, le propriétaire avait fait des lots inégaux, par cette raison que ses hommes étaient de rang inégal : esclaves, affranchis, ou colons. S'il visait à établir quelque égalité, il la cherchait plutôt dans la valeur et le produit des lots que dans leur étendue. Nous pouvons admettre en général qu'un manse était une quantité de terre suffisante pour nourrir une famille après les redevances payées.

Le manse pouvait contenir plusieurs sortes déterres : champs en labour, prés, vignes. Dans les villas de l'abbaye de Saint-Germain, chaque tenancier a ordinairement les trois cultures[31]. Il paraît bien qu'à l'origine la plupart des propriétaires avaient trouvé naturel et avantageux que le tenancier eût à la fois ces trois sortes de terre, afin qu'il pût suffire à tous ses besoins.

Il est visible d'après cela que le manse ne formait presque jamais un tout compact. La vigne ne se trouvait guère à côté de la terre arable. Il est même douteux que la terre arable fût pour chacun d'un seul tenant. Il y a eu quelques pays en Europe où un usage à peu près constant voulait que chaque tenancier eût trois champs, en bonne, médiocre et mauvaise terre. Nous ne constatons pas avec certitude que cet usage ait existé en Gaule[32]. Si nous regardons les pays germaniques, il est curieux d'observer que cette constitution essentielle du domaine, partagé entre un dominicum et des tenures, s'y retrouve aussi vivace que dans le centre de la Gaule[33].

Les noms seuls sont quelquefois changés ; l'expression manse dominical est souvent remplacée par le terme sala ou terra salica ; le terme de manse servile est souvent remplacé par le mot hof, qui sous sa forme latine devient hoba ou huba[34] ; mais la distinction entre les deux catégories de terres est toujours bien marquée. C'est ainsi qu'en Alsace Helpoald distingue dans sa villa Cazfeld les hobæ et la terra indominicata[35]. Un autre donne, dans la villa Oteresheim, un curtile indominicatum et quatre hobæ d'esclaves[36]. De même, Albéric donne dans la villa Alldorf d'abord la terra salica avec toutes les terres et forêts qui en dépendent, puis un certain nombre de manses avec leurs esclaves[37]. La villa ou domaine de Rumersheim contient une terra indominicata et trente manses serviles. Même les chartes alamanniques distinguent dans chaque villa ou domaine une terra salica et des hobæ servorum[38]. La terra salica est incontestablement la partie du domaine que le maître s'est réservée et qui comprend des champs, des prés, des vignes, des forêts. Les hobæ sont, en général, des manses d'esclaves ou de lites[39]. Elles contiennent quelques champs, des prés, une vigne[40].

Elles sont occupées et cultivées par des serfs ou des lites, et elles ont pour propriétaire le maître du domaine, ou, si le domaine est partagé, le maître de chaque portion[41]. Ainsi les mêmes usages ruraux et les mêmes règles constitutives des domaines régnaient en Gaule, en Italie et dans une bonne partie de la Germanie.

On peut se demander si ce lotissement de la terre en tenure n'était pas temporaire. Il eût été possible qu'on établît comme règle qu'il serait renouvelé chaque année ou par périodes de quelques années, et qu'il serait refait soit par le propriétaire, soit par les tenanciers entre eux. Plusieurs érudits pensent qu'il en fut ainsi dans quelques contrées de l'Europe. Mais rien de pareil ne se voit en Gaule. S'il y eut ici ou là quelque domaine où la culture s'opéra par une rotation périodique des lots, aucun document d'âge mérovingien ne signale ce fait, qui ne serait qu'une exception. Il est bien vrai que le propriétaire avait en droit strict le pouvoir de modifier et même de refaire le lotissement primitif, mais nous ne voyons pas qu'il le refasse. Le terme même dont on appelait chaque lot, c'est-à-dire le mot manse, de maneo, être à demeure, porte avec lui l'idée de permanence.

Lorsque l'abbé de Saint-Germain fit écrire le registre des terres de l'abbaye, il ne fit pas un lotissement nouveau ; tout au contraire il confirma et consacra le lotissement ancien. Les tenanciers de chaque domaine furent appelés et ils affirmèrent avec serment quelle était l'étendue de chacun de leurs manses. Cela implique l'habitude et la règle de respecter le partage primitif[42].

On peut remarquer dans les documents du neuvième siècle que plusieurs tenanciers occupent des demi-manses, des tiers ou des quarts de manse[43], comme d'autres occupent un manse et demi ou deux manses[44]. Quelquefois un homme tient deux demi-manses, c'est-à-dire une moitié dans deux manses différents[45]. D'où vient cela ? S'il y avait eu partage périodique ou si l'on avait refait le lotissement à chaque génération, chacun aurait, ce semble, exactement son lot, c'est-à-dire son manse. Il n'en a pas été ainsi. Tel tenancier a laissé deux fils, et le lot s'est trouvé partagé en deux ; tel autre en a laissé trois, et le lot s'est partagé en trois. Ou bien encore, les deux ou trois enfants occupent en commun le même manse en le laissant indivis. D'autre part, une série de décès a pu faire qu'un homme fût héritier de deux familles, et il occupe alors deux manses. Quand nous étudierons les redevances, nous constaterons que toutes ces opérations étaient indifférentes au propriétaire. Pour lui, chaque manse primitif reste invariable ; si on l'a partagé en deux, on a fait deux moitiés de manse, on n'a pas fait deux manses, et il ne gagne ni ne perd à cette légère modification.

Il pouvait arriver qu'un manse créé à l'origine pour un tenancier devînt vacant par l'extinction de la famille de ce tenancier ; si on ne trouvait pas un tenancier nouveau, le manse restait vacant. Les registres distinguent toujours les manses occupés, vestiti, et les manses vacants, absi. Ajoutons que, même lorsqu'il se trouvait sur un domaine beaucoup de manses vacants, fût-ce dans la proportion d'un quart ou d'un tiers, on ne recommençait pas pour cela le lotissement.

En résumé, le caractère essentiel du manse en Gaule est d'être permanent ; il est occupé par un même homme toute sa vie, par une famille de serfs ou de colons à travers toutes ses générations. La tenure est personnelle et héréditaire. De là vient que les paysans d'un même domaine ne formeront pas une communauté solidaire, ou du moins cela ne se produira que fort tard. Mais de là vient aussi que chaque famille aura sa vie assurée, sa terre à soi, ses intérêts, son individualité, son indépendance vis-à-vis des autres et vis-à-vis du maître lui-même.

 

 

 



[1] Tacite, Germanie, 25.

[2] Voyez dans le Polyptyque de Saint-Germain : Casa dominica, XVII, 1 ; Cultura dominicata, XI, 1 ; Çultura dominica, XXV, 5 ; Curtis dominica, XI, 2, XIII, 1, et XXV, 5 ; Vinea dominica, VI, 5 ; VI, 55 ; Hortus dominicus, VI, 51 ; Terra deminicata, V, 1 ; XXI, 1 ; Mansus dominicatus, VII, 1 ; VIII, 1, etc. Il peut paraître singulier que les mots dominicatus et indominicatus soient synonymes. Ils le sont exactement et sans nul doute possible. Cela ressort de tous les textes ; citons seulement le Polyptyque de Saint-Germain, où l'on trouve au § 1 de chaque chapitre un manse dominical bien décrit et qui est appelé tantôt mansus dominicatus (II, 1 ; III, 1 ; Vil, 1 ; VIII, 1 ; X, 1 ; XVI, 1), et tantôt mansus indominicatus (IX, 1 ; IX, 158 ; IX, 278 ; XI, 1 ; XII, 2)., On y trouve également Terra dominicata, V, 1, et Terra indominicata, IX, 4.

[3] Formules, Rozière, n° 225.

[4] Formules, Rozière, n° 251 : Mansum juris mei indominicatum cum quatuor mansis servilibus seu aspicientibus.

[5] Formules, Rozière, n° 140.

[6] Diplomata, n° 177.

[7] Diplomata, n° 385.

[8] Diplomata, n° 414.

[9] Chronique de saint Bénigne, édit. Bougaut, p. 101.

[10] Codex Wissemburgensis, n° 5.

[11] Appendice au Polyptyque d'Irminon, édit. Guérard, p. 299.

[12] Appendice au polyptyque d'Irminon, p. 297-298.

[13] Diplomata, n° 476 : Casatas quinque cum sala et curticle meo. — N° 485 : Casatas sex cum sala. — La sala avait ordinairement sa domesticité particulière : Vassi et puellai de sala. (Codex Wissemburgensis, 17).

[14] Ce fait ancien est relaté dans un chapitre du Polyptyque de Saint-Germain-des-Prés (X, 1), sur l'antiquité duquel M. Longnon a énoncé dans son édition récente (1886, p. 155, n. 1), des doutes très fortement motivés.

[15] Polyptyque de Saint-Germain, ch. V

[16] Polyptyque de Saint-Germain, ch. XV.

[17] Polyptyque de Saint-Germain, ch. II.

[18] Polyptyque de Saint-Remi, XIX, p. 65-65. Voyez de même les vingt-trois autres domaines de ce polyptyque.

[19] Fragment du Polyptyque de l'abbaye de Saint-Amand, à la suite des Prolégomènes du Polyptique d'Irminon, p. 925-926. — Voyez aussi quelques chartes dans Pardessus, n° 451, 461, 464.

[20] On trouve assez souvent de petites villæ qui n'ont pas de dominicum ; c'est qu'elles se rattachent à une plus grande, qu'elles en dépendent et ne font qu'un tout avec elles. Voyez, par exemple, la fin du chapitre IX du Polyptyque d'Irminon.

[21] Diplomata, n° 49 : Quidquid in bonis habeo, sive agris, pratis, vineis, mansis. — N° 165 : Fiscum cum mansis. — N° 557 : Mansis, vineis, silvis. — N° 575 : Villa, hoc est mansis, confiniis, domibus, campis. — Beaucoup d'autres exemples dans les chartes et dans les polyptyques.

[22] Formulæ Arvernenses, 1 : In villa illa, manso nostro ubi visi sumus manere.

[23] Diplomata, n° 550, t. II, p. 155 : Eum mansum qui est infra muros civitatis Laudunensis. On sait que dans cette langue infra a le sens de intra. — Flodoard, Hist. rem. eccl., II, 10 : Mansos quatuor infra civitatem remensem.

[24] Polyptyque de Saint-Germain, XXII, 1 ; XXIV, 1 : Mansum dominicatum bene constructum.

[25] De là l'expression qui revient sans cesse dans le Polyptyque de Saint-Germain : Tenet mansum habeniem bunuaria tot de terra arabili.

[26] De même que nous avons vu la villa quelquefois divisée en portiones, de même nous trouvons des manses qui sont partagés ; mais le cas est relativement assez rare. — Dans quelques documents, le manse est appelé du nom de factus : Factus ille ubi servus Marelomus mansisse visus est (charte de 651, Diplomata, n° 255). — Factos, id est mansos (Polyptyque de Saint-Maur, à la suite de celui de Saint-Germain, édit. Guérard, p. 285) — Quartam facti tenet (Capitularia, édit. Borétius, p. 81).

[27] Polyptyque de Saint-Germain, ch. XVII.

[28] Guérard suppose une règle imposée par la coutume de chaque pays, et il parle de contenance réglementaire (Prolégomènes, p. 595-594) ; c'est une hypothèse qu'il ne faudrait pas pousser trop loin ; on constate au contraire que dans beaucoup de domaines les lots no sont pas uniformes.

[29] Polyptyque de Saint-Germain, V, 5 et 18.

[30] On trouve des manses de 35 et 36 bonniers (Polyptyque de Saint-Germain, IX, 142 et 143 ; XVI, 22), et même un de 60 bonniers (IX, 78).

[31] De là la phrase qui revient sans cesse : Tenet mansum habentem de terra arabili bunuaria 6, de vinea aripennum, de prato 2 aripennos.

[32] On en trouve des exemples dans des cartulaires du dixième et du onzième siècle, et il est permis de supposer que ces faits remontent plus haut.

[33] Voyez, par exemple, le registre de Prum, n° 1 : In Rumersheim mansa servilia 30, terra indominicata. — N° 8 : In Sarendorf mansum indominicatum 1, mansa servilia 11. — Voyez aussi les n° 12, 32, 35, 43, etc.

[34] La hoba n'est pas toujours une tenure d'esclave. Proprement, la hoba est l'unité de culture, comme la villa est l'unité de propriété. Le mot peut donc se dire aussi de la terre du maître. De même que nous voyons quelquefois un dominicum qui contient plusieurs mansi, nous voyons aussi en pays germanique un dominicum contenir plusieurs hobæ. Codex Laureshamensis, 55 : Mansum indominicatum habentem hobæ 3. — N° 37 : Tres hobas in dominico. En traduisant hoba par tenure d'esclave, nous indiquons l'usage le plus fréquent.

[35] Codex Wissemburgensis, n° 5 : In villa Cazfeldas hobas 4, excepta terra indominicata. — : N° 1 : Dono hobas tres et mancipia super commanentia. — N° 58 : Liedulfi herba et ille ubi Muatharius manet. — N° 151 : Servum illum cum hoba sua.

[36] Codex Wissemburgensis, n° 19 : In villa quæ dicitur Oteresheim curtile unum indominicatum et hobas servorum quatuor. — Codex Laureshamensis, n° 15 : Dono hubas serviles 16, hubam et mansum indominicatum.

[37] Codex Wissemburgensis, n° 195 : Terram salicam cum dccimalione, domibus, ædificiis, pratis, pascuis, silvis, aquis aquarumque decursibus, mansis et mancipiis.

[38] Voyez, entre autres exemples, Neugart, n° 70, 195, 204, 471, 551, 629.

[39] Codex Wissemburgensis, 1 : Dono hobas tres et mancipia super commanentia... Dono Suinnonem (un serf) cum sua hoba. — N° 19 : Hobas servorum quatuor. — N° 56 : Quod ipsi servi ad ipsas hobas tenent. — N° 58 : Liodulfi hoba. — N° 151 : Servum illum cum hoba sua. — Neugart, n° 20 : Trado in villa Liutfridingen Riholfum cum hoba sua et peculiare ejus. — N° 150 : Trado servum meum Otmund cum hoba sua in villa Pondorf. — Lacomblet, n° 9 : Dono in villa Ocanni hovam unam quam proserviunt liti mei. — Formulæ Sangallenses, 21, Zeumer, p. 407 : Hobam unam ubi servus ille habitat.

[40] Codex Wissemburgensis, n° 15 : Dono servum meum Wilgisum cum hoba sua, id est, terris, casis, campis, peculiis. — N° 1 : Hoba cum campis, vineis, silvis. — N° 19 : Hobas seplem, ex his duas vestitas, cum terris, pratis, pascuis, silvis. — Sangallensis, 21, Zeumer, p. 407 : Hobam... cum xdificiis, mancipiis, pascuis, silvis, aquis. — Codex Fuldensis, 120 : In villa Marchereshensem quidquid proprietalis habere vidcor, hoc est quatuor hobas in silvis, in campis, in pratis, in pascuis, in aquis, aquarumque decursibus, in molinariis, in xdificiis, in mancipiis. C'est un propriétaire qui parle ; il ne veut pas dire que l'esclave dans sa hoba possède tout cela ; l'esclave n'a pas la forêt, l'eau courante, le moulin. Mais ce propriétaire possède une portio d'un domaine, et cette portio comprend une part de tout : forêt, eaux courantes, moulins, esclaves.

[41] La hoba ne correspond pas toujours exactement avec le manse servile de la Gaule. On voit des hoba ; qui sont d'une grande étendue. Neugart en cite une (n° 557) qui est la propriété d'une femme et qui est cultivée par dix esclaves. — Dans Lacomblet, n° 9, une hoba est occupée par plusieurs lites. II n'y avait pas plus d'uniformité pour les hobæ germaniques que pour les manses gaulois. Une règle pourtant semble générale : c'est que le propriétaire de une, deux, quatre hobæ dans un domaine est propriétaire en même temps d'une part proportionnelle dans la forêt qui fait partie de ce même domaine (entre autres exemples, Zeuss, n° 4 ; Lacomblet, n° 6, 7, 20 ; Neugart, n° 461). C'est la règle que nous avons vue en Gaule pour les portiones.

[42] Voyez dans le Polyptyque de Saint-Germain, II, in fine : Isti juraverunt, etc. Cette formule est répétée à la fin de la plupart des chapitres. Cf. Polyptyque de Saint-Remi, IX, 19 ; XXVIII, 64.

[43] Polyptyque de Saint-Germain, I, 17 : Baldricus tenet dimidium mansum servilem ; III, 10 : Gyroardus tenet dimidium mansum ; II, 82 bis, 114 : Leodardus tenet quartam partem de manso. Et beaucoup d'autres exemples.

[44] Polyptyque de Saint-Germain, XXIV, 172.

[45] Polyptyque de Saint-Germain, II, 84.