L'INVASION GERMANIQUE - LE ROYAUME DES FRANCS

LIVRE QUATRIÈME. — LE ROYAUME DES FRANCS

 

CHAPITRE PREMIER. — DU POUVOIR MONARCHIQUE SOUS LES MÉROVINGIENS.

 

 

La famille mérovingienne, devenue maîtresse de la Gaule, ne songea pas à détruire les institutions politiques qu'elle y trouvait établies. Elle prétendit, au contraire, gouverner à la manière romaine et continuer l'empire.

Si nous voulons nous faire une idée exacte de ces princes, il faut nous représenter des hommes qui parlent le latin, qui s'habillent à la romaine, qui s'amusent à écrire en latin, qui se plaisent surtout à siéger sur leur prétoire à la façon des empereurs, et à y dicter des arrêts[1]. En conservant le titre de roi des Francs, ils y ajoutent volontiers les titres tout romains de prince, de patrice et d'homme illustre[2].

Ils prennent les insignes impériaux, la couronne d'or, le trône d'or, le sceptre, la chlamyde et la tunique de pourpre[3]. Leurs images les représentent en costume d'empereurs romains et en robe consulaire[4].

Ils ont une cour qu'ils appellent, comme les empereurs, le palais sacré[5]. On leur voit une suite de dignitaires et de courtisans qui s'appellent comtes, domestiques, chanceliers, référendaires, camériers[6]. Tous ces noms sont romains ; toutes ces dignités sont passées du palais des empereurs dans le palais des rois francs. Les hommes des plus grandes familles, Francs ou Gaulois indifféremment, se pressent à cette cour ; rangés autour du prince, ils attendent ses ordres ; ils lui font cortège dans les cérémonies ; ils le suivent dans ses chasses et dans ses fêtes[7]. Les enfants de la plus haute naissance forment une sorte d'école de pages où ils apprennent à servir[8]. Cette vie de cour est large et brillante ; il ne faut pas se figurer ces rois vivant dans des fermes de paysans grossièrement construites ; ils ont à leur disposition les nombreux palais qui avaient été construits au siècle précédent pour l'usage des empereurs ou de leurs fonctionnaires.

C'est en effet sous l'aspect d'empereurs que ces rois se présentaient aux yeux des contemporains. Ils appelaient les hommes, sans distinction de race, du nom de sujets, subjecti. Ceux-ci à leur tour, et encore sans distinction de race, les appelaient du nom de maître, dominus[9]. On leur disait : Votre Excellence, Votre Magnificence, Votre Sublimité, Votre Gloire. Ils laissèrent quelque temps le titre de Majesté aux empereurs de Constantinople, mais ils finirent par le prendre aussi[10].

Si grande qu'eût été la servilité sous les empereurs, elle fit encore des progrès sous les mérovingiens. La sujétion à leur égard s'exprimait par le terme qui désignait l'état de servitude, servire. Les plus grands leur disaient : nous sommes vos esclaves, sumus vestri servi[11].

Ces rois prenaient en tout les empereurs pour modèles. Dans leurs ordonnances et dans leurs moindres diplômes, ils copiaient la phraséologie pompeuse de l'empire. C'était le même langage, les mêmes formules ampoulées, le même étalage des vertus officielles. On croirait encore entendre les empereurs.

Comme les princes qui régnaient à Constantinople, ils prononçaient qu'ils tenaient leur pouvoir de Dieu : C'est le roi des cieux, dit Gontran dans une ordonnance, qui nous a confié l'autorité. — Nul n'ignore, dit Dagobert, que les peuples ont été mis en notre pouvoir par la bonté de Dieu[12].

Aussi cette royauté n'était-elle pas élective. Quelques historiens ont professé que le droit public des Francs prescrivait que le roi fût élu par le peuple ; mais cette assertion ne s'appuie sur aucun fait, sur aucun document de cette époque. Les fils de Clovis lui succédèrent sans qu'il y eût même une apparence d'élection, et il en fut ainsi durant un siècle et demi. On vit des rois qui furent renversés et d'autres qui furent mis à leur place par un parti vainqueur ; mais on ne vit jamais d'élection régulière[13]. Le principe d'hérédité était universellement admis. La royauté était considérée comme un patrimoine. A défaut de fils, Gontran la lègue à son neveu : Tu seras, lui dit-il, mon héritier dans la possession du royaume ; puis, s'adressant aux guerriers, il leur dit : Voici le roi auquel vous devrez obéir[14]. L'enfant mineur était légitimement roi à la mort de son père. Au début de chaque règne il y avait une réunion des principaux sujets, non pas pour délibérer sur un choix à faire, mais pour acclamer le nouveau roi, n'eût-il que cinq ans comme Childebert, n'eût-il que quatre mois comme Clotaire II[15].

La royauté se partageait comme tout autre patrimoine. Les enfants, du vivant même de leur père, prenaient le titre de roi, et les filles celui dé reine[16]. Un pape de ce temps-là écrivait que chez les Francs aussi bien que chez les Perses, on était roi par droit de naissance[17].

Dans cette époque troublée il se présentait parfois des prétendants ; ils appuyaient toujours leurs prétentions sur le principe d'hérédité. Gondovald qui disputait le trône aux petits-fils de Clovis, n'alléguait pas le droit populaire ; il ne disait pas : Les Francs peuvent me choisir pour roi s'ils le veulent. Il disait : Je suis roi aussi bien que vous, parce que j'appartiens comme vous à la famille mérovingienne[18].

Quand on observe la conduite, le langage, les pensées des hommes de cette époque, on ne voit à aucun signe qu'ils considérassent l'autorité royale comme un pouvoir émanant du peuple ; ils la concevaient au contraire comme un pouvoir qui s'imposait au peuple. Les guerriers francs disent à Clovis : Nous sommes sous le joug de ta domination ; tu peux faire ce qu'il le plaît, et nul de nous ne peut résister à ta puissance[19].

Plaçons-nous par la pensée dans cet espace d'un siècle et demi qui s'étend du règne de Clovis à celui de Clotaire II. Les documents de cette époque sont nombreux et authentiques ; ils marquent en traits précis les habitudes de la vie publique et privée. Nous n'y voyons jamais que la nation possédât des droits politiques ; nous n'y voyons même pas que la pensée des droits politiques fût dans les esprits. Il n'y a pas d'indice qu'il se soit tenu, durant cette période, une seule assemblée nationale. Les champs de Mars, dont il est parlé, n'étaient pas alors des assemblées politiques. Clovis, dit Grégoire de Tours, ordonna à toute sa troupe de se réunir en champ de mars pour montrer si ses armes étaient en bon état[20]. Voir ici une réunion de citoyens serait une étrange erreur ; il ne s'agit que d'une revue de soldats. Que s'y passe-t-il en effet ? Une seule chose : le chef, en parcourant les rangs, voit un guerrier dont les armes sont mal entretenues ; il le frappe de sa hache, et aucune protestation ne s'élève contre cet acte de commandement.

Jamais les chroniqueurs ne nous montrent, à cette époque, un peuple délibérant[21]. Les décisions des rois, leurs guerres, leurs traités, ne sont jamais soumis à l'approbation d'une assemblée nationale[22]. Maintes fois un roi mérovingien entreprend une guerre, soit contre un peuple étranger, soit contre un de ses frères ; quelquefois il consulte les guerriers[23] ; jamais il ne consulte une nation. Voici presque toujours ce qui se passe : dès que le roi a décidé la guerre, il adresse à ses fonctionnaires dans les provinces l'ordre de réunir l'armée, et celle-ci se met aussitôt en marche dans la direction indiquée[24].

Nous verrons plus loin qu'il y a eu des assemblées politiques ; mais elles ne commencent que plus de cent années après la mort de Clovis. Elles ne sont pas d'ailleurs des assemblées vraiment nationales, et elles ne dérivent pas non plus d'un principe de liberté publique ; elles font partie d'un système d'institutions dont nous parlerons ailleurs.

Les rois mérovingiens sont des rois absolus. Ils ont, aussi bien que les empereurs, le droit de faire des ordonnances. Ils appellent ces ordonnances des mêmes noms qui étaient usités sous l'empire, constitutio ou decretum, et ils les rédigent suivant le formulaire de la chancellerie impériale[25]. Ils disent : nous ordonnons, nous prescrivons. Ils donnent dans des considérants le motif qui les détermine ; ce motif n'est jamais la volonté nationale, c'est leur mission de roi, ou c'est le désir de complaire à la volonté de Dieu[26]. On a des ordonnances de Childebert, de Clotaire, de Gontran ; aucune d'elles ne porte qu'elle ait été soumise à la discussion d'une assemblée nationale ; elles émanent manifestement du roi seul. Un décret de Childebert marque qu'il a été rédigé par le roi de concert avec ses grands, ses leudes. Mais les grands ne sont, à cette époque, que les fonctionnaires royaux ; et ceux qu'on appelle les leudes du roi sont des hommes qui sont placés dans sa dépendance personnelle. Il s'en faut de tout que ces grands et ces leudes soient les représentants d'une nation et qu'ils forment un corps politique en face du roi[27].

Nous avons les codes des Francs ; ce sont les rois qui les ont fait rédiger. Il est vrai que la loi salique garde dans son prologue la trace d'une législation primitive qui aurait été l'œuvre d'hommes choisis dans la population ; mais on ajoute que les rois Clovis, Childebert et Clotaire ont modifié le code, qu'ils l'ont corrigé. Quant à la loi des Ripuaires ; elle est manifestement l'œuvre des rois seuls ; c'est Thierri qui en a désigné les premiers rédacteurs et qui l'a fait écrire sous sa dictée. La seconde rédaction en a été faite sur l'ordre de Dagobert par quatre fonctionnaires royaux (viri illustres) ; rien n'indique que la population franque ait été consultée[28].

Aussi ces codes sont-ils fort loin de nous présenter l'image d'un peuple libre. On n'y trouve pas la moindre allusion à des droits politiques. La royauté s'y montre au contraire avec toute l'autorité et toutes les prétentions qu'avait eues autrefois la monarchie impériale. Le roi y est appelé maître[29]. Tout ce qui approche du roi est privilégié ; le fidèle du roi a une valeur triple de celle de l'homme libre ; l'esclave qui appartient au roi vaut aussi trois fois plus que l'esclave ordinaire ; le vol des bœufs du roi est puni plus sévèrement que s'il s'agit des bœufs d'un sujet. La loi des Ripuaires prononce que l'homme qui refuse d'obéir à un ordre quelconque du roi, sera frappé d'une amende de soixante pièces d'or. Celui qui est infidèle au roi est puni de mort et ses biens sont confisqués[30]. On reconnaît à ces traits la monarchie la plus absolue et l'absence la plus complète de liberté publique. Le code des Bavarois, qui a été rédigé par les rois francs, contient un article sur le crime de lèse-majesté. Les Germains accordaient à leur chef le droit d'assassiner impunément. Nous lisons : Celui qui aura tué un homme par ordre du roi ne pourra pas être poursuivi pour ce meurtre, car il n'a fait qu'obéir au commandement de celui qui est son maître et à qui il ne peut rien refuser[31]. On chercherait en vain dans les lois barbares une garantie contre les actes arbitraires des rois.

Il faut surtout remarquer que dans leurs ordonnances les rois mérovingiens s'adressent à tous leurs sujets sans distinction de race ; ils ne laissent voir à aucun signe que leur autorité soit moindre à l'égard des Francs qu'à l'égard des Gaulois. Il n'y a pas un seul texte qui permette de penser que, légalement, l'obéissance des uns fût moins complète que celle des autres[32].

On n'est pas surpris de voir que la population gallo-romaine ait accepté ce pouvoir absolu des rois. Elle trouvait de grands avantages à ce que ses nouveaux maîtres adoptassent la façon de gouverner à laquelle elle était accoutumée. Quant aux Francs, on est d'abord porté à penser qu'ils auraient dû voir avec chagrin ces tentatives monarchiques. Pourtant la lecture des écrits de cette époque ne marque pas qu'ils se soient mis en état d'hostilité contre ce régime. Loin de protester contre la création d'une cour, ils en briguèrent les titres ; ils disputèrent aux Gallo-Romains les dignités de comte du palais, de domestique, de référendaire, de cubiculaire. Au lieu de s'opposer à l'établissement d'une administration, ils en recherchèrent les emplois et les profits. Les chroniqueurs nous mettent souvent sous les yeux leur conduite et leur langage ; nous ne voyons jamais qu'ils réclament l'exercice de droits politiques ou le retour à de vieilles libertés.

Il est vrai que ces chroniqueurs racontent souvent des actes d'insubordination. Tantôt c'est la population d'une ville qui s'insurge pour ne pas payer d'impôts, tantôt c'est l'armée qui se soulève contre des rois qui ne lui procurent pas assez de butin[33]. Ces émeutes et cette indiscipline n'ont rien de commun avec la liberté ; elles en attestent plutôt l'absence. Si ces hommes avaient possédé des institutions libres, s'ils avaient eu des assemblées nationales, s'ils avaient voté leurs impôts et décidé leurs guerres, ils n'auraient pas eu lieu de s'insurger. On voit bien que les guerriers francs savent mal obéir, on ne voit pas qu'ils sachent être libres. Ils n'ont aucune institution régulière qui assure leurs droits. Ils ne connaissent d'autre contre-poids à l'omnipotence royale que la révolte et l'assassinat. Un d'eux dit au roi Gontran : Nous savons où est la hache encore fraîchement affilée qui a tranché la tête de tes frères ; elle te fera bientôt sauter la cervelle. Aussi ce prince avait-il soin qu'aucun homme portant une arme ne pût approcher de lui. Les chroniqueurs ne nous montrent jamais ce roi Gontran en présence d'une assemblée délibérante ; mais, un jour qu'il se trouve dans une église, il s'adresse tout à coup à la foule des fidèles en prière : Je vous conjure, s'écrie-t-il, hommes et femmes ici présents, de ne pas m'assassiner comme vous avez assassiné mes frères[34].

 

 

 



[1] Voyez Grégoire de Tours, passim, et les poésies de Fortunatus. Ce poète-évêque nous met sous les yeux les usages, les mœurs, les caractères qu'il avait autour de lui.

[2] La charte la plus authentique qu'on ait de Clovis porte : Chlodoveus, rex Francorum, vir illuster. Plusieurs chartes de Childebert, de Clotaire Ier, de Théodebert, et les formules de Marculfe contiennent aussi la double dénomination. On rencontre quelquefois le titre tout romain de princeps. (Diplomata, n° 354.)

[3] Grégoire de Tours, II, 58 ; III, 24 ; Gesta Dagoberti, 59. — Fortunatus, Vita S. Radegundis, 13.

[4] Voyez Montfaucon, Monum. de la monarchie française, I, p. 52.

[5] L'expression sacrum palatium se trouve dans un acte de 665 ; sacratissimus fiscus, dans deux actes de 677 et de 700. Le trésor royal est appelé sacellum publicum dans un diplôme de 705.

[6] Aulici regii. (Grégoire de Tours, V, 55 ; X, 29.) — Proceres aulici. (Frédég., 36.) — Militia palatina. (Vita S. Valentini.) — Refergidarii, domestici, cubicularii. (Formules, n° 442.) — Regalis aulœ domesticus. (Vita S. Germain, 61.) — Domestici et comites. (Grégoire de Tours, IX, 19 ; X, 28.) — Per domesticos servientes et proceres (Vita S. Radegundis, 10.) — Fortunatus (Carm, VII, 16) donne une liste des dignitaires d'une cour mérovingienne. Cf. Grégoire de Tours, IX, 36.

[7] Vita Sigiranni, 3 : Assolet fieri in aula regali ut ex nobili prosapia geniti diversis fulciantur honoribus. — V. Desiderii Cat., 1 : Syagrius, post diutina palatii ministeria et familiaria regis contubernia. — V. Sigiberti, 2 : Viros illustres in palatio deservientes. — Diplomata, n° 323 : Quod in aula regia et servitio principis elaboravi.

[8] Vita Lantberti, 3 : Pater commendavit eum in aula regia erudiendum. — Grégoire de Tours, Mirac. S. Martini, IV, 37 : Puerorum unus aulicorum. — Cf. Formules, n° 138.

[9] Chlotarii regis constitutio : Usus est clementiœ principalis necessitatem SUBJECTORUM tractare. — Grégoire de Tours, VIII, 43 : DOMINO nostro regi (ce sont des Francs qui parlent). — Formules, n° 412 et 515.

[10] Grégoire de Tours, IV, 26, 47 ; V, 19. — Epistola synodi paris, ad Sigibertum : Gloria vestra. L'évêque S. Amand écrit au roi Sigebert IV : Sublimitas tua. — Les formules n° 154, 550, portent serenites nostra, nostra celsitudo. — On trouve l'expression regia majestas dans les Diplomata, n° 554 et dans quelques Vies des saints ; on trouve même des expressions comme celles-ci : Childebertus Auguslus, Clotilda Augusta, sub diva memoria Hilderici regis.

[11] Gontran s'adressant à une réunion de guerriers leur dit : Rex est cui vos deservire debetis. (Grég. de Tours, VII, 55.) — Les courtisans de Chilpéric lui disent en parlant d'eux-mêmes : servi vestri. (Ibid., V, 21.) — Un évêque écrit : Domino gloriosissimo Sigiberto vester servus Desiderius episcopus.

[12] Prœceptio Guntramni, dans Baluze, t. I, col. 9. — Cf. dom Bouquet, t. III, p. 529 ; Diplomata, n° 410 ; Formules, n° 442. — On ne trouve, au contraire, jamais un mot qui fasse allusion à une élection populaire.

[13] Il importe de ne pas confondre des réunions de guerriers qui reconnaissent chaque nouveau roi (Grég. de Tours, III, 23 ; Gesta Dagoberti, 15), avec des assemblées nationales qui auraient élu le roi.

[14] Grégoire de Tours, VII, 55.

[15] Grégoire de Tours, III, 25 ; VII, 7. — Cf. Frédégaire, 79 : Post Dagoberti discessum, filius suus Clodoveus sub tenera œtate regnum patris adscivit, omnesque leudes eum sublimant in regnum. Ces derniers mots marquent une cérémonie d'inauguration et non pas une élection.

[16] Grégoire de Tours, III, 22 ; IV, 15 ; V, 50 ; IX, 20 et 40.

[17] Gregorii magni homilia X : In Persarum Francorumque terra reges ex genere prodeunt. C'est ce que dit aussi Flodoard, Hist. Rem. eccl., IV, 5.

[18] Grégoire de Tours, VII, 27.

[19] Nos ipsi tuo sumus dominio subjugati ; quod tibi placitum videtur, facito ; nullus potestati tuœ resistere valet. (Grég. de Tours, II, 27.)

[20] Grégoire de Tours, II, 27 : Jussit omnem phalangem cum armorum apparatu advenire, ostensuram in campo martio suorum armorum nitorem. — Cf. Frédégaire, epit., 16. Vita Remigii, 31. — Ce qui a introduit quelque confusion, c'est que les chroniqueurs emploient quelquefois le mot populus pour désigner ces réunions purement militaires ; dans la langue du sixième siècle, populus et exercitus étaient synonymes. (Ex. : Grégoire de Tours, II, 51, 40 ; VII, 33 ; Gesta reg. franc, 17.)

[21] On a produit plusieurs textes où se trouve le mot placitum ; mais ce mot ne désignait que l'entourage du roi, la réunion des optimales. Nous ne voyons dans aucun de ces placita s'introduire une discussion politique.

[22] Voyez le traité d'Andelot ; ce n'est pas une assemblée publique qui en a rédigé les articles ; ni Grégoire ni Frédégaire ne mentionnent la présence d'un peuple délibérant ; il n'y a que les rois et leurs fidèles.

[23] On a cru que ces assemblées de guerriers étaient particulières à la race germanique. Elles étaient déjà en usage dans l'empire romain ; Ammien les signale maintes fois. Il raconte, par exemple, que Constance harangua ses soldats, et leur demanda s'il leur convenait qu'il fit la paix avec les Germains ; il les consulta aussi sur l'élévation de Julien au rang de César. L'historien ajoute cette particularité que les armées romaines, dans ces sortes d'assemblées, exprimaient leur approbation en faisant résonner le bouclier sur la genouillère, et leur mécontentement en frappant de la pique sur le bouclier. Les Germains ne faisaient pas autrement. Il faut nous garder d'attribuer à une race des coutumes qui appartiennent à la nature humaine tout entière.

[24] Grégoire de Tours, IV, 30, 31 ; V, 1, 27 ; VI, 31 ; VII, 24 ; VIII, 30 ; IX, 31 ; X, 5. Frédégaire, 75, 74, 87.

[25] On trouve même le mot oracula employé, comme au temps des empereurs, pour désigner les actes royaux. (Diplomata, n° 417, 465.)

[26] Voyez Decretio Chlotarii, Prœceptio Guntramni, dans Walter, Corpus juris germanici, t. II.

[27] Decretio Childeberli. (Walter, p. 9.)

[28] Comparez la loi des Bavarois ; les Mérovingiens, qui en sont les auteurs, disent : Hoc volumus inter Baiuwarios custodiri (IX, 17) ; judicaverunt antecessores nostri (VIII, 2). — De même, dans le code des Burgondes, on voit que le roi a légiféré en vertu de sa propre puissance ; les comtes et autres fonctionnaires n'ont fait que signer la loi. — Il est bien vrai que les rois emploient parfois les termes cum populo, cum Francis tractavimus ; ce sont là des formules qu'il ne faut pas prendre dans leur sens littéral ; aucun chroniqueur n'indique la tenue d'une seule assemblée nationale qui ait délibéré sur les lois. — Nous verrons le sens de la formule carlovingienne Lex fit consensu populi et constitutione regis.

[29] Loi salique, titres I, et XLI.

[30] Loi des Ripuaires, titres LXV et LXIX. Cf. Formules, n° 42.

[31] Loi des Bavarois, I, 8.

[32] Voyez Exhortatio ad Francorum regem, dans la Nova veterum script. collectio, t. VI. Ce sont des conseils que S. Amand, évêque de Strasbourg, adresse à son élève le roi Sigebert IV. Or ces conseils sont ceux que Bossuet ou Fénelon pourrait adresser au successeur de Louis XIV ; ils ne contiennent aucune allusion à des libertés publiques, à un droit national, à des assemblées qu'il faudrait écouter ; le roi y apparaît comme un maître tout-puissant qui n'est soumis qu'à Dieu.

[33] Grégoire de Tours, III, 11 ; IV, 2, 14 ; V, 29 ; VI, 31 ; IX, 30.

[34] Grégoire de Tours, VII, 8 et 14 ; IX, 3.