LA GAULE ROMAINE

LIVRE SECOND. — L'EMPIRE ROMAIN

(Du règne d'Auguste à la fin du troisième siècle)

 

CHAPITRE XI.

 

 

DE LA JUSTICE

 

1° A QUI APPARTENAIT LE POUVOIR DE JUGER.

 

La société gauloise, au temps de l'indépendance, avait été jugée surtout par ses druides. Le prêtre avait possédé, outre son pouvoir d'excommunication, le droit dévie et de mort. Il lui avait appartenu, comma au représentant de la divinité, de punir les crimes et les fautes. Les contestations, même entre les particuliers, lui avaient été soumises, et il avait jugé les contestations relatives aux limites des biens ou à l’héritage[1]. Cette société avait cru que la meilleure justice était celle qui émanait des dieux et qui était administrée par leurs prêtres[2].

Les Romains pensaient autrement. Ils avaient pour principe que le droit de punir et de juger n'appartenait qu'à l'Etat. La puissance publique seule avait qualité pour frapper la personne humaine ou même pour trancher les débats des particuliers. Chez eux la justice, au lieu d'être une partie de la religion, était une partie de l'autorité politique. C'est ce principe que la domination romaine fit prévaloir en Gaule.

A Rome, quiconque était revêtu de l'imperium, c'est-à-dire d'une part de la puissance publique, avait le droit et le devoir de juger. Les consuls, les préteurs, les tribuns eux-mêmes possédaient l'autorité judiciaire[3]. Tout magistrat avait un pouvoir sur la personne humaine, jus cœrcendi[4] ; tout magistrat était un organe du droit, dicebat jus. Les proconsuls et les légats de l'empereur dans les provinces avaient les mêmes attributions[5].

Ce que les modernes appellent la séparation des pouvoirs était incompatible avec les idées politiques des Romains. Les lieutenants de l'empereur ou gouverneurs de provinces réunissaient dans leurs mains, comme l'empereur lui-même, tous les genres d'autorité. Ils étaient à la fois des administrateurs, des chefs militaires et des juges[6].

Le gouverneur de province, disent les jurisconsultes, possède l’imperium sur tous les hommes qui habitent sa province. Or l’imperium comprend le droit de glaive, c'est-à-dire le pouvoir de frapper les criminels, la juridiction qui consiste dans la faculté d'adjuger la possession de biens[7].

Il avait donc, d'une part, la juridiction criminelle : Il devait purger sa province de tous malfaiteurs, faire rechercher les sacrilèges, les brigands, les voleurs d'hommes, tous voleurs en général et punir chacun suivant son délit[8]. Il avait à sa disposition toute l'échelle des peines : la mort, les travaux forcés dans les mines, la prison, l'amende[9]. Il devait réprimer toute violence, toute usurpation de propriété, tout contrat frauduleux.

Il possédait, d'autre part, ce que nous appelons la juridiction civile, ce que les Romains appelaient plus particulièrement jurisdictio. Toute contestation relative à la propriété, à la succession, au testament, à l'état des personnes, c'est-à-dire à l'ingénuité, à la libertinité ou à la servitude, était portée devant lui. Il avait aussi la juridiction gracieuse : devant lui se faisaient les adoptions, les émancipations, les affranchissements ; il donnait des tuteurs[10].

Le gouverneur de province était donc le juge unique au civil comme au criminel. C'était lui qui punissait les fautes, et c'était encore lui qui décidait des intérêts individuels. Tous les pouvoirs judiciaires, qui à Rome se partageaient entre plusieurs magistrats, étaient réunis, dans les provinces, entre les mains du gouverneur[11].

Les chefs des cités étaient aussi des magistrats. Ils possédaient donc un droit de juger. Leur titre était duumviri jure dicando. Mais pour eux le principe était moins net et moins arrêté que pour les gouverneurs de provinces. Si vous regardez les jurisconsultes du Digeste, vous n'y trouvez pas clairement exprimé le droit de juridiction des magistrats municipaux. On y voit au contraire qu'un esclave même ne peut être frappé par eux, ce qui implique qu'ils n'ont pas la juridiction criminelle, à plus forte raison, sur les hommes libres[12]. Nous lisons ailleurs que les duumvirs n'ont pas le droit d'infliger une peine[13]. Plus tard encore, la loi interdit aux chefs des cités de prononcer des amendes, et, en matière criminelle, les charge seulement d'arrêter les coupables et de les conduire aux magistrats[14]. Même en matière civile, nous voyons dans un fragment d'Ulpien que le débat était porté devant le gouverneur, qui renvoyait seulement l'enquête aux magistrats municipaux[15]. Il semble donc bien qu'ils ne prennent part à l'œuvre judiciaire que d'une façon très subordonnée[16].

Si nous regardons d'autres écrivains en dehors du droit, le pouvoir des magistrats municipaux paraît plus grand. Suétone nous montre un édile municipal rendant la justice du haut d'un tribunal[17]. Siculus Flaccus signale comme une règle générale que les magistrats municipaux ont le pouvoir de coercition et de juridiction[18].

La rareté des documents, on peut même dire leur absence complète en ce qui concerne la Gaule, fait que cette question de la justice municipale est fort obscure. Voici ce que nous croyons probable : 1° Le rapport entre la justice municipale et la justice du gouverneur ne fut jamais réglé d'une façon précise ; d'où il résulta que le gouverneur put ce qu'il voulut. 2° En droit, la justice municipale ne fut pas — sauf dans les colonies romaines — formellement reconnue ; les magistrats des cités n'ayant aucun imperium, le jurisconsulte ne pouvait voir en eux de véritables juges. 3° En pratique, beaucoup d'affaires s'arrêtèrent à eux ; d'autres furent jugées par eux, quitte à ce que leur jugement fût révisé par le gouverneur. 4° Pour les crimes, il arriva souvent que les magistrats municipaux poursuivirent, tirent l'enquête, jugèrent, mais, en cas de condamnation, soumirent leur jugement au gouverneur, qui prononça seul la sentence de mort[19]. En résumé, la justice municipale exista dans la pratique, mais ne fut qu'une justice inférieure et comme précaire. Le pouvoir de juger n'appartenait, certain et complet, qu'au gouverneur romain. Il n'y a aucune affaire dans sa province, dit Ulpien, qui ne soit décidée par lui[20]. Le gouverneur jugeait souvent par mandataires. Il ne pouvait examiner et décider personnellement toutes les affaires d'un ressort aussi étendu que la Narbonnaise ou la Belgique ; il déléguait donc, s'il le voulait, ses pouvoirs à des hommes qui jugeaient en son nom. Il avait d'abord un ou plusieurs lieutenants, legatos proconsulis, qui à sa place jugeaient les procès et les crimes, et qui le représentaient en vertu de son mandat[21]. Il pouvait aussi établir, quand il le voulait, des juges inférieurs, que l'on appelait judices pedanei. Leurs attributions nous sont assez mal connues. Une chose certaine est que c'était le gouverneur qui les nommait[22], en sorte qu'ils n'étaient pas des fonctionnaires de l'Etat, mais des délégués du gouverneur. Une chose probable est qu'ils n'étaient pas des juges établis dans un ressort particulier pour en juger les affaires, mais plutôt des juges chargés de certaines sortes d'affaires[23]. La loi leur interdisait de prononcer dans les affaires de grande importance, par exemple dans les procès sur l'ingénuité[24]. Enfin le gouverneur pouvait, dans chaque procès particulier, donner un juge aux parties[25]. Ce procédé, après avoir été fort en usage et presque en règle dans l'ancienne Rome, était passé dans les provinces. Les parties comparaissaient devant le gouverneur, présentaient l'objet du litige ; le gouverneur chargeait un juge désigné par lui de procéder à l'examen des faits, et lui donnait d'avance une formule qui lui dictait, suivant les faits constatés, la sentence à prononcer. On a comparé ce procédé au jury moderne ; il ne lui ressemble en rien. Ce judex ne faisait qu'exécuter un mandat personnel qui lui était donné par le gouverneur de province. Ce gouverneur pouvait toujours juger lui-même ; c'était pour diminuer son propre travail que pour telle ou telle affaire il donnait un juge aux parties[26].

En résumé, dans la Gaule romaine, le pouvoir de juger n'appartenait ni à une classe de juges nommés à vie comme dans les sociétés modernes, ni à des jurys, ni à des assemblées populaires ; il appartenait, entièrement et uniquement, à l'homme qui seul était légalement un magistrat, c'est-à-dire à l'homme en possession de l’imperium, au gouverneur de province, proconsul ou légat de l'empereur.

 

2° LE CONSILIUM.

Ce magistrat tout-puissant, qui était seul investi du pouvoir de juger, n'était jamais seul dans l'exercice réel de ce pouvoir. On va voir ici que les Romains, très absolus en théorie, l'étaient moins en pratique. Ils avaient, en justice comme en toutes choses, des tempéraments et des biais qui, sans amoindrir l'autorité, en adoucissaient l'action.

L'empereur lui-même, lorsqu'il rendait la justice, était entouré d'un Conseil[27]. Sans doute ce Conseil ne lui était imposé par aucune constitution ; il en choisissait lui-même les membres. Mais il ne pouvait guère les choisir que dans les classes les plus élevées et les plus instruites. C'étaient des sénateurs ou des chevaliers. C'étaient des jurisconsultes[28]. C'étaient aussi les plus hauts employés des bureaux du palais[29]. Ces hommes, réunis auprès du prince et siégeant sur le même tribunal que lui, n'étaient pas sans action. Ils écoutaient les témoignages et les plaidoiries ; puis, les débats terminés, le prince, avant de prononcer son arrêt, leur demandait leur avis[30]. Quelquefois il les faisait voter au scrutin secret[31] ; d'autres fois il leur faisait exprimer leur opinion à haute voix l'un après l'autre[32]. L'empereur était libre de ne pas suivre leur avis ; c'était lui seul qui décidait, mais en général il décidait suivant la pluralité des voix[33]. Quelquefois le Conseil jugeait sans lui, en son nom, et comme s'il eût été présent[34].

Le gouverneur de province, lorsqu'il jugeait, avait aussi son conseil autour de lui. Les hommes qui le composaient étaient appelés conseillers ou assesseurs[35]. Le gouverneur les choisissait lui-même ; ils ne lui étaient imposés ni par le pouvoir central ni par le peuple de la province. Ce conseil était ordinairement composé de trois éléments : il y avait quelques amis, ou comités, du gouverneur, venus avec lui de Rome ; il y avait aussi quelques jurisconsultes[36] ; il y avait enfin les notables du pays. Ils assistaient aux débats ; il semble même, à quelques indices, qu'ils pouvaient y prendre part el poser des questions. Le magistrat, avant de prononcer la sentence, leur demandait leur avis. Tout arrêt était précédé d'une courte conférence entre lui et son conseil. Probablement il comptait les voix. Aucune loi ne l'obligeait à se conformer à la majorité. Il pouvait toujours se décider contrairement à l'avis de son conseil ; mais il fallait toujours qu'il l'eût consulté et entendu[37].

Lorsque le magistrat donnait un juge, c'est-à-dire se déchargeait de l'examen des faits de la cause, ce juge unique pouvait aussi se donner des assesseurs[38].

Il faut bien entendre que le conseil qui entourait le magistrat dans ses fonctions déjuge, ne ressemblait en rien à nos jurys modernes II n'avait aucun pouvoir par lui-même. Il n'existait que par le magistrat et ne pouvait que faire acte de conseiller. Il ne partageait pas le pouvoir judiciaire avec le magistrat : celui-ci l'avait tout entier en sa personne.

Il y a pourtant une disposition législative qui marque l'importance de ce conseil. Il est dit que s'il a été fait mauvais jugement par l'ignorance ou la négligence de l'assesseur, c'est l'assesseur et non le magistrat qui aura à en souffrir[39].

 

3° LE CONVENTUS.

Le proconsul ouïe légat impérial, chargé de juger un quart de la Gaule, n'attendait pas les justiciables dans sa capitale de Lyon, de Trêves ou de Narbonne. II devait parcourir sa province, pénétrer dans les villes. Avec lui la justice se déplaçait. C'était une sorte de justicier ambulant ; non pas qu'il pût juger en passant sur les routes, mais il transportait son tribunal d'un lieu à un autre lieu indiqué d'avance. A chaque endroit convenu, il établissait ses assemblées, forum agebat, et la langue appelait cette opération un convenus[40].

Le conventus est l’assemblée d’une population. [Cette assemblée se réunit] par l'ordre du gouverneur, à son commandement, au jour fixé par lui, en sa présence et naturellement sous sa présidence. Ne croyons pas [qu'il s'agisse de] toute la population. [Il est] visible qu'il n'y a pas eu un déplacement universel.

Le gouverneur peut y traiter d'affaires politiques ou administratives ; en aucun cas l'assemblée ne délibère et, si elle exprime des vœux, elle n'émet aucun désir ; elle n'est pas là comme un pouvoir vis-à-vis du gouverneur ; elle est subordonnée et doit être docile ; le gouverneur lui adresse la parole du haut d'un tribunal ; il lui donne SCS ordres, peut, par exemple, lui faire savoir le chiffre d'impôt qu'elle payera, le chiffre de soldats qu'elle livrera ; il peut aussi lui transmettre une instruction particulière de l'empereur ; il n'est pas impossible que les edicta ad provinciales, edicta ad Gallos, fussent lus dans des réunions de cette nature.

En matière judiciaire, c'est là que se jugent les crimes cl les procès. Avant de procéder aux différents jugements, le gouverneur appelle à lui les hommes du pays qui doivent l'aider à juger, ceux qui seront ses assesseurs, ceux qui seront les juges du fait dans chaque affaire. Pour les provinciaux c'est un honneur d'être appelé, c'est une charge aussi et un devoir à remplir. Après ce premier travail, les débats commencent. Il peut y avoir des contestai ions entre les cités : le gouverneur les décide en personne. Il y a les crimes à punir : chaque cité amène en sa présence les criminels qu'elle a arrêtés, indique leurs fautes, donne les résultats de son enquête préalable, et laisse le gouverneur prononcer sa sentence. Il y a les procès entre particuliers : les deux parties se présentent au magistrat, expliquent l'affaire en deux mots ; le magistrat la renvoie à un judex, et, si elle est importante, la juge lui-même.

Tout cela se fait en public, dans un grand concours de population ; mais il est clair que s'il y a ici une population réunie, il n'y a guère une assemblée nationale. Qu'il s'agisse de politique, d'administration ou de justice, la foule est aux pieds du magistrat qui ordonne et décide toujours[41].

[Toutefois], si le vrai pouvoir judiciaire n'appartient qu'à un seul homme et [lui appartient] pour toute une province, il y avait cependant un grand nombre d'hommes qui prenaient part à l'exercice de la justice. On peut admettre que beaucoup de Gaulois furent conseillers, furent juges donnés, furent juges pédanés, assistaient [aux travaux] du conventus, et, par délégation du gouverneur, jugeaient les crimes et les procès. En théorie et en droit, les Gaulois furent jugés par un magistrat étranger ; en fait, ils se jugèrent souvent entre eux.

 

4° L'APPEL.

Il s'introduisit en ce temps-là dans la justice une heureuse innovation : ce fut le droit d'appel. Il avait été à peu près inconnu dans l'antiquité. Il n'y a pas apparence que les Gaulois pussent appeler des arrêts que les druides avaient prononcés au nom des dieux. A Athènes, on n'avait eu aucun recours contre les sentences les plus aveuglément rendues par les jurys populaires. La République romaine elle-même n'avait pas connu le véritable appel d'une justice inférieure à une justice supérieure. La provocatio ad populum, l’appellatio d'un magistrat à son collègue ou au tribun n'était pas proprement l'appel.

L'appel s'établit d'une façon régulière au temps de l'Empire romain et par une voie toute naturelle. Comme le pouvoir judiciaire ne s'exerçait qu'en vertu d'une série de délégations, il sembla juste et il fut inévitable qu'on pût appeler du juge délégué au vrai juge.

Ainsi il eut appel du juge pédané au præses qui l'avait institué ; il y eut appel au judex datus à celui qui l'avait donné[42] ; il y eut appel du legatus proconsulis à son proconsul[43], des magistrats municipaux qui n'avaient qu'une juridiction par tolérance au prises qui avait le vrai pouvoir de juger.

Grâce à la centralisation administrative, le gouverneur de province était lui-même responsable. Les puissants personnages qui gouvernaient la Lugdunaise, la Belgique, l'Aquitaine, n'étaient que des lieutenants de César, c'est-à-dire des délégués. L'empereur, véritable proconsul, les avait chargés d'administrer et déjuger en son nom, au point qu'ils devaient dans les cas douteux se référer au prince qui envoyait de Rome sa sentence. Naturellement, il y eut appel de ces mandataires au mandant. La règle s'étendit, par imitation, aux provinces sénatoriales. De ces provinces on appela au sénat, des provinces impériales on appela à l'empereur. Encore ce partage fut-il plus théorique que réel. Nous avons au Digeste plusieurs rescrits impériaux qui marquent que les proconsuls et les particuliers des provinces sénatoriales s'adressent à l'empereur. Plus tard, dans les Codes, la distinction a disparu, et tout va au prince. Le tribunal du prince devint bientôt la cour suprême[44].

Les historiens nous représentent [souvent] les empereurs rendant eux-mêmes la justice. Assis sur un tribunal, en public, ils écoutent les plaideurs et les avocats ; ils punissent les crimes et vident les procès. Quand ils ne font pas la guerre, la plupart de leurs journées sont employées à ce travail. De tous les juges de l'Empire, le plus occupé est certainement l'empereur[45].

Le droit d'appel fut ainsi la conséquence delà centralisation. Il n'est pas douteux que ce nouveau droit n'ait été accueilli avec une grande faveur par les peuples. Les historiens, les lois, les inscriptions, tout montre que les empereurs recevaient un très grand nombre d'appels de toutes les provinces. Il se passa alors quelque chose d'analogue à ce qu'on devait voir dans la France du XIVe siècle, quand fout lé monde voulut être jugé par le roi. Les hommes ont d'autant plus de confiance dans le juge qu'il est plus éloigné et plus élevé en puissance. L'histoire ne montre pas qu'en général la justice monarchique ait été détestée des peuples.

 

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Cette organisation judiciaire de l'Empire romain présente d'abord à l'esprit l'idée du despotisme. Un homme du xix, siècle est naturellement porté à penser qu'elle n'a été imaginée que dans l'intérêt des princes. Il est probable que les contemporains l'appréciaient autrement. Ils la comparaient aux divers systèmes de justice que leurs ancêtres avaient connus, et tout porte à croire qu'ils la préféraient.

Ce n'est pas qu'ils n'eussent parfois à en souffrir. Le fonctionnaire public pouvait avoir toutes les passions de l'humanité ; il pouvait être cupide, et alors il arrivait ce qu'un historien raconte d'un juge du IVe siècle : Dans sa province, tout prévenu qui n'avait rien à donner était condamné, tout prévenu riche était acquitté à prix d'argent[46]. De tels faits, bien qu'ils ne fussent que des exceptions, ne devaient pas être absolument rares, et la surveillance du pouvoir central ne les empêchait pas toujours de se produire. Il pouvait encore arriver que le gouverneur fût honnête homme, mais que ses subalternes ne le fussent pas ; ses greffiers, ses secrétaires, ses appariteurs avaient mille moyens de faire absoudre un coupable et condamner un innocent. C'est contre ces hommes que le législateur romain s'écriait : Que les appariteurs et employés retiennent leurs mains rapaces, ou le glaive de la loi les tranchera ; nous ne souffrirons pas qu'ils vendent à prix d'argent la vue du juge, l'entrée du tribunal, l'oreille du magistrat ; ils ne doivent rien recevoir des plaideurs[47].

Le vice le plus grave de cette justice qui, à tous les degrés, était dans les mains des fonctionnaires publics, était que, dans beaucoup de causes, l'État se trouvait à la fois juge et partie. S'agissait-il, par exemple, d'une terre dont la propriété était contestée entre l'Etat et un particulier, c'était l'État qui décidait[48]. S'agissait-il d'un délit de lèse-majesté, c'est-à-dire d'une faute commise contre la sûreté de l'État ou celle du prince, c'étaient les représentants de l'Étal et les agents du prince qui jugeaient. L'accusé ne pouvait appeler que d'un fonctionnaire n un autre fonctionnaire ; contre l'arrêt du prince il n'avait plus aucun recours. Il n'existait aucune garantie contre l'autorité publique ; la vie et la fortune de l'homme dépendaient d'elle. Il faut ajouter que l'usage de la confiscation faisait que l'État avait toujours intérêt à condamner[49].

Toutefois, en compensation de ces vices, les contemporains trouvaient dans cette justice un mérite inappréciable. Ce n'était pas une justice qui fût rendue par une caste sacerdotale à une population inférieure, ni par une aristocratie à des classes asservies, ni par un patron à des clients, ni par un seigneur à des vassaux : c'était la justice de l'Etat. Elle n'était pas constituée de façon à assurer l'empire d'une caste ou d'une classe ; elle était égale pour tous. On était sûr qu'elle n'avait d'autre préoccupation, en dehors de l'intérêt public, que celle des droits de chacun. Si elle ne laissait à l'individu humain aucune sûreté contre la puissance de l'Etat, elle lui offrait en revanche une protection sûre contre toute autre supériorité que celle de l’Etat[50]. Il est vrai qu'elle soumettait les hommes à un monarque ; mais lorsqu'elle disparut, les hommes ne tardèrent guère à être soumis à la féodalité.

 

 

 



[1] César, De bello gallico, VI, 15 : Fere de omnibus controversiis publicis privalisqve consiituunt ; si quod admissum facinus, si cædes fada, si de hereditate, si de finibus controversia est, decernunt. — Cf. Strabon, IV, 4, 4.

[2] Nous n'avons pas besoin de répéter ce que nous avons dit plus haut [chap. II du livre Ier], que dès le temps de César une justice publique commençait à se former chez les Gaulois, dans la civitas. Mais César assure que la plus grande partie de la justice était aux mains des druides, fere de omnibus.

[3] Cicéron, De legibus, III, 3 : Omnes magistratus judicium habento. — Aulu-Gelle, XIII, 12 et 13. — Pomponius, au Digeste, 1, 2, 2, § 10 : Eo tempore magistratus jura reddebant, et ut scirent cives quod jus de quaque re quisque dicturus esset, edicta proponebant.

[4] Ulpien, au Digeste, II, 4, 2 : Magistratus... imperium habent et cuercere aliquem possunt et jubere in carcerem duci.

[5] C'est de la Gaule que nous nous occupons, non de Rome ; nous n'avons donc pas à insister sur la juridiction du sénat : elle était l'héritière de celle des comices ; m sur le tribunal des centumvirs, qui se rattachait à d'antiques traditions ; ni sur les quæstiones, qui ne furent pas étendues aux provinces. — Nous devons toutefois signaler que les provinciaux qui étaient citoyens romains pouvaient être appelés à faire partie de la grande liste des 5.000 jurés qu'on appelait judices ex quinque decuriis. Pline, Histoire naturelle, XXIX, 8, 18 : Qui de nummo judicei a Gadibus arcessitur. Ibidem, XXXIII, 7, 3 : Quatuor decuriæ fuere primo, vixque singula millia in decuriis inventa sunt, nondum provinciis ad hoc munus admissis. C'était un grand honneur, et on ne manquait pas de l'inscrire sur les titres funéraires ; Henzen, a° 6467 : Allecto in quinque decurias Romæ judicantium. Ibidem, n° 6469 : Allectus Romæ in quinque decurias. Ibidem, n° 6956, etc. [Corpus, XII, n° 1114, 1558. 3183, 5184.]

[6] Aussi les appelait-on indifféremment præsides, rectores, judices. C'est même ce dernier terme qui a prévalu dans la langue du quatrième siècle.

[7] Paul, au Digeste, I, 18, 3 : Præses provinciæ in suæ provinciæ homines imperium habet. — Ulpien, au Digeste, I, 18, 6, § 8 : Qui provincias regunt jus gladii habent. — Ibidem, II, 1, 3 : Imperium aut merum aut mixtum est : merum est imperium habere gladii potestatem ad animadvetensum in facinorosos homines ; mixtum est imperium cui etiam jurisdictio inest quod in danda bonorum possessione consistit.

[8] Paul, au Digeste, I, 18, 3 : In mandatis principum est ut curet malis hominibus provinciam purgare. — Ulpien, ibidem, I, 18, 5 : Sacrilegos, latrones, plagiarios, fures conquirere debet, et prout quisque deliquerit in eum animadvertere.

[9] Ulpien, au Digeste, I, 18, 6, § 8 : Jus gladii habent, et in metallum dandi potestas eis permissa est. — II, 4, 2 : Jubere in carcerem duci. — I, 18, 6 : Si muletam irrogavit.

[10] Marcien, au Digeste, I, 16, 2 : Jurisdictionem voluntariam, ut ecce manumitti apud eos possunt tam liberi quam servi et adoptiones fieri. — Ulpien, ibidem, I, 18, 2 : Præses apud se adoptare potest, et emancipare filium, et manumittere servum. — Ibidem, II, 1, 1 : Pupillis non habentibus tutores constituere.

[11] Marcien, au Digeste, I, 16, 7, § 2 : Cum plenissimam jurisdictionem proconsul habeat, omnium partes qui Romæ vel quasi magistratus vel extra ordinem jus dicunt, ad ipsum pertinent. — Ibidem, I, 18, 11 : Omnia provincialia desiderin, quæ Romæ varias judices habent, ad officium præsidum pertinent. — I, 18, 2 : Qui provinciæ præest omnium Romæ magistratuum vice et officio fungi debet.

[12] Ulpien, au Digeste, II, 1, 12 : Magistratibus municipulibus supplicium a servo sumere non licet ; modica autem castigatio eis non deneganda.

[13] Ulpien, au Digeste, II, 5, 1 : Omnibus magistratibus, non tamen duumviris, concessum est jurisdictionem suam defendere pænali judicio.

[14] Code Justinien, I, 55, 5 : Defensores (civitatum) nullas infligant muletas, severiores non exerceant quæstiones. — Ibidem, 7 : Defensores civitatum oblatos sibi reos in ipso latrocinio aut perpetrato homicidio vel stupro... expresso crimine cum his a quibus fuerint accusati, ad judicium dirigant.

[15] Ulpien, au Digeste, XXXIX, 2, 4 : Dies cautioni præstitutus si finietur, præsidis officium erit vel renum notare vel proletare cum, et, si hoc locatem exigit inquisitionem, ad magistratus municipales hoc remittere. Si intra dicat non carentur, in possessionem ejus rei miltendus est... Duas ergo res magistratibus municipalibus præses injunxit, cautionem et possessionem, cetera suæ juridictioni reservavit.

[16] La Loi Rubria, faite pour les municipes de droit romain de la Gaule cisalpine, mentionne formellement la juridiction des duumvirs en matière civile, De damno infecto, De familia erciscunda, De pecunia certa credita, mais seulement jusqu'au chiffre assez faible de 15.000 sesterces (voir XIX-XXIII). — Mais cette loi ne s'appliquait pas à la Gaule.

[17] Suétone, De claris oratoribus, 6 : Albutius Silus, Novariensis, quum ædilitate in patria fungeretur, qiim forte jus diceret... a tribunali detractus est.

[18] Siculus Flaccus, dans les Gromatici veteres, édit. Lachmann, p. 155 : Municipiorum magistratibus jus dicendi cœrcendique est libera potestas.

[19] Ainsi s'explique l'affaire de Pilate dans les Evangiles ; l'arrestation et le jugement ont été faits par les chefs du peuple ; mais la sentence n'est prononcée que par lui. De même dans les Actes des Apôtres, c. 24 et 25, les Juifs sont forcés de porter au gouverneur leur accusation contre Paul. — Mais il faut toujours faire cette réserve, quand on parle de l'Empire romain, que les usages et les règles variaient d'une province à l'autre.

[20] Ulpien, au Digeste, I, 16, 9 : Nec quisquam est in provincia quod non per ipsum expediatur. — Ulpien fait exception pour les causæ fiscales qui appartiennent au prince ou à ses agents financiers, les procurateurs.

[21] Le legatus proconsulis n'était qu'un mandataire du proconsul. Il n'exerçait qu'en vertu d'un mandat personnel : Mandare jurisdictionem vel non mandare est in arbitrio proconsulis ; adimere mandatam jurisdictionem licet proconsuli ; non autem debet inconsulto principe hoc facere (Ulpien, au Digeste, I, 16, 6). Le mandat expirait à la mort du proconsul (Digeste, II, 1, 5-6). Le légat ne dépendait pas du prince, mais du proconsul ; aussi le jurisconsulte pose-t-il cette règle qu'il doit consulter, en cas d'hésitation, son proconsul et non/pas le prince, et que lu proconsul doit répondre aux consultations de ses légats (Ulpien, au Digeste, I, 16, 6, § 2). Les légats du proconsul, dit Pomponius (I, 16, 13), n'ont aucun pouvoir propre, ils n'ont, que la juridiction que le proconsul leur a déléguée. Ils ne pouvaient pas condamner à la peine capitale : Si quid erit quod majorem animadversionem exigat, reicere legatus apud proconsulem debet, neque enim animadvertendi, cœrcendi vel atrociter verberandi jus haber (Digeste, I, 16, 11).

[22] Code Justinien, III, 5, 2 : Præsides provinciarum... pedaneos judices dant. — Ibidem, III, 3, 5 : Pedaueos judices constituendi damus præsidihus potestatem. Ces deux constitutions sont de Dioclétien et de Julien ; mais les judices pedanei sont plus anciens ; Ulpien en parle : Si quis ad pedaneum judicem vocatus (Digeste, II, 7, 5).

[23] Cela me paraît résulter des termes de la constitution de Julien : Pedaneos judices, hoc est qui negotia humiliora disceptent ; et aussi de la constitution de Dioclétien : De his causis in quibus pedaneos judices dabant.

[24] De ingenitate præsides ipsi judicent (loi de Dioclétien, au Code Justinien, III, 5, 2).

[25] Digeste, I, 18, 8 : Non imponi necessitatem proconsuli, vel legato ejus, vel præsidi suscipiendæ cognitionis, sed eum æstimare debere utrum ipse cognoscere an judicem date debeat. — II, 1, 1 : Judices litigantibus dare. — Code Justinien, III, 5, 2 : Præsidibus... dundi judices licentia crdatur.

[26] C'est la distinction du jus et du judicium, si bien établie dans les habitudes des jurisconsultes romains. Le jus était proprement le droit, et c'était le magistrat seul qui le prononçait, donnant d'avance l'arrêt dans une formule écrite. Le judicium était le prononcé sur les faits, et donnait lieu à la sentence. — Dans la langue ordinaire on disait in jus ire, aller au tribunal du magistrat, in judicio esse, comparaître devant le judex. Mais il faut bien entendre qu'en tout temps ce judex n'avait agi que par mandat du magistrat, prononçant ce qu'il avait écrit d'avance. La procédure par judex s'appelait dans la langue des juristes ordo judiciorum, judicia ordinaria, quelquefois jus ordinarium. L'autre procédé s'appelait cognitio ; quand le magistrat jugeait lui-même, on disait præses cognoscit. Suétone, Claude, 15 : Negabat eam rem cognitionis esse, sed ordinarii juris ; Code Justinien, II, 5, 2 : Coqnoscere... judices dure. — Les historiens modernes du droit, particulièrement F. de Keller, ont fait une théorie sur l'opposition des deux procédés, le premier seul usité, disent-ils, sous la République, le second substitué au premier sous Dioclétien. Je crois que cette théorie aurait besoin d'être scrupuleusement vérifiée, on y trouverait quelque exagération. — Les deux procédés ont été également usités sous l'Empire, et toujours au choix du magistrat : Præses æstimare debet utrum ipse cognoscere an judicem dure debeat (Julianus, au Digeste, 1, 18, 8). — La cognitio, dit-on, l'emporta à la fin de l'Empire ; cela est vrai, mais on explique cela très inexactement. M. Glasson dit, page 515, qu'une constitution de Dioclétien de 294 supprima le judicium, le jus dare, l'instance in judicio. Or cette constitution (Code Justinien, III, 5, 2) dit au contraire : Si præsides propter causarum multitudinent non potuerint judicare, judices dandi habeant potestatem. Soixante-huit ans plus tard, une constitution impériale dit la même chose (ibidem, III, 2, 5). — Quant à la raison qu'on donne, à savoir que le jugement direct ou cognitio était plus conforme au régime impérial qui tendait à mettre tout dans les mains de ses fonctionnaires, elle est absolument fausse et n'a pu venir que d'une idée erronée qu'on se fait du judex. Il n'y avait en tout cela aucune question de liberté ou de despotisme.

[27] Pline, Lettres, IV, 22 : Interfui principis cognitioni, in consilium assumptus. — Spartien, Hadrien, 8 : Erat tunc mos ut, cum princeps causas cognosceret, senatores et equites romanos in consilium vocaret. Ibidem, 18 : Cum judicaret, in consilio habuit....

[28] Spartien, Hadrien, 8 : Senatores et equites romanos. — Ibidem, 18 : Cum judicaret, in consilio hahuit non amicos suos solum, sed jurisconsultos, præcipue Julium Celsum, Salvium Julianum, Neratium Priscum, aliosque.

[29] Exemple dans Dion Cassius, LX, 53.

[30] Cela résulte bien de la lettre de Pline, IV, 22 : Quum sentzntia perrogarentur, dixit Junius Mauricus... — Idem, VI, 22 : Recepta cognitio est, fui in consilio... Cæsar perrogavit.

[31] Cela résulte d'un passage de la Vie d'Auguste, de Suétone : Dixit jus summa lenitate... Quum de falso testimonio ageretur, non tantum duos labellas, damnatoriam et absolutoriam, simul cognoscentibus dedit, sed tertiam quoque qua ignosceretur iis quos fraude et errore inductos constitisset. — Les simul cognoscentes sont les assesseurs ; les tabellæ sont ce que nous appellerions des bulletins de vote et indiquent toujours à Rome le vote secret (Suétone, Auguste, 33).

[32] Par exemple, dans l'affaire rapportée par Pline, IV, 22.

[33] Spartien, Hadrien, 8 : Erat mos ut... sententiam ex omnium deliberatione proferret.

[34] Cela n'apparaît pas dans les documents ; mais comme les affaires portées au Conseil étaient innombrables, venant de tout l'Empire, il est clair que l'empereur ne pouvait pas assister à toutes les séances, ne fût-ce que quand il faisait des expéditions militaires. — Telle est aussi l'opinion de M. Cuq, Le conseil des empereurs, p. 357, note 3. — En cas d'absence de l'empereur, nous ne savons à qui la présidence du Conseil appartenait. Mommsen, Staatsrecht, t. II, p. 1066, l'attribue au préfet du prétoire.

[35] La synonymie des deux termes résulte de plusieurs textes. Suétone, Tibère, 33 : Magistratibus pro tribunali cognoscentibus se offerebant consiliarium, assidebatque juxtim.Idem, Claude, 12 : Cognitionibus magistratuum ut unus e consiliariis interfuit. — Paul, au Digeste, I, 22, 2 : Consiliarius eo tempore que assidet. — Voir tout le titre du Digeste : De assessoribus.

[36] Paul, au Digeste, I, 22, i : Officium assessoris, quo juris studiosi fuguntur. — [Mention d'un juris studiosus à Nîmes, Corpus, XII, n° 3339. 5900.]

[37] Dès le troisième siècle, nous voyons des assesseurs qui reçoivent des honoraires ; c'est, je crois, le sens du fragment de Paul, au Digeste, L, 15, 4 : Divus Antoninus Pius rescripsit juris studiosos, qui salaria petebant, hæc exiqere posse. Lampride, Alexander Severus, 40 : Adsessorihus salaria instituit. Il y eut dès lors, auprès de chaque præses, quelques assesseurs attitrés. — Lactance signale comme une violation des règles habituelles de son temps que Galérius ait envoyé des magistrats dans les provinces sans les faire accompagner d'assesseurs (De mortibus persecutorum, 22). — Ils étaient de véritables fonctionnaires d'État placés à côté du præses pour l'aider à juger. Un fragment de Paul, 1, 22, 4, assimile cet assesseur à un comes du légat. Cette nouvelle catégorie d'assesseurs attitrés fit-elle disparaître les assesseurs ordinaires, c'est-à-dire ces notables que le magistrat appelait auprès de lui pour chaque affaire, c'est ce que rien n'indique et ce qui n'est guère probable. Le conseil a pu se composer des deux éléments à la fois, assesseurs envoyés de Rome et notables du pays. C'est à la première catégorie, visiblement, que s'applique la règle qui défend de assidere in sua provincia (Digeste, 1, 22, 3).

[38] C'était au moins l'usage à Rome ; Cicéron, Topiques, 9 ; Aulu-Gelle, XIV, 2, 5.

[39] Paul, au Digeste, II, 2, 2 : Si assessoris imprudentia jus aliter dictum sit quam oportuit, non debet hoc magistratui officere, sed ipsi adsessori.

[40] Tite Live, XXXI, 29 ; XXXIV, 48 et 50. Cicéron, Brutus, 62 ; Pro Sextio, 56 ; In Verrem, V, 11 ; IV, 48 ; Ad familiares, XV, 4, 2 ; Ad Atticum, V, 14, 2 ; V, 21, 9 ; VI, 2, 4. Pline, Lettres, X, 66. — Festus, ad forum, édit. Millier, p. 84 : Is qui provinciæ præest forum agere dicitur cum civitates vocal et controversias earum cognoscit. — Le caractère du conventus romain est bien marqué dans Tite Live, XXXI, 29, où un député oppose les conventus présidés par les magistrats romains aux concilia des peuples grecs : Excelso in suggestu, superba jura reddentem, stipatum lictoribus, etc. — Par extension, le mot conventus a désigné aussi un ressort judiciaire. Pline, Histoire naturelle, III, 3 et 4.

[41] César, De bello gallico, I, 54 ; V, 1 ; VI, 44 ; VIII, 46. Suétone, César, 7 et 50. Gaius, I, 20. Spartien, Hadrien, I, 12. — Du conventus que tint Auguste en Narbonnaise en 27 av. J.-C, nous ne savons que ce qui est dans l'abrégé de Tite-Live, 154 : Quum conventum Narbone agere, census a tribus Galliis actus. Cf. Dion, LIII, 22. Vraisemblablement il réunit les députés de la Gaule, non pas pour les faire délibérer, un peu peut-être pour connaître leurs besoins et leurs vœux, mais surtout pour leur donner ses ordres. C'est là qu'il leur marque le chiffre du tribut suivant le cadastre ; c'est là aussi qu'il leur donne ses instructions. C'est enfin là qu'il établit la Lex provinciæ.

[42] Digeste, XLIX, 3 ; XLIX, 1, 21.

[43] Digeste, XLIX. 3, 2.

[44] Dion Cassius, LII, 35. Suétone, Auguste, 35 ; Digeste, XLIX, 2, 1, et 3, 2 ; Suétone, Néron, 17 ; Tacite, XIV, 28. — Nous n'avons pas à parler ici des deux modes d'appel qui existaient sous la République, la provocatio ad populum et l’appellatio ad tribunum. Ils subsistèrent sous l'Empire, mais en faveur des seuls citoyens romains ; l’appellalio ad tribunum s'adressa à l'empereur qui possédait la potestas tribunitia ; la provocatio se porta aussi vers lui, sans doute à titre de représentant rlu peuple romain (Ulpien, au Digeste, XLVIII, 6, 7-8 ; XLIX, 2 ; cf. Actes des Apôtres, c. 25). — Quant aux provinciaux, ceux des provinces sénatoriales adressaient leurs appels au sénat, ceux des provinces impériales à l'empereur, dont les gouverneurs n'étaient que les délégués (Pline, Lettres, VI, 22, 31 ; VII, 6 ; Suétone, Néron, M ; Tacite, Annales, XIV, 28 ; Capitolin, Marcus, 10). C'est cette dernière voie d'appel qui, avec le temps, a pris le plus d'importance, les précédentes tombant peu à peu en désuétude. Elle a été régularisée par les princes du Bas-Empire, et l'on en peut voir les règles au Code Théodosien, XI, 30, et au Code Justinien, VII, 62.

[45] Suétone, Auguste, 35 : Jus dixit assidue, et in noctem nonnunquam. — Tacite, Annales, IV, 13, 22 et 31. — Pline, Lettres, IV, 22 ; VI, 22. — Spartien, Hadrien, 8 et 18. — Dion Cassius, LXIX, 7 ; LXXI, 6 : Marc-Aurèle rendait la justice ; il informait et interrogeait longuement, et restait même parfois une partie de la nuit sur son tribunal. L'historien dit à peu près la même chose de Septime Sévère, et même de Caracalla LXXVI, 17 ; LXXVII, 8. — Jules Capitolin, Marcus, 24. — Ammien Marcellin, XVIII, 1, montre Julien rendant la justice en personne au milieu de la foule.

[46] Ammien Marcellin, XV, 13.

[47] Code Théodosien, I, 16, 7.

[48] Ce cas était fréquent (voir Code Théodosien, X, 10, 3).

[49] Voir Naudet, Changements survenus dans l'administration de l'Empire romain, t. 1, p. 195-197.

[50] Les fonctionnaires avaient ordre de protéger particulièrement les faibles : Ne potentiores viri humiliores injuriis afficiant, ad religionem præsidis pertinet (Digeste, I, 18, 6 ; cf. Code Justinien, I, 40, 11).