L'INVASION GERMANIQUE - LE ROYAUME DES FRANCS

LIVRE QUATRIÈME. — LE ROYAUME DES FRANCS

 

CHAPITRE V. — LE DROIT DE PROPRIÉTÉ ; L'ALLEU.

 

 

Nous avons montré plus haut que l'empire romain, loin d'amoindrir le droit de propriété privée, l'avait au contraire affermi et consacré ; il en avait fait l'institution la plus solide qu'il y eût alors dans la société.

Ce droit de propriété que l'empire romain léguait à l'Europe du moyen âge avait deux traits caractéristiques qu'il importe de constater ici, afin de voir si nous les retrouverons dans les âges suivants. En premier lieu, la terre possédée en propre était héréditaire de plein droit ; elle était transmissible par vente, par legs, par donation. En second lieu, elle n'était soumise à aucun domaine éminent ; elle payait l'impôt public, mais elle n'était sujette à aucune redevance d'un caractère privé ; elle ne devait ni foi ni service à personne.

Le propriétaire était donc sur sa terre un maître absolu, dominus ; il pouvait disposer d'elle avec une liberté complète. Suivant la définition des jurisconsultes romains, la propriété était le plein pouvoir de l'homme sur la chose, plena in re potestas.

L'établissement d'une population germanique en Gaule n'était pas de nature à faire disparaître ou à altérer profondément ce droit de propriété sur le sol. Les nouveaux venus n'avaient jamais été des nomades. S'ils avaient quitté la Germanie, c'est parce qu'ils en étaient chassés ou qu'ils n'y trouvaient pas les moyens de vivre. Beaucoup d'entre eux s'étaient mis au service de l'empire pour obtenir les champs létiques que l'empire leur offrait en guise de solde. Ils avaient au plus haut degré le goût de la propriété foncière. L'or des Gallo-Romains les tentait, leur sol bien plus encore. Loin qu'ils se présentassent en ennemis de l'agriculture et de la propriété, ils étaient tourmentés du désir de devenir propriétaires et agriculteurs.

Aussi ne voit-on pas qu'ils aient eu même la pensée de mettre les champs de la Gaule en commun[1]. L'ambition de chacun d'eux fut d'acquérir par quelque moyen une part du sol et d'en faire sa propriété privée. Quelques-uns prirent les terres vacantes ; d'autres en achetèrent avec l'argent du butin ; la plupart d'entre eux s'adressèrent à leurs chefs qui avaient en mains l'immense domaine du fisc impérial et qui en distribuèrent des parts à leurs soldats et à leurs serviteurs. Les rois burgondes et wisigoths rappellent dans leurs lois qu'ils donnèrent ainsi beaucoup de terres, et ils indiquent clairement qu'ils les donnèrent en toute propriété et à titre héréditaire. Que les rois francs aient fait de même, c'est ce qui est attesté par leurs diplômes et par plu sieurs testaments du septième siècle.

Les Germains n'ont donc pas recherché d'abord la possession bénéficiaire ; ils ont aspiré à la vraie et complète propriété, telle qu'ils la voyaient établie chez les Gallo-Romains. Beaucoup d'entre eux se sont répandus sur le territoire et y sont devenus propriétaires[2]. Grégoire de Tours en cite plusieurs sur le territoire de son diocèse. Les formules rédigées dans l'Anjou montrent qu'il y avait au sixième siècle des Francs qui étaient propriétaires en ce pays ; on en trouvait aussi dans le pays de Bourges. Dans les actes de vente ou de testament, nous pouvons voir que ces hommes vendaient, donnaient, léguaient, échangeaient leurs terres. Il n'est donc pas douteux qu'ils n'aient exercé sur elles un droit de propriété aussi complet que celui qui était consacré par les lois romaines.

Observons les codes qui furent écrits par les Francs ; ils nous présentent l'image, non d'un peuple de guerriers, mais d'un peuple de propriétaires. Ils ne sont pas faits pour une troupe vivant en commun, mais pour une société où l'individu vit et possède isolément[3]. Riche ou pauvre, chacun a sa maison, son champ qui est bien à lui, sa haie qui enclot son champ, la limite inviolable qui enserre sa propriété[4]. Si la terre était en commun, les lois ne régleraient que des partages de jouissance ; ce qu'elles constituent, au contraire, c'est toujours la propriété individuelle ; ce qu'elles protègent et garantissent, c'est le patrimoine.

Il est surtout digne de remarque que les lois germaniques ne contiennent aucune disposition qui soit relative au bénéfice. Ce n'est pas que ce mode de possession ne fût déjà en usage à l'époque où elles ont été rédigées ; mais elles n'en tiennent aucun compte, elles ne lui accordent aucune protection, elles le laissent en dehors du droit. Elles n'admettent et ne paraissent connaître que la propriété pleine, absolue, sans conditions et sans dépendance, celle qui est transmissible par héritage et par vente, celle enfin que les Germains trouvaient établie dans les lois de la population indigène.

Si nous nous plaçons vers le milieu de la période mérovingienne, c'est-à-dire au septième siècle, et si nous consultons les chartes, les diplômes, les actes de testament ou de donation, les formules, enfin tout ce qui marque en traits précis la manière dont les intérêts Sont constitués dans une société, nous y voyons que le droit de propriété individuelle a traversé sans aucune atteinte la crise des invasions germaniques. Du quatrième au septième siècle, il a conservé ses caractères essentiels. Les deux populations le comprenaient et le pratiquaient de la même manière. Aucun des codes qui furent rédigés pendant celle époque n'indique une différence entre la manière de posséder du Germain et la manière de posséder du Gaulois.

On a les formules de vente des biens fonciers ; elles sont conçues ainsi : Je vous vends ce domaine qui est ma propriété, qui est de mon droit, rem proprietatis meæ, villam juris mei, et que je liens d'héritage de mes parents, ou que j'ai acheté ; il comprend terres, champs, vignes, prés, forêts, eaux courantes ; je vous le vends sans nulle réserve ; je le transporte de mon droit au vôtre, de ma propriété et puissance en votre puissance et propriété, de telle sorte que vous ayez plein pouvoir d'en disposer à votre gré, et que vous le laissiez à vos descendants ou à ceux que vous choisirez pour héritiers[5].

On a d'autres formules où l'on voit des frères se partager l'héritage paternel. On en a où le père règle à l'avance sa succession. Dans quelques-unes le testateur, qui est un Gaulois, cite la loi romaine ; dans d'autres le testateur est un Franc et il allègue la loi salique. Dans toutes également la propriété se présente comme incontestablement héréditaire[6].

Il y a aussi des formules de donation ; les unes sont rédigées manifestement par des Gallo-Romains ; d'autres le sont par des Francs, comme l'acte de 570 où la donatrice est une fille de Clovis[7]. Partout il est fait mention de terres qui sont possédées en propre et avec un droit absolu. Que la donation soit faite par un Gaulois ou par un Germain, la formule, à deux ou trois mots près, est la même. L'un et l'autre disent : Je donne à perpétuité celte terre qui me vient d'héritage ou d'acquêt ; j'entends que vous la possédiez avec le plein droit de propriété et que vos héritiers l'aient après vous ; elle sera désormais en votre droit et puissance ; vous pourrez la vendre, la donner, la léguer, faire d'elle tout ce qu'il vous plaira d'en faire. Ces formules étaient écrites ou prononcées, ici par des hommes qui invoquaient la loi romaine, là par des hommes qui citaient la loi salique ; les effets marqués dans les actes étaient toujours les mêmes.

Pour le Franc comme pour le Gaulois, la propriété était individuelle, transmissible, héréditaire ; elle était en même temps indépendante, libre de tout service, de toute obligation, de toute foi, de toute redevance. Le pouvoir du propriétaire sur le sol était absolu ; c'était la plena in re potestas dont parlaient déjà les jurisconsultes romains. Ainsi, entre les deux époques, à travers l'invasion germanique, la tradition de la propriété privée n'avait pas été interrompue. Telle elle avait été sous l'empire, telle nous la retrouvons dans le droit et dans la pratique de la société mérovingienne.

Les forêts, les pâturages, les cours d'eau eux-mêmes étaient, comme sous l'empire, susceptibles d'être possédés en propre[8].

Dans la langue du sixième et du septième siècle, plusieurs mots également expressifs désignaient cette pleine et absolue propriété. En général, on garda les noms de la langue latine, ainsi qu'il était naturel pour désigner une institution que les nouveaux venus trouvaient en vigueur chez les populations gallo-romaines. Dans les chartes, dans les formules et les actes législatifs, la propriété est presque toujours appelée proprietas, potestas, dominatio (l'ancien mot dominium)[9] ; ces trois expressions sont toutes romaines et appartiennent à la langue du droit romain. Les lois des Francs désignent la terre possédée en propre par les expressions toutes latines de hereditas ou terra aviatica[10]. Les Burgondes et les Wisigoths, qui écrivent aussi en latin, se servent du mot sors qui était un des mots que la langue latine employait depuis longtemps pour désigner la propriété[11].

La langue germanique avait aussi des termes pour désigner le sol qui était devenu propriété privée. Elle l'appelait terre salique. Cette expression ne signifiait pas terre du Franc Salien, car elle était autant en usage chez les Ripuaires, chez les Alamans, chez les Bavarois et les Saxons, que chez les Francs[12]. Tous ces peuples appelaient terre salique la terre qui était possédée en propre et héréditairement[13]. Le mot se retrouve même dans la langue germanique du moyen âge, sous les formes de sal-gut ou sal-land, avec la même signification.

Les Anglo-Saxons appelaient cette propriété boc-land. L'un des termes les plus usités chez les populations gallo-franques, était celui de alode ; ce mot qui en s'altérant est devenu alleu, est celui qui dans toute l'histoire de France jusqu'en 1789, a désigné la vraie propriété foncière.

Le mot alleu fait d'abord illusion. Comme il ne se montre à nous qu'à partir du sixième siècle, on est porté à croire que l'objet qu'il exprime ne date aussi que de celte époque. Comme d'ailleurs on ne le rencontre qu'après l'invasion germanique, il semble à première vue qu'il désigne une chose purement et exclusivement germaine. Si l'on se reporte aux documents, on s'aperçoit qu'il n'avait pas d'autre sens que celui d'héritage ou de propriété patrimoniale. Dans les codes des Francs, les mots alodis et hereditas sont synonymes[14]. Dans la loi des Bavarois, l'alleu est la propriété, c'est-à-dire la terre qu'on a reçue de ses ancêtres. Nous lisons dans un cartulaire : Cette terre est ma propriété héréditaire, c'est-à-dire mon alleu. Un ancien chroniqueur s'exprime ainsi : L'héritage paternel que les gens de notre pays appellent alleu ou patrimoine[15]. Un évêque écrit dans son testament : Je lègue cette terre qui m'est échue par alleu de mes parents. Rien n'est plus fréquent que de rencontrer cette expression : je tiens telle terre par alleu ; cela veut dire qu'on la tient d'héritage[16].

On a fait beaucoup d'efforts pour trouver l'origine de ce mot, afin de préjuger par là si l'institution qu'il désigne est romaine ou germanique, comme si le droit de propriété appartenait à une race plutôt qu'à l'autre. Les uns l'ont rattaché à la langue latine, les autres au celtique ; d'autres, avec plus de vraisemblance, le font dériver de radicaux germains. Quoi qu'il en soit de ces conjectures étymologiques, ce que l'on peut dire avec certitude, c'est que le mot alode ou alleu ne se trouve jamais dans les langues germaniques, qu'il ne se lit que dans des textes écrits en latin ; que, s'il se rencontré dans quelques-uns des codes des Germains, ce n'est que dans ceux qui ont été rédigés par l'ordre de princes qui régnaient en Gaule ; que c'est surtout dans ce pays qu'il a été usité ; qu'il a même été plus fréquemment employé dans l'Ouest, le centre et le Sud de la Gaule que dans le Nord et dans l'Est ; qu'on ne le trouve jamais dans la vallée de l'Elbe ; qu'on le rencontre quelquefois sur les bords du Rhin, plus souvent dans les pays de Tours, d'Angers, de Nantes, de Saintes, dans l'Ile-de-France et dans le Ponthieu, dans l'Auvergne, le Dauphiné et la Provence, dans le Languedoc et l'Aquitaine, et qu'il devient ainsi plus fréquent à mesure qu'on s'éloigne de la Germanie[17].

On peut observer encore que ce mot n'était pas particulier à la race franque ; beaucoup de chartes ou d'actes rédigés par des Francs désignent le patrimoine par le mot hereditas, tandis que d'autres actes, qui ont été rédigés par des Gallo-Romains et où les lois romaines sont citées, emploient le mot alodis[18].

Plusieurs formules qui ont été employées dans l'Anjou au commencement du sixième siècle, fort peu de temps après l'établissement de quelques Germains dans l'Ouest, montrent que ce mot était déjà d'un usage ancien el vulgaire dans les pays d'Anjou et de Touraine[19] ; elles ne laissent voir à aucun signe que ni le mot ni la chose fût une nouveauté ou une importation étrangère. Tous les termes qui composent ces formules appartiennent à la langue latine. Les hommes qui les écrivaient étaient certainement habitués à parler et à écrire en latin ; c'étaient des praticiens ; ils pesaient les mots et étaient attentifs à repousser ce qui eût été nouveau ou d'une interprétation difficile. Or aucun de ces hommes ne nous avertit que le mot alode n'appartienne pas à sa langue habituelle ou qu'il soit en dehors des traditions de la pratique. Ils disent indifféremment héritage, alode, propriété, comme si les trois termes, exactement synonymes, étaient d'un égal usage et faisaient partie du même idiome.

La nature de l'alleu apparaît dans les documents d'une manière bien nette. L'alleu n'était pas une terre ; il était le droit en vertu duquel on possédait la terre[20]. Ce droit n'était ni affecte à une classe particulière de personnes ni réservé aux hommes de race germanique. Il était aussi souvent dans les mains d'un Gaulois que dans celles d'un Franc. Quiconque avait le droit de propriété avait aussi l'alleu, car l'alleu et la propriété étaient une seule et même chose.

La terre allodiale n'était pas spécialement celle du guerrier ; on ne disait jamais qu'elle fût acquise par l'épée ; aucune expression de ce genre ne se rencontre dans les documents. Nous ne voyons jamais non plus qu'il s'y attachât l'idée d'une conquête. Les chartes et les actes nous disent tous que la seule origine de l'alleu était l'héritage.

L'alleu ne constituait aucun privilège ; nulle pensée de noblesse ne s'y ajoutait. Il n'était pas autre chose, au septième siècle, qu'un bien foncier, une part de sol sur laquelle l'individu humain exerçait un droit complet de propriété. Il pouvait appartenir aussi bien à un ecclésiastique qu'à un laïque, à un laboureur qu'à un soldat, à un pauvre qu'à un riche. On le rencontrait même dans les mains des femmes[21]. Nulle classe, nulle race, aucun sexe n'était exclu de cette possession.

Il ne faut pas d'ailleurs nous faire de l'alleu de ces temps-là l'idée qu'on s'en est faite plus tard. Au milieu de la féodalité, l'alleu apparaîtra comme une sorte d'exception rare et singulière ; on se le représentera comme une terre indépendante de toute espèce d'autorité, exemple d'impôts, franche de toute puissance publique ; on dira de lui qu'il est tenu de Dieu. Ces traits ne conviennent pas à l'alleu des premiers siècles du moyen âge. Il n'est pas encore une exception ; toute terre peut être possédée en alleu. Les documents marquent qu'il est exempt de toute redevance ayant un caractère privé, mais ils ne disent jamais qu'il soit exempt d'impôts ni indépendant des pouvoirs publics.

L'alleu du septième siècle a invariablement ces deux caractères essentiels : premièrement, il est héréditaire, transmissible à volonté, susceptible d'être donné, vendu, légué ; deuxièmement, il ne doit ni rente, ni service d'aucune sorte à un particulier, et n'est soumis à aucun domaine éminent[22].

C'est exactement sous les mêmes traits que la propriété nous était apparue dans les codes romains. Que l'on compare les formules et, les actes de l'époque mérovingienne au Digeste et aux codes impériaux, on reconnaîtra que tous les attributs de la propriété romaine se retrouvent dans l'alleu, et l'on reconnaîtra aussi que l'alleu n'a aucun attribut qui ne fût déjà dans la propriété romaine.

C'est à dessein que nous ne parlons pas ici du bénéfice. Ce mode de possession du sol appartient à un ordre d'institutions que nous décrirons plus loin. Durant l'époque dont nous nous occupons en ce moment, le bénéfice n'existait, pour ainsi dire, qu'à l'état de germe ; il était l'exception et l'alleu était la règle. Deux siècles plus tard le bénéfice dominera et l'alleu sera devenu l'exception. La société se trouvera alors transformée.

 

 

 



[1] Il n'y a pas un mot dans les documents qui indique que les nouveaux venus aient pratiqué, un seul jour, le régime de la communauté ou celui du partage périodique. Les mots sors et consortes que l'on rencontre dans les textes étaient en usage depuis plusieurs siècles dans la langue de l'empire, et ne peuvent être par conséquent une allusion à des usages propres à celle génération de Germains.

[2] On représente quelquefois les Francs vivant en troupes et à l'étal de guerriers ; c'est une pure conjecture, et les textes ne la confirment pas. Les chroniqueurs ne mentionnent nulle part une garnison franque.

[3] La distinction du tien et du mien est aussi nette que possible. Si quis in horto alieno... Si quis in vinea aliéna... in campo alieno... in silva alterius. (Loi salique, 8, 26, 27.) — La loi ripuaire mentionne les actes authentiques de propriété : Si quis villam aut vineam comparavit et teslamentum accipere non potuerit (tit. LX).

[4] Loi salique, tit. XXXVI, De sepibus. — Loi des Bavarois, XVII : Per quatuor angulos campi aut designatis TERMINIS. — XI : Si quis LIMITES complanaverit aut TERMINOS fixos fuerit ausus divellere. — Loi des Burgondes, LV : TERMINUM si evellere prœsumpserit. — Dans les documents du sixième siècle, le mot marca ne se présente pas avec l'idée de terre indivise qu'on lui a parfois attribuée ; il signifie limite, soit limite d'un État, soit limite d'une propriété privée ; foras terminum id est foras marcam ; quoties de commarcanis contentio nascilur, ubi evidentia signa non apparent (Loi des Bavarois, XII, 9 ; XI, 5). C'est en ce sens que la loi des Ripuaires, tit. LX, après avoir parlé de la terminatio interdit de franchir la limite et d'entrer sur la propriété d'autrui : Si quis extra MARCAM in SORTEM alterius fuerit ingressus.

[5] Formules, éd. E. de Rozière, n° 267, 268, 272, 277, 278.

[6] Comparer les formules 128,129, 150, où la loi romaine est invoquée, aux formules 155, 156, 157, secundum legem salicam. Dans les unes comme dans les autres on lit : Jure proprietario habeas, heredes accipiant, in hereditate succedas, etc.

[7] Comparer les formules 197, 219, 221, 226, où est cité le code Théodosien, aux formules 154, 228, 229, 250, 251, qui citent la loi salique. Cf. Diplomata, n° 177.

[8] Formules, n° 219, 251 : Dono cum terris, silvis, aquis aquarumque decursibus. — Loi salique, VIII : Si quis in silva alterius. — Edictum Clotarii, 21 : In silvas privalorum absque voluntate possessoris ingredi non prœsumant.

[9] Formules, n° 155, 159, 160, 164, 165, 219, 257.

[10] Loi salique, tit. LIX. — Ibid. (texte Hérold), tit. LXXII : Si quis avitam terrain suam. — Loi des Ripuaires, LVI. — Decretio Childeberti.

[11] Loi des Burgondes, LXXVIII : De HEREDITATUM divisione... Si quis SORTEM suam diviserit. — XIV : HEREDITAS, id est, terra quam pater SORTIS JURE accepit. — I : Terra SORTIS TITULO acquisita. — Loi des Ripuaires, LX : Si quis in SORTEM alterius fuerit ingressus. — Loi salique, Addit. (Pertz, t. II, p. 12) : In ipsam mansionem et SORTEM. — Loi des Wisigoths, X, 2 : SORTES romance et gothicœ. — VIII, 8, 5 : SORTEM suam claudere. — X, 1, 7 : Si vineam in aliena terra quis plantaverit in qua SORTEM non habet. — Dans tous ces textes la seule idée qui s'attache au mot SORS est celle de propriété ou de patrimoine.

[12] Voyez Guérard, Polyptyque d'Irminon, prolég., p. 491.

[13] Terra salica équivaut à terra paterna. La formule 156 rappelle le texte de la loi salique qui exclut les femmes de la succession ; or, au lieu de dire terra salica, elle dit terra paterna.

[14] Les titres LXII de la loi salique et LV de la loi ripuaire sont intitulés De alode et dans les divers articles le mot alode est remplacé par hereditas. — Alodis se retrouve avec le sens manifeste d'héritage dans le Capitul. add. ad legem salicam (Pertz, t. II, p. 6) et dans les Formules, 124, 253, 557. Dans la formule 248 le même héritage est appelé tour à tour alodis et hereditas.

[15] Terra quam antecessores mihi in alodem reliquerunt. (Loi des Bavarois, XVII, 2.) — Prœdium meœ possessionis hereditariœ, id est alodum meum. (Charta ann. 850, dans Ducange, v° Alodium.) — Paterna hereditas quam nostrates alodium vel patrimonium vocant. (Ibidem.)

[16] Aussi l'alleu s'oppose-t-il souvent à l'acquêt : Tam de alode quam de comparato (Formules, 150, 156).

[17] Le mot alodis se trouve dans les Formules d'Anjou, n° 1, 2, 4, 40 ; dans une formule rédigée en Auvergne secundum legem, romanam (Rozière, n° 64) ; dans un recueil de formules d'Auvergne qui sont manifestement écrites par des Gallo-Romains (n° 165) ; dans un acte relatif à des propriétés situées dans le pays de Bourges et qui est rédigé secundum jus prœtorium (n° 221) ; dans un cartulaire de Saintes ; dans une charte rédigée en Touraine ; dans une charte d'un duc de Provence ; dans des chartes du Vendômois et du Dauphiné (voyez Ducange).

[18] La charte de Théodéchilde, fille de Clovis (Diplomata, n° 177) emploie les mots proprietas et hereditas ; il en est de même des formules 229 et 250, dans lesquelles pourtant la loi salique est alléguée ; tandis que les formules 150 ; 219, 260, où est cité le code Théodosien, disent ex alode. Observons encore que l'Église, qui était fidèle à la vieille langue, se servait dans ses actes du mot alodis (Formule 527).

[19] La formule 260 appartient à l'Anjou et se rapporte à un acte passé, l'an 550, devant la Curie, en présence du defensor et des principales ; elle est toute romaine ; on y lit : Ex alote parentum meorum.

[20] Au sens littéral, alodis était l'héritage, allodium la terre possédée par héritage.

[21] Ex alode genitricis meœ. (Formule 337.)

[22] Est naturaliter alodium AB ANTIQUO nullam. omnino cuiquam reddens consuetudinem et a progenitoribus jure hereditario contingens. — Quod alodium pater ejus et prœdecessores absque ullo servitio jure hereditario possederunt. (Chartes de 1077 et 1078, citées par Ducange.)