LA MONARCHIE FRANQUE

 

CHAPITRE XIII. — LE POUVOIR JUDICIAIRE.

 

 

L'organisation judiciaire de la société mérovingienne doit être étudiée dans trois classes de documents, les lois, les écrits et les actes. Ces lois sont : la Loi salique, la Loi ripuaire, la Loi des Burgundes, la Loi romaine ; toutes les quatre, quelle que fût leur origine et la date de leur composition, ont été appliquées durant toute l'époque mérovingienne ; nous devons donc tenir compte de toutes les quatre. Il y faut ajouter quelques décrets ou capitulaires des rois francs qui ont été applicables à tout, le royaume. Les écrits sont ceux de Grégoire de Tours, de Frédégaire et de toute la série des hagiographes. Les actes comprennent d'une part quelques procès-verbaux de jugements qui nous sont parvenus en original, d'autre part une cinquantaine de formules qui ont été employées dans des milliers d'actes judiciaires de toute nature.

Dans les lois nous voyons les règles abstraites suivant lesquelles la justice était rendue. Dans les récits des écrivains nous trouvons, non plus les règles abstraites, mais les faits concrets et réels ; nous avons des descriptions de procès, de jugements, de condamnations. Dans les procès-verbaux de jugement et dans les formules nous constatons les usages de la procédure et la composition des tribunaux.

Ces trois classes de documents se complètent et s'expliquent. Celui qui n'étudie que l'une d'elles ou qui donne à l'une d'elles une importance disproportionnée, se fait une idée non seulement incomplète, mais fausse de la justice mérovingienne. Il faut que notre étude embrasse tous ces documents à la fois. C'est de la diversité et de la complexité des détails que la vérité se dégagera.

 

1° A QUI APPARTIENT LE DROIT DE JUGER ?

 

La première question qui se pose est de savoir à qui appartenait l'autorité judiciaire. Etait-ce au peuple ? Etait-ce au roi ?

De ces deux opinions, la première est celle qui règne dans l'érudition depuis cinquante ans. On professe que chez les Francs c'était le peuple lui-même qui, en vertu de son droit propre, jugeait les procès et les crimes. Il procédait, dit-on, à ces jugements dans une série de petites assemblées locales, assemblées de canton ou de centaine, où tous les hommes libres participaient aux jugements : vastes jurys populaires que la liberté germaine aurait implantés sur notre sol[1]. Cette opinion est chère à beaucoup d'esprits. Non seulement elle s'accorde bien avec toute la doctrine germaniste, mais encore elle plaît aux esprits libéraux et généreux qui souhaiteraient de trouver la liberté et la démocratie dans les origines de la France. Nous n'avons à faire ici que de la science. Il nous faut regarder, non pas si cette théorie est belle et attrayante, mais si elle est d'accord avec les documents[2].

Cherchons d'abord dans la Loi salique ; nous n'y trouverons pas une seule ligne où il soit dit que la justice est rendue par le peuple. Le mot peuple ne s'y trouve même pas[3]. Elle ne parle pas davantage d'assemblées de centaine ; le mot même de centaine n'y est pas. Elle parle du comte ou grafio, du tunginus ou centenier[4]. Elle montre que le grafio est un fonctionnaire royal ; elle ne dit pas ce qu'est le tunginus. L'un et l'autre sont représentés dans la loi comme ceux à qui les plaideurs s'adressent et par qui ils sont jugés. Elle parle en même temps de rachimbourgs qui prennent une grande part au jugement, qui prononcent des décisions, judicant ; mais du peuple ou de la centaine elle ne dit pas un mot.

La Loi ripuaire, de même, ne mentionne jamais ni un peuple ni une assemblée de centaine[5]. Pas un mot ni de l'un ni de l'autre dans la Loi des Burgundes. Pas un mot non plus dans la lex Romana telle qu'elle fut rédigée et appliquée durant cette époque. Les édits des rois francs ne parlent pas non plus du peuple, ne contiennent aucune allusion à une justice populaire ; et si l'un de ces édits contient le mot centena, il n'y est nullement dit que cette centaine exerce une autorité judiciaire.

La lecture des écrivains contemporains conduit au même résultat négatif. Parmi tant de récits de procès et de jugements, il n'y a pas une phrase où il soit dit que l'arrêt émane du peuple. L'auteur nous montre quelquefois qu'un nombreux public assiste au jugement, mais il ajoute que ce public ne juge pas. Enfin les procès-verbaux de jugement, les formules d'actes judiciaires ne prononcent jamais ni le mot peuple ni le mot centaine ; et tout en signalant que les juges du tribunal sont assez nombreux, ils marquent bien qu'ils sont tout l'opposé d'une assemblée populaire.

D'où vient donc que, sans trouver une seule ligne parmi tant de documents, quelques érudits aient été amenés à croire à une justice populaire ? Si l'on cherche à se rendre compte des origines de leur opinion d'après la manière même dont ils la soutiennent, on voit qu'elle a été inspirée à leur esprit par la rencontre de deux mots dans les textes, à savoir le mot mallus et le mot rachimburgi. Ces termes nouveaux et d'aspect un peu étrange les ont d'abord frappés. Ils auraient dû en chercher le vrai sens par le long examen de tous les textes où ils se trouvent. Au lieu de cela, ils leur ont tout de suite attribué le sens qui était le plus conforme aux opinions subjectives de leur esprit. Ils avaient dans l'esprit l'idée d'une justice populaire : il leur parut tout de suite que ces deux mots inconnus devaient être l'expression de cette idée. Ils se hâtèrent d'interpréter mallus comme s'il désignait l'assemblée de tout le peuple d'un canton, et rachimburgi comme si le mot signifiait tous les hommes de ce canton. Dès lors, la seule existence de ces deux termes, sans nulle autre explication, leur parut une preuve suffisante de l'existence d'une justice populaire. Il fallut que le peuple jugeât, pour cette seule raison que l'on rencontrait le mot mallus et le mot rachimbourg. Il n'était besoin, leur semblail-il, d'aucune autre démonstration. Cependant, avant de tirer de l'existence de deux mots dans la langue une conclusion si considérable, avant de construire sur ces deux seuls mots un système si important, il aurait fallu se demander quelle était la signification des deux mots, et on pouvait la trouver par le rapprochement de tous les textes où ils sont employés.

Le mot mallus se trouve seize fois dans la Loi salique, six fois dans la Loi ripuaire, huit lois dans les édits des rois mérovingiens, et environ vingt fois dans les formules d'époque mérovingienne[6]. La manière dont il se présente et les autres mots qui l'encadrent, en déterminent nettement, la signification. Dans aucun de ces textes l'idée d'assemblée populaire ou l'idée de la réunion de toute une population n'est exprimée. Le mot mallus désigne toujours un tribunal[7].

Citons quelques exemples. Mallus comitis est visiblement le tribunal du comte, mallus centenarii le tribunal du centenier. Mannire in mallum, c'est citer à comparaître en justice, et cela se dit toujours d'un plaideur ; sedere in mallo, c'est être assis au tribunal, et cela se dit du juge. Quand on a les textes sous les yeux, on ne peut avoir aucun doute sur cette signification. Un acte de jugement dont l'énoncé commence par in mallo civitatis implique un jugement rendu au tribunal de la ville. Quand les formules d'actes judiciaires commencent par cum resedisset comes in mallo, elles veulent dire que le comte siégeait au tribunal[8]. Si mallus avait signifié assemblée du peuple, comment se fait-il que nous ne le trouvions pas une seule fois en ce sens ? Le verbe mallare, qui est fréquent, ne signifie jamais réunir le peuple ; il signifie citer un adversaire à comparaître en justice. Observez tous les textes où il est question de rassembler les hommes pour quelque objet que ce soit, vous trouverez le verbe bannire, le verbe congregare ou quelque autre, mais vous ne trouverez pas mallare ni mallus[9]. Ces mots-là ne sont employés que quand il s'agit de tribunal[10].

La Loi ripuaire ayant à parler douze fois de l'endroit où se rend la justice, emploie sept fois l'expression in judicio, et cinq fois l'expression in mallo ; les deux sont donc synonymes[11].

Le mot mallus est même employé pour désigner un tribunal ecclésiastique, c'est-à-dire le tribunal où l'évêque ou son délégué jugeait les affranchis d'Église. Or il est constant qu'un mallus d'église n'était pas une assemblée populaire[12].

Si le mot mallus avait signifié l'assemblée populaire, nous trouverions dans les textes des expressions telles que mallus congregatur ou quelque autre de même genre. Si le mallus était la population jugeant, on dirait mallus judicavit. Rien de semblable. Notez même que, sur plus de quarante exemples, vous ne trouvez pas une fois le mot mallus au nominatif ; on dit toujours in mallo, ad mallum, per tres mallos. C'est que ce mot est difficilement le sujet d'un verbe ; un mallus n'est ni un être individuel ni un être collectif ; il n'a pas de personnalité ; il ne peut ni agir, ni vouloir, ni penser. Le mallus ne juge pas ; il est le lieu où quelques hommes jugent.

Ceux qui avaient, dans l'esprit que le mallus était une assemblée populaire, ont été entraînés par leur imagination à dresser tout un tableau de cette assemblée. Les uns l'ont représentée réunie dans une plaine, en cercle, debout[13]. D'autres ont préféré qu'elle fût assise sur des bancs, et ils ont prétendu savoir que ces bancs étaient au nombre de quatre[14]. D'autres ont jugé d'un plus bel effet qu'elle se réunit sur une montagne[15]. Aucune de ces théories ne peut s'autoriser d'un seul mot des documents. Elles sont, toutes également, le produit de la pure imagination. C'est quand on voit cet abus de la méthode subjective que l'on sent vivement la nécessité de revenir aux textes et de chercher en toute simplicité ce qu'ils contiennent.

Il est certain que la Loi salique ne dit nulle part où se tient le mallus, ni quel aspect extérieur il présente. Elle dit seulement que quelques hommes y sont assis, in mallo sedentes[16]. Les écrivains dans leurs récits montrent le plus souvent des jugements rendus dans l'intérieur des villes. Quant aux formules, elles marquent bien que le mallus est un lieu où le comte est assis, et où quelques hommes sont assis à côté de lui[17]. Elles ne disent pas souvent où ce mallus s'est tenu ; mais quand elles le disent, il se trouve que c'est toujours dans une ville[18]. Il n'y a pas un seul récit de jugement, ni une seule formule, ni un seul article de loi d'où l'on puisse induire que le mallus s'est tenu en plein air, moins encore sur une montagne. Nous n'affirmons pas que ce cas ne se soit jamais rencontré ; mais cela n'était certainement pas de l'essence du mallus. On a des lois qui impliquent, au contraire, que le mallus. se tenait ordinairement dans une salle close et couverte, sous un toit, quelquefois dans l'atrium d'une église[19].

On a rencontré l'expression mallus publicus ; elle est. trois fois dans la Loi salique[20], et cinq fois dans les formules, parmi les moins anciennes[21]. Il était bien tentant de la traduire tout de suite par assemblée populaire ; mais il fallait faire attention que dans la langue du temps publicus ne se dit pas de ce qui appartient au peuple, mais de ce qui appartient au roi. Les exemples sont nombreux et tout à fait probants ; nous les avons cités ailleurs. Bapprochez les expressions mallus publicus et judex publicus ; dans toutes les deux l'adjectif a la même signification. Le judex publicus est le fonctionnaire royal ; le mallus publicus est le tribunal du fonctionnaire royal. Les actes des conciles l'appellent d'un seul mot, publicum, le tribunal de l'Etat, et l'opposent à judicium ecclesiasticum, le tribunal d'Église[22].

Quant aux rachimbourgs, que les lois et les formules nous présentent comme siégeant au mallus, il n'y a pas une seule ligne où il soit dit qu'ils fussent toute la population d'un canton[23]. Le sens du mot est aisément déterminé, soit par sa composition philologique, soit par le contexte qui l'entoure chaque fois, soit enfin par le terme synonyme qu'on met quelquefois à sa place. Les rachimbourgs ne sont pas tous les hommes libres. Les hommes libres, dans la Loi salique, sont appelés ingenui et non pas rachimbourgs, et la loi ne confond jamais les uns avec les autres. Ces rachimbourgs sont peu nombreux ; s'il arrive parfois, que la loi indique leur nombre, c'est pour dire qu'ils sont sept ou qu'ils sont trois[24]. Visiblement ils ne sont pas la foule, ils ne sont pas le peuple : ils sont une élite. Ce qui tranche la question, c'est que ce terme germanique est remplace dans beaucoup d'actes de jugements par le terme latin de boni viri, et de telle, façon, dans des phrases tellement identiques, qu'il n'est pas douteux que les deux expressions soient synonymes. Les rachimbourgs ou boni viri sont manifestement les notables du pays, Francs ou Romains indifféremment. Ils ne sont pas le peuple[25].

Il n'y a donc dans les documents ni une ligne ni un mot qui indique que la justice fût rendue par le peuple de chaque canton. Cette croyance à une justice populaire estime pure idée de l'esprit moderne. C'est la méthode subjective qui l'a introduite dans l'histoire, au grand détriment de la science[26].

Non seulement les documents ne montrent jamais cette justice populaire, mais, pour peu qu'on les lise avec attention, ils en montrent justement l'opposé. Reprenons-les l'un après l'autre.

La Loi salique distingue deux degrés de juridiction : en haut le tribunal du roi, en bas le tribunal appelé mallus. Il ressort du titre LVI que l'homme jugé par le tribunal inférieur et qui refuse d'exécuter le jugement, doit comparaître au tribunal du roi[27]. Le premier venu parmi les hommes libres peut en accuser un autre au tribunal royal[28]. Or ce tribunal, dont la nature est bien marquée dans les documents et que nous décrirons plus loin, n'avait assurément rien de populaire ; c'est pour cela que la Loi salique le désigne par les seuls mots ante regem, comme si le roi y était seul. Ainsi, des deux degrés de juridiction, en voilà au moins un, et c'est justement le degré supérieur, où le peuple n'est rien et où le roi est tout. Même au degré inférieur, la Loi salique marque très nettement que la juridiction appartient au grafio ou comte. C'est devant lui que les malfaiteurs arrêtés sont conduits, visiblement pour qu'il les juge[29]. Aussi le voyons-nous, à la nouvelle d'un meurtre, se mettre à la recherche du meurtrier et prononcer une sentence[30]. Devant lui ont lieu les actes de procédure, ordalies et serments[31]. C'est lui qui perçoit le fredum, c'est-à-dire la part de la composition qui est due à l'autorité qui a jugé[32]. Tout cela montre bien qu'il a la juridiction criminelle. Il juge aussi au civil, car nous voyons qu'un débat relatif à une possession de bien s est porté devant lui[33]. Tous ces traits marquent assez clairement, que la Loi salique considère le comte comme le chef de la justice dans sa circonscription. Ses centeniers ou tungini l'aident et le remplacent au besoin[34]. Or ce grafio ou comte de la Loi salique n'est pas un juge élu par la population, il est un agent du roi ; la loi le montre quand elle lui accorde un triple wergeld, comme à tous les attachés du roi[35], et mieux encore quand elle dit qu'il peut se trouver éloigné du tribunal par quelque obligation de son service envers le roi[36]. En résumé, d'après la Loi salique, la juridiction supérieure appartient au roi, la juridiction inférieure au fonctionnaire royal[37].

L'observation de la Loi ripuaire conduit aux mêmes résultats. Elle mentionne le tribunal du roi et elle en parle comme si le roi jugeait seul ; assurément aucune assemblée nationale n'est auprès de lui[38]. Au degré inférieur, elle parle- toujours d'un juge unique, judex au singulier[39] ; car le pluriel judices n'est jamais employé ni dans la Loi salique ni dans la Loi ripuaire. Or ce juge de la Loi ripuaire, c'estle juge royal, judex fiscalis, c'est le comte ou graf ; la Loi le dit expressément[40]. Et ce comte est un fonctionnaire royal ; car il a, ainsi que tous les agents immédiats du roi, un triple wergeld[41]. Comme le comte juge, c'est lui aussi qui perçoit l'amende judiciaire[42]. Ainsi, dans la Loi ripuaire comme dans la Loi salique, la juridiction supérieure appartient au roi, la juridiction inférieure aux fonctionnaires du roi. Aussi le roi s'adressant à ses juges leur dit-il : Ce que nous voulons par-dessus tout, c'est que personne, ni optimate, ni maire du palais, ni comte, ni graf, ni aucun dignitaire de quelque grade que ce soit, quand il siège en justice, ne reçoive de présents pour rendre un arrêt injuste[43]. Voilà bien ceux qui jugent, et le roi leur parle comme chef suprême de l'ordre judiciaire.

La législation des Burgundes, qui a été rédigée au moment de l'établissement de la monarchie franque, et qui est restée en vigueur durant toute la période mérovingienne, ne parle pas une seule fois de justice populaire. Nulle part elle ne montre le peuple jugeant. Elle ne nomme partout qu'un seul juge[44]. Elle énumère dans son préambule tous ceux qui rendent la justice ; ce sont les optimates, les domestici, les maires du palais, les comtes, les chanceliers, et autres juges délégués par le roi[45]. C'est à ces hommes que le roi défend de recevoir des présents, et c'est eux qu'il punit en cas de jugement injuste[46]. Ailleurs encore le roi parle des juges délégués par lui[47]. Le juge délégué par nous, dit-il encore, doit connaître toutes les causes, donner son jugement, et juger tous procès de telle sorte qu'il ne reste plus de sujet de litige entre les parties[48]. Les principaux juges sont les comtes des cités : Nous ordonnons à tous les comtes, dans les procès relatifs à la propriété foncière, de juger suivant la présente loi[49]. On lit plus loin : Tous les comtes, qu'ils soient Burgundes ou qu'ils soient Romains, doivent observer l'équité dans leurs jugements ; qu'ils soient sévères pour les malfaiteurs ; qu'ils décident tous les procès conformément aux lois ; autrement nous les condamnerons à l'amende[50]. Non seulement les comtes sont les juges, mais ils sont responsables de leurs jugements ; encore notons-nous qu'ils n'en sont responsables qu'envers le roi. En résumé, dans la Loi burgunde comme dans les deux Lois franques, le pouvoir judiciaire est dans les mains du roi, qui le délègue à ses fonctionnaires.

Après les Lois, prenons les édits des rois francs. Ils ne contiennent pas un mot sur des jurys populaires ; mais ils contiennent des articles qui montrent très nettement la justice rendue par les fonctionnaires royaux. Le roi Gontran écrit : Que les comtes s'appliquent à rendre de justes jugements ; car s'ils jugent mal, c'est l'arrêt de notre jugement qui les condamnera[51]. Il ajoute que ces comtes devront choisir pour vicaires et autres agents des hommes qui ne vendent pas leurs arrêts et ne se fassent pas payer l'impunité des malfaiteurs[52]. Nous avons déjà vu plus haut quels étaient ces vicaires, ces agents, ces centeniers du comte ; et cette phrase du roi Gontran nous montre qu'ils rendent la justice. Ils la rendent même avec une si pleine autorité, qu'ils peuvent vendre l'impunité aux malfaiteurs et dépouiller les innocents. Le roi Childebert II fait un édit contre le rapt ; il ne dit pas que l'inculpé sera jugé par le peuple ; il ordonne au comte de mettre à mort le ravisseur[53]. S'agit-il d'un vol, dès que le comte en a connaissance, il doit se transporter — lui ou son délégué — au domicile du voleur et l'arrêter ; si le voleur est de petite condition, il sera jugé et pendu sur les lieux mêmes ; s'il est un Franc, il sera jugé par le roi[54]. Remarquons ce dernier trait : même l'homme qui est qualifié franc n'est pas jugé par ses pairs ; c'est le roi qui est son juge[55]. D'après un édit de Clotaire II, la responsabilité des jugements retombe sur le comte, apparemment parce que c'est lui qui les a rendus[56].

Les écrivains du temps confirment ce qui est dans les lois. A tout moment ils nous montrent les comtes rendant la justice. Gondobald est nommé par le roi Gontran comte de Meaux ; à peine entré dans la ville, il se met à juger les procès, puis il parcourt la campagne environnante en remplissant le même office[57]. Ailleurs, c'est Rathaire qui est envoyé par le roi à titre de duc pour juger les procès[58]. Dans la Provence, qui fait partie du royaume d'Austrasie, un négociant victime d'un vol porte sa plainte au gouverneur royal, lequel prononce l'arrêt et condamne celui qu'il croit coupable à une énorme amende[59]. A Angoulême, c'est le comte du roi Gontran qui rend la justice ; un homme accusé de vols et de crimes est amené devant lui, et le comte prononce une sentence de mort[60]. A Tours, Grégoire décrit la conduite du comte Leudaste : quand il siégeait sur son ibunal, entouré des premiers personnages de la cité et de l'église, on le voyait, comme un furieux, adresser ses injures aux plaideurs ; et c'était bien lui qui prenait les arrêts : il condamnait des prêtres aux fers, les soldats à être battus de verges[61].

Voici une affaire qui est jugée, vers 580, dans le royaume de Gontran. Un homme pauvre a été volé par un Burgunde. Il va se plaindre à l'évêque, lequel porte l'affaire devant le comte de la cité. Ce comte cite ce Burgunde à comparaître devant lui. Il l'interroge. L'inculpé finit par avouer. Le comte va le condamner à mort ; mais l'évêque intercède et obtient que le comte qlui fasse grâce de la vie[62]. Plus au nord, dans la cité de Vermandois, un prêtre à qui l'on a volé un cheval porte sa plainte au comte ; aussitôt celui-ci fait saisir le coupable, le met aux fers, le juge, et le condamne à être pendu[63]. Dans un canton du pays d'Amiens, un coupable est amené en présence du comte, qui le condamne au supplice ; mais saint Walaric demande sa grâce, et le comte, vaincu par ses prières, le renvoie libre[64]. Même à Tournai, où siège un comte franc, nommé Dotto, c'est ce comte qui, par le devoir de sa charge, juge et tranche les procès ; ses gardes, que l'hagiographe appelle ses licteurs, amènent à son tribunal un homme accusé de crimes ; le comte décide qu'il sera pendu, et il est conduit au gibet[65].

Ce que les hagiographes se plaisent surtout à raconter, c'est, que leur saint intercède en justice pour obtenir la grâce d'un coupable. Or dans tous ces récits, dont plusieurs sont très vivants et semblent pris sur le fait, ce n'est jamais à un jury populaire que le saint adresse ses sollicitations, c'est toujours au comte ; et c'est aussi le comte seul qui, à sa volonté, accorde ou refuse la grâce[66]. La toute-puissance judiciaire du comte est partout marquée, soit qu'il condamne, soit qu'il pardonne.

Consultons maintenant les actes officiels et les formules. Pour la juridiction supérieure, nous avons des procès-verbaux de jugements rendus par le roi ; nous y voyons clairement qu'en principe c'est le roi seul qui décide, qu'en pratique le travail judiciaire est fait par quelques hommes choisis par le roi. Pas un mot d'un peuple qui interviendrait[67].

Pour la juridiction inférieure, nous avons des actes qui sont des instructions du roi à ses comtes au sujet de la justice. Et d'abord, le diplôme de nomination du comte ou du duc porte qu'il devra réprimer sévèrement les crimes des malfaiteurs : c'est la juridiction criminelle ; qu'il devra faire vivre les hommes suivant leurs lois et coutumes : c'est la juridiction civile ; qu'il devra soutenir la veuve et l'orphelin : c'est encore le propre du juge[68]. Dans plusieurs formules, le roi écrit à un comte qu'un crime a été commis ou qu'une contestation s'est produite dans son comté, et qu'il doit juger ce crime ou trancher ce procès. Il ne lui dit pas qu'il doive réunir une assemblée de canton. C'est lui seul, d'après ces lettres royales, qui doit décider[69].

Des diplômes d'une autre nature par lesquels les rois accordent une immunité personnelle à un évêque ou à un abbé, portent que le comte n'aura plus désormais le droit d'entrer sur les terres du privilégié pour y rendre la justice. Le roi ne songe pas à dire qu'une assemblée de centaine ne se réunira pas sur ces terres ; il ne parle que du comte, et il dit que le comte n'y jugera pas[70]. C'est assez marquer que, si cette faveur personnelle n'était pas accordée, le comte jugerait.

Viennent ensuite des formules d'actes privés. Nous avons des procurations par lesquelles une personne donne tout pouvoir à une autre pour la représenter en justice dans tous les procès qu'elle pourra avoir soit au tribunal du comté, soit au palais du roi, dit une formule ; soit devant les comtes, soit devant les rois nos maîtres, dit une autre[71]. Ce sont les deux degrés de juridiction. Entre eux il n'y a pas place pour un peuple qui juge. Nous avons enfin quarante et une formules se rapportant à des jugements, formules qui ont servi à des milliers d'actes et qui sont relatives à des crimes et à des procès de toute sorte. Elles commencent toutes par dire devant quel juge les plaideurs se sont présentés. Dans cinq d'entre elles, le juge est un abbé[72] ; nous observerons ce point un peu plus tard. Une autre est faite pour servir à la fois devant un comte ou devant un évêque[73]. Il en est trois où le juge est simplement qualifié du titre un peu vague de præpositus ou d'agens[74]. Dans les vingt-sept autres, le juge est manifestement un fonctionnaire du roi. Le plus souvent c'est le comte ; non qu'il soit seul au tribunal, mais c'est bien lui qui est indiqué comme le juge[75]. Quelquefois le juge est le vicarius ; mais nous savons que le vicarius n'est que le lieutenant et le délégué du comte[76]. Pas une seule de ces quarante et une formules n'indique que les plaideurs se soient présentés devant le peuple ou devant les hommes du canton. Ces mots-là ne se trouvent jamais. C'est ainsi que la Loi ripuaire mentionne le tribunal du comte, et le tribunal du centenier, lequel est un subordonné du comte[77] ; mais elle ne mentionne pas une seule fois un tribunal du peuple[78].

En résumé, que l'on prenne les lois, que l'on prenne les récits des écrivains, ou que l'on prenne les chartes et les formules, ce sont toujours les fonctionnaires royaux qui sont présentés comme rendant la justice. Observez l'emploi du mot judex ; il est répété plus de deux cents fois dans les textes de l'époque ; jamais vous ne le trouverez appliqué ni à un homme qui ferait profession de juger comme nos magistrats d'aujourd'hui, ni à des hommes qui seraient investis momentanément du droit de juger comme serait un jury populaire. Le judex est toujours un fonctionnaire royal[79]. Nous verrons bientôt que beaucoup d'autres hommes participent à l'action judiciaire ; mais la langue ne les appelle jamais du nom de judices. Or les habitudes du langage marquent les habitudes de l'esprit. Le peuple ne voyait de véritable juge que dans le fonctionnaire.

Il est bien entendu que le public assistait aux jugements. Plusieurs récits signalent sa présence. Mais ce serait se tromper étrangement que de voir dans cette assistance une assemblée judiciaire. Sous l'empire romain déjà le public assistait aux jugements[80] ; a-t-on jamais conclu de là que les jugements fussent rendus par ce public ? De même, les écrivains de l'époque mérovingienne disent plusieurs fois que l'arrêt est prononcé coram omnibus ou coram populo ; mais pas une fois ils ne disent qu'il soit prononcé ab omnibus, a populo[81]. Jamais nous ne voyons que le comte, avant de rendre sa sentence, consulte le public ou compte ses suffrages. Dans trois récits, le public fait entendre des murmures ou même des cris, soit qu'il veuille sauver un accusé, soit qu'il souhaite une condamnation[82]. Pareille chose se voit en tous pays. Mais, même lorsque la foule prend ainsi parti et veut peser sur les juges, il est visible que ce n'est pas elle qui juge. Ses cris pour obtenir du juge un acquittement ou une condamnation sont la preuve qu'elle-même ne peut légalement ni acquitter ni condamner. Elle ne possède pas une parcelle du pouvoir judiciaire.

Quelques historiens modernes ont supposé que tous les hommes libres étaient tenus de se rendre aux jugements. Il n'y a pas un mot de cela dans les textes de l'époque mérovingienne[83].

Ainsi, nous avons analysé tous les documents : nous n'avons trouvé dans aucun d'eux la mention d'une justice populaire, l'indice d'une population de la centaine ou du canton se réunissant pour juger. Tous, au contraire, nous ont montré la justice rendue ou par le roi ou par le comte ou par l'un des subordonnés du comte. Le rôle actif des rachimbourgs, que nous décrirons plus loin, n'empêche pas que le droit de juger ne soit dans les mains du comte. Le vrai pouvoir judiciaire appartenait donc au roi, dont les comtes n'étaient que les agents.

Nous avons constaté dans un précédent volume que les Romains avaient considéré le droit de juger comme une attribution essentielle de l'État. Quoique la vieille Germanie nous soit fort mal connue, j'incline à penser que le même principe existait chez les Germains[84]. Nous le retrouvons dans l'Etat Franc. Ici encore, l'autorité judiciaire est inhérente à l'autorité publique. Le chef de l'État est en même temps le juge suprême. En lui seul réside le droit de juger, lequel se répand ensuite, par une série de délégations, en des milliers de mains, optimales, ducs, comtes, vicaires, centeniers, rachimbourgs même. Une foule d'hommes contribuent ainsi à l'œuvre judiciaire ; mais la source première en est la royauté.

Ne quittons pas ces documents sans présenter encore une remarque qu'ils suggèrent. On n'y voit jamais que les Francs aient eu une juridiction distincte de celle des Romains. De nombreux exemples montrent qu'au tribunal du roi les Romains et les Francs pouvaient également comparaître et étaient jugés de même. Le tribunal du comte jugeait indifféremment les Romains et les hommes de race germanique. Il n'y a pas eu deux ordres judiciaires à l'usage des deux races. Comme il n'existait qu'une seule autorité publique, il n'exista aussi qu'une seule justice.

 

2° LE TRIBUNAL DU ROI.

 

Nous allons étudier successivement les divers côtés de l'ordre judiciaire. Nous commençons par la justice du roi, parce que c'est sur elle que nous possédons les renseignements les plus précis. Nous avons pour la connaître les deux lois franques, quelques capitulaires mérovingiens, plusieurs formules, quelques récits très-clairs, et surtout dix-neuf actes de jugements prononcés par les rois[85].

La Loi salique déclare qu'un homme peut refuser de comparaître au mallus ou d'exécuter l'arrêt que le juge du mallus a rendu, pourvu qu'il comparaisse en présence du roi. Elle dit aussi qu'on peut accuser directement un homme devant le roi. La Loi ripuaire dit la même chose[86]. Un capitulaire de Childebert II déclare que, si un crime a été commis par un homme de condition élevée, on doit amener le coupable au roi pour être jugé[87].

Il y a un détail significatif : cette justice que les lois désignent par l'expression devant le roi, les formules l'expriment par le terme in palatio[88]. C'est que la justice royale ne se rend pas dans un champ de Mars, au milieu d'un peuple assemblé ; elle ne se rend même pas dans un lieu public ; le roi n'a pas à se transporter dans une basilique ou un forum judiciaire. C'est dans une de ses demeures personnelles qu'il juge, in palatio. Ce fait est confirmé par nos procès-verbaux de jugements ; nous y voyons que le roi a prononcé un arrêt, étant dans sa villa de Compiègne, ou dans celle de Kiersy, ou dans celle de Valenciennes, à Luzarches, à Pontion, à Vern, à Clichy, à Saint-Cloud, toujours dans un de ses domaines propres[89]. Ainsi le roi, lorsqu'il juge, est toujours chez lui : tant l'autorité judiciaire lui est personnelle. Il juge partout où il se trouve. Il se déplace, et toute l'autorité judiciaire se transporte avec lui. En quelque lieu qu'il soit, c'est sa cour, ainsi que le dit un écrivain du temps, qui est le siège de la justice[90].

Voyez en quels termes les rois parlent de leur pouvoir judiciaire : Celui à qui Dieu confie le soin de régner doit examiner avec une attention diligente les procès de tous, de telle sorte que, les deux parties ayant été entendues, l'une en sa demande, l'autre en sa défense, il leur donne un bon et salutaire arrêt[91]. Ainsi celui qui règne a le devoir de tout juger ; à plus forte raison il en a le droit. Un roi dit ailleurs : Toutes les fois que des contestations surgissent entre nos sujets, c'est à nous qu'il appartient, au nom de Dieu, de faire une enquête suivant la sévérité des lois, afin de terminer les débats sans qu'ils puissent renaître[92]. Maintes fois encore le roi déclare qu'il siège dans son palais pour examiner les procès de tous, et les terminer par de justes sentences[93]. Notons que cette doctrine au pouvoir absolu des rois en matière judiciaire, si fortement exprimée ici, ne se trouve ni démentie, ni contestée, ni amoindrie par aucun autre texte ni aucun acte de l'époque mérovingienne.

Quelques jugements rapportés par les écrivains vont nous montrer d'abord un des côtés de cette justice royale. Grégoire de Tours raconte qu'en pleine Austrasie, à Trêves, sous le règne d'un des premiers mérovingiens Théodebert, un prêtre eut un procès avec un Franc ; le procès fut porté devant le roi, et le roi seul prononça l'arrêt[94]. L'auteur de la Vie d'Éligius, lequel est vraisemblablement un contemporain et un personnage fort au courant des affaires, parle d'un abbé qui est en contestation avec un laïque pour la possession d'une terre ; la cause fut portée au palais du roi, et le roi prononça le jugement[95]. Dans une autre Vie de saint, un procès relatif à la propriété foncière est jugé à la cour du roi, in aula, et c'est le roi seul qui décide[96]. Le roi juge donc au civil, et les particuliers lui portent leurs procès.

Il juge aussi au criminel. Le roi Gontran fit périr par le glaive les deux fils de Magnachaire, parce qu'ils avaient prononcé des paroles outrageantes contre la reine, et il confisqua leurs propriétés[97]. Nous devons penser qu'il s'agit ici d'un acte judiciaire ; le crime visé est celui de lèse-majesté, dont il est parlé plusieurs fois dans l'époque mérovingienne, et la peine est précisément celle qui, depuis l'empire romain, frappait ce crime[98]. Or ces deux Francs ne furent pas jugés par un peuple franc ; ils furent jugés et condamnés à mort par le roi ; et cette exécution ne donna lieu à aucune protestation de la part des autres Francs. De même, Sunnégisile et Gallomagnus, accusés de complot, comparaissent en jugement devant le roi ; reconnus coupables, le roi ne peut pas les condamner à mort, parce qu'ils se sont réfugiés dans une église ; mais il prononce la confiscation de leurs biens. Ici encore le roi a jugé luimême et seul, et, peu de temps après, c'est encore le roi seul qui fait grâce aux deux coupables[99]. Le roi Gontran fit mettre à mort un Franc nommé Chundo pour l'unique faute d'avoir chassé dans une forêt royale. Or ce ne fut pas là un acte de colère, un caprice de despote : il y eut un véritable jugement ; et ce qui le prouve, c'est qu'avant de prononcer son arrêt, le roi avait ordonné le duel judiciaire, qui était une forme de procédure légale[100]. Ajoutons que cette condamnation prononcée en public contre un Franc du rang le plus élevé ne provoqua aucune réclamation. Trois autres Francs, Rauching, Ursio, Bertefried, qui avaient formé un complot contre Childebert, furent mis à mort par son ordre. Cette fois, aucune forme de procédure ne fut observée ; mais, loin que cela ait soulevé l'opposition des Francs, ce furent des Francs qui exécutèrent l'arrêt royal[101]. Un peu plus tard, un certain Aléthée, de race germanique et de grande famille, était accusé de complot ; le roi Clotaire II le manda devant lui et le fit mettre à mort[102].

Dans ces récits des historiens du temps, un homme d'aujourd'hui est d'abord tenté de voir des actes arbitraires, des assassinats royaux. Il est plus probable, à la manière dont les faits sont racontés, que les rois et même leurs sujets y voyaient plutôt des actes de jugement. Le roi se croyait armé d'une autorité judiciaire si indiscutable, qu'il n'avait pas besoin de se soumettre toujours aux formalités ordinaires de la justice. Ces arrêts de mort étaient irréguliers peut-être, mais en tout cas permis au roi, juge suprême et irresponsable. Ce qui le prouve, c'est que nous avons la formule des lettres de sauvegarde que le roi donnait à ceux qui avaient exécuté de pareils ordres. Il déclarait par écrit que, tel homme ayant formé un complot ou commis quelque faute contre lui, il avait avec le conseil des grands donné l'ordre de le mettre à mort. Il ajoutait, que l'exécuteur de cet ordre ne pourrait être inquiété ni poursuivi en justice par aucun membre de la famille du condamné[103]. Ces lettres, qui étaient faites pour être montrées à tous et présentées même dans les tribunaux, marquent bien que le roi, en ordonnant de telles exécutions, croyait être dans son droit.

Voici d'ailleurs d'autres jugements, qui sont relatifs à des crimes tout privés, où l'intérêt du roi n'était pas en jeu. Un Saxon nommé Childéric étant accusé de plusieurs meurtres, ce fut le roi qui ordonna de le mettre à mort[104]. Les deux fils du comte Waddo s'étaient rendus coupables de plusieurs crimes ; ils comparurent au tribunal du roi ; quand le roi eut pris connaissance des faits, il ordonna de les charger de chaînes et de leur infliger la torture ; après leurs aveux, ils furent condamnés, l'un à la mort, l'autre à la détention, et leurs biens acquis au fisc[105]. En 626, Godin fils de Warnachaire était coupable d'avoir épousé la veuve de son père ; Clotaire II juge ce crime impardonnable et, pour avoir violé les canons de l'Église, condamne Godin à mort ; Godin fu.it à travers tout le royaume sans trouver personne qui le protège ou qui proteste contre un tel arrêt, et la sentence royale est mise à exécution par deux grands personnages francs, Chramnulf et Waldebert[106].

La Chronique de Frédégaire nous dit comment un roi franc rendait la justice en un temps de grands désordres. L'arrivée de Dagobert dans son royaume de Rurgundie frappa de terreur les évêques, les grands et les autres leudes, tandis que la manière dont il jugeait les pauvres les comblait de joie. Il arriva à Langres et jugea les procès de tous, grands ou petits, avec une parfaite équité. Puis, entrant à Dijon, il y résida quelques jours et jugea avec beaucoup de soin tous les hommes du pays ; nul ne se retirait de sa vue sans avoir reçu justice. Il fit de même à Chalon, à Autun, à Sens, à Paris[107]. L'Austrasie elle-même avait vu Clotaire II la parcourir en juge sévère et faire tomber les têtes des criminels[108].

Dans tous ces jugements, le roi est seul nommé par le chroniqueur, et peut-être a-t-il jugé seul. Nous ne voyons aucune loi ni aucune règle qui l'oblige à s'entourer de conseillers. Si pourtant nous consultons les actes officiels, c'est-à-dire les lettres de jugement qui nous sont parvenues, nous voyons que le roi, lorsqu'il fait acte de juge, n'est pas seul. Le préambule ordinaire est celui-ci : Nous roi, comme nous siégions dans notre palais, ayant avec nous nos pères en religion les évêques, et un grand nombre de nos optimates, le maire du palais, tel et tel ducs ou patrices, tel et tel référendaires, domestici, sénéchaux et chambellans, le comte du palais, et autres fidèles[109]... Plusieurs diplômes donnent les noms des personnes présentés ; par là nous pouvons voir, sans erreur possible, comment est composé cet entourage du roi. Un jugement de 692 porte que le roi avait auprès de lui quatre évêques, trois optimales, deux comtes ou grafs, deux sénéchaux et le comte du palais[110]. Un autre acte mentionne une assistance plus nombreuse ; il se trouve autour du roi douze évêques, douze optimales, huit comtes, huit dignitaires qualifiés grafs, quatre domestici, quatre référendaires, deux sénéchaux, le comte du palais et quelques autres fidèles[111]. Une autrefois, le roi siège avec sept évêques, quatre optimates, trois comtes, trois domestici, deux sénéchaux, le maire et le comte du palais[112].

Le tribunal du roi n'a donc pas un nombre fixe de membres. Même lorsqu'il est le plus nombreux, il ne ressemble pas à ce que serait une assemblée nationale, moins encore à une nation réunie autour de son chef. Il n'est composé que de deux classes de personnes, des évêques et des dignitaires du palais. Nous avons vu plus haut que le terme d'optimale est un titre de la hiérarchie palatine. Les comtes et grafs sont nommés et révoqués par le roi. Les domestici sont, pour la plupart, les administrateurs de son domaine. Les référendaires et les sénéchaux sonl des dignitaires de sa cour. Il est visible que tous ces hommes sont attachés au roi par un lien de dépendance. Ils tiennent de lui seul leur titre et tout ce qu'ils ont de pouvoir[113].

Quant aux évêques dont les noms figurent parmi les membres du tribunal, nous verrons bientôt qu'ils étaient le plus souvent nommés par le roi. Beaucoup d'entre eux, avant d'être évêques, avaient fait partie du Palais, comme trésoriers, comme référendaires, comme comtes ; ils avaient vécu dans le service du roi avant d'arriver à l'épiscopat. Ces évêques n'étaient donc pas déplacés au milieu des optimates et des comtes. Notons bien que tous les évêques du royaume n'étaient pas là, mais seulement ceux que le roi appelait auprès de lui. Ils ne siégeaient pas à ce tribunal en vertu d'un droit, mais seulement parce que le roi les avait admis à siéger. Us n'étaient pas là à titre d'évêques, mais à titre de serviteurs et de conseillers du roi. Ils ne représentaient pas plus un ordre de l'Etat que les laïques qui étaient à côté d'eux ne représentaient une nation.

Un diplôme de 751 indique, parmi les membres composant le tribunal, des hommes instruits en loi, legis doctores[114]. Je doute qu'il faille faire fond sur ce mot, qui, à ma connaissance, ne se rencontre qu'une fois[115]. Il n'est pourtant pas impossible qu'à côté des grands dignitaires du palais on ait réservé quelques places pour des praticiens. La présence de ces hommes pouvait être assez souvent nécessaire. Un hagiographe rapporte que saint Ebrulfe, avant de devenir un abbé, vivait à la cour, au service du roi, et que étant très instruit et parieur très habile, il siégeait parmi les hommes de la cour pour juger les procès[116].

Ces grands, ces évêques, ces hommes de la cour n'étaient que les assesseurs du roi. Ils ne possédaient pas par eux-mêmes le droit de juger. Aussi ne trouvons-nous pas d'exemples d'arrêts rendus par eux seuls. Ils ne possédaient même pas ce droit par une délégation formelle du roi, comme le Parlement du quatorzième siècle. Les arrêts étaient toujours prononcés par le roi personnellement. Regardez ces procès-verbaux ; c'est le roi qui parle, et il parle en son nom propre. L'acte commence ainsi : Nous, roi des Francs, tandis que nous siégions dans notre palais pour entendre toutes les causes et les terminer par juste jugement, tels plaideurs se sont présentés devant nous[117]. Et il se termine ainsi : En conséquence, nous avons décrété et nous ordonnons que tel plaideur aura la possession de la terre en litige[118]. C'est donc le roi qui décide. L'acte entier est comme son œuvre. Il semble écrit par lui ; il porte son sceau et la signature est celle d'un de ses fonctionnaires[119]. Les évêques et les grands ne sont pas les auteurs de la sentence. Ils n'étaient là que comme le conseil du roi. En droit, ils n'ont fait que lui donner leur avis.

La réalité n'était pas tout à fait conforme au droit strict. On peut remarquer que la plupart des actes de jugement qui nous ont été conservés, sont écrits au nom de rois mineurs. Lorsque Clotaire III déclarait pompeusement qu'il siégeait au milieu de ses grands pour terminer les procès de tous par de justes arrêts, Clotaire III était un enfant de six ans. Clovis III, dont nous avons quatre jugements, est mort à quatorze ans. Nous pouvons donc croire que ces rois, quoi qu'ils en disent, n'ont pas présidé leur tribunal. Même quand le roi était majeur, nous ne sommes pas sûrs qu'il y siégeât toujours. Il pouvait être occupé de quelque autre affaire plus importante ou de quelque plaisir. Sa place est donc restée vide. Le tribunal a examiné le procès et a décidé sans lui.

Cela est visible dans nos diplômes. Le roi y relate assez longuement ce qui s'est passé dans la séance, c'est-à-dire les questions, les réponses, les productions de pièces, puis il ajoute : C'est ainsi que notre comte du palais a témoigné devant nous que la cause a été examinée[120]. On voit bien que le roi n'était pas là. Quelquefois l'acte dit expressément que ce sont les grands qui ont interrogé les parties[121] ; il y en a même trois où il est dit que ce sont eux qui ont jugé[122].

Ils jugeaient en réalitéplus souvent que le roi. Mais comme ils ne possédaient pas par eux-mêmes le droit de juger, il fallait que la préseuce du roi fût toujours indiquée dans l'acte. Cette présence n'était presque toujours qu'une fiction, mais la fiction était obligatoire. Voilà pourquoi tous nos actes de jugement commencent par : Nous, roi des Francs, comme nous siégions en notre palais. Voilà pourquoi aussi les lois ne disent jamais anre proceres regis, mais ante regem. En droit le roi était présent. Un acte où il eût écrit qu'il n'était pas présent, eût été contraire à toutes les formes, et peut-être eût-il paru de nulle valeur[123].

Quant à l'arrêt, il était prononcé par le roi, non par les grands. Cet arrêt ne pouvait émaner que de lui. Il fallait qu'il parlât en son nom propre et qu'il écrivît, le jubemus, c'est-à-dire l'ordre d'exécution. Un acte de jugement où l'expression de la volonté royale eût fait défaut, n'aurait probablement pas étécompris.

Il faut faire attention aux termes employés dans les actes. L'opinion émise par les grands est exprimée par les mots judicare ou invenire. Mais l'arrêt précis et formel est exprimé par decernere et jubere ; or, ces deux derniers mots, le roi seul les emploie.

Toutes ces observations de détail conduisent à une conclusion certaine. Le roi était le véritable chef de la justice. Il pouvait juger seul, comme les chroniqueurs le disent maintes fois, et il ne s'en faisait pas faute, en effet, surtout en matière criminelle. Plus souvent il s'entourait de ses grands, c'est-à-dire de ses hauts fonctionnaires, de ses conseillers naturels, et de quelques évêques. Même dans ce tribunal, le pouvoir judiciaire n'appartenait qu'à lui. En droit, il y était le vrai et seul juge, et les grands n'étaient que ses assesseurs. Mais en pratique sa présence était souvent fictive, et les assesseurs se transformaient alors en juges. Dans l'un et l'autre cas, l'arrêt légal, exécutoire, définitif, était prononcé par le roi[124].

La juridiction royale s'exerçait en matière civile aussi bien qu'en matière criminelle. Dans les formules de Marculfe nous pouvons constater que le roi jugeait des procès de toute nature, questions d'héritage, enlèvement d'esclaves, défaut de comparution, coups et blessures[125]. Il se trouve que les dix-neuf actes de jugements qui nous sont parvenus sont tous relatifs à des questions de propriété ; cela tient uniquement à ce que ce genre d'actes était celui qu'on avait le plus d'intérêt à conserver. Nous savons d'ailleurs que le même tribunal jugeait aussi les criminels et qu'il prononçait la peine de mort[126].

Le tribunal du roi recevait les appels. Un homme condamné par le tribunal du comte ou, comme on disait, in pago, pouvait porter sa cause au tribunal royal, in palatio. Grégoire de Tours montre le roi réformant un arrêt rendu par un gouverneur de province[127].

Ce n'était pas seulement en appel qu'il jugeait. Les sujets n'étaient pas obligés de se présenter d'abord devant la juridiction inférieure. On pouvait accuser directement devant le roi[128]. Ou bien encore, un homme accusé devant le comte pouvait demander et obtenir d'être jugé par le roi ; ainsi firent, par exemple, les fils de Waddo[129]. Dans les procès civils, les deux parties pouvaient se soumettre à la justice royale. En ce cas, elles convenaient entre elles du jour de comparution, ou, comme on disait dans la langue du temps, elles fixaient leur plaid devant le roi[130]. Le roi n'exigeait pas qu'elles se fussent d'abord présentées devant le comte. Il les jugeait, ou bien, si l'une d'elles n'était pas présente au jour fixé, il donnait une lettre constatant que telle partie avait gardé son plaid et que l'autre y avait manqué, et il condamnait celle-ci pour défaut de comparution[131].

D'autres fois c'était le comte lui-même qui, trouvant une affaire trop obscure, la renvoyait au roi. Grégoire de Tours parle d'une cause criminelle qui fut d'abord examinée à Tours ; mais, le juge n'ayant pu obtenir la certitude de la culpabilité de l'accusé, l'affaire fut portée au tribunal du roi[132]. Souvent enfin il arrivait que le roi évoquât lui-même l'affaire. C'est ce qui eut lieu, par exemple, pour un vol qui avait été commis dans la basilique de Saint-Martin[133]. Nous avons l'une des formules de, citation qu'il faisait écrire pour appeler un inculpé à son tribunal : Un tel, venant en notre présence, nous a dit que vous l'aviez assailli, blessé et volé. Nous vous adressons le présent monitoire par lequel nous vous enjoignons, si les faits sont exacts, de les amender suivant les lois. Si vous avez quelque chose à opposer aux allégations portées contre vous, vous aurez à venir en notre présence aux calendes de tel mois[134]. Parfois c'était au comte que le roi s'adressait : Un tel nous a fait savoir que tel homme qui est de votre ressort lui a enlevé sa terre par violence, et la détient sans droit. Nous vous donnons l'ordre d'obliger l'envahisseur à restituer ; s'il s'y refuse ou que vous ne puissiez terminer l'affaire, envoyez-le en notre présence[135].

Un des principaux objets de la juridiction royale était déjuger les fonctionnaires. Nous savons que les comtes avaient une responsabilité et qu'en cas de délit ou de mauvais usage de leurs fonctions il étaient menacés des peines les plus graves[136]. Mais nous ne voyons jamais qu'un comte fût jugé par le tribunal d'un duc ou d'un autre comte ; il ne l'est jamais par des rachimbourgs ; jamais il ne l'est par le peuple assemblé. Il n'est responsable qu'envers le roi ; c'est le roi seul qui le juge et qui le punit[137]. Seul aussi il juge les évêques[138]. Les hommes des classes supérieures obtenaient aisément le privilège d'être jugés, même au criminel, par le tribunal du roi[139]. Enfin les rois accordèrent peu à peu aux grands propriétaires, surtout aux évêques et aux abbés, de n'être pas soumis à la juridiction du comte et de porter tous leurs procès directement au tribunal du Palais[140].

La juridiction royale s'exerçait sans distinction de races sur tous les sujets du prince. On ne faisait aucune différence sur ce point entre le Romain et le Franc. Ainsi nous voyons Vigilius, qui habite la Provence et qui est certainement un Romain, faire appel au roi et être jugé par lui[141]. Nicétius, qui paraît bien être un Romain puisqu'il est. neveu de Grégoire de Tours, porte son procès devant le roi Chilpéric[142]. Præjectus en litige avec Hector est jugé par le roi[143]. Les débats entre Palladius et l'évêque Parthénius, entre l'ancien esclave Andarchius et le citoyen d'Auvergne Ursus, sont portés au tribunal royal[144]. Nous avons un acte où le roi a jugé entre les colons d'un domaine et leur propriétaire[145].

Cette juridiction royale s'exerçait sur les ecclésiastiques aussi bien que sur les laïques. C'est ainsi que nous voyons que l'abbé Rertégisile a un plaid devant le roi[146]. Il existe plusieurs actes de jugements royaux qui ont été rendus entre un ecclésiastique et un laïque, ou entre deux abbés, ou encore entre un abbé et un évêque[147].

Si l'on fait attention au nombre relativement considérable de documents qui nous sont parvenus relativement à ce tribunal, et surtout à la variété des jugements qui y sont relatés, on devra penser que ce tribunal était fort occupé. Il est visible, que son action s'étendait sur tout le royaume et sur tous les sujets. La Loi salique admet elle-même qu'un accusé peut refuser de se rendre au mallus, qu'il peut refuser d'exécuter la décision prise par les rachimbourgs ; c'est la marque qu'il n'y a qu'une juridiction qui s'impose véritablement, celle du roi[148]. Que l'on prenne toutes les catégories de textes, Lois salique et ripuaire, Grégoire de Tours, formules d'actes, procès-verbaux authentiques, dans tous on reconnaît que la juridiction royale n'est pas une juridiction exceptionnelle, mais qu'elle est au contraire la juridiction régulière et normale pour tout le royaume.

 

3° LE TRIBUNAL DU COMTE, LES ASSESSEURS, LES RACHIMBOURGS.

 

De la justice du roi émanait la justice de ses fonctionnaires, c'est-à-dire des ducs, comtés, vicaires et centeniers. Ce que le roi était dans le royaume, le comte l'était, par délégation, dans le territoire qui lui était confié. Il avait en main la justice comme il avait les finances, l'administration, la police, le recrutement et le commandement des soldats. Le titre même de juge, judex, n'appartenait qu'à lui. Le nom qu'il tenait de sa fonction n'était pas celui de comte, le mot comes n'indiquant au sens littéral que son attache au roi ; ce nom n'était pas non plus tiré de ses attributions administratives ou militaires ; le vrai nom qu'on lui donnait était celui de juge[149]. Il semblait donc que l'essence de son caractère et de sa fonction fût de juger. La langue usuelle le connaissait surtout comme juge ; même elle ne connaissait pas d'autres juges que lui, puisqu'elle ne donnait ce nom qu'à lui ou à ses lieutenants[150].

Son devoir de juge lui était tracé par le roi. Dans son diplôme de nomination il lui était enjoint de juger les hommes suivant la loi de chacun, de protéger la veuve et l'orphelin, de punir les malfaiteurs. Nous avons cité plus haut l'édit du roi Gontran qui rappelle à ses comtes qu'ils doivent juger avec équité, sans recevoir de présents ; celui de Childebert qui, prenant, des dispositions nouvelles contre le rapt, dit que le comte devra arrêter, juger, mettre à mort le ravisseur ; celui de Clotaire II qui parle des comtes comme de chefs de la justice ; enfin tous les édits. qui marquent que le comte était responsable des jugements, preuve certaine que c'était lui qui les avait rendus[151].

En tout cela les rois s'expriment comme si le comte jugeait seul. Grégoire de Tours donne la même impression quand il montre le comte Gundobald parcourant son comté pour juger les procès, le duc Rathaire envoyé pour examiner les causes, un autre comte qui arrête un voleur et aussitôt le fait pendre, un autre encore qui juge un accusé et le condamne à la prison et aux fers, un autre comte enfin à qui l'on amène un Rurgunde, et qui l'interroge, le juge, le condamné[152]. La même remarque peut être faite dans plusieurs récits de Vies de Saints. Si le roi d'une part, les écrivains de l'autre, parlent du comte comme étant seul à juger, cela implique au moins qu'il avait le droit strict de juger seul, comme faisait quelquefois le roi. Aussi ne trouvons-nous aucune loi mérovingienne qui l'oblige à s'entourer de conseillers.

Mais il y avait des règles qui, sans être inscrites dans des lois, étaient ordinairement observées. La première était que le comte ne devait pas juger dans sa demeure personnelle. Il jugeait toujours au mallus[153], c'est-à-dire en un lieu public, au tribunal qui était connu de tous et ouvert à tous.

La seconde était que le public pût assister à ses interrogatoires et à l'énoncé de ses arrêts. Nous avons vu que-cette règle existait déjà sous l'empire romain[154]. Les lois interdisaient au gouverneur de province de juger dans sa maison. Il ne devait exercer son pouvoir judiciaire que les portes ouvertes et le public appelé[155]. Le même usage existait chez les anciens Germains[156]. Il y avait donc double raison pour qu'il subsistât dans l'État Franc. Le conventus romain, c'est-à-dire la convocation du public autour du gouverneur pour assister à ses jugements, se retrouve sous les Mérovingiens[157]. Une formule mentionne sous ce nom une réunion locale qui se tient à Tours[158]. A Tournai, un comte franc voulant procéder à un jugement commence par appeler la foule[159]. A Noyon, le comte, avant de procéder à l'interrogatoire, réunit beaucoup de monde[160]. Grégoire de Tours dans ses récits omet rarement de dire que le jugement a lieu en public, coram omnibus. C'est ainsi que nous voyons que dans le royaume des Wisigoths le comte doit juger in conventu, c'est-à-dire en public[161], et que chez les Alamans la population de chaque canton doit se réunir devant le comte aux jours que celui-ci lui indique, non pour juger elle-même, mais pour assister aux jugements[162]. Que ce fût chez les Francs une obligation stricte pour tous les hommes libres de se rendre à l'appel du comte, c'est ce que nous ne trouvons pas dans les textes ; mais il n'est pas douteux que le comte mérovingien, comme l'ancien gouverneur romain, ne fît en sorte d'avoir un nombreux public au pied de son tribunal.

Une troisième règle qui s'imposait moralement à lui était d'avoir, sur son tribunal même, des assesseurs. Nous avons déjà vu cette règle dans l'empire romain ; le gouverneur de province, tout armé qu'il fût du pouvoir judiciaire le plus complet, ne jugeait qu'au milieu de son conseil, et il ne prononçait pas une sentence sans avoir pris l'avis de ses assesseurs[163]. La même règle avait existé dans l'ancienne Germanie. Tacite avait remarqué que le princeps qui avait été choisi par les pouvoirs publics pour rendre la justice dans quelques cantons, ne siégeait jamais sans un nombreux entourage de gens du pays, et il avait fait entendre que cet entourage remplissait le même office que le consilium du magistrat romain[164]. Puisque cette règle était également en vigueur dans la société romaine et dans la société germanique, il n'y avait pas de raison pour qu'elle ne se continuât pas dans l'État mérovingien, qui était composé des deux races.

Nous en trouvons l'expression la plus nette dans une des rédactions de la Loi romaine qui ont été faites à cette époque et pour cette société : Que le juge sache bien qu'il ne doit pas prononcer un arrêt étant seul, mais qu'il doit siéger avec quelques hommes honorables, boni homines, et que c'est devant le public qu'il doit prononcer son jugement[165].

Ainsi les deux races qui vivaient dans l'État Franc avaient également pour tradition d'être jugées, non par le juge seul, mais par le juge entouré d'un groupe de personnes du pays. Prenez la formule toute romaine d'un acte passé à Tours et où la Loi romaine est alléguée, vous y voyez que le plaideur comparaît en jugement devant le comte et autres hommes[166]. Prenez la Loi salique ou la Loi ripuaire, vous constatez de même la présence de plusieurs personnages au tribunal, et ceux-ci ont même des attributions importantes. Prenez les écrivains comme Grégoire de Tours, vous y lisez que le comte siège en jugement avec les principaux du pays, laïques ou ecclésiastiques[167].

Voilà donc un fait important dans l'histoire de nos institutions qui se trouve marqué dans nos trois séries de documents à la fois, dans les lois, dans les écrits, dans les formules. C'est aussi dans tous ces documents à la fois qu'il faut l'étudier, si l'on en veut comprendre exactement la nature, le sens, la portée.

Nous avons quarante et. une formules, qui se rapportent à des jugements. Sans pouvoir dire la date précise de chacune d'elles, c'est-à-dire le jour où chacune d'elles a été écrite pour la première fois dans un acte, on est certain qu'elles ont été employées et copiées au sixième, au septième, au huitième siècle, c'est-à-dire dans le même temps où la Loi salique et la Loi ripuaire ont été appliquées. Elles appartiennent aux divers recueils composés à Angers, à Tours, à Sens, et à d'autres recueils dont on ignore le lieu d'origine ; comme elles sont d'accord avec les lois franques usitées surtout au nord et à l'est, on peut admettre que le fait que nous étudions a été universel dans la monarchie franque.

Il importe toutefois de noter que ces quarante et une formules ne sont pas, à proprement parler, des arrêts ; elles sont seulement des attestations d'arrêts rendus[168]. Cette remarque a quelque importance. On s'attendrait à avoir des arrêts du comte, comme nous avons dix-neuf sentences du roi. Il n'en est rien. Aucun texte de jugement du comte ou du mallus ne nous est parvenu, soit que ces jugements ne fussent pas mis en écrit, soit qu'il n'en fût pas donné copie aux parties. Celles-ci recevaient seulement une notitia, c'est-à-dire un certificat constatant le jugement. Ces formules nous montrent assez nettement ce qui se passait au tribunal.

Toutes commencent par dire le nom du comte qui siégeait au mallus, et elles ajoutent aussitôt qu'il y avait quelques hommes qui étaient à côté de lui ou qui étaient assis avec lui[169]. Il en est quatre, sur quarante et une, qui au début ne parlent que du comte et omettent de mentionner son entourage ; mais au milieu de la formule l'entourage paraît et agit[170]. Deux, au contraire, ne parlent que de ces hommes et omettent de signaler le comte ; mais cela ne prouve pas que le comte ou son délégué ne fût présent[171]. C'est donc une règle que l'on peut considérer comme générale que le mallus ou tribunal fût formé du comte et de quelques hommes autour de lui.

Cherchons d'abord quels étaient ces hommes ; nous verrons ensuite ce qu'ils faisaient et quelle action ils exerçaient.

Les expressions par lesquelles les textes les désignent sont très diverses. Beaucoup de formules ne leur donnent aucun titre spécial ; elles disent simplement : Un tel a comparu devant tel comte et les autres hommes dont les noms sont au bas du présent acte. Ou bien : Tandis que tel comte siégeait pour juger les causes de tous et les terminer par de justes arrêts avec plusieurs personnes qui étaient assises avec lui[172]. Quatorze formules ne s'expriment pas autrement.

Il en est deux qui qualifient ces hommes de auditores comitis, comme si ces hommes n'avaient légalement qu'à écouter les débats. Ils faisaient pourtant autre chose, car les mêmes formules disent que la décision a été prise par jugement du comte et de ses auditeurs[173]. D'autres appellent ces hommes boni homines ou boni viri. L'expression était ancienne ; dans la langue du droit elle s'appliquait à ceux qui jouaient le rôle, soit d'arbitres entre les parties, soit d'assesseurs auprès du juge, soit de témoins dans les actes. Au sens littéral elle se disait de tout homme qui présentait des garanties par sa position de fortune autant que par son honorabilité. Quinze de nos formules, appartenant aux formulaires de Bignon et de Merkel aussi bien qu'aux recueils d'Angers, de Tours et de Sens, emploient cette expression[174], et l'on peut même remarquer qu'elle est souvent associée au terme mallus. On lit par exemple : Un tel a comparu dans le mallus devant tel comte et les boni homines qui ont signé ci-dessous[175] ; ou bien : Lorsque tel comte était assis au mallus avec les boni homines[176] ; ou encore : Il a été décidé par le graf et les boni homines qui étaient assis au mallus[177].

Il y en a cinq qui désignent cet entourage du comte par un titre honorifique. Ceux qui sont familiers avec les textes de cette époque savent combien ces titres étaient prodigués dans la langue usuelle, dans le style épistolaire, et même dans les actes officiels. Nos formules manquent rarement de donner au comte son titre de inluster vir. Plusieurs donnent aux hommes qui sont à côté de lui le titre inférieur de viri magnifici s'ils sont laïques, et de viri venerabiles s'ils appartiennent au clergé. L'une d'elles s'exprime ainsi : Un tel a comparu dans le mallus public en présence du comte homme illustre et de plusieurs hommes magnifiques qui siégeaient au tribunal[178].

Nous avons enfin neuf formules qui désignent les mêmes hommes par le terme de rachimburgi[179]. L'une d'elles appartient à un acte passé dans la ville d'Angers ; les autres appartiennent aux recueils dits de Bignon et de Merkel ou au formulaire de Sens. Le mot ne se rencontre pas dans le recueil de Marculfe.

De la comparaison de tous ces noms divers, qui s'appliquent visiblement aux mêmes hommes, il ressort déjà que les rachimbourgs dont nous allons parler ne forment pas une institution singulière et à part ; ce terme lui-même n'est que l'un de ceux par lesquels la langue usuelle désignait l'entourage du comte en justice.

Il est vrai que ce mot appartient à l'idiome germanique très probablement, quoiqu'on ne le retrouve chez aucun autre peuple germain ni dans aucun des dialectes allemands[180]. Il n'y a pas lieu d'être surpris qu'un terme germanique ait été introduit dans la langue latine de la Gaule. Mais cela ne prouve pas que le terme désigne une institution exclusivement germanique.

La Loi salique, qui est l'un des documents les plus instructifs de cette histoire, a pourtant été la cause ou l'occasion de quelques faux systèmes. Cela tient à ce qu'elle frappe vivement l'imagination par son style, par sa langue, par son aspect extérieur très particulier. Plusieurs esprits ont été dominés par elle au point de fermer les yeux, ou peu s'en faut, à tous les documents d'autre nature. Ils n'ont étudié les rachimbourgs que dans la Loi salique. Or, comme la Loi salique ne définit pas ce mot, comme elle ne dit pas ce que sont ces homines, en quel nombre ils sont, comment ils sont choisis, les érudits ont voulu deviner tout cela par leur propre imagination et leur logique, Naturellement, ils ne se sont pas trouvés d'accord. Savigny voyait dans ces rachimbourgs tous les hommes libres du canton, quoique la Loi salique n'ait rien dit de pareil[181]. Pardessus émettait le même avis[182]. Suivant Waitz, ils seraient les membres, de la communauté réunis, lesquels, dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, prenaient le nom de rachimbourgs[183]. Schulte croit aussi que les rachimbourgs étaient tous les hommes libres, jouissant de leur état complet de citoyen[184]. Thonissen, de même, veut qu'ils fussent tous les citoyens du canton, les mêmes hommes étant à là fois guerriers et juges[185]. Au contraire, si l'on en croit Zœpfl et Sohm, ils étaient non pas tous les hommes libres, mais quelques hommes élus par les hommes libres, au nombre de sept suivant Zœpfl, au nombre de douze suivant Sohm[186]. A peine avons-nous besoin de dire qu'aucune de ces théories n'est appuyée sur une seule ligne, sur un seul mot de la Loi salique.

A ces théories qui se forment dans l'esprit et par le seul travail de l'esprit, c'est-à-dire par la méthode subjective, il faut préférer la simple recherche qui se fait par l'observation et la comparaison des divers documents. Il n'aurait pas dû échapper que les mêmes rachimbourgs se trouvent dans la Loi salique et dans les formules. Et ce n'est pas seulement leur nom qui se retrouve : ils ont même rôle et mêmes attributions.

Quelques-uns allégueront que la date de rédaction de la Loi salique est inconnue, qu'il est admissible qu'elle soit du cinquième siècle, qu'en ce cas elle ne peut pas répondre à nos formules et doit être étudiée à part, sans tenir compte de celles-ci. Mais il faut faire attention que, si ancienne qu'on veuille la supposer, elle a été appliquée dans les jugements au sixième siècle, au septième, au huitième, c'est-à-dire durant toute l'époque où nos formules étaient copiées dans les actes. Il y a une autre remarque à faire. La Loi ripuaire n'a été rédigée qu'au septième siècle ; donc les rachimbourgs de cette loi sont contemporains de ceux des formules, et aussi leur ressemblent-ils tout à fait. Or en même temps ils ressemblent exactement à ceux de la Loi salique. D'où il faut déduire forcément que les rachimbourgs de la Loi salique et ceux des formules se ressemblent aussi et sont les mêmes hommes[187]. On doit donc rapprocher et étudier en même temps les deux Lois franques et les formules, et c'est par l'étude de tout cet ensemble que nous pourrons arriver à savoir ce que nous devons entendre par le terme de rachimbourgs.

Les lois, dans leur extrême concision, ne nous donnent pas une définition de ce que sont ces hommes ; les formules, par leur prolixité et par leur variété même, nous le font apercevoir. Et d'abord il faut constater que le mot rachimbourg qui se trouve dans neuf formules, correspond exactement à l'expression boni homines qui se trouve dans quinze autres. Comparez entre elles les formules où sont les deux termes, et vous ne trouverez aucune différence ni dans le sens des formules, ni clans le sens des deux mots. Ils désignent des personnages semblables, qui occupent même place dans les formules, même place aussi au tribunal, et qui remplissent mêmes fonctions. Prenez deux formules pareilles pour le fond et pour la forme ; dans l'une vous lisez : cum resedisset comes cum rachimburgis, et dans l'autre : cum resedisset comes cum bonis hominibus. Vous lisez ici : in mallo ante bonis hominibus, et là : in mallo ante rachimburgis. Vous trouvez dans l'une : judicatum est a bonis hominibus, et dans l'autre : judicalum fuit a racimburgis. Mettez deux formules en quelque sorte l'une sur l'autre ; elles s'appliqueront exactement et il sera visible que les deux termes y sont synonymes[188].

Cela est tellement vrai, que nous voyons dans une même formule les mêmes hommes être appelés d'abord rachimbourgs et quelques lignes plus loin boni homines[189]. Il y a plus. Ces hommes sont parfois désignés en même temps par leur double qualificatif, et nous lisons : cum bonis hominibus racimburgis[190].

Nous avons vu que cinq formules désignent l'entourage du comte par le titre de viri venerabiles ou de viri magnifici. Une formule dit venerabiles racimburgis[191].

Ces hommes n'étaient donc pas les premiers venus. Déjà la Loi salique avait laissé voir qu'il ne se pouvait pas qu'ils fussent de pauvres gens, puisque, au cas où ils se trompaient dans leur décision, elle condamnait chacun d'eux à l'énorme amende de six cents deniers d'argent[192]. La même loi ajoutait au mot rachimburgi l'épithète de idonei, laquelle indiquait tout spécialement la solvabilité[193]. L'édit de Chilpéric dit qu'ils doivent être bons et créables, c'est-à-dire d'une situation sociale qui inspire confiance[194] ; il ajoute qu'ils doivent être experts en procès[195]. Tout cela implique une élite. Boni homines, viri magnifici, rachimburgi idonei, sous ces dénominations diverses nous devons voir les principaux habitants du lieu où le comte tenait son tribunal. Grégoire de Tours, dont la langue est un peu plus classique, les désigne par le mot seniores, qui signifiait les premiers habitants d'un endroit[196].

Par qui étaient-ils choisis ? Suivant M. Sohm, ils étaient élus par la centaine ; mais la Loi salique ne parle ni de centaine ni d'élection. Aucun de ces deux mots ne se trouve non plus dans les formules à côté du mot rachimbourg. Nulle part il n'est dit ni que ces hommes soient élus, ni qu'ils représentent une population. D'autre part, on ne voit pas qu'ils aient été nommés par le roi. Nous avons de nombreuses listes de fonctionnaires royaux ; le nom des rachimbourgs ou des boni homines ne s'y rencontre jamais. Ces hommes ne sont donc ni des représentants du peuple ni des fonctionnaires du roi. Quelques érudits ont pensé qu'ils étaient désignés pour chaque procès par les parties en cause[197]. Mais les lois ne disent rien de pareil, et les formules montrent le contraire. Il est facile d'y constater que les rachimbourgs sont déjà réunis avant qu'aucune des deux parties ait comparu. On voit d'ailleurs siéger des rachimbourgs dans des affaires où il n'y a ni demandeur ni défendeur, et où il est impossible par conséquent qu'ils aient été choisis par les parties. Cette hypothèse trop ingénieuse ne supporte donc pas l'examen.

Il ne reste plus qu'une chose possible, c'est qu'ils aient été choisis par le comte. Cela n'est pas dit expressément dans les textes, mais cela est impliqué par quelques-uns d'entre eux. Quand la Loi salique dit que le graf doit réunir des rachimbourgs qui soient capables et solvables[198], quand l'édit de Chilpéric enjoint au comte d'avoir avec soi des rachimbourgs qui soient bons, créables et experts, cela fait penser que leur choix dépend de lui.

Il ne faudrait pourtant pas dire que les rachimbourgs ou boni homines reçussent du comte une nomination régulière. Ils n'étaient pas institués par lui, comme l'étaient son vicarius et ses centeniers. Ils n'étaient pas des fonctionnaires. Leur choix se faisait séance tenante et sans nulle règle fixe. Quand le comte, faisant sa tournée judiciaire, tenait son mallus en un endroit, les notables de cet endroit, les plus aisés, les plus expérimentés venaient d'eux-mêmes se ranger autour de lui. D'autres qui ne Amenaient pas spontanément étaient appelés par le comte, et contraints moralement à siéger. Venaient aussi, probablement, ceux que les parties intéressées pouvaient avoir engagés d'avance à se trouver au tribunal. Venaient enfin, très vraisemblablement, tous les petits praticiens du lieu. Cette sorte d'hommes fut fort nombreuse dans cette société très processive ; ils suivaient volontiers tous les jugements ; ils étaient heureux d'y prendre part pour acquérir de l'influence, et il était heureux de les avoir pour profiter de leur influence. Tous ces hommes pouvaient être rachimbourgs, tantôt un jour, tantôt l'autre ; mais nul ne l'était d'une manière constante. Rien n'était plus variable que la composition de ce petit groupe ; il changeait presque pour chaque procès. Aucune catégorie d'hommes n'y était particulièrement appelée, et aucune n'en était exclue. Seulement, il eût été impossible à un homme de s'asseoir au tribunal du comte si le comte ne le lui eût permis.

Plusieurs formules montrent que les clercs pouvaient être rachimbourgs aussi bien que les laïques[199] ; et cela est confirmé par les actes des conciles du sixième siècle, qui s'inquiètent du goût trop prononcé des clercs pour prendre part aux jugements[200]. Il n'y a pas de doute que les Romains ne pussent siéger aux tribunaux aussi bien que les Francs. Comme les deux races étaient justiciables du même tribunal, le tribunal était composé aussi sans distinction de races. De ce que les assesseurs sont appelés tantôt rachimbourgs et tantôt boni homines, nous ne sommes pas en droit de conclure que les rachimbourgs fussent des Francs et les boni homines des Romains. Les deux expressions étaient dans la langue usuelle comme synonymes ; aussi rencontrons-nous le mot rachimbourgs dans une formule d'Anjou qui est bien romaine. Nous voyons dans quelques formules l'évêque siéger à côté du comte[201], et cela est confirmé par quelques récits des écrivains. Dans deux affaires qui sont jugées, l'une à Tours, l'autre à Noyon, le comes a l'évêque auprès de lui[202]. Ce n'était pas que ce droit eût été conféré à l'évêque par une loi formelle ; mais l'évêque n'était-il pas le premier notable de la contrée ?

La composition du tribunal changeait d'ailleurs suivant les lieux. Quand il se tenait dans une grande ville, on peut admettre qu'il était souvent composé comme le décrit cette formule : Alors que siégeaient, pour l'utilité de l'Église et le service du prince, l'homme apostolique seigneur évêque et le comte homme illustre, avec d'autres, hommes vénérables ou hommes magnifiques de la cité, à Angers[203]. Mais lorsque le comte tenait son tribunal dans une petite ville ou dans un bourg, il est vraisemblable qu'il n'avait auprès de lui que quelques propriétaires de la campagne.

Telle était, autant qu'on peut la saisir dans les textes, la composition très variable et assez arbitraire du tribunal du comte. Comme le roi jugeait au milieu de ses grands, le comte jugeait au milieu des notables du ressort. Cet entourage était-il nombreux ? Nous ne saurions le dire ; nous n'avons aucun chiffre, et il ne nous paraît pas non plus qu'il y ait jamais eu un chiffre fixe[204]. Nous avons à chercher maintenant quelle action ces hommes exerçaient, quelle part effective ils prenaient à l’acte judiciaire.

Il y a un point sur lequel les textes sont fort clairs : c'est que ces hommes interrogent les plaideurs ou les accusés, et émettent un jugement. Les rachimbourgs, dit la Loi salique, assis au mallus, font l'examen de la cause entre les parties et doivent dire quelle est la loi[205]. Il y est dit encore que ces rachimbourgs jugent, judicant[206]. Cela est confirmé par les formules. Les arrêts des comtes nous manquent ; mais les notices ou attestations d'arrêts indiquent bien que c'est l'entourage du comte qui a interrogé, qui a jugé. Une formule d'Anjou s'exprime ainsi : Un Tel et son frère, dans la cité d'Angers, ont comparu en présence du comte et des rachimbourgs, et les personnes du tribunal ont décrété le jugement suivant[207]. On lit dans une formule de Tours : Un Tel est venu devant le juge et ceux qui siégeaient avec lui, et ces hommes ont interrogé le comparant[208]. De même dans une formule de Sens : Un Tel a comparu dans le mallus devant le comte et les boni homines ; les hommes du tribunal ont fait l'interrogatoire et ils ont rendu ce jugement[209]. Beaucoup d'autres formules établissent d'une manière certaine que c'est tout le tribunal qui a interrogé et jugé[210].

Est-ce à dire que ces hommes fussent de véritables juges, jugeant par eux-mêmes et en vertu d'un nom propre ? Notons d'abord qu'ils ne sont jamais appelés du nom de juges. Ni la Loi salique, ni la Loi ripuaire, ni les formules ne leur donnent une seule fois celle qualification[211].

Notons ensuite qu'ils ne siègent pas seuls. Ils sont avec le comte. Nous ne voyons de rachimbourgs qu'au mallus, et il n'y a de mallus que là où est le comte ou son délégué. Les formules marquent très bien qu'ils n'agissent qu'autour du comte[212]. Les deux Lois franques, dans leur extrême concision, ne le disent pas en termes formels ; mais elles le font entendre en plusieurs passages, par exemple quand la Loi ripuaire désigne par l'expression ante comitem le même mallus où jugent les rachimbourgs[213], ou quand elle désigne le mallus par les mots in præsentia judicis[214] ; et encore quand la Loi salique montre les malfaiteurs amenés devant le comte, ou une question de propriété portée devant lui, ou le comte exécutant un jugement[215] ; et enfin quand ces deux lois mentionnent le comte comme recevant la part des compositions prononcées. Visiblement, le comté, dans les lois franques, est à tout le moins fort mêlé aux actes judiciaires. Les mots de la Loi ripuaire in mallo ante comitem impliquent, que le comte est le premier personnage du tribunal ; il le préside ; et cela doit s'entendre aussi de la Loi salique, bien qu'elle ne le dise pas expressément. Tous les érudits se sont trouvés d'accord pour admettre que c'était le comte qui présidait le tribunal, et que c'était même lui qui prononçait la sentence. On peut donc dire que, même dans les lois franques, et à plus forte raison dans les formules, les rachimbourgs ne sont rien hors de la présence du comte. Ils n'existent pas sans lui.

On peut encore remarquer dans les textes qu'il n'y a jamais de rachimbourgs ni de boni homines au tribunal du roi, qui est pourtant la juridiction suprême et vraiment normale du royaume. Ces hommes ne figurent qu'au mallus, c'est-à-dire au tribunal du comte.

Quelle est d'ailleurs, sur le tribunal, la règle de leurs rapports avec lui ? Les érudits qui sont partis de cette idée préconçue que le mallus était une assemblée populaire et souveraine, n'ont pas pu admettre que le comte y exerçât l'autorité. Ils ont donc imaginé que sa présidence se bornait à assurer l'ordre matériel au tribunal, et que son privilège de prononcer la sentence n'allait que jusqu'à exprimer l'arrêt que les rachimbourgs lui auraient dicté[216]. Mais ce n'est ici qu'une pure théorie. Aucun document, pas même la Loi salique, ne signale cette singulière combinaison ; et quiconque a observé les institutions de l'époque trouvera bien invraisemblable que le comte, ce puissant personnage, presque un monarque dans son comté, ait pu se plier au rôle de prononcer des arrêts malgré lui. Il y a d'ailleurs des textes qui montrent que les choses se passaient autrement. Plusieurs formules disent en termes exprès que la décision a été prise par le comte et les rachimbourgs à la fois[217]. Celles qui s'expriment plus vaguement disent : Il a été jugé par les personnages qui étaient au tribunal[218]. Cette manière de parler n'exclut pas le comte. Qu'on regarde attentivement ces formules, et l'on reconnaîtra que les mots ab ipsis viris judicatum fait correspondent aux termes du début ante comitem et qui cum eo aderant. C'est le tribunal tout entier qui a décidé ; rien ne nous autorise à en distraire celui-là même qui le présidait.

En matière si délicate il convient de faire attention aux moindres détails. Je remarque que presque toutes nos formules s'expriment ainsi : devant le comte et les autres rachimbourgs[219]. Cette expression, qui est trop souvent répétée pour qu'on puisse l'attribuer au hasard ou à la négligence, implique que le comte est considéré lui-même comme un rachimbourg au milieu des autres[220]. On le distingue comme comte, on ne le distingue pas comme procédant à l'examen du procès et au jugement. Ainsi, le comte et les rachimbourgs ne sont pas placés l'un en face des autres comme deux pouvoirs différents. ils forment un seul groupe. Qu'on lise toutes nos formules, non seulement ils ne sont jamais en désaccord, mais même ils n'agissent jamais séparément. Ils interrogent en commun, ils jugent en commun ; on dirait qu'ils n'ont qu'une pensée et qu'ils sont un seul être. Dans les récits des écrivains, la même unité du tribunal est marquée, mais sous une autre forme. Ici c'est le comte seul qui est nommé ; c'est de lui seul qu'on dit qu'émane l'acquittement, la condamnation ou la grâce ; le narrateur ne voit que lui. Nous n'en conclurons pas qu'il procède sans rachimbourgs, pas plus que des lois qui parlent, seulement des rachimbourgs nous ne conclurons qu'ils procèdent sans le comte. Mais de tous ces textes si divers en apparence nous tirons une seule conclusion, à savoir que, sur le tribunal, les hommes ne distinguaient pas le comte de son entourage. Aussi n'est-il jamais dit que les rachimbourgs délibèrent sans le comte, ni que le comte après l'interrogatoire se retire ou s'écarte pour les laisser délibérer plus librement, ni que ceux-ci lui rapportent un verdict que le comte répète docilement. Rien de pareil. Il faut donc écarter cette théorie qui transforme les rachimbourgs en des juges souverains dont le comte ne serait qu'un serviteur.

Ces hommes jugent, on n'en saurait douter, judicant ; mais il faut regarder en vertu de quel droit ils jugent. Ils ne sont pas les délégués de la population, qui ne les a pas élus. Ils ne sont pas davantage les délégués du roi, qui ne les a pas nommés. Ils ne sont rien non plus par eux-mêmes, et il est clair qu'ils ne possèdent pas en leur personne le droit de juger. Ils ne tiennent ce droit que du comte. Us ne siègent au tribunal que parce que le comte les y a admis ou les y a appelés. La veille du jour où ils siègent, ils n'étaient pas des juges ; ils ne le seront plus le lendemain. Ils ne jugent que quand le comte veut qu'ils jugent. Loin que le comte leur soit subordonné, c'est du comte qu'ils ont reçu leurs éphémères attributions. Ils n'ont de pouvoir que ce qu'ils en empruntent au comte.

En droit, ils ne sont que les assesseurs du comte, lequel seul est armé du pouvoir judiciaire par délégation royale. En pratique, ils interrogent, ils jugent, ils font la sentence ou la préparent ; mais rien de tout cela malgré le comte. Qu'ils aient ainsi, en pratique, une action prépondérante, cela ne doit pas étonner. Le fonctionnaire royal est ordinairement étranger au pays ; s'il est un homme de guerre, il peut bien ignorer les lois ; s'il est de race franque, il ne connaît pas la Loi romaine, ni, s'il est de race romaine, la Loi franque. Il a pourtant à juger les deux races, et son diplôme de nomination lui enjoint de les juger l'une et l'autre suivant leurs lois et coutumes[221]. Il faut bien qu'il ait auprès de lui des hommes qui lui disent quelle est la coutume dans chaque cas particulier. Il faut bien aussi qu'il se conforme ordinairement à leur avis. Fait-il voter ? Compte-t-il les suffrages ? Si les avis sont partagés, est-il tenu de se conformer à l'opinion de la majorité ? Nous l'ignorons. Il semble plutôt, d'après quelques récits, que tout dépende de sa volonté, de son humeur, quelquefois de son intérêt. Sans doute il lui arrive assez souvent, ce que Grégoire de Tours rapporte du comte Leudaste, de ne tenir aucun compte de son entourage et de prononcer seul les sentences les plus arbitraires[222]. Il le peut toujours. Mais le plus souvent le comte est d'un caractère plus accommodant. S'il sent son ignorance des lois, il comprend que ses assesseurs lui tiennent lieu d'expérience et de science. Il les laisse donc interroger les parties ; il ne manque pas de les consulter sur l'arrêt, et n'ose guère s'écarter de leur avis. Non qu'ils lui imposent leur opinion, mais il accepte leur opinion sentant qu'il est juste et sage de l'accepter. Ajoutez que ce comte a d'autres occupations que la justice. Il est en même temps un administrateur, un receveur des impôts, un chef militaire. Pour beaucoup de raisons il peut être empêché de venir au tribunal. Quand il y passerait la moitié de ses journées, il lui serait encore impossible de juger tous les crimes et tous les vols qui ont été commis dans le vaste ressort qu'il administre ; impossible surtout de juger tous les procès relatifs à la propriété, les procès plus nombreux encore à cette époque qui portaient sur l'état civil, l'ingénuité, l'esclavage, le colonat, et enfin les débats innombrables des particuliers. Le roi et la loi le font juge unique de tout cela ; mais ses autres attributions et la limite des forces humaines l'empêchent très souvent de juger. Faut-il que le cours de la justice s'arrête ? Non. Quand nous avons étudié le tribunal du roi, nous avons constaté par des preuves certaines que la présence du roi était souvent fictive. Nous ne doutons pas qu'il n'en ait été de même de la présence du comte à son tribunal. Absent, il pouvait se faire remplacer par un de ses subordonnés, son vicarius ou un agent quelconque. Mais cela même n'était pas toujours possible, par exemple en temps de guerre, ou si les procès étaient trop nombreux. Le tribunal se tenait pourtant. Nous pouvons penser que les assesseurs ordinaires venaient s'y asseoir, et ils procédaient comme si le comte eût été là. Ils jugeaient par une sorte de délégation tacite ou de tolérance nécessaire ; mais ils jugeaient en son nom, en vertu de son droit, et comme s'ils eussent été lui-même.

Nous ne possédons aucun texte d'arrêt du tribunal du comte ; nous ne pouvons donc pas dire avec certitude comment l'arrêt était rédigé. J'incline à penser, par analogie avec le libellé des arrêts royaux, qu'il était rédigé au nom du comte, et que c'était lui qui prononçait le jubemus ou le decernimus. Mais nous n'avons que des attestations de jugement, et nous remarquons dans plusieurs formules que ces attestations sont écrites sur l'ordre des assesseurs et signées par eux. Cet usage singulier, et qui serait sans raison si le comte eût été présent, nous paraît indiquer qu'il n'était pas là ; peut-être était-il à cent lieues de là, au palais du roi, en quelque expédition militaire ou en quelque mission. Il n'était pas possible de lui faire signer l'arrêt, et il eût été imprudent d'attendre son retour. C'est alors que les assesseurs faisaient rédiger l'attestation, la signaient, la remettaient à la partie qui avait gagné le procès[223]. Voilà pourquoi nous possédons tant de formules de notitia judicii. Seulement, cette notice devait toujours commencer par le nom du comte et être rédigée de manière à faire croire qu'il était présent. Sa présence était obligatoire en droit, puisque le tribunal n'existait qu'avec lui et par lui. Mais cette présence n'était souvent, ainsi que nous l'avons vu pour le roi, qu'une fiction légale. En résumé, les hommes que l'on appelait boni homines ou rachimbourgs n'étaient en droit que les assesseurs et les conseillers du comte ; en fait, ils jugeaient avec lui s'il était présent ; absent, ils jugeaient sans lui, mais en son nom et comme s'il eût été là. En principe, le pouvoir de juger n'appartenait qu'au comte par délégation du roi ; en fait, l'exercice de la justice était souvent dans les mains des principaux habitants de chaque localité par la tolérance ou par l'absence du comte.

 

4° DE QUELQUES AUTRES JURIDICTIONS.

 

Tous les délits et tous les procès n'allaient pas au tribunal du comte. Son ressort était très étendu : il comprenait souvent un territoire comme le Poitou ou l'Auvergne. Quand le comte était très zélé pour la justice, il parcourait sa circonscription pour se rapprocher des justiciables et saisir partout les délinquants. Nous avons plusieurs exemples de cette justice ambulatoire : c'est Gundobald qui, à peine nommé comte de Meaux, juge les procès dans sa ville, puis parcourt la campagne pour continuer son œuvre judicaire[224] ; c'est le duc Roccolène qui se dirige vers Poitiers, annonçant à l'avance le jour où il y tiendra son tribunal[225] ; c'est le duc Herpon qui, arrivé dans une région fort troublée, la traverse en remettant l'ordre partout et en punissant les malfaiteurs, jusqu'à ce qu'on l'assassine[226]. De même la Vie de saint Walaric nous montre un comte qui tient son mallus dans un des bourgs de son ressort[227]. Mais nous pouvons admettre que beaucoup d'autres comtes ou ducs entendaient moins bien leurs devoirs. Ils se faisaient remplacer dans les petites localités par leur vicaire ou par leurs centeniers. Ceux-ci tenaient le mallus par délégation du comte, au milieu d'assesseurs ou de rachimbourgs[228]. D'ailleurs tous ces petits tribunaux n'étaient autre chose que des images du tribunal du comte[229].

Mais il existait en même temps d'autres juridictions d'un caractère particulier et qui ne se rattachaient ni au roi ni aux fonctionnaires royaux. Sans qu'elles aient eu une très grande importance dans l'ensemble de l'administration judiciaire, il convient pourtant de les signaler.

Au temps de l'empire, la cité avait eu sa justice propre, qui était rendue par ses magistrats : justice inférieure et presque de tolérance, à côté de la juridiction maîtresse qui appartenait au gouverneur romain, seul armé du jus gladii. L'un des traits caractéristiques de cette justice municipale était qu'elle n'avait pu prononcer aucune sentence de mort ; toutes ses décisions, d'ailleurs, pouvaient être annulées par le gouverneur. Celle juridiction, qui avait été très faible et presque nulle en droit, mais active et assez puissante en pratique, ne périt pas tout à fait avec l'empire. Même dans la décadence où tombèrent les magistratures et les curies, il resta quelque chose d'elle. Les documents en ont conservé quelques faibles vestiges.

Une formule nous montre une sorte de tribunal qui se tient à Bourges. Il est composé du defensor civitatis qui est le premier magistrat, des membres de la curie, de quelques ecclésiastiques et de quelques habitants notables[230]. Ni le comte, ni aucun fonctionnaire royal n'est nommé. Et la formule débute par l'énoncé de ce principe que les lois autorisent tout homme qui a souffert un préjudice, soit par la faute d'un adversaire, soit par négligence, à porter sa plainte à la cité[231].

C'est peut-être un acte de juridiction municipale qui est relaté dans la trente-deuxième formule du recueil de Tours. Elle ne nomme pas, à la vérité, les personnages qui composent le tribunal ; mais comme les juges allèguent la loi romaine, et comme ils se contentent d'indiquer que le crime commis est passible de la peine de mort, sans qu'ils prononcent pourtant cette peine, cela me porte à penser qu'il s'agit ici d'une juridiction secondaire, qui est la juridiction municipale[232].

Grégoire de Tours présente deux récits où cette même juridiction se reconnaît. Près de Tours, deux hommes nommés Sichaire et Austrégisile ont eu une querelle où plusieurs meurtres ont été commis. Le comte n'évoque pas l'affaire à lui, quoiqu'il soit présent dans la ville. Les deux adversaires comparaissent ensemble devant ce que Grégoire appelle le tribunal des citoyens[233]. Sans doute il ne faut pas entendre par cette expression que tous les citoyens de la vaste cité se soient rassemblés en comices. L'explication la plus naturelle et la plus vraisemblable, je n'ose dire tout à fait certaine, est que ces mots signifient le tribunal de la cité ; et il n'est pas trop téméraire de se représenter ici les mêmes personnages qu'une formule du même pays appelle le vénérable défenseur, la curie, les honorés, les principaux, c'est-à-dire les restes de l'ancienne curie et de l'aristocratie locale[234]. Ces hommes s'érigent en tribunal sans qu'aucun fonctionnaire soit au milieu d'eux. Ils examinent l'affaire. Comme ils n'ont pas le droit de condamner à mort, ils ne prononcent pas un jugement définitif. Ils émettent seulement un avis, præcipiunt ; et cet avis est que le meurtrier Austrégisile mérite d'être condamné suivant la rigueur des lois, autrement dit, mérite la peine de mort[235]. Mais il ne peut pas y avoir ici d'arrêt exécutoire ; le meurtrier n'est pas même mis en prison, et une autre procédure commence, comme dans la formule de Tours dont nous parlions tout à l'heure.

Un autre récit de Grégoire nous montre un jugement prononcé à Bourges par les principaux de la ville[236], jugement qui n'entraîna d'ailleurs aucune peine corporelle. On doit remarquer enfin que les anciennes cités romaines conservèrent sous les Mérovingiens ce qu'elles continuèrent d'appeler leur forum publicum[237]. Que nos formules n'y signalent que l'enregistrement d'actes privés, cela ne prouve pas qu'il ne s'y fît que des écritures. La composition même de l'assemblée qui s'y réunit ne se comprendrait pas pour un simple enregistrement[238], et l'on peut admettre que cette assemblée se faisait juge tout au moins des débats relatifs aux actes qu'elle enregistrait.

Les jugements par arbitres, c'est-à-dire par des juges que les parties en cause choisissaient, existèrent aussi sous les Mérovingiens. Ils avaient été dans les habitudes des populations de l'empire[239] ; ils se continuèrent. Aussi trouvons-nous, au sixième et au septième siècle, dans tous les pays qui avaient fait partie de l'empire, des juges choisis par les parties et que l'on appelle judices electi. Il en est fait mention fréquemment dans les textes de l'Italie et de l'Espagne wisigothique[240]. Nous ne les trouvons ni dans les lois franques ni dans les formules qui nous sont parvenues ; mais ils sont signalés dans les actes du concile d'Orléans de 538, et c'est assez pour croire qu'ils étaient demeurés dans les habitudes des hommes[241] ; aussi les voyons-nous mentionnés encore dans des textes du huitième et du neuvième siècle[242].

D'autres fois, au lieu de deux ou trois juges choisis, nous apercevons un véritable tribunal, qui n'est pas le tribunal du comte et semble n'avoir rien de légal, devant lequel pourtant les parties en cause se présentent. En voici un exemple : A Langres, le fils de Silvester prétendait que son père avait été assassiné par le diacre Pierre ; tous les deux convinrent de porter l'affaire à Lyon ; ils comparurent devant un tribunal composé de l'évêque de Lyon, d'un autre évêque, de plusieurs ecclésiastiques et des principaux laïques de la ville[243]. Assurément ce n'était pas là le mallus du comte, quoiqu'il ne soit pas impossible que le comte y ait pris place. Ce tribunal prononça l'acquittement de l'accusé.

Ailleurs, Grégoire de Tours nous montre un débat entre des laïques. Le comte Eulalius est en procès avec sa femme Tétradia et un autre comte, Désidérius. Le débat, n'est jugé ni par le roi, ni au mallus d'un comte ; il est porté devant un tribunal composé de plusieurs évoques et de plusieurs laïques de haut rang[244]. Voici une autre affaire entre des personnes qui paraissent être de race franque. Une femme nommée Bertégunde a reçu un legs de terres de son frère Bertramn ; sa mère Ingeltrude revendique ces terres pour elle-même. Deux évêques, Grégoire de Tours et Marovée de Poitiers, sont chargés par le roi de juger ce procès. Ils prononcent un jugement ; mais ce jugement n'est pas définitif ; l'une des deux parties le repousse et porte l'affaire directement au tribunal du roi[245].

L'évêque de Tours s'est trouvé acteur principal dans un autre procès. Cette foi s il s'agissait d'un meurtre. Un certain Sichaire avait tué Austrégisile et plusieurs autres. Grégoire, à titre d'évêque diocésain, envoie vers les deux parties[246], c'est-à-dire vers Sichaire d'une part, vers la famille d'Austrégisile de l'autre, et les mande à son tribunal[247]. Visiblement, ce n'est pas ici le tribunal du comte, quoique le comte soit en cette affaire d'accord avec l'évêque[248]. Notons que l'évêque, en mandant les deux adversaires devant lui, n'annonce pas qu'il jugera ni qu'il prononcera une peine, mais seulement qu'il mettra la paix, qu'il réconciliera[249]. Ils viennent tous les deux. L'évêque n'est pas seul sur son tribunal ; il a autour de lui les principaux habitants de la cité[250]. C'est certainement lui qui préside, et, dans son récit, c'est lui seul qui parle. Il parle moins en juge qu'en conciliateur : N'allez pas plus loin dans ces crimes, dit-il aux deux parties ; faites la paix entre vous, je vous en conjure ; que celui de vous qui a fait le mal, compose. Il n'est pas assez riche pour payer ce qu'il faut ; mais je lui donnerai l'argent de l'église pour qu'il se rachète[251]. Telle est la sentence, ou plutôt ce n'est pas une sentence, c'est une simple proposition de conciliation faite par l'évêque, et cette proposition est si peu obligatoire qu'une des parties la repousse[252].

Nous possédons cinq formules d'actes judiciaires qui nous montrent un tribunal présidé par l'abbé d'un monastère, et où ne siège ni le comte ni aucun fonctionnaire royal. L'abbé, de même que le comte en son mallus, est entouré d'assesseurs. Ceux-ci sont, les uns des clercs, les autres des laïques d'un rang élevé[253]. Les questions qu'on y juge sont relatives à la propriété, à l'héritage, au fermage, à l'état civil[254], mais non au meurtre, ni au vol, soit parce que la juridiction criminelle est interdite à un tribunal où aucun délégué de l'autorité publique ne se trouve, soit parce que les canons de l'Église interdisent aux ecclésiastiques de prendre part à des jugements d'où mort d'homme peut suivre[255]. Les choses, d'ailleurs, se passent ici comme au mallus du comte : le jugement est prononcé par le tribunal tout entier, c'est-à-dire par l'abbé et ses assesseurs inséparablement[256]. Sur l'origine et la nature de ce tribunal de l'abbé plusieurs hypothèses peuvent être faites ; mais les documents ne fournissent aucune certitude. Assurément ce n'est pas un pur tribunal d'Eglise, puisqu'il est composé en partie de laïques. Ce n'est pas non plus, à notre avis, un tribunal d'immunité ; car il n'y a pas un mot dans ces cinq formules qui autorise à croire que les comparants soient des sujets ou des tenanciers de l'abbé[257].

Ce qu'il faut admettre, c'est qu'il y a eu dans l'État mérovingien des juridictions de toute sorte et de nature très diverse. Ce serait se tromper que de se figurer les institutions judiciaires de l'époque comme un système bien ordonné et fixé par une règle absolue. Ce qui est légal, normal, impératif, c'est la justice du roi et de ses fonctionnaires. En pratique, les optimales jugent plus que le roi, les rachimbourgs plus que le comte ; et à côté de ces tribunaux réguliers il existe encore plusieurs catégories de tribunaux inférieurs, mais indépendants, auxquels les hommes s'adressent volontiers. Entre les uns et les autres la distinction essentielle est en ceci que là où est le roi, là où est le comte, le jugement est. prononcé par l'autorité publique et exécutoire ; les autres tribunaux où n'intervient pas l'État, sont dénués de la puissance coercitive : ce que d'ancien droit appelait imperium leur fait défaut. Aussi les décisions qui en émanent peuvent-elles être annulées par le comte. Grégoire de Tours cite de cela un exemple curieux. L'évêque de Lyon avait jugé une affaire ; le comte n'en évoqua pas moins l'affaire à lui. Et, comme l'évêque lui faisait dire qu'il désirait qu'on ne revînt pas sur son jugement, le comte s'écria : Répondez à l'évêque que cette cause et plusieurs autres qui ont été portées devant lui seront jugées définitivement par un autre que lui[258]. Voilà un récit qui marque à la fois la juridiction de l'évêque et les limites de cette juridiction ; n'étant pas légale, elle s'arrêtait là où le roi ou le comte voulait qu'elle s'arrêtât.

 

5° COMPARAISON DES AUTRES ÉTATS GERMAINS.

 

Nous devons chercher maintenant si la méthode comparative Contredira ou confirmera ce que l'analyse des textes francs vient de nous montrer. Regardons les peuples qui ont eu la même origine que les Francs et qui ont fondé sur le territoire de l'ancien empire des Étals analogues à celui des Mérovingiens : le pouvoir judiciaire y appartient-il au peuple et aux hommes libres, ou bien appartient-il au roi et aux fonctionnaires royaux ? Il est clair que, si les Francs avaient apporté avec eux de la Germanie les traditions d'une justice populaire, les mêmes traditions auraient été apportées aussi par les autres peuples germains.

La Loi des Burgundes n'a pas un seul mot qui se rapporte à une justice populaire ou à un jury d'hommes libres. Or cette loi a été rédigée à une époque où ce peuple n'était pas encore assez éloigné de son ancienne patrie pour en avoir oublié les institutions. Dans ce code du roi Gondebaud il n'y a pas le moindre indice d'un tribunal qui serait composé des hommes du canton ou de la centaine ; il n'y en a même pas le souvenir. Le tribunal s'appelle, non pas mallus comme dans la Loi salique, mais judicium comme dans les textes romains et aussi dans la Loi ripuaire. Là siège un juge qui est toujours nommé seul ; c'est le judex, au singulier ; ce n'est jamais un groupe ni un jury[259]. La loi ne parle même pas d'assesseurs ; ni le mot rachimbourgs ni aucun autre semblable ne s'y trouve. D'où il faut conclure, non pas que l'usage des assesseurs en justice ail été inconnu chez les Burgundes, mais que ces assesseurs avaient trop peu d'importance légale pour que le législateur s'occupât d'eux. Le juge dont parle la loi est un comte[260], c'est-à-dire un fonctionnaire royal, ou un homme spécialement délégué par le roi, judex deputatus[261]. Il est manifeste dans ce code que c'est du roi que toute justice émane.

Les Ostrogoths ont reçu un code de lois dès leur entrée en Italie. On a bientôt fait- de dire que cet Édit de Théodoric n'est guère autre chose que la loi romaine ; mais ce qui est remarquable, c'est justement qu'un roi ait pu appliquer cette loi à ses barbares, qui étaient certes des hommes libres, qui restaient groupés et qui seuls portaient les armes. Nul ne supposera qu'il ait pu leur enlever par sa seule volonté leur droit et leurs coutumes. S'ils avaient eu quelque habitude de justice populaire, on en trouverait la marque dans ce code. Nous n'y voyons jamais ni une assemblée de canton, ni un jury ; il n'y est parlé que d'un seul juge[262]. Son tribunal s'appelle judicium ou prætorium judicis[263]. Ce juge est un fonctionnaire royal ; il représente l'État ou le roi, et c'est pour cela qu'on l'appelle judex publicus et son tribunal judicium publicum[264]. Le roi lui donne ses instructions comme à un agent, et, en cas de faute, il le destitue [265]. Au-dessus de cette juridiction des comtes royaux, il y a le tribunal du roi. Si le roi ne le préside pas en personne, il est remplacé par le sacer cognitor, qui est le représentant du prince en justice, comme dans l'empire romain[266].

La Loi des Wisigoths, dans la forme où elle nous est parvenue, n'a été rédigée qu'au septième siècle. On n'y trouve pas le moindre reste d'une ancienne justice rendue par les hommes libres[267]. On y voit la liste des hommes qui sont appelés à juger : ce sont les ducs, les comtes, les vicaires des comtes, les tiuphadi, les milléniers et centeniers[268]. Tous ces hommes sont des fonctionnaires du roi. Ce sont les juges ordinaires ; à eux s'ajoutent ceux qui sont délégués spécialement par un ordre royal[269] ; ceux que la loi appelle pacis assertores et qui ont eux aussi une délégation du roi[270] ; enfin des juges subalternes qui sont délégués par les comtes[271]. Il y a bien encore une justice arbitrale, rendue par des hommes que les deux parties ont choisis[272]. En dehors de cela, toute la justice appartient aux agents ou représentants du roi. Le principe est formulé expressément : Nul ne peut juger que celui qui en a reçu du roi le pouvoir[273]. Le code wisigothique ne prononce pas le nom de rachimbourgs ; il montre du moins que le juge à auprès de lui des assesseurs, qui sont appelés honesti viri[274], notables, ou encore auditores ; mais c'est, le juge lui-même qui les choisit et les appelle à siéger avec lui, et il prend leur avis s'il le veut[275]. Au-dessus de celle juridiction des fonctionnaires s'élève la juridiction du roi[276], qui reçoit les appels et de laquelle nul ne peut appeler.

Les Lombards sont les derniers venus dans l'empire, les derniers sortis de la Germanie. Cherchez dans leurs lois la juridiction de centaine, le jury des hommes libres, vous ne trouvez rien de pareil. Leur code nous montre la justice rendue dans chaque civitas par un judex[277]. Ce judex est toujours mentionné seul[278], et il n'est parlé d'aucune assemblée qui siège à côté de lui. La poursuite, l'enquête et le jugement lui appartiennent[279]. Il est responsable des arrêts rendus[280]. Il doit, dit la loi, siéger chaque jour sur son tribunal, rendre bonne justice à tous, se garder de recevoir des présents[281]. Or ce judex des lois lombardes, comme le judex fiscalis des Francs, comme le comes, est un fonctionnaire royal ; aussi l'appelle-t-on judex publicus[282]. C'est le roi qui l'a institué[283], et le roi peut le révoquer[284]. Comme il a un ressort assez étendu, la civitas, il institue à son tour des délégués, que la loi appelle des noms de sculdahis, de centeniers, de lieutenants, et qui jugent à sa place[285]. Au-dessus de la juridiction des comtes et de leurs délégués s'élève le tribunal du roi auquel s'adressent les appels[286].

Regardons chez les peuples germains qui sont restés en Germanie, les Alamans, les Bavarois, les Thuringiens ; Il est vrai qu'aucune de leurs législations n'est antérieure au septième siècle. Elles datent de l'époque où ces peuples faisaient partie de l'État Franc. Elles ont été inspirées, souvent même dictées, par les rois des Francs. Lorsque vous y lisez le mot roi, c'est du roi mérovingien qu'il s'agit. Vous y voyez des ducs, des comtes, des centeniers, parce que les rois francs y ont implanté l'organisation de leur État, de même que l'Église chrétienne y a implanté ses privilèges et son esprit. Ces codes sont curieux à étudier, non pas que nous devions espérer d'y trouver les institutions de la vieille Germanie, mais parce que nous y trouvons une image assez fidèle, sauf la persistance de quelques coutumes locales, de l'organisme mérovingien.

Pour ce qui est du pouvoir judiciaire, la Loi des Alamans ne montre dans chaque circonscription qu'un seul juge ; elle ne parle nulle part d'un jury populaire, d'un peuple rendant des jugements. Cependant le titre 56 de cette loi a servi de prétexte à une singulière erreur. On y lisait que le comte ou son délégué ou le centenier devait tenir un conventus dans chaque centaine tous les quinze jours au moins, et que tous les hommes libres du canton devaient se rendre à ce conventus[287]. Voilà tout ce qu'on lisait dans la loi ; mais on y a ajouté quelque chose qui n'y est pas, à savoir, que cette population se constituait en tribunal et rendait les jugements. La loi ne dit rien de pareil. Tout au contraire, elle montre bien que cette population ne juge pas. Car, aussitôt après avoir .dit que le comte ou le centenier tient son conventus, au jour qu'il veut[288], elle ajoute que tout homme a le droit d'en citer un autre à comparaître devant son juge[289], afin que le juge le punisse suivant la loi[290]. Elle n'a pas un mot qui autorise à penser que ce public rende les arrêts. Le fonctionnaire royal l'a convoqué, il est vrai ; en annonçant à quel jour il tiendrait son tribunal, il a voulu que tous les hommes libres du canton fussent présents devant lui. Mais où, voit-on qu'il s'en remette à eux du soin de juger, qu'il les consulte sur les arrêts à rendre, qu'il les fasse délibérer et voter ?

La convocation d'une population devant un tribunal surprend un peu nos esprits modernes. Cet usage, que nous déjà vu dans l'empire romain, s'explique fort bien sans qu'il faille lui attribuer un caractère démocratique. Dans les temps où la justice était loin d'être organisée comme aujourd'hui, le magistrat qui se transportait d'un canton à un autre pour juger les procès et les crimes, avait besoin que presque toute la population se réunît devant lui. Ce n'était pas seulement pour donner de l'éclat à ses jugements ; c'était pour avoir sous la main tous les plaideurs, tous ceux contre qui il était porté plainte, tous les témoins des faits, tous ceux qui pouvaient attester un usage local. Sans cela, une justice ambulatoire et intermittente n'aurait pas pu fonctionner. Le præses romain, le comte franc, n'avaient pas pu procéder autrement. Dans celle population, le magistrat se choisissait quelques assesseurs ou conseillers, qui montaient sur son tribunal. Le reste, au pied du tribunal, était muet et inactif, en attendant que l'un fût appelé comme défendeur, l'autre comme accusé, l'autre comme témoin. Cette population n'était pas réunie là pour juger ; elle l'était au contraire pour être jugée.

Loin que la Loi des Alamans nous montre ce public jugeant, elle ne nous parle toujours que d'un juge[291]. C'est le juge qui doit rendre bonne justice[292]. C'est lui qui doit veiller à ce qu'il ne soit fait aucun tort aux petites gens ; recommandation qui serait bien inutile si le droit de juger avait appartenu à ces mêmes petites gens. Les érudits qui ont prétendu que le comte n'était ici que le président d'un immense jury souverain, qu'il n'était que l'organe du peuple qui était là[293], ont dit le contraire de ce qui est dans la loi ; et ils ont tiré cette théorie d'une idée préconçue qu'ils avaient dans l'esprit. La loi nous montre simplement un juge qui est le comte ou son subordonné, c'est-à-dire un fonctionnaire royal, qui doit tenir son tribunal tous les quinze jours au moins dans chaque canton, qui chaque fois convoque la population à paraître devant lui, mais qui juge lui-même et décide seul en présence de cette population.

La même législation, un peu plus loin, ne parle encore que d'un seul juge, et elle dit expressément que ce juge est institué par le duc du pays des Alamans : Que personne n'ose se mêler de juger aucune cause, si ce n'est celui que le duc, dans une assemblée générale, a institué juge pour juger les procès[294]. La loi parlerait-elle ainsi, si la justice était rendue par des assemblées populaires ? Or ce judex institué par le duc du pays, c'est visiblement le comte, et, après le comte, le missus du comte ou le centenier. Voilà l'homme qui a seul le droit de juger les causes. Nous n'affirmons pas qu'il soit seul à juger et qu'il siège sans assesseurs ; mais du moins il possède seul le pouvoir judiciaire.

Quand le législateur recommande qu'il soit fait bonne justice, il ne s'adresse pas à une foule, mais à un juge unique : Que le juge ne soit ni menteur ni parjure et qu'il ne reçoive pas de présents[295]. Ces défauts ne sont pas ceux que l'on peut craindre d'une assemblée populaire, qui en aurait d'autres ; ce sont ceux que l'on peut toujours redouter d'un homme qui se voit seul armé de la puissance judiciaire. Qu'il juge les procès sans acception de personnes, et qu'il ait dans son cœur la crainte de Dieu ; s'il juge avec équité, il recevra de Dieu sa récompense et il jouira d'une bonne renommée parmi les hommes. C'est ce juge seul aussi qui est responsable des jugements rendus ; c'est de lui qu'on appelle. Si son jugement est infirmé, il est condamné à une amende ; en revanche, si son jugement est confirmé par d'autres juges, c'est à lui-même que l'amende est payée par l'appelant[296].

Il en est de même dans le Code des Bavarois. Le judex[297] a l'obligation de tenir son plaid au moins une fois par mois, dans son comté. Il en fixe le jour et le lieu comme il l'entend, et il y appelle tous les hommes libres de la circonscription[298]. Mais il n'est nullement dit que ces hommes jugent. C'est le comte seul qui rend la justice. Seulement, dans chaque localité où il tient son tribunal, il doit avoir auprès de lui le fonctionnaire de cette localité, qu'il soit centenier ou qu'il porte un autre titre[299]. Lorsqu'il s'agit de rendre l'arrêt, la loi ne dit pas au comte de consulter la population qui est présente ; elle lui enjoint, ce qui est fort différent, de consulter un livre ; car il doit toujours avoir avec lui le livre des lois, afin de bien juger sur chaque cause[300]. Il est rétribué, comme tout fonctionnaire, en proportion des arrêts qu'il rend. Il est responsable aussi de ses jugements[301].

Au fond, ces lois, dans lesquelles les rois francs ont mis la main, s'accordent avec les lois franques. La justice appartient aux fonctionnaires royaux jugeant en présence de la population. Par-dessus cette juridiction du fonctionnaire local, il y a celle du duc[302], qui est le chef du pays au nom du roi, et qui est assisté des grands du pays[303], comme le roi sur son tribunal est entouré des proceres.

Ainsi, soit que l'on regarde les États germains fondés dans l'empire, soit que l'on regarde les peuples germains restés en Germanie, on n'aperçoit nulle part une justice populaire[304]. La méthode comparative confirme ce que tant de textes nous ont montré dans l'État Franc. Car, dans tous ces États semblables ou analogues, nous voyons avec une pleine évidence que le pouvons judiciaire appartenait à l'autorité publique.

 

6° LES PROFITS DE LA JUSTICE.

 

Comme la justice appartenait à la royauté, elle était aussi pour la royauté une source de revenus. Les amendes judiciaires allaient toutes au trésor royal, et elles étaient nombreuses.

Il y avait d'abord les amendes pour les délits qu'on pouvait supposer commis contre Je roi lui-même ou contre l'autorité publique. Si un homme avait refusé de prêter main-forte à un fonctionnaire royal pour l'arrestation d'un malfaiteur, il payait au fisc l'énorme amende de 60 pièces d'or[305]. La Loi salique prononce que l'homme qui aura agi à l'encontre d'une lettre royale payera 200 pièces d'or, somme égale à celle dont serait puni le meurtre d'un homme libre[306]. Celui qui a refusé de recevoir en son logis un homme voyageant pour le service du roi paye 60 solidi[307]. Si un homme appelé en justice devant le roi refuse de comparaître, tous ses biens lui sont enlevés au profit du fisc[308]. Le meurtre d'un affranchi en patronage du roi donne lieu à une amende de 100 solidi au profit du roi[309]. Pour le rapt d'une jeune fille qui est sous la protection royale, le fisc perçoit une amende de 65 solidi[310]. Les rois francs prescrivirent d'observer le repos du dimanche ; quiconque violait cette règle était puni d'une amende envers le roi[311]. Si une femme libre se livrait à son propre esclave, ses biens étaient en entier dévolus au roi[312].

Toute désobéissance à ce qu'on appelait le bannus, c'est-à-dire à une volonté quelconque du roi, était frappée d'une amende de 60 pièces d'or[313]. Même amende pour tout retard à se rendre, à l'armée[314]. Grégoire de Tours nous montre un évêque, pour avoir agi en matière ecclésiastique contrairement aux ordres du roi, frappé d'une amende de 1.000 pièces d'or[315]. Une autre fois, c'est un simple gouverneur de province qui, sur le soupçon d'un vol, condamne un archidiacre à une amende de 4.000 pièces[316].

Quant aux crimes auxquels on pouvait appliquer la qualification de lèse-majesté, ils entraînaient toujours la confiscation totale des biens[317]. Les récits de Grégoire de Tours montrent que ces confiscations étaient fréquentes au sixième siècle[318], et la Vie de saint Léger montre la même chose pour le septième. Il semble même que l'accusation de lèse-majesté, chez les Francs comme aux plus mauvais temps de l'empire romain, ait été considérée comme un moyen d'augmenter les terres du fisc et la fortune du prince[319].

Même dans les crimes qui ne touchaient en rien au roi, l'amende trouvait encore sa place. C'est que l'usage des amendes se combinait avec le système des compositions. On sait que les délits et crimes contre des particuliers aboutissaient presque toujours à un arrangement pécuniaire. La somme d'argent était naturellement payée à la partie lésée. Mais le roi ne renonçait pas à tous ses droits. Puisqu'il y avait eu faute commise, il devait, lui aussi, être indemnisé[320]. Une partie de la composition lui était due. Cette part du roi s'appelait fredum[321]. Elle était calculée sur le chiffre de la composition totale, et ordinairement elle en était le tiers[322]. C'était le comte qui la percevait après l'exécution du jugement, et il la transmettait au trésor royal[323].

On voit qu'avec tout ce système d'amendes, de compositions, de freda, il n'était pas de crime qui ne comptât en recette au trésor royal. On dirait d'un impôt qui aurait été établi sur toutes les fautes commises dans le royaume.

Même dans les procès civils entre particuliers, l'intervention de la justice royale impliquait une rémunération pour le fisc. C'est ce que nous pouvons voir par quelques chartes et surtout par de nombreuses formules d'actes. Un usage qui venait des Romains était que les contrats fussent terminés par une clause pénale, c'est-à-dire que les parties convenaient d'avance de la somme à laquelle serait condamnée celle qui romprait la convention. Or la plupart des contrats que nous avons de l'époque mérovingienne établissent que celle somme sera partagée entre la partie lésée et le fisc. C'etait un moyen d'intéresser la justice publique à agir pour le maintien des contrats, en un temps où cette justice eût été assez indifférente aux intérêts privés. Ainsi dans des actes de vente, de testament, de partage de succession, de constitution de dot, de donation mutuelle entre époux, de donation à un monastère, de vente d'esclaves, d'affranchissement, nous lisons une phrase conçue dans ces termes : Si quelque personne prétend agir contre le présent acte, que sa tentative soit nulle cl non avenue, et qu'en outre elle paye à la partie lésée et au fisc à la fois tel nombre de livres d'or ou tel poids d'argent[324]. Cela se trouve dans des actes rédigés en Anjou, à Bourges, en Auvergne, à Paris, à Sens. Cela se trouve aussi bien dans des actes qui citent la Loi romaine que dans d'autres actes qui allèguent la Loi salique[325].

Il y avait donc dans chaque crime et même dans chaque procès un profit pour la royauté. Toutes ces sortes d'amendes devaient produire des sommes considérables. Aussi peut-on remarquer dans les diplômes d'immunité que les freda sont au premier rang dans l'énumération des charges pécuniaires de la population envers l'État[326]. Il semble que ce soit la principale ressource de la royauté. Or ces usages ont eu de graves conséquences. En effet, la perception des produits judiciaires s'est conservée, sous des formes diverses, dans les siècles suivants, et il est résulté de là que tout le moyen âge a considéré la justice comme une source de profits. La justice est devenue une sorte de domaine qu'un propriétaire pouvait exploiter ou inféoder à son gré[327].

 

 

 



[1] Savigny, Histoire du droit romain, traduction, I, 141. — Pardessus, Loi salique, p. 571-576. — Waitz, Deutsche Verfassungsgeschichte, 3e édition, t. II,. 2e partie, p. 157-197. — Sohm, Procédure de la Loi salique, traduction Thévenin ; Reichs und Gerichtsverfassung, 1871. — Thonissen, Organisation judiciaire de la Loi salique, 1882. — Fahlbeck, La royauté et le droit royal francs, édition française, p. 16-25, 124-150. — Schulte, Manuel du droit public et privé, p. 575.

[2] Nous avons déjà traité ce sujet dans nos Recherches sur quelques problèmes d'histoire, 1885, p. 559-528. Nous n'avons rien à changer à des opinions qui ne sont nullement des opinions personnelles, mais qui résultent forcément de l'observation des textes et des faits.

[3] On lit seulement, au titre XLVI, § 2 : Quos heredes appellavit publice coram populo festucam in laiso jactasset. Mais 1° il est visible que coram populo ne signifie pas autre chose que en public ; 2° le plus grand nombre des manuscrits ne portent pas coram populo ; celui de Wolfenbuttel écrit coram hominibus, celui de Montpellier coram bonis hominibus ; la plupart des autres coram omnibus, ce qui veut dire aussi en public. Dans ce titre, d'ailleurs, il ne s'agit pas de jugement, il s'agit d'un acte d'adoption qui doit être fait publiquement. Il est impossible de voir là un peuple, dans le sens politique du mot, encore moins un peuple qui juge.

[4] Nous avons dit plus haut que l'existence du mot centenarius (XLIV, 1 ; XLVI, 1) n'implique nullement l'existence d'une centaine territoriale : centenarius est seulement le titre d'un grade ou d'un emploi. Voyez pourtant comme l'esprit de système s'est donné carrière en tout ceci : du seul mot centenarius M. Sohm conclut qu'il devait y avoir des groupes nommés centenæ ; puis, ayant ainsi supposé l'existence de la centena, il en conclut que cette centena devait posséder le pouvoir judiciaire, quoique cela ne soit dit dans aucun texte.

[5] On ne trouve la centena que dans la Loi des Alamans, tit. XXXVI, loi qui a été rédigée au septième siècle. Il y est dit que les jugements se font dans chaque centaine ; mais il n'y est pas dit que ce soit la population de la centaine qui juge ; celui qui juge est le comes, ou son missus, ou le centenier.

[6] Ajoutez à cela le mot mallare ou admallare, qui se trouve dans les formules d'Anjou et de Tours, dans celles de Marculfe, dans les Senonicæ, aussi bien que dans la Loi salique.

[7] On a cité le mot plebs, qui s'appliquerait au mallus, au titre LIV de la loi ; on lisait : in singulis mallobergis, id est plebs qux ad unum mallum convenire solet ; mais il faut faire attention : 1° que ces mots ne se trouvent que dans deux manuscrits sur soixante-quatre, et non pas dans les meilleurs (Paris, 4652 et 4760, qui appartiennent à la catégorie dite emendata) ; 2° qu'ils sont visiblement une interpolation, comme l'indiquent les mots id est. — On a allégué aussi les mots ante teoda du titre XLVI ; mais personne ne peut savoir quel est le sens de ce mot, qui n'est pas défini ici et qui ne se retrouve nulle part ailleurs ; supposer qu'il signifie peuple est une hypothèse arbitraire ; voyez la note de Kern, dans l'édition Hessels, § 227.

[8] Souvent aussi, et par une dérivation naturelle, mallus signifie une séance du tribunal ; exemples : in allero mallo, dans une seconde séance ; tribus mallis, à trois jours de séance successifs ; ad tertium, quartum, quintum mallum, au troisième, au quatrième, au cinquième ajournement (Lex Salica, 59 ; Lex Ripuaria, 52 ; Pactus Childeberti, 2). Ainsi la Loi ripuaire prononce une amende de 15 solidi, pro unoquoque mallo, c'est-à-dire pour chaque ajournement auquel on aura fait défaut, titre XXXII.

[9] Voyez, par exemple, la formule de Marculfe, I, 40.

[10] Nous parlons ici des textes purement mérovingiens ; à partir du huitième siècle, nous trouvons une autre application du mot mallus : il se dira de toute réunion convoquée par le comte ; c'est une institution à étudier plus tard.

[11] Lex Ripuaria, XXX, 1 : In judicio interpellatus ; LVIII, 19 : Interpellatum in judicio ; LVIII, 20 : In judicio respondeant ; LIX, 5 : In judicio ; LIX, 8 : In judicio interpellatus ; LXX1X : In judicio principis ; LXXXI, 1 : In judicium interpellatus. — XXXII, 1 : Ad mallum mannitus ; ibid., 2 : Ad secundo mallo ; ibid., 5 : Ad septimo mallo ; L, 1 : Ad mallo ante centenario vel comite ; LLX : In mallo. — On remarquera qu'au titre LIX le in mallo du 1er paragraphe est manifestement la même chose que le in judicio du paragraphe 5. De même au titre LVIII, 19, le interpellatus in judicio est évidemment le même qui est appelé aussi mallatus.

[12] Lex Ripuaria, LVIII, 1 : Non aliubi quant ad ecclesiam ubi relaxali sunt mallum teneant. — On a traduit avec beaucoup de légèreté : Ils ne pourront fréquenter d'autres assemblées politiques que celles de l'Eglise (Guérard, Polyptyque d'Irminon, Prolégomènes, p. 569), comme si l'Eglise avait des assemblées politiques. Ou encore : Ils feront partie de l'assemblée des gens dépendant de l'Église (Sohm, Reichs und Gerichts, p. 65) ; mais où a-t-on vu de pareilles assemblées ? Où a-t-on vu surtout que des affranchis per tabulas, hommes très dépendants, aient jamais tenu des assemblées politiques ? Pour comprendre cette disposition de la Loi ripuaire, il faut d'abord faire attention qu'il s'agit d'esclaves qui ont été affranchis par l'Église. Il faut aussi lire le contexte : In ecclesia... in manu episcopi servum tradat... et episcopus tabulas scribere facial... Et tam ipse quam procreatio ejus in tuitione ecclesiæ consistant, et omnem redditum status aut servitium tabularii ecclesiæ reddant... et omnem redditum status ad ecclesiam reddant et non aliubi quam ad ecclesiam ubi relaxati sunt mallum teneant.... Nullum alium quam ecclesiam heredem habeat. C'est la série des diverses obligations d'un affranchi et de ses enfants, à perpétuité, à l'égard de l'Église qui a fait l'affranchissement. L'une de ces obligations est de n'être jugé que par l'Eglise, et non par les tribunaux laïques : Ad ecclesiam mallum teneant. On ne peut pas hésiter sur le sens de ces mots, surtout si l'on rapproche les actes des conciles ; ils prononcent aussi que les affranchis d'Église ne seront jugés que par l'Église ; deuxième concile de Mâcon, a. 585, art. 7 : Liberti... commendati ecclesiis... in episcopi tantum judicio sint. Qui in ccclesia sunt manumissi.... nullus alius causas audeat pertractare libertorum, nisi episcopus. —Voyez encore concile d'Agde, art. 49, Sirmond, I, 170 : Libertos... actus ecclesix prosequi jubemus. — Concile de Paris de 614 : Liberti a sacerdotibus defensentur nec ad publicum revocentur. — Edictum Chlotarii, art. 7 : Libertos ecclesiarum... non absque episcopo esse judicandos vel ad publicum revocandos. — Cet article de la Loi ripuaire a été, on le sait, rédigé par l'Église ; il a le même sens que ces canons des conciles ; il veut dire que les hommes affranchis par une église n'ont de tribunal qu'auprès de cette même église ; ils sont jugés par l'évêque qui a présidé à l'affranchissement.

[13] Schulte, Manuel du droit public et privé, traduction, p. 575.

[14] C'est M. Sohm qui a émis le premier cette singulière idée du canton tout entier assis sur quatre bancs (voyez Procédure de la Loi salique, trad. Thévenin, p. 100) ; Thévenin, Thonissen, Waitz l'ont répété, il n'est question de quatre bancs ni dans la Loi salique ni ailleurs. Les mots inter quatuor solia, qu'ils ont présentés comme étant dans la Loi salique, n'y sont pas ; d'ailleurs solia ne signifie pas bancs, et il aurait suffi de regarder sans parti pris la phrase des Septem causæ où l'on a trouvé inter quatuor solia, pour s'apercevoir que dans cette phrase il n'est pas question de justice, ni de mallus, et que cela ne peut pas se rapporter aux rachimbourgs. Nous avons montré (Recherches sur quelques problèmes d'histoire, p. 555) qu'il est de toute impossibilité que les mots inter quatuor solia s'appliquent à un tribunal. Cette théorie fantaisiste et l'interprétation si notoirement fausse que ces érudits ont donnée de l'inter quatuor solia sont un des exemples les plus frappants qu'on puisse voir des graves erreurs où les idées préconçues entraînent, et de tout ce que peut la méthode subjective pour dénaturer les textes et les faits.

[15] Cette théorie repose uniquement sur ce que l'on rencontre le mot in mallobergo dans la Loi salique (XLVI, 2 ; LIV, 4 ; LVI, 1 ; LVII, 1). De ce que la racine berg, signifiant hauteur, se trouve dans le mot, il ne suit pas nécessairement que le mallus mérovingien se tienne sur une montagne. Déduire du seul aspect d'un mot toute une institution historique est d'une méthode fort dangereuse. Ceux qui supposent que la Loi salique a été rédigée par la petite tribu franque de Tournai, et qui en même temps traduisent mallobergis par montagnes du jugement, seraient bien embarrassés pour trouver des montagnes dans le pays de Tournai. Nous avons une trentaine de récits ou de textes qui décrivent le mallus ; pas une fois il n'est dit qu'il se tienne sur une montagne.

[16] Lex Salica, LVII, 1 : Rachineburgii in mallo (dans d'autres textes, in mallobergo) sedentes. — Edictum Chilperici, 7 : In mallo ante rachimburgios sedentes.

[17] Formulæ Senonenses, 1 : Ante comite vel aliis personis ibidem residentes. — Bignonianæ, 9 : Boni homines qui in ipsum mallum residebant. — Senonicæ, 58 : Una cum plures persouas residentes. — Senonenses, 5 : In mallo... qui ibidem residebant ; 6 : Qui ibidem ad universorum causas audiendum residebant vel adstabant.

[18] Formulæ Senonenses, 5, Rozière 472 : Illius civitatis in mallo. — Ibidem, 2 : Castro illo in mallo. On sait que le mot castrum désigne à cette époque une ville de second ordre. — Ibidem, 6 : In illa civitate in mallo.

[19] Ces lois ne sont à la vérité que de l'époque carolingienne ; voyez, par exemple, un Capitulaire de 819, art. 16 : Ut domus a comite ubi mallum ienere debet construatur ; et les Capitularia d'Anségise, III, 57 : Ut in locis ubi mallos publicos habere soient, tectum tale constituatur quod in hiberna et in xstale observatum esse possit.

[20] Lex Salica, XIV, XXXIX, XLVI.

[21] Formulæ Senonicæ, 20 ; Senonenses, 1, 5, 5 ; Bignonianæ, 9.

[22] Concile d'Epaone, a. 517, c. 11 : Interpellare publicum... sequi ad sæculare judicium. — Concile d'Orléans, a. 541, c. 20 : Judex publicus... Judicium fori.

[23] C'est ce qui a été soutenu par Waitz, Deutsche Verfassungsgeschichte, 5° édit., t. II, 2e partie, p. 145 et 165 ; par Schulte, Hist. du droit, trad. Fournier, p. 575 ; par Thonissen, Organisation judiciaire, p. 74, 77, 574-575.

[24] Lex Ripuaria, XXXII, 2 ; XXXII, 5 ; Lex Salica, L.

[25] On a imaginé, une autre hypothèse, à savoir que les rachimbourgs seraient les élus de la population du canton (Sohm, Reichs und Gerichtsverfussung, p. 572-578). Mais cette hypothèse est absolument arbitraire et ne repose sur aucun texte.

[26] M. Ed. Beaudouin, s'essayant aussi sur ce sujet, a déduit l'existence d'une justice populaire de cela seul que le mot tunginus se trouve dans la Loi salique. Son raisonnement estingénieux ; il prétend : 1° que ce n'est pas le graf qui rend la justice, quoique la Loi salique le présente comme le vrai juge, titre XXXII pour la justice criminelle, titre XLV pour les procès civils, titre LI pour la saisie judiciaire, titre LIII pour les ordalies et les serments, titre L pour la perception du fredum ; 2° que c'est toujours le lunginus qui rend la justice, quoique la Loi salique ne le montre jamais jugeant ni le meurtre, ni le vol, ni les procès importants ; 5° que ce tunginus est élu par le peuple, quoique la Loi salique ne parle ni d'élection ni de peuple. C'est sur cette série d'erreurs et d'hypothèses sans fondement qu'il bâtit son système. Cela peut-il s'appeler de l'érudition ?

[27] Lex Salica, LVI : Si quis ad mallum venire contempserit, aut quod ci a rachineburgiis fuerit judicatum adimplere distulerit,... ad regis præsentiam ipsum mannire debet... Si ad nullum placitum venire voluerit..., omnes res suæ erunt fisco aut cui fiscus dare voluerit.

[28] Lex Salica, XVIII : Si quis ad regem innocentent hominem accusaverit....

[29] Lex Salica, XXXII, 5 : Si quis ligatum ad graphionem tulerit. Cet article ne se trouve pas dans tous les textes ; il est dans les manuscrits de Paris 4405 et 18 257.

[30] Lex Salica, Additamentum, art. 9 (Behrend, p. 91).

[31] Lex Salica, LIII.

[32] Lex Salica, L, 4 : Tertiam partent graphio fredo ad se recolligat. — Ibidem, LIII, 1 : Fretus graphioni solvatur.

[33] Lex Salica, XLV, 2 : Si contra interdictum unius vel duorum villa adsedere præsumpserit..., si nec tunc voluerit exire, tunc mannial eum ad mallum... et roget graphioni ut accedat ad locum ut eum inde expellat.

[34] Le tunginus ou centenarius n'a, d'après la Loi salique, qu'un tribunal inférieur. Remarquez en effet quelles sont les fonctions que la loi lui attribue. Au titre XLIV, il reçoit les déclarations relatives au mariage d'une veuve. Au titre XLVI, il reçoit la déclaration d'adoption et d'institution d'héritier. Au titre L, il reçoit la déclaration d'un créancier contre un débiteur qui refuse de payer. Au titre LX, il reçoit la déclaration d'un homme qui brise tout lien légal avec sa famille. Tout, cela n'est pas fort important. Le tunginus ne paraît dans aucune autre circonstance. On peut admettre avec vraisemblance qu'il juge certains procès et quelques délits ; encore faut-il noter qu'on ne lui accorde même pas la saisie des biens (titres L et LI). Il semble d'ailleurs qu'en tout ce qu'on lui laisse faire, le tunginus ne soit que le remplaçant, peut-être le délégué du comte. Cela résulte de la comparaison de deux passages, Lex Salica, XLIV, et Additamenium, 7 (Behrend, p. 90) ; dans les deux il s'agit du même objet, le reipus de la veuve ; dans l'un, la chose se passe devant le judex, graf ou comes ; dans l'autre, devant le tunginus.

[35] Lex Salica, LIV, 1 : Si quis grafionem occiderit, solidos 600 culpabilis judicetur.

[36] Lex Salica, L, 5 : Si grafio rogatus fuerit et eum tenuerit certa ratio dominica. Nous avons vu que dominicus dans la Loi salique signifie royal ; ratio dominica est le service du roi.

[37] M. Ed. Beaudouin, entraîné encore par le parti pris de voir une justice populaire dans la Loi salique, n'a trouvé rien de mieux que de passer sous silence le tribunal du roi et de nier ensuite la juridiction du graf ; il a tout simplement enlevé de la Loi salique tous les articles qui parlent du roi et tous ceux qui parlent du graf. Ce procédé est facile, mais il n'a aucun rapport avec la science. Voyez cette singulière théorie dans la Revue historique du droit, 1887, p. 485, 487, 490.

[38] Lex Ripuaria, XXXII, 4 : Ante regem. LXV1I, 5 : Ante regem. LXXIX : In judicio principis. — Il faut bien noter que les lois ne parlent jamais d'un judicium Francorum et qu'il n'en est pas question non plus dans les actes ni les formules. Sur le sens de cette expression, qui se trouve trois fois dans les Chroniques, nous renvoyons à ce que nous en avons dit dans nos Problèmes d'histoire, p. 515-520.

[39] Lex Ripuaria, XXXI, 1 : In præsentia judicis. XXXII, 4 : Tunc judex fidejussorcs exigat. LVIII, 5 : Se ante judicem repræsentet. LXVI, 1 : Sacramentum in præsentia judicis confirmare. LXXII, 6 : In præsentia judicis. LXXVII : Ante judicem.

[40] Voyez titre XXXII, 5, où le même homme est appelé comes et judex fiscalis : Tunc ille qui mannit anle comilem jurare debet... et sic judex fiscalis ad domum illius accedere debet. — Nous avons dit plus haut que, dans la langue du temps, fiscalis était synonyme de regius. — Comparer les deux articles suivants : Lex Ripuaria, LI, 1 : Si quis judicem fiscalem ad res alienas injuste tollendas..., et Lex Salica, LI : Si quis grafionem injuste ad res alienas lollendas ; il est visible que le judex fiscalis et le grafio sont le même homme ; — LIII : Si quis judicem fiscalem quem comitem vocant.

[41] Lex Ripuaria, LIII : Si quis judicem fiscalem quem comilem vocant interfecerit, 600 solidis multetur. — Il pouvait même être un affranchi du roi ; et alors son wergeld était triple de celui des affranchis ; ibidem, 2 : Si regius puer vel ex tabulario ad eum gradum ascenderit, 500 solidis mulletur.

[42] Lex Ripuaria, LXXXIX : Nullus judex fiscalis freta exigat priusquam facinus componatur... Fretum illi judici tribuat qui solutionem recipit.

[43] Lex Ripuaria, LXXXVIII : Hoc super omnia jubemus ut nullus optimalis, major domus, domesticus, comes, gravio, vel quibuslibet gradibus sublimatus, in judicio residens munera ad judicium pervertendum non recipiat. — Rapprochez de cela ces mots que l'hagiographe place dans dans un sermon d'Eligius : Judices qui præstis, justissime judicate, nec munera super innocentent accipiatis, nec res alienas rapaciter tollatis (Vita Eligii, II, 15).

[44] Lex Burgundionum, VIII, 5 : Si judex jusserit. XXXIX, 1 : Discutiendum judici præsentet. XLVI : A judice compellatur solvere. LXXI, 2 : Si quis locum judicis tenens. LXXXI, 1 : Interpellato judice. LXXXI, 2 : Judicem loci.

[45] Lex Burgundionum, præfatio : Omnes administrantes judicia secundum leges nostras judicare debebunt... Ha ut sola sufficiat integritas judicantis... Sciant itaque optimates, comites, consiliarii, domestici, et majores domus nostræ, cancellarii, et tam Burgundiones quam Romani civilatum aut pagorum comites, vel judices deputati omnes nihil se de causis quæ judicatæ fuerint aliquid accepturos aut a litigantibus præmii nomine quæsituros ; nec partes ad compositionem a judice compellantur.

[46] Lex Burgundionum, præfatio, et titre XC, édit. Pertz, p. 526 et 570 ; édit. Binding, p. 128.

[47] Lex Burgundionum, XC : Si quis judicum deputatorum a nobis judicium contempserit... Si judices a nobis deputati injuste judicaverint.

[48] Lex Burgundionum, LXXXI, édit. Binding, p. 125 : Ut, interpellato judice, causant quamlibet ulterius differre non liceat, nisi ut omnia cognoscat et dato judicio universa ita judicet ut nihil inter partes dubium reservetur.

[49] Lex Burgundionum, LXXIX, 4 : Omnes comites, quotiens de præfatis causis contentio fuerit generata, secundum ordinem legis istius judicare curabunt. — XLIX : Ut locorum comites atque præpositi judicanda cognoscant.

[50] Lex Burgundionum, CVII, 10 ; Pertz, p. 576 ; Binding, p. 155 : Ut omnes comites, lam burgundiones quam romani, in omnibus udiciis justitiam teneant...

[51] Guntchramni, édit. Borétius, p. 12 : Cuncti judices justa studeant dare judicia, nam non dubium est quod illos condemnabit sentenlia nostri judicii a quibus non tenetur æquitas judicandi. — Il ne peut y avoir d'hésitation sur le sens du mot judices dans ce passage : ce sont les comtes ; car l'édit est adressé omnibus judicibus in regione nostra constituas ; plus loin il est dit que chacun d'eux a une regio sibi commissa, un ressort qui lui est confié ; et enfin il est dit de ces mêmes judices qu'ils choisissent leurs vicarii. Le doute n'est donc pas possible.

[52] Guntchramni, édit. Borétius, p. 12 : Non vicarios aut quoscumque de latere suo per regionem sibi commissam insliluere præsumant qui malis operibus consenliendo venalitatem exerceant aut iniqua spolia inferre præsumant.

[53] Childeberti decretio, édit. borétius, p. 16 : Quicumque præsumpserit raptum facere... in cujuslibet judicis pago admissum fuerit, ille judex raptorem occidat.

[54] Childeberti decretio, édit. borétius, p. 16 : Ut judex, criminosum lalronem ut audierit, ad casam suam ambulet et ipsum ligare faciat, ita ut, si francus fuerit, ad nostram prasentiam dirigatur, et si debilior persona fuerit, in loco pendatur.

[55] A notre avis, ce francus, qui est opposé à debilior persona, est l'homme de condition élevée ; il n'est pas nécessairement de race franque. Mais si l'on préférait le traduire par homme de race franque, il serait encore plus visible que les Francs ne sont pas jugés par des assemblées de canton.

[56] Chlotarii Præceptio, art. 7, Borétius, p. 19 : Si judex aliquem contra legem injuste damnaverit, in nostri absentia ab episcopis castigetur. In nostri absentia, à défaut d'être corrigé par nous.

[57] Grégoire de Tours, VIII, 18 : Gundobaldus comitatum Meldensem accipiens, ingressus urbem, causarum actionem agere cœpit ; exinde cum pagum urbis in hoc officio circumiret....

[58] Grégoire, VIII, 12 : Ad discutiendas causas Ratharius illuc quasi dux dirigitur.

[59] Grégoire, IV, 44.

[60] Grégoire, VI, 8.

[61] Grégoire, V, 48 : Si in judicio cum senioribus vel laicis vel clericis resedisset et vidisset hominem justifiant prosequentem, agebatur in furias, ructabat convicia in civibus ; presbyteros manicis jubebat extrahi, milites fustibus verberari.

[62] Grégoire, Vitæ Patrum, VIII, 9 : Quidam pauper.... Quod videns quidam Burgundio in pauperem inruit et abstulit ei sex aureos.... Erat ibi tunc. Phronimius episcopus ad quem accedens pauper ille rem detulit. Episcopus autem narravit hæc comiti ; judex vero vocatum Burgundionem percunctari cœpit ab eo quid exinde diceret.... Tunc episcopus, obtenla cum judice culpa.... Et sic uterque a judicis conspectu discessit. — Autres exemples dans Grégoire ; Miracula Martini, IV, 16 : Homo quidam judici culpabilis exstitit, quem in vincula compactum custodiri præcepit. Ibidem, IV, 59 : Quum culpabiles quosdam judicis sententia carcerali ergastulo conclusisset. De gloria confess., 101 (99) : Comes, fure invento, patibulo condemnari præcepit.

[63] Grégoire, De gloria martyrum, I, 75 : Invenlus fur a presbytero judici manifestatur ; nec mora, apprehensus et in vincula compactus... patibulo dijudicalur. Sed presbyter judicem deprecatur.... Severitas judicis cum nullis precibus potuisset flecti, reum patibulo condemnavit.

[64] Vita Walarici, c. 11, Mabillon, Acta SS., II, 81 : Judex eum patibulo suspendi jubet Cum precibus victus fuisset tyrannus (comes), jussit reum solvi.

[65] Vita Amandi, c. 15, Mabillon, Acta SS., II, 714 ; Bollandistes, février, I, 861 : Comes quidam ex genere Francorum cognomine Dotto, in urbe Tornaco, ut erat illi injunctum, ad dirimendas resederat actiones.... A lictoribus anie eum præsentatus est quidam reus.... Cum Dollo decrevisset ut eum patibulo deberenl affligere... afflixus patibulo est.

[66] Grégoire, Miracula Martini, III, 55 : Abbas currit ad comitem, obtentaque cum eo (cum a le sens de ab) rei vita. — Ibidem, I, 11 : Obtentis a judice culpis, incolumes dimissi sunt. — Ibidem, IV, 55 : Nobis cum judice colloquenlibus, abscessit. — IV, 41 : Absoluti per judicem laxati sunt. — IV, 59 : A judice relaxati. — De gloria confessorum, 101 (99) : Vita cum judice obtenta, liber abscessit. — Vitæ Patrum, VIII, 7 : A judice damnatione concessa, laxatus abscessit. — Ibidem, VIII, 9 : Tunc episcopus, cum judice obtenta culpa. — Fortunatus, Vita Albini, 16 : Ad judicem precator accedit. — Vita Walarici, 8. — Vita Amandi, c. 15 : Amandus postulare cœpit comilem ut reo vitam concedere dignaretur ; sed ut erat sævus (contes), nihil apud eum oblinere poiuit. — Voyez encore Grégoire, Hist., VI, 8, où le fonctionnaire royal refuse la grâce d'un coupable à l'abbé Eparchius.

[67] Nous citerons au chapitre suivant ces actes du tribunal du roi.

[68] Marculfe, 1, 8 : Et eos recto tramite secundum legem et consuetudinem eorum regas, viduis et pupillis maximus defensor appareas, latronum et malefactorum scelera a te severissime reprimantur.

[69] Marculfe, I, 57 ; Senonicæ, 18 et 26.

[70] Marculfe, 1, 5. La lettre est adressée aux comtes : Ut nullus judex publicus ad causas audiendum.... Statuimus ut neque vos neque juniores vestri nec nulla publica judîciaria potestas in villas ecclesiæ ad audiendas altercationes ingredere vel fidejussores tollere non præsumatis. — I, 4 : Ut nullus judex publicus ad causas audiendum... nec fidejussores tollendum nec homines de quaslibet causas distringendum....— Senonicæ, n° 28 et 55 ; Marculfe, I, 24. — Diplomata, Pardessus n° 281, 556, 567, 405, 417, 428, 456 ; Pertz n° 28, 51, 40, 54, 55, 58, 65, 69 ; Tardif n° 57. — L'expression audire causas ne signifie pas seulement écouter un procès ; dans la langue du temps elle signifie juger un procès. De même audientia signifie jugement. — Les mêmes diplômes qui interdisent au comte de juger, lui interdisent de percevoir les freda. Marculfe, ibidem.

[71] Formulæ Andegavenses, 1 b : Omnes causationes nostras tam in pago quam et in palatio. — Arvernenses, 2 : Omnes causas meas... tam in præsentia dominorum sive ante comitibus. — Cf. Senonicæ, 15. — Marculfe, I, 21 : Tam in pago quam in palatio nostro.  — Les mots in pago, opposés à in palatio, désignent le tribunal du comte. Nous avons vu plus haut que dans la langue de l'époque, et surtout dans la langue officielle, pagus est synonyme de civitas au sens ancien et désigne justement tout le ressort administratif du comte. De là vient que les administrés du comte sont appelés ses pagenses ; Frédégaire, 87 : Comes cum pagensibus suis. — Marculfe, I, 28 : Pagensis vester. I, 57 : Homo ille pagensis vester. — Turonenses, 55 : Homo pagensis vester.

[72] Formulæ Andegavenses, 10, édit. Zeumer, Rozière n° 482 : Veniens homo ante venerabilem illum abbatem vel reliquis viris venerabilibus alque magnificis, interpellabat.... — Ibidem, n° 29, 50, 47. — Turonenses, 59 : Ante venerabilem virum illum. — L'épithète venerabilis indique toujours un ecclésiastique, comme l'épithète illustris ou magnificus indique toujours un laïque.

[73] Formulæ Lindenbrogianæ, 19, Rozière 467 : Postquam venit isdem homicida coram ipso pontifice vel coram illo comite.

[74] Formulæ Andegavenses, n° 11, 24, 28.

[75] Andegavenses, 12 : Per judicium inlustris illius comitis. 50 : Ante viro inluster illo comite. — Turonenses, 29 : Ante inlustri viro illo (le qualificatif désigne suffisamment le comte ou le duc). 50 : Judex. 51 : Sub præsentia judicis. 58 : Ante illum judicem. 41. Ante illum judicem. — Senonicæ, 10 : Ante illo comite. 17 : Ante comite illo. 20 : Ante illo comite. 58 : Cum inluster vir ille comes ad mullorum causas audiendum vel recto judicio terminandum... resedisset. — Senonenses, 1, 2, 3, 4, 5, 6. — Bignonianæ, 9 : Cum resedisset inluster vir ille comes in mallo. 27 : Ante illum comitem. — Merkelianæ, 28 et 58 : Cum resedisset ille comes in mallo. 59 : Ante illum comitem. — Dans la Merkeliana 27, le juge est un missus domni regis, et cette formule est mérovingienne, puisque les rachimbourgs y sont nommés. — Il y a deux formules qui disent vaguement ante illum, sans donner le titre du fonctionnaire.

[76] Formulæ Merkelianæ, 29 et 50 ; Bignonianæ, 15 : Ante vicarium. — Il y a dans le recueil de Merkel, n° 51, une lettre du comte à son vicaire : Ut justitias inquiras et facias sicut ego ipse. La date exacte de ces deux formulaires et surtout de ces quatre formules ne peut pas être établie ; croire qu'elles soient d'âge carolingien, ainsi qu'on l'a dit, est une hypothèse peu probable ; la Merkeliana n° 50 contient le mot rachimburgi, qui est de l'époque mérovingienne.

[77] Lex Ripuaria, L. 1 : Si quis testis ad mallum ante centenario vel comité, seu ante duce, patricio vel rege....

[78] Dans un sens différent du nôtre, voyez Glasson, t. II, p. 525 : Des assemblées judiciaires se tenaient dans la centaine, et les hommes libres y prenaient part en vertu de leur droit. J'ai cherché dans tous les documents de l'époque ; pas un seul ne montre d'assemblées de centaine, ni d'hommes libres jugeant en vertu de leur droit. Aussi M. Glasson ne cite-t-il aucun texte à l'appui de son affirmation.

[79] De même l'expression judiciaria potestas désigne le pouvoir à la fois administratif et judiciaire qui est confié aux agents du roi. — Grégoire de Tours emploie onze fois judex dans le sens de comte ; une fois seulement il emploie judicibus dans un sens que nous ne pouvons déterminer : c'est à la fin du chapitre 47 du livre VII ; après avoir dit a judice pour désigner le comte de Tours, il dit, dans la même phrase : inventum a judicibus. Entend-il par ce mot les deux ou trois fonctionnaires subalternes que le comte avait sans nul doute à côté de lui, ou bien les assesseurs qui l'entouraient ? On peut hésiter ; j'inclinerais pour la seconde explication, mais je ne puis m'empêcher de remarquer que les assesseurs, rachimbourgs, boni viri, n'ont jamais été appelés judices ; ce serait ici une exception unique, et c'est ce qui fait que je reste dans le doute.

[80] Code Théodosien, I, 12, 1 : Omnes civiles causas, negotia etiam criminalia publice audire debebis.

[81] Grégoire, Vitæ Patrum, VIII, 9 : Coram omnibus. — Vita Walarici, 8 (11) : Adstantibus cunctis. — Vita Amandi, 13 : Congregata non minima mullitudine.... Populi calerva. — Grégoire appelle ce public populus, IV, 44 : Nec cives nec vox totius populi. Ailleurs, VI, 8, il l'appelle vulgus.

[82] Par exemple dans Grégoire, IV, 44, et VI, 8 : Insultante vulgo atque vociferante quod, si hic (le coupable) dimitteretur, neque regioni neque judici possit esse consultum.

[83] Cette opinion est soutenue par Waitz, 5e édition, 2e partie, p. 139-141 ; par Sohm, Reichs und Gerichlsverfassung. M. Ed. Beaudouin l'a reprise dans la Revue historique du droit, 1887, p. 505 ; mais il n'a pu citer que des textes carolingiens, et il n'a même pas fait attention que le malins ou placilum comilis du capitulaire carolingien qu'il cite, n'est pas une assemblée judiciaire.

[84] Cela me paraît ressortir des passages de Tacite sur la justice. Au chapitre 12, c'est la civitas même, c'est-à-dire la plus haute autorité publique qui prononce les arrêts ; elle seule peut frapper de mort. Plus loin, Tacite montre la justice locale rendue par des principes ; or ces principes ont été choisis dans l'assemblée générale : eliguntur in iisdem conciliis principes qui jura per pagos reddunt. Ils sont par conséquent les délégués de la civitas. Chacun d'eux parcourt plusieurs cantons, et il ne juge qu'entouré d'assesseurs ; mais ces assesseurs ne sont que son conseil ; le véritable pouvoir est dans les mains du princeps envoyé par la civitas ou, comme nous dirions, par l'État.

[85] Plusieurs de ces actes sont aux Archives nationales ; on les trouvera dans les Monuments historiques, Carions des rois, publiés par J. Tardif sous les n° 14, 15, 16, 17, 22, 28, 50, 52, 55, 55, 58, 42, 45, 44, 45, 48. Diplomata, édit. Pardessus, n° 551, 552, 554, 549, 594, 418, 424, 429, 451, 454, 440, 456, 475, 477, 478, 479, 497, 509, 555 ; édit. K. Pertz, n° 54, 55, 57, 41, 49, 59, 60, 64, 66, 68, 70, 75, 76, 77, 78, 79, 85, 94.

[86] Lex Salica, XVIII, XLVI, LVI. — Lex Ripuaria, XXXVIII.

[87] Decretio Childeberti, c. 8 : Si francus fuerit, ad nostram præsentiam dirigatur.

[88] In palatio. Formulæ Andegavenses, 1 ; Turonenses, 45 ; Marculfe, præfatio et I, 21, où le roi dit : In palalio nostro. Senonicæ, 13. L'Arvernensis 2 dit : In præsentia dominorum, devant les rois nos maîtres.

[89] Exemples : Compendio in palatio nostro (Tardif n° 22) ; Noviento in palatio nostro (ibid., 50) ; Luzarca in palatio nostro (ibid., 52) ; Valentianis in palatio nostro (ibid., 55) ; Crisciaco in palatio nostro (ibid., 45), ; Mamacas in palalio nostro (ibid., 44), etc.

[90] Vita Præjecti, c. 10, Mabillon, Acta SS., II, 645 : In aula regis. Ibidem, c. 11 : Ad palalium properat... ut mos est apud regis aidant in loco ubi causæ ventilantur. — Vita Eligii, II, 57 : Causa in palatio regis perlata. II, 65 : Ducitur in palatium ubi dum sententia mortis definiretur...

[91] C'est le début de la formule des jugements telle que la donne Marculfe, I, 25 : Cui Dominus regendi curant committit, cunctorum jurgia diligenti examinatione rimari oportet ut juxta propositiones vel responsiones... salubris donetur sententia. Ergo cum nos....

[92] Diplomata, édit. Pardessus n° 549, Pertz n° 41 : Chlolarius rex Francorum vir inluster. Quotiescunque jurgia... pro quarumcunque rerum negoliis noscuntur advenire, oportet nobis in Dei nomine juxta legum severitatem inquirere, ut deinceps nulla videalur quæstio renovari.

[93] Archives nationales, Tardif, n° 14, 15, 52, 55 : Cum nos in Dei nomine in palatio noslro ad causas universorum audiendum vel recto judicio lerminandum resideremus. — Marculfe, I, 25.

[94] Grégoire, De gloria confessorum, 95 (91) : Apud urbem Trevericam, tempore Theodeberti regis, Arbogastes quidam presbyter cum franco quodam intendebat rege præsente. Cum videret rex proseculionem presbyteri esse callidam, conversas ad cum : Quæ prosequeris, inquit, sacra mento confirmo....

[95] Vita Eligii ab Audœno, II, 57 : Causa in palatio regis perlata, accepit a principe judicium.

[96] Vita Præjecti, Mabillon, Acta SS., II, 645.

[97] Grégoire, V, 17 : Guntramnus rex filios Magnacharii gladio interemit pro eo quod in Austrechildem reginam multa detesiabilia proferrent, facullalesque eorum fisco suo redegit.

[98] Grégoire, V. 26 : Ob crimen læsæ majestaiis judicio mortis suscepto. — Idem, X, 19 : Novi me ob crimen majestatis reum esse mortis.

[99] Grégoire, IX, 58 : Educti foras (ecclesia), cum rege venerunt ad judicium. Dans l'expression cum rege, cum a le sens de coram, ce qui est fréquent.

[100] Grégoire, X, 10 : Cum uterque (Chundo et le garde de la forêt) in .præsentia regis intenderent..., rex campum dijudicat. Le champion de Chundo est tué. Quod videns Chundo ad basilicam S. Marcelli fugam iniit. Acclamante vero rege ut comprehenderetur, vincius ad stipitem, lapidibus est obrutus.

[101] Grégoire, IX, 9 et 12. — Fredegarii Chronicon, 8 : Rauchingus, Boso, Ursio et Beriefridus, optimates Childeberti regis..., ipso rege ordinante interfecti sunt.

[102] Fredegarii Chronicon, 44. Cet Aléthée, dit le chroniqueur, était regio genere de Burgundionibus. Chlolarius Alelheum ad se venire præcepit ; hujus consilio. iniquissimo reperto, gladio irucidari jussit. — Le patrice Wolf avait été traité de même par le roi Thierri II (ibid., 29).

[103] Marculfe, I, 52, Rozière n° 42 : Qui regiam obtemperant jussionem, experire malum non debent. Dum ille... faciente revello, aut quaslibet alias causas contra regem admisit Una cum consilio fidelium nostrorum... vita ipsius ordinaveramus insequere.... Ideo jubemus ut, dum per nostram ordinalionem factum est ; nullo unquam tempore heredes exinde quamlibet calumniam aut repetilionem habere non debeant. — Les mots calumnia et repetitio indiquent une action en justice. — Cette formule, dans sa forme spéciale, s'applique au cas où le roi a seulement ordonné la confiscation des biens ; mais les mots si non distulisset, in vita ipsius ordinaveramus insequere, prouvent bien que le roi pouvait également ordonner la mort et qu'en ce cas il donnait une formule analogue de sauvegarde.

[104] Grégoire, X, 22.

[105] Grégoire, X, 21 : Filii Waddonis diversa committebant scelera, homicidia, furta.... Quod cum Macco comes reprimera niteretur, ii præsentiam regis expetunt (c'est-à-dire demandent à être jugés au tribunal du roi).... Affuerunt ii coram rege.... Cum rex hæc scelera ab iis cognovisset manifestissime perpetrata, vinciri cos catenis præcepit ac tormentis subdi.... Post hæc, seniore capite plexo, juniorem exsilio damnaverunt.

[106] Fredegarii Chronicon, c. 54. — Autres arrêts semblables, ibidem, 21, 28, 58.

[107] Fredegarii Chronicon, c. 57 : Tanto timore pontifices et proceres seu et ceteros leudes adventus Dagoberti concusserat ut a cunctis esset admirandum.... Pauperibus justitiam habentibus gaudium irrogaverat.... Tanta in universis leudibus tam sublimibus quam pauperibus judicabat justitia..., ut omnes cum rccepia justitia de conspectu suo lœti remearent.

[108] Fredegarii Chronicon, c. 45 : Chlotarius, in Alsatia pacem sectatus, mullos inique agontes gladio trucidavit.

[109] Marculfe, I, 25, Rozière n° 442 : Cum nos in Dei nomine in palatio nostro una cum domnis et patribus nostris episcopis, vel (et) cum pluris optimalibus nostris, illo majore domus, illis ducibus, illis patriciis, illis domesticis, illis siniscalcis, illis cubiculariis et illi comis (comite) palatii vel reliquis quampluris fidclibus nostris resideremus. —Il n'est pas besoin d'avertir que le pronom illo ou illis devait être remplacé dans l'acte réel par des noms propres. — De même, Formulæ Senonicxæ 26.

[110] Archives nationales, K, 5, 6 ; Tardif n° 52, Pardessus n° 429 : Chlodovius rex Francorum vir inluster. Cum nos... una cum apostolicis viris in Christo patribus nostris Sygofrido, Constantino, Gribone et Ursiniano episcopis, necnon et inlustribus viris Ragnoaldo, Nordebertho, Ermanfrido optimalis, Madelulfo, Erconaldo gravionebus, Benedicto et Chardoino seniscalcis, et Marsone comite palalii nostri, ad universorum causas audiendum resideremus.

[111] Archives nationales, K, 5, 7 ; Tardif n° 55, Pardessus n° 451.

[112] Archives nationales, K, 5, 12 ; Tardif n° 58 ; Pardessus n° 440.

[113] A la vérité, quelques actes ajoutent : Vel reliquis quampluris fidelibus nostris. Je crois qu'il faut entendre par là quelques personnages de rang inférieur, tels que notarii, scribæ, cubicularii. C'est parce qu'ils sont de rang inférieur que leurs noms ne se trouvent pas inscrits au procès-verbal comme ceux des optimates et des comtes. — Un acte porte : Cum episcopis, optimalis, ceterisque palalii nostri ministris (Pardessus n° 549, Pertz n° 41).

[114] Archives nationales, Tardif n° 54, Pardessus n° 608 : Sicut proceres nostri vel reliqui legis doctores judicaverunt.

[115] Les expressions legis doctor, legum magister se retrouvent encore, un peu plus tard, chez Adrevald, Mirac. S. Benedicti, I, 25.

[116] Vita Ebrulfi, dans Mabillon. Acla SS., I, 555 : Ebrulfus, oratoris. facundia prædilus, ad agendas causas inler aulicos residebal doctissimus. Ce personnage vivait au sixième siècle ; sa biographie paraît presque contemporaine.

[117] Tardil n° 55 ; Pardessus n° 451 : Chlodovius rex Francorum.... Cum nos in Dei nomine Valentianis in palatio nostro... ad universorum causas audiendum vel recta judicia terminanda, resideremus, ibi veniens N. adversus N. repetebat.

[118] Tardil n° 55 ; Pardessus n° 451 : Proinde nos (il s'agit toujours du roi) taliter... constitit decrevisse ut... Jubemus ut....— Tardif n° 14 : Propterea nos... jubemus ut ipsas villas Domni Dionisii adores habeant evindicatas et sit inter ipsis de hac re sopila causatio. — Tardif n° 28 : Unde tales preceptioncs eis ex hoc facere jussimus. — Pardessus n° 551, 549, 594, 418, 421, 429.

[119] Tardif, n° 14, 22, 28, 50, 52, 55, 55.

[120] Archives nationales, Tardif n° 14, Pardessus n° 551 : Dum inluster vir Chadoloaldus comis palalii nostri testimoniavit quod taliter hac causa acta vel per ordinem inquisila seu definita fuisse dinoscitur. — Pardessus n° 549 : In quantum illuster vir Andobaldus comes palatii nostri testimoniavit. — Tardif n° 28, Pardessus n° 418 : Sicut inluster vir Ansoaldus comis palalii nostri testimoniavit. — Tardif n° 52, Pardessus n° 429 : Dum inluster vir Marso comis palatii nostri testimoniavit quod hæc causa taliter acta fuisset.

[121] Pardessus n° 549 : Interrogatum est a nostris proceribus. — Tardif n° 42, Pardessus n° 456 : A nobis vel a proceribus nostris interrogasse.

[122] Archives nationales, Tardif n° 28, Pardessus n° 418 : A proceribus nostris judicatum fuit ut.... — Pardessus n° 456 : Inter ipsos fuit judicatum. — Tardif n° 48, Pardessus n° 497 : Sic proceribus nostris fuit inventum. — Cf. Marculfe, I, 58 : Dum inter se intenderent... sic a proceribus nostris fuit judicatum.

[123] Qui est-ce qui présidait le tribunal en l'absence du roi ? Était-ce le maire ? On a supposé que c'était le comte du palais. En réalité, nous n'en savons rien. Les actes ne le disent pas, et ils ne peuvent pas le dire, puisque c'était le roi qui était censé présider.

[124] Les actes de jugement qui nous sont parvenus ne sont que du septième siècle ; mais un récit de Grégoire de Tours montre que les choses se passaient déjà ainsi au sixième. De gloria confessorum, 71 (70). On y voit un évêque qui a un procès avec le fisc au sujet d'une terre. L'évêque est mandé ; il se présente au tribunal royal ; il commence par supplier le roi de ne pas prendre part au jugement, pour ne pas, dit-il, compromettre son âme ; le roi se relire en effet ; les grands, que l'historien appelle auditores, littéralement les assesseurs, procèdent à l'interrogatoire sans lui et prononcent un judicium, contre l'évêque. Il est probable que si nous avions le diplôme de ce jugement, nous y lirions d'abord N. Rex Francorum, comme si le roi eût été présent ; le mot auditores serait remplacé par proceres ; nous verrions le testimoniavit du comte du palais, le judicaverunt des proceres, et enfin le jubemus du roi.

[125] Marculfe, I, 26, 27, 28, 29, 57. Idem, II, 51, une personne donne procuration pour un procès qu'elle a au tribunal du roi sur une question d'héritage, causam pro alode cum homine illo in palatio habere videor.

[126] Childeberti decretio, art. 8. Formulæ Turonenses, 55. Marculfe, I, 57. Vita Eligii, II, 65 : Vir quidam sæcularis ex nobili genere, culpa interveniente..., ducitur in palalium ; ubi dum senientia mortis definiretur..., cum formidaret mori — Cf. Lex Ripuaria, 79 : Judicio principis pendutus.

[127] Grégoire, IV, 44.

[128] Lex Salica, 18. Lex Ripuaria, 58.

[129] Grégoire, X, 21 : Præsentiam expetunt regis. Affuerunt coram rege.

[130] Telle est l'une des significations les plus fréquentes du mot placitum ; il se dit de la convention que font deux adversaires, par écrit ou autrement, de se trouver à tel jour au tribunal du comte ou au tribunal du roi. Voyez un diplôme de Clovis III, aux Archives nationales, K, 5, 4, Tardif n° 50, Pardessus n° 424 : Per eorum notitias paricolas placita inter se habuerunt ut ante nos deberent conjungere.... Taliter inter se placitum habuerunt initum. — Cf. Lex Salica, 47 : In noctes 40 placitum faciant. — Edictum Chilperici, 7 : Postea in 84 noctes placitum intendatur. — Formulæ Andegavenses, 12, 15, 14, 16 : Ille et ille placitum eorum adlenderunt. — Grégoire de Tours, VII, 25 : Placitum in præsentia regis posuerunt. — Epistola ad Desiderium, Bouquet, IV, 25 : Habeo placitum cum illo homine ante regem.

[131] Archives nationales, K, 5, 4, Tardif n° 50 : Illi placitum eorum visi sunt custodisse.... Ipse nec venit in placitum. — Andegavenses, 12 : Ipsi placitum eorum legibus a mane usque ad vesperum visi sunt custodisse. — Cf. Rozière n° 457, 475, 490, 500, 501.

[132] Grégoire de Tours, VII, 25.

[133] Grégoire, VI, 10 : Quod cum regi nuntiatum fuisset, jussit fures alligari et suo conspectui præsentari.

[134] Marculfe, I, 29 ; Rozière n° 455.

[135] Marculfe, I, 28 ; cf. Turonenses, 55.

[136] Pactus Childeberti et Chlolarii, 18 : Vitæ periculum se subjacere cognoscat. — Childeberti decretio, 6 : ... Judex... vitæ periculum sustineat. — Cf. Lex Salica, L, 5 : Grafio... de vita culpabilis esse debet aut quantum valet se redimat ; LI, 2 : Grafio de vita componat.

[137] Edictum Guntramni, édit. Borétius, p. 12 : Judices... condemnabit sententia nostri judicii. Grégoire de Tours, X, 5, donne l'exemple d'un vicarius qui, sur les plaintes de la population, fut cité in præsentiam regis, et d'ailleurs acquitté.

[138] Cela ressort de plusieurs récits de Grégoire de Tours, V, 19 ; X, 19 ; De gloria confessorum, 71, etc. ; et aussi de la formule de Marculfe, I, 26, où le roi mande un évêque en sa présence pour répondre à un plaignant qui réclame contre lui la propriété d'une terre.

[139] C'est le sens de cet article du décret de Childebert : Si francus fuerii, ad nostram præsentiam dirigatur.

[140] La formule ordinaire de la lettre royale qui accordait ce privilège portait : Et si adversus eum aliquæ causea surrexerint quas in pago absque ejus grave dispendio definitæ non fuerint, in nostri præsentia reserventur, Marculfe, I, 24. — Pour plus de détails sur ce point, voir notre Étude sur l'immunité mérovingienne, 1885.

[141] Grégoire, IV, 44.

[142] Grégoire, V, 14 : Nicetius, vir neptis mex, propriam habens causam, ad Chilpericum regem adiit.

[143] Vita Præjecti, dans Mabillon, II, 645.

[144] IV, 41 ; IV, 47.

[145] Diplomata, Pardessus n° 549, Pertz n° 41.

[146] Epistola ad Desiderium, Bouquet, IV, 45.

[147] Archives nationales, Tardif n° 14, 15, 17,50, 52 ; Pardessus n° 551, 552, 549, 418, etc. — De même Grégoire, De gloria conf., 95. — Vita Eligii, II, 57. Vita Præjecti, Mabillon, Acta SS., II, 645.

[148] Lex Salica, LVI : Si quis ad mallum venire contemps erit aut quod ei a rachineburgiis fuerii judicatum adimplere distulerit, tunc ad regis præsentiam ipsum manire debet.

[149] Pour désigner le comte, judex est plus fréquent que contes dans Grégoire de Tours, dans les Capitulaires des rois francs et dans les Actes des conciles ; il est aussi fréquent dans les formules.

[150] Le tribunal du comte s'appelait mallus comitis, mallus ante comitem (Lex Ripuaria, 50), ou simplement mallus, ou simplement ante comitem. Les écrivains comme Grégoire de Tours l'appelaient judicium (Cum comes in judicio residebat, V, 48). Les Actes des conciles l'appellent ordinairement judicium publicum, de même que l'on dit aussi mallus publicus. Fréquemment encore nous voyons le seul mot publicum (exemple Vita Eligii, II, 61). Enfin une expression assez usuelle, surtout dans le langage des praticiens, est celle de rationes publicæ. Formulæ Turonenses, 29 : In rationes publicas ante inlustrem virum illum adstiti. Rozière n° 441 : Adversum le in rationibus publicis adsisto. Andegavenses, 15 : Ante illo agente fuit in ratione ; 14 : Ante illo agente fuit in rationes. Cf. Grégoire, VII, 47 : Ratione accepta. — Turonenses, 29 : Si in rationes vel in judicium introieris. Ibidem, 41 : Ante illum judicem in rationes fuerat.

[151] Edictum Guntramni, Borétius, p. 11 ; Decretio Childeberti, ibid., p. 16 ; Chlotarii præceptio, art. 7, p. 19 ; Pactus pro tenore pacis, art. 18, p. 7 ; Edictum Chilperici, art. 8, p. 9.

[152] Grégoire, VIII, 18 ; VIII, 12 ; De gloria confessorum, 101 (99 édit. Krusch) ; Miracula Martini, IV, 16 ; IV, 59 ; Vitæ Patrum, VIII, 9.

[153] On connaît quelques exceptions, mais pour des cas de flagrant délit.

[154] Voyez ci-dessus, t. Ier, 5e édition, liv. II, chapitre de la Justice.

[155] Code Théodosien, I, 16, 9 : Judex... apertis foribus, intro vocatis omnibus, et civiles et criminales controversias audiat.

[156] Cela est marqué implicitement dans la phrase où Tacite nous montre le princeps rendant la justice entouré d'une centaine d'assesseurs.

[157] Paul Diacre, au huitième siècle, écrit : Conventus, cum a magistratu judicii causa populus congregatur. Il y a conventus lorsque le magistrat, pour juger, convoque la population. Édition 0. Muller, p. 42.

[158] Formulea Turonenses, 5, Rozière 265 : Cum conventus Turonis civitate adfuisset. Ce conventus d'ailleurs n'agit pas, ne délibère pas, ne fait rien ; il s'agit là de l'enregistrement d'un acte qui doit se faire en public ; le conventus n'est autre chose ici que le public.

[159] Amandi, 15 : Congregata non minima multitudine. La suite montre que cette foule assiste au jugement, mais n'y prend aucune part.

[160] Vita Eligii, II, 61 : Deux prévenus ducuntur in publicum, c'est-àdire au tribunal du comte, et, conglobatis undique multis, sistuntur in examine episcopi et comitis. La suite du récit montre qu'il n'y a que l'évêque et le comte qui décident. La foule ne fait rien.

[161] Lex Wisigothorum, VII, 4, 7 : Judex in conventu publice exerceat disciplinam.

[162] Lex Alamannorum, 56 : Conventus secundum antiquam consuetudinem fiat in omni centena coram comite aut suo misso et coram centenario.... Quali die contes aut cenlenarius voluerit.

[163] Voyez plus haut, au t. Ier, où nous avons cité les textes.

[164] Tacite, Germanie, 16 : Eliguntur in iisdem conciliis (les assemblées souveraines de l'Etat, de la civitas) principes qui jura per pagos vicosque reddunt. Centeni singulis ex plebe comites adsunt consilium simul et auctoritas. — Pour le sens de chacun des mots de cette phrase, nous renvoyons à nos Recherches sur quelques problèmes d'histoire, pages 561-571.

[165] Lex Romana Utinensis, ou Épitomé S. Galli, dans Hænel, Lex Rom. Wisigoth., p. 25 : Quicunque judex sciat, cum causas judicaverit..., non solus judicium donel, sed cum bonos hommes, et in aperta domo ut quicunque intrare voluerit licentiam habeat, et ante plures homines suum judicium donet. — Cet abrégé est de la fin du huitième siècle.

[166] Formulæ Turonenses, 29, Rozière n° 440 : Lex Romana exposcit ut.... In rationes publicas ante illustri viro illo (le comte, visiblement) vel reliquis viris.... Turonus civitate... adsteti.

[167] Grégoire, V, 48 : Comes... si in judicio cum senioribus vel laicis vel clericis resedisset.

[168] On les appelle notitiæ judicii. Elles commencent presque toutes par ces mots : Notitia qualiler vel quibus præsentibus veniens homo ille in mallo ante comitem... interpellabat. Suit un résumé des débats, puis l'énoncé du jugement ; et enfin, dans les actes, venaient les signatures des mêmes personnages qui étaient nommés au début.

[169] Qui cum eo aderant : Form. Andegavenses, 11, 24, 28, 50 ; Turonenses, 52, 41 ; Senonenses, 2 ; Merkelianæ, 29, 50, 58. — Qui cum eo residebant : Senonicæ, 58 ; Senonenses, 1, 5, 6. — Qui in mallo residebant. Bignonianæ, 9. — Ces mots adesse et residere doivent être pris au sens littéral. Adesse, être à côté ; c'est le terme que la langue romaine employait souvent pour les assesseurs ; cf. Tacite, Germanie, 16 : comites adsunt. Residere signifie être assis ; il s'applique au comte aussi bien qu'aux assesseurs.

[170] Bignonianæ, 9, 27 ; Merkelianæ, 59. Ces trois formules, au début, portent seulement ante comitem ; mais on lit, vers le milieu, boni homines ou racimburgi. La Turonensis 58 seule ne porte que ante judicem.

[171] C'est la Senonica 51 et la Bignoniana 14 ; mais il faut noter que ces deux formules ne sont pas des notitiæ, qui seraient rédigées avec un caractère presque officiel ; ce sont des securitates et elles sont écrites par des particuliers ; elles n'ont pas la correction relative des notitiæ. Cf. Andegavenses, 6 et 45.

[172] Formulæ Turonenses, 29 : In rationes publicas ante illuslri viro illo vel reliquis viris qui subter tenentur inserti. — Ibidem, 52, Rozière 465 : Notitia sub quorum præsentia veniens ille ante illum et cos qui subter tenenlur inserti.... Ipsi viri qui ibidem aderant. — Ibidem, 59, 41. — Andegavenses, 11, 24, 28, 59, 50 : Vel reliquis hominibus. — Senonicæ, 11, 20, 58 : Cum quadam die inluster ille comis ad mullorum causas audiendum vel recto judicio terminandum una cum plures personas rcsidentes. — Senonenses, 1 : Notitia qualiter vel quibus præsentibus... in mallo publico anle inlustre viro illo comite vel aliis quam pluribus personis ibidem résidentes. — Ibidem, 2 : Ante illo comité vel aliis quampluris qui ibidem aderani.

[173] Formulæ Andegavenses, 12 : Per judicio illuslri viro comite vel audilores suis. — Turonenses, 59 : Ante venerabilem virum illum suisque auditoribus. — Cf. Lex Wisigothorum, II, 2, 2 : Judex si elegerit... auditores secum esse præsentes.

[174] Andegavenses, 5, 6, 45, 47 ; Turonenses, 30, 51 ; Senonicæ, 10, 17, 51 ; Bignonianæ, 9, 14 ; Merkelianæ, 27, 28, 50, 58.

[175] Formulæ Senonicæ, 10, Rozière n° 456 : In mallo publico ante illo comite vel reliquis quant pluris bonis hominibus.

[176] Formulæ Merkelianæ, 58, Rozière n° 471 : Cum resedisset inluster vir ille comis mallo illo una cum pluris bonis hominibus.

[177] Formulæ Bignonianæ, 9 : Apud ipso garafione vel apud ipsos bonos homines qui in ipsum mallum residebant.

[178] Andegavenses, 10 : Ante... reliquis viris venerabilibus atque magnificis. 32 : Cum reliquis venerabilibus atque magnificis reipublicæ viris. Ici respublica signifie la cité, comme dans le Digeste et dans les inscriptions latines ; l'expression est restée dans la langue. — Marculfe, II, 18 : Intervenientibus magnificis viris. — Senonenses, 5 : Aliis pluris magnificis viris. — Andegavenses, 28 : Visum fuit ab ipsis magnificis. — Sur le sens de ce titre, Cf. Formulæ Bituricenses, 7 : Viri magnifici Bituricæ civitatis ; ibidem, 15. Senonicæ, 39. Marculfe, II, 57, 38.

[179] Andegavenses, 50 : Veniens ille Andecavis civitate ante viro inlusiri illo comité vel reliquis racineburdis qui cum eo aderant, quorum nomina per subscriptioncs atque signacula subter tenenlur inserta. — Bignonianæ, 27 : Ab ipsis racimburgis fuit judicatum... ante comitem. — Senonenses, 1, 4, 6. — Merkelianæ, 27, 28, 50, 59.

[180] Nous ne savons pas comment le mot s'écrivait ; la forme rachimbourg est celle que les érudits ont adoptée, peut-être parce qu'elle a un air plus allemand, mais c'est la forme la plus rare dans les manuscrits. Le manuscrit des formules d'Anjou, qui est des premières années du huitième siècle, porte racineburdi ; le manuscrit de Wolfembutel de la Loi salique, qui est le plus ancien, porte raciniburgius ; on lit rachymburgius et rachimburgius dans le manuscrit de Munich et dans celui de Paris ; rationeburius dans Paris 9653 ; ragimburgii dans la Loi ripuaire ; raciniburgii et racimburgi dans les Senonenses ; racinburgi dans les Bignonianæ ; racineburgi dans les Merkelianæ. — Grimm, Mullenhof, Sohm, Kern ont proposé des étymologies fort ingénieuses, mais peu sûres.

[181] Savigny, Hist. du droit romain, trad., t. I, p. 141.

[182] Pardessus, Loi salique, p. 576.

[183] Waitz, Verfassungsgeschichte, 3e édition, t. II, 2e partie, p. 145, 165.

[184] Schulte, Histoire du droit public et privé, trad. Fournier, p. 575.

[185] Thonissen, Organis. judic. de la Loi salique, p. 74, 77, 574, 575. Il n'y a pas un mot dans la Loi salique qui présente ces rachimbourgs comme des guerriers. Cherchez dans la Loi salique un mot qui signifie guerriers, vous ne. le trouverez pas ; et voyez combien les idées subjectives peuvent troubler l'esprit : on se figure la Loi salique comme une législation de guerriers, tandis qu'il n'y a pas de législation plus essentiellement propre à une population paisible. Il n'y est question que d'agriculteurs et de propriétaires ; l'armée n'est mentionnée par occasion qu'au titre 65. Quand donc se mettra-t-on à lire la Loi salique sans parti pris ?

[186] Zœpfl, t. III, p. 522, 525. — Sohm, Reichs und Gerichts Verfassung, p. 578. Cf. Laferrière, Hist. du droit français, t. III, p. 416. — Quelques érudits ont supposé qu'il y avait deux catégories de rachimbourgs, ceux qui étaient assis et ceux qui ne l'étaient pas (Waitz, 5e édition, t. II, 2e partie, p. 166). Il n'y a pas un seul document qui marque cette distinction ; nous voyons bien dans plusieurs articles de la loi que les rachimbourgs étaient assis ; mais nous ne voyons nulle part qu'il y eût des rachimbourgs qui fussent debout. Waitz interprète mal une phrase de la Senonensis 6 : Racimburgi qui ad universorum causas audiendum residebant vel adslabant ; dans la langue du temps, vel signifie et ; il n'y a pas ici deux catégories d'hommes ; et quand on est familier avec le style de l'époque, on sait bien que les deux verbes residebant et adstabant sont une simple redondance.

[187] Pour être convaincu de cette identification, il suffit de rapprocher les textes. Lex Salica, 56 : Quod a rachineburgis fuit judicatum.... Quando rachineburgi judicaverunt.... Ibidem, 57 : Rachincburgi in mallo sedentes... causant discutiunt legem dicunt. — Lex Ripuaria, 55 : Raginburgii legrm dicunt. — Formulæ Andegavenses, 50 : Racineburdi.... decreverunt judicio. — Senonenses, 1 : Ab ipsis raciniburgiis fuit inventum vel inquisitum et legibus definitum. Ibidem, 4 : Ab ipsis racinburgis fuit judicatum. Ibidem, 6 : Viris racimburgis qui ibidem residebant.... Ipsi viri talc decreverunl judicium. — Bignonianæ, 27 : Ab ipsis rachimburgis fuit judicatum. On voit bien par ces exemples que les rachimbourgs ont un rôle exactement semblable dans la Loi salique, dans la Loi ripuaire, et dans les formules.

[188] Quelques exemples. Andegavenses, 50 : Veniens ante vivo inlustri illo comité vel reliquis racineburdis qui ibidem aderant et quorum nomma subter tenentur inserta : comparez Senonicæ, 17 : Veniens in mallo mile comite illo vel aliis bonis hominibus qui subter firmaverunt. — Merkelianæ, 27 : Cum resedisset ille in mallo cum pluris racimburgis ; comparez ibidem, 58 : Cum resedisset ille comes mallo illo cum pluris bonis hominibus. — Senonenses, 4 : Judicatum est ab illo comite vel (et) ab ipsis racimburgis ; comparez Bignonianæ, 9 : Apud (ab) ipsum grofionem vel apud ipsos bonos homines qui in mallo residebant fuit judicatum. — Les rachimbourgs sont dits dans la Loi salique in mallo sedentes ; comparez Bignonianæ, 9 : Bonos homines qui in mallo residebant. — Les rachimbourgs signaient les notitiæ de jugement ; Andegavenses, 50 : Racineburdi quorum nomina per subscriptiones subter tenentur inserta : comparez Senonicæ, 10 : bonis hominibus qui subter firmaverunt.

[189] Ainsi dans la même formule, Senonenses, 1, il est dit au début : In mallo ante comite vel aliis pluris personis ; au milieu : Ab ipsis racimburgis fuit invenium et definitum : et à la fin : Notitia bonorum hominum manibus roborata. Or ces personæ qui siègent avec le comte, ces racimburgi qui donnent le jugement, et ces boni homines qui signent la notitia, sont certainement les mêmes hommes. L'auteur de cette formule très soignée a voulu éviter les répétitions de mot, et c'est pour cette seule raison qu'il a employé trois termes synonymes.

[190] Merkelianæ, 27 : Cum pluris bonis hominibus racimburgis : 28 : Una cum pluris bonis hominibus racineburgis ; 30 : Reliquis bonis hominibus racineburgis. Ce formulaire est dans un manuscrit du neuvième siècle, lequel n'est que la copie d'un manuscrit antérieur. Les trente premières formules du recueil sont plus anciennes que les autres. On a tout lieu de les croire d'âge mérovingien.

[191] Senonenses, 6 : In mallo publico ante inluster vir illo comite et ante apostolico viro illo vel pluris viris venerabilibus racimburgis,

[192] Lex Salica, LVII, 5 : Si rachincburgii non secundum legem judicaverint.... 600 dinarios quisque illorum culpabilis judicetur. Cf. Lex Ripuaria, LV.

[193] Lex Salica, L, 5 : Rachineburgios idoneos. — Sur le sens de idoneus, Cf. Digeste, XXVII, 8, 1 : fidejussor idoneus ; IV, 4, 27 : Idoneus debitor ; L, 16,42 : Idoneus homo ; XL, 4, 50 : Idoneam cautionem ; voyez encore Ulpien, au Digeste, L, 16, 42. Il a le même sens dans la Loi salique, XXXIX, testes idonei ; L, rachineburgios idoneos ; dans la Loi ripuaire, LIX, carta idonea, et dans les formules.

[194] Edictum Chilperici, 8 : Graphio cum septem rachymburgiis bonis credentibus. — Le participe credens, au lieu de credibilis et au sens passif, se retrouve dans un capitulaire de 782, Borétius p. 192-195. Il faut qu'il ait été usité en ce sens dans la langue vulgaire, car de là est venu le mot créant usité au moyen âge.

[195] Et qui sciant actiones. Rapprochez les expressions agere actiones (Grégoire, Mirac. Juliani, 16) ; dirimere actiones (Vita Amandi, Mabillon. II, 714) ; publicæ actiones, dans les actes du quatrième concile d'Orléans, c. 15 ; moris actionum (Vitæ Patrum, X, 4).

[196] Grégoire, V, 48 : In judicio cum senioribus residebat. Grégoire dit de même, VIII, 21, cum senioribus urbis, en parlant des principaux habitants de la ville de Metz. — Le même mot seniores se trouve employé dans une formule pour désigner les notables habitants d'Angers (Andegavenses, 52).

[197] Siegel, Geschichte des Gerichtsverfahrens, 1857, p. 145. Sohm, Reichs und Gerichts Verfassung, p. 578.

[198] Lex Salica, L, 5 : Grafio colligat secum septem rachineburgios idoneos.

[199] Andegavenses, 10 : Viris venerabilibus atque magnificis. — Senonenses, 6 : Cum venerabilibus racimburgis. — Cf. Grégoire de Tours, V, 48 : Si in judicio cum... velclericis vel laicis resedisset.

[200] Concile d'Auxerre de 578, art. 54 ; concile de Màcon de 585, art. 19. — Fortunatus, Carmina, IV, 12, parle d'un prêtre nommé Hilarius : Justitiam tribuens populis examine recto.

[201] Senonenses, 6 : In illa civitate in mallo publico ante inlustri viro illo comite et ante apostolico viro illo vel quampluris viris venerabilibus racimburgis qui ibidem ad universorum causas audiendum resedebant. — Senonenses, 5 : In mallo ante illo comite et ante illo episcopo vel aliis pluris magnificis viris qui ibidem residebant.

[202] Grégoire, VII, 47 in fine. — Vita Eligii, II, 61 : In examine episcopi et comitis.

[203] Formulæ Andegavenses, 52 : Cum pro ulilitaie ecclesiæ vel principali negotio apostolicus vir domnus ille episcopus et inluster vir ille comis in civitate Andecave cum reliquis venerabilibus atque magnificis reipublicæ viris resedisset.

[204] Les formules disent plures, quamplures. S'il s'agissait de latin classique, nous dirions que ce mot indique un grand nombre ; mais avait-il conservé ce sens précis dans le latin mérovingien ? Signifiait-il autre chose que notre mot plusieurs ? Il s'agit d'ailleurs de formules faites à l'avance ; quamplures est de style ; combien étaient-ils dans l'acte réel ?

[205] Lex Salica, 57 : Si rachineburgii in mallo (alias in mallobergo) séduites dum causam inter duos discutiunt, legem dicere noluerint, debet dicere.... legem dicatis secundum legem salicam. — Discutere causam est l'expression ordinaire dans la langue du temps pour examiner un procès, interroger les parties, conduire les débats.

[206] Ibidem, 56 : Quod ei a rachineburgiis fuerit judicalum... quando rachineburgii judicaverunt. — Cf. Lex Ripuaria, 55.

[207] Andegavenses, 50 : Visum est ad ipsas personas decrevisse judicio.

[208] Turonenses, 41 : Ante illum judicem vel reliquis viris qui ibidem aderant... Ipsi viri hominem interrogaverunt.

[209] Senonicæ, 20, Rozière 459 : Ante illo comite vel pluris bonis hominibus... Interrogatum fuit ab ipsis viris Ab ipsis viris fuit judicalum ut...

[210] Andegavenses, 11 : Visum fuit ipso agente vel qui cum eo aderant. 12 : Per judicio illo comite vel auditores suis. 24 : Visum fuit ad ipso preposito vel qui cum eo aderant. 28 : Visum fuit ab ipsis magnificis. — Turonenses, 32 : Ipsi viri qui ibidem aderant tale dederunt judicium. 59 : Ipsi viri decreverunt judicium ut.... — Senonicæ, 11 : Interrogatum fuit ad ipsos viros (ab ipsis viris).... Ab ipsis viris fuit judicalum. 51 : Ab ipsis bonis hominibus fuit judicatum. — Senonenses, 1 : Apud (ab) ipso comite vel ipsis racinburgiis diligenter fuit inventum vel inquisitum et legibus definitum. 4 : Ab ipsis missis dominicis vel illo comite seu et ab ipsis racinburgis fuit judicatum. 6 : Ipsi viri interrogaverunt. Ipsi viri tale decreverunt judicium ut....— Bignonianæ, 9 : Apud garafione vel apud ipsos bonos homines fuit judicalum. 14 ; Boni homines... taliter judicaverunt. 27 : Ab ipsis rachimburgis fuit judicatum. — Merkelianæ, 59 : Ab ipsis viris rachimburgis fuit judicatum.

[211] L'emploi du terme judicare n'implique pas qu'ils fussent considérés comme Le verbe avait un sens vague et large et n'exprimait pas toujours l'idée précise de rendre un arrêt. C'est ainsi que nous voyons ces hommes juger que telle partie prêtera serment (Andegav., 50 ; Turon., 39 ; Senonicæ, 17) ; d'autres fois il est dit que ces hommes jugent qu'il soit fait une attestation du jugement déjà rendu : Judicatum est ut de hac causa notitiam accipere deberet (Senonenses, 1), ou bien encore qu'il soit écrit une lettre de securitas (Merkelianæ, 59). Le verbe ne signifiait pas autre chose que prononcer, émettre une opinion. Le substantif judex avait un sens plus arrêté et plus précis. C'est ainsi qu'en français le mot juger a une acception bien plus étendue que le mot juge. On fait donc un raisonnement faux quand on dit que les rachimbourgs étaient des judices parce que les textes leur appliquent le terme judicare.

[212] La présence du comes ou judex, ou du vicarius, de l'agens, du missus est signalée dans 54 formules : Andegav., 10, 11, 12, 24, 28, 29, 32, 50 ; Turonenses, 29, 50, 51, 52, 58, 59, 41 ; Senonicæ, 10, 11, 17, 20, 58 ; Senonenses, 1, 2, 5, 4, 6 ; Bignonianæ, 9, 15, 27 ; Merkelianæ, 27,28, 29, 50, 58, 59. Il n'y en a que deux qui omettent de mentionner le chef du tribunal ; c'est le n° 51 des Senonicæ et le n° 14 des Bignonianæ, deux formules d'un style très incorrect.

[213] Comparez Lex Ripuaria, XXXII, 2 ; L ; LV ; LXXXVIII ; LXXXIX.

[214] Lex Ripuaria, XXXI, 1.

[215] Lex Salica, XXXII ; XLV, 2 ; L, 5.

[216] Savigny, Hist. du droit romain, p. 141 : Le comte ou son lieutenant présidait le tribunal, mais sans voix délibérative ; la décision appartenait à tous les hommes libres. — Pardessus, Loi salique, p. 574 : Le comes ne prenait point part aux jugements ; sa fonction consistait à présider les citoyens qui jugeaient. De même Thonissen, p. 575, et Beauchet, Organisation judiciaire, p. 26.

[217] Andegavenses, 11 : Visum fuit ipsi agenti vel qui cum eo aderant. 12 : Ver judicium comitis vel auditores suis. — Senonicæ, 58 : Ille comes vel reliquæ francæ personse decreverunt. — Senonenses, 1 : Ab ipso comite vel ipsis racimburgiis fuit legibus definitum. 4 : Ab illo comité et ab racimburgis fuit judicalum. — Bignonianæ, 9 : Ab grafione vel bonos homines fuit judicatum.

[218] Andegavenses, 28 : Visum est ab ipsis magnificis. 50 : Visum est ad ipsas personas decrevisse judicio. — Turonenses, 52 : Ipsi viri tale dederunt judicium. — Senonicæ, 11 et 20 : Ab ipsis viris fuit judicalum. — D'autres formules, surtout les Merkelianæ, disent vaguement fuit judicatum. En tout cas aucune formule n'exclut le comte de la décision prise. — Il en est quelques-unes qui parlent seulement des boni homines ou des rachimbourgs ; mais il faut faire attention que ces formules sont de simples epistolæ : nous en parlerons tout à l'heure.

[219] Andegavenses, 50 : Ante comite vel reliquis racineburdis. — Senonenses, 1 : Ante illo comite vel aliis personis... racimburgiis. — Merkelianæ, 50 : Ante illum vicarium vel reliquos bonos homines racineburgos. — Turonenses, 28 : Ante inlustri viro vel reliquis viris. Ibidem, 41. — Senonicæ, 10 : In mallo ante comite vel reliquis bonis hominibus. 17 : In mallo ante comite vel aliis bonis hominibus. — Senonenses, 3 : In mallo ante illo comite vel aliis magnificis viris. — Merkelianæ, 29 : In mallo ante vicarium vel reliquos bonos homines.

[220] Cela s'explique si l'on songe que le mot rachimbourg n'était ni le nom d'une profession, ni le titre d'une fonction ; il désignait simplement un état momentané, qui consistait à siéger en justice. En ce sens, le mot pouvait bien s'appliquer au comte lui-même.

[221] Marculfe, 1, 8 : Secundum lege et consuetudine eorum.

[222] Grégoire de Tours, V, 49 (48).

[223] Formulæ Andegavenses, 6 : Convenit ad bonos homines ut hauc securitatem facere deberet. — Turonenses, 41 : Propterea oportunum fuit ut hanc notitiam accipere deberet. — Senonenses, 1 : Taliter ei judicatum fuit ut de hac causa notitiam bonorum hominum manibus roboratam accipere deberet. — Merkelianæ, 59 : Postea ab ipsis racineburgis fuit judicatum ut ipsi parentes talem epistolam manu corum vel bonorum hominum firmatam facere deberent.

[224] Grégoire, VIII, 18.

[225] Grégoire, V, 4 : Pectavo (Pictavum) abiit... dispositis actionibus quibus Kalendas Martias cives Pictavos vel affligeret vel damnaret. — Sur le mot actiones, au sens de jugements, cf. l'expression si fréquente dirimere actiones.

[226] Fredegarii Chronicon, 45 : Dum pacem in ipso pago vehementer arripuissel sectari, malorum nugacitatem reprimens, ab ipsis pagensibus interficitur.

[227] Vita Walarici, c. 11.

[228] Formulæ Bignonianæ, 7 : Cum resedisset ille vicarius vir inluster illo comite (id est, inlustris viri illius comitis) in illo mallo publico ad causas audiendas vel recta judicia terminanda. Ibidem, 15 : Ante vigarium inlustris viri illius comitis. — Merkelianæ, 29 : In mallo illo ante illum vicarium vel reliquos bonos homines. 50 : Ante illum vicarium vel reliquos bonos homines racineburgos qui ibidem aderant. — Lex Ripuaria, 50 : Ad mallum ante centenarium vel comitem. — Lex dicta Chamavorum, 50 : Si quis infra pagum latronem comprehenderit et ante illum comilem aut ante suum centenarium non adduxerit. Cf. Lex Salica, 44 : Ut tunginus aut centenarius mallum indicant. Lex Alamannorum, 56 ; Aut comiti aut cenlenario in placitum.

[229] Une autre théorie a été présentée sur le tribunal du centenier ; elle est exposée surtout par M. Beauchet, Organisation judiciaire, p. 9-17. Cet auteur, trop dominé dans cette partie de son très bon livre par les idées de Sohm, professe que le centenier est élu par le peuple et préside l'assemblée de tous les hommes libres de la centaine. Rien de cela n'est conforme aux textes. Il est impossible à l'auteur de prouver que le tunginus ou le centenier soit élu par le peuple ; il ne peut pas prouver davantage que tous les hommes libres de la centaine se réunissent en assemblée. Ni les lois franques, ni aucune formule mérovingienne, ni aucun récit des écrivains ne signalent pareille chose. Il faudrait pourtant se décider a reconnaître que, parmi plus de cent documents relatifs à la justice, il n'en est pas un seul qui signale la population d'une centaine jugeant un procès ou un crime. — En étudiant l'organisation administrative, nous avons constaté que le centenier est un agent du comte ; il est son agent aussi dans l'organisation judiciaire. Si le comte vient tenir le mallus dans un canton, le centenier siège à côté de lui ; si le comte est absent, le centenier juge sans lui, mais en son nom et comme son délégué.

[230] Formulæ Bituricenses, 7, Zeumer, p. 171, Rozière n° 404 : Optime defensor, vel curia publica seu et cuncto clero Sancti Stephani ac viri magnifici Betoricæ civitatis....

[231] Formulæ Bituricenses, 7 : Consuetudinis legum indulgentia præstat ut quotiescunque, instigante parte adversa, vel per negligentia, aliquis casus fragililatis contigerit, oportet eum auribus publicis innotesci. — Nous avons vu plus haut que le mot publicus, dans la langue des villes et sur les registres des curies, avait conservé la signification que nous lui voyons au Digeste. Respublica, dans la formule d'Anjou n° 52, signifie la cité ; ici, curia publica désigne aussi la curie municipale, et auribus publicis innotescere signifie faire connaître aux chefs de la cité. — La formule 7 des Bituricenses ne vise spécialement qu'un apennis ; mais la réunion du defensor, de la curia, du clergé et des viri magnifici avait certainement d'autres objets qu'un simple enregistrement ; et les termes du début impliquent bien que des plaintes contre une partie adverse pouvaient être portées à ce tribunal.

[232] Formulæ Turonenses, 52, Rozière n° 465 : Veniens ille ante illum vel eos qui subter tenentur inserti.... Ipsi viri tale dederunt judicium ut secundum legem romanam pro hac culpa (il s'agit d'un rapt, crime qui était puni de mort) ambo pariter vitæ periculum incurrissent vel sententiam mortis ob hoc scelus excepissent. — Or cet énoncé d'un point de droit n'est pas un jugement exécutoire. La suite montre en effet que l'affaire se transforme en un placitum (nous verrons plus loin le sens de ce mot) devant des boni homines, qui prononcent une composition. Dans le droit strict de l'Empire, les juges municipaux auraient dû livrer les coupables au præses ; on conçoit que ce droit se soit adouci.

[233] Grégoire, VII, 47 : Cum in judicio civium convenissent. Grégoire ne dit pas qu'ils aient été mandés, encore moins qu'ils aient été contraints de comparaître.

[234] Formulæ Turonenses, 5 : Turonis civitate, adstante venerabile illo defensore una cum honoratis principalibus suis. Il faut se rappeler le defensor, les honorati, les principales de l'empire romain. — Comparez : Turonenses, Additamentum, 5 : Adstante viro laudabili. illo defensore et omni curia publica.... Pelo vos,, laudabiles curiales alque municipes. — Marculfe, II, 57 : Regnante illo rege, in civitate illa, adstante viro laudabili defensore et omni curia illius civitatis. De même dans les Senonicæ, 59 et 40.

[235] Grégoire, ibidem : Cum præceptum esset ut Austregisilus qui homicida erat, censura legati condemnaretur. L'expression censura legatis n'est pas un terme vague ; elle appartenait à la langue de la procédure et avait une signification très connue et très arrêtée. Grégoire lui-même, l'explique quand il dit, De gloria confessorum, 61 : Judex loci violatorem sepulcri jubet legatis pœnæ sententia condemnari ; et ce qui prouve que c'est là une manière de désigner la peine de mort, c'est que Grégoire ajoute qu'ensuite le juge fit grâce de la vie au coupable. L'expression censura legatis signifie donc toute peine légale, et notamment la peine de mort. Elle est employée ainsi dans la Loi des Wisigoths, II, 2, 10 ; II ; 5, 19 ; VII, 6, 9. Cf. Vita Eligii, I, 51 : Humana corpora quæ judicum censura perimebantur. — Edictum Theodorici, 56 : Legum censuram non evadet. — Vita Leodegarii ab anonymo æquali, 1 : Cum mundanæ legis censuram non iqnoraret.

[236] Grégoire, De gloria marlyrum, 55 (34) : Decretum est sententia primorum urbis. Cela se passait entre les années 565 et 580.

[237] Formulæ Andegavenses, 52 in fine : In foro publico. — Turonenses, 28 : In foro publico in ipsa civitate.

[238] Voyez, par exemple, le n° 6 des Bituricenses : Anno 14 gloriosissimi illius régis, apud virum laudabilem defensorem necnon et ordo curiæ, adstantibus honoratis necnon et qui vicem magistratus agere videntur.

[239] Digeste, IV, 8, 1-5. — Code Justinien, II, 55, 2, loi de 285 : Apud electum arbitrum. — Ibidem, II, 5, 29, loi de 551 : Et ad compromissarios et ad eleclos arbitros. — Ibidem, II, 46, 5 : Compromissarios judices vel arbitros ex communi sententia electos. — Ibidem, III, 1,14, § 4 : Arbitros sive ex compromisso vel aliter datos sive electos. — Cf. Corpus inscriptionum latinarum, IX, n° 2827 : Arbiter ex compromisso juratus sententiam dixit in hæc verba.

[240] Pour l'Italie, voyez Lettres de Grégoire le Grand, VIII, 15 : Causa apud deleclos a partibus finiatur ; IX, 14 : Electorum subire judicium ; X, 27 : Apud electos judices venire : I, 65 : In electorum judicio ventiletur contentio ; XI, 41 : Electorum subeant judicium ut cujus sit proprietas judicantium sententia decernatur ; XI, 57 : Partes ad eligendum judicem compellantur ; IX, 104 : Aut in electorum aut in deputatorum a nobis judicio valeat respondere ; X, 50 : Electorum ie cum parte altera necesse est subire judicium ; II, 49 : Joannem notarium illic direximus qui partes in electorum compellat adesse judicio. — Pour l'Espagne wisigothique, voyez Lex Wisigothorum, II, 1, 14 : Dirimere causas nulli licebit nisi aut a principibus potestate concessa, aut ex consensu partium electo judice ; II, 1, 26 : Qui ex consensu partium judices in negotiis eliguntur.

[241] Troisième concile d'Orléans, a. 558, art. 12, Sirmond, p. 252 : Per publicum aut electorum judicium revocentur. Le publicum judicium est le tribunal de l'État ; le judicium electorum est un tribunal constitué par les parties — De même dans le quatrième concile d'Orléans, a. 541, art. 12. On comprend bien que dans tous ces exemples electi ne signifie pas élus par le peuple, mais choisis par les parties.

[242] Capitulaire de 794, art. 41, Borétius, p. 77 : Ut electi judices ab utrisque partibus non spernantur. — Hincmar, Expositiones ad Carolum, I, édition de la Patrologie, t. Ier, col. 1051 : Ad judicium electorum judicum veniant et eorum judicio causa finiatur.

[243] Grégoire, V, 5 : Facto placito (placitum signifie une convention entre les parties, un engagement à comparaître ensemble ; exemples : Grégoire, VII, 25 ; Formulæ Andegavenses, 16 : in præsentia Niceli episcopi Lugduno dirigitur, et ibi Siagrio episcopo coram astante vel aliis sacerdotibus multis cum sæcularium principibus).

[244] Grégoire, X, 8 : Conjunctis sacerdotibus et viris magnificis.

[245] Grégoire, IX, 35.

[246] Grégoire, VII, 47 : Quod nos (le pluriel nos pour ego, suivant les habitudes de style du temps) audientes, vehementer ex hoc molesti... mittimus ad eos legationem ut....

[247] Grégoire, VII, 47 : In nostri præsentia. — C'est l'expression ordinaire pour indiquer la comparution à un tribunal ; in præsentia comitis, in præsentia regis, au tribunal du comte, au tribunal du roi.

[248] C'est ce qu'indiquent les mots : Adjuncto judice.

[249] Grégoire, VII, 47 : Ut, accepta ratione, cum pace discederent.

[250] Grégoire, VII, 47 : Conjunctis civibus. — Notez que les canons de l'Église défendaient à l'évêque de juger seul ; voyez notamment le concile de Carthage de 597, qui déclare qu'une sentence rendue par l'évêque siégeant seul est nulle. L'évêque qui jugeait des clercs devait être entouré de clercs ; s'il jugeait des laïques, il devait être entouré de clercs et de laïques. C'est une réunion de cette nature que Grégoire indique par les mots conjunctis civibus ; il serait puéril d'y voir des comices populaires.

[251] Grégoire, VII, 47 : Ego aio : Nolite, o viri, in sceleribus proficere ne malum in longhis extendatur. Eslole, quæso, pacifici ; et qui malum gessit, stante caritate, comportai, ut sitis filii pacifici.... Et si illi qui noxæ subdiiur minor est facultas, argento ecclesiæ redimetur.

[252] Grégoire, VII, 47 : Pars Chramnisindi accipere noluit. Sur les tribunaux d'évêques, comparez la Loi des Wisigoths, II, 1, 29 : Episcopus, adjunctis sibi aliis viris honestis, inler eos negotium discutere vel terminare procuret.

[253] Formulæ Andegavenses, 10 : Veniens ante venerabili viro illo abbate vel reliquis viris venerabilibus atque magnificis interpellabat aliquem hominem. — 29 : Ante venerabilem abbatem. — 50 : Veniens ante illo abbate vel reliquis qui cum eo aderant. — 47 : Notitia qualiter Andecavis civitate... ante venerabile viro illo abbate vel. reliquis quampluris bonis hominibus qui cum ipso aderant... interpellavit. — Turonenses, 59 : Ante venerabilem virum suisque auditoribus vel reliquis viris.

[254] Dans les Andegavenses, les n° 10 et 29 sont relatifs à une revendication en servitude, le n° 50 à un fermage, le n° 47 à une propriété. La Turonensis 59 concerne une question d'héritage.

[255] Concile de Mâcon, a. 585, art. 19, Sirmond, I, 588 : Cognovimus quosdam clericorum ad forales reorum sententias fréquenter accedere.... Prohibemus ut ad locum examinationis reorum nullus clericorum accedat neque intersit atrio sauciolo ubi pro reatus sui qualitate quispiam inlerficiendus est. — Le concile de Tarragone de 516 prononce aussi que le prêtre peut se mêler à tous les jugements, excepté en matière criminelle (Mansi, VIII, 558).

[256] Andegavenses, 10 et 29 : Visum fuit abbati vel qui cum eo aderant ; 50 : Visum fuit abbati ; 47 : Ab ipsis viris fuit denuntialum. — Turonenses, 59 : Ipsi viri decreverunl judicio.

[257] Nous ne parlerons pas dans le présent volume des justices d'immunité, bien qu'elles aient existé sous les Mérovingiens ; cette étude trouvera mieux sa place ailleurs.

[258] Grégoire, Vitæ Patrum, VIII, 5, édit. Krusch, p. 695.

[259] Lex Burgundionum, præfatio : Sufficiat integritas judicantis.... Si judex.... Judex muletabitur, Ibidem, VII : Judici tradatur ad pænam. VIII, 5 : Quibus judex jusserit dare sacramenta. XXXIX, 1 : Discutiendum judici præsentet. XLVI in fine : A judice compellatur solvere. XLVIII, 4 : Imminente judice. De même aux titres XC, CVII, 10, CVIII, édit. Pertz.

[260] Lex Burgundionum, XLIX : Ut locorum comites judicanda cognoscant. LXX1X, 4 : Omnes comites... judicare curabunt. CVII, 10, édit. Rinding, p. 155 : Omnes comites in omnibus judiciis jusiitiam teneant.

[261] Lex Burgundionum, XC, Pertz, p. 526, Binding, p. 128 : Judices a nobis deputati.

[262] Edictum Theodorici, 2 : Si judex pecuniam acceperit. 5 : Judex. 5 : Ad sollicitudinem judicis pertinet. 15 : Apud competentem judicem. 88 : Per auctoritatem judicis. 91 : Qui judici præmium dederit. 98 : Tradat judici puniendum. 125 : Judicis auctoritas.

[263] Edictum Theodorici, 58 : Ante prætorium judicis.

[264] Edictum Theodorici, 12 : Publico judicio ; 56 : Judici publico.

[265] Edictum Theodorici, 5 : Judex, amissa dignitate qua male usus est.

[266] Edictum Theodorici, 55 : Omnes appellationes suscipiant ii provinciarum judices a quibus provocari potest.... Dum de appellationis merito sacer possit cognitor judicare.

[267] Pas un mot non plus dans les formules wisigothiques. Elles ne parlent que d'un seul judex qui cite à comparaître, interroge, décide, et rédige le jugement ; formules wisigothiques, n° 40, éd. de Rozière, p. 28 ; cf. n° 42 ; in præsentia judicis... Per judicis imperium seu judicium.

[268] Lex Wisigothorum, II, 1, 26 : Dux, comes, vicarius, tiuphadus, millenarius, centenarius, decanus... omnes in quantum judicandi potestatem acceperint, judicis nomine censeantur.

[269] Lex Wisigothorum, II, 1, 26 : Qui ex regia jussique judices in negotiis eliguntur.

[270] Lex Wisigothorum, II, 1, 26 : Pacis assertor. II, 1, 16 : Pacis assertores non alias dirimant causas nisi quas illis regia deputaverit ordinandi potestas. Pacis autem assertores surit qui sola faciendæ pacis intentione regali sola destinantur auctoritare.

[271] Lex Wisigothorum, II, 1, 14 : Qui per commissoriam comitum vel judicum judiciali potestate utuntur.

[272] Lex Wisigothorum, II, 1, 26 : Qui ex consensu partium judices eliguntur.

[273] Lex Wisigothorum, II, 1, 14 : Dirimere causas nulli licebit nisi a principibus potestate concessa.... Qui potestatem judicandi a rege accipiunt.

[274] Lex Wisigothorum, VI, 1, 2 : Coram judice vel aliis honestis viris.

[275] Lex Wisigothorum, VI, 1, 2 : Honestis viris a judice convocatis. — Ibidem, 1, 2, 2 : Judex, si elegerit auditores secum esse presentes, aut causam quæ proponitur cum eis conferre voluerit, suæ sit potestatis. Si noluerit, nullus se in audientiam ingerat.

[276] Lex Wisigothorum, II, 1, 12 ; VI, 1, 2.

[277] Lex Langobardorum, Liutprand, 80 : Judex in civitate. — Ratchis, 1 : Unusquisque judex in sua civitate — Cela ressort surtout de Liutprand, 27 : Si quis in aliam civitatem causam habuerit, vadat cum epistola de judice suo ad judicem qui in loco est.

[278] Lex Langobardorum, Liutprand, 25 : Si judex ejus causam dïlataverit. 26 : Dirigat eos ad judicem. 28 : Si judex per legem judicaverit. 42 : Si quis judex. 81 : Si judex neglectum fecerit. Ratchis, 11 : Causam agere in præsentia judicis.

[279] Lex Langobardorum, Liutprand, 44 : Judex potestatem habeat eum inquirendi. 80 : De furonibus. Ut judex in civitate faciat carcerem sub terra :... et comprehendat eum et mittat in carcere... judex illum (criminosum) vendat. 85 : Si quis judex neglexeril eos exquirere... et eos non condemnaveril.... Si per judicem inquisili et inventi sint, judex habeat poteslalem foris provincia, eos vendendi. 56 : Si per districtionem a publico furta manifestata fuerint. 28 : Si quis causam habuerit et judex ei per legem judicaverit.

[280] Lex Langobardorum, Liutprand, 28.

[281] Lex Langobardorum, Ratchis, 1 : Ut unusquisque judex in sua civitate debeat quotidie in judicium residere... per semetipsum resideal et omnibus justitiam conservet ; de nullo homine præmium accipiat.

[282] Quelquefois le mot publicus est employé tout seul pour désigner le judex ; Liutprand, 121, 141, 152, etc.

[283] Lex Langobardorum, Rotharis, 25 : Judex qui in loco ordinatus est a rege.

[284] Lex Langobardorum, Ratchis, 1 : Judex qui aliter judicaverit, amittat honorem suum. — Aistulfus, 4 : Judex honorent suum amittat.

[285] Lex Langobardorum, Ratchis, 1 : Et judices precipiant ad sculdahos suos aut ad centenos aut ad locopositos, vel quos sub se habent ordinatos, ni ipsi similiter faciant (id est, bene judicent). Sur le sculdahis, voyez Liutprand, 25, 26, 28, 83, 85.

[286] Lex Langobardorum, Liutprand, 27 : Venire in præsentia regis. 58 : Si ad regem reclamaverit. Ratchis, 11 : Causam agere in præsentia regis.

[287] Lex Alamannorum, XXXVI, 1 : Conventus secundum consuetudinem antiquam fiai in omni centena coram comite aut misso et coram centenario. — Ce missus est appelé quelques lignes plus loin missus comitis.

[288] Lex Alamannorum, XXXVI, 2 : Quali die comes aut centenarius voluerit.

[289] Lex Alamannorum, XXXVI, 5 : Et si quis alium mallare vult de qualicunque causa, debet mallare ante judicem suum.

[290] Ut ille judex eum distringat secundum legem.

[291] Lex Alamannorum, XLI, 5 : Judicium illius qui ad judicandum est constitutus. XLI, 1 : Cognoscat hoc judex. LXXXVI : Convictus fuit ante judicem.

[292] Lex Alamannorum, XLI, 5 : Ille (id est, missus comitis aut centenarius) distingat ut neglectum non fiat, nec pauperes patiantur injuriant.

[293] C'est ce que Waitz soutient encore dans sa troisième édition, t. II, 2e partie, p. 158. Après avoir reconnu que les textes n'indiquent pas cette participation de la population au jugement, il se refuse pourtant à conclure comme les textes, et il veut, sans la moindre preuve, que cette participation du peuple au jugement soit hors de doute, et que le juge ne fasse que préparer les arrêts. De ce juge, qui n'est certainement qu'un fonctionnaire du roi ou du duc, il fait un représentant et un organe du peuple, lequel exerce par lui son action et peut même l'exercer en dehors de lui. Toute cette théorie ne s'appuie sur aucun texte, et elle est même contraire aux textes ; elle repose uniquement sur une idée de l'esprit ; elle appartient à la méthode subjective.

[294] Lex Alamannorum, XLI : Nullus causas audire præsumat nisi qui a duce per conventionem populi judex constitutus est ut causas judicet (ce judex est visiblement le comte ou le centenier). — Waitz traduit per conventionem populi par nach Belieben Vollts, d'après la volonté du peuple (ibidem, t. II, 2° partie, p. 147) ; c'est une traduction absolument inexacte ; le mot conventio ne signifie ni volonté ni élection ; conventio populi n'est pas autre chose que conventus populi ; c'est la réunion de la population. Apparemment, les comtes et centeniers étaient institués par le duc dans une assemblée solennelle, et les nominations étaient notifiées au public. Cela ne signifie nullement que le peuple eût à exprimer sa volonté. La loi ne dit pas constitutus a conventu, mais constitutus a duce per conventum, id est in conventu.

[295] Lex Alamannorum, XLI, 1 : Nec mentiosus, nec perjurator, nec munerum acceptor sit, sed causas secundum. legem veraciter judicet sine acceptione personarum, et timens Deum sit. Si juste judicaverit, credat se apud Deum mercedem recipere et laudem apud homines bonam possidere.

[296] Lex Alamannorum, XLI, 2 et 5 : Si contra legem judicaverit... 12 solidis sit culpabilis cui injuste judicavit... At si hoc ab aliis judicibus inquisitum fuerit quod juste judicavit, ille contemptor qui judici injuriam fecit, solvat 12 solidos judici illi.

[297] Noter que la Loi des Bavarois parle toujours du judex, comme s'il n'y avait qu'un seul juge. Lex Baiuwariorum, I, 7, 4 : Judice cogente ; I, 10, 4 : Judice cogente qui in illa provincia ordinatus est ; I, 2 : Rege cogente vel principe qui in illa regione judex est ; II, 10, 1 : Dux populum judicat ; III, 15 : Ligatum præsentet coram judice ; VIII, 15,1 : Ante judicem suum judicetur ; VIII, 16 : Judex causam bene cognoscat et veraciter inquirat ; XII, 2, 1 : Judex judicet ei.

[298] Lex Baiuwariorum, II, 15, 1 : Ut placita fiant per Kalendas aut post 15 dies, si necesse est, ad causas inquirendas... et omnes liberi conveniant constitutis diebus ubi judex ordinaverit, et nemo sit ausus contemnere venire ad placitum.

[299] Lex Baiuwariorum, II, 15, 2 : Comes vero secum habeat judicem quiibi constitutus est judicare. — Waitz, t. II, 2e partie, p. 152, n'explique pas quel est ce judex. Il nous semble, par analogie avec tous les textes de la même époque, qu'il est le fonctionnaire subordonné au comte, La Loi des Bavarois ne dit pas quel titre il porte.

[300] Lex Baiuwariorum, II, 15, 2 : Comes secum habeat... librum legis ut semper rectum judicium judicet de omni causa.

[301] Lex Baiuwariorum, II, 16 ; II, 18 ; II, 19.

[302] Lex Alamannorum, XLIV : Accusare ad ducem. XLII : Si quis interpellatus ante ducem. — On pouvait même porter un procès devant le roi. Ibidem : Accusare apud regem.

[303] C'est le sens des mots sicut dux aut principes populi judicaverunt, de la Loi des Alamans, XXIV.

[304] Il n'en est pas dit un mot ni dans la Loi des Thuringiens, ni dans celle des Frisons, ni dans celle qu'on appelle la Loi des Francs Chamaves.

[305] Childeberti decretio, 9 : Si quis centenario aut cuilibet judici noluerit ad malefactorem adjuvare, 60 solidos condemnetur.

[306] Lex Salica, XI, 4 : Si quis de rege habuerit præceptum (alias, cartas), qui contra ordinationem regis testare præsumpserit solidos 200 culpabilis judicetur.

[307] Lex Ripuaria, LXV, 1.

[308] Lex Salica, LV1, 2 : Tunc rex ad quem mannitus est extra sermonem suum ponat eum, et omnes res suæ erunt in fisco aut cui fiscus dare voluerit.

[309] Lex Ripuaria, LXI, 2.

[310] Lex Salica, XIII, 6 : Si puella quæ trahitur in verbum regis fuerit, frelus exinde 2500 dinarios qui faciunt solidos 63.

[311] Childeberti decretio, art. 14 : Diem dominicum placuit observare... si quis opera alia facere præsumpserit, si francus, solidos 15 componal, siromanus, solides 7, si servus, solidos 3.

[312] Lex Salica, Additamentum, Behrend, p. 89 : Si mulier cum servo suo in conjugio copulaverit, omnes res suas fiscus adquirat.

[313] Lex Ripuaria, LXV, 1 : Si quis, sive in hoste, sive in reliquam utilitatem regis bannitus fuerit et minime adimpleverit, 60 solidos multetur.

[314] Grégoire, V, 26 ; VII, 42.

[315] Grégoire, IV, 26 : Leontius, congregatis provinciæ suæ episcopis, Emerium ab episcopatu depulit.... Rex, exactis Leontio episcopo mille aureis, reliquos episcopos juxta possibilitatem condemnavit.

[316] Grégoire, IV, 44 (43).

[317] Lex Ripuaria, LXIX : Si quis homo regi infidelis extiterit, omnes res suas fisco censeantur. — Marculfe, I, 32 : Omnes res ejus sub fisci titulum præcipimus revocare.

[318] Grégoire, III, 14 : Quo interfecto, res ejus fisco conlatæ sunt. III, 24 : Quæ in fisco suo Theodericus posuerat de rebus Sigivaldi. V, 17 : Guntchramnus familiales eorum fisco suo redegit. Autres exemples, V, 25 ; VIII, 11 ; VIII, 36 ; IX, 10.

[319] C'est ce que Grégoire dit formellement de Chilpéric, VI, 46 : Sæpe homines pro facultatibus eorum injuste punivit. — Frédégaire dit la même chose de Brunehaut, c. 21 : Aegïla pairicius instigante Brunichilde interficitur, nullis culpis exstantibus, nisi tantum cupiditatis instinctu ut facultatem ejus fiscus adsumeret. Ajoutez ce qu'il dit de Proladius, maire du palais, c. 27 : Fiscum nimium stringens, de rebus personarum vellens fiscum implore ; et plus loin, c. 80, l'allusion qu'il fait à de nombreuses confiscations opérées par Dagobert.

[320] Notons que ce principe était appliqué même dans des cas où il y avait peine de mort. Ainsi, Childebert punit de mort le rapt : Occidantur, et facultates Morum parentibus legitimis dentur ; mais il ajoute : Elquod fisco noslro debitum est acquiratur (Decretio Childeberti, art 4).

[321] Grégoire, Miracula S. Martini, IV, 26 : Compositionem fisco débitant quam illi fredum vocant. — Idem, Hist., VI, 23 : Chilperico filius nascitur ; ex hoc jubet rex compositiones fisco debitas non exigi.

[322] Lex Salica, L, 4 : Duas paryes cujus causa est, tertiam partent grafio fredo ad se recolligat.

[323] Lex Salica, LIII, 2 : Fretus grafioni solvatur. — Lex Ripuaria, LXXXIX : Nec nullus judex fiscalis de quacumque causa freta non exigat priusquam facinus componatur. — Decretio Chlotarii, 16 (Borétius, p. 7) : Fretus judici, in cujus provincia est latro, reservetur.

[324] Formulæ Andegavenses, 9, formule de vente d'un esclave : Et si quis, aut ego ipse aut aliquis heredibus mets vel qualibet extranea persona, contra hanc venditionem agere conaverit, inter tibi et fisco solidos tantos componat. — Ibidem, 57 : Solidos tantos tibi sociante fisco componat. — Ibidem, 57, acte de divorce par consentement mutuel ; celle des deux parties qui plus tard voudrait agir contre le présent acte, payera tel nombre de sous à son cocontractant : Solidos tantos ad parem suum componat una cum judice intercedente. - Marculfe, II, 24, pour un échange de terre : Si quis hoc mutare voluerit, rem quam accepit amittat, et insuper inferat pari suo cum cogente fisco auri unciam unam. — Senonicæ, 25, constitution de dot : Et si quis contra hunc libellum dotis venire conaverit, inférat tibi una cum socio fisco auri uncias tantas. — Diplomata, Pardessus, n° 179, 412. 442, actes de partage de biens ou de donation : Inferti sociante fisco auri decem libras ; una cum socio fisco auri libras centum ; et insuper cogatur solvere fisco régis auri libras triginta.

[325] Le cum socio fisco ou l'expression analogue se trouve dans le Formulaire d'Anjou, n° 2 et 3, à la fin de l'acte par lequel un homme s'est fait esclave pour se racheter d'un crime ; n° 5, à la suite d'un jugement ; n° 9, pour une vente d'esclave ; n° 27, pour la vente d'une terre ; n°20, pour un échange de terre ; n° 57, à la suite d'une donation d'un père à son fils ; n° 41-45, à la suite d'un accommodement ; n° 46, pour une donation à l'Église ; n° 54, pour une constitution de dot ; n° 57, dans un acte de divorce entre époux. — Le Formulaire de Tours, au contraire, dans l'énoncé de la pœna, ne mentionne pas la part du fisc. — Cette mention se retrouve dans les Arvernenses, n° 5, et dans les Bituricenses, n° 4, 9, 15, pour une securitas, pour un affranchissement et pour une constitution de dot. — Elle est dans dix actes du Formulaire de Marculfe, livre II, actes de donation à l'Église, de donation mutuelle entre époux, de testament, d'affranchissement, etc. — Elle est encore dans douze formules du recueil des Senonicæ, pour actes privés de toute sorte. — La formule d'Anjou, 57, cite la Lex Aquitiana, les n° 46 et 54 allèguent la Lex Romana.

[326] Omnes fredos concessos debeat possidere vel quidquid exinde fiscus poterat sperare, diplôme de Dagobert I, Pertz n° 15. — Quidquid fiscus aut de freda aut de undecunque poterat sperare, Marculfe, I, 5.

[327] Peut-être faut-il ajouter certains droits de chancellerie. Il arrivait très fréquemment que des particuliers voulussent que leurs contrats fussent confirmés par le roi et portassent sa signature. C'est ce qui est démontré par de nombreux diplômes. Dans ce temps de désordres, ou comptait sur le nom du roi pour assurer la validité des actes. Fallait-il payer un droit de sceau ? Nous ne saurions l'affirmer ; mais il y a dans le recueil de Marculfe, I, 20, une formule qui le donne à penser. C'est un partage do succession où les cohéritiers ont demandé l'intervention du roi ; le roi a envoyé un délégué pour faire le partage en son nom, et il est dit que ce délégué a droit à une part proportionnelle de la fortune partagée. Il est donc assez vraisemblable que le roi percevait un droit sur toute transaction privée dans laquelle il intervenait.