LA MONARCHIE FRANQUE

 

CHAPITRE XI. — LES IMPÔTS.

 

 

Nous avons à chercher quels étaient les revenus du gouvernement, mérovingien et quelles étaient les charges de la population. Nous devons regarder aussi, si les impôts de cette époque eurent le caractère de redevances féodales ou celui de contributions publiques.

 

1° LES IDÉES DES FRANCS EN MATIÈRE D'IMPÔTS.

 

Pour chacune des institutions qui se présentent devant nous, nous voulons savoir où en est l'origine et la source, afin de la mieux comprendre ; et pour faire cette recherche nous regardons à la fois du côté de la Germanie et du côté de la société romaine. Ainsi ferons-nous pour les impôts. Les anciens Germains avaient-ils la notion et la pratique des impôts ? Les Francs apportaient-ils de leur ancienne patrie l'habitude d'en payer ou au contraire une répugnance à les subir ?

Tacite, dans son livre sur les Germains, n'a pas un seul chapitre sur ce sujet. Nulle part il ne dit d'une manière précise ni que les Germains payent des impôts, ni qu'ils n'en payent pas. On ne s'attend sans doute pas à trouver chez ces peuples, assez primitifs à certains égards, un système bien ordonné de contributions publiques. Ils n'avaient pas de monnaie, et cela seul incline d'abord nôtre esprit à penser qu'ils n'avaient pas d'impôts. Toutefois il était possible qu'il y eût des impôts en nature. Tacite nous dit que les amendes étaient payées en troupeaux ; les contributions pouvaient bien aussi se payer en têtes de bétail. Un bœuf, un mouton équivalait à une pièce de monnaie. En tout cas, un tel mode de payement ne fait pas supposer un système d'impôts bien compliqué ni bien savant :

Nous nous attendrions plutôt à ce que Tacite nous avertît par une ligne que les Germains n'en avaient pas du tout. Cependant il ne le dit pas. Lui qui, dans ce livre où il se plaît à signaler à ses contemporains de Rome tous les traits par lesquels la population germaine diffère d'eux, il ne leur dit pas : Les Germains n'ont pas nos impôts ; ces impôts qui nous grèvent, ils les ignorent. Ce silence sur un point qui devait le frapper ne laisse pas d'être significatif.

Quelques érudits ont même cru trouver dans son livre une phrase qui indiquerait l'existence de tout un mode de contributions. Il a écrit au chapitre 15 : Mos est civitatibus ultro ac viritim conferre principibus vel armentorum vel frugum, quod pro honore acceptum etiam necessitatibus subvenit. Burnouf traduit : Il est d'usage que les cités offrent à leurs chefs un don en troupeaux ou en grains, auquel on contribue par tête et qui, reçu comme un honneur, subvient à leurs dépenses. Si cette traduction est exacte, il existait un système régulier d'impôts chez les Germains, impôts qui auraient été volontaires et librement consentis, mais qui n'en seraient pas moins de véritables impôts, puisqu'ils seraient fournis régulièrement aux chefs de l'État. Mais cette traduction est inexacte. Le traducteur n'a pas fait attention que lé mot principes, dans celte phrase, ne désigne nullement les chefs de la cité. Les phrases qui précèdent celle-ci marquent nettement qu'il s'agit de chefs de troupes guerrières ; c'est de cette sorte de chefs que Tacite parle exclusivement dans la série des chapitres 13 à 15[1]. La pensée très nette de l'historien est que ces chefs de guerriers se mettent volontiers au service de tel ou tel Etat germain, lequel, grâce à cette force étrangère, peut vivre en paix et s'assurer contre ses voisins. Cet Etat doit nécessairement entretenir le chef de guerre qu'il a appelé près de lui. Il lui offre donc, non une solde en argent, mais une quantité de bétail et de grains. Il offre cela, non à chaque guerrier, mais au chef, et moins à titre de solde que comme présent honorable ; ce n'en est pas moins avec cette solde déguisée que le chef nourrit et entretient ses hommes. Telle est sans conteste la pensée de Tacite. C'est pour n'avoir pas regardé de près à son texte que quelques historiens modernes ont conclu de cette phrase isolée que les Germains avaient un système d'impôts librement consentis et payés à l'Etat sous la forme de dons volontaires. Tacite a au contraire parlé de dons fournis par les États, civitatibus, à des chefs de guerre, principibus[2]. Ce qu'on peut dire seulement, c'est que l'État germain qui donne au chef de guerriers ce bétail et ces grains, a dû les prélever sur les particuliers. Il y a donc eu une sorte de collecte ou de contribution, viritim, au moins pour cet objet déterminé ; mais nous ignorons absolument comment et d'après quelles règles ces contributions étaient levées.

Un autre passage de Tacite peut se rattacher à notre sujet. Parlant de la justice, il dit que l'assemblée nationale juge les crimes et les délits ; elle punit les uns de la mort, les autres d'une amende, et cette amende est payée, au moins en partie, à l'État[3]. C'est une sorte d'impôt sur les fautes. Nous le retrouverons sous les Mérovingiens.

Voici encore un troisième fait qu'on ne peut négliger. Il arrivait souvent qu'à la suite d'une guerre le peuple vainqueur forçât le vaincu à lui payer tribut. Cela est déjà signalé par César ; les Suèves ont fait aux Ubiens une longue guerre : ils n'ont pas pu les déposséder de leur territoire, mais ils les ont obligés à leur payer pour ce territoire un tribut annuel[4]. Or le tribut payé par un peuple à un autre suppose l'existence d'un impôt chez le peuple qui paye.

De tout cela on peut conclure que l'impôt n'était pas complètement inconnu des anciens Germains ; mais on ne saurait dire non plus qu'ils aient eu un système constant et régulier de contributions. Sous quelle forme l'impôt se présentait-il à eux, quelle conception d'esprit s'y attachait, nous l'ignorons.

Lorsque les Romains furent en contact avec les Germains, ils assujettirent d'abord les peuples les plus voisins de l'empire, et ils leur imposèrent à presque tous le payement d'un tribut. Dès le temps de Tibère, les Frisons, peuple germain, payaient tribut à l'empire ; la charge était légère, dit Tacite, et proportionnée à la pauvreté de cette population ; elle ne pouvait consister en argent, elle consistait en une fourniture d'un certain nombre de peaux de bœuf[5]. Encore était-ce un impôt. Les Frisons le payèrent d'abord sans murmurer. Ils ne songèrent à s'en affranchir que le jour où les magistrats romains l'eurent aggravé au delà de ce que permettaient les ressources de la population.

A cela se bornent nos renseignements sur la matière des impôts dans l'ancienne Germanie. Tout au plus pourrait-on citer encore une tradition d'après laquelle les Francs eux-mêmes auraient payé tribut aux empereurs jusqu'au temps de Valentinien[6]. Même encore après, le Romain Ægidius aurait levé sur eux un impôt personnel d'une pièce d'or par tête[7]. Légendes, si l'on veut. Il en résulte tout au moins que les Francs avaient dans leurs légendes que leurs ancêtres avaient payé des impôts. Et cela n'implique pas qu'ils fussent par nature réfractaires à tout impôt.

Nous ne pouvons tirer de ces remarques aucune conclusion positive. Ceux qui ont dit que les Germains avaient la pratique des impôts, mais des impôts volontaires et librement votés par le peuple, ont fait une affirmation sans preuve. Ceux qui ont soutenu qu'ils étaient trop fiers pour en payer, ont fait une phrase déclamatoire et vaine. Les Francs n'ont apporté de la Germanie ni un système nouveau de contributions, ni la haine de toute espèce' de contributions. L'historien ne peut pas constater qu'ils aient eu des idées particulières en matière d'impôts.

 

2° LES IMPÔTS ROMAINS.

 

Je vais énumérer les diverses contributions ou charges que les rois francs trouvèrent établies en Gaule, afin de voir ensuite ce qu'ils en ont conservé, ce qu'ils en ont supprimé ou laissé périr.

La principale des contributions indirectes de l'empire romain était la douane. On l'appelait portorium ou teloneum. Le premier de ces deux noms était latin, le second était grec, mais il s'était répandu dans tout l'empire et avait pris une forme latine[8]. C'est le mot grec qui a dominé en Gaule, c'est lui qui est resté dans la langue. Nous retrouvons le teloneum sous les Mérovingiens et le tonlieu durant tout le moyen âge.

Cette douane a subsisté pendant tout l'Empire ; on la trouve déjà signalée par Strabon et par Pline[9], et Justinien en parle encore dans son Code 3. Entre ces deux points extrêmes nous possédons un assez bon nombre d'inscriptions qui montrent l'organisation des douanes dans toutes les provinces de l'empire, avec leurs postes et leurs bureaux, stationes, et avec tout le personnel divers qui y était employé[10].

La Gaule était entourée d'une ligne douanière qui la séparait à la fois de l'étranger, c'est-à-dire de la Germanie, et des autres parties de l'empire, comme l'Espagne et l'Italie. A la descente des Pyrénées on trouvait le bureau de douane de Lugdunum Convenarum — aujourd'hui Saint-Bertrand de Comminges, Haute-Garonne —, qui commandait les routes de Toulouse, de Bordeaux et d'Agen, et d'un autre côté celui d'Illiberis — aujourd'hui Elne, Pyrénées-Orientales —, qui commandait la route de Narbonne et de Lyon. Il n'est guère douteux qu'il n'y eût des postes de douane dans les ports de la Méditerranée ; nous en connaissons un à Arles, qui était comme un port de mer, grâce au canal de Marius[11]. A la descente des Alpes, il y avait les postes douaniers de Suze, de Grenoble, de Lyon, et en Suisse celui de Turicum (Zurich)[12]. Il est fort vraisemblable qu'il en existait tout le long du Rhin ; ce qui le fait penser, à défaut d'inscriptions, ce sont les nombreuses lois des empereurs, qui se sont toujours montrés très attentifs à surveiller le commerce avec l'étranger et à interdire l'exportation de certains objets, tels que les armes. Tacite nous apprend qu'il y avait, un bureau de douane à Cologne. Cette ville, de population germanique, mais fort attachée à l'empire, avait sa douane qui la séparait de la Germanie, sa patrie d'origine[13]. Sur le littoral de la Manche il y avait des stations de douaniers en vue des marchandises qui passaient de Gaule en Bretagne ou de Bretagne en Gaule.

Outre la douane proprement dite, il y avait des péages. Ils paraissent avoir été surtout établis au passage des rivières, sur les ponts[14]. Les villes avaient aussi des octrois à leur profit, non seulement pour les marchandises qui entraient dans la ville pour y rester, mais même pour celles qui ne faisaient que la traverser. Les empereurs du troisième siècle interdirent aux villes d'instituer de nouveaux octrois sans une autorisation du gouvernement[15]. Les princes de la fin du quatrième siècle établirent ou renouvelèrent la règle que les deux tiers du produit des octrois municipaux appartiendraient à l'État[16].

Le taux des taxes douanières paraît avoir été uniformément de 2 ½ pour 100 de la valeur des marchandises. Il ne frappait d'ailleurs que celles qui étaient transportées en vue du commerce. La loi en exemptait formellement les objets qu'un particulier transportait pour son usage personnel[17].

Les taxes douanières n'étaient pas perçues, comme elles le sont de nos jours, par des agents de l'État. Elles étaient affermées. L'adjudication au plus offrant avait lieu tous les cinq ans devant les gouverneurs de provinces. L'adjudicataire ou fermier, conductor, s'engageait à payer une somme convenue, et il percevait l'impôt à son profit. Tout le personnel, composé pour une grande part d'esclaves et d'affranchis, appartenait au fermier, non à l'État[18].

Ces douanes et ces péages se retrouvent dans l'État mérovingien. Nous lisons dans les actes d'un concile tenu à Mâcon en 581 un article où il est demandé qu'il ne soit pas permis à des juifs d'être receveurs des douanes. Le mot telonarii qui y est employé est le même que nous avons vu dans le Code Théodosien[19].

Un peu plus tard, en 614, des plaintes se sont élevées contre l'abus et la multiplication des péages. Le roi Clotaire Il est obligé de déclarer dans un édit que les droits de douane et de péage ne seront perçus que dans les mêmes lieux et sur les mêmes marchandises qu'au temps des rois précédents[20]. C'est dire qu'il supprime ceux qu'il a pu établir depuis trente années ; mais c'est dire en même temps que les douanes anciennes ont duré pendant tout le sixième siècle, et qu'il les maintient. Loin de les supprimer, les rois francs avaient essayé de les augmenter, soit en établissant de nouveaux bureaux, soit en frappant des marchandises qui jusque-là avaient été exemptes.

Nous avons deux diplômes relatifs à ces douanes ou péages, l'un de Chilpéric en 562, l'autre de Dagobert en 629. Par le premier, le roi fait, don à l'évêque de Tournai de la douane qui existe sur l'Escaut et des droits qui sont payés par tout bateau qui remonte ou qui descend le fleuve, ainsi que du péage qui existe au pont de l'Escaut et qui frappe toute voiture, charrette, ou bêle de somme[21]. Par le second, le roi établit un marché annuel à Saint-Denis, et pour encourager les marchands de tout le royaume à s'y rendre, il déclare exempter de tout droit de douane pour deux ans les marchandises destinées à ce marché ; il mentionne nommément les bureaux de douane établis sur la Seine au port de Rouen et au port de Wic[22]. Ces deux diplômes ne sont pas d'une authenticité bien certaine ; on n'en a pas les originaux, et on ne les connaît que par des copies qui sont peut-être du neuvième ou du dixième siècle. Mais, à supposer même que ces diplômes aient été fabriqués par des faussaires au neuvième siècle, ils prouveraient encore l'existence de bureaux de douane sur l'Escaut et sur la Seine. Car le faussaire aurait bien pu imaginer la donation de ces douanes à l'Eglise ; mais l'existence même de ces douanes ne peut pas être de son invention. Il y avait donc des bureaux de douane sur l'Escaut et sur la Seine, et, comme il n'est pas vraisemblable que ce soient les rois francs qui les aient créés, nous devons penser qu'ils dataient de l'empire et que les Francs les avaient simplement conservés.

Le biographe de Dagobert Ier rapporte que ce roi fit don à l'abbaye de Saint-Denis d'une rente de cent sous d'or à prendre sur la douane de Marseille ; il lui accorda aussi l'exemption des droits de douane à Valence et à Lyon pour six voitures chaque année[23].

Un diplôme de 681, que nous possédons en original[24], porte que le roi accorde à l'abbaye de Saint-Denis que toute voiture ou bateau parti du monastère ou des différents domaines que le monastère possède, voyageant en Neustrie, en Austrasie, en Burgundie, tant à l'aller qu'au retour, traversant les cités, villes, ports ou passages, ne soit sujet à aucun péage ni à aucune des rétributions dues au fisc[25]. Deux autres diplômes également authentiques, des années 692 et 716, exemptent toutes voitures appartenant à l'abbaye de Saint-Denis des droits de douane à payer tant à Marseille qu'en tout autre lieu du royaume[26].

Plusieurs diplômes d'immunité du septième siècle comptent parmi les privilèges accordés aux immunistes celui de n'avoir sur leurs terres aucun péage, aucun bureau de douane appartenant à l'État[27]. De telles exceptions prouvent la règle. Si le roi exemple de la douane, c'est que la douane existe ; et puisque c'est le roi qui en exempte, c'est qu'elle existe au profit du roi. Les douanes et péages sont encore chose royale[28].

Une formule qui nous a été conservée mentionne des bureaux de douane à Marseille, Toulon, Fos, Arles, Avignon, Sorgues, Valence, Vienne, Lyon, Chalon[29].

Les documents du huitième siècle montrent que tous ces tonlieus et péages ont subsisté. Un capitulaire de Pépin rappelle que le tonlieu ne doit jamais frapper les denrées qui ne sont pas transportées en vue du commerce et que l'homme déplace pour son usage personnel[30]. C'est l'ancienne règle romaine. Un autre, de Charlemagne, enjoint de maintenir les anciens tonlieus sur les rivières ou au passage des ponts[31]. Il n'est donc pas douteux qu'il y ait eu, durant toute l'époque mérovingienne, une série de bureaux de douane et de péages à la fois aux frontières et dans l'intérieur du pays.

C'est que le commerce ne faisait pas défaut à cette société. Les voies romaines existaient encore. On les retrouve dans les textes de l'époque sous le nom de stratæ ou stratæ publicæ qu'elles avaient déjà sous l'Empire[32] et par lequel elles se distinguent des simples chemins, vise vicinales. Les diplômes du sixième et du septième siècle continuent à les mentionner[33]. La poste romaine elle-même n'avait pas entièrement disparu[34]. Les particuliers voyageaient beaucoup. On est frappé, quand on lit les biographies de l'époque, de la facilité des déplacements. Voyez les nombreux voyages de saint Germain, évêque de Paris, ceux de saint Dumnolus, évêque du Mans, ceux de saint Éloi et de saint Columban, et toute la vie errante de Vénantius Fortunatus et les nombreux pèlerins qui traversaient la Gaule pour faire leurs dévotions au tombeau de saint Martin de Tours ou de saint Hilaire de Poitiers, et les relations continuelles des Évoques avec le siège de Rome[35]. Grégoire de Tours nous montre maintes fois des hommes qui traversent le royaume, et qui paraissent le traverser assez rapidement. Lui-même est souvent sur les routes pour se rendre à Paris, à Metz ou à Mâcon, et traiter avec les rois des affaires de son Église et de celles de l'État. Les fonctionnaires royaux parcouraient incessamment le pays. Les armées avec leur attirail de lourdes voitures se transportaient assez vite d'un, bout du royaume à l'autre. Tout cela prouve qu'il existait un réseau de grandes routes ; et un détail fourni par Grégoire montre que même dans la saison des pluies ces routes étaient. praticables[36]. Il y avait aussi tout un système de transports par eau. Les chartes et les récits du temps nous montrent fréquemment des bateaux qui naviguent sur l'Escaut, sur la Seine, sur la Loire, sur la Saône. Notez celle règle qui prescrivait à tout propriétaire riverain d'un fleuve de laisser un espace libre pour établir un chemin de halage[37].

Par ces routes et par ces rivières, les différentes provinces du pays étaient en rapport constant. Il existait des marchés, des foires ; on voyait aussi des maisons de commerce établies dans les grandes villes. Grégoire cite les négociants de Verdun et il montre cette ville faisant un emprunt sous la garantie de ses négociants[38]. Il ajoute que beaucoup d'autres villes faisaient des emprunts de même nature et sous la même garantie[39]. D'autres documents nous signalent des marchands à Rouen, à Paris, à Nantes, à Marseille, à Orléans, à Trêves, dans tout le royaume[40], et ils nous montrent des négociants dont les uns spéculent sur les grains et les autres sur le vin[41]. Il se faisait du commerce même avec l'étranger. Les marchandises de l'Orient étaient débarquées à Marseille, d'où elles se répandaient en Gaule[42]. Le pays recevait les papyrus de l'Egypte, la soie, les vins de l'Italie et ceux de la Syrie[43]. Les juifs, qui étaient alors nombreux en Gaule[44] et qui n'étaient pas encore maltraités, avaient dans leurs mains une grande richesse mobilière, et étaient grands prêteurs d'argent[45]. Grégoire cite l'un d'eux, nommé Priscus, qui était à titre de marchand l'un des familiers du palais de Chilpéric[46]. On voyait aussi des Syriens, c'est-à-dire des Orientaux, qui étaient établis dans le pays à titre de négociants ; Grégoire nous en montre à Paris, à Orléans, à Bordeaux[47]. Fortunatus, dans sa Vie de saint Germain, parle des négociants de la ville de Nantes ; il loue l'évêque Félix d'avoir agrandi le port de cette ville, apparemment pour recevoir plus aisément les navires de la Grande-Bretagne ou ceux de l'Espagne[48] ; et l'auteur de la Vie de saint Columban signale le commerce entre Nantes et l'Ecosse[49]. Un diplôme de 716 donne la liste des différentes sortes d'épices qui étaient apportées d'Orient et consommées en Gaule[50]. Deux autres diplômes montrent des commerçants qui traversent le pays pour se rendre aux grands marchés annuels ; ces négociants appartiennent à toutes les nations : il y a parmi eux des Lombards, des Espagnols, même des Saxons[51]. L'histoire du Franc Samo, que raconte longuement Frédégaire, fait voir que s'il y avait des marchands étrangers qui venaient en Gaule, il y avait aussi des Francs qui pénétraient au fond de la Germanie et jusque chez les Slaves pour faire le commerce. Notons que ce Samo n'était pas un homme isolé ; il était le chef d'une grande compagnie commerciale[52] ; or cette compagnie de marchands, dont l'histoire fait penser involontairement à la Compagnie anglaise des Indes, fut sur le point de constituer un grand royaume à l'est de la Germanie[53].

Le commerce était donc encore assez vivant[54], et cela explique que les douanes et péages aient été conservés. L'ancien tarif romain de deux et demi pour cent fut-il maintenu, modifié, aggravé ? Nous l'ignorons.. Nous voyons seulement qu'on essaya d'augmenter le nombre des bureaux de douane et des ponts à péage. De nouvelles taxes furent même imaginées par l'avidité du fisc ou par celle des douaniers. A la fin de la période mérovingienne il y avait une taxe sur la poussière, pulveraticus, c'est-à-dire sur la poussière des routes que soulevait une voiture ou une bête de somme ; une taxe sur les roues et sur les timons, rotaticus, temonaticus, c'est-à-dire tant par timon, tant par roue qui circulait ; une taxe sur les bêtes de somme, saumaticus ; une taxe sur l'herbe qu'on foulait, cespitaticus ; une taxe sur la rive qu'on côtoyait, ripaticus[55]. Ainsi ce n'était plus seulement la marchandise transportée qu'on frappait, c'était le transport lui-même.

Ces douanes, ces péages, ces taxes diverses n'étaient pas perçus directement par les agents du roi. La perception en était affermée à des adjudicataires, telonarii. Les actes du concile de Mâcon font penser que les juifs les prenaient volontiers à ferme. Nous ne pouvons dire par qui ni à quels intervalles l'adjudication était faite, ni même s'il y avait des adjudications bien régulières.

L'empire romain avait eu une taxe personnelle sur les négociants et artisans. On l'avait appelée l'or lustral ou le chrysargyre, et elle s'était payée tous les quatre ans. Il n'est plus parlé d'elle dans les documents de l'époque mérovingienne[56]. Il n'y a pas apparence que les rois francs l'aient supprimée par un acte formel ; peut-être ont-ils laissé disparaître de lui-même un impôt qui n'était pas d'une perception facile et que les désordres du temps avaient dû réduire à rien.

Il n'en fut pas de même d'une autre sorte d'impôt indirect que l'Empire avait établi sous le nom d'hospitalitas ou droit de gîte. Il avait été de règle sous l'Empire que l'empereur en voyage avec toute sa suite, les gouverneurs de provinces avec tout leur personnel, les soldats se rendant à l'armée, les agents et courriers du gouvernement, les ambassadeurs venant de l'étranger ou s'y rendant, fussent logés et défrayés par les habitants. Les rois germains n'ont eu garde d'abolir un usage auquel leurs agents devaient tenir et qui leur était commode à eux-mêmes. La Loi des Burgundes mentionne ce droit d'hospitalitas, au moins pour les grands personnages de l'Etat et pour les envoyés des rois[57]. La Loi des Francs Ripuaires prononce que celui qui refusera de loger chez lui un envoyé du roi, ou un ambassadeur allant vers le roi, ou un homme quelconque voyageant pour le service du roi, sera passible de la forte amende de 60 solidi[58]. Lorsque, plus tard, Charlemagne dira : Que nul ne refuse de recevoir et de loger nos envoyés parcourant le pays et tout homme voyageant pour notre service[59], il ne dira pas une chose nouvelle ; il ne fera que rappeler la règle établie par l'empire romain et conservée par les Mérovingiens. On la trouve mentionnée, au septième siècle, dans des formules et dans une série de diplômes qui ont pour objet d'exempter de cette, lourde charge tel ou tel propriétaire nommé dans l'acte[60]. Si ces chartes d'immunité interdisent aux agents du roi d'entrer sur les terres de l'immuniste pour y prendre logement et vivres, c'est que l'agent du roi a le droit de les prendre sur les autres terres. Le concile de Chalon de 650 s'efforce d'interdire à ces mêmes agents de prélever gîte et fournitures dans les monastères ou dans les maisons des ecclésiastiques[61]. Le recueil de Marculfe contient la formule de la lettre que l'envoyé du roi devait présenter pour exercer ce droit ; on y trouve aussi la liste des divers objets qu'il pouvait exiger pour sa table et pour la nourriture de sa suite : pain, vin, viande, volailles, miel, épices, et tout le nécessaire pour ses hommes et pour ses chevaux[62]. Visiblement la réception d'un agent du roi pendant un jour était une lourde charge.

Grégoire de Tours dans ses récits trouve deux fois l'occasion de signaler, non cette charge elle-même, qui était sans doute trop quotidienne pour qu'il pensât à en parler, mais les abus effroyables auxquels elle donnait lieu quelquefois. Il parle d'un duc qui, passant par Angers avec une suite nombreuse et bien armée, s'empare de toutes les denrées, de toutes les provisions de vin, de tous les fourrages ; il n'attend pas que chaque habitant lui ouvre ses portes ; il les brise et met tout au pillage[63]. Ailleurs l'historien raconte le voyage à travers la Gaule d'une fille du roi se rendant en Espagne ; sa suite comprend plusieurs milliers de personnes : Sur toute la route le cortège fut logé et nourri à grands frais aux dépens des populations ; car le roi avait ordonné qu'aucune dépense ne fût payée de son trésor ni même des domaines fiscaux qu'on pouvait traverser ; tout fut fourni par les malheureux habitants du pays ; aussi était-ce un vrai pillage et ne laissait-on rien derrière soi[64]. Ces déprédations étaient presque légales et constituaient une sorte d'impôt, qui existait depuis l'empire romain et dont les Francs abusèrent.

Les documents ne parlent pas des fournitures de blé ou de chevaux à l'usage des armées. Il est possible que les rois mérovingiens n'aient pas su lever ces prestations ou les faire parvenir au but indiqué. Toutefois, comme nous les retrouverons sous Charlemagne, et que rien n'indiquera qu'il les ait créées ou rétablies, on peut croire sans trop de témérité que l'usage n'en avait pas été tout à fait interrompu.

Voilà donc un certain nombre de contributions romaines qui ont subsisté dans l'État Franc : douanes, péages, droit de gîte et prestations, rien de tout cela n'a disparu. Ces charges ont d'ailleurs conservé leur caractère ancien de contributions publiques ; elles appartiennent à l'État, et elles n'ont encore rien de féodal.

Nous devons noter aussi que ces contributions frappent tous les sujets sans aucune distinction, sauf les immunités particulières et personnelles que le roi veut bien accorder. Dans tous nos documents il n'y a pas une ligne qui permette de penser que ces charges ne portassent que sur les hommes de race romaine et que les Francs n'y fussent pas soumis. Pour prendre un exemple, il est visible que les Francs de Tournai ne firent pas supprimer le tonlieu de leur ville ; ils le subirent, et ils en payèrent les droits au roi ; et au septième siècle, quand le roi s'en dessaisit, il fit cette concession, non aux Francs, mais à l'évêque[65]. De même le tonlieu de Paris fut payé au roi, jusqu'au jour où le roi en fit don à l'abbé de Saint-Denis[66].

 

3° L'IMPÔT FONCIER.

 

Le principal impôt romain avait, été l'impôt sur la terre. Établi en Gaule depuis la conquête, il avait subsisté durant tout l'Empire. La langue du temps l'avait, appelé tributum, census, functio publica. Nous voudrions pouvoir dire quel en avait été le taux, c'est-à-dire quelle avait été la proportion entre les produits d'une terre et la contribution qu'elle payait. Mais nous avons vainement cherché un chiffre ou tout au moins une indication, un renseignement, un simple indice sur ce point ; nous n'avons rien trouvé. Ce que nous connaissons un peu mieux, c'est le mode de répartition et les procédés de perception.

Pour la répartition, le gouvernement impérial avait eu son cadastre. Sur ces registres, chaque terre était inscrite, et l'on y marquait, non seulement l'étendue du sol, mais la nature diverse des cultures et la quantité des produits calculée d'après la moyenne des dix dernières années[67]. Le cadastre était renouvelé assez fréquemment pour qu'on pût tenir compte des modifications survenues dans l'état de la propriété et dans la culture. L'opération s'appelait descriptio ; les fonctionnaires qui la faisaient s'appelaient des descriptores, des peræquatores, des censitores[68]. Les registres officiels étaient désignés par les noms de libri censuales ou de polyptyci[69]. Sur ces polyptyques chaque changement de propriétaire était noté, et même l'usage était que le propriétaire nouveau s'engageât par écrit à payer l'impôt de la terre qu'il acquérait[70].

Le chiffre de l'impôt une fois fixé par le gouvernement, ce n'étaient pas des agents de l'État qui le percevaient. Il était levé par les administrations municipales. Quelques curiales à tour de rôle, sous le nom d'exactores, étaient chargés d'aller chercher l'argent clans la bourse des contribuables, et de l'y prendre sous leur propre responsabilité. Ce mode de perception, qui est le plus libéral en apparence, puisqu'il semble s'en remettre aux populations elles-mêmes du soin de lever l'impôt et les dispense d'un fonctionnaire spécial, est en réalité le plus onéreux pour tous et celui qui donne lieu au plus grand nombre d'abus ; c'est lui qui a le plus vicié l'impôt romain. Le produit des contributions était remis au gouverneur de la province, qui le transmettait au pouvoir central.

Les rois francs en arrivant en Gaule trouvèrent cette organisation de l'impôt. Ils n'avaient aucune raison pour se priver d'elle, et nous possédons assez de documents pour nous assurer qu'ils conservèrent l'impôt foncier aussi longtemps qu'ils purent. Dans des textes qui vont jusqu'à la fin du septième siècle, l'impôt foncier reparaît plus de vingt fois, et toujours sous ses noms romains, tributum publicum, census publicus, functio tributaria[71].

Un des premiers actes que nous ayons sur ce sujet est une lettre des évêques de la Gaule réunis en concile. Elle est de l'année 555, c'est-à-dire d'une époque très voisine de la conquête, et elle est adressée à Théodebert, roi d'Austrasie, petit-fils de Clovis. Elle porte les signatures des évêques de Cologne, de Trêves, de Verdun, de Reims, de Chalon, de Langres, c'est-à-dire des évêques du royaume d'Austrasie, ainsi que de ceux de Limoges, d'Auvergne, de Rodez qui dépendaient du même royaume. Or cette lettre établit en termes formels que tout propriétaire restant tranquillement en possession du sol, en paye les contributions, et cela dans toutes les parties de la Gaule, même en Austrasie[72]. Notons bien qu'elle ne dit pas qu'il s'agit d'un impôt nouveau qui aurait été établi par les rois francs. Elle ne parle que de l'impôt qu'elle appelle tributum, comme au temps de l'Empire, ou functio consuetudinaria ; c'est l'impôt accoutumé, c'est l'ancien impôt foncier.

Pour le percevoir, il fallait un cadastre et des registres réguliers. Or les rois francs trouvèrent ces registres tout faits ; car le cadastre romain était rédigé en trois exemplaires, dont l'un était dans les archives de l'État, un autre dans celles des villes, un troisième dans les bureaux des gouverneurs de provinces[73]. A supposer que les villes aient réussi à cacher leurs registres, les rois francs eurent ceux des gouverneurs, puisqu'ils héritèrent des bureaux et de toute la chancellerie des fonctionnaires impériaux.

Mais il fallait que ce cadastre fût souvent retouché. Nous voyons Clotaire Ier en faire un nouveau, et les registres des contributions furent portés au Palais[74]. Quelques années plus tard, vers 565, un écrivain nous montre les trois rois francs établissant de concert un rôle des contributions, et en ordonnant la levée par un édit[75].

Vers 580, nous lisons encore dans Grégoire de Tours que Chilpéric fit faire de nouveaux rôles des contributions et qu'il les augmenta[76]. Le propriétaire de vignoble fut taxé à une amphore de vin par arpent. Cette contribution, qui ne nous semble pas exorbitante, fut jugée très lourde, apparemment parce qu'elle était plus forte que par le passé[77]. Les habitants du Limousin se révoltèrent contre cette taxe et brûlèrent les registres ; mais les registres furent refaits et l'impôt fut payé[78].

Les registres de l'impôt sont encore mentionnés dans ce récit où Grégoire représente Frédégonde prise de remords ; elle dit à son mari : Brûlons ces rôles iniques, et que notre fisc se contente de ce qui était levé au temps du roi Clotaire[79]. Ainsi fit Chilpéric. Si l'anecdote est vraie — et Grégoire était assez au courant des choses du Palais pour qu'on la lui eût rapportée aussitôt — elle ne signifie pas que Chilpéric abolit l'impôt ; elle signifie seulement qu'il le ramena au taux qui avait été fixé au temps de Clotaire Ier. Aussi l'historien nous dit-il qu'ayant jeté ces registres au feu, il en fit aussitôt faire d'autres[80]. Son successeur Clotaire II essaya à son tour d'augmenter l'impôt ; les réclamations des évêques et de la population l'obligèrent à supprimer toute aggravation et à revenir aux taxes anciennes[81].

Sur le mode de répartition de cet impôt foncier, nos renseignements sont peu nombreux et obscurs ; encore peut-on en tirer quelque lumière. Observons de près ce passage de Grégoire de Tours : Le roi Childebert envoya dans la cité de Poitiers, sur la demande de l'évêque, des officiers chargés de refaire le cadastre[82]. Il voulait que la population prise d'ensemble payât le même cens qu'au temps du roi Sigebert, mais que pour la répartition il fût tenu compte des changements qui s'étaient produits[83]. En effet, beaucoup de ces hommes étaient morts, et à cause de cela le poids de l'impôt retombait sur des veuves, des orphelins et des personnes hors d'état de payer[84]. Les fonctionnaires royaux, après un examen sérieux, déchargèrent les faibles et les pauvres, et firent porter l'impôt public sur ceux-là seuls que l'équité y assujettissait[85]. Ce passage de l'historien n'est pas facile à comprendre. D'une part, les mots descriptio, census, tributum sont bien ceux qui désignent l'impôt foncier. D'autre part, on se demande pourquoi le cadastre doit tenir compte des morts. La terre, semble-t-il, devrait payer la même taxe quel que soit le propriétaire, et il en est ainsi de notre temps[86]. Pour comprendre cette contradiction apparente, il faut savoir comment l'impôt foncier était réparti depuis le quatrième siècle. La règle qui s'était établie dans l'empire, où la grande propriété dominait, était que la contribution inhérente à chaque domaine fût calculée d'après le nombre des tenanciers ou colons. C'étaient ces colons eux-mêmes qui étaient ascrits sur les registres du cens. Un homme comptait pour une tête, une femme pour moitié[87]. Le propriétaire était seulement responsable envers l'État du payement d'autant de taxes qu'il avait de tenanciers. C'est précisément pour tenir compte de la diminution ou de l'accroissement de cette population rurale sur chaque domaine que le gouvernement impérial avait été dans la nécessité de refaire le cadastre à des intervalles assez rapprochés. La même nécessité s'imposait aux rois francs. C'est pour cela que, sur la demande de l'évêque de Poitiers, Childebert fil refaire les registres en tenant compte des changements survenus. Dans tel domaine où la population virile avait, diminué et où il se trouvait beaucoup de veuves et d'orphelins, le chiffre des taxes dut être réduit. Le roi avait consenti à cette opération moyennant que l'ensemble de la population du Poitou payât toujours la même somme totale. Les officiers royaux, d'accord avec l'évêque, firent une nouvelle distribution des taxes, dégrevant tel domaine, surchargeant tel autre conformément à l'équité. Tel est le sens du passage de Grégoire de Tours. Ce passage ne s'expliquerait pas avec un impôt invariablement inhérent à la terre ; il s'explique très bien si l'on songe que l'impôt de la fin de l'empire était inhérent à la personne du cultivateur. Nous démontrerons dans la suite de ces études que le régime de la grande propriété, de la villa romaine, a subsisté sous les Mérovingiens. Le passage de Grégoire de Tours montre déjà que le mode de répartition de l'impôt foncier, image du mode de propriété, s'est continué de l'époque romaine à l'époque franque. Or c'est là un fait de la plus grande importance, et nous devrons nous le rappeler plus tard pour rendre raison de la transformation qui se produira dans l'impôt foncier au début de l'époque féodale.

Un passage de la Vie de sainte Bathilde confirme celui de Grégoire de Tours. L'auteur dit, avec ce ton d'exagération qui est commun aux hagiographes, que beaucoup d'hommes aimaient mieux voir mourir leurs enfants que de les élever, parce que ces enfants étaient, suivant, l'ancienne coutume, assujettis à l'impôt[88]. Telle était en effet l'ancienne règle romaine : le jeune homme comptait comme tête à partir de l'âge de quatorze ans, en sorte que le père de famille voyait augmenter sa contribution sans que sa terre s'accrût. Au septième siècle seulement cette règle fut abolie ou adoucie par la reine Bathilde, régente du royaume. Il résulte de ces faits que le système romain de calculer l'impôt foncier d'après le nombre des cultivateurs se perpétua dans l'époque franque.

Ce qui se continua aussi, ce fut le mode de perception. Les rois francs, pas plus que les empereurs romains, n'avaient un personnel d'agents pour aller chercher directement l'impôt chez le contribuable. L'impôt continua donc d'être perçu par des hommes tirés de la population. Nous ne savons pas si les curies restèrent assujetties à cette charge, ou si l'on trouva quelque autre moyen de se procurer des percepteurs. Ce qui est certain, c'est que nous voyons encore sous les rois francs l'impôt levé par des exactores qui ne sont pas des agents de l'État, et qui sont responsables de la levée intégrale de l'impôt. Cela est indiqué assez clairement par un passage de Grégoire de Tours : Dans la cité d'Auvergne, le roi Childebert fit remise du tributum aux églises, aux monastères et à tous ceux qui tenaient des terres d'Église ; c'est que les exacteurs de cet impôt étaient ruinés, parce que depuis longtemps la perception en était fort difficile ; le roi prit des mesures pour qu'à l'avenir l'exacteur ne fût plus passible de dommage pour les retards de payement[89]. Il existait donc sous les rois mérovingiens, comme sous les empereurs, un intermédiaire entre le contribuable et l'État. Cet intermédiaire, appelé comme sous l'Empire un exacteur, n'était pas un agent de l'État, mais un simple particulier, dont on avait fait un percepteur à ses risques et périls, et qui se trouvait ruiné s'il ne pouvait obtenir du contribuable le payement de l'impôt dont il devait fournir le total à l'État.

Les sommes recouvrées étaient remises au fonctionnaire royal, c'est-à-dire au comte, soit qu'il se les fit apporter au chef-lieu de la cité, soit qu'il les recueillît dans ses tournées à travers son ressort[90]. Il entrait dans les attributions du comte de veiller à la rentrée de l'impôt. Le diplôme qu'il avait reçu le jour de sa nomination lui rappelait l'obligation de porter lui-même chaque année au trésor du roi les sommes que le fisc attendait de sa gestion[91]. Il était responsable du payement intégral vis-à-vis du roi, comme les exacteurs l'étaient vis-à-vis de lui, comme les contribuables l'étaient vis-à-vis des exacteurs.

Il pouvait arriver que le comte, sans avoir réussi à faire rentrer l'impôt, dût avancer lui-même la somme entière au trésor. Il avait alors la ressource d'emprunter. Il existait des banquiers et des prêteurs d'argent. Grégoire de Tours raconte l'histoire de quatre associés, deux juifs et deux chrétiens, qui avaient ainsi avancé à un comte de Tours l'argent des impôts[92]. On devine sans peine que le comte s'arrangeait pour faire payer aux contribuables le capital et les intérêts de son emprunt, et l'on devine aussi la série de spéculations et d'extorsions répercutées auxquelles ce mode de perception de l'impôt pouvait donner lieu.

En résumé, la persistance de l'impôt foncier est établie par une série de documents, au moins jusqu'au milieu du septième siècle[93]. Il est vrai qu'à partir de là cet impôt n'est plus mentionné que dans des chartes d'immunité par lesquelles les rois en font l'abandon à un évêque ou à un abbé. Mais cela même montre qu'il avait encore au moins une existence théorique et légale. Aussi ne fut-il jamais aboli par un acte formel des rois[94].

Les rois francs n'ont connu ni l'impôt sur les successions, ni l'impôt sur les affranchissements. Ils ne les ont pas empruntés à l'Empire, parce que l'Empire les avait déjà abolis avant leur arrivée en Gaule[95]. Ces rois ne pensèrent pas à chercher dans le passé ; ils prirent ce qu'ils trouvèrent dans le présent. Ils n'imaginèrent non plus aucun impôt nouveau ; ils conservèrent seulement ce qui existait[96].

Le produit net des diverses contributions, déduction faite de ce que les fonctionnaires locaux gardaient en mains, constituait le trésor royal. On l'appelait indifféremment des deux expressions ærarium publicum et fiscus regis. Il est bien visible dans les textes que les deux termes étaient exactement synonymes et que tous les deux désignaient le trésor royal. Jamais à l'époque mérovingienne il n'y eut un trésor public distinct du trésor du roi.

Tout ce que nous venons de dire des tonlieus, du droit de gîte, de l'impôt foncier et du cadastre si souvent mis à jour, donne d'abord l'idée d'un système de contributions très régulier et très productif. Mais si nous nous demandons combien, sur les sommes perçues, il arrivait au trésor royal, c'est ici que le doute commence. Il est vrai que les rois mérovingiens, jusqu'à Dagobert Ier inclusivement, paraissent riches ; leur cour est brillante, leur Palais coûteux ; ils construisent beaucoup, ils sont prodigues[97]. Mais, d'autre part, ils ne donnent pas de traitement à leurs agents et ne payent pas d'armée. Il est impossible de calculer, même approximativement, quelles étaient leurs recettes annuelles, d'autant qu'une grande partie de leurs ressources pouvait leur venir de leur domaine fiscal, dont nous parlerons ailleurs. Nous verrons plus tard que dans les cent vingt dernières années de la dynastie les impôts se réduisirent à rien, ayant été abandonnés et sacrifiés par les rois eux-mêmes. J'incline à croire que de tout temps ils produisirent peu, faute d'ordre et de loyauté dans l'administration. Aussi puis-je dire que le tableau que je viens de tracer : des impôts représente plutôt les charges de la population que les ressources de la royauté.

 

4° LES FRANCS PAYAIENT-ILS L'IMPÔT ?

 

La persistance des anciens impôts romains ne peut pas être mise en doute ; mais ici se présente une seconde question qui est plus difficile à résoudre. Comme il y avait sur le même sol des Francs et des Domains, on peut se demander si l'impôt ne distinguait pas entre les races. Comme ces contributions étaient d'origine romaine, il serait possible qu'en continuant à les percevoir sur les Romains, on n'y eût pas soumis les Francs. Cette opinion a pour elle bien des raisons tirées de la logique. On peut prétendre, en effet, que ces Francs n'avaient pas payé d'impôts dans l'ancienne Germanie, quoique nous n'en sachions rien. On peut soutenir qu'ils ne savaient même pas ce que c'était que l'impôt, qu'en Gaule ils étaient des vainqueurs, qu'ils devaient considérer l'impôt comme une marque de sujétion, et qu'ils étaient trop fiers pour s'y soumettre[98].

Tout cela a été dit, et tout cela est à peu près conforme à la logique absolue. Mais l'histoire n'est pas une science de raisonnement, elle est une science de faits. Il n'importe pas de savoir si les Francs ont dû être exempts d'impôts, mais s'ils l'ont été. Or cela ne peut se tirer que de l'observation des documents.

La première chose à constater, c'est qu'il n'y a pas une seule ligne, parmi des documents si nombreux, où il soit dit que les Francs ne payaient pas les impôts. Il n'y a pas une ligne d'où l'on puisse l'induire même par voie d'allusion.

Il faut constater au contraire que, chaque fois que les écrivains du temps parlent des impôts, ils en parlent comme d'une chose générale et commune à tous. Le rôle des contributions établi par l'édit des rois fut appliqué à toutes les cités dans les Gaules ; ainsi parle l'auteur de la Vie d'Arédius[99] ; il ne dit pas que cette mesure ne concernât que les régions du centre et de l'ouest restées romaines. Grégoire de Tours écrit que le roi Chilpéric fit faire un nouveau cadastre et augmenta l'impôt dans tout son royaume[100]. Or l'historien n'ignorait pas que Tournai faisait partie de ce royaume et que c'était un pays de population franque. Dans les territoires de Tours et de Poitiers, que Grégoire connaît particulièrement, beaucoup de Francs s'étaient établis et étaient devenus propriétaires. S'ils avaient été, comme propriétaires, exempts des contributions, Grégoire le saurait, et il aurait souvent l'occasion de le dire.. Par exemple, dans un de ses chapitres, il explique pourquoi le cadastre était à refaire. La raison est-elle que beaucoup de Francs propriétaires se trouvaient exemptés et qu'il fallait faire une répartition nouvelle entre les propriétaires restés Romains ? Pas un mot de cela. La seule raison indiquée par Grégoire est que beaucoup d'hommes du pays sont morts, ne laissant que des veuves et des orphelins. La répartition nouvelle a eu pour objet, dit l'historien, de dégrever les pauvres en chargeant un peu plus les riches[101]. Ce que l'on peut induire de ce passage n'est pas que les Francs fussent exempts d'impôts, c'est plutôt que ceux d'entre eux qui étaient riches rirent leur contribution augmentée.

De même en Auvergne, l'historien indique la cause qui a rendu la perception de l'impôt difficile, et il n'y en a pas d'autre sinon que la suite des partages de successions a morcelé outre mesure les propriétés[102]. Grégoire de Tours lui-même eut l'occasion de réclamer une exemption d'impôts pour son diocèse. Dans la discussion qu'il eut à ce sujet avec les agents du fisc, et qu'il rapporte tout au long, on ne voit pas qu'il dise un mot d'une exemption des propriétaires Francs : ce qui serait pourtant un argument de quelque valeur[103].

Dans aucun écrivain du sixième ni du septième siècle on ne trouve l'indice d'un privilège des Francs en matière d'impôts. Or ce n'était pas là un de ces faits insignifiants desquels on comprend que les contemporains négligent de parler. En effet, si les terres des Francs avaient été exemptes, celles des Romains auraient été surchargées d'autant, puisqu'il fallait, que l'ensemble de chaque cité payât toujours le même total[104]. Or il faut que nous fassions attention au résultat que cela aurait produit. Les propriétaires romains dont l'impôt eût été doublé auraient été ruinés en peu d'années et il serait arrivé tout naturellement que toutes les terres seraient tombées aux mains des Francs. Le privilège des Francs en matière d'impôt foncier eût été l'équivalent d'une véritable révolution foncière. Peut-on admettre qu'un fait aussi considérable se soit accompli sans laisser aucune trace, sans donner lieu à aucune plainte, sans que Grégoire de Tours eût pensé à en parler ? Il y a plus : nous sommes assurés que celte conséquence, qui eût été inévitable, ne se produisit pas, et nous savons pertinemment, soit par les écrivains, soit par les chartes, qu'une très grande partie du sol resta dans des mains romaines.

Qu'on lise les hagiographes ou les actes des conciles ; on ne trouvera aucun indice d'une distinction des races en matière d'impôts. L'édit de Clotaire II où il est fait mention de l'impôt ne signale pas que cet impôt ne frappe qu'une seule race. Grégoire de Tours mentionne deux exemptions, l'une pour la ville de Lyon, l'autre pour le pays de Tours ; la première est, dit-il, une ancienne concession de l'Empire que les rois francs ont respectée[105] ; l'autre a été accordée par un roi franc en considération de la puissance de saint Martin[106] ; aucune des deux ne concerne la race franque. Plus lard les diplômes d'immunité abondent ; l'exemption de l'impôt est accordée soit à des évêques, soit à des particuliers, en vue de vénérer le saint d'une église ou pour récompenser les services d'un laïque ; on ne trouve dans ces actes aucune allusion à un privilège général des Francs. Les testaments et les actes de donation de terres énumèrent des séries de domaines sans nous dire qu'il y ait. la moindre différence entre eux quant à l'impôt. Dans les actes de jugement, qui portent, aussi sur des terres, nous n'apercevons jamais que la terre du Franc se distinguât en quoi que ce soit de celle du Romain. L'idée que les Francs fussent libres d'impôt, à titre de race supérieure, n'est jamais exprimée, même par la plus légère allusion, dans aucun document de ces siècles-là[107].

Il se trouve au contraire que deux fois Grégoire de Tours signale expressément les Francs comme payant l'impôt. Il rappelle qu'en Austrasie, sous le petit-fils de Clovis, Théodebert, les Francs étaient soumis aux tributs[108]. Il ajoute, à la vérité, qu'ils détestaient le ministre qui les avait obligés à les payer. Encore les avaient-ils payés sans protestation et sans révolte tant qu'avait duré le règne de Théodebert. C'est, seulement à la mort de ce roi qu'ils se vengèrent sur son ministre en l'assassinant. Encore l'historien ne dit-il pas qu'ils aient réussi par là à faire supprimer l'impôt.

Ailleurs Grégoire de Tours dit que Chilpéric assujettit à l'impôt public beaucoup de Francs qui en avaient été exempts sous son prédécesseur. Cela ne peut pas signifier que tous les Francs en eussent été exempts jusqu'alors. Cela signifie encore moins qu'il y eût une exemption légale et de plein droit pour les hommes de race franque. Il y avait eu sous Childebert Ier des Francs qui avaient payé l'impôt et d'autres qui ne l'avaient pas payé, et ceux-ci y furent soumis sous Chilpéric[109].

Cette phrase de l'historien a embarrassé ceux qui avaient dans l'esprit l'idée arrêtée que les Francs devaient être au-dessus du payement de l'impôt. Ils lui ont donc cherché un autre sens. Ils ont interprété les mots publicum tributum par la redevance personnelle due par des serfs à leur maître. Ils ont supposé qu'il s'agissait ici de Francs qui avaient été affranchis sous Childebert Ier et que Chilpéric aurait astreints au payement d'une redevance. Mais deux raisons graves s'opposent à celle interprétation. D'abord, s'il est vrai que le mot tributum, quand il est seul, désigne quelquefois la redevance du serf ou du colon[110], l'expression publicum tributum désigne toujours l'impôt d'État[111]. En second lieu, le mot Franci, que l'historien emploie à bon escient, ne peut pas s'appliquer à des esclaves, ni même à des affranchis. Tous les documents de l'époque mérovingienne s'opposent à ce que des Franci soient des serfs ou même d'anciens serfs. Vous ne trouverez jamais ni dans les écrivains ni dans les chartes le mot Franci appliqué à des affranchis. Ainsi le publicum tributum payé par des Franci ne peut être que l'impôt d'État portant sur des hommes de race franque. Grégoire de Tours a voulu dire que beaucoup de Francs qui par quelque motif avaient échappé à l'impôt sous Childebert Ier ou en avaient obtenu une exemption personnelle, y furent assujettis sous Chilpéric.

Il n'y a pas lieu de se demander comment le gouvernement royal fut assez habile ou assez fort pour amener les Francs à payer l'impôt foncier. Nulle habileté ne fut nécessaire, et il ne fut besoin d'aucune mesure générale. Lorsqu'un Franc achetait un domaine, il savait que ce domaine était inscrit au cadastre pour une taxe déterminée. La taxe était attachée au domaine, quel qu'en fût le propriétaire. On ne pouvait, pas retoucher le cadastre de toute une cité parce qu'un Franc achetait une terre[112].

N'oublions pas d'ailleurs que l'impôt foncier était, calculé d'après le nombre de bras d'hommes ou de femmes qui cultivaient chaque domaine. C'étaient ces colons eux-mêmes qui payaient la taxe sur les produits de leurs tenures. On ne voit pas bien comment on aurait pensé à dégrever des colons parce que leur nouveau propriétaire était un Franc.

Rien n'autorise donc à croire que l'impôt ait été supprimé pour les Francs. Ils payaient assurément toutes les taxes indirectes, telles que les tonlieus ; ils payèrent de même la contribution foncière. Ce qu'il faut ajouter, c'est que, dans la pratique, tout homme puissant chercha à s'affranchir de cette obligation. Les évêques y réussirent pour leurs nombreux domaines ; nous pouvons croire que beaucoup de Francs y réussirent pour les leurs, et que les riches Romains firent comme eux[113]. Mais il n'y eut pas de privilège légal ; il n'y eut pas de privilège de race.

Il est surtout une sorte d'exemption dont les Francs, ou du moins un certain nombre de Francs, ont pu avoir le bénéfice. Les terres du fisc impérial n'étaient pas inscrites sur les mêmes registres cadastraux que les autres terres, et ne payaient, pas l'impôt foncier. Les rois francs prirent ces terres pour eux, et il leur arriva souvent d'en donner à leurs serviteurs et à leurs courtisans en toute propriété et avec plein droit d'hérédité[114]. Je ne sais si en les donnant les rois décidèrent qu'elles resteraient exemptes de l'impôt, ou s'il fut au contraire stipulé qu'elles le payeraient comme toute terre possédée en propre[115]. Il est possible aussi que personne n'ait soulevé cette question. Ces terres n'étaient pas inscrites sur les registres ordinaires de l'impôt ; l'esprit d'ordre n'était pas tel qu'on dût penser à les y mettre. L'exemption subsista donc pour elles, légale ou illégale ; il arriva ainsi qu'un bon nombre de propriétaires ignorèrent le payement de l'impôt, de même que d'autres terres de même nature, données par le roi aux églises, conservèrent leur immunité. Il y eut ainsi des Francs qui échappèrent à l'impôt du sol ; mais ce n'est pas parce qu'ils étaient, de race franque, c'est parce qu'ils se trouvaient propriétaires de domaines précédemment exempts.

On peut donc admettre, en fait, que peu de Francs payèrent l'impôt foncier ; mais on ne doit pas dire qu'en principe ils y aient été moins assujettis que les Romains. L'impôt resta ce qu'il avait été sous l'Empire. Il frappa la terre suivant son revenu moyen, calculé d'après le nombre des cultivateurs qui la faisaient valoir, mais non pas suivant la race de celui qui la possédait.

Nous verrons plus tard comment cet impôt, qui restait encore un impôt public, devint insensiblement une redevance féodale. Mais il fallait constater d'abord qu'il avait subsisté comme impôt d'Etat au sixième et au septième siècle. S'il s'est transformé, ce n'est pas au moment même de l'invasion, c'est longtemps après et pour des causes étrangères à l'invasion ; ce n'est pas non plus par suite d'un privilège général d'une race, c'est par des motifs tout à fait étrangers à la question de race.

 

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Regardons maintenant les autres royaumes germaniques qui ont été fondés dans les mêmes conditions à peu près que le royaume des Francs, nous y voyons le même système d'impôts, c'est-à-dire le maintien des impôts romains.

Les rois burgundes n'ont pas supprimé les douanes de Valence et de Lyon, puisqu'on les retrouve encore après eux. Les rois wisigoths ont conservé aussi les tonlieus[116]. Sous ces rois, comme sous les empereurs, l'impôt du sol a été perçu d'après des registres appelés encore du nom romain de polyptyques[117].

Dans le royaume des Ostrogoths d'Italie nous trouvons aussi les impôts indirects[118], les tonlieus à l'entrée des ports[119], le droit de gîte pour les fonctionnaires[120] et surtout l'impôt foncier. Celui-ci avait été maintenu par Odoacre[121], il l'est par Théodoric et il conserve son nom romain de functio, tribularia functio, tributum fiscale[122]. Comme autrefois, il est proportionnel non à l'étendue, mais au revenu moyen de la terre[123]. Il continue d'être perçu par les curiales[124], sur l'ordre du comte de chaque cité ; les curiales et le comte ont chacun leur responsabilité[125]. Les Goths sont-ils exempts de cette contribution à titre de race supérieure et victorieuse ? Nullement. Le roi Théodoric écrit à un de ses fonctionnaires : Si un Goth est inscrit sur le registre des curiales comme devant payer l'impôt et qu'il s'y refuse, contraignez-le par la force[126]. Il s'exprime avec plus de netteté encore dans une autre lettre : Qui possède le sol doit en payer l'impôt ; nous t'enjoignons donc — il s'adresse à un fonctionnaire, Goth lui-même — de contraindre tous les Goths qui habitent le Picenum ou la Toscane à s'acquitter des contributions ; s'ils s'y refusent, tu confisqueras leurs terres[127]. Il rappelle encore une autre fois que les barbares qui ont acheté des terres doivent en payer l'impôt[128].

 

 

 



[1] Remarquez la suite des idées : toute la seconde partie du chapitre 13 décrit le princeps comitum ; ce princeps reçoit les legationes de divers peuples ; le chapitre 14 nous montre ce princeps et ses comites dans un combat, puis ce princeps nourrissant ses comites en temps de paix. C'est au chapitre 15 que nous voyons les États, civitates, entretenant le princeps.

[2] Tacite ajoute même que ces chefs de guerre, ces principes, reçoivent encore des présents des Etats voisins, qui cherchent sans doute à se les concilier, gaudent donis finitimarum gentium quæ publice mittuntur.

[3] Tacite, Germanie, 12 : Levioribus delictis pro modo pæna ; equorum pecorumque numero convicti mulctantur ; pars muletæ regi vel civitati, pars ipsi qui vindicatur exsolvitur.

[4] César, De bello gallico, IV, 5 : Suevi Ubios vectigales sibi fecerunt.

[5] Tacite, Annales, IV, 72 : Tributum Drusus iis jusserat, modicum pro angustia rerum, ut coria boum penderent.

[6] Gesta regum Francorum, c. 5, Bouquet, II, 545 : Misit imperator Valentinianus exactores, una cum primario duce de romano senatu, ut reciperent tributa de populo Francorum, etc. — Je ne vois pas bien quelle vérité peut se dégager de cette légende, ni même si elle correspond à quelque réalité.

[7] Historia epitomata, 11 : Omnes Francos (Ægidius) singulos aureos tributavit ; acquiescentes impleverunt. — Cette légende paraît bien être d'origine franque ; voyez tout le contexte.

[8] Le mot τελώνιον signifiant la douane est employé par Strabon, XVII, 1, 16. — Cf. Rénier, Inscriptions de l'Algérie, n° 1867 : Curator telonei Cirtensis. — Le mot telonarius est dans Nonius (édit. Quicherat, p. 24) comme synonyme de portitor, c'est-à-dire avec le sens de douanier : portitores dicuntur telonarii qui portum obsidentes omnia sciscitentur et vectigal accipiant. — L'impôt des douanes s'appelait aussi vectigal (Code Justinien, IV, 61).

[9] Pline, Hist. nat., XII, 14, 65.

[10] Voyez Cagnat, Les impôts indirects sous les Romains, 1880.

[11] Desjardins, Table de Peutinger, p. 64.

[12] Corpus inscriptionum latinarum, V, n° 7215, 7852 ; Herzog, Gallia Narbonensis, n° 269 ; Mommsen, Inscr. conv. helvetici, n° 256.

[13] Tacite, Histoires, IV, 28 et 65.

[14] Ils sont déjà signalés dans un fragment de Labéon ; Digeste, XIX, 2, 60, § 8 : Vehiculum cum pontem transiret, redemptor ejus pontis portorium ab eo exigebat.

[15] Code Justinien, IV, 62 : Non temere permittenda est novorum vectigalium exactio.... Vectigalia nova nec decreto civitatum institui possunt.

[16] Code Justinien, IV, 61, 15 : Vectigalia civitatum reserventur, cum duas portiones serario nostro conferri prisca institutio disposuerat, tertiam jubemus in ditione urbium consistere.

[17] Code Justinien, IV, 61, 5 : Universi provinciales, pro his rebus quas ad usum proprium vel exercendi ruris gratia revehunt, nullum vectigat a stationariis exigantur.

[18] Code Justinien, IV, 62, 4-7. Code Théodosien, II, 28, 5.

[19] Concile de Mâcon, a. 581, c. 15, dans Sirmond, Concilia Galliæ, I, 575 : Ne judæi telonarii esse vermittantur.

[20] Edictum Chlotarii, a. 614, art. 9 : De teloneo, ut per ea loca debeat exigi vel de ipsis speciebus de quibus præcedentium principum tempore, id est, usque ad transitum Guntramni, Sigeberti, Chilperici regum, est exactum.

[21] Diplomata, Pardessus n° 167 : Teloneum de navibus super fluvio Scalt quipertinel ad fiscum Tornacum, tam ultra quam et dira decursum, de quolibet commercio scu et de carrigio vel de saginis necnon de ponte super flumine Scalt, vel de omnibus venalibus ubicunque vendantur, seu infra muros seu in appendiciis murorum prædictæ civitatis, undecunque teloneus exigitur, sicut fiscus noster et regia potestas evindicare potest.

[22] Diplomata, Pardessus n° 247 : Maxime ad Rothomo porto et Wicus porto, qui veniunt de ultra mare..., sit teloneus indultus usque ad tertium annum. — Le Wicus portus, que Pardessus et K. Pertz placent in pago Parisiaco, est plutôt Quentovic à l'embouchure de la Canche : cela me paraît avoir été démontré par M. de Rozière, Formules, t. I, p. 46; voyez aussi Guérard, Prolégomènes au Polyptyque d'Irminon, p. 786 ; M. Longnon adhère à cette opinion.

[23] Gesta Dagoberti, 18. On sait que ce document mérite peu de confiance ; encore l'auteur n'aurait-il pas imaginé l'exemption de la douane de Valence et de Lyon, si cette douane n'avait pas existé.

[24] Archives nationales, K. 2, 14 ; Tardif, n° 25.

[25] De quantacunque carra, ubi pro opportunitate ipsius basilicæ vel necessitate fratrum, tam in Niustrico quam in Austria vel in Burgundia ambulare aut discurrere videntur, tam carrale quam de navigale, nullus de telonariis nullo telonio de ipsa carra exigere nec requirere non præsumat.... Quapropter decernimus ut neque vos neque juniores vestri ipsum telonium de omni carra, tam carrale quam navigale, ubi et ubi de ipso monasterio vel de ejus villis, tam ambulandum quam revertendum perrexerint, nec per civitates, nec per castella, nec per portus, nec per exitus, teloneus exigatur, nec pontatico, nec portatico, nec pulveratico, nec rodaco, nec salutatico, nec cespitatico, nec quolibet redibutione requiratur.

[26] Tardif n° 51 et 47, Pardessus nos 425 et 496, Pertz n° 61 et 82.

[27] Diplomata, Pardessus n° 258 : Nec ad teloneum exigendum ingredi præsumat. — N° 291 : Nec ad transitum faciendum, nec ad telonea exigenda. — Suivant Flodoard, qui avait sous les yeux les archives de l'Eglise de Reims, Childebert III lui accorda præceptum immunitatis super teloneis et quibusdam tributis (Hist. Rem. Eccles., II, 7).

[28] Gesta Dagoberti, 55 : Cum omnibus teloniis quemadmodum ad suam cameram deservire vidcbantur....

[29] Supplementum Marculfi ; Zeumer, p. 107, Rozière n° 52 bis. Nous avons adopté les traductions de noms de lieux tels que les donne M. de Rozière.

[30] Capitulaire de 755, art. 26 : De teloneis sic ordinamus ut nullus de victualibus et carris quæ absque negotio sunt, teloneum prehendat.

[31] Capitulaire de 805, art. 15, Borétius, p. 124 : De teloneis placet nobis ut antiqua telonea a negotiatoribus exigantur, lam de pontibus quam de navigiis seu mercatis. — Cap. de 779, art. 18, Rorétius, p. 51 : Telonea ubi anliquo tempore fuerunt.

[32] Strata était déjà le nom ordinaire au quatrième siècle. Code Théodosien, XI, 75, 4 : Pontium stratarumque opera.

[33] Diplomata, Pardessus n° 111, Pertz n° 2, diplôme de 528 (?) : Propter stratam veterem. L'authenticité du diplôme est douteuse, mais l'existence d'une ancienne strata ne peut pas l'être ; supposez un faussaire du neuvième siècle fabriquant ce diplôme : il est manifeste qu'il a vu cette strata servant de limite à la propriété dont il parle. — Diplôme de 629, Pardessus n° 247 : de ultra mare in illa strada quæ vadit ad Parisius. — Diplôme de 670, Pardessus n° 563 : ab uno latere strada publica quæ de ipsa porta Parisiaca (à Auxerre) ad Senones pergit. — Formulæ Merkeliauæ, n° 5, Rozière n° 205 : de alio latere strata publica. — La Loi salique, mais seulement dans le texte de Wolfenbultel, porte au titre 75 juxta strada. — Victor Viterisis, c. 1 : in strata publica. — Paul Diacre, Hist. Langobardorum, V, 17 : Per stratam quæ antiquitus facta fuerat. — Capitulaire de 795, art. 20, Baluze, I, 546 : De strata restauranda. — Sur la via publica opposée à via vicinalis, voyez Lex Burgundionum, XXVII, 5, et Lex romana Burgundionum, XVII, 1. Vita Ansberti, c. 45, Mabillon, Acta SS. II, 1061 : Via publica et delapidata quæ Rolomagum ducit ad urbem.

[34] On l'appelait evectio publica, comme au temps des Romains. Grégoire, IX, 9 : Rex... pueris destinatis cum evectione publica qui res ejus per loca singula dcberent capere. — Cf. Sidoine, Epistolæ, V, 20 ; Cassiodore, V, 5 et VI, 5 ; Symmaque, I, 6 ; VII, 95 ; IX, 20.

[35] Grégoire, III, 28 ; IV, 21 ; V, 6 ; VIII, 16 ; IV, 50. — Miracula S. Martini, I, 12 ; I, 25, etc. Le même auteur mentionne les pèlerinages au tombeau de saint Remi, De gloria confess., 79, et Hist., VIII, 21. — Fredegarii Chronicon, 54. — Sur les pèlerinages à Rome, Grégoire, VI, 6 ; X, 1. Cf. Vita Martini Verlavensis, 2 ; Vita Amandi, 6 et 9 ; Vita Huncgundis, c. 0-7, Mabillon, Acta SS., II, 1029.

[36] Grégoire, X, 19.

[37] Cela ressort d'un diplôme de Childebert Ier, Archives nationales, Tardif n° 2, qui rappelle aux propriétaires riverains de la Seine qu'ils doivent laisser unam perticam legalem, sicut mos est, ad ducendas naves vel reducendas.

[38] Grégoire, III, 54 ; l'évêque de Verdun dit au roi : Rogo, aliquid de pecunia nobis commodes qua cives nostros relevare valeamus, cumque hi negotium exercentes responsum prsestiterint, pecuniam tuam cum usuris reddimus. Ille septem milia aureorum præstitit.... Negotia exercentes divites per hoc effecti sunt et usque hodie magni habentur. — Cela se passait en Austrasie sous Théodebert.

[39] Cela ressort des mots : Responsum in civitate nostra, SICUT RELIQUÆ HABENT, præstiterint.

[40] Charte de 667, Pardessus n° 558 : De heredibus Pauloni negotiatoris in civitate Aurelianensium. Ce négociant paraît avoir été riche ; il laisse des terrains, des maisons dans la ville, des vignes dans la banlieue. — Grégoire parle d'un negotiator à Marseille (IV, 44), d'un negotiator à Trêves (Mirac. Martini, IV, 29). — La Vie de saint Germain par Fortunat, c. 47 et 48, mentionne les negotiatores civitatis Namneticæ.

[41] Grégoire, VII, 45 et 46.

[42] Grégoire fait allusion à ce commerce quand il dit à un évêque trop enclin à écrire : O, si te habuisset Massilia sacerdotem ! nunquam naves oleum aut reliquas species detulissent, sed cartam tantum. La carta ici me paraît être le papyrus, qu'on importait encore au sixième siècle. — Grégoire parle des herbæ ægyptiacæ que les négociants de Nice recevaient, et dont ils donnaient les racines aux pauvres et aux ermites (V, 6).

[43] Grégoire, VII, 29 : Vina laticina atque gazitina. Le même auteur parle d'un négociant qui voyageait en Orient, De gloria martyrum, 77 (78). La soie est mentionnée comme objet d'importation dans la Vita Ebrulfi Bellov., 11, et dans la Vita Gertrudis, 1.

[44] Grégoire rapporte, V, 11, que dans la ville d'Arvernum 500 juifs se convertirent ; et ce n'était probablement que la minorité.

[45] Grégoire, IV, 55 ; VII, 25.

[46] Grégoire, VI, 5 : Judæus quidam, Priscus nomine, qui Chilperico ad species coemendas familiaris erat.

[47] Grégoire, VII, 51 ; VIII, 1 ; X, 26. Ces Syriens ou Grecs ont des noms tels que Euphronius, Eusébius ; ils paraissent fort riches ; l'un d'eux offre 200 pièces d'or ; l'autre achète à prix d'argent l'épiscopat de Paris. A Orléans ils étaient assez nombreux pour figurer dans une procession en chantant en leur langue. — Cf. Vita Columbani, c. 41, et Vita Genovefæ, 6,

[48] Fortunatus, Vita Germani, c. 47, 48.

[49] Vita Columbani, c. 41.

[50] Diplomata, Pardessus n° 501, Pertz n° 86. On y lit : De oleo libras X millia, garo modios XXX, pipere libras XXX, cumino libras CL, cariofilo libras II, cinamomo libras V,... cordenisæ pelles X, carta tomi L.

[51] Archives nationales, Tardif n° 44, Pardessus n° 477 : Quidquid de omnes negutiantes, aut Saxones vel quascumquelibet nationis, ad illo mercado advenientes in festivitate S. Dionisii. — Cf. Tardif n° 47, Pardessus n° 496. — Pardessus n° 247 : Illi Saxones et Vicarii et Rotomagenses et ceteri pagenses de alias civitates... et illi negotiatores de Langobardia, sive Hispanica, et de Provincia ac de alias regiones.... Les Saxons dont il est parlé ici sont probablement des hommes de la Grande-Bretagne.

[52] Fredegarii Chronicon, c. 48 : Homo nomine Samo, natione Francus, de pago Senonago, plures secum negotiantes adscivit, exercendum negotium in Sclavos cognomine Winedos perrexit.

[53] Fredegarii Chronicon, c. 48 : Samonem super se eligunt regem, ubi 55 annos regnavit féliciter.

[54] Voyez le livre de M. Pigeonneau, Histoire du commerce, t. I.

[55] Archives nationales, Tardif n° 51, Pardessus n° 425, diplôme de 692 : Tam in Massilia quam et per reliqua loca ubicumque telleneus, portaticus, pontaticus, rotaticus, vel reliquas redibutiones a judicibus publicis exigebuntur. — Archives nationales, Tardif n° 47, Pardessus n° 496, diplôme de 716 : Ubicumque telleneus, portaticus, pontaticus, rotaticus vel reliquas redibutiones exigebantur. — Diplôme de 629 dans Pardessus n° 247 : Theloneos,.navigios,portalicos, pontaticos, rivaticos, rotaticos, vultaticos, temonaticos, cespitaticos, pulveraticos, foraticos, mestaticos, landaticos, saumaticos, salutaticos. — Supplementum Marculfi, n° 1, Rozière 52 bis : Rotatico, pontelico, pulveratico, salutatico, cespitatico. — On ne doit pas affirmer que ce fussent là autant de taxes perçues en même temps ; il est possible que plusieurs de ces noms ne représentent qu'un même impôt différemment appelé suivant les provinces.

[56] Dans Grégoire, VI, 25, les mots urbium tributa pourraient à la rigueur être entendus comme désignant cette taxe particulière à la population urbaine ; mais la phrase de l'historien est trop vague pour que nous puissions en inférer avec certitude le maintien d'une taxe sur l'industrie.

[57] Lex Burgundionum, XXXVIII : Quicumque hospiti venienti tectum et focum negaverit... siconviva regis est, sex solidos mulciæ nomine solvat. De legatis vero extranearum gentium... unum porcum aut unum berbicem præsumendi habeant facullatem.

[58] Lex Ripuaria, LXV, 5 : Si quis legatarium regis vel ad regem seu in utilitatem regis pergentem hospitio suscipere contempserit... 60 solidis culpabilis judicetur.

[59] Capitulaire de 805, Borétius, p. 116, Baluze, p. 594 : De missis nostris discurrentibus vel ceteris hominibus in utilitatem nostram iter agentibus, ut nullus eis mansionem contradicere præsumat.

[60] Marculfe, I, 5 : Nec mansiones aut paratas facere præsumat. — Mansio est le simple droit de logement ; parata est la fourniture des vivres ; comparez parare hospitium dans Sidoine Apollinaire, Lett., VIII, 11, et dans Cassiodore, V, 14. — Diplomata, Pardessus n° 281 : Ad mansiones vel paratas faciendum. — Ibidem, n° 556 : nec mansiones faciendum nec paratas requirendum.

[61] Concile de Chalon, a. 650, c. 11 : Judices publici per parochias vel monasteria... discurrunt, et clericos et abbates ut eis præparent ante eos faciunt exhiberi.

[62] Marculfe, I, 11 : Jubemus ut vobis evectio et humanitas ministretur ; hoc est veredos sive paraveredos tantos, pane nitido modios tantos, sequente modios tantos, vino modios tantos, cervisa modios tantos, lardo libras tantas, carne libras tantas, porcos tantos, pullos tantos, ova tanta, oleo libras tantas, mel tantum, acetum tantum, piper tantum ; etc., hæc omnia diebus singulis....

[63] Grégoire, VIII, 42 : Accepta potestate ducatus... Andegavis venions, multa mala gessit, ita ut annonas, fœnum, vinum, et quidquid reperire potuisset in domibus civium, nec expectatis clavibus, disruptis ostiis, devastaret, multosque de habitatoribus loci cædibus adfecit.

[64] Grégoire, VI, 45 : Apparatus magnus expensæ de diversis civitatibus in itinere congregatus est ; in quo nihil de fisco suo rex dare præcepit, nisi (sed) omnia de pauperum conjecturis.... Tanta spolia tantæque prædæ factæ sunt, ut vix valeant enarrari. Nam hospitiola pauperum expoliabant, vineas devastabant, levantes pecora, nihil per viam qua gradiebantur relinquentes.

[65] Nous avons cité plus haut le diplôme royal qui concède le tonlieu du pont de l'Escaut et de la ville de Tournai à l'évêque de cette ville.

[66] Diplôme de 710, aux Archives nationales, Tardif n° 44, Pardessus n° 477.

[67] Ulpien, au Digeste, L, 16, 4. — Cf. notre chapitre sur l'impôt romain au tome Ier.

[68] Code Théodosien, XIII, 11 : De censitoribus, peræquatoribus et inspectoribus. — XIII, 10, 8 : Censorum et peræquatorum officia.

[69] Code Théodosien, XI, 26, 2 : Acceptæ securitates (les reçus et décharges de l'impôt) et regestæ in polypticis. XI, 28, 15 : Secundum fidem polypticorum. — Végèce, II, 19 : Res annonaria vel avilis polyptychis adnotatur. — Cassiodore, Lettres, V, 14 : Polyptychis jubcantur ascribi. — V, 59 : Polyptychis publicis. — On appelait aussi ces registres libri publici, Code Théodosien, XIII, 10, 8.

[70] Un acte de 489, passé en Italie et visiblement conforme aux anciennes règles, porte : parati sumus singulis annis pro eadem prædia fiscalia competentia solvere, unde rogamus uti jubeatis a polyptychis publicis nomen prioris domini suspendi et nostri dominii adscribi (Marini, Papiri diplomatici, n° 85, p. 150).

[71] Grégoire, VII, 25 ; VIII, 15 : Tributum publicum. — IX, 50 : Publicus census. — V, 20 : Publicæ functiones. — Vita Eligii, I, 15 : Publicus census. — Grégoire, IX, 50 : Functio tributaria. — Vita Eligii, I, 52 : Census qui reipublicæ solvitur. — Diplomata, Pertz n° 54, Pardessus n° 400 : Publicas functiones exigere.

[72] Cette lettre est à la suite des actes du concile d'Auvergne de 555, dans Sirmond, I, 245-246. On y lit : Ut securus quicumque proprietatem suam possidens debita tributa dissolvat domino (regi).... Quod et thesauris vestris utilius esse censemus si salvata possessio consuetudinariam intulerit functionem. — Pour bien comprendre cette phrase, il faut voir l'objet général de la lettre. A cette époque, les évêques et les grands propriétaires possédaient des domaines épars dans toute la Gaule ; cela n'avait présenté aucun inconvénient lorsque la Gaule était tout entière sous une seule autorité ; mais en 555 la Gaule était partagée en trois royaumes. La lettre a pour objet de signaler au roi Théodebert d'Austrasie les plaintes émises par des propriétaires, ecclésiastiques ou laïques, résidant dans un autre royaume et possédant en même temps des propriétés dans le sien. Ces propriétés étaient, paraît-il, mal protégées par le roi et parfois envahies ou dévastées par des voisins. Les évêques de ce concile prient Théodebert de veiller sur ces propriétés, comme si les propriétaires étaient ses sujets, et ils donnent cet argument qu'il est bien juste qu'il les protège, puisque les contributions lui en sont payées.

[73] Code Théodosien, XIII, 10, 8 : In libris publicis et civitatum ac provinciarum encauteriis.

[74] Grégoire, IX, 50 : Descriptam urbem Turonicam Chlotarii regis tempore manifestum est, librique illi ad regis præsentiam abicrunt.

[75] Vita Aridii, attribuée à Grégoire de Tours, c. 24, dans l'édition de la Société de l'Histoire de France, t. IV, p. 184 : Accidit ut populis tributa vel census a regibus fuissent descripta.... Censu publico fuerant edicto adscripti. — Il faut remarquer les expressions employées ici, tributa, census, census publicus, describere, edictum : ce sont précisément les termes qui étaient usités au temps de l'Empire pour l'impôt foncier. — L'auteur ne donne pas ici de date ; le fait se passe après 561, probablement en 565.

[76] Grégoire, V, 29 : Chilpericus rex descriptiones novas et graves in omni regno suo fieri jussit.

[77] Grégoire. V, 29 : Statutum fuerat ut possessor de propria terra unam amphoram vini per aripennum redderet. — Il n'est pas aisé pour nous d'apprécier exactement cette taxe. Disons toutefois que l'arpent de vigne, ordinairement plus petit que l'arpent des terres en labour, était une étendue de 12 à 17 ares. L'amphore était, suivant Dureau de la Malle, une mesure de 26 litres ; mais cela est-il vrai de l'amphore gauloise ? Nous ne saurions le dire. On peut évaluer approximativement celte contribution à un quinzième du produit brut.

[78] Grégoire. V, 29 : Lemovicinus populus, congregati in calendis martiis, arreptis libris descriptionum, incendio concremavit. — Cf. Historia epitomata, 80 ; Chilpericus descriptiones gravissimas in omni populo regni sui fieri jussit. Marcus referendarius, qui hanc descriptionem faciebat, secum omnes polepticos ferens, kalendis martiis a Lemovicinis interfectus est et omnes poleptici concremati.

[79] Grégoire, V, 55 (54) : Incendamus descriptiones iniquas, sufficiatque fisco nostro quod suffecit regi Chlotario.

[80] Grégoire, V, 55 (54) : Tradidit libros descriptionum igni, misitque qui futur as perhiberent descriptiones. — Ainsi porte le manuscrit de Corbie ; d'autres écrivent prohiberent, ce qui présenterait un sens différent, mais tout à fait inadmissible ; on ne saurait comprendre que le roi ait envoyé pour empêcher de faire des cadastres à l'avenir ; s'il ne voulait plus de cadastres, il lui suffisait de n'en plus ordonner. On comprend au contraire qu'ayant jeté au feu les cadastres nouveaux, il ait bien vite envoyé dans toutes les cités pour faire connaître les cadastres suivant lesquels on aurait à payer à l'avenir. Nous adoptons donc la leçon du manuscrit de Corbie.

[81] Edictum Chlotarii, a. 614, art. 8 : Ut ubicunque census novus impie additus est, et a populo reclamatur, justa inquisitione misericorditer reformetur.

[82] Grégoire, IX, 50 : Childebertus rex descriptores in Pictavo, invitante Maroveo episcopo, jussit abire, id est Florentianum majorent domus regiæ et Romulfum palatii sui comitem...

[83] Grégoire, IX, 50 : Ut scilicet populus censum quem tempore patris reddiderat, facta ratione innovaturæ, solveret.

[84] Grégoire, IX, 50 : Multi enim ex his defuncti fuerant el ob hoc viduis orphanisque ac debilibus tributi pondus insederat.

[85] Grégoire, IX, 50 : Relaxantes pauperes ac infirmos, illos quos justitiæ conditio tributarios dabat, censu publico subdiderunt.

[86] C'est ce qui fait croire à M. Fahlbeck, traduction française, p. 155, qu'il s'agissait seulement d'une contribution personnelle sur la population urbaine. C'est une erreur. La contribution personnelle et urbaine aurait été désignée par le terme de capitatio. Grégoire emploie, au contraire, les mots tributum et census, qui désignent précisément l'impôt foncier. Nous ne devons pas non plus nous tromper sur le sens du mot urbium : nous savons par vingt autres exemples que Grégoire emploie urbs pour désigner tout le territoire d'une civitas.

[87] Nous avons expliqué, cela et présenté les textes dans notre étude sur le colonat, Recherches sur quelques problèmes d'histoire, pages 75-82.

[88] Vita Bathildis, Mabillon, Acta SS., II, 555 : Ordinavit per eam Dominus ut pessima et impia cessaret consuetudo pro qua plures homines sobolem suam interire potius quam nutrire studebant, dum dividebat (?) actiones publicus quæ ei (eis) ex consuetudine ingerebantur accipere, ut illis ex hoc gravissimum rerum suarum inferrent damnum. — Ce passage, obscur et sans doute altéré, est reproduit avec plus de clarté par un second hagiographe (Mabillon, ibid., p. 558) : Ordinavit per eam Dominus ut pessima consuetudo cessaret pro qua plures hommes filios suos magis mori quam nutrire optabant, dum de eis videbant exactiones fieri, publicaque ex antiqua consuetudine mala urgebantur accipere, unde gravissimum rerum suarum patiebantur damnum.

[89] Grégoire, X, 7 : In supradicta urbe (c'est-à-dire apud Arvernos : on sait que Grégoire emploie très souvent urbs pour désigner tout le territoire d'une ancienne civitas : cela n'est pas douteux ici, puisqu'il s'agit de possessiones, de cultores). Childebertus rex omne tributum tam ecclesiis quam monasteriis vel reliquis clericis qui ad ecclesiam pertinere videbantur, concessit. Multum enim jam exactores hujus tributi expoliati crant, eo quod per longum tempus et succedentium generationes, ac divisis in multas partes ipsis possessionibus, colligi vix poterat hoc tributum. Quod rex ita præcepit emendari ut quod super hæc fisco deberetur, nec exactorem damna percuterent nec ecclesiæ cultorem tarditas de officia aliqua revocaret. — Ecclesiæ cultor est le cultivateur ou tenancier de la terre d'église. Grégoire dit que, par la nouvelle réforme de Childebert, d'une part l'exacteur ne fut plus ruiné par les retards du cultivateur à payer l'impôt, et d'autre part ce cultivateur lui-même ne fut plus dépossédé de sa tenure par suite de son retard. Il y a eu là une réforme que nous voudrions connaître avec plus de précision ; mais elle paraît avoir été particulière aux terres d'église de l'Arvernie.

[90] Grégoire, X, 50 : Gaiso comes tributa cœpit exigere.

[91] Marculfe, I, 8 ; Quidquid de ipsa actione in fisci ditionibus speratur, per vosmetipsos annis singulis nostris ærariis inferatur. — Cf. Grégoire, X, 21. — Vita Germani, Mabillon, Acta SS., I, 258.

[92] Grégoire, VII, 25 : Armentarius judæus cum uno sectæ suæ satellite et duobus christianis ad exigendas cautiones quas ei propler tributa publica Injuriosus ex vicario, ex comite vero Eunomius deposuerant, Turonis advenit. — Injuriosus et Eunomius, pour reprendre leurs billets sans payer, assassinèrent les quatre personnages. Le fait se passe en 584.

[93] Outre les textes que nous avons cités, il en est quelques autres qui prouvent l'existence permanente des impôts au sixième siècle, et que nous aurons l'occasion de citer ailleurs. Voyez Grégoire, III, 25 ; IV, 2 ; V, 26 ; IX, 50. Vita Austregesili, 1-5. Encore au temps de Dagobert Ier, la perception de l'impôt direct paraît avoir été assez régulière. Voyez Vita Eligii, I, 15 : Erat tempus quo census publicus ex codent pago regis thesauro exigebalur inferendus. — Ibidem, 52 : Omnem censum qui reioublicæ solvebalur. La suite du récit montre qu'il s'agit de l'impôt foncier, puisque le prædium d'Eligius entrait pour une part dans le produit.

[94] On trouve dans quelques textes le terme inferenda. Diplôme de 716, Archives nationales, Tardif n° 49, Pardessus n° 498. : Quod inferenda de pago Cenomannico in fisci ditionibus speratur. Diplôme de 705, Pardessus n° 465, Pertz n° 74 : Annis singulis inferendam solidos sex inferendales in fisci ditione solvebant. Pardessus, additamentum n° 85 : Crodegarius dux de inferendis vel undecunque juvamen nobis præstare non cessat. — Il ne nous paraît pas que cette inferenda constitue un impôt particulier qui s'ajoute aux autres ; nous pensons que c'est le produit net des impôts d'un pagus, ce qui est effectivement porté au roi, déduction faite de la part qui reste sur les lieux ou aux mains des comtes. L'inferenda n'est autre chose que ce qu'il faut inferre ærario publico. Cf. Marculfe, I, 8 : Quidquid in fisci ditionibus speratur..., nostris ærariis INFERATUR. — Vita Eligii, I, 15 : Erat tempus quo census publicus ex codent pago regis thesauro exigebatur INFERENDUS.

[95] La vicesima libertatis disparut au quatrième siècle. Le dernier indice connu de la vicesima hereditatum est du règne de Gordien III (Wilmans. Inscr. lat., n° 1295). Justinien en parle comme d'un impôt aboli : vicesima heredilatis ex nostra recessit republica (Code, VI, 55, 5). — M. Hirchfeld (Untersuchungen, p. 68) pense qu'elle a été abolie par Dioclétien ou peu de temps après lui. C'est aussi l'opinion de Baudi di Vesme et de Cagnat.

[96] L'étude que nous venons de faire sur l'administration provinciale et sur les impôts, et tous les faits que nous y avons constatés, marquent assez combien est vaine la théorie récemment essayée par M. Fahlbeck. Il voudrait que toutes les institutions de la monarchie franque ne fussent ni germaines ni romaines, et qu'elles eussent été. inventées et créées de toutes pièces par un roi franc, il ne sait lequel. Tout au contraire, si l'on étudie avec un peu de soin toutes ces institutions, on voit bien que quelques-unes viennent de la Germanie, que la plupart viennent de l'Empire, qu'il n'en est presque aucune qui ne se retrouve ou dans l'une ou dans l'autre. Prétendre que tout cela fût nouveau, c'est marquer qu'on ignore tout ce qui s'était passé avant les Francs. Supposer que tout cet organisme dont nous constatons la complexité, ait été imaginé et élaboré par un roi, est une idée absolument fantaisiste. Aussi M. Fahlbeck n'arrive-t-il à construire son système qu'à force de négliger les textes et de dédaigner les faits. Il fait preuve d'imagination, non de méthode, non de science.

[97] Il y a des anecdotes qui donnent une assez haute idée de la richesse des premiers rois ; par exemple, Childebert Ier donne à l'évêque de Paris 6.000 pièces d'or pour ses pauvres (Vita Germani, 15, 45) ; Théodebert Ier prête aux habitants de Verdun 7.000 aurei, et ne se les fait pas rendre (Grégoire, III, 54). Frédégonde parle des grandes richesses du Palais (ibid., V, 55).

[98] Montesquieu a même ajouté cette raison que les Francs ignoraient l'art de la maltôte. Le mot n'est que spirituel. Outre que cet art n'est pas difficile, les rois francs avaient assez de fonctionnaires romains pour l'apprendre d'eux.

[99] Vita Aridii, attribuée à Grégoire de Tours, c. 24 : Quodam tempore accidit ut populis tributa vel census a regibus fuissent descripta, quæ conditio universis urbibus per Gallias constitutis est adhibita. — L'auteur ajoute que le Limousin seul obtint un dégrèvement par l'intervention d'Arédius.

[100] Grégoire, V, 29 (28) : Descriptiones in omni regno suo fieri jassit.

[101] Grégoire, IX, 50.

[102] Grégoire, X, 7 : Divisis in multas partes possessionibus.

[103] Grégoire, IX, 50.

[104] C'est ce qu'explique Grégoire, IX, 50 : Ut scilicet populus (Pictavus) censum quem tempore Sigeberti reddideral reddere deberet.

[105] Grégoire, De gloria confessorum, 65 (62) : Unde itsque hodie circa muros urbis illius in tertio milliario tributa non redduntur in publico.

[106] Grégoire, IX, 50 in fine : Ne populus Turonicus pro revereniia sancli Martini describeretur.

[107] Pour trouver l'expression de cette idée, il faut descendre jusqu'à la fin du douzième siècle, et encore ne la trouve-t-on que dans un seul document qui n'est d'aucune valeur ; c'est un manuscrit anonyme, écrit par un chronographe ignorant, qui commence par dire que les Francs descendaient des Troyens, et qui ajoute qu'ils doivent leur exemption d'impôts à l'empereur Valentinien. Voyez le manuscrit 4998, ancien fonds, Bibliothèque nationale, folio 51. — Rien de pareil ne se voit dans les textes du sixième, du septième, du huitième siècle. Tout au contraire, une légende en vogue au septième siècle représentait les anciens Francs payant des impôts au gouvernement romain ; Historia epitomata, c. 11 : Ægidius omnes Francos singulos aureos tributavit... ternos solidos tributavit.

[108] Grégoire, III, 56 : Franci Parthenium in odio magno habebant pro eo quod eis tributa, antedicti régis tempore, inflixisset.

[109] Grégoire, VII, 15. L'historien attribue cette mesure à deux conseillers de Chilpéric, le comte Audo et le préfet Mummolus : Multos de Francis qui, tempore Childeberti senioris, ingenui fuerant, publico tributo subegit. — La seule difficulté dans cette phrase porte sur le mot ingenui, qui n'a pas par lui-même le sens précis d'exempt d'impôts, et qui ne peut prendre ce sens ici que par l'opposition que l'historien a voulu mettre entre ingenui d'une part, publico tributo subactus de l'autre. En tout cas et si hésitant qu'on puisse être sur le sens de l'incidente qui ingenui fuerant, la proposition principale est d'une clarté parfaite : multos de Francis publico tributo subegit.

[110] Grégoire, De gloria confessorum, 105 (101) : Ecclesiæ tributa solmni. — Lex Alamannorum, XXII, 1 ; Lex Baiuwariorum, I, 13.

[111] Exemples dans Grégoire de Tours, VII, 25 ; IX, 50 in fine : de même pour l'expression census publicus, Grégoire, IX, 50 ; Vita Eligii, I, 15.

[112] Je laisse de côté, bien entendu, l'hypothèse de ceux qui se figurent qu'au moment de la conquête il se fit une grande distribution de terres, d'alleus, entre les guerriers francs. Je tiendrai compte de leur hypothèse le jour où ils présenteront au moins un texte qui l'autorise. — Nous parlerons ailleurs de l'alleu, et nous montrerons que l'alleu n'est ni une terre exempte d'impôts, ni une terre donnée à un guerrier, ni même une terre propre aux Francs.

[113] Tout cela sera mieux expliqué quand nous parlerons du régime des terres sous les Mérovingiens.

[114] Nous établirons ce point dans la suite de ces études.

[115] On peut voir un diplôme de 510, très peu authentique d'ailleurs, où une terre fiscale est donnée absque tributis et exactione, Pardessus n° 87, Pertz n° 1.

[116] Voyez dans le recueil de Cassiodore les instructions de Théodoric à ses agents en Espagne, alors qu'il était régent de ce royaume. Cassiodore, Lettres, V, 59 : Tolonei canonem nulla facialis usurpatione confundi, sed modum rebus utillimum, quem præstare debeat, imponentes, commerciandi licentiam revocate.

[117] Lex Wisigothorum, V, 4, 19 : Funclionem publicam impleturus est... Functionem rei acceptæ publicis utilitatibus impendere non recuset. — Cassiodore, Lettres, V, 59 : Polyptychis publicis, ut moris est.... Exigentes assem publicum per gravamina ponderum premere dicuntur patrimonia possessorum. Théodoric se plaint des abus : exactorum licentia. fertur amplius a provincialibus extorqueri quant nostro dubiculo constat inferri. Il veut ramener les taxes au taux antérieur : ad hunc modum functiones publicas revocare decernimus quem Alarici atque Eurici temporibus constat illatas.

[118] Cassiodore, Lettres, II, 50, lettre de Théodoric au préfet du prétoire pour exempter un négociant de ces impôts : Ita commercium exerceat quatenus nec monopolii nec siliquatici nec aurariæ pensionis aliquid impendat. — IV, 19 : Siliquatici præstationem quam rebus omnibus nundinandis provida definivit antiquitas, in frumentis, vino et oleo....

[119] Voyez dans Cassiodore, IV, 19, une lettre de Théodoric où il accorde une immunité temporaire aux négociants à l'entrée des ports.

[120] Cassiodore, V, 14, une lettre de Théodoric signale les abus que ses judices font de ce droit, et elle en marque les limites.

[121] Cassiodore, Lettres, IV, 58 : Sicut Odoacris tempore tributa solverunt.

[122] Functiones (Cassiodore, II. 25), functio publica (V, 14), tribularia functio (III, 40, et V, 14), fiscalia tributa (IV, 58, et VII, 21).

[123] Lettre de Théodoric dans Cassiodore, IV, 58 ; cf. VII, 45 ; IX, 11.

[124] Cassiodore, 1,19 : Civitatis curialium insinuatione suscepta. — Ibidem, II, 24, et II, 25, édit de Théodoric pour alléger la charge des curiales et assurer la rentrée de l'impôt.

[125] Voyez dans Cassiodore, XII, 2, les instructions du préfet du prétoire aux judices pour la levée de l'impôt. — Sur les censitores, voyez IX, 11.

[126] Dans Cassiodore, I, 19 : Præcipimus ut Adrianæ civitatis curialium insinuatione suscepta, quicumque Gothorum fiscum detrectat implere, eum ad æquilatem redhibitionis aretetis.

[127] Dans Cassiodore, IV, 14 : Præsenti auctoritate libi delegamus ut Gothi ver Picenum sive Tuscias utrasque residentes, le imminente, cogantur exsolvere debitas functiones Si quis jussa nostra abjecerit, casas ejus appositis titulis fisci nostri juribus vindicabis.

[128] Dans Cassiodore, V, 14 : Barbari..., quolibet litulo prædia quæsiverint, fiscum possessi cespitis persolvere cogantur.