LA RENAISSANCE

 

CHAPITRE VI. — ÉRASME.

 

 

Parmi les humanistes de la Renaissance apparaît, au premier rang, Désiré Erasme. Il se nomma dans sa jeunesse Geert Geerts, nom néerlandais qui se traduirait par Gérard fils de Gérard. Enfant naturel, il n’avait pas de nom de famille. Il prendra comme écrivain les pseudonymes de Desiderius Erasmus, tirés, le premier du latin, le second du grec, pour regretter ensuite de n’avoir pas signé Erasmus comme plus fidèlement dérivé du grec έράσμιος (aimable).

Il naquit à Rotterdam le 28 octobre 1467. Le père, Geert Præt, était un ecclésiastique qui ne put légitimer son fils. Contraint de s’exiler en Italie, il quitta la mère et l’enfant. Peu après son retour, la mère mourut et bientôt, Geert Præt la suivit dans la tombe. Le gamin avait treize ans. On le voit débuter comme enfant de chœur en l’église d’Utrecht, après quoi ses tuteurs le placèrent au collège de Deventer où il fit de bonnes études classiques. Parvenu à l’âge où l’on fait choix d’une carrière, les tuteurs, qui paraissent ne pas s'être beaucoup souciés de lui rendre ses comptes, pesèrent sur lui pour qu’il entrât en religion ; et le jeune homme, bon gré mal gré — mal gré plutôt — vêtit la robe de bure des augustins au couvent de Steyn lès Gouda (Hollande) ; mais, très indépendant de pensée et d’humeur, il se sentait l’homme du monde le plus dépourvu de vocation claustrale : il prit en dégoût la manière de vivre des religieux et leur tournure d’esprit.

A en juger par la manière dont il parlera dans la suite des moines, son séjour au couvent de Steyn dut l’impressionner effroyablement. En son livre le plus célèbre, l’Eloge de la Folie, il écrit notamment :

Religieux et moines : deux noms usurpés, car la plus grande partie d’entre eux est très éloignée de la religion et je ne connais pas de gens moins solitaires. Je ne vois rien de plus à plaindre que cette espèce... Ils sont tellement haïs des hommes que leur rencontre est réputée de mauvais augure et pourtant ils vivent enchantés d’eux-mêmes. Leur plus grande dévotion consiste à ne pas connaître les lettres, à ne pas savoir lire. Sans comprendre leurs psaumes, dont ils retiennent uniquement la mesure, ils les débitent au chœur avec des voix d’ânes : aussi bien s’imaginent-ils donner au ciel un divin concert. Il en est dans le nombre qui font grand profit de leur saleté, de leur mendicité. Aux portes des maisons ils quêtent leur pain en mugissant ; point d’auberges, de voitures, de vaisseaux qu’ils n’assiègent et cela au grand dam des pauvres qui mendient.

La pratique des belles-lettres et aussi un peu de peinture furent à notre jeune religieux un soulagement à son ennui. On conserve à Del Et un Christ en croix au bas duquel on lit : Ne méprisez pas ce tableau car Erasme l’a peint alors qu’il vivait dans sa retraite de Steyn. A l’âge de vingt ans il avait déjà publié des écrits remarqués par l’évêque de Cambrai, Henri de Bergues, qui tira le jeune homme de son couvent pour l’attacher à sa personne, après l’avoir ordonné prêtre, le 25 février 1492. Erasme put ainsi poursuivre librement ses études grecques et latines. A Delft, il travailla sous la direction de deux humanistes célèbres, Hezius et Rodolphe Agricola, qui ne paraissent d’ailleurs pas avoir été très satisfaits de leur élève. En 1496, l’évêque de Cambrai envoya son protégé parfaire ses études à Paris, où il avait obtenu pour lui une bourse au collège Montagu. Erasme avait déjà vingt-neuf ans.

Le collège Montagu avait grande renommée par la grâce des théologiens qui y enseignaient. Les murailles mêmes, dira Erasme, étaient théologiennes. Au reste, si nous en croyons les contemporains, un lieu sinistre. Rabelais en parle par la bouche de Ponocrates s’adressant à Grandgousier, père de son jeune élève Gargantua :

Ne pensez pas, Seigneur, que je l’aie mis au collège de pouillerie qu’on nomme Montagu ; mieulx l’eusse voulu mettre entre les guenaux de Saint-Innocent pour l’énorme cruauté et vil-lenie que j’y ay cogneu.

Les guenaux, c’est-à-dire les gueux qui trouvaient à se loger gratuitement à Paris dans l’enceinte du charnier et du cloître des Saints-Innocents.

Car trop mieulx sont traictés les forcés (forçats) entre les Maures et les Tartares, poursuit Ponocrates, les meurtriers en la prison criminelle, voire certes les chiens en votre maison, que ne sont ces malautrus au dict colliège. Et si j’estois roy de Paris, le diable m’emporte si je ne met-tois le feu dedans et faisois brusler et principal et régens qui endurent ceste inhumanité devant leurs yeux estre exercée.

On dit que, de ces mauvais traitements, nombre d’étudiants de Montagu étaient tombés malades, d’autres en seraient devenus fous, quelques-uns en seraient morts.

Le collège Montagu avait pour le jeune Erasme un autre inconvénient : les collégiens y étaient presque exclusivement nourris de poisson. Erasme, dont la constitution fut toujours très délicate, avait le poisson en horreur, au point de n’en pouvoir supporter l’odeur. A cette époque le poisson jouait un rôle considérable dans l’alimentation des Parisiens, qui mangeaient autant de hareng, peut-être plus encore, que de pain. Enfin le principal de Montagu contraignait ses étudiants à vêtir la robe et le capuchon des moines. Quand Erasme revint à Cambrai, il ajoutait à l’aversion pour les moines qu’il avait conçue en son collège de Hollande, une égale aversion pour l’enseignement dogmatique et la stérile théologie dont l’avaient pourvu ses maîtres du collège Montagu.

De Cambrai, Erasme rentra en Hollande où un jeune seigneur anglais, Milord William Montjoy, qu’il avait rencontré à Paris, le décida à le suivre en Angleterre. Il y resta un peu plus d’une année (1497-1499), étudiant à Cambridge et ù Oxford, où il achevait de se rendre maître des langues classiques. Il s’y lia avec le grand et noble Thomas More, chancelier du roi d’Angleterre Henry VIII.

La première fois que le jeune humaniste se présenta, inconnu de visage au moins, à son auguste interlocuteur, alors au faîte des Honneurs, après quelques instants de conversation — en latin — Thomas More, charmé, conquis par tant de vivacité d’esprit et de bonne grâce enveloppante, s’écria en lui ouvrant les bras, tout en feignant une grande épouvante :

— Tu es le diable, si tu n’es pas Erasme !

Erasme était un petit homme, maigrelet, l’aspect chétif, sec et nerveux. Sa santé fut toute sa vie très délicate. Il souffrait de l’estomac ; ses dernières années furent torturées par la gravelle. Nous avons de lui plusieurs portraits, dont l’admirable chef-d’œuvre de Holbein, l’un des joyaux du Louvre. On y voit, comme chacun sait, Erasme de profil, grave, réfléchi à sa coutume, la tête couverte d’une manière de bonnet en drap noir. Il est vêtu du costume ecclésiastique, habit du prêtre séculier, qu’il ne quittera guère, recouvert d’une belle houppelande de fourrure. Il écrit à l’antique d’un calame taillé dans un roseau. L’expression de la bouche, assez grande, aux lèvres fines, et dont le pli même marque la réflexion, suffirait à caractériser son visage.

Sur ce portrait, en buste, le célèbre pasteur calviniste et professeur de théologie Théodore de Bèze, fit le quatrain suivant :

Ingens ingentem quem personat orbis Erasmum

Hic tibi dimidium picta tabella refert.

Al cur non totum ? mirari desine lector ;

Integra nam totum terra nec ipsa capit.

Monde immense, ce tableau présente ici la moitié de l’immense Erasme. Et pourquoi pas tout entier ? N’en sois pas surpris, lecteur : la terre entière ne le contiendrait pas en entier.

On a un second portrait du célèbre humaniste par Ilolbein, en ses admirables illustrations de l’Eloge de la Folie. La physionomie morale d’Erasme fait de lui une personnalité très attachante et par ses défauts mêmes. Il était très bon, très intelligent ; l’ensemble de sa vie est d’une grande dignité ; en dépit de ses incessantes quêtes d’argent auprès des riches et des puissants du jour.

Admirable en lui son esprit de tolérance. Il fut un grand apaiseur, et s’il ne parvint pas à calmer les conflits, à concilier les opinions, les doctrines hostiles les unes aux autres, à éviter les excès, les brutalités, les bûchers et les prises d’armes, c’est qu’une voix humaine, pour autorisée qu’elle fût, ne pouvait que se perdre dans la tempête des passions déchaînées.

Sa science était immense, son labeur fut incessant. Il est permis d’affirmer que personne jamais n’a plus travaillé qu’Erasme. Il voulait le bien de tous, cherchant, dans les doctrines opposées, ce que chacune d’elles pouvait contenir de juste et de vrai, pour demander ensuite, avec bonne grâce, que le reste, source de conflits, fût abandonné par esprit de charité chrétienne, par amour de la concorde et de la paix, ce qui, naturellement, ameuta tout le monde contre lui. Protestants et catholiques ne s’entendirent que pour le déchirer, après avoir mis en lui — les uns et les autres — leurs plus vives espérances.

Il est peu de doctrines, a si bien dit Renan, qui ne contienne une âme de vérité ; cette âme, cette flamme, Erasme la chercha de bonne foi. Il la trouva, guidé par sa claire intelligence et, sur le plateau d’or de sa pensée, éprouva une joie très belle à la faire briller au grand air, mais elle brûla dans un vent de tempête qui la dérobait aux regards troublés Pierre de Nolhac l’a bien compris et si bien dit en cet admirable sonnet :

Oh ! mon vieux maître Erasme, incomparable ami !

Je me plais aux leçons que top bon sens distille

Et j’aime les combats de ta verve subtile

Dont souvent l’aiguillon se dérobe à demi.

Quand les Pharisiens et les sols ont frémi,

Pour défendre ton seuil contre leur foule hostile,

Tu n’avais que ta plume, ô maître, et ce beau style

Dans un latin muet, désormais endormi.

Tu quittas à regret tes livres et tes muses ;

Mais, flagellant le vice et démasquant les ruses

Ton ironique fouet sifflait parfois dans l’air.

Si j’ai bien pénétré dans ton âme profonde,

Enseigne-moi le franc-parler et le mot clair

Et le mépris des fous qui gouvernent le monde.

De nos jours, nous demeurons stupéfaits de l’action qu’exerça sur toute l’Europe cet écrivain, d’un esprit subtil, d’un caractère timide, vite effarouché, s’exprimant dans cette langue latine qu’il maniait avec une telle maîtrise qu’elle en redevenait sous sa plume une langue vivante.

Papes, empereurs et rois, patriciens et seigneurs, corps enseignants des universités, jusqu’aux condottieres bardés de fer, recherchent la faveur de son commerce. Les plus brillantes renommées ambitionnent l’honneur d’un mot écrit par lui. Les princes lui envoient des ambassadeurs ; pour fêter son entrée les villes se parent d’étendards et de fleurs ; les foules viennent à sa rencontre. A-t-il annoncé son départ, les municipalités s’ingénient à trouver prétexte à le retarder. Bâle et Besançon se disputent l’honneur de sa résidence. Henry VIII veut qu’il enseigne à Cambridge et à Oxford ; Charles-Quint fait de lui son conseiller en Flandre ; François P r lui offre la direction du Collège de France. Les humanistes allemands vont vers lui en pèlerinage. A travers les forêts, à travers tant de pays infestés d’épidémies, nous allons quérir la perle unique de l’univers, écrit l’un d’eux. On a souvent comparé le rôle d’Erasme dans l’Europe de la Renaissance à celui de Voltaire dans l’Europe de Louis XV et de Frédéric IL Le grand humaniste finit par s’établir à Bâle (1521). Il y vécut dans une retraite aussi paisible que le lui permettait sa renommée, en compagnie de deux autres très grands hommes, l’éditeur-imprimeur Hans Froben et le peintre Hans Holbein.

Il s’attacha à sa retraite, par goût assurément, car rien ne lui était plus doux que ses travaux ; peut-être aussi par calcul. Il le dit très gentiment :

Les écrivains sont comme ces tapisseries de Flandre à grands personnages qui ne font tout leur effet que de loin.

Sa grande joie était dans ses belles études, dans les savantes éditions qu’il donnait, avec une activité inlassable, des auteurs sacrés et profanes : Caton, Cicéron, Eutrope, Ammien Marcellin, Sénèque, Térence. Il fut le premier à publier en grec l’œuvre de Ptolémée ; le premier qui donna une édition complète d’Aristote ; il fit paraître de savantes éditions de Démosthène, de l’historien juif Josèphe, une édition grecque, accompagnée d'une traduction latine, du Nouveau-Testament ; il publia des traductions latines d’Euripide, d’Isocrate, de Xénophon, sans négliger les Pères de l’Eglise : saint Jérôme, saint Hilaire, saint Cyprien, saint Jean-I3onnventure, saint Ambroise, saint Augustin. Et ses œuvres personnelles, les nombreux écrits où il répandit la finesse de son esprit : traités de morale, de philosophie, pamphlets, satires. Il publia des grammaires, des dictionnaires, un traité de la prononciation du grec et du latin, un art épistolaire, De ratione conscribendi epistolas. Dans l’histoire de la pédagogie et de l’éducation des enfants, Erasme tient une place considérable, la première peut-être, et non seulement en date, mais par la valeur. Il trace des plans d’étude. De ratione studii, rédige des déclamations sur l’éducation des enfants à la vertu et aux belles-lettres et cela dès leur naissance, où il se montre précurseur et propagateur d’idées et de pratiques toutes modernes. Son petit traité de la Civilité des mœurs des enfants offre une dissertation toute de charme, de grâce et de bon sens. Quand on considère l’ensemble de l’œuvre erasmienne, on a peine à comprendre qu’une vie humaine y ait suffi. Sur ce point encore on l’a comparé à Voltaire, avec raison.

Ses Adages, Adagia, paraissent en 1500 : aurore du siècle nouveau. Aurore est ici à sa place. Par les Adages, toute l’époque fut illuminée, et le mot ici n’est point figuré, ajoute Nisard.

Le livre se compose d’un recueil de pensées antiques, dictons, bons mots et proverbes, qu’Erasme assaisonne de vivants et gracieux commentaires, fruit de son expérience et de sa raison. Nul autre humaniste, dans son désir de rapprocher l’Antiquité des temps nouveaux, n’a jamais produit une argumentation à la fois plus charmante et plus efficace. Guillaume Budé, le célèbre helléniste, que l’on peut considérer comme le fondateur du Collège de France, disait en parlant des Adages : C’est le Magasin de Minerve ; on y recourt comme aux livres des Sibylles. Et, de notre temps, Désiré Nisard : Ce fut un livre décisif pour l’avenir des littératures : première révélation de ce double fait que l’esprit humain est un, l’homme moderne fils de l’homme ancien, et que les littératures ne sont que le dépôt de la sagesse humaine. Dès leur apparition, les Adages eurent un succès foudroyant.

En 1509, en Angleterre, Erasme écrivit son livre le plus populaire et qui, de nos jours encore, trouve de nombreux lecteurs, éditeurs et traducteurs : son immortel Eloge de la Folie.

Erasme avait été appelé outre-Manche par Henry VIII qui avait pour lui amitié et admiration et l’avait chargé d’enseigner le grec à l’université de Cambridge. Le livre parut en 1510. Le succès en fut comme celui des Adages, considérable : sept éditions nouvelles en quelques-mois, vingt-sept en quelques années. Le livre fut incessamment traduit du latin en la plupart' des langues de l’Europe : vive satire de la société où s’épanouit, sur la fin du XVe siècle, la Renaissance, mais dans laquelle la hiérarchie ecclésiastique se profile en traits particulièrement aigus. Voyez ce tableau des grands prélats allemands de l’époque, de ces archevêques casqués de fer et qui savaient marchander si fructueusement leurs suffrages lors des élections impériales :

Sans souci du culte, des bénédictions, des cérémonies, ils font les satrapes, estimant qu’il serait d’un lâche et indigne d’un évêque de rendre son âme à Dieu-ailleurs que sur un champ de bataille. Sur quoi le commun des prêtres, à l’exemple de leurs prélats, se battent d’un entrain tout militaire pour la revendication de leurs dîmes. Epées, javelots et pierres, nulle sorte d’armes ne leur fait défaut. Ah ! comme ils ouvrent les yeux quand il s’agit d’extraire des Ecritures certains passages dont ils alarment le populaire pour lui persuader qu’il leur doit la dîme et plus encore ! Mais il ne leur vient pas à l’esprit de lire tout ce qui y est écrit sur leurs devoirs envers ce même peuple. La tonsure ne leur enseigne pas qu’un prêtre doit être affranchi des cupidités mondaines et ne songer qu’aux biens du paradis. Voluptueux qui se croient quittes cle leurs devoirs quand ils ont marmonné leur bréviaire et de quelle façon ! Nul ne saurait les entendre, ni les comprendre. Aussi bien, se comprennent-ils eux-mêmes ? comprennent-ils ce qu’ils mâchonnent entre leurs dents ? Au moins ont-ils cela de commun avec les laïques que sur la récolte de l’argent ils ont les yeux ouverts et ne passeraient à personne ce qui leur est dû. Quant aux fonctions pénibles, ils se les renvoient l’un à l’autre en jeu de raquette, comme les princes laïques délèguent une partie de leur administration à des procureurs, qui les repassent à des inférieurs ; tels nos prélats rejettent leurs charges pieuses sur les réguliers, ceux-ci sur les moines, les moines relâchés sur les moines stricts, et sur les mendiants et les mendiants sur les Chartreux chez qui la piété est si pieusement ensevelie qu’on a grande peine à la trouver. De même les papes, si zélés à la moisson pécuniaire, se déchargent de leurs travaux apostoliques sur les évêques, ceux-ci sur les curés, ceux-ci sur leurs vicaires, ceux-ci sur les Frères mendiants, et les mendiants sur gens dont la piété consiste à bien savoir tondre le dos des brebis. (Eloge de la Folie, traduction Des Essarts.)

En son Allemagne et la Réforme, Janssen regarde l’Eloge de la Folie comme le prologue de la grande tragédie théologique du XVIe siècle.

Les Colloques d’Erasme parurent à Bâle en 1516. En quelques mois il s’en vendit vingt-quatre mille exemplaires, chiffre fabuleux pour l’époque, où l’on ne connaissait pas la publicité, les moyens de communication et de diffusion dont nous disposons aujourd’hui. Finesse d’observation, humeur et bonne humeur, verve caustique, critique incisive, et toujours cette séduisante, élégante et fluide latinité ! La portée philosophique de l’ouvrage va plus loin, pénètre plus profondément que celle des œuvres précédentes. On a pu dire que les Colloques d’Erasme frayaient la voie à la liberté de penser — ne lisez pas : libre-pensée — du XVIe siècle.

Tous ces livres, avons-nous dit, étaient écrits en latin. Non seulement Erasme écrivait, mais il sentait, pensait, aimait et haïssait en latin. Il déclarait ne savoir ni le français, ni l’allemand, ni l’anglais, ni même le néerlandais ; et s’il lui arrivait parfois de prononcer quelques mots en cette dernière langue, c’était pour donner un ordre à son domestique, qui n’entendait pas le divin langage de Virgile et de Quintilien.

Mais s’il avait le culte de la belle langue latine, — que nul depuis l’Antiquité, n’a mieux maniée que lui — et s’il admirait celui qui, en ce temps, en passait pour le représentant parfait : Marcus Tullius Cicéron, il n’en avait pas la superstition. Nous avons vu que nombre d’humanistes estimaient alors qu’il n’était pas permis de se servir en latin d’un mot, d’une forme grammaticale, d’une tournure de phrase qui ne se trouvât dans Cicéron, par quoi on était souvent acculé aux périphrases et aux synonymes les plus divertissants, parfois les plus grotesques, quand il s’agissait de théologie, de formes politiques nouvelles, de mécanique ou de cuisine. Cicéron n’a jamais parlé de la Transsubstantiation du Verbe, ni de guelfes et de gibelins, ni de l’arbalétrille, ni de paons farcis.

Erasme s’avouait disciple littéraire de Cicéron, avec fierté et fidélité ; mais il se refusait à en être le perroquet. Point de vue qu’il défendit en un petit livre charmant : Dialogus Ciceronianus seu de optimo dicendi genere, plus brièvement appelé le Ciceronianus, en français le Dialogue çicéronien.

Erasme y peint avec humour le cicéronien idéal, calfeutré chez lui et s’y bouchant les oreilles, afin que rien ne vienne le troubler dans son commerce sublime avec son dieu. Tout â son idole, c’est â peine s’il se nourrit. Deux grappes de raisin sec lui font son déjeuner, quelques grains de coriandre composent le repas du soir. Son ami Tatius lui a emprunté des manuscrits ; mais voici que ceux-ci lui font défaut, d’où nécessité d’écrire à Tatius pour les réclamer. Or, dans cette lettre, ne peut entrer un mot, une syllabe, un point, une virgule qui ne se trouve dans Cicéron, dont les œuvres encombrent la table de l’humaniste, qui les compulse, en tourne et retourne les pages, en pèse et soupèse les expressions, en mesure les périodes, tropes, synonymes, hypallages, litotes : labeur qui, pour la moindre période, occupe une nuit entière, une nuit d’hiver a soin de souligner Erasme. On imagine le temps qu’il faudra pour que la lettre soit terminée. Tatius peut encore garder les manuscrits ; du moins la littérature épistolaire du XVIe siècle ne sera-t-elle pas affligée d’une missive imparfaitement cicéronienne.

Tout cela est charmant et, de nos jours, non seulement divertirait le cicéronien le plus endurci, mais vaudrait ses félicitations à l’auteur ; mais à l’apparition du terrible pamphlet, les humanistes italiens entrèrent dans la plus grande fureur. Il était heureux pour le sacrilège qu’il se trouvât hors de leur atteinte. Jules-César Scaliger, en ses Oraisons vengeresses de l’éloquence romaine (Orationes duæ adversus Desiderium Erasmum eloquentiæ romanæ vindices), l’accable des plus vives injures, toutes cueillies, il est vrai, dans les Catilinaires. A quoi il ajoutait :

Non tu in Aldi officina quæstum fecisti corrigendis exemplaribus ? Nonne errores qui illis in libris legebantur haud tam librariorum atramento, quam tuo confecti vino ? Haud tam illorum somnum olebant, quam tuam exhalabant crapulam. — N’as-tu pas eu profit à corriger des épreuves dans les ateliers d’Alde ? Les erreurs qu’on y rencontrait provenaient-elles de l’encre des protes ou du vin que tu cuvais ? Ce n’était pas de leur sommeil qu’elles donnaient l’odeur : elles exhalaient ta crapule.

Voilà qui est fort, direz-vous. Il y a plus fort. La Sorbonne s’empressa de frapper de ses foudres le téméraire auteur du Ciceronianus, et sur le réquisitoire de Scaliger. Pauvre Erasme ! Voici qu’après les attaques des papefigues et des papimanes, pour reprendre les mots de Rabelais, les humanistes, à leur tour, le couvrent d’invectives. Il est vrai qu’aux yeux des premiers, comme des seconds, comme des troisièmes, Erasme avait un tort très grave, le tort qu’aucun homme n’a jamais pardonné à son contradicteur : il avait raison. Cependant, dans le bruit de la tempête, Désiré Erasme poursuivait le cours de ses travaux. Ce n’est pas qu’il fût indifférent aux épigrammes de la critique ; sa nature sensible en souffrait au contraire beaucoup. Tonte piqûre, si légère fût-elle, lui était insupportable. Un de ses amis est intervenu pour détourner le châtiment encouru par un imprimeur qui a fait paraître un pamphlet condamnable. Erasme l’en blâme vivement :

— Mais, pour ce malheureux, il s’agissait de nourrir femme et enfants...

— Qu’il aille mendier, répond Erasme, ou qu’il prostitue sa femme ; ce serait mieux que de ruiner la réputation de son prochain. Il a une femme et des enfants, dis-tu ? Cette excuse serait-elle valable s’il s’introduisait chez moi en voleur ; ce qu’il a fait est d’une pire scélératesse ; à moins d’estimer l’honneur à moindre prix que l’argent.

Pierre Bayle, qui rapporte l’anecdote, a soin d’ajouter : Erasme était la douceur et la modestie mêmes.

Ici encore, on l’a calomnié. Il avait pris pour emblème la statue du dieu Terme avec cette devise : Nulli cedo, qu’un de ses amis, Boniface Auerbach, fera reproduire sur sa tombe ; mais on commet une erreur, semble-t-il, en traduisant Nulli cedo par : Je ne suis inférieur à aucun. La traduction exacte est sans aucun doute : Je ne recule devant personne. Emblème et devise ne font qu’une variante de la locution : Ne bouger non plus qu’un terme. Au fait, injures ni menaces ne firent jamais céder Erasme sur ce que sa droite raison lui disait être la vérité.

Pour admirable qu’il soit en tant qu’érudit, écrivain et penseur, ferme représentant de ce qu’il a lui-même si bien nommé la philosophie chrétienne, Erasme est plus admirable encore, en ces affreuses luttes du XVIe siècle, en apôtre de la concorde et de la tolérance. Partout, inlassablement, en tous lieux, à toute heure, en toute circonstance, il s’efforce d’adoucir, d’apaiser, de concilier, par quoi il ne faisait d’ailleurs qu’ameuter de plus en plus les haines contre lui.

Pour Erasme, le dernier mot de toute philosophie, qu’elle fût antique ou moderne, devait être liberté, et le dernier mot de toute religion charité. La charité, écrit-il, est le grand commandement du Christ.

Entre catholiques et réformateurs, il fit tout pour éviter les luttes cruelles. Il répond à une lettre affectueuse que lui écrit Luther (1519) :

Votre lettre respire une âme chrétienne.

Il ajoute : Il me semble qu’on avance plus par une douce modération que par importunité ; n’est-ce pas ainsi que le Christ amena le monde sous sa loi ? Il s’efforce de montrer à ses amis protestants que les libelles et caricatures répandus par eux en Europe ne peuvent que porter préjudice à leur cause. Croyez-vous par de tels moyens frayer les voies à l’Evangile ? Je crains plutôt que sotte malice et malicieuse sottise, en culbutant les bonnes lettres, et l’Evangile même si faire se pouvait, ne vous fassent choir vous-mêmes en discrédit. Puis, se retournant vers la Cour de Rome, il suppliait Adrien VI de s’abstenir de toute persécution. Le mal est trop profond, lui assurait-il, pour pouvoir être guéri par le fer et le feu. De mutuelles concessions sont nécessaires, la doctrine, sur laquelle repose la foi, demeurant intacte. Et ce prêtre, Erasme, écrivant au Souverain Pontife, avait le courage d’ajouter : Il faudrait en outre offrir au monde l’espoir de voir changer certaines choses qui donnent lieu à des plaintes légitimes. Au doux mot de liberté, les cœurs s’épanouiront.

Mais les violences éclatent, les bûchers s’allument, tant à Genève qu’à Paris. Erasme continue, obstiné à chercher la conciliation. Pourquoi les doctrines hostiles, que l’on voit s’affronter comme taureaux furieux dans l’arène, ne chercheraient-elles pas à s’entendre sous le manteau de l’Evangile qui, pour tous, est la vérité ? La querelle porte sur des questions de forme, sur des pratiques ultérieurement introduites par les hommes, sur des interprétations arbitraires et qui ne concernent généralement que des points sans importance. Le remède, dit Erasme, est simple, facile à réaliser : des hommes considérables, appartenant à l’un et à l’autre parti, se réuniraient, ils ne feraient état que des livres saints, sans s’accrocher à ce que les hommes, dans les siècles suivants, y ont ajouté : il paraît impossible qu’avec bon vouloir, finalement, on ne parvienne pas à s’entendre.

Courageusement, lui, le prêtre catholique, continuait de prendre la défense du grand réformateur. Dans le cœur de Luther, écrit-il, brillent des étincelles de la vraie doctrine évangélique ; mais au lieu de le mettre sur ses gardes, de lui présenter la vérité avec douceur et bonté, des théologiens, qui ne le comprennent pas, qui souvent ne l’ont pas lu, le dénoncent au peuple avec des clameurs insensées, le blessent de violentes attaques, n’ont à la bouche que les mots d’hérésie, hérésiarque, schisme et antéchrist. On condamne, en Luther, comme hérésie, ce qu’on trouve orthodoxe dans saint Bernard et dans saint Augustin. Et plus loin, avec plus de hardiesse encore : Beaucoup se répandent en injures contre Luther qui ne croient pas eux-mêmes à l’immortalité de l’âme.

Il ose écrire à l’archevêque de Mayence : Des théologiens à qui la mansuétude conviendrait par-dessus tout, semblent ne respirer que le sang humain, tant ils aspirent à l’arrestation de Luther et à sa perte. (Lettre du 1er nov. 1519.) Il va jusqu’à s’attaquer à la bulle de condamnation. Cette bulle, écrit-il, qui sent la cruauté, plutôt que la pensée douce et bienveillante de notre Léon X.

De son côté Luther écrivait, le 28 mars 1518 : Quel est le coin de terre où le nom d’Erasme soit inconnu ? Qui ne salue en lui son maître ?

Et ce même Luther affirmera quelques années plus tard : Erasme de Rotterdam est le plus grand scélérat qui ait jamais paru sur terre. Cet Erasme auquel, naguère, on témoignait tant d’admiration et d’attachement, n’est plus qu’un serpent venimeux, l’ennemi le plus décidé de Jésus-Christ, le Judas du Christianisme, un pourceau d’Epicure, un lamentable bouffon ; quand il s’agit d’injurier Erasme, Luther n’en finit plus.

Que s’était-il donc passé ? En publiant ses Discussions du libre arbitre, Diatribæ seu Collatio de Libero Arbitrio, Erasme avait fait savoir — oh ! très modérément : — qu’il n’adhérait pas à la doctrine de Luther sur la Prédestination.

Par les catholiques, le malheureux humaniste n’était pas mieux traité. A Louvain, où il se trouvait de passage, les théologiens parvenaient à exciter contre lui une véritable émeute. Des moines, qui se vantaient de ne l’avoir jamais lu et se déclaraient fiers de ne pouvoir le comprendre, le traitaient de bête, de bûche, de butor, d’âne et de grue. En ce concert d’invectives, sous le haut patronage de la Sorbonne, le bâton de chef d’orchestre était tenu par Noël Beda, le principal de ce collège Montagu, de sinistre mémoire, où le jeune Erasme avait tant souffert. Si l’on voulait m’en croire, déclarait Beda en parlant d’Erasme, ce n’est que par le feu qu’on agirait contre ces sortes de gens. Au fait, sur les instances du principal du collège Montagu, on ne tarda pas à brûler, en place de grève, l’ami d’Erasme, le traducteur français de ses livres latins, Louis de Berquin.

Erasme était presque entièrement homme de pensée, une pensée fine, élégante, distinguée, faite de logique et de bon sens, experte aux déductions précises, un peu subtiles parfois.

Ne nous représentons cependant pas cet humaniste-philosophe comme un ascète. Jamais homme n’eut moins de goût pour le martyre. Rabelais disait qu’il défendrait ses convictions jusqu’au feu exclusivement ; Erasme n’eût pas été jusqu’aux préliminaires. Il l’avoue bonnement. Il aimait les bons repas arrosés de vins de Bourgogne, dont il prisait particulièrement les crus magnifiques, c’est son expression. Il ajoute : Je ne sais si l’on peut faire un bon repas sans femmes, appréciant entre toutes les Anglaises, dont la fraîcheur de teint l’enthousiasmait. Parmi les coutumes d’outre-Manche, il en était une qui lui paraissait tout à fait estimable : les baisers qu’il était d’usage d’échanger à chaque visite. Embrassements, observe-t-il, pleins de douceur et de parfum. A son ami le poète — poète en vers latins — Fausto Andrelini, un Italien au service de Louis XII, il écrit d’Angleterre :

Sunt hic nymphæ divinis vultibus, blandæ, faciles et quas tuis camœnis facile anteponas. — En ce pays des nymphes douces, faciles et que tu préférerais sans peine à tes muses.

En sa science, son humanisme et sa philosophie, il fut un Epicurien, mais de bon ton et d’un goût délicat ; un tantinet égoïste. On lui reproche son humeur quémandeuse, ses quêtes incessantes pour se procurer les éléments utiles à son confort. Erasme ne manque pas de souligner en ses Adages la parole du philosophe Anaxagore à Périclès :

Ceux qui veulent faire usage d’une lampe y versent de l’huile.

Par quoi il entendait que les riches et les puissants du monde, désireux de se parer de sa gloire, de tirer profit de ses écrits, de sa sagesse, de ses conseils, ne devaient pas oublier de l’alimenter. Mais il faut reconnaître que, sur cette voie, il en arrive parfois à des flagorneries déplaisantes ; comme lorsqu’il s’extasie sur les amours chastes et harmonieuses d’un Henry VIII.

Des reproches en ont été adressés à sa mémoire. Sans vouloir ici le justifier entièrement, du moins convient-il de rappeler que si, au début du XVIe siècle, les droits d’auteur avaient été perçus comme ils le sont de nos jours, Erasme eût vécu splendidement — et sans tendre la main — de la vente de ses livres, dont les éditions dépassaient en nombre et en importance celles de tous ses rivaux. Mais ces livres, si répandus, ne lui rapportaient guère que l’amitié généreuse d’un Froben. Cette mendicité, pour reprendre le mot qui lui a été appliqué, était quasiment alors une nécessité pour un écrivain sans fortune. Du moins Erasme ne descendit jamais aux chantages d’un Arétin.

Très ouvertement, notre humaniste avoue que ses cassettes sont pleines de présents qui lui ont été faits, et, par le même ressort, sa cave garnie des meilleurs crus de l’heureuse Bourgogne.

Les contemporains n’y trouvent aucun sujet de blâme. Nous ne sachions pas que ceux qui le traitaient si activement de scélérat et de zoïle, de grue et de butor, le lui aient reproché.

Des historiens modernes lui ont également fait grief de n’avoir pas cherché un emploi lucratif en place de cette quémanderie incessante. Le reproche n’est pas justifié : Erasme a fait le métier de proie. Et puis, une profession lucrative eût absorbé son temps. Que seraient devenus ses admirables travaux, ses éditions, ses commentaires ; aurions-nous son immortel Eloge de la Folie ? Ceux qui ont favorisé de leurs ducats la vie laborieuse de l’humaniste hollandais, ont assuré à leur nom une durée séculaire et la reconnaissance de la postérité. L’ont-ils payé trop cher ?

Les dernières années de la vie d’Erasme furent douloureusement éprouvées par la gravelle dont il souffrait affreusement, mais dont il croyait pouvoir se guérir agréablement en buvant de certains crus, précisément déterminés et choisis en connaissance de cause, parmi les meilleurs de l’heureuse Bourgogne. Fin de vie attristée surtout par l’âpreté de plus en plus grande des luttes religieuses, que son plus cher espoir avait été d’apaiser.

En 1529, la Réforme ayant définitivement triomphé à Bâle, avec accompagnement de violences, Erasme se retira à Fribourg et y acheta même une maison, mais pour revenir ensuite à Bâle dont le séjour, par l’accoutumance, lui était devenu un besoin. Malade, vieilli, torturé par son mal, il continuait de travailler et, dans son obstiné désir de concorde, d’espérer la réconciliation de la Réforme avec l’Eglise romaine, en y consacrant ses efforts.

Avec la Cour romaine, il n’avait jamais voulu rompre. Il en avait critiqué les abus avec une vive franchise ; mais le dogme et les fondements du catholicisme avaient toujours été respectés par lui.

La qualité de sa vie intellectuelle, la beauté et l’élévation de sa pensée, la beauté de ses efforts finirent par être estimées à leur valeur. Dans le tumulte des clameurs déchaînées contre le grand humaniste, le pape Paul III lui offrit la plus haute dignité dont dispose le vicaire du Christ, le chapeau de cardinal, dignité suprême, en ce temps surtout ambition des plus grands. Erasme la déclina. Il le fit simplement, sans bruit, sans gloriole : il ne voulait pas rompre l’unité de sa vie.

Erasme était étendu sur le lit qu’il ne devait plus quitter. Froben, Auerbach, quelques fidèles l’entouraient de leur amitié. Ils lui demandaient ses désirs : tout serait fidèlement réalisé.

— Faites faire mon cercueil.

Didier Erasme de Rotterdam s’éteignit à Bâle, dans la nuit du 11 au 12 juillet 1536, à l’âge de soixante-neuf ans. Il mourut sans avoir demandé l’assistance d’un prêtre. Ce n’était insouciance ni dédain ; mais dans la tranquille pensée d’avoir vécu sa vie et d’avoir toujours agi au désir de sa conscience. De la couche où il agonisait, il levait ses yeux bleus, confiant en la justice divine.

Erasme laissait une fortune assez importante, sept mille ducats d’or, approximativement deux millions de valeur actuelle. Son testament, dont nous reprenons les expressions mêmes, donnait tout aux pauvres vieux et infirmes, aux jeunes orphelins, avec une fondation particulière en faveur des adolescents de belle espérance.

Les professeurs et étudiants de l’Université de Bâle, le magistrat et la foule des citoyens formèrent le cortège mortuaire, emplissant la vaste cathédrale où fut inhumé le grand humaniste, apôtre de la tolérance et qui, par là, a droit à notre amitié.