§ 1 — Du luxe de la table en général.Il convient de n’accueillir qu’avec beaucoup de circonspection les complaintes des anciens au sujet du luxe de la table. Le besoin de nourriture, chez les méridionaux, est en général si faible, leur sobriété, en ce qui concerne le manger et le boire, si grande que l’usage de telle boisson, comme par exemple le vin pur sans mélange d’eau, que nous nous permettons sans scrupule, leur semble déjà presque de l’ivrognerie[1]. La philosophie d’Épicure même ne faisait-elle pas à ses adeptes une règle suprême de la plus grande simplicité de mœurs et de la plus grande sobriété ? Le chef de la doctrine, qui enseignait la volupté estimait l’égal de Jupiter l’homme qui saurait se contenter de pain et d’eau, pour tout repas, et lui-même observait si rigoureusement ce principe qu’il ne se permettait le luxe d’y joindre un peu de fromage de Cythnus que dans ses jours de régal. Il y a plus : ne le vit-on pas s’appliquer à déterminer le minimum de la dose de nourriture nécessaire pour supporter l’existence, avec la résolution de s’y borner lui-même[2] ? A Rome, la tablé fut longtemps d’une extrême simplicité.
Même après que l’armée revenue, en 188 avant Jésus-Christ, de l’Asie-Mineure
eut, la première, fait connaître dans cette ville l’opulence et la débauche
orientales, que l’on y eut appris l’existence d’un art culinaire et commencé,
dès lors, à bien payer les cuisiniers[3], auparavant les
plus méprisés des esclaves, il y a tout lieu d’admettre qu’il se passa encore
un siècle au moins avant que le luxe de table y fit de grands progrès ; car,
jusqu’à l’an 174 avant Jésus-Christ, les ménagères y préparaient elles-mêmes
le pain à domicile, comme s’il n’y avait point de boulangeries en ville[4]. En 161 encore
l’engraissement des poules scandalisa à tel point que les censeurs rendirent
un édit qui l’interdisait et qui fut reproduit dans les dispositions de toutes
les lois somptuaires ultérieurement promulguées. On éluda pourtant la défense
en engraissant des coqs[5]. L’importation
d’oiseaux et de coquillages exotiques, à Rome, ne commença que beaucoup plus
tard. En l’an 115, ou peut-être seulement en 78 avant notre ère, parut un
nouvel édit prohibant ces deux articles, ainsi que les muscardins[6]. Vers l’an 100,
encore, on ne servait jamais aux convives, même dans les festins les plus
opulents, du vin de Grèce plus d’une fois[7], ce qui, vu la
facilité des communications entre l’Italie et Par suite de l’extension progressive des relations de Rome
avec les pays d’outre-mer, de l’activité croissante du trafic par lequel les
diverses parties du littoral de En lisant tout ce que les écrivains romains ont dit au sujet de l’atrocité des chasses de leur temps, de cette manie abominable d’explorer toutes les terres et toutes les mers, à la recherche de nouvelles friandises[14], on pourrait croire vraiment que tout un ensemble de dispositions extraordinaires existait et fonctionnait alors sur la plus grande échelle, que des troupes nombreuses se trouvaient engagées dans de lointaines et périlleuses expéditions, uniquement pour satisfaire au luxe de table des viveurs de Rome. Cette supposition, toutefois, ne tomberait juste que pour Vitellius qui, effectivement, envoya les flottes romaines quérir, en Espagne et jusque dans les domaines des Parthes, des foies de maquereau, des cervelles de faisan et de paon, des langues de flamant et des. laitances de murène, pour un plat monstre, qui fit grand bruit[15]. Mais il paraît que Vitellius ne trouva, même parmi les empereurs romains, qu’un seul imitateur, l’extravagant Héliogabale[16]. On voit par là qu’abstraction faite des monstruosités de certaines orgies impériales, l’ancien ne gastronomie de Rome se réduit, au fond, à ce fait très simple que parmi les productions de tous les pays, étalées sur le marché de cette ville, figuraient aussi les denrées alimentaires et les comestibles les plus fins de chaque provenance, et que tout cela y trouvait un bon débit. Or, si vous demandez quels étaient donc ces produits exquis, originaires de contrées lointaines, sur l’importation desquels ou glosait tant, la, réponse que vous obtiendrez se bornera presque généralement à la spécification : de quelques volailles, telles que le faisan et la pintade ou poule de Numidie, le flamant et un très petit nombre d’autres oiseaux[17], eu grande partie déjà élevés également dans les basses-cours d’Italie[18], et qui ne pouvaient dès lors plus se vendre à des prix exorbitants. Aussi voyons-nous, dans le tarif qui établit le maximum des prix sous Dioclétien, le faisan coté seulement 25 pour 100 de plus que l’oie[19]. Du reste, non seulement l’acclimatation des animaux et des plantes exotiques, qui formera l’objet d’une notice plus détaillée au paragraphe suivant, mais aussi l’importation de ces produits, demandés au commerce pour les taules de Rome, ne se déploya sur une grande échelle qu’à partir de l’établissement du régime impérial. Ce ne furent donc que les commencements de ce luxe qui excitèrent, à un si haut degré, la mauvaise humeur de Varron. Il paraît en effet que, de son temps, on ne voyait encore que rarement des mets exotiques figurer dans les repas, quelque opulents qu’ils fussent. Ainsi, nous avons le menu d’un festin sacerdotal de bienvenue de la première moitié du siècle qui précéda la naissance du Christ[20]. Observons que ce repas eut lieu à la date du 24 août d’une année indéterminée, mais, sans nul doute, peu éloignée du milieu de ce siècle. On n’y mentionne qu’un seul plat avec des ingrédients en partie exotiques, mais point de mets rares ou très coûteux. On y servit, pour commencer, des doussins, des huîtres crues à discrétion, deux espèces de moules, une grive sur un lit d’asperges, une poularde, un ragoût d’huîtres et de moules, ainsi que des marrons noirs et blancs ; puis encore diverses espèces de coquillages et de poissons de mer avec des becfigues, des filets de sanglier et peut-être aussi de chevreuil, une espèce de pâté de volaille et des pourpres avec des becfigues. L’entrée principale était composée de tétines de truie, d’une tête de cochon, de fricassées de poisson et de tétines de truie, de deux espèces de canard, bouilli ou autrement préparé, de lièvres, de volailles rôties, d’un mets de farine et de pains picentins. Le menu du désert manque malheureusement[21]. Ce festin, qui réunit ce qu’il y avait alors de plus distingué à Rome, dans les deux sexes, soit probablement six prêtres, parmi lesquels figurait Jules César lui-même, en sa qualité de pontife, avec un nombre égal de prêtresses, paraît avoir marqué comme un des plus somptueux, même parmi les festins sacerdotaux, dont l’opulence était devenue proverbiale[22] : autrement un écrivain postérieur de quatre à cinq siècles n’eût, sans doute, pas cru devoir en conserver et transmettre la relation. Or, on trouverait facilement à citer, dans les annales de différentes époques de l’âge moderne, des repas dans lesquels fut déployé un luxe pour le moins égal, ou même supérieur, sans que l’on eu fît grand bruit. Ainsi, par exemple, le hasard a fait découvrir, dans les archives municipales de Leipzig, le compte rendu d’un banquet donné, le 13 août 1721, par cette ville, en l’honneur d’un surintendant ecclésiastique, nouvellement investi de ces fonctions, et ce festin n’aurait guère à redouter, pour le luxe de table qui y régna, la comparaison avec le fameux banquet sacerdotal que nous venons de signaler à Rome[23]. Il est vrai que, durant les années écoulées entre la date de celui-ci et l’époque où Varron débita ses censures, l’importation de friandises exotiques pouvait avoir, néanmoins, beaucoup augmenté. Mais on ne voit aussi figurer que des plats indigènes au festin, décrit par Horace, où le riche Nasidiénus traite Mécène et ses amis, et à ce propos, comme dans d’autres circonstances[24], l’humeur satirique du poète se tourne moins contre le luxe de la table, poussé à l’excès, que contre les ridicules des gourmands et des soi-disant maîtres en cuisine, affectant de se donner, dans l’exercice de leur art, une importance qui devait paraître doublement sotte à un partisan de la doctrine épicurienne, s’accommodant des mets les plus simples, avec une préférence marquée pour la nourriture végétale[25]. La période du plus grand luxe de table, chez les Romains,
ne commença qu’après la bataille d’Actium ; ainsi que Tacite le constate dans
un passage cité plus haut. L’essor de prospérité que le commerce prit après
la pacification du monde romain, notamment après l’ouverture de relations
commerciales avec l’Inde et l’Asie en général, par la voie d’Alexandrie,
contribua essentiellement, sans doute, à l’effet signalé. C’est à partir de
cette époque seulement que Rome devint, par le fait, une place où un vaste
négoce, embrassant tous les pays, en faisait affluer tous les produits
naturels et ouvrés, et où l’on pouvait à son aise examiner de près les
marchandises du monde entier. Ce fut aussi seulement alors que les
productions les plus rares et les plus chères de toutes les zones purent être
employées largement à multiplier les jouissances du palais des gastronomes,
dans leurs orgies. C’est alors qu’il y eut, comme dit Pline dans son langage
ampoulé, un tel mélange d’ingrédients de toute espèce, que chaque espèce dut,
pour mieux chatouiller le palais, emprunter des autres un goût différant
complètement de sa saveur propre, et qu’il en résulta une confusion générale
des productions de toutes les zones et de tous les climats. Pour tel mets on
mit à contribution l’Inde, pour tel autre l’Égypte, ou Cyrène, ou Or, s’il n’est pas douteux que le luxe de la table fut
poussé très loin à Rome, durant la période qui s’écoula de l’avènement d’Auguste
à celui de Vespasien, il n’est pas moins certain qu’il n’y fut jamais aussi
extravagant et monstrueux, ni aussi général que l’on a été souvent porté à le
croire, sur la foi de maint discours des contemporains, de Pline l’Ancien et
de Sénèque le Jeune surtout. Bien des choses, qui leur semblaient absolument
mauvaises, nous apparaissent aujourd’hui sous un jour plus favorable ;
beaucoup d’autres, neuves, et mêmes inouïes pour eux, nous les trouvons
toutes naturelles, y étant habitués ; d’autres encore n’ont pas l’importance
qu’elles semblent avoir. Si tels grands festins cogitaient des sommes
énormes, cela ne veut certes pas dire qu’elles étaient exclusivement
affectées à la bonne chère ; une partie, peut-être même la plus forte,
passait en frais accessoires et en décorations. Cette circonstance ne permet
pas de conclure d’une manière absolue de la grandeur de pareilles dépenses à
celle du luxe gastronomique. Au banquet du lord-maire de Londres, la dépense
de cuisine et de cave, qui formait autrefois la moitié de la dépense totale,
n’y figura plus que pour un tiers, sous George III,
et à celui qui fut offert, en 1853, par Du reste les sommes prodiguées en festins somptueux, mais surtout les prix élevés que l’on payait pour certaines friandises, ne doivent pas être portés uniquement sur le compte d’une gourmandise effrénée, mais aussi sur celui de la mode du temps, de la vanité fanfaronne, de l’ostentation, de l’envie qu’on avait de faire parler de soi, dans les cercles des viveurs raffinés, et, cette remarque est applicable à beaucoup d’autres phénomènes du luxe de cette époque. Les dissipateurs, dit Sénèque (Lettres, 122, 14), visent à ce que la vie qu’ils mènent forme continuellement l’objet des conversations. Ils croient. avoir perdu leur peine si on ne parle pas d’eux. Dès qu’une de leurs actions échappe à la renommée, ils sont mécontents. Il en est beaucoup qui mangent leur fortune en faisant grande chère, beaucoup qui entretiennent des maîtresses à grands frais. Pour se faire un nom parmi eux, il ne suffit pas de mener une vie luxueuse, il faut s’arranger de manière à frapper l’attention. La dissipation vulgaire ne fait pas naître de cancans dans une ville aussi affairée. C’est précisément cette envie de faire sensation qui
amena, entre autres, plus d’un prodigue à payer pour un mulet[33] d’une grosseur
extraordinaire ces sommes folles dont on a si souvent avancé la mention comme
preuve d’un luxe de gourmet sans exemple[34]. Ainsi, un
certain P. Octavius, en donnant 5.000 sesterces pour un poisson de l’espèce,
du poids de Ajoutons[38] que sous le
premier empire, en France, la somme des frais d’achat, de préparation et de
transport d’une truite énorme avec sa sauce, envoyée par la ville de Genève à
l’archichancelier Cambacérès, n’aurait pas été évaluée, par Sénèque[42] parle comme d’une monstruosité d’un plat fameux, devenu l’objet de toutes les conversations de la capitale. Les comestibles les plus recherchés et les plus délicats, tels qu’huîtres et autres mollusques friands, oursins ou doussins, mulets dépouillés de leurs arêtes, que d’ordinaire on sert distinctement et consécutivement dans lés grands festins, y avaient été tellement mêlés et noyés dans une même sauce que l’on ne reconnaissait plus rien du tout dans ce mélange, comparable à celui d’aliments que rejette l’estomac. Si un pareil plat fit tant de sensation, il est permis de croire que l’art culinaire, du temps de Néron, était, pour l’intelligence et le goût du raffinement, bien au-dessous de la cuisine de nos jours, de la française surtout. Le luxe grossier que P. Servilius Rullus avait introduit dans les repas, vers l’époque de la dictature de Sylla, luxe consistant à servir, même dans les réunions les moins nombreuses, un sanglier tout entier aux convives, et qui était encore fort en usage du vivant de Pline l’Ancien[43], peut également faire douter de la finesse de cette gastronomie romaine à laquelle le sanglier et le porc, que l’on savait apprêter de cinquante manières différentes[44], fournirent, dans tous les temps, des plats qu’elle tenait en grande faveur[45]. Le prix du porc n’était pas, cependant, assez élevé pour donner lieu à la supposition que sa cherté avait fini par en faire, chez les Romains de l’empire, la viande le plus à la mode, suivant l’expression de Roscher[46] ; mais il n’était point non plus aussi bas que se l’est figuré Preller[47]. Pour terminer, observons encore ici que l’usage des vomitifs, après le repas, n’avait nullement le caractère, qu’il semblerait avoir d’après les idées de nos jours, d’une preuve irrécusable d’intempérance et d’ivrognerie. De ce que César, qui n’était rien moins qu’intempérant[48], prit une fois un vomitif, après un repas copieux chez Cicéron, sans que celui-ci, mentionnant le fait[49], ait l’air d’en avoir été choqué le moins du monde, il ne s’ensuit pas que l’on puisse dire qu’une gloutonnerie bestiale était alors devenue si commune que personne ne songeait plus à s’en formaliser ; il faut plutôt en conclure qu’un remède, employé de nos jours en cas de maladie seulement, était, dans ce temps-là, réputé purement diététique et avait passé en usage comme tel[50]. Il y a ce fait que la purgation régulière, par des moyens parmi lesquels figuraient aussi les vomitifs, telle qu’on la pratiquait déjà chez les anciens Égyptiens[51], avait été recommandée ensuite par la plus grande autorité médicale de l’antiquité grecque, le célèbre Hippocrate, auquel se rallient, au moins en grande partie, lés médecins des temps postérieurs, ne déconseillant que l’abus de cette méthode. Du temps d’Hippocrate même, les vomissements après le repas paraissent avoir été plus usités que les vomissements à jeun. Celse n’entendait pas blâmer Asclépiade d’avoir rejeté absolument, dans son livre sur l’hygiène, l’usage diététique des vomitifs, en l’y supposant déterminé par l’habitude de bien des gens d’en prendre tous les jours ; il n’admettait pas que l’on y recourût pour favoriser les excès de la gourmandise ; mais il savait cependant, par expérience, que le moyen susdit, employé à propos dans certains cas, ne pouvait que faire du bien à la santé[52]. Le célèbre médecin Archigène aussi, sous Trajan, déclara l’usage modéré des vomitifs, pris deux ou trois fois par mois, extrêmement salutaire[53]. Galien conseille d’en user avant plutôt qu’après le repas. Parmi ceux qui, regardant l’usage diététique des vomitifs comme positivement nuisible, voulaient qu’on n’y recourût qu’en cas de maladie, il faut ranger Pline l’Ancien[54]. Toujours est-il que le nombre des débauchés qui vomissaient, pour se remettre en état de manger, puis mangeaient, pour revomir, et tenaient à ne pas embarrasser leur estomac de la digestion de repas composés de mets provenant de toutes les parties du monde, pouvait bien être assez considérable, au moins du temps dé Néron, quand ces lignes sortirent de la plume de Sénèque (Ad Helv., 10, 3). Mais les propos d’écrivains si portés à exagérer et à trop généraliser, ne suffisent guère pour nous convaincre que la dégoûtante habitude des vomissements quotidiens, avec toutes ses conséquences, aussi pernicieuses que répugnantes, ait jamais pu se communiquer à une grande partie de la société, même à l’époque des plus terribles orgies[55] ; car, pour les temps ultérieurs, Un pareil débordement est encore moins admissible. On est donc allé trop loin en se représentant généralement les Romains, d’après ce que Pline l’Ancien[56] et Sénèque[57] ont dit des suites de débauches qui, de leur temps, pourraient bien toutefois n’avoir été, malheureusement, que trop fréquentes[58], comme une race au visage hâve, aux joues bouffies, aux yeux gonflés et aux mains tremblantes, avec de grosses bedaines, affaiblie d’intelligence et dépourvue de mémoire, pour ne pas dire plus[59]. En réalité, d’après ce qui résulté de l’ensemble des témoignages parvenus jusqu’à nous, le luxe de la table à Rome, sous l’empire, quelque exorbitant et contraire aux lois de la nature qu’il parût eaux anciens, était bien inférieur à celui qu’offrent actuellement, en Europe, nos grandes capitales, on peut même se demander s’il atteignait seulement à la grande chère du dix-huitième siècle. Lady Montagne, pendant le séjour qu’elle fit à Vienne en 1716, y assista à plusieurs grands dîners de la haute noblesse, auxquels on servit itérativement, pour la fêter, plus de cinquante plats sur de la vaisselle plate, avec un dessert à l’avenant sur la plus fine porcelaine ; de plus, souvent jusqu’à dix-huit sortes de vins, dont la carte figurait à côté de chaque couvert[60]. En France sous le règne de Louis XV, 120 faisans étaient livrés chaque semaine à la cuisine du prince de Condé, et, quand le duc de Penthièvre se mit en route pour ouvrir les États de Bourgogne, 152 hommes de bouche le devancèrent dans son voyage. Le républicain -Danton donna, dit-on, des dîners à 400 fr. le couvert, et Barras, pendant qu’il était au directoire, doit avoir fait venir, par le courrier de la malle, ses champignons du département des Bouches-du-Rhône[61]. Ces exemples peuvent suffire : Quant à la vive impulsion que le puissant développement du commerce entre tolites les parties du monde, depuis le premier quart du siècle présent, adonnée et imprime encore aujourd’hui à toutes les branches du luxe, non moins qu’à celui de la table en particulier, c’est là un fait de notoriété universelle. § 2. — De l’acclimatation d’espèces comestibles du règne animal et du règne végétal.Dans l’antiquité romaine non plus, on ne saurait dire que le luxe de la table n’ait produit que des effets nuisibles ou sans conséquence ; au contraire, ce luxé, par cela même qu’il fut le mobile principal de l’introduction de la culture de plantes exotiques et de l’acclimatation d’animaux, propres à la consommation alimentaire, dans les pays d’Occident, partant aussi de l’amélioration et du raffinement des denrées comestibles en général, était alors, tout aussi bien que de nos jours, un facteur nullement à dédaigner dans le mouvement général d’expansion et de progrès de la civilisation. Cet objet mérite de fixer particulièrement l’attention[62]. Une grande partie des animaux et végétaux servant à la
consommation de luxe avaient été introduits en Italie dès le temps de la
république. Il est vrai que, chez les détracteurs absolus du luxe, la
naturalisation de poissons et d’oiseaux exotiques,’poursuivie dans le but
d’accroître et de multiplier les plaisirs de la table, encourait, dès lors,
un blâme tout aussi sévère que la simple importation dés mêmes objets par les
voies commerciales. Sous. Tibère, le préfet de la flotte, Optatus Elipertius,
réussit à naturaliser dans les eaux du littoral occidental de l’Italie, entre
Ostie et Les animaux dont l’introduction en Italie fut occasionnée
par l’accroissement du luxe des tables, étaient des oiseaux pour la plupart.
Le paon, qu’Hortensius eut le premier, l’idée de faire servir rôti, n’était
plus alors du nouveau pour les Romains. Par suite d’une plus forte demande,
l’élevage des paons prit le caractère d’une véritable industrie rurale. Déjà
du temps de Varron, les petites îles circonvoisines de l’Italie furent
converties en îles de paons, et l’on établit des parcs de ces oiseaux même
sur le continent. Au temps d’Athénée, Rome regorgeait de paons[68]. — La pintade (Numidica, gallina africana), dont on mangeait déjà du
temps de Varron, était pourtant encore rare, et chère par conséquent ; mais
il y a lieu de croire qu’au temps de Martial elle était devenue assez
commune, dans les grandes basses-cours. Les faisans, qui arrivaient, déjà du
temps de Ptolémée Évergète II, de Comme d’ailleurs l’élevage des volailles prospère tout
particulièrement dans le ressort du jardinage, il était naturel qu’il se
développât en Italie sur la plus grande échelle. De même ce sont encore
aujourd’hui, en Europe, les peuples de race latine qui, en raison de la
nature des contrées qu’ils habitent et des traditions qui s’y sont
conservées, mangent et élèvent le plus de volaille. Il ne pouvait être
question en Italie, du temps des Romains, d’un riche produit des chasses, et
la distance, ainsi que le climat trop chaud, empêchait de songer à y faire
venir le gros gibier des forêts de L’acclimatation d’arbres fruitiers et de plantes comestibles
s’opéra, en Italie, sur une échelle bien plus grande encore que
l’introduction des espèces animales, et c’est de cette contrée que les
végétaux dont il s’agit se répandirent ensuite dans d’autres pays. Mais, à
cet égard aussi, les derniers tiges de l’antiquité n’ont fait que poursuivre,
étendre et multiplier ce qu’avaient mis en train et commencé les âges
antérieurs ; ils ne firent qu’élargir le domaine des cultures nouvellement
adoptées, de la propagation successive desquelles finit cependant par
résulter, naturellement, dans le cours des siècles, une transformation
complète du caractère de la végétation du Il y eut, en Italie, un temps où les habitants ne
faisaient encore que du labourage, et où la culture de la vigne n’avait pas
encore pénétré chez eux. Elle vint seulement avec les premières des
expéditions maritimes que les Grecs dirigèrent sur cette contrée ; mais elle
réussit si bien sur les coteaux de la basse Italie que, déjà au cinquième
siècle avant Jésus-Christ, Sophocle put appeler l’Italie la terre de
prédilection du dieu Bacchus. C’est aussi des Grecs que les Romains reçurent
la culture de l’olivier, et, si la donnée du chronologiste Fenestella, que
Pline nous a transmise, est exacte, ce ne fut même qu’à l’époque des Tarquins[71], tandis que, le
figuier paraît remonter en Italie aussi haut que la colonisation grecque
elle-même. Au temps de Varron, on mangeait à Rome des figues de Chios, de Parmi les fleurs, la rose des jardins de l’Orient arriva de bonne heure à s’introduire en Italie, avec les colonies grecques qui s’y fixèrent, probablement en même temps que le lis, pour se répandre de là dans le monde entier. A côté des roses, des lis et des violettes, nous trouvons aussi, dans les jardins romains, le crocus d’Orient, qui croissait particulièrement en Cilicie. Cependant, on rangeait ce dernier parmi les fleurs exotiques, et on en regardait la culture, dans les jardins romains, comme un triomphe de l’art d’acclimatation, non moins que celle de la casia, de l’encens et de la myrrhe, avec lesquels Columelle groupe le crocus. De l’avis de Pline, la culture du safran n’était pas rémunératrice en Italie ; cependant, tout porte à croire qu’on l’y implanta néanmoins. Parmi les plantes fourragères introduites de l’Orient, Caton ne connaissait encore ni la luzerne (medica), ni le cytise ; mais déjà Varron les mentionne. Il faut en conclure qu’elles se propagèrent en Italie dans le cours du siècle qui s’écoula entre ces deux auteurs[74]. On voit par là que, dans les derniers siècles avant Jésus-Christ, l’Italie, comme tout le monde ancien en général, vivait sous le régime d’une économie rurale de sa propre création. Varron déjà put dire que l’Italie était un grand verger, tandis que les Grecs des temps antérieurs, de l’époque de la guerre du Péloponnèse à celle de la splendeur d’Alexandrie inclusivement, connaissaient la péninsule italique comme un pays empreint, comparativement à leur propre patrie et à l’Orient, d’un cachet quasi-septentrional et primitif, pays dont la production consistait principalement en grains, bétail et bois. Dans la,suite, dés plantations étendues d’arbres fruitiers de l’Orient prirent la place qu’occupaient d’immenses forêts et des solitudes inhospitalières, avec leurs produits bruts en bois, poix, gibier et pâture, pendant que des sucs rafraîchissants se substituaient au régime de viande et de bouillie des anciens. Les gens par l’entremise desquels s’opéra cette révolution hygiénique étaient en majeure partie des esclaves et des affranchis d’origine asiatique, des Syriens, des Juifs, des Phéniciens, des Ciliciens. L’horticulture et le plaisir qui s’attache à l’occupation placide et tranquille de l’éducation et du soin des plantes formaient, depuis un temps immémorial, un apanage de la race araméenne[75]. L’immense accroissement d’activité qui eut lieu dans
toutes les relations de commerce de l’ancien monde, depuis Auguste, eut
naturellement aussi pour effet de multiplier les acquisitions de plantes
formant l’objet des cultures de l’Orient. Déjà Columelle félicite l’Italie
d’avoir su naturaliser chez elle, par les soins laborieux de ses colons, les
fruits de presque toutes les parties du monde alors connu[76]. Aux végétaux
introduits, dès les premiers temps de l’empire, il y a lieu d’ajouter,
peut-être, le lotus africain[77], l’échalote
d’Ascalon[78],
bien certainement aussi l’amandier pêcher et le jujubier, que Sextus.
Papirius, consul en l’an 36 après Jésus-Christ, transplanta de l’Afrique et
de L’amélioration des fruits et des cultures végétales, ainsi
que la multiplication des espèces, avait été poussée, dès les premiers temps
de l’empire, à un si haut degré que Pline[85], la croyant
arrivée au dernier point de la perfection, n’admettait pas que l’on pût,
dorénavant, encore y inventer du nouveau. De son point de vue, il aurait dû
désapprouver l’acclimatation des végétaux exotiques autant qu’il trouvait positivement
mal que l’on en fit venir, comme par exemple du poivre de l’Inde[86], par l’entremise
du commerce. Cependant il ne s’y montre contraire nulle part, soit parce que,
et c’est la version la plus probable, les adversaires du luxe donnaient à la
nourriture végétale la préférence sur la nourriture animale[87], et devaient
aussi, par conséquent, être plus favorables à l’accroissement et au
perfectionnement artificiels de ce qui constitue le fonds d’alimentation du
premier de ces deux régimes, soit que l’absurdité d’un blâme de la
propagation des espèces du règne végétal, opérée sur la plus grande échelle,
avec le profit le plus évident, depuis des siècles, ne pût manquer de le
frapper. Mais il ne pouvait non plus se résoudre à émettre, sans restriction,
une opinion favorable sur la culture des jardins et des vergers, parce que,
en effet, tout progrès dans ce sens éloignait de l’état de nature et rendait,
ainsi, plus sensible. ce qu’il y avait de factice dans les jouissances
nouvelles que l’on se procurait de cette façon. Il reconnaissait bien le
service rendit, même aux oiseaux et aux bêtes fauves, par l’amélioration des
végétaux et des fruits mangeables[88], mais en
déplorant d’un autre côté que, par des rapprochements adultérins d’arbres,
c’est-à-dire l’entement, au moyen duquel on était parvenu à élever le rapport
d’un arbre fruitier, à proximité de Rome, au niveau de ce que rapportait
jadis toute une terre, on eût rendu le fruit inabordable aux pauvres[89]. Et lors même, poursuit-il, que l’on passe sur la production de fruits que leur
grosseur, leur saveur, ou leur forme extraordinaire, met hors de la portée
des moyens. du pauvre, fallait-il encore créer de nouvelles variétés jusque
parmi les herbes, et laisser l’opulence introduire des gradations de qualité
jusque dans les aliments du coût d’un simple as ? Faut-il que la culture
pousse les asperges à une grosseur qui les bannisse de la table du pauvre ?
La nature a fait croître des asperges sauvages, que chacun était libre de
cueillir où il les trouvait ; maintenant on en voit d’artificielles, si
grosses qu’à Ravenne trois pèsent une livre. Voilà les monstruosités
qu’engendre la gourmandise ![90] Quelque
étonnement qu’excitassent alors ces progrès dans l’art du jardinage, il ne
paraît pas, cependant, qu’ils puissent soutenir la comparaison avec ceux de
notre propre horticulture. Dans le plus grand des jardins appartenant aux
maraîchers des environs de Londres, on voyait figurer dès 1828, entre autres
plantes potagères cultivées pour le commerce, 435 espèces de salades, 261 de
pois, 240 de pommes de terre, etc.[91] Il paraîtrait
qu’en valeur aussi les produits obtenus, de nos jours, par le jardinage,
surpassent ceux qu’il donnait dans l’antiquité. Ainsi le dessert seul d’un
dîner donné par Rothschild, à Londres, et dont parle le prince Puckler-Muskau[92], avait coûté Il n’a été question jusqu’ici que des acquisitions de
l’Italie seule en cultures végétales. Celles-ci, elle les communiqua, après
être devenue le centre de la domination universelle, en proportions
croissantes avec le temps, aux provinces, dans la végétation comme dans le
régime alimentaire des habitants desquelles une révolution s’opéra ainsi peu
à peu. Les arbres fruitiers, en partie du moins, se répandirent au-delà des
Alpes, avec une étonnante rapidité. La cerise, 420 ans après son
acclimatation en Italie, vers 47 avant Jésus-Christ, avait déjà passé en
Bretagne, à la suite de l’expédition envoyée dans cette île par Claude. Dans C’est toutefois pour la propagation de la culture de
l’olivier et de la vigne que l’influence de la civilisation romaine eut les
conséquences les plus importantes. Quand l’empire romain fut arrivé au terme
de son développement, ses limites se trouvèrent coïncider, à peu près, avec
celles des récoltes du vin et de l’huile. Cependant, le domaine de la
production de ces deux denrées ne s’était élargi qu’insensiblement, aux
dépens de celui de la bière et du beurre. Avec l’expansion de la culture
hellénique d’abord et de la culture romaine ensuite, le noble fruit de
l’olivier s’était répandu, de l’angle sud-est de Quant à la vigne, elle parvint à conquérir des régions
beaucoup plus septentrionales, ainsi qu’à s’y maintenir. Columelle s’autorise
d’une citation empruntée aux écrits d’un agronome plus ancien, Saserna ; pour
accuser un changement dans le climat, promettant que les contrées jadis trop
froides, pour la culture de la vigne et de l’olivier, auraient bientôt
abondance de vin et d’huile. Mais cela n’est point arrivé, bien que, dans le
cours des siècles, la culture des deux produits progressât graduellement au
nord. Dans les temps modernes, au contraire, celle de la vigne en particulier
s’est retirée de plus en plus des régions septentrionales, en cessant d’y être
profitable : ainsi du nord de Dans le nord de l’Afrique la production du vin, d’origine
phénicienne, remontait à la plus haute antiquité, et elle n’y fut anéantie
que postérieurement, par l’islamisme[101]. La péninsule
au-delà des Pyrénées manquait, d’après Strabon, les provinces du sud et de
l’est exceptées[102], presque
entièrement de vin, comme de figues et d’olives : le littoral du nord, à
cause de la rigueur du froid ; l’intérieur, à cause de la barbarie des
habitants[103].
Chez les Lusitaniens, buveurs de bière, le vin était encore rare ; cependant,
la vigne avait commencé, dès lors, à pénétrer dans la vallée du Douro[104], où se
récoltent aujourd’hui les vins dits de Porto. Du temps de Pline encore,
l’Espagne même passait pour être surtout un pays de bière. Sur le sol
gaulois, les premières plantations de vigne furent faites sans doute aussi à
Marseille, d’où elles se propagèrent, avec les colonies formées par cette
ville, à l’est comme à l’ouest, en suivant le littoral, et pénétrèrent peu à
peu dans l’intérieur, si bien que les Romains ne tardèrent pas à se croire
obligés de restreindre, dans l’intérêt de l’exportation italienne, la
production gauloise d’huile et de vin[105]. Immédiatement
après la conquête de César, avec laquelle commença le grand travail de la
romanisation des Gaules, on n’y trouvait, en dehors de la province romaine
déjà antérieurement existante, que du vin importé[106], à côté de la
bière, et Strabon encore dit que la vigne ne réussissait plus que
difficilement au-delà du domaine de la culture du figuier et de l’olivier,
vers les Cévennes[107]. Mais, dans.
Pline et Columelle, Ainsi s’accomplit, dans l’empire romain, sous des
influences qui ne pouvaient se réunir et s’exercer efficacement que dans
cette période de l’histoire, le long travail d’assimilation qui eut pour
résultat une constitution homogène de la culture du sol, dans tous les pays
riverains de |
[1] Galien, éd. K, XV, 699.
[2] Diogène Laërce, Épicure, 11. — Sénèque, Lettres, 18, 25, 4. — Stobée, Sermones, 17, 30 et 34.
[3] Tite-Live, XXXIX, 6.
[4] Pline, Hist. nat., XVIII, 107.
[5] Ibidem, X, 139 : Gallinas saginare Deliaci cœpere, unde pestis exorta opimas aves et suopte corpore unctas devorandi, etc.
[6] Pline, Hist. nat., VIII, 223. — Voir aussi Becker, Gallus, III (3e éd.), 356, et Gibbon (ch. XXXI, 45) qui dit : It is reported that they are still esteemed in modern Rome and are frequentiy sent as present by the Colonna princes.
[7] Varron, dans Pline (Hist. nat., XIV, 96).
[8] Athénée, VI,
[9] Aulu-Gelle, VI (VII), 16 : — Voyez cependant aussi, Varron, De re rustica, II, 6.
[10] Voyez le fragment d’une pièce appartenant à la comédie moyenne ; ou peut-être à la nouvelle ; rétabli par Lehrs et cité dans le programme Acad. Alb., 1869, 5, comme se trouvant dans Clément d’Alexandrie (Pædag., II, 1, 3, p. 164, Pott).
[11] Roscher, Idées, etc., p. 428 ; 54.
[12] Springer, Paris au treizième siècle, p. 32 et S4 (en allemand).
[13] I, 54. — Ce roman parut eu 1799.
[14] Varro apud Gellium. — Salluste, Catilina, ch. XIII : Vescendi causa terra marique onmia exquirere. — Sénèque, ad Helv., 10, 3 : Epulasquas toto orbe requirunt. Epist. 89, 22 : Vos quarum profunda et insatiabilis gula hinc maria scrutatur, hinc terras. — Pline, Hist. nat., XXVI, 43 : Hujus (ventris) gratia præcipue avaritia expetit, huit luxuria condit, huit navigatur ad Phasim, huit profundi vada exquiruntur. — Drepanius, Panégyrique de Théodose, ch. XIV : Cibis.. quos.. famosa naufragiis maria misassent, quos invitæ quodammodo reluctantique naturæ hominum pericla rapuissent.
[15] Suétone, Vitellius, ch. XIII.
[16] Vita Elagabali, ch. XVIII : Cum ipse privatus diceret se Apicium, imperator vero Othonem et Vitellium imitari (il disait lui-même qu’en tant qu’homme privé son modèle était Apicius, mais que comme empereur il imitait Néron, Othon et Vitellius).
[17] Varron, De re rustica, III, 9, 18 : Gallinæ africanæ...... quas μελεαγίδας appellant Græci. Hæ novissimæ in triclinium ganearium introierunt e culina, propter fastidium hominum. Veneunt propter penuriam magno. — Observons que la meleagris est identique avec la poule de Numidie ou pintade. — Varron ne mentionne ni le faisan, ni le flamant. — Horace, Épodes, 2, 53 : Non Afra avis descendat in ventrem meum, non attagen Ionicus (avec des huîtres du lac Lucrin, du turbot [rhombus] et des sargets [scari]). — Manilius (V, 370) parle de poules de Numidie et de faisans. — Columelle (VIII, 8, 10) : Illos qui Ponticum Phasin et Scythica stagna Mæotidis eluant. Jam nunc Gangeticas et Ægyptias aves temulenter eructant. — Pétrone (ch. XCIII) parle de poules de Numidie, de faisans et de sargets ; ailleurs (ch. CXIX, 38), de sargets, d’huîtres et de faisans. — Pline, Hist. nat., XIX, 52 : Avis ultra Phasidem amnem peti — alias in Numidiam atque Æthiopiæ sepulcra. — Martial (XIII, 71) fait aussi mention des phénicoptères (flamants), qui paraissent avoir été introduits en Italie par Apicius (Pline, Hist. nat., X, 133 : Phœnicopteri linguam præcipui esse saporis Apicius docuit) ; 72 (phasiani), 73. (Numidicæ), et 45 :
Si Libycæ nobis volueres et Phasidos essent,
Acciperes, tu nunc accipe chortis aves.
Stace, Silves, I, 6, 48 : Quas Nilus lacer horridusque Phasis, Quas udo Numidæ legunt sub Austro. — Juvénal XI, 130 : Et Scythicæ volucres et phœnicopterus ingens. — Dans Lucien aussi (Navig., 23) όρνις έx Φάσιδος xαί ταώς έξ Ίνδίας xαί άλεxτρυών ό Νομαδιxός sont mentionnés comme très friands.
[18] Martial, III, 58, 12 :
Vagatur omnis turba sordidæ chortis,
Argutus anser gemmeique pavones,
Nomenque debet quæ rubentibus pinnis,
Et picta perdix Numidicæque guttatæ
Et impiorum phasiana Colchorum ;
Rhodias superbi premunt feminas galli.
(Et le paon dont la roue avec orgueil étale
De ses brillants trésors la pompe orientale ;
Et l'oie aux cris aigus, à côté du canard
Qui répète, en ramant, son refrain nasillard ;
La pintade enlevée aux champs de Numidie,
Et le faisan venu de
Le coq dans son sérail règne en sultan jaloux)
[19] Mommsen, Rapports
de
Fasianus |
pastus
|
250 |
— |
agrestis |
225 |
Fasiana |
pasta |
200 |
— |
non
pasta |
100 |
Anser |
pastus |
200 |
— |
non
pastus |
100 |
Pullorum |
par
|
60 |
Lepus |
|
150 |
[20] Marquardt, Manuel, IV, n. 1136.
[21] Macrobe, Saturnales, III, 13 : Cœnam quæ scripta est in Indice IV Metelli Ilius pontificis maximi in hæc verba. — Voir aussi Bœttiger, Opuscules, III, 217, etc. (en allem.).
[22] Marquardt, Manuel, IV, n. 1076.
[23] Voici quelques détails sur le banquet (cœna aditionalis) de Leipzig :
La table principale, occupée par lès sommités du clergé, les membres du conseil municipal et le recteur de l’Université de cette ville, était de 24 couverts. On y servit, comme première entrée, un pâté de gibier, un potage aux perdrix, de grosses truites au bleu, des perches au beurre, avec hors-d’œuvre, pistaches, raifort, etc., du bœuf salé de Hambourg aux haricots, deux gigots de mouton avec une sauce d’anchois et deux vol-au-vent aux écrevisses ; comme seconde entrée, un filet de porc garni de six faisans, un chevreuil rôti tout entier, une tête de cochon garnie de langues de bœuf, diverses salades et deux grandes tourtes de baptême ; puis, pour les dames (6 personnes), une collation formée d’un pâté de dinde, d’un cuisseau de chevreuil garni de deux perdrix rôties, de truites au bleu et d’une tarte aux groseilles ; pour dessert enfin, quantité de pâtisseries sèches et sucrées, des tartes aux amandes ou autres, et des fruits. [Il n’est pas fait mention de fromage, mais peut-être n’est-ce que par oubli]. Ce festin fut copieusement arrosé, mais seulement de bières indigènes et de vin du Rhin, plus ou moins vieux.
A trois autres tables, aussi de 24 couverts chacune, dressées pour le commun du clergé, tout le service se borna à six plats. De plus, il y eut une collation de quatre plats pour les 12 musiciens, ainsi que pour les 32 garçons qui servaient.
Sur le luxe de table au moyen âge et dans les premiers siècles de l’âge moderne, on trouve des renseignements non moins curieux dans deux ouvrages allemands, les Femmes allemandes au moyen âge (321, etc.) de Weinhold et un autre intitulé Matériaux pour l’histoire de la civilisation (p. 205, etc., 312, etc., 471, etc.) de Volz. Dès l’an 1130 Pierre de Cluny, en France, se plaignait de la gourmandise des moines, qui, ne se contentant plus de ce que le pays offrait de meilleur, allaient chercher à l’étranger de quoi la satisfaire. Dans tout le onzième siècle, les faisans et les paons figuraient parmi les mets de choix des grandes tables, ainsi que dans les menus de la cuisine des couvents riverains du lac de Constance. A celui de Hirschau on recevait et consommait, sous le régime de Guillaume, abbé dudit monastère de 1009 à 1091, nombre de poissons et quantité d’épices, ainsi que de fruits exotiques, notamment de citrons, de figues et de châtaignes, de poivre et de gingembre. On sait pareillement qu’en 1303, lors de la consécration de l’église paroissiale de Weissenfels, les dîners offerts à l’évêque de Zeitz, qui y officia, se composaient aussi tous de trois entrées, de trois ii quatre plats chacune.
[24] Notamment dans
[25] Horace, Satires, II, 6, 114
. . . . . . . . . . . . . . . .Inde domum me
Ad porri et ciceris refero laganique catinum.
Voir aussi Satires, II, 6, 13, et Odes, I, 31, 16.
[26] Pline, Hist. nat., XV, 105.
[27] Suétone, Néron, ch. XXVII.
[28] Histoire Auguste. — Lucius Verus, ch. V.
[29] Valère Maxime, IX, 1, 5. — Macrobe, Saturnales, III, 13.
[30] Plutarque, Lucullus, ch. XL et XLI.
[31] Marini Atti, tab. 41 b et 42.
[32] Tertullien, Apologétique, ch. VI : Vides enim et centenarias cænas a centenis jam sestertiis dicendas. Dans le passage suivant de Sénèque (Lettres, 95, 41 : Et totiens tamen * sestertio aditiales cœnæ frugalissimis vinis constiterunt) le chiffre s’est perdu.
[33] C’est-à-dire le poisson de mer de ce nom (en latin mullus).
[34] Marquardt, Manuel, V, 2, 45.
[35] Sénèque, Lettres, 95, 42.
[36] Roscher, Principes d’économie nationale, 4e éd., p. 131, 1.
[37] De Haxthausen, III, 180.
[38] D’après le recueil des Grenzboten, 1852, p. 151.
[39] Hist. nat., IX, 87.
[40] Vaerst, Gastrosophie, II, 111 (en allem.).
[41] Lettres d’un trépassé, III, 401 (en allem.).
[42] Lettres, 95, 26, etc.
[43] Hist. nat., VIII, 210.
[44] Hist. nat., VIII, 209.
[45] Marquardt, Manuel, V, 2, 39, etc.
[46] Principes d’économie nationale, p. 133.
[47] Régions, 139. — Voir aussi Rodbertus, Sur la question de la valeur effective du
numéraire dans
[48] Suétone, César, ch. LIII. — Plutarque, César, ch. XVII. — Drumann, Hist. rom., III, 739 (en allem.).
[49] Cicéron, Ad Atticum, XIII, 52.
[50] Daremberg (Notes sur Oribase, vol. II, p. 829 à 831), auquel l’auteur a fait divers emprunts dans ce passage, et dont il adopte l’opinion sur. le sens qu’il faut attacher à l’usage des vomitifs dans l’antiquité, en repoussant celle de Marquardt, qui croyait avoir trouvé (Manuel, V, 340) la raison de cet usage dans une ivrognerie presque générale.
[51] Hérodote, II, 77. — Diodore, I, 82.
[52] Celse, I, 3, p. 27, etc. — Voyez aussi, sur Asclépiade, Pline, Hist. nat., XXVI, 17.
[53] Oribase, Coll. med., VIII, 23 (éd. D., III, p. 202).
[54] Hist. nat., XXVIII, 51 : Vomitione rara sibi mederi utile homini. — Voir aussi ibidem, XI, 282, et XXIX, 27.
[55] C’est la réfutation de la thèse de Marquardt.
[56] Hist. nat., XIV, 142.
[57] Lettres, 95, 15, etc.
[58] Galien (De Meth. med., vol. X, p. 3, etc., éd. K) ne fait pas mention de ces suites.
[59] Ce portrait peu flatteur et trop généralisé est de Marquardt.
[60] Lettres de lady Montagne, L. 7.
[61] Voir l’Almanach des gourmands.
[62] L’auteur, dans les passages qui suivent, a largement profité, comme il se plait à le reconnaître, d’un très remarquable ouvrage spécial, allemand aussi, de Victor Belin, publié en 1870, sous le titre de Plantes cultivées et animaux domestiques dans leur passage d’Asie en Grèce, en Italie et dans les autres parties de l’Europe.
[63] Hist. nat., IX, 62, etc.
[64] Dureau de
[65] Hist. nat., IX, 108. — Il est vrai qu’il y a dans Valère Maxime (II, I, 2) une version différente.
[66] De generatione animalium, III, 11.
[67] Marquardt, Manuel, V, 2, 53, n. 477.
[68] Un paon rôti et farci de maïs formait encore en 1815, à Séville, dans les maisons fidèles à l’ancienne mode, la pièce capitale de tout grand dîner. — Voir Fernan Caballero, Œuvres choisies (Paderborn, 1885, etc.) ; VII, 68, etc. ; VIII, 67.
[69] Hehn, 256 à 264.
[70] Hehn, 262, 269, etc.
[71] Hehn, 27, etc., 55.
[72] Varron, De re rustica, I, 41.
[73] Hehn, 43, 283, etc., 275, 165, 162, etc., 290, etc.
[74] Le même, 167, 177, etc., 297.
[75] Hehn, 296, 314, etc.
[76] Le même, 357.
[77] Pline, Hist. nat., XIII, 103 : Eadem Africa...... arborera loton gignit, quam votant Celthim et ipsam Italiæ familiarem, sed terra mutatam.
[78] Ibidem, XIX, 107.
[79] Pline, Hist. nat., XV, 47 : A que peregrina sicut zizipha et tubures. S. Papirius primus utraque attulit...... aggeribus præcipue decora, quoniam et in tecta jam silvæ scandunt.
[80] Ibidem, XIX, 107.
[81] Ibidem, XXI, 87.
[82] Ibidem, XIX, 81. — Cependant voyez aussi Marquardt (Manuel, V, 1, 338), qui est d’un autre avis.
[83] Hehn, 375, etc., 312, 305, 221, 335, etc.
[84] Hehn, 321 à 333.
[85] Hist. nat., XV, 57.
[86] Ibidem, XIX, 58 : Pars eorum (c’est des plantes de jardin qu’il s’agit) ad condimenta pertinens fatetur domi versuram fieri solitam, atque non Indicum piper quæsitum, quæque trans maria petimus. — Ce n’est pas à dire que le poivrier ne vint pas également sur le sol italien (XII, 29 ; XVI, 136) ; mais il n’y donnait qu’un poivre trop faible.
[87] Ibidem, XIX, 52 : Ex horto plebei macellum, quanto innocentiore victu !
[88] Pline, Hist. nat., XVI, 1.
[89] Ibidem, XVII, 8 : Nec minus miraculum in pomo est multarum circa suburbana annuo addicto binis milibus nummum, majore singularum reditu quam erat apud antiquos prædium. Ob hoc insita et arborum quoque adulteria excogitata sont ut nec poma pauperibus nascerentur.
[90] Ibidem, XIX, 52 à 54.
[91] Puckler-Muskau, Lettres d’un trépassé, IV, 390.
[92] Ibidem, IV, 37.
[93] Marquardt, Manuel, V, 2, 334, etc.
[94] Ausland (revue périodique), année 1870, n° 24, p. 576.
[95] Hist. nat., XV, 102.
[96] Ibidem, XV, 191.
[97] Hehn, 314.
[98] Pline, Hist. nat., XII, 98.
[99] Hehn, 3I9.
[100] Hehn, 79, 57 ; etc.
[101] Hehn, 30, etc., 36.
[102] Varron, De re rustica, I, 8, 13. — Pline, Hist. nat., XIV, 71, etc.
[103] Hehn, 81.
[104] Strabon, III,
416, p.
[105] Hehn, 31 ; etc.
[106] Diodore, V, 26.
[107] Strabon, IV, 1, p. 178.
[108] Mommsen,
[109] Hehn, 31 à 35.
[110] Volz, Éléments pour servir à l’histoire de la culture, p. 142 (en allemand).
[111] De laud. Stilich., II, éd. Gessner, XXII, 199.
[112] Hehn, 39.
[113] Le même, 389.