LA GAULE ROMAINE

LIVRE PREMIER. — LA CONQUÊTE ROMAINE

 

CHAPITRE III.

 

 

DES DIVERSES CLASSES DE PERSONNES CHEZ LES GAULOIS.

 

Cette société était fort aristocratique et les rangs y étaient très inégaux.

Il y avait d'abord, au bas de l'échelle, les esclaves[1]. César et Diodore les mentionnent plusieurs fois. César les appelle du même nom dont il appelait les esclaves des Romains, servi, et il ne remarque pas qu'il y ait de différence entre la servitude en Gaule et la servitude en Italie[2]. Il rappelle un usage qui n'était pas fort ancien : un maître mort, on brûlait quelques-uns de ses esclaves sur son bûcher[3]. En Gaule comme à Rome, l'esclave était un objet de propriété ; le maître pouvait le vendre. Les marchands italiens en achetaient volontiers, et, s'il faut en croire Diodore, ces esclaves étaient si nombreux et de si peu de valeur en Gaule, que leurs maîtres s'en défaisaient au prix d'une mesure de vin[4].

César signale une classe d'hommes qu'il appelle les débiteurs[5]. Nous ne connaissons pas assez le droit des Gaulois pour savoir quelle était leur législation sur les dettes. Les deux allusions qu'y fait César donnent à penser que la dette menait presque inévitablement à l'esclavage ou à un demi-esclavage[6]. C'est ainsi qu'on voyait de riches Gaulois traîner après eux des troupes de débiteurs, qui leur obéissaient comme des esclaves obéissent à un maître[7].

Les Gaulois connaissaient aussi la pratique de l'affranchissement[8].

Quant aux hommes libres, il est possible qu'ils fussent égaux en droit et en théorie ; mais dans la pratique il y avait entre eux de profondes inégalités. César parle plusieurs fois d'hommes très riches. Il nous montre, par exemple, un Helvète qui a plus de dix mille serviteurs à lui[9], un Éduen qui est assez riche pour lever à ses frais une nombreuse troupe de cavalerie[10]. Ce qu'il montre plus souvent encore, c'est une noblesse de naissance[11]. Presque jamais il ne nous présente un Gaulois sans nous dire quel rang il occupe dans cette hiérarchie. Une remarque nous a frappé : On sait que, dans la société romaine du temps de César, les rangs étaient marqués par trois épithètes, toutes les trois honorifiques, mais inégalement ; c'étaient celles de honestus, de illustris et de nobilis. Or César applique ces trois titres à des Gaulois[12]. Il a donc vu, ou tout au moins il a cru voir dans cette société gauloise des degrés analogues à ceux qu'il voyait dans son pays.

Quelle était l'origine première de cette noblesse ? Il ne le dit pas. Nous pouvons supposer qu'elle se rattachait à l'antique régime du clan. En tout cas, elle formait encore, au temps de César, une caste héréditaire. César la désigne par deux noms également usités à Rome, nobilitas[13] et equitatus[14], noblesse et ordre équestre. Peut-être les deux mots, appliqués aux Gaulois, n'étaient-ils pas tout à fait synonymes ; nous inclinons à croire qu'ils désignaient les deux rangs inégaux de la classe supérieure[15].

Cette classe, si l’on en juge par les exemples que César présente, était en même temps la classe riche et la classe guerrière. On voit bien qu'elle puisait sa force à la fois dans le prestige de la naissance, dans la possession du sol et dans la pratique des armes[16]. Aussi avait-elle la puissance dans l’État[17]. Elle composait en grande majorité le sénat de chaque peuple, et il paraît bien que toutes les magistratures, comme tous les commandements militaires, lui appartenaient[18].

A côté de cette noblesse guerrière, la Gaule avait un corps sacerdotal. Les druides ont beaucoup frappé l'imagination des anciens. Ils leur ont attribué une doctrine secrète, qui aurait été très élevée et très spiritualiste[19]. La critique historique a quelques motifs de douter de l'existence de cette doctrine. La seule chose certaine et constatée est que les druides formaient entre eux un clergé fortement organisé. Or une institution de cette nature est digne de remarque, car on n'en trouve pas d'autre exemple chez les anciens peuples de l'Europe.

Ce clergé n'était pas une caste héréditaire, comme il s'en trouva dans l'Inde. Il n'était pas non plus une simple juxtaposition de prêtres isolés, comme en Grèce, ou de collèges indépendants, comme à Rome. Il était une véritable corporation. Il avait ses dogmes, lesquels, exprimés par des milliers de vers[20], se transmettaient par la mémoire et étaient d'autant plus sacrés aux yeux de la foule qu'ils n'étaient pas écrits[21]. Il avait son long noviciat, en sorte que nul n'entrait dans ce corps qu'après un lent travail où son âme avait été modelée à la volonté des supérieurs[22]. Il avait sa discipline intérieure et sa hiérarchie[23]. Il avait enfin un chef unique, qu'il ne recevait pas de l'Etat et qu'il élisait lui-même[24]. Ce clergé était indépendant de toute autorité publique. Il se plaçait en dehors et au-dessus des peuples.

Cette forte organisation lui avait donné un grand prestige aux yeux des hommes. Venu peut-être de l'île de Bretagne[25], il avait réussi à supplanter tous les sacerdoces locaux ; du moins n'en voyons-nous plus trace dans les documents que nous ont laissés les anciens[26]. Il s'était arrogé le monopole des choses religieuses, et, ce qui surprenait fort un Romain, c'est qu'aucun acte sacré, soit dans la famille, soit dans la cité, ne pouvait être accompli sans la présence d'un druide[27]. Il semble, non pas que toute la religion gauloise fût venue du druidisme, mais que le druidisme à une certaine époque ait mis la haute main sur toute la religion gauloise[28].

Le droit des druides allait jusqu'à exclure un homme de la religion. Les anciens Grecs et les Romains avaient connu cette sorte d'excommunication. Elle était le fond de ce qu'ils appelaient άτιμία ou infamia[29]. Mais, chez eux, c'était l'État seul qui la prononçait. En Gaule, les druides, s'ils avaient à se plaindre d'un homme ou même d'un peuple, lui interdisaient tous les actes sacrés[30]. Cette arme dans leurs mains était terrible, en proportion de la foi que les hommes avaient en eux. Les hommes à qui le culte a été interdit sont mis au nombre des impies et des scélérats ; on s'éloigne d'eux ; on fuit leur approche et jusqu'à leur parole ; on craint d'être souillé par leur contact ; pour eux il n'y a plus de justice, et aucune magistrature ne leur est accessible[31].

Avec cette grande force, grâce surtout à sa rigoureuse discipline au milieu de populations peu disciplinées, ce clergé avait acquis un pouvoir immense sur la société laïque. Comme il était constitué monarchiquement au milieu de la division universelle, il dominait tout. Le peuple tout entier leur était soumis[32]. Les textes ne disent pas précisément que cette autorité des druides fût établie par des lois, ni qu'elle fît partie de la constitution de l'Etat. Tout ce que nous savons, c'est qu'ils étaient en grand honneur[33].

Aussi s'étaient-ils fait donner des privilèges utiles. Partout ils avaient l'exemption d'impôts pour leurs biens et la dispense du service militaire pour leurs personnes[34]. Peut-être faisaient-ils partie des sénats locaux ; tous les historiens modernes le soutiennent[35] ; mais ni César ni aucun auteur ancien ne l’a dit. Ils n'avaient sans doute pas besoin de faire partie des sénats ni de gérer les magistratures pour être tout-puissants[36].

Ils rendaient la justice. Non que César dise qu'ils eussent légalement le droit de juger ; mais il présente leur juridiction comme un fait presque général. Ils décident de presque tous les débats entre les peuples comme entre les particuliers ; s'est-il commis un crime, un meurtre, s'élève-t-il une contestation sur un héritage, sur des limites, ce sont eux qui jugent ; ils fixent les indemnités et les peines[37]. A une époque fixe de l'année, dans le pays des Carnutes, ils tiennent leurs assises en un lieu consacré par la religion ; là accourent de tous côtés tous ceux qui ont quelque débat, et, dès que les druides ont décidé et jugé, on obéit[38]. Ainsi, les justiciables s'adressaient d'eux-mêmes aux druides. La justice allait à eux. Et César admire, non sans quelque surprise, ces prêtres qui, sans posséder ni l’imperium ni le jus gladii, faisaient pourtant respecter leurs arrêts. Il explique cela : c'est que, si le justiciable qui s'était présenté devant eux pouvait récuser leur sentence[39] et se retirer libre, il emportait avec lui leur excommunication, et l'existence lui devenait dès lors impossible. On a pu dire que leur juridiction était sans appel, en ce sens seulement que, l'appelant étant excommunié, aucun autre tribunal ne pouvait plus s'ouvrira lui[40].

Telle était la puissance du clergé druidique, du moins si l'on s'en rapporte à deux chapitres de César. Mais il faut avouer que l'autorité de ces deux chapitres est sensiblement affaiblie par tout le reste du livre. Il ne faut pas négliger de remarquer que, nulle part ailleurs, César ne parle des druides. Dans cette histoire de huit années oîî tous les intérêts de la Gaule étaient en jeu, oii toutes les forces et les éléments divers du pays ont eu à se montrer de quelque façon, les druides ne figurent pas une seule fois. César mentionne bien des discordes entre les Gaulois ; les druides ne sont jamais ni acteurs dans ces querelles ni médiateurs. Plusieurs jugements sont signalés par César, pas un qui soit rendu par eux. Le jour où deux Eduens se disputent la magistrature suprême, ce n'est pas l'arbitrage des druides qu'ils sollicitent, c'est l'arbitrage de César[41]. Dans plusieurs cités deux partis sont en présence ; les druides ne sont ni pour l'un ni pour l'autre, et n'interviennent même pas pour rétablir la paix[42]. Une question plus haute encore s'agite, celle de l'indépendance ou de la sujétion de la Gaule. Il est impossible de savoir s'ils sont pour l'indépendance ou pour la sujétion. César ne traite jamais avec eux ; jamais il ne les combat. Ils ne sont pas avec César ; ils ne sont pas davantage avec Vercingétorix. Dans celte grande assemblée où les représentants des cités gauloises préparèrent l'insurrection générale et prêtèrent serment sur les enseignes militaires, il n'y avait pas de druides[43]. Nous ne les voyons ni à Gergovie ni à Alésia.

Il y a donc quelques motifs pour faire quelques réserves au sujet du rapport de César, et surtout pour se mettre en garde contre les exagérations que les historiens modernes ont édifiées sur ce seul rapport. Dire que les druides avaient une part immense dans le gouvernement de la Gaule[44] est aller trop loin. Il faut s'en tenir à penser qu'ils avaient comme prêtres un grand prestige, que beaucoup d'hommes leur portaient leurs procès, que leur justice était préférée à celle des États. En politique, ils avaient des privilèges utiles et ils les préféraient peut-être à l'autorité légale. Nous sommes sûrs qu'ils étaient exempts des charges publiques ; nous ne le sommes pas qu'ils fussent en possession des pouvoirs publics. Leur indépendance à l'égard des Etats est mieux prouvée que leur domination sur ces Etats.

En dehors de la noblesse partout puissante et de cette corporation druidique très forte dans son isolement, les simples hommes libres ne formaient plus qu'une plèbe[45]. César en parle comme d'une classe méprisée et opprimée. Elle ne compte pas, dit-il[46] ; elle n'ose rien par elle-même ; elle n'est admise dans aucun conseil ; elle est traitée presque en esclave[47].

Les Gaulois avaient pourtant de l'industrie et du commerce, c'est-à-dire de quoi former peu à peu une plèbe riche vis-à-vis de la noblesse guerrière. Ils fabriquaient du drap, des toiles, des armes, des poteries, des chars, des bijoux. Mais cela constituait-il une classe industrielle ? Nous ne pouvons pas l'affirmer, puisque les anciens ne nous font même pas savoir si tout ce travail était fait par des mains serviles ou par des mains libres. Ils avaient aussi des commerçants ; César les mentionne. Mais il nous est impossible de dire si ces commerçants étaient nombreux, s'ils étaient riches, et s'ils tenaient quelque place et quelque rang dans l'Etat. Dans les choses gauloises nous sommes réduits à beaucoup ignorer.

Il ne semble pas qu'il existât en Gaule, au temps de César, une véritable classe urbaine, du moins une classe urbaine qui eût quelque importance et qui comptât. Il y avait beaucoup de villes, mais, à l'exception de quatre ou cinq, elles étaient petites. Elles n'étaient pas des centres de population. Nous remarquons que, lorsque les magistrats voulaient rassembler un grand nombre d'hommes, ils devaient aller les chercher dans les champs[48]. Si César se présente inopinément devant une ville, il ne trouve d'abord sur ses murailles qu'un très petit nombre de défenseurs[49]. Les villes ne résistent qu'à condition que la population des campagnes vienne s'y entasser.

D'autre part, la classe des paysans propriétaires ne paraît pas avoir été nombreuse. César signale, dans les campagnes, des multitudes d'hommes qui ne possèdent rien, qu'il appelle des indigents et des hommes sans aveu, egentes et perditi[50]. Le prolétariat était déjà un fléau de la Gaule et la disposait à tous les troubles. Les riches propriétaires, — ceux que cite César appartiennent tous à la noblesse, — occupaient ordinairement, au bord d'un cours d'eau ou à l'ombre d'un bois, une sorte de vaste demeure seigneuriale, où ils vivaient entourés d'une domesticité nombreuse[51].

Nous pouvons d'après ces divers détails nous faire une idée générale de la société gauloise : beaucoup de paysans et très peu de classe urbaine ; beaucoup d'hommes attachés au sol et très peu de propriétaires ; -beaucoup de serviteurs et peu de maîtres ; une plèbe qui ne compte pas, un clergé très vénéré, une aristocratie guerrière très puissante.

Il y a un trait des mœurs gauloises qui dénote combien les rangs étaient marqués et les distinctions profondes. Dans leurs repas, dit un ancien, la place d'honneur est au milieu ; celui-là l'occupe qui est le premier par la valeur, par la naissance ou par la richesse ; les autres se placent plus ou moins loin de lui suivant leur rang ; derrière chacun d'eux, debout, se tient l'écuyer qui portes ses armes ; leurs gardes sont assis en face de chaque maître, et des esclaves servent à la ronde[52].

 

 

 



[1] Chambellan l'a nié, pages 220-225.

[2] César parle trois fois des servi, V, 45 ; VI, 49 ; VIII, 30.

[3] César, VI, 19 : Servi quos ab iis dilectos esse constabat, ustis funeribus una cremabantur. Il ajoute que cela se passait peu de temps avant son époque, paulo supra hanc memoriam.

[4] Diodore, V, 26 : πολλο τν ταλικν μπρων γονται τν τν Γαλατν φιλοιναν. διδντες γρ ονου κερμιον ντιλαμβνουσι παδα, το πματος δικονον μειβμενοι.

[5] César, I, 4 : Orgetorix omnes obæratos suos, quorum magnum numerum habebat.

[6] César, VI, 13 : Plerique, cum ære alieno premuntur... sese in servitutem dicant nobilibus.

[7] César, VI, 13 : In hos eadem sunt jura quæ dominis in servos. — Peut-être ne s'agit-il ici que d'une servitude temporaire jusqu'au remboursement de la dette. Peut-être cette sorte de servitude excluait-elle le droit de vente à l'étranger. Mais on ne peut faire, faute de renseignements, que des conjectures.

[8] César (ou Hirtius) en parle deux fois ; V, 45 : Hic (il s'agit d'un Nervien) servo spe libertatis persundet ut litteras ad Cæsarem déferat. — VIII, 30 : Drappetem Senonem, servis ad libertatem vocatis, — Il ne l’écrit d'ailleurs ni les procédés ni les effets légaux de l'affranchissement.

[9] César, I, 4 : Orgetorix omnem suam familiam, ad hominum millia fecem, undique coegit. — On sait que dans la langue latine le mot familia désigne l'ensemble des esclaves, en y comprenant aussi quelquefois les serviteurs très voisins de l'esclavage.

[10] César, I, 18 : Dumnorigem... suam rem familiarem auxisse, et facultates magnas comparasse ; magnum numerum equitatus suo sumptu semper alere.

[11] César, VII, 32 : Cotum antiquissima familia natum, hominem summæ potentiæ et magnæ cognationis.

[12] César, V, 45 : Nervius nomine Vertico, loco natus honesto. — VII, 32 : Convictolitavem, illustrem adolescentem. — VI, 19 : Illustriore loco natus. — VI, 13 : Nobilibus. — I, 2 : Nobilissimis Orgetorix. — I, 31 : Nobilissimi cujusque liberos. — I, 18 : Homini nobilissimo ac potentissimo. — I, 7 : Nobilissimos civitatis (chez les Helvètes). — I, 31 : Nobilissimos civitatis (chez les Séquanes). — I, 51 : Omnem nobilitatem (chez les Éduens). — II, 6 : Iccius summa nobilitate (chez les Rèmes). — VII, 67 : Tres nobilissimi Ædui.

[13] César, I, 31 : Omnem nobilitatem. — V, 6 : Ut Gallia omni nobilitate spoliaretur. — VII, 12 : Omni nobilitate Æduorum interfecta. — La nobilitas est opposée à la plebs ; II, 6 : Ne omnis nobilitatis discessu plebs propter imprudentiam laberetur.

[14] César, I, 51 : Omnem eqnitatum. — VII, 38 : Omnis equitatus. — VI, 13 : Genus equitum. — VI, 15 : Alterum genus est equitum. — Il n'est sans doute pas besoin d'avertir que César emploie tour à tour le mot equitatus dans le sens d'ordre équestre et dans le sens de cavalerie ; ce dernier revient même plus souvent dans des récits de bataille.

[15] La distinction est, à notre avis, assez marquée dans des phrases comme celles-ci : Æduos omnem nobilitatem, omnem equitatum amisisse (I, 51) ; omnis noster equitatus, omnis nobilitas interiit (VII, 38).

[16] César, VI, 15 : Hi omnes in bello versantur ; atque eorum ut quisque est genere copiisque amplissimus, ita plurimos circum se ambacios clientesque habet. — Cette phrase rapproche les trois choses, bellum, genus, copiæ. Voir, d'ailleurs, comme exemples, les personnages de Dumnorix, de Cotus, d'Indutiomare, d'Ambiorix, de Vercingétorix même.

[17] Tous les personnages que César présente comme puissants appartiennent à cette classe, même ceux d'entre eux qui s'appuyaient sur la plèbe, comme Dumnorix. — César rapproche souvent puissance et noblesse : Homini nobilissimo ac potentissimo (I, 18) ; antiquissima familia natum, hominem summæ potentiæ (VII, 32). Il oppose les potentes à la plebs (VI, 11 et 13), comme il lui oppose la nobilitas (V, 5). Il dit aussi que les Gaulois ne connaissent pas d'autre puissance que celle du chevalier qui est assez riche pour se faire un nombreux entourage : Hanc unam potentiam noverunt (VI, 15). — Il est clair d'ailleurs qu'il faut faire une réserve pour les druides, et une aussi pour un parti populaire dont nous parlerons plus loin.

[18] Cela ressort avec pleine évidence de ce que César dit de la plèbe, VI, 13.

[19] César, VI, 14 : Volunt persuadere non interire animas, sed ab aliis post mortem transite ad alios. — Diodore, V, 28 et 31 ; cet auteur les qualifie de φιλσοφο κα θεολγοι. — Strabon, IV, 4, 4, édit. Didot, p. 1G4. — Timagène cité par Ammien Marcellin, XV, 9. — Pomponius Mêla, III, 1.

[20] L'ensemble de ces dogmes est appelé par César disciplina, ce qui s'apprend ; VI, 14 : Magnum ibi numerum versuum ediscere dicuntur.

[21] César, VI, 14 : Neque fas esse existimant ea litteris mandare... quod neque in vulgum disciplinam efferri velint.

[22] César, VI, 14 : Multi in disciplinam conveniunt et a parentibus propinquisque mittuntur. Magnum numerum versuum ediscere dicuntur. Itaque annos nonnulli vicenos in disciplina permanent.

[23] Strabon, IV, 4, § 4, distingue trois catégories : les bardes, qui chantent les hymnes ; les vates, qui accomplissent les cérémonies, et les druides proprement dits, qui sont comme les directeurs et les professeurs de toute la corporation.

[24] César, VI, 13 ; Omnibus druidibus præest unus, qui summum inter eos habet auctoritatem. Hoc mortuo, aut, si quis ex reliquis excellit dignitate, succedit, aut, si sunt plures pares, suffragio druidum ; nonnunquam etiam armis de principatu contendunt.

[25] C'est du moins ce que dit César, VI, 13 : Disciplina in Britannia reperta. Mais il ne l'affirme pas, existimatur.

[26] César ne mentionne des sacerdotes qu'une seule fois dans tout son livre (VII, 33) : c'est un passage où il dit qu'un magistrat a été creatus per sacerdotes more civitatis ; mais on ne saurait dire si les prêtres dont il s'agit ici sont ou ne sont pas des druides.

[27] César, VI, 13 : Illi (druides) rebus divinis intersunt, sacrificia publica ac privata procurant, religiones (les pratiques du culte) interpretantur. — VI, 16 : Administris ad ea sacrificia druidibus utuntur. — Diodore, V, 31, dit aussi que nul ne peut faire un sacrifice sans la présence d'un druide.

[28] C'est l'expression de César : Rebus divinis præsunt. Marquant la différence des Germains, il dit : Neque druides habent qui rebus divinis præsint (VI, 21). — Il nous paraît impossible de dire à quelle époque le clergé druidique s'est constitué ; il est généralement admis qu'il n'est pas d'une époque très ancienne. Il est impossible aussi de déterminer, parmi les divers dieux des Gaulois, ceux que le druidisme a créés. — Rappelons aussi que, suivant toute probabilité, l'Aquitaine, la Narbonnaise et la région du Rhin avaient échappé à l'action du druidisme.

[29] Nous avons montré cela dans la Cité antique, liv. III, c. 12-13.

[30] César, VI, 13 : Qui aut privatus aut populus eorum decreto non stetit, sacrificiis interdicunt.

[31] César, VI, 13 : Hæc pœna apud eos est gravissima. Quibus ita est interdictum, hi numero impiorum ac sceleratorum habentur ; his omnes decedunt, aditum sermonemque defugiunt, ne quid ex contagione incommodi accipiant, neque his petentibus jus redditur, neque honos ullus communicatur.

[32] Diodore, V, 31 : Πν τ πλθος χουσιν πκοον.

[33] César, VI, 13 : Magno hi (druidæ) sunt apud eos (Gallos) honore. — Strabon, IV, 4, § 4 : Παρ πσι τιμμενοι. — Diodore, V, 51 : Περιττς τιμμενοι.

[34] César, VI, 14 : Druides a bello abesse consuerunt, neque tributa cum reliquis pendunt ; militiæ vacationem omniumque rerum haben immunitatem.

[35] Pour ne citer que les plus récents, c'est l'opinion de Desjardins (t. II, p. 529 et 538) et de Glasson (p. 98) : Le Sénat de chaque peuple était composé de nobles et de prêtres.

[36] César, qui nomme beaucoup d'hommes puissants et beaucoup de magistrats, ne dit d'aucun d'eux qu'il fût druide. — Les historiens modernes disent volontiers que l'Éduen Divitiac était un druide ; mais César, qui a été en rapports constants avec lui, ne mentionne nulle part cette particularité.

[37] César, VI, 13 : Fere de omnibus controversiis publicis privatisque constituum, et si quod est admissum facinus, si cædes facta, si de finibus controversia est, iidem decernunt ; præmia pœnasque constituunt. — Strabon, IV, 4, § 4 : τς τε διωτικς κρσεις κα τς κοινς... τς δ φονικς δκας μλιστα τοτοις πεττραπτο δικζειν.

[38] César, VI, 13 : Hi certo anni tempore, in finibus Carnutum, considunt in loco consecrato. Huc omnes undique qui controversias habent conveniunt, eorumque decretis judiciisque parent.

[39] César, VI, 13 : Si quis eorum decreto non statit. — La phrase de César marque bien que l'homme qu'ils ont condamné peut se retirer libre sans exécuter l'arrêt.

[40] César, VI, 13 : Neque his petentibus jus redditur.

[41] César, VII, 32 : Legati ad Cæsarem principes Æduorum veniunt oratum ut civitati subveniat... quod duo magistratum gerant et se uterque eorum legibus creatum esse dicat, etc.

[42] Desjardins, Géographie de la Gaule romaine, t. II, p. 529, représente la noblesse et le sacerdoce ligués ensemble. Cela ne s'appuie sur aucun fait ni aucun texte. César dit, VI, 13, qu'il n'y a que deux classes qui comptent, les chevaliers et les druides, mais il ne dit pas que ces deux classes fussent alliées entre elles. Nous n'en savons rien.

[43] César, VII, 1 et 2 : Principes Galliæ indictis inter se conciliis, silvestribus ac remotis locis.... Profitentur Carnutes se nullum periculum communis salutis causa recusare, et quoniam in præsentia obsidibus cavere inter se non possint, ne res efferatur, ut jurejurando ac fide sanciatur, petunt, collatis militaribus signis, quo more eorum gravissima cærimonia continetur. Les idées préconçues sont si puissantes sur certains esprits, qu'on a cru voir dans ce texte, où les druides ne sont pas même nommés, une preuve de l'action des druides. Voici comment Michelet commente, Histoire de France, t. I, p. 63, édit. de 1835 : Les druides et les chefs de clan se trouvèrent d'accord pour la première fois. Le signal partit de la terre druidique des Carnutes, de Genabum. Il n'y a pas un mot de cela dans ces deux chapitres de César. Il ne dit même pas que cette réunion secrète au fond d'une forêt ait eu lieu sur le territoire des Carnutes. Et à supposer même qu'elle ait eu lieu sur leur territoire, le peuple des Carnutes n'était pas plus soumis que les autres à l'autorité des druides. César parle souvent d'eux et de leur état intérieur ; il n'y montre jamais la main des druides. Que les assises annuelles du druidisme se tinssent dans un endroit du pays des Carnutes, cela ne prouve rien. En tout cas César ne dit même pas que ce soit chez eux que se soit tenue cette fameuse réunion insurrectionnelle. Le serment sur des enseignes militaires n'avait rien de druidique, car les druides a bello abesse consuerant.

[44] Desjardins, Géographie de la Gaule, t. II, p. 529.

[45] César nomme la plebs, chez les Éduens (I, 3 et 17 ; VII, 42), chez les Trévires (V, 5), chez les Bituriges (VII, 13), chez les Bellovaques (VIII, 7 et 21). Enfin (VI, 11 et 13) il en parle comme d'une classe qui existe dans toute la Gaule, in omni Gallia.

[46] César, VI, 15 : Eorum hominum qui aliquo sunt numero genera sunt duo... alterum druidum, allerum equitum.

[47] César, VI, 15 : Nam plebs pæne servorum habetur loca, quæ nihil audet per se, nullo adhibetur consilio.

[48] César, I, 4 : Quum multiudinem hominum ex agris magistratus cogèrent.

[49] Voir, par exemple, la capitale des Suessions, Noviodunum. César, II, 12 : Id ex itinere oppugnare conatus, quod vacuum ab defensoribus esse audiebat... paucis defendentibus, expugnare non potuit.

[50] César, III, 17 : Multitudo perditorum hominum latronumque quos spes prœdandi ab agricultura et quotidiano labore revocabat. — VII, 4 : In agris habet delectum egentium ac perditorum. — VIII, 30 : Collectis undique perditis hominibus.

[51] César, VI, 50 : Ædificio circumdato silva, ut sunt fere domicilia Gallorum, qui, vitandi æstus causa, plerumque silvarum atque fluminum petunt propinquitates. C'est dans un ædificium de cette nature que vivait Ambiorix, entouré de comites et de familiares, qui étaient assez nombreux pour arrêter un moment la cavalerie de César.

[52] Posidonius, dans Athénée, livre IV, c. 36.