LA MONARCHIE FRANQUE

 

CHAPITRE II. — LA ROYAUTÉ.

 

 

1° LA ROYAUTÉ ÉTAIT-ELLE ÉLECTIVE ?

 

Pour savoir la nature de la royauté mérovingienne, il faut d'abord se demander si elle était élective ou purement héréditaire. Nous n'avons pas d'ailleurs à chercher s'il y avait eu, en un âge lointain, une élection originelle en faveur de la famille aux longs cheveux. Une phrase de Grégoire de Tours le donne à penser, et cela était sans doute dans les souvenirs ou les légendes des Francs[1]. Mais nous nous plaçons au sixième et au septième siècle, après l'établissement complet de cette monarchie, et avant sa décadence, et nous cherchons si, dans cette période de temps, le peuple franc élisait de quelque façon ses rois. Il faut passer en revue tous les documents.

Si nous prenons la Loi salique, c'est-à-dire le code du peuple franc, qui semblerait devoir contenir tous les droits de ce peuple, nous n'y trouvons pas un seul mot sur l'élection des rois. Si nous faisons la même recherche dans la Loi des Francs Ripuaires, ou dans les Capitulaires des rois mérovingiens, nous n'y trouvons pas davantage la règle en vertu de laquelle les rois auraient été élus par le peuple franc. Ainsi, les documents officiels et de source franque ne signalent jamais d'élection. Vous n'y trouvez même pas la moindre allusion à cet usage.

Cherchons maintenant dans les écrivains, et regardons en quels termes ils rapportent l'avènement de chaque nouveau roi. Grégoire de Tours nous dit comment Clovis est devenu roi, ou au moins comment il croit qu'il l'est devenu, et comment la tradition rapportait son avènement : Childéric étant mort, son fils Clovis régna à sa place[2]. Aucune idée d'élection ne perce sous ces simples mots ; Clovis succède comme un fils à son père. Un peu plus loin, il parle du petit royaume franc de Cologne. Si la royauté est élective quelque part, c'est bien là qu'elle le sera. L'historien rapporte que Clovis fait dire au fils du roi Sigebert : Tu vois, ton père se fait vieux ; s'il venait à mourir, le royaume te reviendrait de droit[3]. Si cette parole a été réellement prononcée, Clovis ne pensait pas qu'il y eût lieu à élection. Si elle est légendaire, les hommes qui l'ont imaginée et transmise à Grégoire de Tours ne voyaient pas que la royauté fût élective.

En effet, Sigebert mort, son fils prend possession, sans nulle élection, du royaume aussi bien que du trésor paternel[4]. Il est tué à son tour, et c'est seulement alors, c'est-à-dire quand il n'y a plus d'héritier, que les Francs de Cologne prennent Clovis pour roi. Encore remarque-t-on qu'il y a ici, non une élection régulière par une nation, mais un bruyant assentiment des guerriers[5]. Clovis fait de même pour les Francs de Chararic et de Ragnachaire. Il tue les fils et les frères du roi mort, et c'est parce qu'il n'y a plus personne pour régner sur ces Francs qu'il se présente comme roi et est accepté[6]. Tous ces exemples tendent à prouver que, dès cette époque, l'élection n'avait lieu qu'à défaut d'hérédité[7].

Quelques érudits, ayant dans l'esprit que la royauté franque avait dû être élective, et ne pouvant pas méconnaître qu'elle avait toujours été héréditaire chez les Mérovingiens, ont imaginé que les Francs n'avaient le droit d'élire leurs rois qu'à la condition de les élire toujours dans la même famille. Cette théorie est ingénieuse. Mais, outre qu'on ne peut pas citer un seul texte qui l'appuie, elle est démentie par les faits. Car, à la mort de chaque roi, nous voyons succéder, non pas un parent quelconque, mais toujours son fils, et, s'il y en a plusieurs, tous ses fils, ou bien, à défaut de fils, son frère. Un ordre si régulier ne permet pas d'admettre qu'il y ait eu chaque fois une élection.

Clovis laissa quatre fils. Si le peuple franc avait possédé un droit d'élection, nous le verrions se réunir et choisir un des quatre. Rien de pareil. Grégoire ne parle d'aucune assemblée. Il ne prononce même pas le nom d'un peuple franc : Clovis étant mort, ses quatre fils prennent le royaume et se le partagent entre eux[8]. Ils se le partagent par parts égales, æqua lance. Voilà des mois qui excluent toute idée d'élection[9]. Il est visible que, dans cet acte si grave du partage, le peuple franc n'est pas consulté et n'intervient pas. Ce n'est pas lui qui a décidé s'il serait ou non partagé. Ce n'est pas lui qui a fait les parts. Ce n'est pas chaque groupe de population franque qui a choisi son roi.

L'un des quatre frères meurt. Le peuple de son royaume n'élit pas le successeur. Il est tellement certain que le royaume revient de droit à ses deux fils, que les oncles de ces enfants les égorgent pour s'emparer de leur héritage et se le partager[10]. Childebert meurt sans enfants ; son frère prend son royaume et ses trésors[11]. Dans le royaume de l'Est, qui est plus germanique, nous ne voyons pas qu'il y ait d'élection à la mort de Théodoric. Ses deux frères, à la vérité, essayent d'écarter son fils du trône ; mais celui-ci est défendu par ses hommes et maintenu dans la royauté[12]. Cette lutte même prouve l'absence du droit d'élection. Les Austrasiens soutiennent ici le principe d'hérédité.

Théodebert mourut, et son fils Théodebald régna à sa place[13]. Ici, il est à remarquer que le nouveau roi n'était qu'un enfant[14]. Il ne paraît pas qu'on ait songé à lui contester l'héritage. Il mourut sans laisser d'héritier. Même alors, nous ne voyons pas que le peuple austrasien ait procédé à une élection. Le royaume revint au plus proche parent, c'est-à-dire à Clotaire Ier et l'Austrasie obéit sans conteste au roi neustrien[15].

Clotaire Ier meurt. Voyons-nous un peuple s'assembler, et choisir entre les quatre fils qu'il laisse ? Nullement. Aucun peuple ne se réunit. Les quatre frères se partagent le royaume, et tirent les parts au sort[16]. Ce tirage au sort est tout ce qu'il y a de plus opposé à l'élection. Comme le sort a déterminé les parts, il est visible que pour chacun des Francs c'est le sort qui a déterminé à quel roi il obéirait.

Il y a ici un point curieux à noter : Les quatre frères, dit Grégoire de Tours, firent le partage conformément à la loi[17]. Ne passons pas à côté de ces mots sans y faire attention. De quelle loi s'agit-il ici ? Est-ce une loi politique ? Nous n'en connaissons aucune sur ce point. Parmi tous les documents de l'époque mérovingienne, il n'en est aucun qui mentionne une loi, écrite ou non écrite, qui règle la transmission de la royauté. Quand Grégoire de Tours dit que les quatre frères partagent le royaume suivant la loi, il pense à une loi d'ordre civil, à une loi de droit privé, à la loi qui règle la succession entre particuliers.

Ouvrons en effet les deux codes qui contiennent le droit privé des Francs, la Loi salique et la Loi ripuaire. La Loi salique a un chapitre Des successions[18], chapitre trop court, trop abrégé, mais où nous pouvons saisir les règles du droit successoral des Francs : Si un homme meurt et qu'il ne laisse pas de fils, sa mère héritera, et, si sa mère est morte, son frère, sa sœur, puis ses collatéraux suivant le degré de parenté[19]. Nous voyons bien ici que c'est le fils qui hérite avant tout autre[20]. Et même comme la Loi emploie le pluriel filios, nous pouvons croire que ce sont tous les fils qui héritent, sans nul droit d'aînesse ; et cela est confirmé, en effet, par un grand nombre de chartes mérovingiennes et de formules d'actes où nous voyons les fils se partager la succession, et se la partager également[21].

C'est seulement à défaut de fils que la succession va aux collatéraux. Mais le dernier paragraphe du même titre énonce une réserve : la terre n'échoit jamais aux femmes et ne passe qu'aux mâles[22]. Ainsi la fille du défunt, sa mère, sa sœur, tous ses collatéraux du sexe féminin sont exclus de la partie de l'héritage qui comprend la terre, et ne peuvent succéder qu'aux meubles. La Loi ripuaire présente les mêmes dispositions[23].

Or ces lois appartiennent au droit privé. Ce ne sont pas des lois politiques. Il n'y est pas question nommément du royaume. La royauté n'est mentionnée ni dans ces deux titres, ni dans ceux qui les précèdent ou qui les suivent. Enfin, les mots si quis par lesquels ces deux titres commencent, marquent assez qu'il s'agit d'un particulier quelconque et non d'un roi.

Mais il est facile de reconnaître que ces règles du droit privé étaient appliquées à la royauté. Le royaume était considéré comme une terre patrimoniale. On en hérita donc suivant les mêmes règles qui faisaient hériter d'un immeuble. S'il n'y avait qu'un fils, il prenait de plein droit le royaume. S'il y en avait plusieurs, ils se le partageaient en lots égaux. S'il y avait des filles, elles étaient exclues. Telle est, en effet, la divisio legitima dont parle Grégoire de Tours. Clotaire Ier laissait quatre fils et une fille. La fille n'eut aucune part dans les immeubles, c'est-à-dire dans le royaume ; mais les quatre fils se le partagèrent, et pour plus d'égalité tirèrent les parts au sort.

Après la mort de Sigebert, son fils Childebert régna à sa place[24]. C'était un enfant de cinq ans ; mais il était l'héritier naturel. De même, Clotaire II, qui n'avait que quatre mois, succéda sans conteste à son père Chilpéric. Childebert étant mort, ses deux fils Théodebert et Thierry, qui étaient deux enfants, héritèrent de son royaume. Le peuple ne se réunit pas. Ce royaume comprenait la Burgundie et l'Austrasie ; les enfants tirèrent au sort. Ce ne fut pas chacun des deux pays qui choisit son roi ; ce fut le sort qui fit que la Burgundie appartint à Thierry, l'Austrasie à Théodebert[25].

Tous ces faits nous sont rapportés par des hommes qui les ont bien connus. Nous pourrions craindre que Grégoire de Tours, qui était d'une famille romaine de l'Auvergne, ne fût pas assez au courant des coutumes franques. Mais Grégoire, évêque de Tours, était très mêlé aux affaires publiques ; il était en contact avec beaucoup de Francs, et il était souvent à la cour des rois. Si la royauté était élective, il ne pouvait pas l'ignorer, et même chaque élection aurait eu pour lui un tel intérêt, qu'il n'aurait pas manqué d'y être attentif et qu'il en aurait parlé. Il a connu personnellement plusieurs de ces rois dont il parle ; il savait bien comment ils étaient devenus rois. Frédégaire, ou l'homme qu'on est convenu d'appeler de ce nom, était fort bien renseigné sur ce qui se passait en Burgundie. Le premier auteur de la Vie de saint Éloi, Audoenus, avait vécu à la cour de Dagobert Ier ; il ne pouvait pas ignorer comment ce prince était parvenu au trône ; il ne mentionne aucune élection[26].

Ainsi, durant tout le sixième siècle, on ne voit jamais un peuple franc intervenir par l'élection dans le choix de ses rois. Les érudits modernes, qui ont l'esprit dominé par l'idée préconçue de grandes libertés populaires, peuvent faire toutes les suppositions qu'ils veulent : elles n'ont aucune valeur scientifique. Les textes ne parlent jamais ni d'une assemblée réunie pour élire un roi, ni d'un roi qui ait été élu. Toujours la royauté se transmet comme tout autre héritage et suivant les règles du droit privé. Qu'un roi meure, les choses se passent comme s'il s'agissait d'un particulier. La succession est là, trésors et royaume, comme s'il s'agissait d'un domaine. Elle est dévolue, sans nulle discussion, au fils, quand même le fils serait un enfant en bas âge.

On rencontre dans les écrits du temps une foule de traits où l'on peut saisir, non seulement les faits matériels, mais les pensées des hommes. L'idée qu'ils crussent avoir le droit d'élire leurs rois n'est exprimée nulle part. C'est l'idée contraire qui est exprimée souvent. Voici un certain Mundéric qui aspire à devenir roi ; il ne réclame pas une élection ; il dit : Je suis de la famille royale, donc le trône m'est dû, et je suis tout aussi bien roi que le roi Thierri[27]. Ce qui est plus curieux, c'est qu'il ne semble pas que le roi Thierri ait eu rien à objecter à cette argumentation. Il fit dire à Mundéric : Prouve seulement que tu es de la famille royale, et tu auras la part du royaume qui t'est due[28]. On voit bien ici que ni Mundéric ni le roi Thierri ne pensaient que la royauté fût élective. Plus tard, un autre usurpateur, Gundovald, se dit fils de Clotaire et réclame la part du royaume qui lui est due[29]. Il ne dit pas : Je vais réunir le peuple pour qu'il m'élise. Il dit : Puisque je suis fils de roi, je suis aussi bien roi que mon frère Gontran[30]. Et les hommes à qui il se présente ne contestent pas ce principe. Ils lui demandent seulement de prouver qu'il est fils de Clotaire[31].

Nous possédons le texte du traité d'Andelot, c'est-à-dire de la convention qui fut conclue en 585 entre les trois souverains Gontran, Childebert et Brunehaut[32]. Or, par l'une des clauses de cette convention, Gontran promet que, si Childebert vient à mourir, il maintiendra ses deux fils en possession de tout le royaume de leur père. Il ne dit pas : si le peuple les élit rois. Il entend que, le père mort, il va de soi que les deux fils succéderont. Mieux que cela. On prévoit le cas où un troisième fils naîtrait, et Gontran promet qu'il aura part au royaume[33]. Le droit au trône est ainsi reconnu même pour le fils qui n'est pas encore né.

Bertramn rappelle dans son testament que sa cité devait suivant la loi revenir à Clotaire, non en vertu d'une élection, mais comme part de l'héritage paternel[34]. Or ce Bertramn avait été beaucoup trop mêlé aux affaires publiques pour pouvoir ignorer quelles étaient les règles en vigueur chez les Francs.

Il est bon de noter qu'il n'y a pas de règles spéciales pour le nord et pour le midi, pour l'est et pour l'ouest. Bertramn parle de la cité du Mans, comme Gontran parlait de l'Austrasie. Les Francs de Tournai n'ont pas non plus un droit particulier ; ils n'élisent pas, ils ne se partagent pas ; ils sont à celui des frères que le sort a désigné pour régner à Tournai[35].

La dignité de roi était à tel point héréditaire, que tout fils de roi en prenait le titre dès sa naissance. Tout enfant royal était roi, sans qu'on attendît ni la vacance du trône ni l'expression d'une volonté populaire[36].

Non seulement la royauté était un patrimoine qui se transmettait suivant les règles ordinaires ; mais on pouvait même la léguer par testament ou par simple déclaration de volonté, ainsi qu'on aurait fait d'un domaine. Le roi Gontran manda son neveu Childebert et lui dit : Je te donne tout mon royaume ; mes provinces seront à toi comme un bien propre ; prends-les sous ta puissance ; c'est toi seul qui seras mon héritier ; je déshérite tous les autres. Et il lui mit dans les mains une lance, pour signe de la tradition qu'il lui faisait du royaume[37]. Or Gontran n'avait pas à l'avance consulté son peuple. C'est seulement un peu plus tard qu'il convoqua les guerriers, et ce ne fut que pour leur dire en leur présentant son neveu : Voici le roi à qui vous devez désormais obéir[38].

Le roi pouvait partager le royaume de son vivant, ainsi qu'un père de famille partageait à l'avance sa succession. Clotaire associa son fils Dagobert à la royauté, et l'établit roi sur les Austrasiens[39]. Pas un mot n'indique d'ailleurs que les Austrasiens l'aient demandé pour roi, ni qu'ils l'aient élu, ni même qu'ils aient été consultés.

Dagobert, à son tour, éleva son fils Sigebert comme roi des Austrasiens. Le chroniqueur ajoute qu'il fit cet acte avec une grande solennité, dans une réunion des évêques et des grands, qui lui donnèrent leur assentiment. Nous verrons ailleurs ce qu'étaient ces grands. En tout cas, le chroniqueur ne signale pas un peuple qui ait manifesté sa volonté[40].

Jamais les documents ne nous montrent une assemblée de la nation procédant à l'élection d'un roi. Qu'on cherche une réunion qui délibère, qui vote, qui choisisse, on ne la trouvera pas. On voit quelquefois des frères se disputer le royaume au lieu de se le partager ; mais même alors ils n'en appellent pas à une décision du peuple. Ils gagnent à eux le plus de guerriers qu'ils peuvent ; mais ces guerriers ne sont jamais le peuple franc qui délibère.

Quelques innovations se produisirent au septième siècle. Il y eut des essais en vue de faire disparaître le partage entre les frères. D'autre part, il arriva plusieurs fois que dans des guerres civiles les diverses factions remplacèrent un roi par un autre. Mais personne ne pensa encore ni à supprimer l'hérédité, ni à établir des élections régulières.

La Chronique dite de Frédégaire rapporte comment, à la mort de Clotaire II, Dagobert, qui était déjà roi d'Austrasie, réussit à priver son frère de l'héritage de la Neustrie. Il ordonna d'abord à tous ses guerriers de prendre les armes ; il envoya des hommes en Neustrie et en Burgundie pour amener ces pays à préférer son autorité à celle de son frère[41]. Il arriva bientôt à Soissons ; tous les évêques et les guerriers de Burgundie, la plupart des évêques et des grands de Neustrie se donnèrent à lui ; il s'empara ainsi de tout le royaume de Clotaire ; toutefois, mû de compassion, il concéda à son frère les pays au sud de la Loire[42]. Remarquons combien ce récit est l'opposé d'une élection régulière qui serait faite par une assemblée nationale. Ce sont les grands qui marquent individuellement leur préférence, qui individuellement se donnent au nouveau roi. Notons que celui-ci n'aurait même pas besoin de faire toutes ces démarches s'il était fils unique ou s'il ne prétendait pas évincer un frère de sa part d'héritage. C'est pour appuyer son usurpation qu'il s'est adressé aux grands. Avec leur connivence il a exclu son frère de la Neustrie ; mais on ne peut pas dire que la Neustrie l'ait élu.

Durant le septième siècle, nous avons plusieurs exemples de rois déposés et d'autres rois mis à leur place : mais si l'on observe le détail et les circonstances de chacun de ces changements, on n'y trouvera jamais la réunion régulière et légale d'un peuple ; on n'y trouvera même pas l'expression d'un principe de droit national[43]. Ce qu'on y trouvera seulement, c'est la victoire d'un parti armé. Ces actes sont des faits de guerre civile ; aucun chroniqueur ne les présente comme l'application d'anciennes règles de droit public.

L'idée que la royauté dépendît d'une élection populaire n'est exprimée nulle part. Au contraire, ces rois mérovingiens disent volontiers que c'est Dieu qui les a faits rois. Gontran indique à la fois la source de son autorité et la nature de ses devoirs quand il dit dans une ordonnance que c'est le Très-haut qui lui a confié le pouvoir de régner, et qu'il encourt la colère de Dieu s'il n'a pas soin du peuple qui lui est soumis[44]. C'est Dieu, écrit Dagobert Ier, qui nous a donné les provinces et les royaumes[45]. Clotaire III, Thierri III écrivent dans leurs diplômes que c'est Dieu qui les a fait monter sur le trône[46]. Phraséologie de convention, si l'on veut, et qu'il ne faut pas prendre pour une doctrine bien arrêtée du droit divin. Encore devions-nous noter que, même dans les actes officiels, la volonté de Dieu paraît seule, et que la volonté d'un peuple n'est pas une seule fois mentionnée.

C'était le clergé peut-être qui dictait aux rois ces expressions ; mais le haut clergé comprenait des hommes de race franque. Si la règle d'élection avait existé, il ne l'aurait pas ignorée. Je ne suis même pas bien sûr qu'il eût été défavorable à cette règle. Peut-être eût-il volontiers pris part à l'élection, et il était assez fort pour que personne ne l'en empêchât. Si les documents de l'époque ne portent aucun indice d'une élection régulière des rois, nous sommes bien obligés de penser que cette élection n'existait pas.

 

2° DE L'ÉLÉVATION SUR LE PAVOIS ET DU SERMENT DE FIDÉLITÉ.

 

Si nous ne trouvons nulle part l'élection des rois par une assemblée nationale, encore devons-nous faire attention à deux usages qui sont attestés par les documents et qui n'ont pas été sans importance. L'un était la cérémonie de l'installation, l'autre était le serment des sujets.

La cérémonie de l'installation avait son origine première en Germanie. Ce qui en faisait la partie principale, c'est que le nouveau roi était hissé sur un bouclier et porté sur les épaules de quelques hommes, en public. Tacite signale déjà cet usage : Brinno fut placé sur un bouclier et balancé sur les épaules de quelques guerriers ; tel est l'usage du pays[47]. Il est vrai que dans l'ancienne Germanie l'usage s'appliquait plutôt aux chefs de guerre qu'aux rois. Nous le retrouvons sous les Mérovingiens. Quand Clovis se fait accepter pour roi par les Francs de Cologne, ces Francs, qui sont peut-être moins un peuple qu'une troupe de guerriers, l'élèvent sur le bouclier, et c'est leur manière de le reconnaître pour roi[48]. De même plus tard, quelques Francs ayant abandonné Chilpéric pour Sigebert l'élèvent sur un bouclier et l'établissent roi sur eux[49]. L'historien décrit mieux encore cette cérémonie quand il raconte l'histoire de l'usurpateur Gondovald : Dans le bourg de Brives, il fut placé sur un bouclier et porté comme roi ; mais au troisième tour qu'on lui fit faire, il tomba[50].

Le plus souvent, l'historien se contente d'indiquer la cérémonie sans la décrire. Quand les frères de Clodomir veulent tuer leurs neveux, ils disent à la reine Clotilde : Donne-nous ces enfants, afin qu'ils soient établis comme rois[51]. Ces mots ne désignent pas une élection, pour laquelle la présence des deux enfants ne serait pas nécessaire ; on veut arracher les enfants à Clotilde en prétextant une cérémonie où leur présence est obligatoire. Ailleurs, Grégoire de Tours nous dit que, Sigebert ayant été assassiné, son fils Childebert régna à sa place en Austrasie[52] ; mais le roi enfant se trouvait alors à Paris, dans les États de son ennemi : Gondobald l'enleva secrètement, le porta en Austrasie, et, rassemblant les populations sur lesquelles son père avait régné, il l'établit roi[53]. Pas un mot ici d'une élection ; c'est d'une cérémonie solennelle et publique qu'il s'agit. De même Frédégaire montre Clovis II prenant d'abord possession de la royauté, puis les leudes de Neustrie et de Burgundie se réunissant dans la villa Massolacus pour l'élever en roi[54].

Cette cérémonie était ordinairement désignée par le mot sublimare. Le même terme était employé pour l'intronisation des évêques, c'est-à-dire pour la cérémonie où l'évêque, après toutes les formalités de la nomination, était placé sur son siège épiscopal[55]. Pour ce qui est des rois, une chronique nous montre que la cérémonie pouvait n'avoir lieu que longtemps après la prise de possession du pouvoir. Dagobert Ier fut roi d'Austrasie dès 622 ; mais son installation par les Austrasiens n'eut lieu qu'en 625[56]. La cérémonie était donc indépendante de l'avènement et ne venait qu'après lui. Aussi n'avait-elle aucun rapport avec une élection.

Voyez ce qui se passe à l'avènement de Thierri III. Un écrivain contemporain rapporte d'abord que le maire Ebroin le fit roi ; puis il ajoute que les grands du pays, ayant appris que Thierri était roi, se portèrent vers l'endroit où il résidait, voulant assister à la cérémonie. En effet, dit-il, Ebroin aurait dû procéder solennellement à l'installation du roi et convoquer pour cela les grands du royaume ; tel était l'usage. Mais Ebroin décida que la cérémonie n'aurait pas lieu, et ceux qui étaient venus spontanément pour y assister reçurent l'ordre de retourner chez eux. L'écrivain ajoute que les grands furent fort irrités. Et ils l'étaient, suivant lui, non pas parce qu'un maire du palais avait fait un roi sans les consulter, mais parce qu'il les privait de la cérémonie solennelle qu'il aurait dû accomplir pour l'éclat de la royauté et du pays[57].

Ces brillantes réunions n'avaient pas pour objet d'élire le roi, puisque le roi était déjà roi avant elles. Elles avaient pour objet de le reconnaître. Que s'y passait-il donc ? Nous n'avons aucune description qui nous permette de le dire avec certitude. Les grands faisaient-ils leurs conditions ? On est tenté d'abord de le supposer ; mais il n'y a pas le moindre indice de cela dans les textes, et jamais il n'y est fait la moindre allusion. L'unique trait que nous connaissions est que ces hommes élevaient le roi sur un bouclier et le portaient sur leurs épaules en lui faisant faire le tour de l'assemblée. Or cette formalité ne peut avoir qu'un sens : porter un homme sur ses épaules ne peut être qu'une marque de sujétion. C'est le placer au-dessus de soi, super se statuere, ainsi que disent les historiens. La cérémonie était donc l'acte solennel d'obéissance des sujets. Les rois y devaient tenir ; probablement ils ne se sentaient bien affermis que quand ce témoignage public de sujétion leur avait été donné.

Mais, en même temps, cette cérémonie pouvait présenter aux hommes quelque idée de liberté. Dans l'antiquité germanique, elle avait peut-être accompagné une élection ; et, l'élection ayant disparu, elle était restée comme un vieux rite, et apparemment on tenait à la conserver. C'était quelque chose pour ces hommes que de marquer leur volonté d'obéir ; c'était presque déclarer que leur obéissance était volontaire. Que serait-il arrivé s'ils l'avaient refusée ? Nous n'en avons pas d'exemple ; mais il est clair qu'un tel usage leur en offrait un moyen. L'élévation sur un bouclier n'équivalait pas à une élection, mais équivalait à un assentiment librement donné[58].

La coutume du serment de fidélité au souverain existait dans l'empire romain, et elle datait de loin[59]. Peut-être était-elle germaine aussi, surtout parmi les guerriers. Les rois francs en usèrent en Gaule. Le premier acte de chaque nouveau roi était de se faire jurer fidélité. Il appelait les uns auprès de lui ; il parcourait les provinces pour aller chercher le serment des autres, ou enfin il ordonnait à ses fonctionnaires de recevoir le serment en son nom.

Ce serment était exigé, non seulement des grands et des guerriers, mais de la population civile : non seulement des hommes de race franque, mais aussi des hommes de race romaine.

Clotaire II n'est qu'un enfant de quatre mois ; nous voyons ses fonctionnaires parcourir les cités et obliger chacune d'elles à jurer d'être fidèle au roi et à son tuteur[60]. Les usurpateurs font de même. Mundéric, Gundovald, dans les cantons où ils sont les maîtres, se hâtent de se faire prêter serment par la plèbe rustique[61].

Au milieu des guerres civiles, chaque cité, passant d'un roi à l'autre, prêtait serment au nouveau maître[62]. Le serment n'était pas collectif et vague ; il était individuel. J'ai prêté serment au roi Clotaire, écrit Bertramn dans son testament, comme à l'héritier légitime du roi Chilpéric ; et il ajoute, comme une chose assez rare pour qu'on la note, qu'il n'a jamais violé son serment[63]. On remarquera que ce serment n'a nullement le caractère féodal ; il n'est ni spontané ni volontaire : il est obligatoire ; il s'adresse, ainsi que le dit Bertramn, au roi que l'hérédité a désigné. C'est un serment monarchique.

La formule de serment usitée sous les Mérovingiens ne nous a pas été conservée ; mais nous trouvons dans le Formulaire de Marculfe l'instruction qui était envoyée aux fonctionnaires pour faire procéder à cette grande opération. Elle est conçue ainsi : Tel roi à tel comte. Comme nous avons prescrit, de concert avec nos grands, que notre glorieux fils fût roi avec nous dans notre royaume, nous vous ordonnons que vous convoquiez tous les hommes de votre ressort, Francs, Romains, hommes de toute race, et que vous fassiez en sorte qu'ils se réunissent en lieux convenables, dans les cités ou bourgs, afin que, en présence de notre envoyé à qui nous avons confié cette mission spéciale, ils soient tenus de promettre et jurer fidélité et hommage à notre fils, près des lieux saints, et sur les reliques que nous faisons transporter à cet effet[64].

Nous avons là, à défaut de la formule elle-même, tous les traits caractéristiques de l'opération : le délégué royal, parti du palais, a latere regis, parcourt les provinces ; il porte avec lui des reliques, afin que le serment ait la plus grande valeur possible ; les gouverneurs des provinces sont avertis ; au jour fixé, toute la population libre du canton est réunie sur une place, ou dans une église, et, en présence du fonctionnaire, chacun jure bon gré mal gré d'être et de rester fidèle au nouveau roi qu'on lui donne. Visiblement, ce serment n'est pas un serment libre.

Quelques historiens modernes ont pensé que le serment était réciproque, c'est-à-dire que le roi s'engageait envers la population, comme la population envers le roi. Mais cette opinion s'appuie sur un texte unique, et il serait déjà assez singulier que le serment au roi fût mentionné dans plus de vingt passages et que le serment du roi ne le fût que dans un seul. Mais on va voir que ce passage lui-même ne mérite pas une entière confiance. Le voici : Grégoire, évêque de Tours, vers l'année 589, voit arriver dans sa ville épiscopale des fonctionnaires de Childebert chargés d'établir un nouveau cadastre et de nouvelles contributions. Il prend en mains les intérêts de sa ville et, s'adressant à ces fonctionnaires, il leur dit[65] : Le registre des impôts pour la cité de Tours a été jeté au feu par le roi Clotaire, par crainte de saint Martin ; puis, après la mort de Clotaire, cette cité a prêté serment à Caribert, et celui-ci de même a promis avec serment qu'il n'infligerait à La cité aucune loi ni coutume nouvelle. Voilà ce que prétendit l'évêque de Tours, alléguant un fait qu'il disait s'être passé vingt-sept ans auparavant, mais n'en donnant aucune preuve. Aussi son affirmation ne fut-elle pas admise par les fonctionnaires royaux, qui, sans en tenir compte, persistèrent à vouloir lever les contributions. En admettant que cette affirmation fût exacte, il est visible que ce ne serait là qu'un fait exceptionnel, particulier à Tours, particulier à saint Martin, et en tous cas d'un effet passager. Car si Caribert fit ce serment en 561, il ne fut pas renouvelé par Sigebert, par Chilpéric, par Childebert, qui possédèrent Tours successivement ; Grégoire n'attribue un tel serment qu'à l'ancien roi Caribert. Que l'on observe de près la formule de Marculfe que nous avons citée tout à l'heure, on verra bien qu'elle ne contient aucune allusion à un serment que le roi prêterait. Elle n'implique et n'autorise aucune réciprocité entre le roi et les sujets. Nous devons donc croire que le serment était prêté par les populations au roi, non pas par le roi aux peuples, et qu'il n'était pas autre chose qu'un acte de sujétion[66].

En résumé, nous ne voyons jamais, dans ces deux siècles, une nation se réunir régulièrement pour choisir et élire son roi. D'après tous les documents, chaque prince règne en vertu de l'ordre naturel de succession, ou quelquefois par le succès d'une guerre civile. Seulement, deux choses sont nécessaires : d'abord, l'acte de reconnaissance et d'installation ; ensuite, la prestation du serment de fidélité par la population entière.

Je ne saurais dire si ces deux coutumes étaient les restes et les souvenirs d'un vieux droit populaire, ou si elles furent seulement deux procédés imaginés pour assurer l'obéissance des hommes. Les deux suppositions peuvent également se soutenir, et aucune ne peut se prouver. Je remarquerai seulement que cette double coutume ne donna aux institutions monarchiques qu'une force apparente. L'absence d'un droit régulier d'élection, et pourtant l'intervention si directe des hommes dans l'avènement de chaque nouveau roi, présentaient une contradiction qui ne pouvait manquer de jeter quelque trouble. L'acte solennel d'installation pouvait devenir et devint en effet une occasion de discorde. Quant au serment de fidélité, avec l'abus qu'on en faisait, avec l'extrême instabilité dont il était l'objet, il devait peu à peu substituer dans les esprits, à l'idée d'une sujétion naturelle et générale, l'idée d'une obéissance personnelle, volontaire, conditionnelle.

 

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Pour se faire une idée juste de l'Etat mérovingien, il ne faut pas l'étudier trop isolément. Il est utile de jeter les yeux sur d'autres États qui, à la même époque, se sont trouvés dans les mêmes conditions que lui. Plusieurs États se sont fondés, comme lui, sur l'ancien territoire romain ; ils ont été composés, comme lui, d'une famille germaine régnante et d'une double population germanique et romaine. Il importe de savoir si les institutions de ces États ont été les mêmes que celles de l'État mérovingien, ou si elles en ont différé. La méthode comparative, si dangereuse pour ceux qui s'en servent mal, est pourtant nécessaire à l'historien. Après l'analyse des textes francs, la comparaison des autres États germains donnera plus de sûreté à notre étude.

Au quatrième siècle, chez les Alamans, la royauté était héréditaire et les frères se la partageaient[67]. La même hérédité et le même partage se retrouvent chez les Burgundes établis dans l'empire[68]. Chez les Goths, Jordanès donne la suite des rois jusqu'au sixième siècle, sans mentionner aucune élection. Si nous voyons une élection après la mort d'Alaric, c'est parce qu'Alaric ne laisse pas d'enfants. Pour ce qui est du royaume des Ostrogoths d'Italie, les actes officiels recueillis par Cassiodore montrent comment s'opérait, en temps normal, la transmission des pouvoirs[69]. Le nouveau roi Athalaric n'eut qu'à écrire une lettre circulaire à tous les Goths établis en Italie, pour leur notifier que son grand-père, par la volonté de Dieu, l'avait établi son héritier[70]. Chez les Vandales la royauté était héréditaire[71]. A l'origine, elle se partageait entre frères ; Genséric décida que ses fils ne se la partageraient pas, et il régla l'ordre de succession au trône d'une manière qui impliquait formellement toute absence d'intervention du peuple[72]. Chez les Lombards, la royauté fut d'abord héréditaire, et c'est par suite de déshérence ou par l'effet des troubles civils qu'on en vint plusieurs fois à employer l'élection[73].

La cérémonie d'installation solennelle que nous avons vue chez les Francs se retrouve chez les autres peuples. Nous voyons qu'elle eut lieu en Italie pour Athalaric et pour Vitigès[74]. La Loi des Wisigoths fait allusion à cet usage ; elle enjoint, non pas à tous les hommes, mais au moins à tous ceux qui sont dans les dignités, de se rendre auprès du nouveau roi, dès qu'ils ont appris son avènement, pour lui faire acte de soumission[75]. C'est exactement le même usage que l'auteur de la Vie de saint Léger nous a montré chez les Francs. L'historien des Lombards signale aussi la cérémonie d'inauguration ; il montre bien qu'elle ne précède pas l'avènement, mais qu'elle le suit ; le roi Agilulf prit la royauté au mois de novembre, et ce fut six mois plus tard, en mai, qu'il accomplit la cérémonie[76].

Quant au serment de fidélité prêté au nouveau roi, nous le retrouvons ailleurs qu'en Gaule. Athalaric, roi des Ostrogoths, a reçu d'abord le serment des grands[77] ; il envoie ensuite des lettres circulaires et des agents dans toute l'Italie pour exiger le serment de tous ; et il l'exige indistinctement des Romains et des Goths[78]. Un peu plus tard, à une époque où Rome faisait partie de l'empire d'Orient, les Romains prêtaient serment à chaque nouvel empereur[79]. Dans l'Espagne Wisigothique le serment était de règle. Le roi, aussitôt après son avènement, envoyait dans toutes les parties du royaume quelques délégués qui recevaient le serment en son nom ; on les appelait discussores juramenti. Ils ressemblent fort à ces missi que le roi franc envoyait pour le même objet. La loi dit que tous les hommes doivent jurer fidélité ; si quelqu'un se cache afin de ne pas se lier par ce serment, sa personne et ses biens sont à la discrétion du roi. Il est visible qu'un tel serment n'est pas volontaire, il est obligatoire[80].

Ainsi, tous les États germaniques qui étaient, par leur origine et leur nature, analogues à l'État Franc, ont eu au sujet de la royauté les mêmes règles que cet Etat. Dans tous elle a été héréditaire, et l'élection ne s'est présentée que comme un fait exceptionnel.

 

 

 



[1] Grégoire de Tours, Hist., II, 9 : Tradunt multi eos... in Thoringia... juxta pagos vel civitates reges crinitos super se creavisse, de prima et ut ita dicam nobiliori suorum familia. — Il est certain que la longue chevelure resta la marque distinctive de cette famille ; voyez Grégoire de Tours, VIII, 10 : A cæsarie prolixa cognovi Chlodoveum esse. Ibid., II, 42 : Vinctos totondit. Ibid., VI, 24 : Hic diligenti cura nutritus, ut regum istorum mos est, crinium flagellis per terga demissis, litteris eruditus.... — On peut voir encore Vita Leodegarii ab anonymo, c. 5 (Mabillon, II, 682) ; Gesta Francorum, c. 41 et 52 ; cf. Priscus, Fragmenta, édit. Didot, p. 99, fr. 16, et Agathias, I, 5.

[2] Grégoire de Tours, II, 27 : Mortuo Childerico, regnavit Chlodovechus filius ejus pro eo.

[3] Grégoire de Tours, II, 40 : Ecce pater tuus senuit ; si moreretur, recte tibi regnum illius redderetur.

[4] Grégoire de Tours, II, 40 : Pater meus mortuus est, et ego thesauros cum regno ejus penes me habeo.

[5] Grégoire de Tours, II, 40 : Plaudentes tara parmis quam vocibus.

[6] Grégoire de Tours, II, c. 41 et 42.

[7] Junghans, Childerich et Chlodovech, page 124 de la traduction Monod, exagère et fausse tous ces faits pour arriver à conclure qu'il voit clairement dans ses sources que la royauté est conférée par l'élection du peuple. Il le voit parce qu'il le veut voir ; c'est l'effet ordinaire de la méthode subjective. La vérité est que les sources n'indiquent jamais une élection, tant qu'il existe un fils du roi défunt. M. Junghans avait dans l'esprit l'idée préconçue d'une royauté élective, et il regardait les textes à travers son idée. Voyez comme il interprète l'histoire de Ragnachaire : ses sujets, dit-il, se croient en droit de l'expulser. Or il n'y a rien de semblable dans Grégoire de Tours, II, 42 ; l'historien dit simplement que quelques hommes ont été gagnés par les cadeaux de Clovis pour trahir celui qui était leur maître. M. Junghans mettait ses impressions personnelles à la place des textes.

[8] Grégoire de Tours, III, 1 : Defuncto Chlodovecho, quatuor filii ejus regnum ejus accipiunt, et inter se æqua lance dividunt. — Quelques esprits peu attentifs prendront tout de suite accipiunt dans le sens de reçoivent, c'est-à-dire reçoivent du peuple. Le mot n'a pas cette signification ; outre qu'il faudrait accipiunt a populo, accipiunt a Francis, le mot accipere, synonyme de capere, signifie prendre, occuper. C'est ainsi que Grégoire, voulant dire que Chilpéric met la main sur les trésors en devançant ses frères, dit : thesauros accepit, il prit les trésors, IV, 22. Ailleurs, VIII, 21, il parle de gens qui dérobent des objets précieux et s'enfuient, acceptis rebus, fugere cœperunt, où il est visible que acceptis signifie captis. Le roi abandonna Ingoberge et prit Meroflède, Merofledem accepit (IV, 26). Même sens du mot accipere, synonyme de capere, dans beaucoup d'autres textes : Vita Remigii, 51 : Accepit rex franciscam ejus et projecit in terram. Ibidem, 68 : Accepit cervisiam in vasculis... accipiens pulverem. Vita Arnulfi a coævo, c. 7 : Annulum quem secum gerebat accepit et in fluvium projecit. On trouve accipere latronem, prendre un voleur (Capit. de Charles le Chauve, 855, éd. Walter, p. 52).

[9] Dans æqua lance, lanx signifie le plateau d'une balance. Æqua lance était une expression fort usitée chez les Romains, particulièrement dans le droit. On la retrouve plusieurs fois chez Grégoire de Tours et dans les formules mérovingiennes. Elle s'applique tout particulièrement aux partages de succession en droit privé.

[10] Grégoire de Tours, III, 18 : Regnum Chlodomeris inter se æqua lance dividunt.

[11] Grégoire de Tours, IV, 20 : Cujus regnum et thesauros Chlotacharius accepit.

[12] Grégoire de Tours, III, 25.

[13] Grégoire de Tours, III, 57 : Mortuo Theudeberto, regnavit Theodobaldus filius ejus pro eo. — Cf. Marius d'Avenches : Theudebertus rex obiit et sedit in regno ejus Theodobaldus filius ipsius. — Vita Mauri, c. 57 (Mabillon, Acta SS., I, 295) : Theudebertus Theudebaldo filio suo sedem regni post se dereliquit.

[14] Grégoire, IV, 6 : Rex vero parvulus est.

[15] Grégoire, IV, 9 : Regnum ejus Chlotacharius accepit. — Marius d'Avenches : Theudobaldus obiit, et obtinuit regnum ejus Chlotacharius patruus patris ejus. Est-il nécessaire de dire qu'en latin obtinere, synonyme de tenere, n'a pas le sens particulier de notre mot obtenir, et signifie simplement tenir, occuper ? Grégoire dit dans le même sens regnum tenere, V, 1.

[16] Grégoire, IV, 22 : Divisionem legitimam faciunt, deditque sors Cariberto regnum Childeberti, etc.

[17] Sur le sens du mot legitimus, voyez Gaius, II, 55-56 ; Ulpien, XIX, 13 ; Code Théodosien, II, 6, 4. Le mot conserve le même sens après les invasions et reste synonyme de secundum legem. Exemples : Lex Salica, emendata, XIV, 16 : legitimi heredes ; cf. ibid., L, 2 et 6 : legitimum debitum... secundum legem debitum. Lex Ripuaria, LVI : legitimo termina noctium ; legitimus numerus testium. Voyez aussi les formules, Marculfe, II, 1 : legitima successio ; Senonicæ, app. 1 : legitima hereditas ; Andegavenses, 47 : legitimus auctor ; Turonenses, 2 : legitima instrumenta.

[18] Lex Salica, édit. Behrend, tit. 59 ; édit. Hessels, col. 379-386 : De alodis. — Emendata : De alode. — On sait que ce mot, d'où est venu alleu, ne signifiait pas autre chose, au sixième et au septième siècle, que succession ; non succession testamentaire, mais succession légitime. — Cf. Lex Ripuaria (Codices B), tit. 58 : De alodibus.

[19] Lex Salica : Si quis mortuus fuerit et filios non dimiserit....

[20] Cf. Edictum Chilperici, 5 (Behrend, p. 106) : Quamdiu filii advixerint, terrain habeant, sicut lex salica habet.

[21] Voyez, par exemple, dans les Formules, recueil de Rozière, les n° 123 à 126, et, dans les Diplomata, le testamentum Bertramni et la charta Burgundofaræ.

[22] Lex Salica, LIX, 5 : De terra vero nulla in muliere hereditas non pertinebit, sed ad virilem sexum tota terra pertineat. — Plusieurs textes portent terra salica ; nous reviendrons sur ce sujet.

[23] Lex Ripuaria, LVI, 4 : Dum virilis sexus exstiterit, femina in non succedat. — Les termes ne sont pas tout à fait es mêmes que dans la Loi salique ; la terra ou terra salica de la Loi salique est remplacée dans la Loi ripuaire par hereditas aviatica. Il est vraisemblable que les deux expressions désignaient la même chose, c'est-a-dire la terre patrimoniale.

[24] Grégoire, IV, 52 : Mortuo Sigiberto, regnavit filius ejus Childebertus pro eo. — Marius d'Avenches : Sigibertus interfectus est, et suscepit regnum ejus Childebertus. — Grégoire raconte plus loin que, Childebert se trouvant en ce moment dans les mains de Chilpéric, un sujet de son père l'enleva secrètement, le conduisit en Austrasie et, rassemblant les gens du pays, l'établit roi, V, 1. Il n'y a rien dans ces termes qui implique une élection. Nous verrons bientôt quelle était la cérémonie par laquelle on établissait un roi. Notons seulement que Childebert est roi (IV, 52) avant la cérémonie (V, 1). — Ailleurs, Grégoire raconte que les principaux personnages de Soissons et de Meaux s'adressèrent à Childebert et lui dirent : Donne-nous l'un de tes fils pour roi, afin que nous le servions (Grég., IX, 56). Voilà quelque chose qui n'est pas une élection, qui en est même l'opposé : da nobis unum de filiis tuis. Or Grégoire qui raconte cela était un contemporain, et fort au courant de ce qui se passait à la cour de Childebert.

[25] Fredegarii Chronicon, c. 16 : Childebertus defunctus est ; regnum ejus filii sui Teudebertus et Teudericus adsumunt. Teudebertus sortitus est Auster.

[26] Vita Eligii, I, 9.

[27] Grégoire de Tours, III, 14 : Mundericus, qui se parentem regium adserebat, ait : Sic mihi solium regni debetur ut Theodorico... rex sum ego sicul et ille. — La suite du passage montre Mundéric se faisant reconnaître et suivre par quelques paysans ; ce n'est pas une élection.

[28] Si tibi aliqua de dominatione regni nostri portio debetur, accipe.

[29] Grégoire, VII, 52 : Dicit se filium esse Chlotacharii..., ut debitam portionem regni sui recipiat.... — VII, 27 : Ego sum filius Clotacharii et partem regni sum præcepturus.

[30] Grégoire, VII, 27 et 36 : Ego sum filius Chlotacharii.... Ego sum rex sicut et frater meus Guntramnus.

[31] Grégoire, VII, 27 : Filium te esse asseris Chlotacharii regis ; sed utrum sit verum annon, ignoramus. — Il faut prendre garde à certaines apparences qui peuvent induire en erreur.. Vous lisez dans Grégoire, VII, 54, que Gundovald dit : Noveritis me cum omnibus qui in regno Childeberti habentur electum esse regem. Il semblerait d'abord que Gundovald dise qu'il a été élu par le peuple d'Austrasie ; mais regardez le texte de près ; deux choses s'opposent à cette interprétation : d'abord, si vous relisez les chapitres précédents, vous voyez bien qu'il n'y a eu aucune assemblée ni aucune élection ; ensuite, Gundovald n'a jamais été reconnu roi par les Austrasiens ; le roi d'Austrasie, au contraire, le lançait contre Gontran, roi de Burgundie. Gundovald veut dire que son allié Childebert et tous les grands de Childebert l'ont reconnu, non pas comme leur roi, mais comme roi de Burgundie. — Nous reviendrons plus loin sur le sens du mot eligere dans la langue du temps.

[32] On ne peut mettre en doute l'authenticité de ce document, au moins quant au fond ; c'est Gontran lui-même qui l'a mis dans les mains de Grégoire de Tours. Grégoire, IX, 20 : Hæc nobis loquentibus, rex pactionem ipsam relegi coram adstantibus jubet. Exemplar pactionis.

[33] Grégoire de Tours, IX, 20 : Si contigerit Childebertum de hac luce migrare, filios suos Theodobertum et Theodoricum reges, vel si adhuc alios ipsi Deus dare voluerit, sub sua tuitione recipiat, ita ut regnum patris eorum sub omni soliditate possideant.

[34] Testamentum Bertramni, dans les Diplomata, éd. Pardessus, n° 250, t. I, p. 201 : Civitas Cenomanis LEGITIMO ORDINE domno Chlotario EX HEREDITATE patris sui debuit pervenire.

[35] Cela résulte du rapprochement de Grégoire de Tours, III, 1, et IV, 22 : Dedit sors Chilperico regnum Chlotacharii patris ejus. — Qu'un certain nombre de Francs aient, plus tard, abandonné Chilpéric pour Sigebert, c'est là un fait particulier qui n'implique pas un droit national régulier ; encore ces Francs, dont Grégoire parle, IV, 52, ne sont-ils pas les Francs de Tournai : ils étaient du royaume de Childebert l'ancien, c'est-à-dire du royaume de Paris (comparez III, 1 ; IV, 22 ; IV, 52). Les Francs de Tournai obéirent jusqu'au bout à Chilpéric, à qui le sort les avait donnés.

[36] C'est ce qui ressort de nombreux exemples. Grégoire de Tours appelle reges les fils de rois avant qu'ils règnent : II, 42 ; III, 22 ; IV, 15 ; V, 50 ; IX, 20 ; IX, 40. — Le titre de regina était même donné à toute fille do roi ; c'est pour cette raison que nous voyons Chrodielde, fille de Caribert, et Basina, fille de Chilpéric, qui n'ont été mariées ni l'une ni l'autre, qui n'ont jamais régné, qui de bonne heure se sont faites religieuses, se qualifier pourtant de reines : reginæ sumus (Grégoire, IX, 40, t. II, p. 195). De même Fortunatus donne le titre de reine à Chrodosinthe (Vita Germani, 21).

[37] Grégoire de Tours, Hist., VII, 55 : Rex Guntchramnus, data in manu regis Childeberti hasta, ait : — Hoc est indicium quod tibi omne regnum meum tradidi. Omnes civitates meas, tanquam tuas proprias, sub tui juris dominationem subjice.... Tu enim heres in omni regno meo succede, ceteris exheredibus factis.

[38] Grégoire de Tours, Hist., VII, 55 : Rex est cui vos nunc deservire debetis.

[39] Fredegarii Chronicon, 47 : Dagobertum filium suum consortem regni fecit eumque super Austrasios regem instituit.

[40] Fredegarii Chronicon, 47 : Cum consilio pontificum seu et procerum, omnibusque primatibus regni sui consentientibus.

[41] Fredegarii Chronicon, 56 : Missos in Burgundia et Neuster direxit ut suum deberent regimen eligere. — Voici un mot, eligere, qui a trompé quelques esprits ; il semble à première vue qu'il indique une élection. Mais quiconque a quelque connaissance de la langue latine sait bien que eligere n'a jamais signifié élire, même au temps de la république romaine. L'idée d'élection ne s'y attachait pas ; ce n'est pas lui qu'on employait au sujet de l'élection des magistrats. Il indiquait un simple choix, souvent fait par une seule personne. Aucune pensée de vote ni de calcul de suffrages n'y était contenue. Le mot avait conservé son ancienne signification au septième siècle et ne présentait pas à l'esprit l'idée que nous mettons aujourd'hui dans le mot élire. Citons quelques exemples. Nous voyons dans la Vie de S. Gaudentius, c. 16 (Acta SS, janvier, III, p. 55), qu'un évêque près de mourir choisit seul et spontanément son successeur, et l'écrivain désigne cet acte par les mots sua electio, son choix. L'auteur de la Vie de saint Bonitus, c. 4 (Ibidem, janvier, II, 552), dit que ce personnage fut nommé par le roi préfet de Marseille, electus est. Dans la præceptio Chlotarii, c. 2, Borétius, p. 21, nous lisons : Ut nullus episcoporum se vivente eligat successorem. Pareils exemples sont innombrables ; ils marquent que eligere a une signification un peu flottante, sans avoir précisément celle que nous attachons aujourd'hui au mot élection, sauf le cas où il serait suivi de a populo, a civibus. Grégoire de Tours, parlant de l'avènement de l'empereur Tibère à Constantinople, dit, V, 20 : Populi Tiberium Cæsarem elegerunt. Or il ne veut pas dire que le peuple de Byzance ait procédé à une élection régulière, ni que la dignité impériale fût élective. Que des érudits modernes, à la seule vue du mot eligere, se soient figuré une élection par une assemblée populaire, c'est un des contre-sens les plus antihistoriques qui aient été faits. — La phrase de Frédégaire veut dire que Dagobert envoie des agents en Neustrie et en Bourgogne, pour que les hommes le préfèrent à son frère. Mais il faut noter qu'il ne s'adresse pas à une assemblée, ni à un peuple ; rien de semblable dans le chapitre ; il s'adresse à des individus. Ceux-ci sont surtout les évêques et les grands.

[42] Fredegarii Chronicon, 56 : Suessionas accedens, omnes pontifices ac leudes de regno Burgundiæ inibi se tradidisse noscuntur, et Neustrasii pontifices et proceres plurima pars regnum Dagoberti visi sunt expetisse. Charibertus nitebatur si potuisset regnum adsumere, sed ejus voluntas pro simplicitate parum sortitur effectum. Cumque regnum Chlotarii a Dagoberto fuisset præoccupatum, misericordia motus, citra Ligerim civitates fratri suo noscitur concessisse. — Quelques historiens modernes interprètent les mots pro simplicitate comme s'ils voulaient dire qu'un peuple franc jugeât Caribert indigne du trône ; le chroniqueur ne dit rien de pareil ; il dit que Caribert essaya de s'emparer du royaume, mais qu'il ne fut pas assez habile pour y réussir, pro simplicitate parum sortitur effectum. On ne voit pas qu'il ait convoqué ou consulté un peuple.

[43] Dès le sixième siècle, nous voyons une partie des Francs abandonner Chilpéric pour Sigebert ; mais il s'agit d'une guerre civile. Grégoire, IV, 52 : Franci qui quondam ad Childebertum seniorem aspexerant, ad Sigibertum legationem mittunt ut ad eos veniens, derelicto Chilperico, super se regem stabilirent. Grégoire parle là de Francs qui avaient obéi à Childebert l'ancien ; ce ne sont pas tous les Francs de Chilpéric. Le royaume de Childebert Ier n'avait pas compris la partie septentrionale de la Gaule ; ni Arras, ni Thérouenne, ni Tournai n'en avaient fait partie (Longnon, p. 115-116). Grégoire ne dit pas qu'il y ait eu une assemblée nationale ; il ne dit pas le peuple des Francs. Il montre des Francs qui transportent leur fidélité d'un chef à un autre, et non pas une nation qui exerce un droit de déposer ses rois. — Quelques historiens modernes ont cru que le droit public des Francs autorisait chacun d'eux individuellement à choisir son roi ; mais c'est là une assertion qui n'a jamais été appuyée d'aucun texte. Pareil choix se voit quelquefois en pratique ; mais que cela ait été un droit, c'est ce dont il n'y a pas d'indice.

[44] Præceptio Guntramni, 585, Baluze, I, 10 ; Borétius, p. 11 : Nec nos quibus facultatem regnandi Superni Regis commisit auctoritas, iram ejus evadere possumus si de subjecto populo sollicitudinem non habemus. Cf. Grégoire, IX, 42 : principes quos Deus pro gubernatione populi superesse præcepit (édit. Arndt, p. 403). Noter que ce n'est pas Grégoire qui parle ici ; il cite une lettre d'une femme germaine.

[45] Diplomata, édit. Pertz n° 15 ; édit. Pardessus n° 246. Dum nobis regiones et regna largiente Domino noscuntur esse donata.

[46] Diplomata, édit. Pertz n° 41 ; Pardessus n° 551. Solium quod ipse Deus nobis commisit. — Ibid., n° 57, n° 410 : Dum nos Divina pietas fecit in solium parentum nostrorum succedere. — Marculfe, I, 16 : Quem Divina pietas sublimat in regnum.

[47] Tacite, Histoires, IV, 15 : Brinno... impositus scuto, more gentis, et sustinentium humeris vibratus, dux deligitur.

[48] Grégoire de Tours, II, 40 : At illi, plaudentes tam parmis quam vocibus, eum clypeo evectum super se regem constituunt. — L'usage est-il particulier à la race germanique, ou ne serait-il pas commun à toute armée élisant un roi ? On peut remarquer que Julien, nommé empereur par ses soldats, fut élevé sur un bouclier, impositus scuto. Ammien Marcellin, XX, 4, 17.

[49] Grégoire, IV, 52 : Impositum super clypeo regem sibi statuunt.

[50] Grégoire, VII, 10 : Parmæ superpositus, rex est levatus. Sed cum tertio cum eodem gyrarent, cecidisse fertur.

[51] Grégoire, III, 18 : Dirige parvulos ad nos ut sublimentur in regno.

[52] Grégoire, IV, 51, in fine.

[53] Grégoire, V, 1 : Gundobaldus apprehensum parvulum Childebertum furtim abstulit, collectisque gentibus super quas pater ejus regnum tenuerat, regem instituit.

[54] Fredegarii Chron., 79 : Post Dagoberti discessum filius suus Chlodoveus sub tenera ætate regnum patris adscivit, omnesque leudes de Neuster et de Burgundia eum Massolaco villa (Maslay, près de Sens) sublimant in regnum.

[55] Vita Præjecti, 22 : Præjectus sublimatus est in cathedra. — On employait aussi sublimare en parlant d'une reine : Dagobertus reginam ublimavit (Fredegarii Chron., 58).

[56] Gesta Dagoberti, 12, 13, 14 : Anno 39 regni sui (622) Chlotarius Dagobertum super Austrasios regem statuit.... Anno 42 regni sui (625) Dagobertus in Austrasia regnaturus dirigitur ; Austrasii vero congregati in unum Dagobertum super se regem statuunt.

[57] Vita Leodegarii ab anonymo, c. 3, dans Mabillon, Acta SS, II, 680 : Cum, convocatis optimatibus solemniter, ut mos est, debuisset sublimare in regnum... eos noluit convocare... Regem quem ad gloriam patriæ publice debuerat sublimare.... Cum multitudo nobilium qui ad regis novi properabant occursum, itineris accepissent repudium. Ces grands refusèrent de reconnaître Thierri, non pas parce qu'il n'avait pas été élu par eux, mais parce qu'ils ne voulaient pas que le roi restât dans les mains d'Ebroin : Cœperunt metuere quod regem dum post se retineret pro nomine, cui malum cupierat ille audenter valeret inferre. Telle est du moins la pensée de l'écrivain contemporain.

[58] Un curieux point de comparaison se trouve dans l'empire byzantin à la même époque. Pour chaque nouvel empereur, il y avait une installation solennelle, que l'on appelait άναγόρευσις, sublimatio, et même χειροτονία, electio. Elle est décrite en détail dans le livre des Cérémonies de Constantin Porphyrogénète, liv. I, c. 43 et 92. Nul ne prétendra pourtant que l'empire fût électif. Tant il est vrai qu'il faut se garder de prendre des expressions convenues pour des faits historiques.

[59] Sur cet usage romain, voyez Tacite, Annales, I, 7 : In verba principis juravere senatus, miles, et populus. Tacite, Ann., I, 34 : Germanicus Belgarum civitates in verba Tiberii adegit. Cf. Tacite, Ann., XVI, 22 ; Hist., I, 55 ; Suétone, Caligula, 15. — Pline écrit à Trajan, X, 52 édit. Keil : Præivimus et commilitonibus more solemni, eadem provincialibus certante pietate jurantibus. — Voyez encore Pline, Panégyrique, 68, Dion Cassius, XLVII, 18 ; LIX, 3 ; Julius Capitolinus, Maximini duo, c. 24 ; Omnes in Maximi et Balbini verba juraverunt.

[60] Grégoire de Tours, VII, 7 : Exigentes sacramenta per civitates ut fideles esse debeant Guntramno regi et nepoti suo Chlotachario.

[61] Grégoire, III, 14 : Mundericus ait : Colligam populum meum atque exigam sacramentum ab eis.... Sequebatur eum rustica multitudo, dantes sacramentum fidelitatis. — VII, 26 : Gundovaldus... in civitatibus quæ aut Guntramni aut Chilperici fuerant, nomine suo, quod fidem servarent, jurabant Egolismam accessit, susceptis sacramentis.

[62] Grégoire, IV, 30 : Ingressi urbem Arelatensem, sacramenta pro parte Sigiberti regis exegerunt. — IV, 46 : Pictavos accedens, sacramenta exegit. — VI, 31 : Ingredimini Bituricum et sacramenta fidelitatis exigite de nomine nostro. — VII, 15 : Pictavi sacramenta Guntchramno regi dederunt... non longo tempore custodientes. — VII, 24 : Pictavi excesserant de fide quam regi promiserant. — IX, 50 : Post mortem Chlotacharii regis Chariberto regi populus hic (le peuple de la cité de Tours) sacramentum dedit.

[63] Testamentum Bertramni, dans les Diplomata de Pardessus, n° 230, t. I, p. 201 : Sacramentum insolubile domno meo Chlotario dedi, propter quod civitas Cenomanensis legitimo ordine ex hereditate genitoris sui debuit provenire. .. Me sacramentum meum in integrum constrinxit ut eum nullatenus dimittere deberem.

[64] Marculfe, I, 40 ; Rozière, n° 1 ; Zeumer, p. 68 : Dum nos una cum consensu procerum nostrorum in regno nostro glorioso filio nostro regnare præcepimus, jubemus ut omnes pagenses vestros, tam Francos, Romanos, vel reliqua natione degentibus, bannire et locis congruis per civitates, vicos et castella, congregare faciatis, quatenus, præsente misso nostro illo quem ex nostro latere illuc pro hoc direximus, fidelitatem filio nostro vel nobis et leode et samio per loca sanctorum vel pignora quæ illuc per eumdem direximus, debeant promittere et conjurare.

[65] Grégoire, Hist., IX, 50.

[66] Grégoire, IX, 31 : Austrovaldus dux Carcassonem accedens, sacramenta susceperat ipsosque populos ditioni subegerat regis.

[67] Ammien Marcellin, XIV, 10, 1 ; XVIII, 2, 15.

[68] Grégoire de Tours, Hist., II, 28-52.

[69] Cassiodore, Lettres, VIII, 2-7. A la mort de Théodoric, son petit-fils lui succède, et il écrit : Avus noster magnitudinem dominationis suæ tarda celeritate in nos transfudit, ut non tam regnum quam vestem crederes esse mutatam.

[70] Cassiodore, Lettres, VIII, 5 : Avus noster nos heredes regni sui, Deo sibi imperante, constituit.

[71] Jordanès, De rebus geticis, 53 ; Procope, Bellum vandalicum, I, 7.

[72] Jordanès, ibidem ; Procope, ibidem.

[73] Procope, De bello gothico, III, 55. Paul Diacre, Historia Langobardorum, I, 18, 20, 21, 27 ; III. 16 ; IV, 30, 41, 47, 51 ; V, 55, 35. Leges Langobardorum, Rotharis, prologus. — Il n'y a élection que si le roi mort ne laisse pas d'enfants, ou parfois en cas de guerre civile.

[74] Athalaric n'y fait qu'une faible allusion, lettres 2 et 6 du livre VIII du recueil de Cassiodore. Vitigès, pour lequel il y a eu une véritable élection par une armée, insiste plus vivement ; ibidem, XI, 31 : More majorum, scuto supposito. Il est vrai que ce texte même montre qu'il n'a pas été élu par une assemblée générale de la nation, puisqu'il notifie le fait universis Gothis.

[75] Lex Wisigothorum, V, 7, 19 : Non levi culpa constringitur qui, si ex palatino officio fuerit, ad novi Principis præsentiam venire distulerit... qui minime regis obtutibus se præsentandum injecerit.

[76] Paul Diacre, Historia Langobardorum, III, 54.

[77] Cassiodore, Lettres, VIII, 2 : Tot proceres manu consilioque gloriosi nullum murmur miscuerunt, sed cum magno gaudio secuti sunt principis sui judicia... ut voluntatem suam juris etiam jurandi religione firmarent.

[78] Lettre d'Athalaric au peuple romain, dans Cassiodore, VIII, 5 ; autre lettre, universis Romanis per ltaliam constitutis, ibid., VIII, 4 ; autre lettre, universis Gothis per ltaliam constitutis, ibid., VIII, 5.

[79] Liber Pontificalis, édit. de l'abbé Duchesne, p. 551 et 408.

[80] Lex Wisigothorum, V, 7, 19 : Non levi culpa constringitur... si jurasse differat. Si quis ingenuorum, dum discussor juramenti in territorio illo accesserit, se fraudulenter distulerit in eo ut se pro fide regia conservanda juramenti se vinculo alliget, quidquid de co vel de suis rebus principalis auctoritas facere voluerit, sui sit arbitrii.