III. — UN MAGISTRAT[1]. Le lieutenant de police Gabriel Nicolas de La Reynie a été la cheville ouvrière du procès des poisons. Il dirigea seul cette procédure immense, hérissée de difficultés. On ne saurait d'ailleurs trouver un point de son administration où son esprit et son caractère apparaissent d'une manière plus vivante et plus complète. C'est grâce à lui, grâce aux notes minutieuses qu'il prenait journellement sur les dossiers des accusés, que nous avons pu connaître les faits dont Louis XIV croyait avoir détruit tout vestige en faisant brûler dans la cheminée de son cabinet les pièces de procédure. Saint-Simon, qui a déchiqueté des réputations qui
semblaient d'acier, s'arrête avec respect devant Nicolas de La Reynie, bien
que les fonctions dont il était revêtu fussent pour lui un sujet de véritable
horreur. La Reynie, écrit-il, conseiller d'État, si connu pour avoir tiré, le premier,
la charge de lieutenant de police de son bas état naturel, pour en faire une
sorte de ministère et fort important par la confiance directe du roi, les
relations continuelles avec la cour et le nombre de choses dont il se mêle,
et où il peut servir ou nuire infiniment aux gens les plus considérables et
en mille manières, obtint enfin, à quatre-vingts ans[2], la permission de quitter un si pénible emploi, qu'il
avait le premier ennobli par l'équité, la modestie et le désintéressement
avec lequel il l'avait rempli, sans se relâcher de la plus grande exactitude,
ni faire de mal que le moins et le plus rarement qu'il lui était possible ;
aussi était-ce un homme d'une grande vertu et d'une grande capacité, qui,
dans une place qu'il avait pour ainsi dire créée, devait s'attirer la haine
publique, s'acquit pourtant l'estime universelle. Nous avons un portrait de La Reynie par son ami Mignard, et, du tableau, un admirable burin par Van Schuppen. Jamais la gravure n'a reproduit une physionomie avec plus de netteté, de couleur et de vie. La figure brille d'une intelligence claire, forte et pondérée ; les yeux expriment une bonté ferme et réfléchie. Tel nous retrouvons La Reynie instruisant l'affaire des Poisons. Bien que Bazin de Bezons, de l'Académie française, lui eût été adjoint près la Chambre ardente, comme commissaire instructeur, c'est le lieutenant de police qui fit toute la besogne. La quantité de dépositions, interrogatoires, confrontations, récolements, interrogatoires sur la sellette et à la question qu'il recueillit est inouïe ; et nous voyons le magistrat se frayer, d'une main sûre, la voie dans cette forêt touffue, guidé par son expérience, sa connaissance de l'âme humaine et son clair esprit. Les mémoires qu'il a laissés sur les questions les plus difficiles à résoudre sont utiles à étudier et curieux, à cause de la méthode de travail qu'ils révèlent. C'est exactement la méthode que nos anciens professeurs de rhétorique enseignaient pour l'ordonnance d'une dissertation française ou d'une composition d'histoire. Le fait principal et fondamental est noté vers le milieu de la page, à gauche, avec une grande accolade qui embrasse les subdivisions ; chacune de ces subdivisions est, à son tour, accompagnée d'une accolade qui comprend les subdivisions de ces subdivisions ; et ainsi de suite jusqu'à l'extrémité de la page à droite qui est remplie, du haut en bas, d'une écriture menue et serrée : c'est la multitude des petits faits se succédant, de haut en bas, dans leur ordre méthodique, venant tous aboutir au fait principal qui se trouve, comme il a été dit, au milieu de la page à gauche. Il n'est pas un collégien qui n'ait établi sur ce modèle des plans de discours français. Mais il ne s'agit pas, dans les cahiers de La Reynie, de dissertations oratoires ou de compositions latines : il s'agit de jugements qui vont être prononcés sans appel sur la chair et le sang des hommes, pour reprendre ses propres expressions. Et si, de ces plans à accolades, nous nous reportons aux mémoires et rapports où ils ont guidé la pensée du magistrat, nous avons des merveilles de clarté et de jugement. Durant le long procès des poisons, La Reynie se montra infatigable au travail. Il n'eut d'autre souci que le bien et le triomphe de la justice. Et, à mesure que le nombre des coupables grossissait, que les plus grands noms de France, de la noblesse, du Parlement, se trouvaient compromis par ses enquêtes, que parents, amis, tous ceux qui craignaient pour eux-mêmes, que noblesse et Parlement, craignant pour leur honneur et pour leurs privilèges, s'ameutaient contre lui, — son courage grandit ; il redoubla d'activité, poussant ses enquêtes, pressant le roi, pressant les ministres, réclamant de nouvelles comparutions, des arrestations nouvelles et qu'on lui permit d'étendre à un cercle plus vaste encore ses redoutables investigations. ***Comme les essaims de frelons autour des rayons de miel, sorcières et magiciens se pressaient autour de la cour du roi. Dans cette ruche prodigieuse étaient concentrés les richesses, les honneurs, qui éveillaient et surexcitaient les ambitions et les passions où les sorcières prenaient leur butin. Les sorcières avaient de petits logis à Saint-Germain, à Fontainebleau, à Versailles, autour des palais. Elles s'introduisaient à la Cour comme marchandes de fruits ou de parfums distillés par les magiciens, elles offraient des pâtes pour adoucir la peau et des eaux pour embellir le visage. Elles se liaient avec la domesticité des grandes maisons, prenaient domicile chez les blanchisseuses qui y étaient attachées. Elles étaient amies de ces personnes qui suivaient la Cour avec la curieuse profession de faire présenter des placets. Il leur arrivait même d'entrer au service d'un duc ou d'une marquise. La Chéron fut successivement chez M. de Noailles, M. de Rabaton. La Vigoureux s'employait activement à faire placer des servantes et des laquais. On a vu les relations des devineresses avec Leroy, gouverneur des pages de la Petite Écurie. Girardin, gouverneur des pages du Dauphin, était lié avec le magicien Belot. Blessis, compère de la Voisin, fut présenté à la reine par Mme de Béthune, par la reine au dauphin, et par le dauphin au roi. Parmi les bourgeoises de Paris qui furent atteintes par les dépositions des devineresses, nous avons montré les principales, puis, venant aux dames de la Cour, la plus illustre, Mme de Montespan ; mais de combien d'autres La Reynie eut à s'occuper ! la gracieuse duchesse d'Orléans, Henriette d'Angleterre, fut accusée, non sans la plus grande vraisemblance, d'avoir fait dire une messe avec des formules de sorcellerie en plein Palais-Royal, contre son mari. Mine de Polignac et Mme de Gramont avaient cherché à faire empoisonner Louise de la Vallière. La comtesse de Soissons, Olympe Mancini, qui avait inspiré à Louis XIV sa première passion, fut compromise au point que, avertie par le roi, elle s'enfuit dans les Pays-Bas. Louis XIV dit à la princesse de Carignan, mère de Mine de Soissons : J'ai bien voulu que Mme la comtesse se sauvât ; peut-être en rendrai-je un jour compte à Dieu et à mon peuple. Quand Mme de Montespan fut dans sa toute-puissance, des rivales jalouses de sa fortune demandèrent aux sorcières des formules et des poudres pour l'éloigner, comme elle en avait demandé pour éloigner La Vallière. Ce furent la duchesse d'Angoulême, Mme de Vitry, et sa propre belle-sœur, Antoinette de Mesmes, duchesse de Vivonne. Les pratiques auxquelles cette dernière eut recours furent exactement celles que nous a fait connaître la vie secrète de Mme de Montespan. Elle s'adressa à la Filastre et à la Chappelain, qui servaient également l'éblouissante maîtresse du roi. Les sorcières n'hésitaient pas entre les deux belles-sœurs, pensant jouer à coup sûr ; si l'une voulait conserver le cœur du roi, l'autre cherchait à s'en emparer, et, de toute façon, l'argent tombait dans leur bourse. Louis XIV ne permit pas que l'on poursuivît la duchesse de Vivonne, liée par une parenté si proche à Mme de Montespan. Il est probable également qu'il en fut détourné par Colbert, qui avait marié l'une de ses filles au duc de Mortemart, fils de la duchesse. On imagine l'émotion, l'agitation, les inquiétudes que provoquèrent à la Cour et dans Paris les poursuites dirigées par la Chambre ardente contre un si grand nombre de personnes appartenant aux familles les plus distinguées : les arrestations de Mmes de Dreux, Leféron, de Poulaillon, de l'abbé Mariette, apparentés aux premiers magistrats ; les citations lancées contre la duchesse de Bouillon, la princesse de Tingry, la maréchale de La Ferté, la comtesse du Roure, la fuite précipitée hors du royaume de la marquise d'Alluye, de la vicomtesse de Polignac, du comte Clermont-Lodève, du marquis de Cessac, de la comtesse de Soissons, l'embastillement de l'illustre maréchal de Luxembourg, qui avait fait demander au diable par les magiciens de lui enlever sa femme. On est dans une agitation, écrit Mme de Sévigné le 26 janvier 1680, on envoie aux nouvelles, on va dans les maisons apprendre. D'autre part l'imagination était frappée : on ne parlait plus que de crimes. Les plus légers accidents étaient attribués au poison. Tous les gendres étaient accusés d'empoisonner leur belle-mère. Dans Paris régnait la terreur. Puis il y eut le mouvement de réaction. Gentilshommes et gens de robe se montrèrent également irrités de ce que la Chambre osât pousser ses enquêtes jusqu'à eux. Le rang et le nom ne formaient donc plus un rempart assez haut contre les entreprises d'un lieutenant de police ? C'était la fin de la société. Si bien que, bientôt, aux yeux des plus considérables, le seul qui parût réellement criminel dans toute cette affaire, fut La Reynie. Enfin, dit Mme de Sévigné, le ton d'aujourd'hui c'est l'innocence des accusés et l'horreur du scandale. Vous connaissez ces sortes de voix générales. On ne parle d'autre chose dans toutes les compagnies. Il n'y a guère d'exemple d'un pareil scandale dans une cour chrétienne. Et quelques jours plus tard, se faisant toujours l'écho de ces sortes de voix générales, la charmante marquise dira que c'est une indignité de citer des personnes de condition pour de semblables calembredaines. La réputation de M. de La Reynie est abominable, écrit-elle à sa fille, le 31 mai 1680, ce que vous dites est parfaitement bien dit : sa vie justifie qu'il n'y a pas d'empoisonneurs en France. La Reynie venait de découvrir effectivement qu'on cherchait à l'assommer. Le lecteur se souvient de la manifestation organisée contre le lieutenant de police lors de l'élargissement de Mme de Dreux, qui fut promenée triomphalement entre son mari, le maître des requêtes, et son amant, M. de Richelieu. La noblesse fit une démonstration semblable lors de la comparution devant la Chambre de Marie-Anne Mancini, duchesse de Bouillon. Elle avait demandé et cherché les moyens de se défaire vivement de son mari, afin de pouvoir épouser le duc de Vendôme. Le duc de Bouillon en fut instruit par Louis XIV lui-même. Il n'en accompagna pas moins sa femme, le 29 janvier 1680, jusqu'à l'Arsenal, lui donnant la main droite, tandis que le duc de Vendôme lui donnait la main gauche : exacte répétition de la scène de Mme de Dreux, sortant de la Chambre des poisons entre son mari et M. de Richelieu. La marquise de Sévigné a noté les détails de cette joyeuse
équipée. Mme de Bouillon arriva dans un carrosse attelé de six chevaux,
assise entre son mari et son amant, suivie de vingt autres carrosses, tout
bondés de gentilshommes et de dames les plus haut huppés et les mieux
chaussés de la Cour. Le marquis de La Faro confirme ce récit : La duchesse de Bouillon parut avec confiance et hauteur
devant les juges, accompagnée de tous ses amis, qui étaient en grand nombre
et ce qu'il y avait de plus considérable. — Mme
de Bouillon entra, dit Mme de Sévigné, comme
une petite reine dans cette Chambre ; elle s'assit dans une chaise qu'on lui
avait préparée ; et, au lieu de répondre à la première question, elle demanda
qu'on écrivît ce qu'elle voulait dire, c'était : Quelle ne venait là que par le respect qu'elle avait pour
le Roi et nullement pour la Chambre qu'elle ne reconnaissait point et qu'elle
ne prétendait point déroger au privilège des ducs. — Ce privilège
consistait à ne pouvoir être jugé qu'en Parlement, toutes Chambres réunies. —
Elle ne dit point un mot que cela ne fût écrit, et
puis elle ôta son gant et fit voir une très belle main ; elle répondit sincèrement
jusqu'à son âge : Connaissez-vous la Vigoureux ? — Non. — Connaissez-vous la Voisin ? — Oui. — Pourquoi voulez-vous vous défaire de votre mari ? — Moi, m'en défaire ?... vous n'avez qu'à lui demander s'il en est persuadé ; il m'a donné la main jusqu'à cette porte. — Mais pourquoi alliez-vous si souvent chez cette Voisin ? — C'est que je voulais voir les Sibylles qu'elle m'avait promises ; cette compagnie méritait bien qu'on fit tous les pas. Si elle n'avait pas montré à cette femme un sac d'argent ? Elle dit que non et par plus d'une raison ; et tout cela d'un air fort riant et fort dédaigneux. — Eh bien ! messieurs, est-ce là tout ce que vous avez à me dire ? — Oui, madame. Elle se lève, et, en sortant,
elle dit tout haut : — Vraiment je n'eusse jamais cru que des hommes sages pussent demander tant de sottises. Elle fut reçue de tous ses amis, parents et amies avec adoration, tant elle était jolie, naïve, naturelle, hardie et d'un bon air et d'un esprit tranquille. L'une des réponses qu'elle fit à La Reynie, qui lui demandait si réellement elle avait vu le diable chez les sorcières : Je le vois en ce moment, il est laid, vieux et déguisé en conseiller d'État ; se répandit aussitôt en dehors de la Chambre et mit en bonne humeur tout Paris et la Cour. Les charges contre la duchesse de Bouillon n'en étaient
pas moins des plus sérieuses. Il fut démontré aux commissaires de la Chambre
qu'elle avait demandé aux devineresses d'empoisonner le duc de Bouillon ou de
le faire mourir par sorcellerie. Mine de Sévigné jugeait la chose de peu
d'importance. La duchesse de Bouillon,
écrit-elle à sa fille, alla demander à la Voisin un
peu de poison pour faire mourir un vieux mari qu'elle avait et qui la faisait
mourir d'ennui, et une invention pour épouser un jeune qui la menait, sans
que personne le sût. Ce jeune homme était M. de Vendôme, qui la menait à la
Chambre de l'Arsenal d'une main et M. de Bouillon de l'autre. Quand une
Mancine — Mancini — ne fait qu'une folie
comme celle-là, c'est donné ; ces sorcières vous rendent cela sérieusement et
font horreur à toute l'Europe d'une bagatelle. Louis XIV en jugea plus
sévèrement et décida que Mme de Bouillon serait confrontée à la Voisin. La
jolie figure de la jeune duchesse en devint plus grave et elle supplia que
cet affront lui fût épargné. Le roi y consentit, mais en l'exilant à Nérac,
d'où il ne lui permit pas de revenir à la Cour, malgré les instances de ses
nombreux amis. ***Les révélations qui se succédèrent à la Chambre des poisons frappèrent plus cruellement l'âme de La Reynie que les colères du monde. Abrité dans sa conscience de magistrat, il n'entendait les cris et les menaces que comme les rumeurs vagues d'une foule lointaine. Trois sentiments le dominaient et dirigeaient toute sa vie : le sentiment religieux, qui se traduisait dans une piété forte, saine et simple, une piété d'homme tranquillement convaincu de la vérité de sa foi ; l'amour de son roi, un amour fait de respect et d'admiration, avec des nuances d'affection semblable à celle d'un fils pour son père et tenant aussi d'un culte religieux ; enfin le sentiment de son rôle de magistrat avec un inébranlable respect de la justice. Le culte qu'il avait pour le roi s'étendait à ce qui le touchait et l'entourait, à ce que le roi aimait, à ce qu'il honorait. La grandeur de Louis XIV s'explique aisément, malgré la médiocrité du personnage, quand on voit avec quelle passion et par quels hommes il a été servi. Les révélations sur Mme de Montespan, mère des enfants du roi et qui avait presque été assise sur le trône de France, furent pour La Reynie un déchirement. C'est un spectacle émouvant de voir sa douleur devenant plus vive, plus poignante, à mesure que les témoignages se succèdent et que la conviction pénètre dans son esprit. Faits particuliers, écrit-il en tête d'un mémoire où les charges contre Mme de Montespan sont résumées, qui ont été pénibles à entendre, dont il est si fâcheux de se rappeler les idées et qu'il est plus difficile encore de rapporter. En présence de ces révélations, son jugement si clair, si précis et sûr, devient trouble, et, ne pouvant croire à ce qu'il voit, il lui semble que c'est sa vue à lui qui s'obscurcit. Je reconnais ma faiblesse. Malgré moi la qualité des faits particuliers — ceux qui touchent Mme de Montespan — imprime plus de crainte dans mon esprit qu'il n'est raisonnable. Ces crimes m'effarouchent. Puis il revient aux dossiers avec sa conscience de juge. Ce sont les actes mêmes qu'il faut voir et d'où il faut tirer les idées. Mais ce sont précisément les idées qui se dégagent de ces actes que son esprit ne peut admettre. Je reconnais que je ne puis percer l'épaisseur des ténèbres dont je suis environné. Je demande du temps pour y penser davantage ; et peut-être arrivera-t-il qu'après y avoir bien pensé, je verrai moins que je ne vois à cette heure. Après avoir tout bien considéré, je n'ai trouvé d'autre parti à proposer que de chercher encore de plus grands éclaircissements et d'attendre du secours de la Providence, qui a tiré des plus faibles commencements qu'on saurait imaginer, la connaissance de ce nombre infini de choses étranges qu'il était si nécessaire de savoir. Tout ce qui est arrivé jusqu'ici fait espérer, et je l'espère avec beaucoup de confiance, que Dieu achèvera de découvrir cet abîme de crimes, qu'il montrera en même temps les moyens d'en sortir, et, enfin qu'il inspirera au roi tout ce qu'il doit faire dans une occasion si importante. En étudiant ces rapports de La Reynie à Louvois, on a ce spectacle aussi impressionnant que curieux : dans le courant de ses mémoires le magistrat expose avec netteté et logique la réalité des charges contre la favorite, et quand, en terminant, il doit poser des conclusions pratiques, son esprit s'effarouche, sa pensée s'épouvante comme le cheval qui s'ébroue devant l'obstacle inattendu. J'ai fait ce que j'ai pu lorsque j'ai examiné les preuves et les présomptions, pour m'assurer et pour demeurer convaincu que ces faits sont véritables et je n'en ai pu venir à bout. J'ai recherché, au contraire, tout ce qui pouvait me persuader qu'ils étaient faux, et il m'a été également impossible. L'angoisse est accrue par le conflit qui surgit dans sa conscience entre les devoirs qu'il a vis-à-vis de la justice et ceux qu'il a vis-à-vis de son roi. Dans ce même temps où mon esprit était si fort abattu, écrit-il, j'ai demandé à Dieu la grâce de pouvoir garder la fidélité que je dois à mon ministère et me donner une conduite sincère en tout ce qu'il a plu au roi de me commander. Louis XIV a ordonné qu'une partie de la procédure serait soustraite à la connaissance des juges. Le coup est si rude pour La Reynie que sa forte pensée en a une défaillance. J'espère, écrit-il à Louvois, le 17 octobre 1681, de la grâce et de la bonté de Sa Majesté qu'elle compatira à ma faiblesse en considérant qu'avec la crainte et le respect où je ne pouvais manquer d'être — pour ses ordres —, occupé d'ailleurs et rempli de l'idée d'un juge qui rendrait un témoignage en justice contre la vérité et qui, sur cela, jugerait et verrait juger du sang et de la vie des hommes, je n'ai pu reconnaître sur le moment le mécompte où j'étais, ni représenter à Sa Majesté que l'affaire dont il s'agissait n'était pas susceptible, par sa propre disposition, de l'expédient proposé. Un moment sa résolution semble prise : il s'en remettra entièrement et aveuglément au roi qui a reçu de Dieu, écrit-il, des lumières supérieures à celles des autres hommes ; mais, l'instant d'après, le magistrat reparaît en lui, et le décide à entrer en lutte, lui, isolé, sans appui, subalterne, contre les ministres tout-puissants soutenus par la volonté du roi. A ce moment, son caractère se montre à nous dans sa grandeur. Il va droit à Louis XIV et lui expose les charges contre sa maîtresse ; puis il écrit énergiquement à Louvois : Malgré tous les soins qu'on a pu prendre, tous ces faits — contre Mme de Montespan — sont venus si souvent et par tant d'endroits différents et avec tant de circonstances, que le roi a été obligé de permettre — qu'on interroge les prisonniers sur la favorite —, mais par des actes particuliers — c'est-à-dire séparés des dossiers et soustraits à la connaissance de la Chambre ardente. Louvois, ami intime de Mme de Montespan et des plus affectionnés, fit tout au monde pour la sauver. Mme de Maintenon, en effet, lui était hostile et il craignait sa faveur naissante. En outre, comme l'observe l'ambassadeur de Venise, Louvois avait le culte de la monarchie française, à laquelle tout lui semblait dû. Il devait protéger le prestige de la couronne contre l'atteinte que lui porterait la condamnation de la favorite. Enfin, en défendant celle-ci, il croyait faire sa cour à Louis XIV. Louvois s'efforça de gagner La Reynie à ses vues, de lui persuader, tout d'abord en douceur, qu'il importait que le juge instructeur trouvât Mme de Montespan innocente. Louvois parlait, pressait, démontrait, — La Reynie écoutait, mais n'entendait pas. Le ministre changea de ton. Il chercha à montrer au magistrat qu'effectivement Mme de Montespan devait être innocente. Il vint à Paris, le 15 février 1681, pour le lui expliquer. Mlle Désœillets, suivante de la favorite, ne lui avait-elle pas écrit que elle n'était pas coupable et que ce qu'on lui — à La Reynie — a dit qu'elle ne partait de chez la Voisin ne pouvait être vrai, qu'il y avait vingt femmes chez Mme de Montespan, dont dix-huit la haïssaient, et qu'on peut leur demander de ses nouvelles, mais qu'elle a pensé que Mme la Comtesse — de Soissons — avait deux demoiselles, dont l'une pouvait être à peu près de sa taille, et que Mme la Comtesse pouvait bien avoir le nom d'elle — Désœillets — pour lui faire des affaires et pour en faire à sa maîtresse — Mme de Montespan —, qu'elle haïssait. La Reynie répondit qu'il suffirait de confronter la demoiselle avec les prisonniers de Vincennes. Nous avons dit que la confrontation eut lieu et que la Désœillets fut reconnue. Force fut à Louvois d'imaginer une autre défense, à laquelle La Reynie, inébranlable, répondit encore : Après avoir fait réflexion à ce que Mlle Désœillets a dit à Vincennes à M. de Louvois qu'elle avait une nièce qui avait extrêmement couru les devineresses et qu'on la confondait sans doute avec elle, je tiens cela suspect, parce qu'elle ne l'a dit qu'après avoir été reconnue par les prisonniers et parce que la dame de Villedieu, sa bonne amie, qui est à Vincennes, et qui a eu des avis, nous a voulu donner le même change, ce qui semblerait concerté ; et lorsque je lui demandai comment était faite la Désœillets, elle m'a dit que c'était une petite, courte, avec un gros sein, qui est une fausse peinture et qui convient précisément à la nièce. Comme on lui faisait observer que la Voisin avait nié connaître Mlle Désœillets, La Reynie répliquait : La dénégation que la Voisin a faite jusqu'à la mort de la connaissance de Mlle Désœillets doit être d'autant plus suspecte qu'elle a été opiniâtrement soutenue, parce qu'il est prouvé à présent qu'elles étaient en commerce. Si Mlle Désœillets dénie elle-même ce commerce, il semble que cela même en doit augmenter le soupçon. Louvois insistait aussi sur une rétractation faite par la Filastre, après son entretien avec le confesseur, au moment de marcher au supplice ; mais le lieutenant de police répondait : La décharge que la Filastre a faite par sa déclaration à l'égard de Mme de Montespan s'applique uniquement à l'empoisonnement de Mme de Fontanges ; il y a deux autres faits : celui de la messe sur le ventre par Guibourg et, plus, le pacte, et celui des poudres de Galet pour le roi, où Mme de Montespan a été nommée, et ces charges sur ces deux faits ne subsistent pas seulement telles qu'elles ont été faites à la question, mais elles ont été-de nouveau confirmées par la même déclaration que la Filastre a rétracté le premier fait. La Reynie se défend, il défend la justice, et bientôt, fort des droits- de la justice, il passe de la défense à l'attaque. Il dénonce au ministre les rapports que plusieurs des prisonniers du donjon de Vincennes, mêlés dans l'affaire de Mme de Montespan, ont eus avec des personnes de la cour. Celles-ci ont donné des instructions et des avis. Il blâme ces manœuvres devant le ministre même qui, à l'instigation du roi, en a été l'auteur. Et plusieurs des accusés considérables, ajoute-t-il courageusement, ont trouvé moyen d'avoir des extraits des charges qui étaient contre eux au procès. La Reynie ne se contente pas de nier l'innocence de Mlle Désœillets, il dit à Louvois : Il est difficile que, sur de telles charges, elle reste en liberté. Mise au courant de tout ce qui a été dit contre elle, elle travaille à prendre des mesures qui rendront sa conviction impossible, et ces mesures elle les prendra avec d'autres personnes mal intentionnées. Dans le cas où on ne l'autoriserait pas à l'arrêter, La Reynie demande qu'il lui soit du moins permis de procéder à son interrogatoire, et il trace à Louvois un plan très habile, il montre les moyens ingénieux et délicats par lesquels, sans violence ni éclat, la confidente serait amenée à déclarer la vérité. A peine est-il besoin de dire que ces propositions furent rejetées par Louis XIV et son ministre. Le magistrat n'en persévéra pas moins dans la voie qu'il s'était tracée, même après que Louvois, pour vaincre ses scrupules, se fut adjoint le second des ministres tout-puissants, Colbert. Boileau disait : J'admire M. Colbert qui ne pouvait souffrir Suétone parce que Suétone avait révélé la turpitude des empereurs. On aurait là l'explication de sa conduite en dehors de l'intérêt personnel que Colbert avait à l'innocence de Mme de Montespan. Colbert n'avait suivi que de loin le travail fait par les commissaires de la Chambre et il ne connaissait que vaguement les charges relevées contre la maîtresse du roi. Il s'adressa à un avocat célèbre à cette époque, Me Duplessis, pour lui demander un mémoire' où l'innocence de Mme de Montespan serait établie et où seraient exposés les moyens d'étouffer cette malheureuse procédure. Colbert s'ingénia même à lui fournir des arguments. Duplessis rédigea le mémoire demandé. Colbert lui en
accuse réception le 25 février 1681 : J'ai vu et
examiné avec soin le mémoire que vous m'avez envoyé ; j'espère en recevoir un
demain sur le second fait — la tentative d'empoisonnement sur Mlle de
Fontanges — qui n'est pas moins grave que le premier — la tentative
d'empoisonnement sur Louis XIV par le placet — et
dont la preuve est, selon moi, plus entière et plus parfaite. Et
Duplessis lui envoie un deuxième mémoire avec ces mots : Ayez la bonté de voir l'observation générale qui est au
commencement parce qu'elle peut fournir des moyens contre beaucoup de choses
qui paraissent assez bien prouvées. Les mémoires de Duplessis, appuyés
par Colbert, n'eurent pas plus de prise sur La Reynie que l'argumentation de
Louvois. L'avocat et le ministre demandaient que les accusés fussent jugés
par la Chambre très sommairement, que la question ne fût plus appliquée, en
sorte qu'ils ne déclareraient plus les faits graves, et qu'une fois
l'ensemble lestement expédié, toutes les pièces de procédure fussent brûlées
aussitôt. Mais La Reynie dit qu'il était impossible de ne pas suivre les
règles de la justice et que la Chambre ne pouvait juger que selon la coutume
et la loi. ***La Chambre ardente se voyait dans l'obligation de se plier, d'une part au refus absolu de Louis XIV d'autoriser la lecture au tribunal des pièces de procédure où il était question de Mine de Montespan, et, d'autre part, au refus non moins absolu de La Reynie, de permettre que les juges prononçassent une sentence où toutes les garanties que la coutume donnait aux accusés ne seraient pas respectées. Les deux termes du problème paraissaient inconciliables. Peu à peu le roi s'était laissé entraîner bien loin des résolutions d'équité rigoureuse dont il avait fait étalage au premier abord. Il avait violé le secret des dossiers pour communiquer aux personnes de marque les parties des interrogatoires qui pouvaient les intéresser ; il avait favorisé la fuite du prince de Clermont-Lodève, de la comtesse de Soissons, de la princesse de Tingry, de la marquise d'Alluye, de bien d'autres. Il avait tremblé à la pensée des révélations que pourrait faire la Voisin : J'ai rendu compte au roi, écrivait Louvois à Bazin de Bezons, le 3 décembre 1679, des raisons que vous et MM. les commissaires avez de commencer demain la visite du procès de la Voisin ; mais Sa Majesté ne l'a pas approuvé et je donnerai ce soir ordre à MM. Boucherat et de La Reynie afin qu'il ne soit pas mis sur le bureau. Le 18 juillet 1680, de Montreuil-sur-Mer, Louvois écrivait à La Reynie : Le roi n'a pas jugé à propos de donner l'ordre que vous demandez pour que MM. les commissaires eussent la liberté de juger en cas de nécessité. Sa Majesté ne croyant pas qu'il convienne que la Chambre juge des prisonniers pendant son absence. Quelques efforts qu'on eût faits pour entourer les séances de l'Arsenal d'un secret impénétrable, l'opinion ne fut pas trompée et l'on trouve dans mainte correspondance privée le témoignage que le roi empêche de poursuivre les gens de la cour. — Vous recherchez les gueux, s'écria, le 31 juillet 1681, l'un des accusés, Lalande, en plein tribunal, et on doit rechercher plus haut. Enfin, on a vu comment, après la déclaration de la Pilastre, le ter octobre 1680, la Chambre fut brusquement suspendue. Ce jourd'hui, ter octobre 1680, en exécution de l'arrêt du 30 septembre dudit an, qui a condamné à mort Françoise Filastre et Jacques-Joseph Cotton, leur a été donné la question ordinaire et extraordinaire ; mais ladite Filastre ayant fait à la question et hors la question des déclarations très considérables, et le roi en ayant vu le procès-verbal contenant de nouvelles déclarations par elles faites dans la chapelle dudit château de la Bastille, avant d'aller au supplice, Sa Majesté, pour des considérations importantes à son service, ne voulut pas qu'il fût expédié des grosses desdits actes pour servir à la Chambre et elle fit savoir à M. Boucherat, qui présidait ladite Chambre, d'en cesser les séances. De ce jour, la lutte entre le lieutenant de police, d'une part, et, de l'autre, les ministres soutenus par toutes les dames et tous les courtisans, se fit ouvertement. Le roi, écrivent les secrétaires de la lieutenance de police, se trouvait fortement incité par les courtisans et même par des personnes constituées en dignité, pour faire entièrement cesser la Chambre, et cela sous différents prétextes, dont le plus spécieux était celui qu'une plus longue recherche sur le fait des poisons et des empoisonnements décriait la nation chez les étrangers. La Reynie répondait par le respect dû à la justice, par le devoir qui incombait au roi de faire juger et punir les plus grands criminels qui eussent paru dans le royaume, enfin par la nécessité de purger la France de ces redoutables pratiques d'empoisonnements et de sacrilèges qui y avaient, en peu d'années, pris des proportions que nul n'eût imaginées. Il alla à Versailles, il parla quatre jours consécutivement, durant quatre heures chaque jour. Que n'avons-nous le texte des paroles qu'il prononça devant le roi et ses ministres ! Seul contre tous il l'emporta. M. de la Reynie ayant été entendu par le roi dans son cabinet, en la présence de M. le chancelier et de MM. Colbert et marquis de Louvois, dans quatre différents jour et pendant quatre heures chaque fois, Sa Majesté se détermina enfin à la continuation de la Chambre et ordonna à M. de la Reynie de continuer ses instructions à l'ordinaire, néanmoins de ne rien faire sur aucune des déclarations contenues aux procès-verbaux de question et d'exécution de la Filastre que Sa Majesté, pour des considérations à son service, ne voulut point être divulguées. La Chambre séante à l'Arsenal reprit le cours de ses travaux le 19 mai 1681, mais à la condition, imposée par le roi, nue l'on ne suivrait pas les déclarations où il avait été question de Mme de Montespan. Le 17 décembre, à l'interrogatoire de la Joly, les faits que l'on voulait soustraire à la connaissance des juges, reparurent avec une force nouvelle. Aussitôt Louvois d'écrire à Bazin de Bezons, commissaire de la Chambre avec La Reynie, d'avoir soin de mettre toutes ces déclarations sur des cahiers séparés, qui ne seraient pas montrés aux juges. En réalité La Reynie s'apercevait que les difficultés pour la Chambre de s'acquitter régulièrement, de son office redoublaient de jour en jour, et il ne tarda pas à comprendre, et à faire comprendre à ses collègues que, par le seul fait de la suppression du procès-verbal où étaient portées les réponses de la Filastre à la question, il était devenu impossible d'instruire légalement le procès des principaux accusés. C'est ce qu'il établit en des mémoires véritablement admirables de précision et de jugement. Pour obéir aux lois et coutumes judiciaires, écrit-il à Louvois, le procès-verbal de question de la Filastre, ses récolements et déclarations ne doivent pas être vus une fois seulement à la Chambre, ces actes y doivent être portés tous les jours, et ils doivent aussi être vus dans tous les procès des prisonniers qui seront jugés et dont la Filastre a parlé, et sa déclaration est d'autant plus importante que, non seulement elle décharge madame de Montespan et la Chapelain, qu'elle avait chargées de faits particuliers, du dessein de l'empoisonnement de madame de Fontanges[3], mais encore parce qu'elle en confirme deux autres. Les trois dernières lignes de cette déclaration diminuent la charge que la Filastre a faite à la question contre six autres prisonniers, accusés d'avoir sacrifié au diable l'enfant de la Filastre, cette déclaration leur est de conséquence. De la suppression des procès-verbaux de question de la Filastre, écrit-il ailleurs, il naîtra encore cet autre inconvénient que les juges ne croiront pas titre en état de juger aucun des prisonniers dont il a été fait mention dans le procès de la Filastre et il ne serait pas, en effet, des règles de la justice d'en juger aucun sans savoir ce que cette femme aura dit contre eux ou à leur décharge. Ce serait autrement supprimer une partie de leur procès, peut-être leur justification, et ce serait le plus grand de tous les inconvénients pour la justice. Le 11 octobre, il ajoute : Les juges ne peuvent jamais juger que sur le procès entier, et quand bien même on pourrait supposer que ce serait en faveur et à la libération des accusés qu'ou retrancherait, par d'autres grandes raisons, cette partie des charges, il resterait ce danger que, ce qui semblerait faire charge suivant le sentiment d'un juge, serait peut-être la raison et l'induction de quelque autre pour conduire à la décharge des accusés, et personne ne saurait prendre sur soi le danger de cette sorte de mécompte. Enfin, on ne voit pas d'exemple approuvé qui puise autoriser une telle conduite ; les conséquences mêmes en paraissent terribles et on tomberait par là, sans doute, en d'autres inconvénients plus fâcheux encore que ceux que l'on penserait éviter. En jugeant de cette sorte des procès criminels et en traitant diversement les mêmes crimes, on ferait un tort irréparable à la gloire du Roi et on déshonorerait sa justice : et, avec cela, comme tous ces malheureux procès sont enchaînés les uns avec les autres, s'il était entré en quelqu'un de ces procès quelque chose d'extraordinaire de cette nature, il arriverait que toutes les procédures seraient gâtées et que les juges ne croiraient plus être en état de pouvoir faire rien de bien, ni de légitime, sur ces matières. En concluant, La Reynie s'efforce d'amener Louis XIV et les ministres à son opinion : Il semble que tant de maux, qui sont d'une ancienne et longue suite, venant à être découverts comme ils le sont, sous le règne d'un grand roi, en la main duquel Dieu a mis une grande puissance et une autorité absolue, ils ne peuvent être dissimulés. De semblables malheurs ont paru en d'autres siècles, et, soit par raison ou par faiblesse des temps, dès qu'il s'est trouvé des personnes considérables engagées dans ces misérables pratiques, le cours de la justice en a presque toujours été interrompu ; peut-être que la destruction de ces crimes horribles, qui attaquent la majesté de Dieu même, et la punition de ceux qui sont engagés dans ce maudit commerce de poisons, que les lois appellent les ennemis du genre humain, ont été différées jusqu'à présent, pour être entreprises avec plus de succès par un prince que toutes les raisons spécieuses, dont la fausse politique a accoutumé de se couvrir, ne sauraient surprendre ni ébranler, et par un prince capable par ses lumières de discerner, suivant les règles de la véritable sagesse, ce qui est juste de ce qui ne l'est pas. Voici cependant les mêmes raisons, les mêmes incidents et les mêmes difficultés qui se sont présentés autrefois. Il faut penser que ces paroles s'adressaient directement à Louvois et à Louis XIV, pour en mesurer l'élévation et le courage. Mais Louis XIV n'avait pas le caractère assez grand pour sacrifier son amour-propre au bien public, pour consentir à une telle humiliation aux yeux de ses sujets et de l'Europe, devant lesquels il n'avait cessé d'étaler son orgueil. Il maintint l'interdiction de communiquer à la Chambre les pièces de procédure où il était question de Mme de Montespan. De son côté La Reynie demeurait irréductible, refusant de laisser juger un procès où toutes les pièces ne seraient pas soumises au tribunal. Cependant il fallait agir : une Chambre doit être ouverte ou fermée. Après avoir fait tout ce qui était possible pour que la justice suivit son cours en toute indépendance, de manière à atteindre tous les coupables et les plus haut placés, La Reynie indiqua la seule solution qui permît aux magistrats — puisqu'on ne leur laissait pas remplir leur devoir dans toute son étendue — de ne pas forfaire du moins au devoir dans le champ limité où ils pouvaient encore agir. Il y avait alors en France les tribunaux où siégeaient des juges, et il y avait les lettres de cachet qui agissaient sans formalité ni jugement, par simple ordre du roi. Ailleurs, nous avons montré le plus illustre des magistrats français, d'Aguesseau, à peu près vers la même époque, solliciter, au cours d'une affaire dont il était chargé, des lettres de cachet. Comme d'Aguesseau, La Reynie aurait pu dire : Je ne suis pas accusé d'aimer les voies extraordinaires et de haïr les formes connues de la justice, cependant je trouve ici beaucoup de raisons pour recourir aux ordres du roi — lettres de cachet. Sa Majesté ne voulant pas donner connaissance à la Chambre de certains faits, écrit-il le 17 avril 1681 à Louvois, ni qu'elle juge certains prisonniers et certains accusés, se réservant à cause de l'importance dont ils sont, à y pourvoir par sa justice et par les autres moyens dont elle entend se servir, il semble que par des voies fort simples, on peut arriver à la fin que le roi s'est proposée, et il n'y a rien à dire quand MM. les commissaires de la Chambre n'auront aucune connaissance de ce dont ils ne doivent pas être juges. Il fallait, selon La Reynie, renoncer à instruire le procès des accusés qui avaient eu connaissance des faits concernant Mme de Montespan, et, puisqu'on ne pouvait les juger selon les règles de la justice, se résigner à les enfermer par lettre de cachet dans les forteresses royales. Devant l'attitude du lieutenant de police, commissaire de la Chambre ardente, refusant de laisser procéder à un jugement qui violerait les formes traditionnelles et les garanties qu'elles accordaient à l'accusé, force fut au roi et aux ministres de se plier à son opinion. ***La Reynie énumère la longue liste de criminels chargés de monstrueux forfaits qui vont, par cette voie, échapper aux rigueurs du tribunal, aux tourments de la question, à la mort par le bûcher ou le gibet ; et il ajoute : Il y a cent quarante-sept prisonniers à la Bastille et à Vincennes ; de ce nombre il n'y en a pas un seul contre lequel il n'y ait des charges considérables pour empoisonnement ou pour commerce de poisons et des charges avec cela contre eux pour sacrilèges et impiétés. La plus grande partie de ces scélérats tombe dans le cas de l'impunité. La Trianon, une femme abominable, par la qualité de ses crimes, par son commerce sur le fait du poison, ne peut être jugée, et le public, en perdant la satisfaction de l'exemple, perd sans doute encore le fruit de quelque nouvelle découverte et de la conviction entière de ses complices. On ne saurait juger non plus la dame Chappelain, à cause que la Filastre lui a été confrontée : femme d'un grand commerce, appliquée depuis longtemps à la recherche des poisons, ayant travaillé, fait travailler pour cela, suspecte de plusieurs empoisonnements, dans une pratique continuelle d'impiétés, de sacrilèges et de maléfices ; accusée par la Filastre de lui avoir enseigné la pratique de ses abominations avec des prêtres, impliquée considérablement dans l'affaire de Vanens. Par les mêmes considérations, Galet ne peut être jugé : quoique paysan, homme dangereux, tenant bureau ouvert pour les empoisonnements. Lepreux : — prêtre de Notre-Dame, engagé dans les mêmes pratiques avec la Chappelain, accusé d'avoir sacrifié au diable l'enfant de la Filastre. Guibourg : — cet homme, qui ne peut être comparé à aucun autre sur le nombre des empoisonnements, sur le commerce du poison et les maléfices, sur les sacrilèges et les impiétés, connaissant et étant connu de tout ce qu'il y a de scélérats, convaincu d'un grand nombre de crimes horribles, cet homme, qui a égorgé et sacrifié plusieurs enfants, qui, outre les sacrilèges dont il est convaincu, confesse des abominations qu'on ne peut concevoir, qui dit avoir, par des moyens diaboliques, travaillé contre la vie du roi, duquel on apprend tous les jours des choses nouvelles et exécrables, chargé d'accusations et de crimes de lèse-majesté divine et humaine, procurera encore l'impunité à d'autres scélérats. Sa concubine, la nommée Chanfrain, coupable avec lui du meurtre de quelques-uns de ses enfants, qui a eu part à quelques-uns des sacrilèges de Guibourg, et qui, selon les apparences et l'air du procès, était l'infâme autel sur lequel il faisait ses abominations ordinaires, demeurera aussi impunie. Il y a encore une grande suite d'autres accusés considérables qui trouvent l'impunité de leurs crimes. La fille de la Voisin ne peut être jugée, non plus que Mariette, quelque chose qui survienne à son égard. Latour, Vautier, sa femme, resteront, non seulement impunis, mais, par les considérations qui feront tenir leurs crimes secrets, leur procès ne pourra être achevé d'instruire. La Reynie dit encore, non sans mélancolie : Il y a lieu en tout d'admirer la providence du Seigneur. Si Mariette eût été pris avant le jugement de la Voisin et qu'ils eussent parlé sur le fait particulier — Mme de Montespan —, ce monstre — la Voisin — eût échappé à la justice et la Filastre idem, si elle eût mis en avant ce qu'elle a dit à la question. Restait à fermer la Chambre sans trop heurter l'opinion publique en laissant croire qu'après tant d'éclat on voulait tout étouffer. Il convient de finir la Chambre, écrit La Reynie, mais il faut éviter de le faire dans une conjoncture de lassitude ou de dégoût, afin que le grand nombre des personnes intéressées ne prennent pas occasion de décrier la justice et afin que les méchants qui restent, qu'ils soient connus ou non, ne cessent d'avoir de la terreur, et, qu'en laissant de craindre, ils ne recommencent avec la même liberté qu'ils ont eue auparavant. Le plus vif désir des magistrats mêmes qui composaient la
Chambre était que la clôture en fût prononcée. Le lieutenant de police en
donne entre autres raisons : La peine qu'on a et
l'aversion de condamner, qui est une peine que les honnêtes gens ne peuvent
s'empêcher de sentir, et la peine de ne pas juger les principaux. Il importait donc de ne pas paraître fermer la Chambre sur
un sentiment de lassitude et, surtout, de ne pas laisser soupçonner les
causes qui faisaient réellement agir. Déjà le public murmurait. Obligé qu'on
était, à cause de la complicité de Mme de Montespan, de faire passer derrière
le tribunal tous les accusés qui avaient eu des rapports avec la Voisin, à
savoir l'abbé Guibourg, Lesage et les principaux coupables, on reprit
l'affaire tout assoupie du chevalier de Vanens. Mais, ici encore, le
principal acteur, Vanens, pour avoir été en relation avec la favorite,
échappa à la rigueur des lois. Les commissaires de la Chambre eurent la bonne
fortune de trouver dans un coin d'interrogatoire des dénonciations contre un
certain Pinon du Martroy, conseiller au Parlement, qui avait été entraîné
dans la disgrâce de Fouquet. Lors des condamnations prononcées contre les
financiers, après la chute du surintendant, les biens de Pinon avaient été
saisis et Guibourg dit que, pour se venger et faire sortir Fouquet de prison,
il avait fait des conjurations et envoûtements contre le roi et des sortilèges.
Pinon était mort, mais il aurait eu pour confident Jean Maillard, auditeur en
la Chambre des comptes. On s'empara de celui-ci et, comme il occupait une
situation en vue, on mena son affaire à grand fracas. Il fut condamné le 20
février 1682, pour avoir su, connu et non révélé les
détestables projets formés contre la personne du roi. Le conseiller
nia tout dans les tourments de la question et jusqu'au moment de la mort. Il
est certain que, parmi les différentes accusations qui furent produites
devant les commissaires de la Chambre ardente, celles qui furent dirigées
contre Maillard sont entre les moins bien prouvées. L'exécution eut lieu le
21 février, et, par dérogation à l'usage, au milieu du jour. Elle fut suivie, le 16 juillet 1682, de celle de La Chaboisière, valet de Vanens. Ce misérable fut condamné à être pendu après avoir subi la question préalable. Il était moins coupable que Vanens, de qui il n'avait été que le préparateur ; mais sa condition infime l'avait mis hors de toute confidence. Puis, la procédure fut bien et dûment close, sans que, aux yeux de la foule, la justice parût trop gravement lésée. Une lettre de cachet du 21 juillet 1682 ferma la Chambre ardente. La Reynie ne considéra pas encore son rôle comme terminé. Dans sa correspondance avec Louvois, il n'avait cessé de revenir sur cette pensée qu'on devait profiter de l'expérience acquise grâce à la longue instruction de la Chambre pour éviter le retour de pareils forfaits. Il fut chargé avec Colbert de la rédaction d'une ordonnance. Le 30 août 1682 parut le fameux édit contre les devins et empoisonneurs dû à la collaboration de ces deux grands hommes : les magiciens et devineresses étaient chassés de France, la fabrication et la vente des poisons nécessaires à l'industrie et à la médecine étaient réglementées par des prescriptions qui ont triomphé du temps et des révolutions et, aujourd'hui encore — après deux siècles — sont en vigueur. ***Les nombreux accusés, qui ne purent être jugés pour avoir été mêlés de près ou de loin aux entreprises de Mme de Montespan, furent transférés, par lettres de cachet, en différentes forteresses, celles qui paraissaient les plus sûres du royaume. Par surcroît de précaution Louvois ordonna que chacun d'entre eux y fût attaché à une chaîne de fer, dont un anneau serait scellé à la muraille et un autre rivé à leur corps. Tous ces malheureux demeurèrent dans cet état jusqu'à leur mort, quelques-uns durant plus de quarante ans. Le ministre envoya les instructions les plus sévères pour qu'ils ne pussent avoir communication avec qui que ce fût du dehors, pour que le personnel employé à leur donner les soins spirituels et matériels rigoureusement nécessaires fût réduit autant que possible et composé de personnes d'une entière confiance. Et, pour détruire par avance, dans l'esprit même des gouverneurs de citadelles et châteaux forts, l'effet des révélations que les prisonniers pourraient leur faire, Louvois manda à ces commandants et gouverneurs que leurs nouveaux hôtes étaient des coquins, qui avaient imaginé des calomnies infâmes contre Mme de Montespan, dont la Chambre avait reconnu la fausseté, et que s'il leur arrivait d'ouvrir la bouche sur ce sujet, il fallait leur répondre aussitôt en les rouant de coups. C'est à la citadelle de Besançon que furent conduits les prisonniers les plus importants : l'abbé Guibourg, Lesage, Galet, Romani. Guibourg y mourut trois années après son entrée. Quatorze femmes furent menées au château de Saint-André-de-Salins. Louvois écrivait à leur sujet, le 26 août 1682, à l'intendant de Franche-Comté : Le Roi ayant jugé à propos d'envoyer dans le château de Saint-André de Salins quelques-uns des gens qui ont été arrêtés en vertu des décrets de la Chambre qui a connu du fait des poisons, Sa Majesté m'a commandé de vous faire savoir que son intention est que vous fassiez accommoder dans le château de Saint-André deux chambres, de manière que l'on puisse dans chacune y tenir en sûreté six de ces prisonniers, lesquels devront avoir chacun une paillasse dans le lieu où ils seront, et être attachés, ou par un pied ou par une main, à une chaîne qui sera attachée dans la muraille, laquelle aura néanmoins la longueur nécessaire pour ne pas les empêcher de se coucher. Comme ces gens sont des scélérats, qui ont mérité les derniers supplices, l'intention du Roi est qu'ils soient ainsi attachés de peur qu'ils n'insultent les gens qui seront commis à leur garde et qui entreront et sortiront de leur chambre pour leur porter à manger et vider leurs ordures. L'intention de Sa Majesté est que vous fassiez accommoder deux pareilles chambres dans la citadelle de Besançon, en sorte que l'on y puisse encore garder sûrement douze des prisonniers. Vous observerez que ces chambres-là doivent être en un lieu où l'on ne puisse entendre ce que ces gens-là diront. Auzillon, de la compagnie du prévôt de l'Isle-de-France, escorta jusqu'à la citadelle de Belle-Isle-en-Mer les principales sorcières, la Pelletier, la Poulain, la Delaporte, la fille Voisin, Catherine Leroy. La Chappelain, commère de la Filastre, fut enfermée au château de Villefranche, où elle mourut quarante ans plus tard, le 4 juin 1724 ; elle y vivait en compagnie d'une autre sorcière qui avait été, comme elle, soustraite au jugement de la Chambre et pour les mêmes motifs : la Guesdon. Le commandant de Villefranche avait écrit, en août 1717, que de deux anciennes prisonnières d'État pour poison, restant de quatre qui y furent enfermées il y a trente-six ans, la Guesdon mourut le 15 du courant, qui a laissé de ses épargnes quarante-cinq livres en argent, sur les huit sols de nourriture par jour, depuis ledit temps, dont elle a chargé sa camarade survivante de prendre ce dont elle aurait besoin pour son usage personnel et d'employer le surplus à faire prier Dieu pour elle ; c'est une pensionnaire de moins pour le Roi. La bonne femme avait soixante-seize ans ; celle qui reste — la Chappelain — n'est pas moins vieille. Elles étaient dans la même chambre et faisaient chacune sa potée à part. Enfin quelques prisonniers de la Bastille et de Vincennes, entièrement étrangers à l'affaire des poisons, et d'autres qui furent reconnus innocents par les commissaires de la Chambre ardente, avaient été pour leur malheur enfermés, à la Bastille ou à Vincennes, dans la même chambre que des accusés au courant des actes de Mme de Montespan. Cette rencontre les condamna à une réclusion perpétuelle. Manon Bosse, écrit La Reynie, fut envoyée aux religieuses de Baffens, à Besançon, sous le nom de mademoiselle Manon Dubosc, où le roi payait sa pension sur le pied de deux cent cinquante livres ; elle ne fut point élargie, pour avoir été enfermée avec la fille de la Voisin qui lui avait tout dit. La Gaignière, dans les mêmes conditions, fut mise à l'Hôpital général. Nanon Aubert avait été, elle aussi, mise avec la fille de la Voisin ; cela fit qu'on ne l'a point élargie, mais qu'en 1683, elle fut mise aux Ursulines de Besançon, et, depuis, de Vesoul, avec ordre de dire qu'elle était détenue pour commerce avec une dame de qualité accusée de poison, et on la faisait passer pour demoiselle. Le roi payait sa pension sur le pied de 250 lb. par an. L'exemple le plus caractéristique est celui de Lemaire,
frère de la Vertemart. Son innocence complète apparut clairement. Il ne
pouvait lui être fait d'autre reproche que d'avoir été enfermé avec l'abbé
Guibourg, qui lui avait tout dit. Dès le 4
août 1681, Louvois mandait à La Reynie : Il n'est
pas temps présentement de mettre en liberté Lemaire. J'ai écrit au sieur
Desgrez ce qu'il faut pour que, s'il lui montre ma lettre, il supporte avec
moins de douleur sa longue détention. Louis XIV et Louvois ne
laissèrent pas d'être impressionnés par cette iniquité révoltante. En août
1682, Louvois fit remettre à Lemaire une somme importante, 150 pistoles, lui
promettant de lui faire parvenir chaque année une somme pareille, à la
condition qu'il serait conduit hors du royaume, qu'il n'y remettrait les
pieds de sa vie et ne parlerait à personne au monde de ce qu'il avait entendu
étant à Vincennes. S'il lui arrivait d'enfreindre l'un de ces engagements, le
roi le ferait saisir et renfermer pour le restant de ses jours. La Reynie mourut le14 juin 1709, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. On trouve un trait touchant dans son testament et qui peint cet honnête homme. Il demande que son corps soit enterré dans le cimetière de la paroisse et non dans l'église, ne voulant pas que son cadavre fût mis dans les lieux où les fidèles s'assemblaient et que la pourriture de son corps y augmentât la corruption de l'air, et, par conséquent, le danger pour les ministres de l'Église et pour le peuple. Le lieutenant de police, qui avait consacré une partie de sa vie à rendre salubre et bien ordonnée la grande ville confiée à son administration, prêchait d'exemple sur son lit de mort, au détriment, sans aucun doute, des plus chers sentiments du catholique et du croyant qu'il était. Gabriel-Nicolas de la Reynie fut réellement un esprit de rare valeur. Parlant de lui, nous n'avons pas eu à montrer le fin lettré, l'érudit en correspondance suivie avec Baluze, faisant acheter et collationner des manuscrits grecs et latins, le protecteur compétent de l'imprimerie, le bibliophile à qui nous devons la conservation du texte primitif de Molière. Il fut un digne représentant de son temps, la grande époque de notre histoire. Le XVIIe siècle a atteint les limites extrêmes dans le bien comme dans le mal. Alors les Français produisirent leurs plus grands capitaines, leurs plus grands hommes d'État, leurs plus illustres magistrats ; alors, ils virent briller les plus grands noms de la littérature, de l'art, de la philosophie, de l'érudition ; les filles de charité faisaient éclater leur dévouement ; Mme de Chantal répandait autour d'elle le parfum de ses vertus ; mais alors également une marquise de Brinvilliers reculait les bornes du crime et un abbé Guibourg égorgeait des enfants, sur un autel, au-dessus du corps nu d'une marquise de Montespan. |
[1] SOURCES MANUSCRITES : Bibliothèque de l'Arsenal, Archives de la Bastille, mss 10 338-10 359 (dossiers de la Chambre ardente) ; — Bibliothèque nationale, ms. franç. 7 608, notes de La Reynie ; — Ibid., collection Baluze, 180, 334, 336-339, 351-352 ; — Ibid., ms. franç. 10,265, journal manuscrit d'un contemporain ; — Archives de la Préfecture de police, dossier de l'Affaire des Poisons, carton Bastille I, ff. 97-320.
SOURCES IMPRIMÉES : François Ravaisson, Archives de la Bastille, t. IV-VII, Paris, 1870-1874 ; — Catalogue des Archives de la Bastille, formant le t. IX du Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de l'Arsenal, Paris, 1892-1894 ; — Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, Paris, 1822-1832 ; — Depping (G.-B.), Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, Paris, 1850-1855.
Correspondance de Mme de Sévigné. — Mémoires du duc de Saint-Simon. — Voltaire, le Siècle de Louis XIV.
TRAVAUX DES HISTORIENS : Anonyme (J.-L. Carra), Mémoires historiques et authentique : sur la Bastille, Paris, 1789 ; Camille Rousset, Histoire de Louvois. Paris, 1862 ; — P. Clément, la Police de Paris sous Louis XIV, Paris, 4866 ; — J. Loiseleur, Trois énigmes historiques, Paris, 1883 ; — G. Jourdy, la Citadelle de Besançon, épilogue de l'affaire des Poisons, Gray, 1888.
[2] En 1697. La Reynie avait à cette date soixante-douze ans. Saint-Simon commet une légère erreur de mémoire.
[3] On a vu plus haut que le projet d'empoisonner Mme de Fontanges par Romani et Bertrand avait été nettement établi par d'autres témoignages.