MŒURS ROMAINES

 

LIVRE II — LA COUR DES EMPEREURS

CHAPITRE IV — Le Cérémonial.

 

 

§ 1.

Un privilège particulier des amis, quoique peut-être seulement de ceux de la première classe, c’était d’être admis, chaque matin, à présenter leurs respects à l’empereur[1]. Il est douteux que celui-ci reçût encore d’autres personnes tous les jours. Les préfets du prétoire et de la ville étaient du cercle des amis, outre que leurs fonctions mêmes les appelaient chez le souverain. Pline l’Ancien, qui, au rapport de son neveu[2], avait l’habitude de se rendre chez Vespasien avant l’aube, fut certainement de ses amis. Cette prérogative était d’ailleurs en même temps un devoir, que l’on ne pouvait sans doute pas négliger impunément, sans l’excuse d’un empêchement majeur, quoique tous les empereurs ne fussent pas ; on le comprend, de la même rigidité à cet égard. Fronton[3] se vantait de posséder l’affection de son élève, Marcus César, bien qu’il ne s’astreignît pas à paraître régulièrement à la cour, aux levers du matin.

On voyait souvent aussi les sénateurs se présenter au lever du souverain, soit individuellement, soit en corps ; pour saluer ; dans sa personne, le premier dignitaire de leur ordre. Ces visites étaient, sans aucun doute, de règle dans toutes les occasions de compliments ou de fête solennelle. Quand, en l’an 63, Poppée donna à Néron une fille à Antium, tout le sénat s’y rendit pour le féliciter. Thrasée seul, le chef de l’opposition, ne fut pas reçu ; il supporta cet affront, précurseur de sa ruine préméditée, avec une parfaite égalité d’âme[4]. Auguste, qui affectait encore le respect des anciennes formes républicaines, n’avait jamais souffert que le sénat vint lui rendre visite les jours de séance, mais allait lui-même saluer les sénateurs dans la curie, où il les obligeait même de garder leurs places[5]. Arrivé à un âge plus avancé, il les pria de lui épargner ces visites[6]. Tibère, au commencement de son règne, invita les sénateurs à lui rendre visite en corps, pour leur éviter les désagréments de se trouver pris isolément dans la foule[7]. Il paraît que les femmes et les enfants des familles sénatoriales étaient aussi quelquefois présentés à l’empereur. On prétend qu’Auguste prédit au jeune Galba, dans une visite que lui fit ce dernier avec d’autres enfants de son âge, sa future élévation à l’empire[8]. Parmi les personnes qui se présentaient aux réceptions de Claude, on mentionne aussi des femmes et des enfants des deux sexes[9].

Quelquefois les empereurs recevaient, après les membres du sénat, aussi les chevaliers ; de temps à autre, même des personnes du troisième ordre. Dans ces occasions, on remettait nombre de placets[10], et l’on voyait le souverain mettre plus ou moins d’application à se montrer gracieux. Néron, par exemple, au commencement de son règne, fit preuve d’une mémoire surprenante, en apostrophant par leurs noms des personnes de toutes les conditions[11]. Vespasien surtout fut extrêmement accessible. Pendant toute la journée, la porte du palais, dans les jardins de Salluste, où il demeurait habituellement, restait ouverte, et toute personne, dit sénat ou d’autre condition, était admise auprès de lui[12]. La réception générale (publica, promiscua salulatio) paraît avoir été ordinairement fixée aux jours de fête[13]. L’anniversaire de l’avènement du souverain était probablement aussi fêté. On a du moins une lettre de Fronton dans laquelle il s’excuse, auprès d’Antonin le Pieux, d’avoir manqué de lui présenter sa congratulation ce jour-là[14]. Le jour des calendes de janvier ou du nouvel an surtout, la réception était très solennelle. Le palais était alors magnifiquement décoré[15]. Les empereurs y recevaient des étrennes (strenœ) consistant même en argent, et y répondaient par leurs cadeaux[16]. Auguste employait l’argent qu’il recevait ainsi à l’achat de statues, dont il orna tous les quartiers. Tibère avait, au commencement de son règne, l’habitude de répondre à chaque cadeau par un don de sa propre main d’une valeur quadruple. Mais, comme il était importuné, pendant tout le mois de janvier, par une foule de personnes qui n’avaient pu parvenir jusqu’à lui au nouvel an, il cessa entièrement de donner et prit même le parti4 s’absenter de Rome ce jour-là. Il borna aussi l’échange de cadeaux à ce seul jour[17]. Caligula, par un édit, se déclara prêt à en accepter, pour remplir son trésor. Il ne dédaignait même pas de recevoir en personne les cadeaux qu’une foule de gens, de toutes les conditions, venaient déposer pote lui dans le vestibule du palais[18]. Claude, par un autre édit, supprima cet abus[19] ; mais il n’est guère probable que l’usage de faire des cadeaux, dans cette occasion, fût jamais entièrement tombé en désuétude.

Chez les impératrices, le fait de réceptions solennelles d’un corps ou ordre entier de l’État n’a dû se produire qu’exceptionnellement. On n’en mentionne que de trois de ces princesses, qui participèrent en réalité au gouvernement, ou voulaient du moins paraître comme y ayant part. Dion rapporté de Livie qu’après l’avènement de son fils au pouvoir elle éleva considérablement ses prétentions au-dessus de celles de toutes les femmes qui l’avaient précédée, si bien qu’elle recevait en tout temps le sénat et les personnes d’autre condition qui désiraient se présenter à elle, et qu’elle faisait insérer le bulletin de ces visites dans les Éphémérides officielles. Il rapporte la même chose d’Agrippine et de Julia Domna, à laquelle soli fils Caracalla avait transféré certains pouvoirs, pendant une absence[20]. Quant à l’usage que la plupart des hommes haut placés, et à plus forte raison les dames, présentassent individuellement leurs hommages aux impératrices, il a dû naturellement exister[21]. Alexandre Sévère défendit cependant aux femmes qui faisaient trop parler d’elles de venir saluer sa mère et son épouse[22].

Les jours de réception, l’avant-cour ou le vestibule du palais était généralement encombré d’une foule de gens de toutes les conditions, attendant leur tour si l’empereur consentait à les recevoir[23]. Il est probable que ce vestibule ne désemplissait jamais, même les autres jours. Philostrate, dans la Vie d’Apollonius de Tyane (VII, 31, 310), compare cette foule, assemblée devant le palais, à celle qui se pressait devant les thermes. Outre le grand nombre de ceux que leurs fonctions ou leurs affaires y appelaient, on voyait beaucoup de gens s’y promener pour voir sortir l’empereur, le saluer ou lui remettre des placets[24]. Il y en avait aussi qui remontaient dix fois par jour la rue conduisant au palais, pour faire croire qu’ils avaient des accointances à la cour[25].

La réception avait lieu de grand matin, c’est-à-dire à l’heure d’habitude générale pour les visites, à Rome. Aussi beaucoup de personnes se présentaient-elles dès l’aube[26] ; Vespasien recevait même, dès avant le point du jour, des amis avec lesquels il s’entretenait au lit et pendant qu’il s’habillait[27]. Comme les spectacles aussi commençaient de grand matin, les empereurs, pour épargner de trop longues courses aux personnes qui avaient à leur parler, passaient souvent la nuit précédente ou même plusieurs nuits de suite, selon l’habitude de Tibère, par exemple[28], dans, la maison de quelque affranchi, voisine du théâtre des jeux, à moins de prendre, comme Adrien[29], le parti de ne pas recevoir du tout ces jours-là.

Au palais, toute une cohorte de prétoriens, de mille hommes, montait régulièrement la garde[30], et il y avait sans doute presque toujours un poste à l’entrée[31]. Dion Cassius a du moins cru devoir mentionner expressément qu’il n’y avait pas de garde aux portes ouvertes du palais de Vespasien[32]. Cet exemple fut imité par plus d’un de ses successeurs : ainsi probablement par Nerva et Trajan[33]. Il existait aussi une garde de Germains affectée au service des membres de la famille impériale.

On visitait quelquefois les solliciteurs d’audiences, pour s’assurer s’ils ne portaient pas d’armes cachées sur eux. Auguste usa de ce procédé même à l’égard des sénateurs, quand il élimina un certain nombre de membres du sénat, afin d’épurer ce corps[34]. Le pusillanime Claude fit apporter le plus de rigueur à cette visite. Ce ne fut pas sans peine qu’on finit par obtenir de lui que les femmes et les enfants ne fussent plus exposés à subir des attouchements, et que les suivants ou secrétaires des personnes reçues pussent garder les étuis contenant les crayons et poinçons dont ils avaient besoin pour écrire[35]. Il est vrai que lors d’une grande réception, en l’an 47, on arrêta un chevalier romain muni d’un poignard[36]. Les personnes que Claude voulait favoriser d’un libre accès auprès de lui, recevaient comme laissez-passer un anneau d’or avec son effigie. Cette mesure donna lieu à de grands abus, bien que l’empereur seul conférât le privilège dont il s’agit, et que les permissions ne pussent émaner que de lui[37]. Vespasien supprima la visite pendant la guerre civile[38] ; l’usage en paraît donc avoir été maintenu sous les premiers successeurs de Claude. On ne sait pas ce qu’ordonnèrent les empereurs postérieurs à Vespasien, qui éloigna aussi la garde des festins du palais ; mais il paraît qu’au temps de Dion Cassius, l’un des narrateurs de ces faits (LX, 3), il n’y avait pas de visite.

Dans l’intérieur du palais, une section de la domesticité impériale veillait au maintien de l’ordre, annonçait les visiteurs et les introduisait. On appelait cette espèce d’huissiers admissionales (ab admissione)[39].

Les formalités et difficultés de l’admission varièrent naturellement aussi beaucoup. Pline le Jeune fait ressortir, dans son panégyrique (chap. XLVII), le contraste de la réception chez Trajan avec les formes de celle-ci chez son prédécesseur. Ici, dit-il, point de verrous, pas de filière d’avanies à essuyer ; il n’y a pas, quand on a déjà franchi le seuil de mille portes, au bout de celles-ci d’autres portes qui restent fermées, ou du moins résistent encore. Devant et derrière, mais surtout autour de vous silence profond ; tout se fait sans bruit et avec tous les égards possibles ; si bien qu’en rentrant dans son petit et modeste intérieur, on y rapporte du palais impérial l’impression d’un modèle de calme et de simplicité. Même à l’époque où la pompe orientale envahit tout, Alexandre Sévère donnait encore audience comme un simple sénateur. Les portières du cabinet impérial étaient ouvertes ; il n’y avait d’assistants que les domestiques de service à la porte, taudis qu’auparavant on était fort embarrassé de faire sa salutation à un empereur qu’on n’apercevait même pas[40].

L’empereur, aussi bien que les personnes venant lui rendre visite, paraissait en toge à la réception, et cet usage se maintint à Rome bien au delà des deux premiers siècles de notre ère[41]. Marc Antonin et Alexandre Sévère portaient la toge, même lorsqu’ils séjournaient dans d’autres villes de l’Italie[42]. C’est tout au plus devant des amis que l’empereur pouvait, comme Antonin le Pieux[43], se laisser voir en tunique, ce qui était réputé d’un grand négligé. Ce fut de la part de Néron une grossière violation de la coutume, que de recevoir les sénateurs, vêtu d’une tunique à fleurs, avec un mouchoir de mousseline autour du cou. Même dans ces choses-là, dit Dion, il se moquait de l’usage traditionnel, au point de paraître en public avec des tuniques flottantes sans ceinture. Commode aussi reçut le sénat en simple tunique de soie blanche, brochée d’or et à manches[44]. Caracalla fit distribuer par masses, au peuple, le vêtement (espèce de casaque longue à la gauloise) qui lui valut ce nom, et il se plaisait à voir défiler la plèbe devant lui dans ce costume[45]. Il paraît que plus tard Macrin eut un moment l’idée de faire au peuple un présent pareil, au nom de son fils, afin de le rendre populaire[46].

Les amis de la première classe, sous la république, étaient souvent reçus individuellement, en audience particulière ; mais nous ignorons ce qui se conserva de cet usage, sous l’empire. Les rapports du temps disent bien encore nettement que l’on abusait souvent des audiences particulières pour la propagation de fausses nouvelles. Aussi, Alexandre Sévère n’était-il visible sans témoins que pour son seul préfet, Ulpien, et recevait-il toujours collectivement les autres amis de sa maison[47].

Les amis, ceux de la première classe du moins, étaient reçus par l’empereur avec un baiser, forme de salutation ordinaire entre égaux, à Rome, depuis le commencement de l’empire du moins[48]. On interpréta comme une preuve de la morgue hautaine de Tibère qu’à son départ pour Rhodes il n’embrassa, en prenant congé des personnes qui l’accompagnaient, que très peu d’entre elles.

Cet usage du baiser avait aussi son précédent dans les coutumes de la cour de Perse, où c’était un privilège de parents d’embrasser le roi[49], et il paraît s’être ensuite, comme tant d’autres, introduit par l’imitation d’Alexandre le Grand à la cour de Macédoine[50]. Mais à la cour impériale de Rome on alla plus loin, en permettant également dix membres de l’ordre sénatorial de prétendre, comme pairs de l’empereur dans la hiérarchie sociale, à l’honneur du baiser. Dans la relation que nous a laissée Pline le Jeune de l’entrée de Trajan comme empereur à Rome, le panégyriste dit : Ce fut un plaisir pour tout le monde de vous voir recevoir le sénat avec un baiser, de même que vous aviez pris congé de lui avec un baiser ; un plaisir de vous voir distinguer ceux qui sont l’ornement de l’ordre équestre, en leur faisant l’honneur de les apostropher par leurs noms, sans avoir besoin de personne pour venir en aide à votre mémoire ; un plaisir aussi de vous voir presque saluer le premier vos clients et y joindre des marques de familiarité[51]. Il y a cette nuance à saisir ici que ce qui était dû aux sénateurs, en vertu d’un privilège de leur ordre, ne revenait aussi de droit, en raison de leur dignité ou mérite personnel, qu’aux chevaliers investis des plus hautes fonctions, ou admis au nombre des amis de l’empereur. En général, il y a tout lieu de croire que les différences indiquées ci-dessus comme observées, en cette occasion, dans la manière de l’empereur de saluer les divers ordres, s’appliquaient aussi aux réceptions de cour, que concernait exclusivement l’édit par lequel Tibère abolit les baisers quotidiens[52]. La manière dont un de ses plus serviles adulateurs, Valère Maxime (II, 6, 17), s’efforce de justifier la décision de l’empereur touchant ce point du cérémonial, montre qu’elle avait fait une très mauvaise impression sur le public. Les lecteurs du temps devaient avoir encore bien moins de peine que nous-mêmes, aujourd’hui, à se méprendre sur l’allusion contenue dans ce passage de l’auteur précité : Les rois de Numidie non plus ne sauraient être blâmés de n’avoir, fidèles à la coutume de leur pays, jamais donné de baiser à personne, quiconque se trouve placé au pinacle, dans une sphère auguste, devant être affranchi de pratiques basses et communes, afin de rester d’autant plus vénérable. Caligula n’embrassait, lui, que très peu de personnes.

A la plupart, même aux sénateurs, il se bornait à tendre la main ou le pied à baiser. Aussi, ceux qui recevaient de lui la faveur spéciale d’un baiser se croyaient-ils obligés, fussent-ils du sénat, de lui en rendre grâce, bien que tout le monde le vît journellement embrasser des pantomimes. L’habitude de ce fou était d’ailleurs de se faire non seulement baiser les pieds, mais adorer et rendre hommage, à la mode orientale[53]. Claude défendit ces démonstrations par trop serviles[54] ; mais il paraît que Domitien les exigea de nouveau. Pline l’Ancien rapporte que, vers le milieu du règne de Claude, une espèce de lèpre contagieuse de la face (mentagra) s’introduisit à Rome, où elle fit de tels progrès que l’on rte s’embrassait. plus sans crainte, en haut lieu[55]. Ce n’est pas vous, dit Pline le Jeune à Trajan[56], qui auriez souffert qu’un citoyen vous baisât les pieds, ni rendu un baiser de la main. Dans la suite, le premier empereur qui, au rapport des historiens, se fit adorer comme un roi des Perses, fut Héliogabale. Alexandre Sévère abolit encore une fois cette mode servile[57] ; mais après lui les hommages de cette sorte devinrent de plus en plus coutume, et le baiser de l’empereur, un très grand et rare honneur[58]. Néron manifesta sa haine contre le sénat aussi par ce fait qu’à son retour de Grèce, comme lors de son départ pour cette contrée ; il n’embrassa aucun des sénateurs et ne répondit même pas à leurs salutations[59]. Ces violations de la coutume choquaient d’autant plus que cette courtoisie de l’empereur envers des membres du premier ordre avait alors moins d’importance et était devenue très commune.

Ainsi, même dans la courte entrevue que Domitien, dont Pline le Jeune blâme la hauteur incivile, eut avec Agricola, après son retour de la Bretagne, l’empereur, bien qu’il lui fit le plus froid accueil et ne daignât même pas causer avec lui, crut devoir néanmoins lui donner l’accolade[60].

C’était sans doute le rang des personnes qui décidait de l’ordre dans lequel elles recevaient l’accolade du prince. Marc-Aurèle, pour distinguer Junius Rusticus, avec lequel il était très lié et qu’il éleva deux fois au consulat, l’embrassa avant le gouverneur militaire de Rome, qui avait, à cette époque, le droit d’être généralement admis le premier à cet honneur[61]. Dion Cassius (LXXII, 14) parle d’un accueil non moins gracieux fait à l’éparque Julien par Commode, qui l’appela son père.

Du reste, il devait y avoir impossibilité matérielle de faire participer à l’honneur du baiser impérial toutes les personnes admises à chaque réception. Fronton raconte que son auguste élève, L. Verus, l’avait reçu le premier dans sa chambre à coucher, afin de pouvoir l’embrasser sans exciter de jalousie, et s’étend avec complaisance, à sa manière, sur le droit qu’il avait au baiser de celui que l’empereur l’avait chargé de former à l’élocution et au discours. Ce baiser, il le reçut comme. un hommage dû par l’humanité à l’éloquence[62].

En général, les empereurs s’appliquaient à distinguer le premier ordre, dans les réceptions d’apparat, par des témoignages d’une grande courtoisie. Le dédain que certains d’entre eux affectèrent envers lui était d’autant plus vivement et profondément ressenti. César recevant assis le sénat, qui lui apportait en corps des décrets tendant à lui faire honneur, l’ordre entier regarda ce procédé comme un outrage, auquel il répondit en vouant au dictateur une haine implacable[63]. Auguste et Tibère se montrèrent plus polis ; ce dernier poussa même la civilité jusqu’aux formes les plus respectueuses[64]. Les seuls empereurs, dans les deux premiers siècles, qui manifestèrent leur aversion pour le sénat jusque dans leur attitude extérieure envers lui, furent peut-être, après Caligula et Néron, Domitien et Commode.

Voici du moins comment Pline le Jeune décrit le contraste entre la manière de recevoir de Domitien et celle de Trajan. Chez le premier, dit-il[65], on se présentait plein de crainte et d’hésitation, comme si on allait jouer sa vie, et les salutations étaient suivies d’un sauve-qui-peut général et d’une solitude complète. L’effroi et des menaces planaient sur la grande porte ; les personnes reçues n’avaient pas moins d’inquiétude que les personnes exclues. L’empereur lui-même était d’un aspect terrifiant ; on n’osait l’approcher ni l’apostropher. Trajan, au contraire, recevait tout le monde avec bonté, attendait les visiteurs, passait avec eux une grande partie de son temps, quoiqu’il en fût si peu le maître. Ils se présentaient devant lui sans souci, pleins de sérénité, et quand cela leur convenait. S’il arrivait parfois que l’on fût retenu chez soi par quelque chose d’urgent les jours où recevait l’empereur, on était dispensé de toute excuse. Cette affabilité avait cependant son mauvais coté, en ce qu’elle prolongeait extrêmement les réceptions. L’habitude d’Antonin le Pieux, dans sa vieillesse, était de se fortifier par une bouchée de pain pour cette épreuve de patience[66]. On vante l’abord non moins facile et poli de Pertinax[67]. Alexandre Sévère invitait toujours les sénateurs à s’asseoir[68]. Caracalla au contraire, dans ses quartiers d’hiver de Nicomédie, fit quelquefois attendre le sénat toute la journée devant son palais, sans même daigner le recevoir dans la soirée[69]. On trouva très inconvenant de la part d’Héliogabale de le recevoir au lit[70].

 

§ 2.

Indépendamment des audiences publiques et des grands banquets offerts au peuple entier au cirque, au théâtre ou ailleurs, les empereurs donnaient aussi, et même fréquemment, chez eux, des festins publics (cœnœ publicœ, convivia publica), auxquels participaient nombre de convives. Jules César, Auguste, Claude, Vespasien, Domitien, faisaient souvent banqueter ainsi dans leurs palais. Chez Claude, qui aimait à tenir grande table, ces festins réunissaient le plus souvent jusqu’à six cents personnes[71] ; mais Alexandre Sévère se souciait peu de ces banquets énormes, qui lui faisaient, disait-il, l’effet de la cohue à laquelle on donnait à manger au cirque ou au théâtre[72]. On n’invitait pas seulement des sénateurs et des chevaliers aux festins du palais, mais aussi des personnes du troisième ordre. Auguste, qui était très difficile dans le choix des personnes et regardait beaucoup à la qualité de celles-ci, n’admit, à ce qu’il paraît, jamais à sa table d’autre affranchi que Ménas, et celui-ci même seulement après que le droit d’ingénuité lui eut été conféré. Cependant, il reconnaît lui-même avoir une fois invité quelqu’un dont il habitait la maison de campagne, et qui avait servi chez lui comme ordonnance[73]. De ce que l’exclusion des affranchis de la table d’Auguste fut tellement remarquée, on peut conclure que les empereurs suivants furent moins rigides à cet égard, ce qui s’explique d’ailleurs en partie déjà par le continuel accroissement d’influence et de considération de cette classe. Les empereurs ne donnaient pas seulement à dîner aux sénateurs et aux chevaliers collectivement, mais traitaient souvent aussi les premiers à part. Chez Othon, dînèrent, dans les premiers jours de son règne, quatre-vingts sénateurs, dont quelques-uns avaient amené leurs femmes[74].  En général, les dames de cet ordre paraissent avoir souvent assisté à ces repas[75]. Pertinax invita, dès le jour de son avènement, les magistrats et les principaux (proceres) du sénat à sa table, usage que Commode avait laissé tomber en désuétude[76]. Dans ces occasions aussi, les empereurs se montraient pleins de courtoisie pour le sénat, mais surtout pour les consuls. Quand Tibère traitait ceux-ci, il allait au-devant d’eux jusqu’à la porte, pour les recevoir, et leur donnait de même la conduite quand ils partaient[77]. Leurs places ordinaires paraissent avoir été à droit et à gauche de l’empereur[78]. Adrien aussi recevait debout les sénateurs qui venaient dîner à sa table[79].

Les plus grands personnages tenaient naturellement à honneur d’être invités à la table impériale. Cependant Vespasien, le futur empereur, en adressant à Caligula, en plein sénat, ses actions de grâce pour une invitation pareille, poussa l’humilité bien au, delà de ce que l’étiquette exigeait d’un homme de son rang[80]. Cette distinction était exaltée d’autant plus par les personnes de condition moindre. Ainsi, Martial (IX, 93) déclare que s’il avait à opter entre des invitations à lai table de Domitien et à celle de Jupiter, il n’hésiterait pas, même si le ciel était plus proche que le palais de l’empereur. Stace, dont la position sociale paraît avoir été plus modeste encore, dut probablement une invitation pareille à sa célébrité comme porte, ayant été antérieurement déjà couronné comme tel par Domitien. Aussi ne manqua-t-il pas d’exprimer, dans une de ses poésies les plus longues et les plus emphatiques, sa reconnaissance de l’insigne honneur d’avoir été pour la première fois convié à l’auguste table[81]. Il se croyait à la table de Jupiter ; ce jour était le plus beau de sa vie, celui qui, pour ainsi dire, venait seulement de l’y faire entrer par la grande porte. Lui était-il bien réellement permis de contempler ce visage auguste, auprès d’une coupe, et de garder place devant l’empereur ? Caligula apprit une fois qu’un riche provincial avait gagné les serviteurs de sa maison chargés des invitations, moyennant 200.000 sesterces, à l’effet d’obtenir par eux une place à sa table ; loin de se formaliser de ce qu’on attachât tant de prix à cet honneur, il fit offrir le lendemain de sa part au même homme, à une vente publique, une bagatelle pour la même somme, avec le message de venir dîner le soir même au palais, sur l’invitation directe de l’empereur[82].

Il y eut quelquefois des incidents fâcheux à ces grands festins, dans une société aussi mêlée. A la table de Claude, un convive de rang prétorien, T. Vinius, qui acquit plus tard tant d’influence auprès de Galba, fut soupçonné d’avoir volé une coupe en or ; on le réinvita le lendemain, mais on plaça devant lui cette fois une coupe en terre[83]. Les façons des empereurs avec leurs hôtes différaient naturellement. Auguste traitait les siens le plus amicalement possible ; il les invitait à prendre part à la conversation, quand ils se taisaient ou parlaient bas entre eux, et se mettait en devoir de leur procurer le divertissement de déclamations, de danses et de scènes de bouffonnerie. Souvent il ne paraissait qu’après le commencement et il s’éloignait avant la fin du repas, sans souffrir que ses hôtes se dérangeassent pour cela[84]. On vante aussi le charme des festins, plus agréables que somptueux, de Titus[85]. Sur ceux de Domitien, nous avons deux rapports entièrement contradictoires : l’un de Stace qui, dans la pièce de vers mentionnée plus haut, paraît comme enivré de la grâce que lui avait, faite l’empereur, en le jugeant digne d’une place à sa table ; l’autre de Pline le Jeune, qui exhale son mécontentement de la morgue hautaine dont les sénateurs avaient à y souffrir : Stace décrit la magnificence des innombrables colonnes de marbre précieux, l’immensité des salles, la hauteur des voûtes que l’œil fatigué a de la peine à suivre dans leur fuite, la boiserie dorée du plafond. C’est là que l’empereur fit asseoir à mille tables les sénateurs et les chevaliers ; mais leur humble convive n’a pas trouvé le temps de regarder ni les mets du riche festin, ni les tables en citronnier avec leurs pieds d’ivoire, ni les troupes de serviteurs, tant il s’était absorbé dans la contemplation du maître, de celui dont la sereine majesté adoucissait, pour les yeux ravis des assistants, l’éclat radieux de sa propre splendeur. Puis l’adulation continue, toujours sur ce ton. Suivant Pline, Domitien avait l’habitude de se livrer, dès avant midi, solitairement à la bonne chère, et ne s’attablait avec ses convives que comme un observateur, dans le seul but d’épier leurs gestes et leurs paroles. Il leur faisait jeter plutôt que servir les mets, sans dissimuler le dégoût qui trahit les excès de la gourmandise ; et après avoir accompli, au moyen d’un effort visible sur lui-même, le simulacre d’un repas commun, il avait hâte de se retirer dans ses appartements, pour y recommencer ses orgies secrètes. Chez Trajan, au contraire, ce que l’on admirait, ce n’était pas la profusion de l’or et de l’argent, non plus que les raffinements d’une cuisine exquise, mais l’amabilité et la civilité du prince. A sa table il n’y avait pas de mystères empruntés à des superstitions étrangères, point de débordement obscène, mais cette bienveillance qui anime la causerie, dès plaisanteries décentes et une faveur marquée pour les sujets de conversation d’une portée scientifique. Il aimait les repas en commun, invitait les convives à prendre la parole, et leur répondait avec une affabilité qui prolongeait la durée du repas, abrégé par sa sobriété[86]. Sur ce dernier point, toutefois, l’éloge n’était pas entièrement mérité, car, en réalité, Trajan n’était rien moins que sobre, mais grand buveur[87]. Une anecdote, contée par Dion Cassius (LXVII, 9), montre à quels traitements étaient exposés les hâtes de Domitien. Il invita les principaux du sénat et de l’ordre équestre à un repas. La salle du festin était tendue de noir ; les domestiques, en noir aussi, ressemblaient à des fantômes ; les mets furent servis dans de la vaisselle noire, comme à un repas funèbre ; à côté de chaque hôte, il y avait une plaque avec son nom et un candélabre allumé, comme dans les tombeaux. Après que les convives, ainsi frappés de terreur, eurent été renvoyés, chacun à son domicile, où il s’attendait à trouver son arrêt de mort, ils reçurent tous, au contraire, la surprise de précieux cadeaux. Héliogabale se permettait des plaisanteries d’un goût semblable avec ses hâtes[88].

Le menu des repas était très simple chez Auguste : de trois entrées à six au plus[89] ; à peine convenable chez Tibère[90], qui aimait à donner l’exemple de l’économie ; exquis au contraire dans les festins publics (publica convivia) donnés par Vespasien, si parcimonieux et frugal dans ses repas ordinaires, mais qui avait pris à cœur d’encourager le commerce des comestibles[91]. Alexandre Sévère prit pour règle la plus grande simplicité dans tous ses repas indistinctement[92]. Pertinax mit des bornes à l’extrême prodigalité déployée par Commode dans les festins impériaux[93]. Quant à l’usagé des particuliers, à Rome, de traiter différemment les convives dans les grands festins, selon le rang et la condition, il ne paraît pas avoir été observé à la table impériale. Adrien, du moins, pour mieux découvrir les fraudes que ses officiers de bouche pouvaient être tentés de commettre, se faisait présenter jusqu’aux plats servis sur les dernières tables[94].

La toge ou robe de grande étiquette formait le costume de rigueur pour les convives du soir, comme pour les visiteurs de la salutation du matin ; tel était, du moins, encore l’usage au commencement du troisième siècle[95], et, selon toute probabilité, il ne tomba que longtemps après. Cependant il est possible que les convives une fois attablés, il leur fût permis, si l’empereur en donnait lui-même l’exemple, de se mettre plus à leur aise, en prenant des accommodements avec ce gênant costume[96]. Il y a lieu de croire que les magistrats se présentaient, à la table impériale, revêtus de leurs insignes[97]. La mode, pour les militaires, de paraître en tenue ne date, à ce qu’il paraît, que de la seconde moitié du même siècle[98].

Bien que la manière de traiter les convives, à la table impériale, dût être à peu près la même qu’à celle des grands ; il y avait cependant dans la vaisselle, la décoration et le service, des différences qui ne prirent un caractère fixé que peu à peu, selon toute probabilité seulement vers la fin du premier siècle, sans préjudice de variations de moindre importance à toutes les époques. Nous n’avons sur ce point, comme sur beaucoup d’autres semblables, que des renseignements épars et fortuits. Marc-Aurèle, pour couvrir les frais de la guerre contre les Marcomans, organisa une grande vente publique de beaucoup d’objets précieux du ménage impérial, comprenant des coupes d’or, de cristal et de l’espèce de cailloutage ou de porcelaine appelée murra. Ces sortes de ventes, par parenthèse, n’étaient pas rares. Il y en avait eu déjà sous Caligula, Nerva, Trajan, Antonin le Pieux, et il en est aussi fait mention sous Pertinax. Plus tard, ledit Marc-Aurèle fit aux acheteurs de ces objets la proposition de les lui rendre contre remboursement du prix payé par eux, mais sans leur en faire une obligation, et en laissant aux grands toute liberté d’employer à leurs festins la même vaisselle et les mêmes garnitures de table que lui-même[99], comme aussi de faire usage de housses en drap d’or, pour recouvrir les sofas (triclinia) sur lesquels on prenait place à dîner ; cependant, aucun sujet ne paraît avoir usé de cette dernière permission avant Héliogabale, qui devint plus tard empereur[100]. L’usage de la vaisselle d’or à table, en particulier, paraît avoir été un privilège impérial, depuis qu’en l’an 16 Tibère l’avait défendu aux particuliers, en dehors des sacrifices du culte[101]. Aurélien dut accorder expressément la permission de s’en servir à qui le désirerait[102]. Dans la livrée aussi mainte distinction extérieure fut regardée, avec le temps, comme un attribut exclusif de la domesticité impériale. Déjà Domitien prit mal que le gendre de son frère habillât de blanc ses domestiques et en exprima son mécontentement par la citation d’un vers d’Homère, ainsi conçu : La domination de plusieurs ne porte jamais bonheur ; il faut un seul maître ! trait que l’on rapporte, il est vrai, comme une preuve d’autant plus frappante de son orgueil de prince qu’il est antérieur à son avènement au trône[103]. Marc-Aurèle avait appris de son père qu’on peut vivre à la cour sans l’escorte de gardes du corps, une magnificence extraordinaire de costume et tout cet appareil des pompes impériales[104] dans lequel n’avait pas tardé à figurer également, au deuxième siècle, l’usage emprunté, comme tant d’autres, à l’ancienne cour de Perse, et dont il est fait mention dans Hérodien[105], de porter le feu devant l’empereur. Il est certain, pourtant que sur tous ces points, une étiquette fixe ne s’établit que très tard. On rapporte expressément d’Aurélien qu’il ne changea pas la livrée de ses esclaves en devenant empereur[106]. L’or paraît avoir surtout été le signe distinctif pour la livrée des domestiques de la cour. Alexandre Sévère[107], qui visait en tout à la simplicité, ne faisait jamais paraître ses domestiques en habits brodés d’or, même dans les festins publics, et il y interdit pareillement l’emploi de la vaisselle d’or. Mais son règne, à cet égard, formait une exception, non moins que celui de Marc-Aurèle[108].

 

 

 

 



[1] Suétone, Tibère, chap. XXXIV. - Dion Cassius, LXVI, 10. - Aurelius Victor, IX, 15.

[2] Pline le Jeune, Lettres, III, 5.

[3] Epist. ad Marcum Cæsarem, I, 5, 8.

[4] Tacite, Annales, XV, 23.

[5] Suétone, Octave, chap. LIII. - Dion Cassius, LVI, 41.

[6] Ibid., 25.

[7] Ibid., LVII, 11.

[8] Suétone, Galba, chap. IV.

[9] Le même, Claude, chap. XXXV.

[10] Dion Cassius, LVI, 26. - Suétone, Octave, chap. LIII.

[11] Suétone, Néron, chap. X.

[12] Dion Cassius, LXI, 10.

[13] Ibid., LVI, 41.

[14] Epist. ad Antoninum Pium, 5.

[15] Suétone, Néron, chap. L.

[16] Dion Cassius, LIV, 35. - Suétone, Octave, chap. LVII.

[17] Suétone, Tibère, chap. XXXIV. - Dion Cassius, LVII, 9.

[18] Le même, Caligula, chap. XLII.

[19] Dion Cassius, LX, 6.

[20] Dion Cassius, LVII, 12 ; LX, 33 ; LXXVIII, 18.

[21] S. Jérôme, Lettres, 22, 6.

[22] Voir sa biographie, chap. XXV.

[23] Aulu-Gelle, XX, 1, 2, 55 ; IV, 1, 1 ; XIX, 13, 1.

[24] Suétone, Tibère, chap. XXXII. - Macrobe, Saturnales, II, 4, 31.

[25] Martial, IV, 78.

[26] Fronton, ad Marcum Cæsarem, I, 5, 8.

[27] Dion Cassius, LXVI ; 10. - Aurelius Victor, chap. IX. - Pline le Jeune, Lettres, III, 5. - Philostrate, Apollonius de Tyane, V, 31.

[28] Dion Cassius, LVII, 11.

[29] Ibid., LXIX, 7.

[30] Tacite, Hist., I, 29 ; Annales, I, 7. - Suétone, Othon, chap. VI ; Tibère, chap. XXIV. - Dion Cassius, LIII, 11.

[31] Dion Cassius, LXVI, 10.

[32] Ibid., LXXVI, 4.

[33] Pline le Jeune, Panégyrique, chap. LXVII.

[34] Suétone, Octave, chap. XXXV.

[35] Le même, Claude, chap. XXXV. - Dion Cassius, LX, 3.

[36] Tacite, Annales, XI, 22.

[37] Pline, Hist. nat., XXXIII, 41 : Fuit et alia Claudi principatu differentia insolens iis, quibus admissionis liberæ jus dedisset, imaginem principis ex auro in anulo gerendi, magna criminum occasione, quæ omnia salutaris exortus Vespasiani imperatoris abolevit, æqualiter publicando principem.

[38] Suétone, Vespasien, chap. XII.

[39] Suétone, Vespasien, chap. XIV. Il est fait mention d’un magister admissionum de Valérien, dans la Vie d’Aurélien, chap. XII.

[40] Vie d’Alexandre Sévère, chap. IV.

[41] Spartien, Vie d’Adrien, chap. III ; Vie de Gallien, II, chap. XVI.

[42] Biographie du premier, chap. XXVII, et du second, chap. XL.

[43] Voir sa biographie, chap. VI, ainsi que Marc-Aurèle, Comment., I, 7.

[44] Dion Cassius, LXIII, 13 ; LXXII, 17.

[45] Vie de Caracalla, chap. IX.

[46] Diadumène, chap. II.

[47] Vie d’Alexandre Sévère, chap. XXXI.

[48] Lipsius, Elect., I, 6. - Becker, Gallus, 1, 76.

[49] Hérodien, I, 134. - Arrien, Anabasis, VII, VII, 11.

[50] Plutarque, Alexandre, chap. LIV, 2 (récit de Charès de Mitylène).

[51] Panégyrique de Trajan, chap. XXIII.

[52] Suétone, Tibère, chap. XXXIV.

[53] Dion Cassius, LIX, 29 et 29. - Philon, Legatio ad Caïum, 562.

[54] Dion Cassius, LX, 5.

[55] Il dit à ce sujet dans son Histoire naturelle (XXVI, 3) : Nec sensere id malum feminæ aut servitia plebesque humilis aut media, sed proceres, veloci transitu osculi maxume.

[56] Panégyrique, chap. XXIV.

[57] Vie de cet empereur, chap. XVIII.

[58] Vie de Maximin le Jeune, chap. II, et d’Aurélien, chap. XIV. - Gothofr., ad Cod. Theod., VI, 8, éd. Ritter, II, 836.

[59] Suétone, Néron, chap. XXXVII.

[60] Tacite, Vie d’Agricola, chap. XL.

[61] Vie de Marc Antonin, chap. III.

[62] Fronton, ad L. Verum, 3, 3.

[63] Suétone, César, chap. LXXVIII, etc. - Appien, B. C., II, 107.

[64] Le même, Tibère, chap. XXIX. - Dion Cassius, LVII, 11.

[65] Pline le Jeune, Panégyrique de Trajan, chap. XLVIII.

[66] Vie d’Antonin le Pieux, chap. XIII. - Aurelius Victor, Épitomé, 15.

[67] Vie de Pertinax, chap. IX : Il se montra toujours courtois envers ceux qui le saluaient et lui adressaient la parole.

[68] Vie d’Alexandre Sévère, chap. XVIII : S’il faisait asseoir auprès de lui les sénateurs qui venaient le saluer,...

[69] Dion Cassius, LXXVII, 17.

[70] Ibid., LXXIX, 14.

[71] Suétone, Claude, chap. XXXIV. - Sénèque (De Ira, II, 33, 4) dit d’un invité à la table impériale, Pastor, chevalier romain dont Caligula avait fait périr le fils, jacebat conviva centesimus.

[72] Vie d’Alexandre Sévère, chap. XXXIV.

[73] Suétone, Octave, chap. LXXIV.

[74] Plutarque, Othon, chap. III.

[75] Dion Cassius, LX, 7 ; LVII, 12. - Tacite, Annales, XI, 2.

[76] Vie de Pertinax, chap. VI.

[77] Dion Cassius, LVII, 11.

[78] Suétone, Caligula, chap. XXII.

[79] Biographie de cet empereur, chap. XXII.

[80] Suétone, Vespasien, chap. II.

[81] Silves, IV, 2, et préface, IV.

[82] Suétone, Caligula, chap. XXXIX.

[83] Le même, Claude, chap. XXXIV. - Tacite, Hist., I, 48.

[84] Le même, Octave, chap. LXXIV.

[85] Le même, Titus, chap. VII.

[86] Pline le Jeune, Panégyrique de Trajan, chap. XLIX. - Lettres, VI, 31.

[87] Aurelius Victor, Épitomé, 13, 4. - Vie d’Adrien, chap. III. - Julien, Césars, p. 23.

[88] Voir sa biographie, chap. XXV.

[89] Suétone, Octave, chap. LXXIV.

[90] Le même, Tibère, chap. XXXIV.

[91] Suétone, Vespasien, chap. XIX. - Tacite, Annales, III, 55.

[92] Voir sa biographie, chap. XXXIV et XXXVII.

[93] Voir sa biographie, chap. VIII.

[94] Vie d’Adrien, chap. XVII.

[95] Becker, Gallus, III, p. 110. - Vie de Septime Sévère, chap. I : Invité un jour à un repas chez l’empereur, il s’y était rendu en manteau alors qu’il aurait dû venir en toge ; on lui prêta alors une toge de gouverneur appartenant à l’empereur.

[96] Vie d’Adrien, chap. XXII : Il prenait toujours place à table revêtu du pallium ou en toge avec l’épaule dégagée.

[97] Tacite (Hist., I, 81) dit du moins qu’ils s’enfuirent d’un festin, donné par Othon, projectis insignibus.

[98] Vie de Gallien, chap. II, et des Trente Tyrans, chap. XXIII. - Voir aussi Suétone, César, chap. XLVIII.

[99] Vita M. Antonini, chap. XVII et XXI. - Aurelius Victor, Épitomé, 16, 8. - Eutrope, VIII, 13.

[100] Vita Elagabali, chap. XIX.

[101] Dion Cassius, LVII, 15. - Tacite, Annales, II, 33.

[102] Vie d’Aurélien, chap. XLVI. - Voir aussi celle d’Alexandre Sévère, chap. XXXIV et XXXVII.

[103] Suétone, Domitien, chap. XII.

[104] Vita M. Antonini, I, 17.

[105] I, 20, 40 ; II, 9.

[106] Voir sa biographie, chap. L.

[107] Vie d’Alexandre Sévère, chap. XXXIV. - Voir aussi chap. XXIII (ibid.), et, à l’appui de ce qui précède, le passage suivant d’Ammien Marcellin, XXVI, 6, 15 : Procope, qui n'avait pu se procurer de manteau impérial, se tenait debout, revêtu seulement de la tunique brodée d'or d'un officier du palais, laquelle lui descendait de la ceinture en bas, à la façon de celle d'un enfant au collège..

[108] Quoique l’adulation fût poussée très loin à Rome, les artistes, comme l’a fait remarquer Winckelmann, dans son Histoire de l’Art (IV, chap. III), y conservèrent longtemps, dans leurs ouvrages, les égards dus au sentiment de la dignité de l’homme, ou commandés autrefois par les fières susceptibilités de l’esprit républicain. Aussi, les empereurs romains ne figurent-ils même jamais sur les monuments publics avec des attributs de la royauté proprement dite. Le vêtement le plus remarquable dans leur costume, à part les excentricités de certains princes, était la chlamyde de pourpre. La laine surtout et le lin, puis le coton et l’espèce particulière de soie mentionnée par Pline l’Ancien, servaient à leur habillement comme à celui de leurs sujets. Héliogabale fut le premier qui portât des étoffes tissues de soie, sans mélange. Il est vrai que les premières effigies des empereurs sont ornées de diadèmes ou de simples bandeaux ; mais le diadème, jadis si odieux aux Quirites, n’était dans l’origine, pas plus que la couronne, exclusivement un insigne monarchique. Il ne paraît avoir été formellement adopté comme tel que plus fard, quand Dioclétien régularisa le cérémonial de la cour et y introduisit toute la pompe de l’Orient. La couronne radiée, ou composée de rayons, ne se donnait aux princes qu’après leur mort ; en signe d’apothéose. C’est à ce titre qu’elle orne, sur des camées et des médailles, les têtes de Jules César et d’Auguste. Néron seul la prit de son vivant, par suite de sa manie de se faire adorer comme un nouvel Apollon. On la retrouve sur les médailles de beaucoup d’empereurs du troisième siècle. A dater de Constantin, elle fut remplacée par le diadème ; souvent relevé par des perles ou par des diamants, et que ceignirent aussi les impératrices, depuis la même époque. L’usage des perles date surtout de Dioclétien, qui en porta jusque sur la chaussure. Ce fut alors que la profusion d’ornements opéra, dans le costume, des altérations de forme sous l’apparence de roideur et de bizarrerie desquelles disparut entièrement ce qu’il avait d’élégant, de noble et de majestueux dans sa simplicité première. (Note du traducteur.)