LA GAULE ROMAINE

LIVRE SECOND. — L'EMPIRE ROMAIN

(Du règne d'Auguste à la fin du troisième siècle)

 

CHAPITRE IV.

 

 

DE QUELQUES LIBERTÉS PROVINCIALES SOUS L'EMPIRE ROMAIN, LES ASSEMBLÉES ET LES DÉPUTATIONS.

 

Les provinces n'étaient pas absolument dépourvues de moyens de défense contre les excès de pouvoir. Il a existé, du commencement à la fin de l'Empire, un ensemble d'usages et d'institutions qui étaient des garanties pour les intérêts et les droits des peuples. On ne doit pas s'attendre, sans doute, à trouver ici ce que les hommes de nos jours appellent le système représentatif ; les anciens ne l'avaient jamais connu et les empereurs ne s'appliquèrent pas précisément à le constituer ; c'est pourtant au temps de l'Empire que les institutions qui sont le germe de ce régime apparaissent pour la première fois en Europe.

Les historiens de l'Empire mentionnent fréquemment les députations que les cités ou les provinces envoyaient à Rome. Or, ce qui est remarquable ici, c'est que ces députations n'étaient pas élues secrètement, mais au grand jour. Parmi tant de récits où nous les voyons figurer, nous n'apercevons jamais qu'il leur soit reproché de manquer d'un titre régulier. La nomination de députés était chose légale et régulière[1].

Il est vrai que ces députés ne se présentaient à Rome qu'en solliciteurs. Encore avaient-ils le droit de faire valoir les intérêts de la province, ses vœux, ses besoins. Ils étaient reçus, soit par le sénat, soit par le prince[2].

Ces députations jouissaient de certains droits vis-à-vis des gouverneurs de la province. Quelquefois elles avaient mission de faire son éloge. Cela même était pour les provinces un assez utile privilège. Tel proconsul avait soin d'administrer de manière à mériter ces éloges ; tel autre, tout au moins, s'arrangeait habilement pour se les faire accorder[3]. Ce qui était plus efficace, c'est que la province avait le droit, par sa députation, d'intenter une accusation contre son gouverneur. Nous avons de nombreux exemples de pareils procès soutenus par une province devant le sénat ou devant l’empereur[4], et nous avons aussi de nombreux exemples de condamnations prononcées contre des gouverneurs[5].

Il est donc vrai de dire que les provinces avaient une représentation au moins intermittente, représentation qui à la vérité n'avait pas le pouvoir de faire la loi ni de voter l'impôt, mais qui pouvait au moins faire entendre les vœux et les réclamations des peuples, et qui obtenait souvent satisfaction.

Les inscriptions sont sur cette matière plus explicites encore que les historiens. Elles nous mettent sous les yeux avec une pleine clarté tout un côté de la vie publique de ce temps-là. Déjà elles nous ont fait voir qu'il s'était établi dès les premiers temps de l'Empire romain une sorte de religion politique dont la divinité suprême était l'empereur. Elles vont nous montrer encore que cette même religion, qu'au premier abord on jugerait faite pour des esclaves, fut au contraire un principe de liberté.

On sait que chaque province avait son temple d'Auguste. On retrouve l'existence de ce temple en Galatie, en Bithynie, en Grèce, en Afrique, en Espagne. La Gaule Narbonnaise avait un temple à Narbonne. Les trois grandes provinces qu'on appelait l'Aquitaine, la Lugdunaise et la Belgique s'étaient associées dans ce cuite et avaient élevé un temple magnifique sur un petit territoire qui leur appartenait en commun près de Lyon. C'est là que s'accomplissaient les cérémonies religieuses et les fêtes sacrées des Trois Gaules[6].

Chacun de ces temples, en Orient comme en Occident, avait son grand prêtre. Les inscriptions grecques appellent ce personnage άρχιερεύς ; les inscriptions latines l'appellent sacerdos ou flamen ; ces deux termes indiquaient, dans la langue du temps, une dignité religieuse d'un ordre élevé[7].

Si l'on songe à l'importance que ce culte avait dans les croyances des peuples, on doit penser que l'homme qui y présidait jouissait lui-même d'une très haute considération. Aussi ce sacerdoce n'était-il conféré qu'aux hommes les plus distingués de la province ; pour y parvenir, il fallait avoir rempli déjà les fonctions les plus élevées et les premières magistratures municipales[8]. Représentons-nous les usages et les idées de cette époque : voyons ce grand prêtre s'avancer sous son brillant costume de pontife, couvert d'une robe de pourpre brodée d'or, la couronne d'or sur la tête[9], et, au milieu de la grande assemblée silencieuse et recueillie, accomplir le pompeux sacrifice pour le salut de l'empereur, et pour le salut du pays ; nul doute qu'un tel personnage ne tienne un rang très haut dans l'estime des hommes et qu'en ce jour solennel il ne marche à peu près l'égal du gouverneur. Celui-ci a le droit de glaive ; lui, il est en possession du droit de prononcer la prière et d'attirer la bienveillance divine. Le gouverneur est le représentant du prince ; lui, il est le prélat de la province. Or ce grand prêtre ne dépendait pas du pouvoir et n'était pas nommé par l'empereur ; il était élu chaque année par la Gaule elle-même, c'est-à-dire par les délégués des soixante cités. C'était donc un chef électif du pays qui se plaçait vis-à-vis du fonctionnaire impérial.

Dans l'exercice de son sacerdoce, il était entouré et assisté par les représentants des différentes cités composant la province.

Cette réunion de personnages revêtus d'un caractère sacré et choisis par toutes les parties du pays ressemble assez à ce que l'ancienne Grèce avait connu sous le nom d'Amphictyonies, et à ce que l'ancienne Italie avait appelé Fériés Latines. La province était une sorte de confédération religieuse et politique à la fois. Elle marquait son unité et en même temps sa soumission à n'empire par un culte. Il fallait qu'aux cérémonies annuelles de ce culte tous les membres de la confédération fussent représentés ; ils faisaient ensemble le sacrifice et se partageaient la chair de la victime dans un repas sacré.

Tout cela n'était pas un pur cérémonial ; quand on sait combien ces générations étaient superstitieuses et quel empire la religion exerçait sur leurs âmes, on ne peut pas douter que la fête annuelle du temple d'Auguste ne fût un des événements les plus graves de l'existence humaine de ce temps-là. La religion et la politique y étaient également intéressées. Pour les peuples, c'était la plus grande fête de l'année, c'était le jour de la plus fervente prière et aussi des plus vifs plaisirs, le jour des festins et des spectacles. Pour le fonctionnaire impérial, c'était le jour solennel entre tous où la population marquait son dévouement et par son allégresse ratifiait l'Empire. Il devait envoyer un rapport à Rome sur la manière dont cette journée s'était passée. Il était très important qu'il put écrire chaque année ce que Pline, gouverneur de Bithynie, écrivait à Trajan : Ma province est dans des sentiments de soumission et de dévouement à votre égard ; nous nous sommes acquittés des vœux annuels pour votre salut et pour le salut public ; après avoir prié les dieux qu'ils vous conservent pour le genre humain dont vous assurez le repos, toute la province, avec un zèle pieux, a renouvelé le serment de fidélité[10].

Cette prière et ce serment, dont parle Pline, étaient certainement prononcés par le prêtre et les députés que la province elle-même avait élus. Supposons que la province fût mécontente et que l'esprit d'opposition y régnât, le gouvernement n'avait pas de moyens matériels pour la contraindra à élire des hommes qui se prêtassent à l'accomplissement de ces formalités. Si fort que soit un pouvoir, il ne lui serait pas aisé d'arracher à une population hostile un assentiment annuel, et cela durant trois siècles. Telle était l'importance de la fête solennelle que, si une seule ville dans la province avait été ennemie du gouvernement et eût marqué son opposition par un refus d'envoyer son représentant, il n'est pas douteux qu'un tel refus n'eût été un acte fort grave et que le gouvernement impérial n'y eût été très sensible. C'est en se plaçant au milieu des croyances des hommes qu'on s'aperçoit bien que ces générations avaient des moyens d'action assez efficaces à l'égard de leurs administrateurs. Il y a lieu de croire qu'un fonctionnaire avait pendant toute l'année les yeux fixés sur la grande fête religieuse où la province devait dire si elle était heureuse et satisfaite. Toute son habileté devait tendre à ce que ce concert de reconnaissance et de dévouement ne fût troublé par aucune discordance. Ce n'était pas lui qui nommait les prêtres ; leur élection était nécessairement à ses yeux la plus grave affaire de chaque année. Elle avait à peu près la signification et l'importance qui s'attachent, de nos jours, au choix des députés d'un pays ou des conseillers généraux d'un département[11]. Il faut d'ailleurs remarquer que ces prêtres annuels n'étaient pas ce que sont chez nous les ministres du culte, c'est-à-dire des hommes uniquement soucieux de la religion et placés en dehors delà vie politique. Les inscriptions montrent au contraire que les villes choisissaient comme prêtres les hommes qui avaient d'abord exercé les magistratures municipales. Ils étaient donc ce qu'on appellerait de nos jours des hommes politiques. Ils avaient administré longtemps les affaires de leur pays ; ils en connaissaient les intérêts, les besoins, les vœux, les sujets de plainte ; ils en étaient de véritables représentants.

Fixons un moment les yeux sur le temple qui avait été élevé par les trois provinces des Gaules près de Lyon. La fête annuelle avait lieu aux calendes du mois d'août. Elle commençait par un sacrifice ; les prêtres élus immolaient des victimes, faisaient brûler l'encens, récitaient les prières et les hymnes. On faisait ensuite un repas religieux en se partageant les chairs des victimes. Venaient enfin les jeux et les spectacles qui, dans les croyances de l'époque, n'étaient pas un simple amusement et qui formaient, au contraire, une des parties les plus essentielles du culte. Les soixante représentants des soixante cités des Trois Gaules étaient présents à ces jeux, assis à des places d'honneur et revêtus du costume des cérémonies religieuses.

Quand les sacrifices et les spectacles étaient terminés, ces représentants des cités ne se séparaient pas encore. Ils restaient réunis pendant quelques jours et ils formaient un corps que la langue officielle elle-même appelait l'assemblée des Gaules, concilium Galliarum. C'était en effet une sorte d'assemblée nationale qui se tenait régulièrement chaque année[12].

Les inscriptions nous donnent une idée des objets dont cette assemblée avait à s'occuper. Ses premières délibérations portaient sans doute sur les frais de la fête qui venait d'avoir lieu et sur le règlement des comptes. Elle disposait à cet effet d'un trésor commun — arca —, qui était alimenté par les cotisations des villes. Elle élisait chaque année un percepteur général — allector arcæ[13] —, un juge chargé d'apprécier les réclamations — judex arcæ Galliarum[14] —, et un répartiteur ou enquêteur du pays — inquisitor Galliarum[15] —. C'était une sorte d'administration provinciale, et elle était indépendante de l'autorité romaine.

Là ne se bornaient pas les attributions de l'assemblée. Elle examinait l'état des provinces et passait en revue les actes de l'année écoulée ; enfin elle discutait s'il y avait lieu d'accorder un éloge ou d'infliger un blâme aux gouverneurs et aux fonctionnaires impériaux.

Une inscription qui a été trouvée en Normandie est singulièrement instructive. Gravée l'an 258 de notre ère, elle contient une lettre qu'un ancien gouverneur de Gaule écrivait à l'un de ses successeurs. Cette lettre mérite d'être citée : A l'époque où j'étais légat impérial dans la province de Lugdunaise, j'ai connu plusieurs hommes distingués, du nombre desquels était Sennius Solemnis de la cité des Viducasses (Vieux, près de Caen) ; il avait été député comme prêtre au temple de Rome et d'Auguste. J'aimais déjà cet homme pour son caractère religieux, sa gravité, l'honnêteté de ses mœurs ; un autre motif encore lui valut mon amitié. Pendant que mon prédécesseur Claudius Paulinus gouvernait la province, il arriva que dans l'assemblée des Gaules quelques membres, qui croyaient avoir à se plaindre de lui, prétendirent lui intenter une accusation au nom de la province ; mais Solemnis combattit leur proposition et déclara que ses concitoyens, en le nommant leur député, loin de lui donner pour mandat d'accuser le gouverneur, l'avaient chargé de faire son éloge. Sur cette raison l'assemblée ayant délibéré décida unanimement que Claudius Paulinus ne serait pas mis en accusation[16].

Voilà donc une assemblée de députés élus de la Gaule qui, dans la capitale du pays, après avoir accompli les cérémonies du culte, a délibéré sur la conduite et sur l'administration du gouverneur impérial. Elle a pu décider qu'elle lui intenterait une accusation ; elle a discuté cette question en pleine liberté ; si l'accusation n'a pas été produite, c'est parce que l'assemblée a voulu qu'elle ne le fût pas.

Ces assemblées n'étaient pas particulières à la Gaule ; elles étaient une institution générale de l'Empire. Autour du temple d'Auguste qui s'élevait dans chaque province se groupait un conseil provincial ou national. Les inscriptions de la Grèce mentionnent fréquemment ce conseil ; elles nous le montrent élisant son président annuel et promulguant même des décrets. Celles d'Espagne signalent de même le conseil de la Bétique et celui de la Tarraconaise qui se tenaient chaque année, à époque fixe, dans les capitales de ces deux provinces[17]. Partout on trouve la trace de ces assemblées[18].

Un chapitre de Tacite confirme et éclaire tous ces documents. Sous le règne de Néron, le sénat romain se plaignit de ce que les provinces, au lieu de trembler devant leurs gouverneurs, leur faisaient la loi. Voyez nos proconsuls, dit un sénateur : ils sont comme des candidats qui brigueraient les suffrages de leurs administrés ; ils redoutent leurs accusations et ils mendient leurs éloges[19]. On cita à ce sujet l'orgueilleuse parole d'un homme de province qui avait dit qu'il dépendait de lui que son gouverneur reçût, ou non, des actions de grâces. Le sénat s émut ; il chercha les moyens de relever l'autorité. Il se demanda s'il retirerait aux provinces le droit d'accuser leurs administrateurs ; mais il n'osa pas le faire. Il voulut au moins leur enlever, ce qui en était la contre-partie, la faculté de décerner des éloges et des honneurs publics. Il fut alors décidé que les assemblées provinciales pourraient députer à Rome pour accuser, mais non pour remercier[20].

Ainsi, dès le règne de Néron, on reconnaissait l'existence légale des assemblées ; on se plaignait à Rome de leur trop de puissance et on n'osait leur enlever qu'une seule de leurs attributions, qui leur fut même bientôt rendue. A une autre époque, l'historien Ammien Marcellin signale l'assemblée annuelle d'une province et nous la montre élisant des députés pour porter à l'empereur ses doléances[21].

Il est si vrai que ces assemblées étaient régulières et 'égales, que le Digeste a conservé plusieurs rescrits impériaux adressés par Hadrien et par Antonin à l'assemblée de la Bétique, à celle des Thraces, à celle des Thessaliens[22]. On a des lois de Vespasien, d'Hadrien, d'Alexandre Sévère qui ont trait aux députations provinciales[23]. Nous verrons plus loin que le régime plus despotique inauguré par Dioclétien ne les fit pas disparaître[24].

Les membres de ces députations étaient élus par les représentants des différentes cités de la province réunis en une assemblée commune. L'uf âge était que cette assemblée rédigeât d'abord ses vœux et ses demandes ; elle élisait ensuite un ou plusieurs députés à qui elle remettait la lettre ou le cahier dans lequel ses vœux étaient consignés. Les députés n'avaient autre chose à faire qu'à porter ce cahier à l'empereur et à le soutenir devant lui par leur parole ; ils ne pouvaient pas s'écarter du mandat qu'ils avaient reçu de leurs concitoyens. Tantôt il s'agissait seulement d'adresser au prince les remercîments de la province. Tantôt c'étaient des plaintes ou des réclamations qu'il fallait présenter. Quelquefois il fallait faire connaître au prince les désastres qui avaient frappé la province, demander une réduction d'impôt on une subvention pour l'établissement d'un aqueduc, d'une école ou d'un théâtre. Un député pouvait être élu malgré lui ; il n'avait pas le droit de refuser le mandat. Les frais du voyage étaient supportés par le budget de la province[25].

On se ferait sans doute une idée fort inexacte de ces assemblées provinciales et de ces députations, si on les rapprochait des parlements des nations modernes. Dire que le régime parlementaire ait été trouvé dans l'Empire romain serait aussi faux que de dire qu'il a été trouvé dans les bois de la Germanie. Les assemblées de Lyon et de Narbonne ne firent jamais de lois et n'eurent pas à voter les impôts. Elles n'eurent même jamais le droit de s'opposer à une loi ou d'arrêter la levée d'aucun impôt. D'aucune façon elles n'entrèrent en partage de l'autorité publique. Elles ne furent même pas des centres d'opposition. On ne voit pas qu'elles se soient jamais posées en face du pouvoir impérial comme une puissance adverse, et aussi le gouvernement ne vit-il jamais en elles des ennemis.

L'Empire romain ne connaissait assurément pas cette sorte de régime représentatif où les populations gouvernent sous le nom d'un roi. Il connaissait du moins cette autre sorte de régime où les populations, sans jamais gouverner, ont des moyens réguliers et légaux de faire entendre leurs désirs et leurs plaintes.

Que l'on observe de près cette institution qui a duré cinq siècles, on remarquera qu'elle n'a donné lieu à aucun trouble, qu'elle n'a engendré aucun conflit. Il semble plutôt qu'elle ait été un appui pour le gouvernement impérial. Elle aurait pu devenir un puissant instrument d'opposition, si l'idée d'opposition avait été dans les âmes. Dans l'état des esprits, elle fut plutôt un moyen de gouvernement. Par elle, les peuples étaient en communication incessante avec le pouvoir. Ne nous figurons donc pas cette société muette et résignée ; c'est sous un tout autre aspect que les documents nous la montrent. Tantôt elle remercie et adule, tantôt elle récrimine et accuse ; toujours elle parle, et librement ; elle est en perpétuel dialogue avec son gouvernement, qui ne peut jamais ignorer ses opinions et ses besoins. Cette institution n'était pas inconciliable avec une obéissance constante, avec une fidélité irréfléchie, et même avec certaines habitudes de servilité. Mais il y a un degré d'oppression qui aurait été incompatible avec elle ; il n'est pas humainement possible que des peuples, qui avaient une telle arme dans les mains, eussent supporté et servi pendant cinq siècles un régime qui aurait été contraire à leurs intérêts. L'adulation des hommes ne va jamais jusqu'à souscrire à leur ruine.

 

 

 



[1] Sur ces legationes en général, voir Tacite, IV, 13 ; Dion Cassius LVII, 17 : ς πρεσβεαις τας παρ τν πλεων κα τν θνν. — Suétone, Vespasien, 24 : Ut legationes audiret. — Fronton, Ad amicos, II, 6. — Pline, Lettres à Trajan, 52, montre que l'usage des legationes allait jusqu'à l'abus ; les frais en étaient faits par les villes, et elles coûtaient cher.

[2] Dion Cassius représente l'empereur Claude πρεσβείας έχροώμενον (LX, 35). Il dit la même chose de Marc-Aurèle (LXXI, 19). Les vœux présentés par les provinces étaient de nature diverse. Souvent elles demandaient une diminution d'impôt (Tacite, Annales, IV, 15 ; I, 16 ; Dion Cassius, LXXI, 19). — Au sujet des legationes on consultera utilement P. Guiraud, les Assemblées provinciales, liv. II, c. 7.

[3] Voir sur ce sujet ce que dit Tacite, Annales, XV, 20 et 21.

[4] Tacite, Annales, IV, 15 : Procurator Asiæ Lucilius Capito, accusante pro-vincia, causam dixit. — Ibidem, XIII, 53 : Idem annus ptures reos habuit, quorum P. Celerem, accusante provincia. — Pline, Lettres, II, 2 : Marius Priscus, accusantibus Afris, quitus pro consule prœfuit, indices petiit ; ego et Cornelius Tacitus adesse provincialibus jussi. — Ibidem, III, 9 : Marium Priscum una civilas publiée, multique privait reum peregerunt ; in Classicum tota provincia incubuit.

[5] Tacite, Annales, IV, 15 : Lucilius Capito... damnatur. — III, 70 : Auditi Cyrenenses et Cæsius Cordus repetundarum damnatur. — XII, 22 : Damnatus Cadius Rufus accusantibus Bithynis. — XIII, 50 : Damnatus Vipsanius Lænas ob Sardiniam provinciam avare habitam. — XIV, 18 : Motus senatu Pedius Blæsus, accusantibus Cyrenensibus, ob dilectum militarem pretio et ambitione corruptum. — Pline, Lettres, III, 9 : Bona Classici placuit spoliatis relinqui. — VII, 55 : Dederat me senatus advocatum provinciæ Bæticæ contra Bæbium Massam, damnatoque Massa censuerat ut bona ejus publice custodirentur. — Jules Capitolin, Pius, 6 : Contra procuratores suas conquerentes libenter audivit ; 10 : Si quos repetundarum damnavit... ut illi provincialibus redderent. — Spartien, Sévère, 8 : Accusatos a provincialibus judices (judices est le terme général qui désigne les gouverneurs et les fonctionnaires publics), probatis rebus, graviter punivit.

[6] Dion Cassius, L.IV, 32. — Orelli, Inscriptions, n° 184, 185, 4018, 6966. Wilmanns, n° 885, 2220-2223. — Aug. Bernard, le Temple d'Auguste et la Nationalité gauloise. [Allmer, Musée de Lyon, t. II.]

[7] Le titre de sacerdos était encore porté au Ve et au VIe siècle par les évêques chrétiens.

[8] Sex. Attius, Viennensis, omnibus honoribus in patria sua functus, flamen provinciæ Narbonensis (Herzog, Galliæ Narbonensis historia, appendice, n° 501). — Q. Solonius, equo publico (décoré du titre de chevalier romain), flamen provinciæ Narbonensis (ibidem, n° 100) [Corpus, XII, n° 5184.] — Sex. Julio Lucano, duumviro civitatis Segusiavorum, sacerdotati (A. Bernard, p. 58). — P. Vettio Perenni, Carnutino, ex provincia Lugdunensi, duumvirali, sacerdotati (ibidem, p. 57). — Cf. Orelli, n° 184, 2273 ; Henzen, n° 6960. — Encore en 395, une loi insérée au Code Théodosien (XII, 1, 148) prononce que pour obtenir la dignité de grand piètre provincial il faut réunir trois conditions : le mérite, la for-lune, et l'exercice préalable des plus hautes magistratures municipales.

[9] Purpura illa et aurum cervicis ornamentum eodem more apud Ægyptios et Babylonios insignia erant dignitatis, quo more nunc prætextæ, vel trabeœ, vel palmatæ, et coronæ aureæ sacerdotum provincialium (Tertullien, De idolatria). Cf. Dion Chrysostome, Oratio 34 : Έστεφανωμνους πολλος δεν στι καθ´ κστην πλιν κα θοντας ν κοιν κα προϊντας ν πορφρ. — [Ajouter maintenant Corpus, XII, p. 864*.]

[10] Diem celebravimus... piccati deos ut le generi humano incohimem prætarent ; præivimus et commititonibus jusjurundum more solemnii præstantibus et provincialibus, qui eadem certarunt pietate, jurantibus (Pline, Lettres, X, 60). Cf. X, 28 ; X, 44 et 45. — X, 101 : Vota, domine, persolvimus, cumule provincialium pietate, precati deos ut le remquepublicam floreatem et incolumem servarent. —Le même auteur (Panégyrique, 68) marque l'importance que les empereurs eux-mêmes attachaient à ces vœux des provinciaux ; il montre le prince attendant avec anxiété les courriers qui doivent lui annoncer que les vœux ont été prononcés. Ce n'était donc pas tout à fait une vaine formalité.

[11] Ces élections étaient fort disputées. Un jurisconsulte du IIIe siècle parle des brigues et quelquefois même des luttes à main armée qui les accompagnaient, Paul, Sentences, V, 30 : Petiturus magistratum vel provinciæ sacerdotium, si turbam suffragiorum causa conduxerit, servos advocaverit, aliamve quam multitudinem conduxerit.

[12] M Glasson prétend, page 291, que le concilium Galliarum fut organisé par Auguste, et qu'il le fut en l'an 27 avant notre ère. C'est une erreur. M. Glasson a confondu le concilium Galliarum avec le conventus qu'Auguste réunit à Narbonne cette année-là. Il ajoute qu'à partir de cette même aimée les députés des soixante cités se réunirent à Narbonne ; l'inexactitude est manifeste : Narbonne n'était pas dans la même province que les soixante cités gauloises, et ne pouvait pas en être le chef-lieu. Notons surtout que le conventus de l'an 27 n'a aucun rapport avec l'institution des assemblées provinciales. La théorie de M. Glasson est que les assemblées provinciales ont été établies avant le culte de Rome et d'Auguste, c'est-à-dire comme une pure institution politique. Nous croyons que cette théorie est absolument démentie par les documents.

[13] Wilmanns, n° 2247 : L. Besio Superiori, Viromanduo, omnibus honoribus apud suos functo, allectori arcæ Galliarum, tres provinciæ Galliæ.

[14] Wilmanns, n° 2217 : Tib. Pompeio Prisco, Cadurco, judici arcæ Galliarum, tres provinciæ Galliæ.

[15] Wilmanns, n° 2218 : L. Cassio Meliori, Suessioni, omnibus honoribus apud suos functo, inquisitori Galliarum, tres provinciæ Galliæ. — Spon-Renier, p. 147 : G. Julio Severino, Sequano, inquisitori Galliarum. — Idem, p. 158 : Paterno Urso, Turono..., inquisitori Galliarum, très provinciæ Galliæ. — Une opinion nouvelle a été présentée par M. P. Guiraud, Assemblées provinciales, liv. II, c. 3 ; suivant lui, cet inquisitor serait un agent provincial de l'ordre judiciaire. Il nous reste quelque doute sur ce point. Nous ne nous expliquerions pas une pareille fonction, dont nous ne trouvons d'analogue nulle part.

[16] Cette inscription se trouve gravée sur une des faces d'un piédestal qu'on appelle le monument de Thorigny, et qui est aujourd'hui à Saint-Lô. M. Léon Renier en a fait une étude particulière dans les Mémoires de la Société des antiquaires de France, t. XXII. Elle a été publiée également par M. Mommsen dans les Mémoires de l’Académie de Saxe, 1832, puis par M. Aug. Bernard, et en dernier lieu par M. E. Desjardins, Géographie de la Gaule, t. III, p. 200.

[17] Τό καινόν τής Άχαίας (Bœckh, Corpus inscriptionum, n° 1224). — Δόγμα τοϋ κοινοΰ πάσος Κρήτων έπαρχίας (ibidem, n° 2595, 2596, 2597). — Τό καινόν τών έν Βειθυνία Έλλήνων (G. Perrot, Exploration archéologique de la Galatie). — Deux inscriptions trouvées en Macédoine par M. Delacoulonche mentionnent un καινόν Μακεδόνων (voir la Revue des sociétés savantes, 1858). — On trouve l'existence de ce conseil jusque dans les provinces des côtes de la mer Noire (voir G. Perrot, Revue archéologique, 1874). — Les inscriptions latines signalent le concilium Bæticæ, le concilium Tarraconensis provinciæ. On peut voir sur ce sujet un remarquable travail que Marquardt a publié dans l’Ephemeris epigraphica, en 1872. Cf. Waddington, Voyage archéologique, partie V, n° 1175 à 1178, et les notes que le savant explorateur a données sur ces inscriptions.

[18] Au moment même où je retouche cette troisième édition, il paraît un savant livre de M. Guiraud, sur les Assemblées provinciales dans l’Empire romain. L'auteur montre, à l'aide des documents, surtout des documents épigraphiques, qu'il a existé de pareilles assemblées en Espagne, en Dacie, en Thrace, en Macédoine, en Thessalie, en Grèce, en Asie, en Galatie, en Cappadoce, en Syrie, en Afrique, en Grande-Bretagne.

[19] Tacite, Annales, XV, 21 : Colimus externos et adulamur ; et quomodo ad nutum alicujus gratos, ita promptius accusatio decernitur. Decernaturque et maneat provincialibus potentiani suum dati modo ostentandi. Sed laus falsa cohibeatur.... Magistratuum nostrorum finis inclinat, dum in modum candidatorum suffragia conquirimus.

[20] Tacite, Annales, XV, 20-22.

[21] Adlapso legitimo die concilii, quod apud eos est annuum, creavere legales ut lacrymosas provincial ruinas docerent. Ammien, XXVIII, 6.

[22] Digeste, V, 1, 57 : Divus Hadrianus τώ κοινώ τών Θεσάλων, id est, communi seu reipublicæ Thessalorum rescripsit. — Ibidem, XLVII, 14, 1 : Divus Hadrianus concilio Bæticæ rescripsit. — Ibidem, XLIX, 1, 1 : De qua re exstat rescriptum divi Pii πρός τό κοινόν τών Θράκων, id est, ad communitatem Thracum.

[23] On les trouvera au Digeste, livre L, titre 7, De legationibus. — Comparer Code Justinien, livre X, titre 63.

[24] [Dans le volume sur l’Invasion germanique, livre I.]

[25] Voir sur tous ces points le Code Théodosien, liv. XII, titre 1, loi 25 ; et liv. XII, titre 12, lois 12, 13, 15. — Cf. Symmaque, Lettres, I, 2 ; IV, 52 ; X, 53 ; et le Digeste, liv. L, titre 7. — Il est à peine besoin de faire observer que le gouverneur réussissait souvent à faire nommer pour député un homme de son choix et à ne faire dire par ce député que ce qu'il voulait qu'il fût dit ; c'est là un fait qui dut se reproduire bon nombre de fois dans l'espace de ces cinq siècles ; on peut supposer pourtant qu'il ne fut que l'exception. Ammien Marcellin (XXX, 5) cite une scène curieuse : il s'agit d'un gouverneur qui a déterminé, nous ne savons par quel moyen, l'assemblée provinciale à charger son député d'un mandat de remercîment ; mais l'empereur, qui a quelque soupçon, oblige ce député à lui dire la vérité tout entière, et comme il apprend que les provinciaux ont été maltraités, il destitue le gouverneur.