LA MONARCHIE FRANQUE

 

CHAPITRE VII. — ÉTENDUE DU POUVOIR ROYAL.

 

 

Dans les études précédentes nous avons constaté qu'il n'existait ni assemblée nationale qui possédât des droits politiques, ni corps aristocratique qui eût des traditions d'indépendance ; pas de peuple élisant ses rois ; pas de peuple faisant ses lois. Il n'y avait donc à côté du roi ou en face de lui aucune institution qui limitât sa puissance[1]. Cela s'explique. D'une part, les populations gallo-romaines n'avaient aucune pratique de la vie politique et étaient accoutumées à voir toute la gestion des intérêts publics dans les mains de la classe des fonctionnaires impériaux ; elles obéirent donc au roi franc comme elles avaient obéi aux préfets du prétoire. D'autre part, les Francs avaient perdu depuis longtemps, ne fût-ce que par le fait de leurs migrations, les institutions de la vieille Germanie, l'assemblée nationale, la noblesse, et ils n'avaient plus, à leur entrée en Gaule, d'autre institution politique que la royauté. Aussi n'y a-t-il pas d'indice, ni que les Romains aient essayé de tenir tête au pouvoir royal, ni que les Francs aient réclamé l'exercice de droits politiques ou le retour à de vieilles libertés.

Quelques actes d'insubordination que racontent les chroniqueurs ne doivent pas faire illusion. Tantôt c'est la population d'une cité qui s'insurge pour ne pas payer d'impôts. Tantôt c'est l'armée qui se soulève contre un roi qui ne lui procure pas assez de butin[2]. Ces émeutes et cette indiscipline n'ont rien de commun avec la liberté ; elles en attestent plutôt l'absence. Si ces hommes avaient possédé des institutions libres, s'ils avaient eu des assemblées nationales, s'ils avaient volé leurs impôts et décidé leurs guerres, les trois ou quatre émeutes qui nous sont racontées n'auraient pas eu de raison d'être.

Il n'existait ni un peuple gallo-romain ni un peuple franc, dans le sens que nous donnons aujourd'hui au mot peuple. Lisez tous les documents de ces deux siècles, histoires, lois, chartes, vous n'y trouverez pas une seule fois que les Francs forment un populus distinct de la population romaine. Aucune des deux races ne constituait un corps politique. Ce n'est pas que dans les documents du sixième et du septième siècle le mot populus ne se rencontre très souvent. Mais observez chacune des phrases où il se rencontre, et vous reconnaîtrez qu'il signifie tout autre chose qu'un corps politique. Il désigne, par exemple, la masse des fidèles réunis dans une église[3], ou bien le public qui assiste à une cérémonie, qui est témoin d'un acte[4], ou encore les gens d'un pays[5] ; quelquefois aussi, la basse classe ; mais jamais il n'est employé avec le sens d'organisme politique, de peuple souverain, de corps constitué légalement et agissant en droit. Pas une fois à côté de ce mot populus nous ne voyons l'indice d'une délibération, d'une réunion légale, d'une volonté populaire. Partout nous devons le traduire par population et non par peuple. C'est qu'aujourd'hui nous attachons au mot peuple l'idée de corps politique, et que les hommes du sixième siècle n'attachaient pas cette idée au mot populus.

Le sens propre de certains termes à chaque époque est plein d'enseignements pour l'historien. Regardez l'adjectif publicus ; il est fréquent dans la langue mérovingienne, et pour peu qu'on soit familier avec cette langue, on en voit le sens par des centaines d'exemples. Pas une fois il ne signifie populaire ; il signifie royal. La villa publica Bernacum n'est pas un domaine du peuple, c'est le domaine royal de Bernay, comme le Vernum palatium publicum est le palais royal de Vern[6]. Un vicus publicus n'est pas davantage un village du peuple ; c'est un village du roi, c'est-à-dire un grand domaine qui appartient au roi[7]. Ce que l'auteur de la Vie de Saint-Gall appelle possessiones publicæ, ce sont les domaines royaux[8], de même que fiscus publicus est le trésor royal[9] ; car le peuple, nous le verrons bien dans la suite, n'a pas de trésor. Nous trouvons avec le même sens ærarium publicum[10]. L'impôt qui est payé au roi s'appelle publicum tributum, publica functio[11]. Quand nous rencontrons les mots reddere in publico, solvere in publico, il s'agit de payements à faire au trésor royal[12]. Grégoire de Tours, dans une même page, parlant des mêmes trésors, les appelle thesauri publici et thesauri regum[13], tant les deux expressions sont synonymes.

La moneta publica est assurément la monnaie royale[14], et, dans les diplômes, tous ceux qu'on appelle agentes publici sont les agents du roi[15]. Ainsi, dans la société mérovingienne, le mot publicus se dit, non de ce qui appartient au peuple, mais de ce qui appartient au roi. Ce petit détail de langage est significatif. Il caractérise la conception d'esprit d'une époque. L'idée de peuple s'est retirée des mots mêmes qui autrefois s'étaient spécialement appliqués au peuple. Le terme publicus reste dans la langue, mais, ne pouvant s'appliquer au peuple qui n'existe plus, il s'applique au roi qui seul existe. On ne conçoit plus comme public que ce qui est royal. Le peuple, l'État, se sont absorbés et perdus dans la royauté.

C'est qu'à cette époque nul ne conçoit le peuple comme un corps vivant par soi. On ne voit en Gaule ni un peuple franc ni un peuple romain, on ne voit qu'une population. Il y a une multitude d'êtres humains, il n'y a pas un organisme populaire. La royauté est la seule institution qui soit debout et vivante. Il n'y a de force, si l'on excepte l'épiscopat, qu'en elle. Aucune loi, aucune règle traditionnelle, aucune force légale ne la limite. Le gouvernement de l'époque mérovingienne est la monarchie pure.

Le titre officiel du roi était rex Francorum. Il y joignait d'ordinaire une épithète latine, surtout celle de gloriosus, et sa chancellerie accolait volontiers à son nom le qualificatif de vir illuster[16] ; mais le vrai titre qui marquait son autorité était celui de rex Francorum ; c'est celui qu'on trouve sur tous les diplômes.

Il ne faudrait pas entendre parla qu'il ne fût roi que des Francs. Nul doute qu'il ne le fût aussi bien des Romains. Dans l'expression rex Francorum, le mot Francorum n'offrait plus à l'esprit l'idée d'une race spéciale. Il finit par désigner la nationalité nouvelle qui s'était formée du mélange de toutes races entre le Rhin et les Pyrénées. Tout cela s'appela le royaume des Francs, et ce nom prévalut par l'unique raison que les rois étaient des Francs. Cette famille royale était si forte, dans la faiblesse de toutes les autres institutions, qu'elle donna le nom de sa nationalité à la nation tout entière.

Il faut écarter l'idée que le roi exerçât sur une race une autorité d'un certain genre, et une autorité d'autre nature sur l'autre race. Il avait les mêmes pouvoirs sur toutes les deux. Sur toutes les deux il exerçait ces pouvoirs de la même façon et par les mêmes agents. A la prestation du serment qui avait lieu à chaque nouveau règne, Francs et Romains étaient également appelés ; ils se réunissaient dans les mêmes circonscriptions ; ils prêtaient le même serment, sur les mêmes reliques, entre les mains du même fonctionnaire royal[17]. Dans toutes leurs ordonnances, les rois s'adressent indistinctement à tous leurs sujets. Jamais ils ne séparent les Francs des Romains, et ils imposent à tous leurs volontés. Une série de traits, que nous allons citer, montre que dans leurs actes ils ne regardaient jamais à la race et qu'ils traitaient les Francs avec le même arbitraire que les Romains.

Grégoire de Tours a bien connu les rois francs ; il les dépeint comme des rois absolus. Dans son histoire du vase de Soissons, il montre le roi tuant un guerrier non par jugement, mais par vengeance arbitraire, sans que les autres guerriers protestent. Il y a dans son histoire de Clovis un mot bien caractéristique ; Clovis dit aux Francs de Cologne : Vous n'avez plus de roi, tournez-vous vers moi afin d'être sous ma protection[18]. Cette expression, que Grégoire n'a sans doute pas inventée, caractérise le rapport entre roi et sujets. Les sujets sont sous la protection, non des lois, non des coutumes, non d'un droit public quelconque, mais du roi seul. Ce roi, seul protecteur, est visiblement un maître unique et absolu.

Grégoire de Tours représente ensuite les fils et les petits-fils de Clovis comme des princes qui font tout ce qu'ils veulent. Ils se partagent le royaume sans prendre l'avis des populations. Ils portent la guerre en Thuringe, en Burgundie, en Bretagne, en Espagne, en Italie, comme ils veulent. Ils font à leur gré les levées de soldats ; il leur suffit d'envoyer un ordre à leurs comtes, et aussitôt toute la population valide prend les armes[19]. Ils lèvent les impôts à leur gré et sur toute la population[20]. L'un d'eux, Chilpéric fait une ordonnance sur le dogme de la Trinité[21]. Il modifie l'alphabet latin, y ajoute plusieurs lettres, non germaniques, mais grecques, et il enjoint d'employer ce nouvel alphabet dans toutes les écoles du royaume[22]. Il faisait des ordonnances à son gré, et il y ajoutait d'ordinaire cet article : Si quelqu'un n'obéit pas à nos ordres, nous lui ferons crever les yeux[23]. Enfin, tous ces rois, même les meilleurs, mettaient à mort les hommes qui leur déplaisaient, fussent-ils parmi les plus grands, fussent-ils de race franque[24]. Voyez ce langage du roi Gontran parlant aux plus grands personnages de son royaume : Si vous désobéissez à mes ordres royaux, sachez que la hache abattra votre tête... Si quelqu'un méprise nos ordres, qu'il meure[25].

Qu'on regarde maintenant les lois franques, c'est-à-dire ces deux codes qui ont été écrits par des Francs et pour les Francs : c'est encore la monarchie absolue qu'on y trouve. Non seulement il n'y est jamais parlé du peuple comme corps politique, mais le roi y est présenté comme un souverain dont toute volonté doit être obéie. La Loi salique marque dans plusieurs articles que le roi est le juge suprême des procès et des crimes[26]. Elle déclare que la désobéissance à une simple lettre royale est punie de la même peine que le meurtre[27]. Elle accorde au roi de singulières prérogatives : le rapt d'une jeune fille est ordinairement puni de trente solidi ; mais la peine est doublée si la jeune fille s'était mise antérieurement sous la protection du roi[28]. Le viol d'une esclave est puni d'une amende de quinze solidi au profit du maître ; mais si le maître est le roi, l'amende est double[29]. L'homme libre qui est admis dans la truste du roi vaut par cela seul trois fois plus que les autres Francs ; et l'homme romain qui est convive du roi vaut plus que le Franc libre[30]. Ainsi la loi accorde que la seule faveur du roi élève un homme légalement au-dessus des autres hommes. Cette loi a deux mesures de justice, et sa pénalité varie suivant que la victime d'un meurtre est un simple Franc ou un homme cher au roi.

Des deux lois franques, celle qui a été faite en Austrasie, c'est-à-dire dans la partie la plus germanique du royaume, est celle qui marque avec le plus de force le devoir d'obéissance des sujets envers le roi. Celui qui s'inscrit en faux contre un diplôme royal, paye ce crime de la vie[31]. Et ailleurs : Tout homme qui a une mission du roi, ou qui va vers le roi, ou qui marche au service du roi, doit recevoir le gîte et l'hospitalité ; qui le lui refusera payera soixante solidi[32]. Et enfin : Si un homme a été infidèle au roi, qu'il compose de la vie et que tous ses biens soient acquis au fisc[33].

Nous avons déjà vu que cette famille considérait la royauté et le royaume comme sa propriété, et que les frères se les partageaient entre eux suivant les règles du droit privé. Non seulement toutes les affaires publiques étaient dans les mains du roi, non seulement il était le maître de la paix et de la guerre, des impôts, des lois, de la justice, mais il pouvait même intervenir dans les affaires privées avec un pouvoir arbitraire. Nous voyons des rois mérovingiens prescrire à de riches orphelines d'épouser des maris choisis par eux[34].

L'expression de la volonté royale était souvent appelée bannus[35]. Or il y a un article de la Loi ripuaire ainsi conçu : De celui qui n'observe pas le ban du roi. Si quelqu'un a été appelé par le ban du roi pour le service du roi, soit pour l'armée, soit pour tout autre service, et s'il n'a pas obéi, sauf le cas de maladie, il payera soixante solidi[36]. Ainsi l'homme libre doit obéir à toute convocation, non seulement quand il s'agit du service militaire, mais pour toute espèce de service que le roi exige de lui.

On s'est demandé si cette royauté absolue était d'origine germanique ou était la continuation de la monarchie romaine. Le titre de rex Francorum est assurément germanique. Encore faut-il noter que ce qu'il y a de plus germanique dans l'expression, ce n'est pas le mot rex, c'est le mot Francorum. Il est, en effet, très singulier que, les hommes de race franque n'étant qu'une partie infiniment petite de leurs sujets, ces rois aient toujours conservé ce titre. S'ils avaient voulu prendre un titre nouveau, ils se seraient appelés reges Galliæ ; ils ne le firent jamais. On remarquera même que ceux qui régnèrent en Burgundie, comme Gontran, ne prirent pas le titre de rex Burgundiæ. Les autres ne s'intitulèrent jamais reges Neustriæ, reges Austrasiæ. On fera la même remarque sur les rois goths et lombards ; ils ne s'appelèrent jamais reges Hispaniæ, reges Italiæ. C'est apparemment qu'aucun de ces rois n'eut l'idée de changer son ancien titre. Ils plaçaient l'origine de leur royauté dans l'âge assez lointain où ils ne régnaient que sur des Francs, sur des Wisigoths, sur des Lombards, et ils restèrent fidèles aux titres traditionnels.

Il y a d'ailleurs peu de ressemblance entre celte royauté toute-puissante des Mérovingiens et la royauté des anciens Germains dont Tacite avait dit qu'elle n'était ni illimitée ni indépendante[37]. Il est vrai qu'entre l'époque de Tacite et celle de Clovis la nature de la royauté avait pu se modifier beaucoup. L'hérédité et le partage entre les fils étaient, au quatrième et au cinquième siècle, également en usage en Germanie et dans l'Empire. Les partages arbitraires du royaume ressemblent grossièrement aux partages de l'empire romain ; mais ils ressemblent encore plus à ce que faisaient les rois des Alamans et des Burgundes.

Mais à côté de cela il y a un grand nombre de faits qui rendent l'imitation romaine bien visible. Le roi a le qualificatif de vir illuster, qui était celui du préfet du prétoire des Gaules et du maître des milices, auxquels Clovis se substitua. La conservation de ce qualificatif n'a pas une grande portée ; elle marque du moins, à notre avis, que la chancellerie des préfets du prétoire passa aux rois mérovingiens. On peut noter encore que le roi est souvent appelé du titre impérial de princeps[38].

Il y avait eu des insignes royaux dans l'ancienne Germanie[39] ; mais les rois francs adoptèrent les insignes romains. Ils se montrèrent vêtus de la chlamyde et de la tunique de pourpre, comme les anciens consuls[40]. Ils prirent le sceptre, le trône d'or, la couronne d'or. Ils rétablirent les jeux du cirque et s'y montrèrent en spectacle à la population[41]. Ils appelaient leur trésor du nom de fiscus, comme les empereurs[42], ou encore sacellum publicum[43], et, comme les empereurs encore, ils désignaient quelquefois leurs lettres par le mot oracula[44]. Enfin leur palais était le sacrum palatium[45].

Tous ces rois parlaient le latin, et on leur parlait en latin[46]. Il est curieux d'observer les termes que les hommes employaient en s'adressant à eux. Ils leur disaient : Votre Gloire, Votre Sublimité, Votre Excellence[47]. Le roi en parlant de lui-même disait Notre Sérénité, Notre Clémence[48]. Tous ces termes étaient ceux qu'on employait à l'égard des empereurs romains ou qu'ils employaient eux-mêmes[49]. Le titre de Majesté ne fut pas pris par les Mérovingiens.

Le roi franc appelait les hommes ses sujets[50], subjecti ; ceux-ci l'appelaient leur maître, dominus noster[51] ; et les Francs employaient cette expression aussi bien que les Romains[52]. Tous indistinctement disaient au roi qu'ils étaient ses serviteurs, servi vestri[53], et le terme qui désignait l'obéissance envers le roi était servire[54]. Un jour le roi Gontran dit à une réunion des principaux guerriers francs, en leur montrant son neveu Childebert : Voilà le roi que vous devrez servir[55]. Les grands du pays de Soissons et de Meaux s'adressent à ce même Childebert et lui disent : Donne-nous pour roi l'un de tes fils, afin que nous le servions[56]. Les familiers de Chilpéric lui disent : Le roi daigne-t-il écouter avec bonté les paroles de ses esclaves ?[57] Ces formes de langage n'empêchaient pas les Francs de se montrer quelquefois hardis et insolents ; mais la hardiesse était l'exception, l'humilité était l'habitude. Voici comment le duc Helping s'adresse au roi Thierri Ier : Écoule, très glorieux roi, le conseil de ma petitesse[58].

Les chartes écrites par des Francs et par des guerriers portent les mêmes formules et appliquent aux rois les mêmes titres que les chartes écrites par des Romains et par des ecclésiastiques[59].

Il n'est pas douteux que dans les formes de langage et dans les titres extérieurs, les rois n'imitent l'empire. Il n'est pas douteux non plus que leurs sujets, Francs et Romains, ne consentent à cette imitation. La suite de ces études montrera qu'en pénétrant au fond des choses, en observant l'administration et le gouvernement, cette imitation est encore plus manifeste.

Qu'on regarde les capitulaires des rois francs, on y trouvera la même phraséologie que dans les constitutions des derniers empereurs romains[60]. C'est le devoir de la clémence royale de réfléchir avec sollicitude aux besoins des provinciaux et des sujets et de faire des ordonnances qui assurent leur repos[61]. Ce préambule d'un édit de Clotaire est copié presque textuellement sur une novelle de l'empereur Valentinien III[62].

Les empereurs avaient été des maîtres absolus au nom de l'intérêt public. Les rois francs associèrent aussi l'intérêt public à leur pouvoir personnel. Dans leurs ordonnances, ils ne parlent jamais de leur bon plaisir, ils parlent volontiers de l'intérêt ou matériel ou moral des peuples qui leur ont été confiés par Dieu[63]. C'est le principe romain, un peu modifié par l'inspiration des évêques. L'idée de l'utilité générale apparaît dans les chroniques, apparemment parce qu'elle était, ne fût-ce qu'à un faible degré, dans les esprits des hommes[64]. La convocation des grands auprès du roi se faisait avec celle formule : pour le service du roi et l'intérêt du pays[65]. En même temps les rois francs faisaient revivre les lois impériales sur le crime de lèse-majesté[66]. Les chroniques montrent même qu'ils appliquèrent ces lois avec une égale sévérité aux Romains et aux Francs. Tombaient sous le coup de ces lois, non seulement les actes, mais les intentions et les paroles[67]. La pénalité qui suivait était la même que sous l'empire romain, c'est-à-dire la mort et la confiscation des biens[68].

Ce pouvoir monarchique a-t-il été imposé aux populations par la force ? A-t-il été, au contraire, institué par une convention des hommes et par leur libre volonté ? Ni l'un ni l'autre. Il était un organe de la vie sociale auquel tous étaient habitués. Il existait, il se conserva, et l'organisme entier continua de fonctionner. Ni la théorie ni la volonté des hommes n'ont été pour rien en cette affaire ; il fallait vivre, et l'on a vécu.

 

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Observons maintenant les royaumes fondés dans les mêmes conditions que le royaume franc, je veux dire les États constitués par des rois germains sur territoire d'empire et sur un sol désormais occupé par deux races. Ce sont les royaumes des Burgundes, des Ostrogoths, des Wisigoths et des Lombards.

C'est la même nature de royauté. En pratique, cette royauté est quelquefois très faible ; en théorie, en droit constitutionnel, elle est absolue. Nulle part le peuple ne constitue un corps politique. Quand le roi Gondebaud dit noster populus, il entend nos sujets[69]. Les Ostrogoths de Théodoric, si distincts qu'ils soient des Romains, ne forment pourtant pas un organisme populaire. Ils n'ont ni assemblées ni volontés légales. Les rois lombards sont fort sujets aux révoltes, les rois wisigoths sont fort soumis à l'épiscopat ; mais regardez les lois qu'ils font ; ils semblent, et ils sont en effet légalement, des monarques absolus. La loi des Wisigoths, comme celle des Ripuaires, prononce qu'il faut obéir à un ordre quelconque du roi[70]. Comme les rois francs, ou plutôt comme les anciens empereurs, on appelle ces rois Votre Gloire, Votre Sérénité, Votre Clémence[71], et leur palais s'appelle le sacré palais. Dans ces États aussi, comme le peuple n'existe pas légalement, le mot publicus s'applique à ce qui appartient au roi. Chez les Lombards, le trésor royal est appelé publicum, et tout fonctionnaire s'appelle d'un seul mot publicus[72] ; tant existe peu la notion d'un peuple distinct du roi. Tous ces rois règnent sur leur population germanique avec une autorité aussi complète que sur leurs sujets romains. Si les races y restent séparées plus que dans l'État mérovingien, aucune d'elles pourtant ne forme un corps politique qui ait des droits vis-à-vis du roi.

Dans ces États, aussi bien qu'en Gaule, la royauté est la seule force légale, bien qu'il puisse y avoir à côté d'elle la force brutale des grands et la force morale des évêques. Ces rois pratiquent aussi la loi de lèse-majesté, ils frappent de la peine de mort et de la confiscation, sans distinction de race, quiconque porte atteinte à leur pouvoir ou le méconnaît[73]. Et la loi lombarde, s'exprimant à peu près comme la loi franque, proclame cette règle : Quiconque a tué un homme par l'ordre du roi, n'est coupable d'aucune faute, parce que, comme c'est Dieu qui tient dans sa main le cœur des rois, il n'est pas admissible que l'homme que le roi a ordonné de tuer, soit innocent[74].

 

 

 



[1] Nous laissons de côté l'Église, surtout l'épiscopat ; ce n'est pas encore le moment d'en parler.

[2] Grégoire de Tours, III, 11 ; IV, 2 ; IV, 14 ; V, 29 ; VI, 51 ; IX, 50.

[3] Voyez, par exemple, Grégoire, VII, 8 : Quadam die dominica, postquam diaconus silentium POPULIS ut missæ auscultarentur indixit, rex conversus ad POPULUM dixit : O viri cum mulieribus qui adestis.... Hæc eo dicente omnis POPULUS orationem fudit ad Dominum pro rege. — Cf. Concile d'Agde, art. 47 : Ante benedictionem sacerdotis POPULUS egredi non præsumat. De même, concile d'Orléans de 511, art. 26 : POPULUS de ecclesia non discedat ante quam — Fortunatus, Vita Germani, 55 : Cum populo ad missam progreditur.

[4] Grégoire, Miracula Martini, I, 18 : Populo teste. — Fortunatus, Vita Marcelli, 10 : In prospecta populi. — Miracula S. Benedicti, I, 22 : Solemne festum S. Benedicti quo conventus multorum populorum confluere monasterio solet. Ces exemples, que nous pourrions multiplier, montrent assez quelle idée les hommes mettaient dans le mot populus et même dans le pluriel populi.

[5] Grégoire, Hist., X, 3 : Campaniæ populo ; X, 27 : Campaniensis populus ; V, 29 : Lemovicinus populus ; VIII, 50 : Biturici, Santonici, cum reliquarum urbium populo ; IX, 20 : Parisiensis civitas cum populo suo.

[6] Victoriacus villa publica est le domaine royal de Vitry (Vita Columbani, 51). De même Villa publica Bernacum (Contin. Fredeg., Bouquet, Y, 2) ; Verno palatio publico (Borétius, p. 53) ; Attiniacum villa publica (Borétius, p. 221) ; Heristallum villa publica (charte de 780). — Erat rex apud Spinsiam villam publicam (Frédégaire, Chron. 36). — Vernum fiscumpublicæ ditionis (Vita Eucherii, c. 8, Mabillon, Acta SS, III, 596). — Notons qu'au temps de l'Empire les mots villa publica avaient déjà le sens de domaine impérial ; Eutrope, X, 4 : Nicomediæ, in villa publica obiit Constantinus. — Ammien Marcellin, XXIX, 6, 7 : Filia Constantii in publica villa quam appellant Pistrensem. — De même, dans la langue de l'Italie du sixième siècle, publicum patrimonium est le domaine impérial, homines publici sont les hommes qui appartiennent à l'empereur (Grégoire le Grand, Lettres, XI, 10).

[7] Compendium vicus publicus, Bède, Hist. eccles., III, 28) est la même chose que Compendium palatium des diplômes (Pardessus, n° 567, 594, 400) ou Compendium villa nostra (Pardessus, n° 453), c'est-à-dire le domaine royal de Compiègne. — Dans un diplôme aux Archives nationales, Tardif, n° 19, Morlacas vico publico est une villa royale.

[8] Vita S. Galli, c. 21, Mabillon, Acta SS., II, 242 : Ut rex audivit eum in publicis possessionibus commorari, jussit fieri conscriptionem firmitatis ut vir sanctus locum quem incolebat per auctoritatem regiam obtineret : Dès que le roi, Sigebert II, sut que Gallus s'était arrêté sur des terres royales, il fit faire un acte de donation afin que le saint homme occupât désormais ces terres par diplôme royal. Il est visible que, si le roi donne ces terres par diplôme régulier (tel est le sens du mot auctoritas), c'est que ces terres lui appartenaient en propre ; l'expression possessiones publicæ est donc synonyme de possessiones fiscales qu'on trouve ailleurs (Grégoire, IX, 19).

[9] Grégoire de Tours, Mirac. S. Juliani, c. 17.

[10] Grégoire, Hist., VIII, 56.

[11] Grégoire, Hist., V, 27 ; VII, 23. — De même, census publicus. Vita Eligii, I, 15 : Erat tempus quo census publicus erat thesauro regis inferendus.

[12] Grégoire, De gloria confessorum, 63 ; Cf. Lex Alamannorum, 51 ; Edictum Chlotarii, art. 7 et 23.

[13] Grégoire, Hist., VI, 45 ; comparez, édit. Guadet, p. 458, lignes 2 et 10.

[14] Vita Eligii, I, 3 : Abbo qui in urbe Lemovicina publicam fiscalis monetæ officinam gerebat. — Ibidem, II, 76 : Moneta publica.

[15] Agentes publici (Chlotarii præceptio, c. 11, Borétius, p. 19) ; actores publici (Archives nationales, Tardif n° 21). Cf. Formules, Rozière n° 52 : omnibus curam publicam agentibus. — Nous n'avons pas besoin de dire que publicus conserve quelques autres significations anciennes ; publice veut dire en public ; dans quelques formules, curia publica signifie la curie de la cité, les codices publici sont les registres municipaux, et l'on trouve même encore respublica désignant une municipalité tout comme dans le Digeste ; mais le cas le plus fréquent de beaucoup est celui où publicus est synonyme de regalis.

[16] Je n'adhère pas à la théorie qu'a proposée sur ce point M. Julien Havet, et je présenterai ailleurs les textes très nombreux qui m'empêchent d'y adhérer. Elle a d'ailleurs été combattue énergiquement par M. H. Bresslau en Allemagne, par M. Pirenne en Belgique, et en France par M. Gasquet, L'empire byzantin et la monarchie franque, p. 135-145.

[17] Formules de Marculfe, I, 40, Zeumer, p. 68 ; de Rozière, n° 1 : Omnes pagenses vestros, Francos, Romanos vel reliqua natione degentes congregare faciatis....

[18] Grégoire, II, 40 : Convertimini ad me, ut sub mea sitis defensione.

[19] Grégoire, IV, 50 ; IV, 51 ; V, 1 ; V, 27 ; VI, 31 ; IX, 51 ; X, 5.

[20] Voyez plus loin, chap. XI.

[21] Grégoire, V, 45 : Chilpericus rex scripsit indiculum ut sancta Trinitas, non in personarum distinctione, sed tantum Deus nominaretur. Et il dit à un évêque : Sic volo ut tu et ceteri doctores ecclesiarum credatis. Bien entendu, les évêques résistèrent.

[22] Grégoire, V, 45 : Addidit litteras litteris nostris, id est ω, φ, ζ, et misit epistolas in universas civitates regni sui ut sic pueri docerentur.

[23] Grégoire, VI, 46 : Et in præceptionibus quas ad judices pro suis utilitatibus dirigebat, hæc addebat : Si quis præcepta nostra contemserit, oculorum avulsione multetur.

[24] Voyez l'histoire de Boantus (Grégoire, VIII, 11) ; celle de Magnovald (ibid., VIII, 56) ; celle de Chundo (ibid., X, 10).

[25] Grégoire, VIII, 30 : Certe si vos regalia jussa contemnetis et ea quæ præcipio implere differtis, jam debet securis capiti vestro submergi... Si quis legem mandatumque nostrum respuit, jam pereat.

[26] Lex Salica, XVIII, XLVI, LVI.

[27] Lex Salica, XIV, 4 : Si quis... de rege habuerit præceptum... et aliquis contra ordinationem regis testare præsumpserit, solidos CC culpabilis judicetur.

[28] Lex Salica, XIII, 1 et 6.

[29] Lex Salica, XXV.

[30] Lex Salica, XLI.

[31] Lex Ripuaria, LX, 6 : Quod si testamentum regium absque contrario testamento falsum clamaverit, non aliunde quam de vita componat.

[32] Lex Ripuaria, LXV, 5.

[33] Lex Ripuaria, LXIX.

[34] Grégoire, IV, 15 ; IV, 47 ; VI, 16. — L'édit de Clotaire de 614, art. 18, fait allusion à cet abus et promet de ne pas le renouveler, au moins pour les religieuses. Il y est fait allusion aussi dans les actes du concile d'Orléans de 541, art. 22, et dans ceux du troisième concile de Paris de 557, art. 6.

[35] Le mot apparaît pour la première fois dans Grégoire de Tours ; mais il devait être déjà ancien dans la langue même des Gallo-Romains, car Grégoire l'emploie dans son sens dérivé, celui d'amende pour avoir désobéi au ban du roi ; V, 27 : Chilpericus rex de pauperibus et junioribus ecclesiarum bannos jussit exigi. — Nous trouvons le verbe bannire, avec le sens de ordonner, dans la decretio Childeberti, art. 8 : Ita bannivimus ut. — Bannire n'est pas dans la Loi salique. Il est dans la Loi ripuaire ; LXV : In utilitatem regis bannitus ; LXVII, 2 : In hostem bannitus. — Il est aussi dans une formule de Marculfe, I, 40 : Omnes pagenses vestros bannire et congregare faciatis. Le mot devient fréquent dans Frédégaire.

[36] Lex Ripuaria, texte A, LXV, texte B, LXVII : De eo qui bannum non adimplet. Si quis legibus in utilitatem regis, sive in hoste sive in reliquam utilitatem bannitus fuerit, et minime adimpleverit, si egritudo eum non detinuerit, 60 solidos multetur.

[37] Tacite, Germanie, 7 : Nec regibus infinita aut libera potestas.

[38] Le titre de princeps est donné aux rois francs par Grégoire de Tours, V, 26 ; VII, 15 ; VIII, 14. Il est aussi dans plusieurs Vies de Saints : Vita Sigismundi ; Vita Mauri, c. 58. — Il est dans le testament de saint Léger : Principum nostrorum (Pardessus, Diplomata, t. II, p. 174), et dans plusieurs diplômes (Pardessus, nos 554, 585, 599). — Clotaire dit en parlant de sa royauté Clementia principalis. Le mot est même dans l'édit de 614, art. 3 : Si quis ad principem expetierit. Il est enfin dans la Loi ripuaire ; LXXIII, 1 : Absque judicio principis (id est regis), et LXXIX : In judicio principis.

[39] Ammien Marcellin, XVI, 12, 24 : Rex Chnodomarus cujus vertici flammeus torulus aptabatur.

[40] Grégoire, II, 58 : Tunica blatea indutus et chlamyde, imponens vertici diadema. — III, 28 : Ornamentis quæ regem habere decet. — Fortunatus, Vita Radegundis, c. 13 : Indumentum nobile quo, celeberrima die, solebat pompa comitante regina procedere, exuta, ponit in altare blattas gemmataque ornamenta. — Frédégaire, c. 38 : Exutum vestibus regalibus. — Gesta Dagoberti, c. 59 : Cum super solium aureum coronatus resideret. — L'auteur de la Vie de saint Maur montre le roi Théodebert regali indutus purpura, (Mabillon, II, 530, c. 48).

[41] Grégoire, V, 18, in fine. Procope, De bello Gothico, III, 55.

[42] Lex Salica, XLIV, 2 ; Lex Ripuaria, LXVII.

[43] Diploma Childeberti III, a. 705, Pardessus n° 465, Pertz n° 74.

[44] Diploma Chlodovei III, a. 691, Pertz n° 58, Pardessus n° 417.

[45] Marculfe, I, 54 ; Diplomata, Pardessus n° 548.

[46] Fortunatus dit au roi Caribert : Floret in eloquio lingua latina tuo. La manière de louer est caractéristique. Fortunatus écrivant à Caribert le compare à Trajan ; veut-il louer un des Francs de la cour, il le compare aux Scipions et aux Fabius. Il faut croire que ces sortes d'éloges plaisaient à ceux à qui ils étaient adressés.

[47] Grégoire, IV, 47 : Andarchius dixit : Ideo Gloriæ Vestræ præceptionem deposco. — VIII, 50 : Quæ Gloria Vestra profert. — Epistola synodi Parisiensis ad regem Sigibertum : Gloria Vestra (Sirmond, I, 553). — Vita Mauri, c. 47 : Si Vestræ placet Celsitudini. —L'évêque saint Amand écrit au roi Sigebert IV : Sublimitas Tua. Grégoire le Grand écrit au roi Thierri : Excellentiæ vestræ (Bouquet, IV, 54). — Bertramn dans son testament (Pardessus, I, p. 201) s'adresse ainsi à Clotaire II : De eo quod Gloria Vestra nobis contulit præsumentes in hoc testamento Vestram Celsitudinem memorare....

[48] Marculfe, I, 55 : Venerabilis vir ille abba Gloriæ regni nostri petiit. — Archives nationales, Tardif n° 6 : Clementiæ regni nostri petiit. — Diplomata, Pertz n° 15, Pardessus n° 519 : Serenitas Nostra. — Diplôme de Chilpéric, Pardessus, n° 190 : Adierunt Serenitatem Nostram obsecrantes. — Marculfe, I, 16 : Episcopus ille Clementiæ regni nostri detulit. — Ibid., I, 19 : Petiit Celsitudini Nostræ. — Chlotarii regis constitutio : Usus est Clementiæ principalis.

[49] Code Théodosien, XVI, 5, 46 et 54 : Nostra Clementia. — Code Justinien, I, 50, 2 : Placuit Clementiæ Meæ. Novelles de Théodose II, tit. I : Sæpe Nostra Clementia dubitavit.... Nostræ Clementiæ fidus interpres. — Code Justinien, I, 1, 1 : Cunctos populos quos Clementiæ Nostræ regit imperium. — Ibid., II, 44, 5 : Qui principali Clementia impetraverunt. — Code Théodosien, XVI, 11, 5 : Quæ Nostra Serenitas roboravit. — Ibid., V, 14, 7 : Serenitas Nostra decernit. — C. Justinien, I, 4, 15 : Nostræ Serenitatis decretum. Cf. Novelles de Théodose, V, 2. — Les termes Sublimitas Tua, Celsitudo Tua, Tua Magnificentia, étaient donnés aux plus hauts fonctionnaires de l'Empire.

[50] Necessitatem subjectorum tractare (Chlotarii constitutio). — Scimus civitates istas Chlotarii regis filiis redhiberi et nos ipsis debere esse subjectos (Grégoire, IX, 18).

[51] Grégoire, VIII, 43 : Domino nostro regi. — Idem, X, 19 : Domino nostro. — Formules d'Anjou, 56, Rozière n° 171 : In utilitate dominorum (id est regum). — L'expression dominus adressée au prince datait de loin ; on sait que Pline s'en servait pour parler à Trajan.

[52] Grégoire, IX, 12 : Godegisilus dixit : Ecce maximus inimicus dominorum nostrorum. — Vita Mauri, c. 52 : Unus ex consiliariis Theodeberti nomine Ebbo dixit ei : Perpende tibi, domine mi rex.

[53] Marculfe, I, 54, Rozière n° 412 : A servis vestris pagensibus illis... servus vester... servi vestri. — Marculfe, I, 7 : Servis vestris. — Formulæ Senonicæ, 44, Rozière n° 420 : Inclyto et præcellentissimo illi regi ego ancilla vestra, servissima omnium ancillarum vestrarum. — Fortunatus dit en parlant des grands de la cour : Sic dominum ac SERVOS divina potentia servet (ad Bosonem, VII, 22). Il dit ailleurs en parlant d'un grand d'Austrasie : Et domini mores, SERVE benigne, refers (VII, 1). — Desiderius, évêque de Cahors, mais qui connaissait le langage de la cour pour y avoir été thesaurarius, écrit à Sigebert : Reverentissime domine,... nos servos vestros...

[54] Grégoire, VII, 15 : Dominum nostrum recognoscimus cui servire plenius debeamus.

[55] Grégoire, VII, 55 : Cohortabatur rex exercitum dicens : Rex est cui vos deservire debetis.

[56] Grégoire, IX, 55 : Tunc viri fortiores (cette épithète a le même sens que majores natu, seniores, etc.)... venerunt ad regem dicentes : Da nobis unum de filiis tuis ut serviamus ei.

[57] Grégoire, V, 21 : Accedentes ad regem familiares ejus dixerunt : Si propitius audire dignaretur rex verba servorum suorum, loquerentur in auribus tuis.

[58] Grégoire, Vitæ Patrum, IV, 2 : Audi, gloriosissime rex, consilium parvitatis meæ. Il est trop commode de dire que Grégoire de Tours ne savait pas comment parlaient les Francs. Il avait connu et fréquenté beaucoup de Francs et il ne pouvait se tromper sur la manière dont ils parlaient aux rois. — Notez d'ailleurs que dans les autres royaumes les formes de langage étaient les mêmes. Voici comment un Lombard se présente devant son roi : Pertarit adveniens ad Grimoaldum regem, cum ejus se vestigiis advolvere conatus esset, rex cum clementer retinuit... Ad quem Pertarit : Servus tuus sum, inquit (Paul Diacre, Hist. Langob., V, 2).

[59] Voyez, par exemple, un acte conclu entre Leudégisile, Maurinus et Audégisile (Diplomata, n° 255). Leudégisile jure d'observer la convention per Patrem et Christum et per salutem principis cujus nunc potestate regimur. Voilà un langage qui rappelle celui que nous trouvons dans plusieurs inscriptions de l'empire romain.

[60] Le préambule de ces ordonnances est très variable. L'édit de Chilpéric porte pectractantes in Dei nomine cum optimatibus, etc., ce qui n'est pas la formule romaine. Il en est de même du décret de Childebert II. Le préambule du Pactus pro tenore pacis ne s'est pas conservé. Les trois capitulaires dont la phraséologie se rapproche le plus de celle de l'Empire, avec adjonction de quelques phrases inspirées par l'Eglise, sont ceux de Childebert Ier (Borétius, p. 2), de Clotaire II (ibid., p. 18), et du même prince (ibid., p. 20).

[61] Usus est Clementiæ principalis necessitatem provincialium vel subjectorum sibi omnium populorum provida sollicitius mente tractare, et pro quiete eorum quæcunque juste sunt observanda indita in titulis constitutione conscribere, quibus, quantum plus fuerit justitiæ atque integritatis impensum, tantum pronius amor devotionis incumbit.

[62] Novelles de Valentinien III, tit. 26, éd. Hænel, p. 212 : Boni principis cura vel prima vel maxima est quietem provincialium propitia sollicitius mente tractare, quibus, quanto plus fuerit humanitatis impensum, tanto pronius amor devotionis incumbit. — Cette novelle a été insérée dans la Lex romana Wisigothorum, titre VIII ; elle a donc été parfaitement connue en Gaule.

[63] Voyez, par exemple, le préambule de l'édit de Childebert Ier, celui de l'édit de Gontran (Borétius, p. 2 et 11) : Credimus hoc ad salutem populi pertinere.... Dum pro salvatione regionis vel populi attentius pertractaremus.

[64] Grégoire, IX, 8 : Peccavi agendo contra voluntatem vestram atque utilitatem publicam. — Idem, V, 28 : Illud est additum quod essent... patriæ proditores. — Exhortatio ad Francorum regem (Patrologie latine, t. LXXXVII, p. 653) : Pro stabilitate patriæ.

[65] Fredegarii Chronicon, c. 55 : Cum se pro utilitate regia et salute patriæ ad Chlotarium conjunxissent. — Ibidem, c. 90 : Flaochatus, collectis secum pontificibus et ducibus, pro utilitate patriæ tractandum mense Madio placitum instituit. — Vita Ansberti, c. 22 : Rex Theodoricus conventum magnum populorum habens, de utilitate et tutela regni tractabat.

[66] Vita Remigii (Bouquet, III, 578) : Eulogius, vir præpotens, conviens apud regem Chlodovicum de crimine regiæ majestatis. — Grégoire, V, 26 : Bursolenus et Dodo ob crimen majestatis læsæ, judicio mortis suscepto, unus ab exercitu vi oppressus est, alius in fuga apprehensus truncatis manibus et pedibus interiit, resque eorum fisco collatæ sunt. — Grégoire, IX, 13 : Baddonem pro crimine majestatis vinctum. — Ibidem, X, 19 : Ego novi me ob crimen majestatis læsæ reum esse mortis.

[67] Grégoire, VI, 37 : Lupentius incusatus fuerat quod profanum aliquid effatus de regina fuisset ; sed discussis causis, cum nihil de crimine majestatis conscius esset inventus, discedere jussus est.

[68] M. Fahlbeck, dans son livre sur la royauté et le droit royal francs, nie absolument l'imitation romaine. Pour justifier une négation si hardie, son procédé est bien simple : il laisse de côté tous les textes et tous les faits qui marquent cette imitation. Avec un pareil procédé, il est facile de construire un système.

[69] Lex Burgundionum, prœfatio : Cum pro utilitate populi nostri cogitaremus. I, 5 : Si quis de populo nostro.... II, 1 : Si quis hominem ingenuum ex populo nostro cujuscumque nationis occiderit. LXV : Multos in populo nostro cognoscimus depravari. Additamentum, I, 1 : Hoc decrevimus in populo nostro custodiri.

[70] Lex Wisigothorum, II, 1, 55 : Quicumque regiam jussionem contempserit, tres libras auri fisco persolvat. C'est le pendant du titre 65 de la Loi ripuaire.

[71] Serenitas Nostra, Clementia Nostra (lettres de Théodoric, dans Cassiodore, I, 55 ; II, 25 ; II, 26, etc.). — Nostra Celsitudo, Nostra Gloria (Lex Wisigothorum, II, 1, 1 ; II, 1, 15 ; IX, 2, 8, etc.). — Nostra Clementia (Lex Langob., Liutprand, 99). — In sacro palatio (Lex Lang., Liutprand, 83, 85).

[72] Lex Langabardorum, Liutprand, 55 : Omnes res ejus ad publicum deveniant. Voyez aussi le chapitre 78, où il est visible que de publico signifie du domaine royal. — Dans la même législation, aux chapitres 65. 121, 148, 152, l'homme désigné par le seul mot publicus est le fonctionnaire ou juge royal.

[73] Lex Langobardorum, Rotharis, 1 : Si quis contra animam regis cogitaverit, animæ suæ incurrat periculum et res ejus infiscentur. — Dans les lois lombardes, anima signifie la vie.

[74] Lex Langobardorum, Rotharis, 2.