LA VIE SOCIALE À ROME AU TEMPS DE CICÉRON

 

CHAPITRE XI. — LA RELIGION.

 

 

On aurait de la peine à trouver, à l'époque de matérialisme que nous étudions, aucun sentiment répondant exactement à ce que nous entendons par le mot religion. Dans toute la correspondance cicéronienne, par exemple, il n'y a rien ou presque rien qui puisse nous faire croire que Cicéron et ses amis et, à plus forte raison les hommes de son temps moyennement cultivés, fussent influencés, dans leur manière de penser et d'agir, par aucun sentiment de dépendance ou de responsabilité envers un Etre Suprême. S'il eût été possible de substituer, en tête de ce chapitre, le mot latin religio au mot français religion, le titre y eût gagné en exactitude. Religio en effet signifie premièrement effroi, inquiétude, scrupule, à peu près ce que nous entendons par superstition, puis secondairement les moyens édictés[1] par l'Etat pour calmer cette inquiétude et cette peur par des cérémonies rituelles propres à apaiser la colère divine. Le mot religio se trouve employé dans ces deux sens au dernier siècle de la République ; mais comme nous le verrons, le penchant à la peur superstitieuse ne s'atténua que très incomplètement et le culte qui aurait dû produire le calme fut en grande partie négligé.

Il se peut qu'à la campagne, loin de l'agitation des villes, on continuât à célébrer les joyeuses féries rurales ; les nombreuses allusions et les quelques descriptions qui s'y rapportent dans la littérature du siècle d'Auguste prouvent qu'on rendait encore aux dieux familiers un culte où survivait une piété qui ressemblait plus au sentiment religieux tel que nous le comprenons qu'aucune des cérémonies religieuses (sacra publica) instituées par l'Etat pour le bien du peuple. Même à la ville, les classes supérieures et riches avaient conservé, comme formalités traditionnelles, le culte des morts ou plutôt, pour être plus exact, le respect religieux de leur sépultures et les rites accompagnant la naissance, la puberté et le mariage. Mais la grande masse de la population romaine n'en avait, croyons-nous, aucune connaissance. Le pauvre, par exemple, n'aurait pas eu de quoi acquérir une tombe pas plus qu'une maison ; on jetait son cadavre dans quelque puticulus[2] ou fosse commune ; il était impossible de célébrer en un pareil lieu une cérémonie annuelle à sa mémoire, en supposant même que personne en eût le désir. Dans les hautes classes, sauf pour les sacra privata, l'indifférence pour les anciens cultes de l'Etat était de plus en plus marquée. Ni Cicéron, ni aucun de ses contemporains, excepté Varron, ne nous donne aucun détail sur ce point et le décri où ils étaient tombés était si complet que Varron lui-même ignorait tout ou presque tout des anciennes déités du vieux calendrier religieux[3] et du culte qu'on leur avait rendu autrefois. La seule ou presque la seule divinité qui ne fût pas oubliée ou qui ne se fût pas métamorphosée sous l'influence de la littérature et de la mythologie grecque était Vesta avec son culte simple et ses vierges prêtresses ; il était trop bien consacré, comme symbole de la vitalité de l'Etat, pour risquer d'être délaissé comme d'autres moins significatifs. Il semble que les pontifes, dont le devoir était cependant d'y veiller, omirent de combler les vides qui se produisaient dans les anciens collèges de prêtres sacrificateurs, tels que les frères Arvales et les Flamines mineurs. Nous n'entendons plus parler du Flamen dialis lui-même, le prêtre de Jupiter, de l'an 89 à l'an 11 A.C., époque où il reparaît lors de la restauration religieuse d'Auguste. Cela s'explique sans doute par l'incompatibilité de ses fonctions sacerdotales avec les fonctions civiles qui pouvaient retenir le titulaire loin de Rome. Comme tous les personnages notables avaient des intérêts dans les provinces, aucun d'eux n'aurait consenti à la clause restrictive. Les temples aussi furent scandaleusement négligés ; Auguste nous dit lui-même[4] en avoir restauré plus de quatre-vingt-deux. Cicéron nous parle de statues volées et de trésors appartenant aux temples[5], pillés ; ces sacrilèges sont imputables sans doute à la démoralisation générale qui suivit la guerre sociale et les guerres civiles. On constate en même temps une tendance à s'engouer des cultes étrangers que les soldats romains avaient appris à connaître au cours de leurs nombreuses campagnes en Orient. Un fait à remarquer, c'est que quatre fois au moins dans une seule décade, en 58, 53, 50 et 48 A. C., il fallut sévir contre le culte d'Isis et le proscrire. On nous raconte qu'en l'an 50, aucun ouvrier n'osant se charger du travail de démolition, ce fut le consul Emilius Paullus, conservateur à la vieille mode, qui mit bas sa toge pour donner le premier coup de pioche au temple d'Isis[6]. Ces temps sont vraiment extraordinaires : cette belle religion d'Isis, certainement capable d'exercer sur les âmes une action purificatrice[7] et de fortifier les consciences, allait être chassée d'une ville où l'ancienne religion locale avait perdu toute vertu depuis longtemps et où les masses allaient par suite se trouver privées de tout réconfort et de toute consolation provenant d'une source religieuse. L'anecdote qui met en scène Emilius Paullus est vraisemblable ; en tout cas elle a le mérite très appréciable de nous renseigner sur la mentalité de l'ouvrier romain à cette époque.

De ces cultes étrangers, de la décadence des anciens cultes, Cicéron ne nous dit rien ; il faut nous contenter de ce que nous pouvons apprendre ou conjecturer par le témoignage d'écrivains postérieurs[8]. L'intérêt que Cicéron portait aux pratiques religieuses se bornait aux cérémonies ayant quelque importance politique. Lui-même était augure et son élection au vénérable collège l'avait comblé de joie ; mais, comme beaucoup de ses confrères, il ignorait tout de la science augurale. La question philosophique seule l'intéressait, à savoir s'il est possible de prédire l'avenir. Le privilège du magistrat d'observer le ciel, était à son avis utile à la Constitution[9] et il ne pouvait pardonner à César d'avoir, en 59, refusé de laisser retarder la proclamation de ses lois d'exception par les protestations fanatiques de son collègue qui voulait attendre la foudre. Il croyait ferme à l'importance du ius divinum de l'Etat. Dans son traité de Legibus (de la Constitution) il consacre un livre entier à la partie religieuse de la loi constitutionnelle ; il se sert pour en parler de termes quasi légaux ; on peut conclure qu'il reconnaissait comme un devoir de l'Etat de maintenir les citoyens en relation normale avec les dieux dont leur bien-être dépendait. Il ne semble pas avoir jamais remarqué que l'Etat négligeait ce devoir, que les temples tombaient en ruine et les cultes nationaux dans le décri sous la pression de cultes étrangers. Ces choses-là ne l'intéressaient pas ; dans la vie publique la religion de l'Etat lui apparaissait comme une des assises de la Constitution ; il fallait la conserver là où la nécessité s'en faisait clairement sentir ; dans son cabinet, ce n'était plus qu'une matière à discussions philosophiques. A l'époque de sa jeunesse il avait connu intimement l'illustre Grand Pontife Mucius Scævola, lequel soutenait qu'il y avait trois religions, celle du poète, celle du philosophe et celle de l'homme d'État et qu'il fallait accepter et pratiquer cette dernière, vraie ou non[10]. Cicéron n'aurait pas eu le droit de se plaindre, si on lui avait attribué cette maxime.

Cette attitude d'esprit, cette combinaison d'une entière liberté de pensée avec la doctrine des obligations légales de l'Etat et des citoyens en matière religieuse, sera comprise aisément de quiconque connaît la nature du ius divinum et les collèges de prêtres chargés de l'appliquer. Ce ius divinum faisait partie du ius civile (droit civil), loi de la cité romaine ; de même que le droit civil réglait les relations de citoyen à citoyen, de même le droit religieux réglait les relations des citoyens avec les divinités de la communauté. Les prêtres chargés de le faire observer n'étaient pas des sacrificateurs attachés au service d'un temple ou d'une divinité spéciale, mais des fonctionnaires laïcs auxquels incombait l'administration de cette loi de l'État ; ce n'était pas leur affaire — auraient-ils pu dire — de savoir si les dieux existent réellement ou non, pourvu que la loi soit respectée. Quand en 61 A. C. on surprit Clodius assistant, sous un déguisement aux cérémonies du culte de la Bonne Déesse réservé aux femmes seules, les pontifes le déclarèrent coupable d'un acte nefas, c'est-à-dire d'un crime contre le ius divinum et il est néanmoins très douteux qu'aucun des pontifes crût à l'existence de la Bonne Déesse. Le respect des coutumes ancestrales (mos maiorum) avait encore tant de puissance sur l'esprit de tout vrai Romain, l'instinct conservateur était encore si fort que, longtemps après l'époque où les hôtes divins de la cité avaient perdu toute vie réelle, où ils n'existaient plus qu'en souvenir, comme les tiges desséchées de plantes autrefois pleines de sève et de fraîcheur, une marque de mépris envers les dieux pouvait encore causer à un Romain une véritable horreur. Et c'était avec raison, comme Auguste le comprit plus tard parfaitement. En effet, les masses n'avaient aucune part à l'éducation des classes supérieures ; elles ignoraient tout de la littérature et de la philosophie grecque ; elles étaient en proie à une foule d'imaginations superstitieuses et elles commençaient à perdre toute confiance dans les autorités et dans le pou' voir de celles-ci d'assurer au peuple la bienveillance des dieux et le bien-être matériel dont elle était la condition. C'est la seule explication satisfaisante que nous puissions donner des efforts systématiques d'Auguste pour faire revivre les anciens rites religieux et les corporations de prêtres ; en revanche, nous avons le droit d'y voir une preuve des dispositions de la génération immédiatement antérieure à Auguste. Il savait que les prolétaires, à Rome et en Italie, étaient encore persuadés, comme leurs ancêtres, que l'Etat et les individus pâtiraient si on négligeait de s'assurer la faveur des dieux conformément aux rites ; il savait que pour maintenir les masses dans le calme nécessaire à leur bien-être, il fallait maintenir aussi chez elles le sentiment du devoir envers les dieux, même chez les gens qui avaient depuis longtemps cessé d'y croire. Ce fut pour Auguste une heureuse fortune de trouver, en la personne du grand poète de Mantoue, pour ainsi dire un prophète capable, par la puissance d'un exemple poétique, d'engager les Romains à unir une piété vivante, non pas seulement à l'observance des vieilles formalités, mais à cette intelligence et à cette conscience du devoir envers Dieu et envers l'homme qui avait formé leur caractère et assuré leur domination. Au temps de Cicéron il y eut un autre grand poète qui, lui aussi, fut, en un certain sens, un prophète. Mais Lucrèce ne sut faire appel aux Romains que pour les presser de jeter loin d'eux cette guenille de vieille religion et c'était là une exhortation à la fois inutile et dangereuse. Si nous considérons les choses à la lumière de l'histoire et non de la théologie, nous ne pouvons que sympathiser avec l'attitude de Cicéron et de Mucius Scævola envers la religion de l'Etat, qui venait de leur instinct d'hommes d'État ; s'il avait pu se manifester pratiquement par une politique positive comme celle d'Auguste, au lieu de se manifester par des traités philosophiques comme le de Legibus, ou par des actes dépourvus de sanction dans un moment dangereux comme celui du sacrilège de Clodius, bien des malheurs auraient sans doute été prévenus. Mais chez les hommes de cette génération aucun n'avait ni la sagacité ni l'expérience d'Auguste ni, sauf Jules César, les mains libres. Nous sommes du reste à peu près certains que Jules César, tout Grand Pontife qu'il était, ne se trouvait qualifié, ni par son caractère ni par son expérience, pour entreprendre une œuvre qui exigeait tant de tact délicat et une connaissance aussi parfaite de la mentalité dans les classes ignorantes en Italie.

Cette inconséquence, ces compromis feront sans doute à un moderne l'effet d'un manque de droiture et de sincérité ; aussi ce sera pour lui un soulagement d'en venir à la courageuse franchise de Lucrèce dans son grand poème de La Nature des Choses dont l'objet principal était de persuader aux Romains de renoncer une fois pour toutes à un amas de superstitions, y compris la religion de l'État, qui les avaient terrorisés et tenu leur raison captive dans les ténèbres de l'ignorance. Lucrèce ne prit jamais aucune part aux affaires politiques : il put se permettre d'être sincère ; il ne se sentait pas l'ombre d'une responsabilité dans la prospérité de l'État. Les doctrines épicuriennes auxquelles il était si passionnément attaché avaient toujours fait passer, avant la communauté, l'individu qu'elles poussaient à une vie de quiétude personnelle. Lucrèce, au fond de sa retraite, pouvait méditer sur la nature des choses sans se préoccuper de la nature des hommes tels qu'ils étaient de son temps. Felix qui potuit rerum cognoscere causas ! disait de lui son grand successeur et son admirateur qui cependant ajoutait avec un accent pathétique qui nous touche encore maintenant : Fortunatus et ille deos qui novit agrestes ! Même de nos jours il se peut qu'un sceptique intransigeant se laisse émouvoir par la naïveté du culte, lui parût-il à demi païen, tel qu'on le célèbre dans un village des Apennins ; mais pour Lucrèce tout culte était inspiré par la frayeur et fondé sur l'ignorance de la loi naturelle. La tendre sympathie de l'âme virgilienne allait au paysan priant ses dieux de lui donner l'abondance et la prospérité, comme elle allait à toutes les créatures dans leurs douleurs et dans leurs joies.

Il n'en est pas moins vrai que Lucrèce fut un grand poète religieux. Prophète profondément convaincu, il exhortait les hommes à renoncer à leurs erreurs de conduite et de pensée. Il voyait un monde plein de méchanceté, de folie, de troubles, de terreur, d'ambition, de cruauté et de luxure ; il voyait des hommes qui craignaient la mort et qui avaient peur de leurs dieux, qui faisaient trop grand cas de la vie et qui étaient las de la vie, incapables d'en faire un bon usage parce qu'ils ignoraient tout des merveilleux desseins de la Nature[11]. Il les voyait tels que nous les avons décrits, victimes sans défense de l'ambition et de l'avarice, nouveaux Sisyphes poussant sans relâche le rocher qui déjouait toujours leurs efforts[12]. Cruauté sanguinaire dans les luttes civiles, luxe malsain, agitations stériles, abandon sans frein à tous les appétits matériels chez les hautes classes[13], voilà ce que le poète avait vu et ce qu'il flétrit avec une amère éloquence[14]. Dans son mépris superbe, il a peut-être exagéré les maux de son temps ; nous avons pu constater cependant qu'ils étaient assez grands pour avoir le droit de conclure que Lucrèce ne fut pas un pur pessimiste ; il n'y a trace dans son poème ni de cynisme, ni d'aigreur. Nous sommes certains qu'il crut absolument à la vérité de tout ce qu'il écrivit.

Il est donc juste de dire que Lucrèce fut un poète religieux, en ce sens qu'il dénonça, avec une conviction profonde et une éloquence passionnée, la corruption de son temps ; comme les prophètes hébreux il exhorta les hommes à laisser là leurs faux dieux et leurs superstitions dégradantes et à apprendre le vrai secret de gouverner sa vie[15]. Mais quand nous lui demandons de nous révéler ce secret, nous nous apercevons que cet homme extraordinaire ignorait trop la nature humaine ordinaire pour exercer une action efficace ni comme réformateur religieux ni comme prophète[16]. Son secret, son remède à toute la perversité et à toute la misère de l'humanité n'était qu'une doctrine philosophique qu'il tenait d'Epicure et de Démocrite. Sa foi profonde en cette doctrine est un des phénomènes les plus singuliers de l'histoire littéraire ; jamais personne n'a mis tant de passion et de poésie dans sa dogmatique et jamais dogme aussi impérieux ne se fonda sur une théorie scientifique de l'univers. Lucrèce semble avoir uni en sa personne deux types du caractère italien qui ne l'ont jamais été ni auparavant ni depuis : celui de l'ecclésiastique convaincu et dogmatique qui regarde la nature humaine du point de vue de ses dogmes sans agir ni penser de concert avec elle ; puis le type dont Dante est le plus noble exemple, celui du poète qui voit le monde intérieur et extérieur avec une précision et une perspicacité inimitables et dont l'imagination poétique illumine tout d'un reflet de pure et merveilleuse poésie.

La science[17], voilà donc le secret de Lucrèce — non pas le dilettantisme à la mode du jour — mais la connaissance réellement scientifique du seul système philosophique qui eût tenté d'expliquer l'Univers — à savoir la théorie atomiste de l'École épicurienne. Démocrite et Epicure, voilà les seuls sauveurs et Lucrèce n'en a jamais douté. Grâce à cette science, le monde du surnaturel imaginaire et de la fantasmagorie s'évanouit avec toutes les espérances et les craintes d'une vie future. Les dieux — en supposant qu'ils existent, — n'importent plus à l'Humanité ; ils ne s'intéressent pas à elle et ne lui font ni bien ni mal. Chimères, présages, fantômes, la mort même et tout ce qui effraie l'ignorant et paralyse ses énergies, disparaîtront à la lumière éclatante de la science ; l'homme n'aura plus rien à craindre que lui-même. Et encore cette crainte deviendra-t-elle superflue quand il aura conquis la Vérité. Alors les écailles tomberont de ses yeux aveuglés par la peur ; il recouvrera son équilibre moral en recouvrant la vue. Mais que verra-t-il ? Quel sera l'idéal moral qui lui apparaîtra clairement ? quelle sanction s'imposera à sa conscience dans la conduite de la vie ?

Ce sera simplement la conviction que cette vie étant la seule chose sur laquelle nous puissions compter pour le présent, le passé et l'avenir, nous sommes tenus d'en faire un bon usage. Après tout, voilà donc Lucrèce ramené à recourir à la persuasion pour fonder sa morale ; il ne découvre aucune sanction, aucune force nouvelle capable de maintenir dans la voie du devoir la nature humaine errante. Et il nous faut reconnaître qu'il n'indique aucune fin morale définie ; son idéal semble être la quiétude dans cette vie ; puis l'anéantissement final[18]. Sa règle de vie est purement subjective. Ce n'est pas même une doctrine sociale ; ni la famille, ni l'État ne semblent y avoir aucune part et bien moins encore les pauvres, les infortunés, tous ceux que la vie a maltraités. Le poète, par exemple, ne fait aucune allusion à l'esclavage, ni à la populace entassée dans les grandes villes. Cette doctrine n'est pas réellement le fatalisme ; c'en est une où la Nature joue à peu près le même rôle que la Fortune dans les croyances d'un grand nombre de personnages du temps d'esprit moins noble que Lucrèce[19]. La nature mène la bataille ; nous ne pouvons pas lui résister ; nous ne pouvons pas faire mieux qu'elle ; il est préférable d'acquiescer à ses décrets et de lui obéir que de chercher à la régenter.

En somme, le remède de Lucrèce échoue absolument ; c'est la doctrine d'un esprit aristocratique, ce n'est pas celle d'un sauveur du monde[20]. Du reste, que nous sachions, ce remède resta parfaitement inefficace ; comme la constitution de Sylla, contemporain du poète, la doctrine de Lucrèce ne réveilla aucun sentiment de loyauté ni à Rome ni en Italie, parce qu'elle s'appuyait, entre autres, sur une connaissance insuffisante du caractère romain ou italien. Ce n'en fut pas moins le noble effort d'un noble esprit ; à part même sa grandeur littéraire, l'œuvre de Lucrèce conservera toujours une incontestable valeur pour tous ceux qui s'occupent d'histoire religieuse ; elle prouve, mieux qu'aucune des œuvres du temps parvenues jusqu'à nous, qu'il fallait à la morale une consécration réelle par la vie et l'exemple d'un Homme divin.

Ainsi donc, tandis que l'homme d'État romain jugeait nécessaire de maintenir le ius divinum et, loin de chercher à en vivifier les prescriptions, en laissait tomber une grande partie dans l'oubli, comme désormais inutiles au bon gouvernement de la République, le plus grand génie poétique du temps proclamait à son de trompe que quiconque désirait faire un bon usage de sa vie, devait renoncer totalement et sans scrupules aux vieilles croyances du monde gréco-romain. Cependant, il y eut alors une autre école de penseurs qui, depuis longtemps, s'étaient occupés de ces questions ardues. Ils étaient arrivés à des conclusions beaucoup plus en harmonie que le dogmatisme de Lucrèce avec l'esprit conservateur des Romains ; ils avaient fait leur place aux divinités de l'Etat et par suite au ius divinum dans un système philosophique déjà largement accepté par la plupart des hommes instruits. On peut donner à cette école le nom de stoïcienne, quoique sa théologie eût souvent l'approbation de gens qui ne se donnaient pas précisément pour stoïciens. C'était par exemple, le cas de Cicéron lui-même, qui se rattachait à la nouvelle Académie, laquelle répudiait tout dogmatisme et prétendait à être une école de dialectique et de criticisme. Il se trouvait par cela même autorisé à adopter les principes d'autres écoles s'il les jugeait plus convaincants. L'auteur contemporain qui a exposé avec le plus de soin la doctrine en question est Varron et, derrière Varron et Cicéron, se dresse la grande figure du Syrien Posidonius, dont les écrits sont presque entièrement perdus. Il vaut la peine d'esquisser l'histoire de cette école à Rome ; elle est en elle-même très intéressante, car il s'agit d'une tentative pour concilier la vieille théologie — si l'on peut se servir de ce terme — avec la pensée philosophique, tentative qui eut plus tard une influence appréciable sur le stoïcisme quasi religieux de l'Empire.

Il nous faut revenir un instant à l'époque qui suit la guerre avec Annibal. L'effroyable expérience de cette guerre avait beaucoup contribué à discréditer le vieux système religieux dont les Romains avaient constaté l'impuissance à protéger l'Etat. L'agitation et le désespoir du peuple s'étaient calmés grâce à de nouvelles prescriptions religieuses dont nous trouvons dans Tite-Live des mentions très nombreuses. On ne cessa de consulter les livres sibyllins ; on décréta et on mit en œuvre des lectisternia, des supplicationes, des ludi où les divinités grecques tenaient la première place. Enfin en 204 A. C. on transporta à Rome la pierre sacrée de la Magna Mater Idæa, la grande déesse de Pessinonte en Phrygie et l'on institua en son honneur une fête qui prit le nom grec de Megalesia. Tout cela nous montre, comme Tite-Live[21] nous le fait voir par les expressions dont il se sert, que les classes dirigeantes cherchaient à calmer les esprits en leur prouvant qu'on n'épargnait aucune peine pour rectifier leurs relations avec les puissances invisibles. C'est en vain qu'on avait invoqué les divinités locales et indigènes ; il avait fallu chercher ailleurs le salut après avoir constaté que la religion officielle était incapable d'exprimer l'expérience religieuse des vingt dernières années. Le fait est que le vieux système ne se releva jamais du discrédit où il était tombé. Le mécontentement du peuple se montre clairement par la rapidité avec laquelle le culte orgiastique du Dionysus grec se répandit en Italie quelques années plus tard ; s'il fut autorisé à subsister, mais en restant soumis à une surveillance stricte, c'est que la religion d'État fut impuissante à satisfaire les besoins des masses. De son côté la classe instruite subissait de plus en plus l'influence de la pensée grecque qui rie pouvait avoir qu'une action dissolvante sur les vieilles croyances religieuses. Ennius, la grande personnalité littéraire de l'époque, porta le premier coup à la croyance populaire en l'efficacité de la prière et des sacrifices quand il déclara sans ambages, que les dieux ne s'inquiètent pas de l'humanité[22] ; c'est la même doctrine que nous retrouverons plus tard chez Lucrèce. On peut douter il est vrai qu'elle soit devenue populaire ni même qu'elle, ait conquis les classes cultivées ; le fait est cependant que le même homme qui fit plus qu'aucun autre, avant Virgile, pour magnifier le caractère romain et la puissance romaine fut le premier à combattre l'opinion que Rome devait sa grandeur à ses hôtes divins.

Mais la génération suivante vit arriver à Rome un homme dont l'enseignement eut, sur les Romains cultivés, une telle influence qu'on peut le comparer à une sorte de missionnaire. Nous ignorons si Panætius traita, dans ses écrits ou dans ses leçons, de la nature et de l'existence des dieux[23], mais il lui eût été difficile d'esquiver ce sujet dans son traité περί προνοίας (de la Providence) où nous savons qu'il discute la question de la divination[24]. En tout cas, les doctrines stoïciennes qu'il professait lui-même, remaniées par son illustre successeur Posidonius de Rhodes, purent donner une base philosophique à la croyance, à l'existence et à l'activité des dieux. Ces deux hommes, notons-le bien, n'étaient pas seulement des philosophes de profession, mais des hommes du monde, des voyageurs qui traitèrent, dans leurs écrits, des sujets très variés ; le caractère des Romains, le gouvernement romain, les intéressaient profondément, comme ce fut le cas pour Polybe ; ils se lièrent avec les plus beaux esprits de Rome, de Scipion le Jeune à Cicéron et à Varron, et ils surent voir que le vieux stoïcisme devait faire fléchir sa rigidité, s'humaniser et transformer son éthique et sa théologie s'il voulait prendre sur l'esprit pratique des Romains une influence réelle et durable. Nous avons déjà vu quel bien leur éthique modifiée avait fait aux Romains les plus vertueux à l'époque que nous étudions. En théologie aussi ils marquèrent de leur empreinte la pensée romaine. Posidonius prit les dieux pour sujet d'une de ses œuvres qui fournit à Varron la partie spéculative de ses Antiquitates divinæ et très probablement aussi à Cicéron celle du second livre du de Natura deorum[25]. D'autres philosophes contemporains, même sans être stoïciens déclarés, peuvent avoir traité les mêmes sujets dans leurs conférences ou leurs écrits et être arrivés aux mêmes conclusions.

Ce sont avant tout les fragments du livre de Varron qui nous renseignent sur cette tentative des stoïciens de mettre en harmonie les vieilles croyances religieuses avec les théories philosophiques sur l'Univers[26]. Varron, d'après son maître, soutenait la doctrine stoïcienne de l'animus mundi principe divin pénétrant tous les objets matériels, lequel, combiné avec ceux-ci, constitue l'Univers et qui est la Nature, la Raison, Dieu, le Destin, quel que soit le nom que le philosophe préfère lui donner. L'Univers est divin, les diverses parties en sont divines aussi, en vertu du principe qui les a formées. Dans le seizième livre de son grand ouvrage, Varron coordonnait cette théorie stoïcienne avec la religion de l'État telle qu'elle était de son temps. Les grands dieux représentaient les diverses partes mundi sous différents aspects ; même la différence de sexe chez les divinités s'expliquait en considérant les dieux mâles comme une émanation céleste et les dieux femelles comme une émanation terrestre, suivant une idée ancienne et répandue quant aux principes actif et passif dans la génération. La doctrine stoïcienne des δαίμονες servait à expliquer l'existence des demi-dieux, lares, génies, etc. Ainsi une ancienne conception religieuse de l'esprit italien était sauvée de l'oubli et du dédain. La tendance ancienne des Italiens à voir le surnaturel se manifester de diverses manières, qu'on distinguait par des adjectifs spécifiques comme Mars Gradivus, Jupiter Elicius, Juno Lucina, etc., trouvait son application dans la doctrine de Varron ; car l'élément divin existant dans le ciel, la terre, la mer et autres parties du Mundus et manifestant son activité par des phénomènes différents pouvait ainsi s'expliquer à une intelligence ordinaire sans l'interposition de termes philosophiques.

A la tête de la hiérarchie des dieux trônait Jupiter, le plus grand des dieux de Rome, dont le titre d'Optimus Maximus indiquait qu'aucune autre divinité ne pouvait tenir sa place. Sans lui, il aurait été pratiquement impossible à Varron de mener à bonne fin sa difficile et redoutable tâche. Tout Romain reconnaissait en Jupiter le dieu qui condescendait à demeurer sur le Capitole, dans un temple bâti de main d'homme et qui, plus que tous les autres dieux, veillait sur les destinées du Peuple Romain ; tout Romain savait aussi que Jupiter était le grand dieu du ciel, car dans mainte expression du langage ordinaire, il se servait du nom de ce dieu pour désigner l'espace céleste[27]. Le nouveau stoïcisme faisait ainsi, dans son système, une place si importante et si curieuse au dieu du ciel, qu'il vaut la peine de nous y arrêter un instant.

Varron croyait ou, en tout cas, professait que Jupiter était cette âme du monde (animus mundi) qui remplit et fait mouvoir tout l'Univers matériel[28]. Il est l'unique cause agissante et universelle[29] d'où proviennent toutes les forces de la Nature[30] ; on aurait pu le nommer, en un terme intelligible à tout Romain, le Genius universel[31]. En outre il est, en lui-même, tous les autres dieux et toutes les autres déesses que l'on peut concevoir comme des puissances ou des vertus existant en lui[32]. Et Varron fait entendre clairement qu'il veut identifier ce Grand Dieu des dieux avec le Jupiter romain dont le temple s'élevait au Capitole : saint Augustin cite Varron soutenant que les Romains avaient dédié le Capitole à Jupiter dont l'esprit insuffle la vie à tout dans l'Univers[33] ou, en termes moins techniques, les Romains entendent reconnaître en Jupiter le roi des hommes et des dieux, royauté dont son sceptre et son trône au Capitole sont le signe. Ainsi le dieu qui siégeait au Capitole, dans ce temple centre de l'Empire romain, était le maître qui vivifiait tout et le centre de l'Univers. Varron va plus loin encore et il identifie Jupiter avec le dieu unique des peuples monothéistes de l'Orient et, en particulier, avec le dieu des Juifs[34].

Varron était donc arrivé, grâce à Posidonius et aux stoïciens, à une conception monothéiste de la divinité et, en même temps à une sorte de panthéisme qui se concilie avec le polythéisme du inonde gréco-romain. Mais sans Jupiter dieu du ciel et de la terre pour les Grecs et pour les Romains et, en même temps, aux yeux des deux peuples, dieu qui veillait sur la destinée de l'Empire romain, cet extraordinaire tour de force aurait été impossible. L'identification du dieu-ciel avec l'animus mundi des stoïciens  n'était pas une idée nouvelle ; elle remonte, par les stoïciens jusqu'à Platon. Ce qui est vraiment neuf et surprenant, c'est qu'un conservateur comme Varron ait pu, à une époque de scepticisme et d'indifférence comme la sienne, faire pour ainsi dire, descendre ce dieu-ciel au Capitole romain où l'on voyait sa statue entre celles de Minerve et de Junon, et enseigner en même temps une doctrine qui l'identifiait avec le Jéhovah des Juifs et l'un et l'autre avec l'animus mundi des stoïciens.

Mais Varron concevait-il ce Jupiter comme une divinité qui prêtât son aide à la pureté du cœur et à la rectitude de la vie et qui imposât sa sanction à la moralité ? Il aurait été possible et naturel à un Romain de se le représenter ainsi car, de tous les dieux romains, Jupiter est le seul dont le nom fût invoqué, depuis les temps les plus anciens, dans les serments et dans les traités ; tout manquement à la foi jurée dans une affaire publique ou particulière était considéré comme violant sa volonté (numen[35]). Nous ne pourrions dire jusqu'à quel point ce fut l'opinion de Varron. Mais nous savons que les stoïciens romains virent, dans cette Puissance universelle ou Esprit que Varron identifiait avec Jupiter, la source et la vertu de la loi et, par suite, de la moralité ; on lui donne alors ordinairement le nom de Raison (Ratio), l'action de l'éternel et immuable Esprit de l'univers. La vraie loi, c'est la droite raison dit Cicéron en un noble langage[36] ; et il poursuit sa démonstration pour prouver que cette loi dépasse toutes les législations et tous les codes humains, les comprend et les sanctionne tous et que l'esprit qui l'inspire, qui lui donne sa vertu universelle est Dieu lui-même. Dans un autre passage écrit 'vers la fin de sa vie et, sans aucun doute, après la publication de l'ouvrage de Varron, il va plus loin encore et identifie ce Dieu avec Jupiter[37]. Cette loi, dit-il, prit naissance en même temps que l'Esprit Divin (i. e. la Raison des stoïciens) ; donc cette loi vraie et souveraine qui commande et qui défend est la droite raison de Jupiter tout-puissant (Summi Jovis). Une fois de plus, au premier livre de son Traité des dieux il cite le stoïcien Chrysippe soutenant que ce pouvoir éternel qui est, pour ainsi dire, un guide dans l'observation des devoirs de la vie, est Jupiter lui-même[38]. C'est un trait caractéristique du Romain que, dans de pareilles spéculations, il tient moins de compte de la moralité individuelle que de la loi de l'Etat comme émanant de cette Juste Raison qu'il peut nommer Jupiter. Il m'a été impossible de trouver un passage de Cicéron où il attribue à cette divinité la sanction de la moralité personnelle ; il y en a, en revanche, beaucoup où il affirme sa conviction que la justice et toute l'organisation de la vie sociale dépendent des dieux et de notre croyance en leur existence[39]. Le Romain n'avait jamais été conscient du devoir individuel, sauf en relation avec l'Etat ou avec la famille, sorte de cellule vivante de l'organisme de l'Etat. A ses yeux, la loi était la source de la moralité, et non la moralité, la cause et la raison d'être de la loi ; et comme sa religion faisait partie de la loi de son Etat et n'avait par suite qu'une connexion indirecte avec la moralité, il ne pouvait lui venir à l'esprit que même ce grand Jupiter ainsi magnifié comme la Raison dans l'Univers pût réellement lui venir en aide à lui en tant qu'individu dans la conduite de sa vie. C'est seulement comme source de la moralité légale que nous pouvons concevoir le Jupiter de Varron favorisant la pureté du cœur et la rectitude de la vie.

Grâce au génie du plus grand des poètes romains, moins de vingt-cinq ans après la mort de Cicéron, l'image de Jupiter apparaissait une fois de plus au monde romain sous une forme compréhensible à tous les hommes instruits qu'ils eussent ou non pataugé dans la philosophie. Que dire de ce Jupiter de l'Enéide ? Dès le début du poème Virgile parle de lui en des termes qui nous rappellent Varron (Enéide I, 229-230). Nous voyons en lui, comme dans le système de Varron, un Dieu cause première et maître de toutes choses ; il tient dans ses mains la destinée de Rome et la fortune du héros qui devait poser les premières assises du futur Empire romain. Ce héros Virgile nous le montre, dans les premiers chants de son poème, conscient de la volonté divine, s'avançant à pas d'abord hésitants puis, dans les chants suivants, marchant avec une parfaite assurance vers le but qui lui a été assigné. Cependant, le passage que nous avons cité nous apprend combien le Jupiter de Virgile diffère de la divinité universelle des stoïciens. Sans aucun doute, Virgile avait subi l'influence de la doctrine stoïcienne ; mais il se proposait de faire un poème épique et il ne pouvait se dispenser d'introduire dans son œuvre le merveilleux divin tel qu'il le trouvait dans son grand modèle homérique. Son Jupiter est bien, comme on l'a dit[40], un grand et sage dieu affranchi de tout ce que le Zeus homérique a de sensuel et de tyrannique ; en d'autres termes, c'est une divinité romaine qui parfois parle et agit en grave consul romain du vieux temps[41]. Mais il reste divinité anthropomorphique. C'est une création purement humaine d'un dieu roi personnel. Il sourit à sa fille Vénus et lui donne des baisers. Aussi, dans tout son poème, Virgile a établi une relation intime entre son Jupiter et le Destin sans l'expliquer nettement. Le Destin, tel qu'il nous apparaît dans l'Enéide est l'είμαρμένη stoïcienne adaptée à l'idée de Rome et de son Empire ; cette conception stoïcienne ne pouvait pas se personnifier en Jupiter, comme chez Varron, car il fallait modeler le dieu de l'Enéide sur celui d'Homère et non sur celui des stoïciens. On peut dire, peut-être sans aller trop loin, que le dieu ne se remit jamais, en tant que conception théologique, de ce traitement ; s'il eut jamais aucune chance de devenir le centre d'un véritable système religieux, l'Enéide y coupa court ; ce sentiment de piété que le héros éprouve nominalement pour Jupiter, s'adresse en réalité aux décrets du Destin[42].

Tandis que les philosophes et les poètes poursuivaient leurs exploits intellectuels ou poétiques aux dépens des dieux de l'État, le penchant à la superstition, la peur aveugle du surnaturel qui avait été de tout temps un des traits du caractère italien, loin de s'atténuer ne faisait que croître et cela non pas exclusivement parmi les basses classes. Comme le dit Lucrèce en s'en moquant, ceux même qui pensent et parlent avec mépris des dieux iront, aux époques critiques, immoler des brebis noires et les sacrifier aux Mânes. Cette crainte, cette nervosité inquiète qui se retrouve au fond du sentiment nommé par les Latins religio[43], s'était calmée autrefois grâce aux prescriptions des pontifes et à leur ius divinum ; mais elle était toujours prête à se montrer de nouveau. Il avait fallu, lors de la longue et terrible guerre avec Annibal, recourir à des remèdes qui ne figuraient pas dans la pharmacopée des collèges sacerdotaux, afin de convaincre le peuple qu'on avait pris toutes les mesures possibles pour son salut. De nouveau, aux derniers temps de la République, il y a des signes manifestes que les gens instruits, comme les ignorants, sont sous l'impression de la tristesse et de l'instabilité générales. Cette instabilité toujours plus évidente dans le monde politique, le doute croissant dans le monde de la pensée, se confondirent pour produire une disposition à l'émotion qui prit différentes formes suivant les différents tempéraments. Nous en trouvons la preuve : 1° dans l'importance attribuée aux prodiges, aux présages, aux songes ; 2° dans une certaine idée vague d'une vie future qui se manifeste par la déification d'êtres humains ; 3° à la fin de cette période, par quelque chose qui ressemble à un sentiment de péché, de devoir négligé, qui a attiré sur l'État et sur les individus la colère des dieux.

1° Si nous parcourons la dernière partie du Livre des Prodiges, compilé par un auteur du reste inconnu, Julius Obsequens, d'après les registres des pontifes cités par Tite-Live, nous nous ferons une idée du genre des prodiges qui inquiétaient le peuple romain. Ils n'ont point changé durant toute l'histoire romaine. Ce sont toujours des tremblements de terre, des naissances de monstres, des temples frappés de la foudre, des chutes de statues, des loups qui pénètrent jusque dans la ville, et ainsi suite. Ils abondent durant les terribles années de la Guerre Sociale et des Guerres Civiles ; ils deviennent plus rares après la mort de Sylla, puis plus fréquents après le meurtre de César. On les signalait aux Pontifes depuis les lieux où ils étaient censés avoir paru et, s'ils étaient jugés dignes d'expiation, on les mentionnait aux registres des pontifes. Il est permis de supposer que les témoignages étaient dus surtout à des ignorants. Cependant nous trouvons, même chez des gens instruits, plusieurs exemples de cette nervosité crédule. Nous nous bornerons à en citer deux.

Sylla, comme nous l'apprennent ses propres mémoires que Plutarque a mis à contribution directement ou indirectement était, de nature, fort superstitieux et ne faisait aucun effort pour vaincre ce défaut. En dédiant ses mémoires à Lucullus, il lui conseillait, quand il aurait un parti à prendre, de choisir celui que le δαίμων (peut-être son Génie) lui indiquerait pendant la nuit[44]. Plutarque nous raconte encore plusieurs histoires, puisées évidemment à la même source, de présages d'après lesquels Sylla régla sa conduite. Il portait toujours sur lui une petite image d'Apollon qu'il baisait de temps en temps et à laquelle, en cas de danger, il adressait de muettes prières[45]. Cicéron, à son tour, nous rapporte un fait curieux qui le concerne lui-même ainsi que Varron et Caton et qui prouve que ces trois personnages, malgré leur savoir philosophique, étaient très capables de se laisser émouvoir par une prophétie à laquelle nous ne prêterions pas grande attention[46]. A l'époque où ils se trouvaient ensemble à Dyrrachium après la défaite de César et le départ des armées pour la Thessalie, le commandant de la flotte rhodienne leur apprit qu'un certain matelot avait prédit que trente jours plus tard la Grèce serait inondée de sang. Tous trois furent fort effrayés et, quelques jours après, la nouvelle de la bataille de Pharsale leur parvint. Enfin nous nous rappelons tous l'apparition à Brutus, la veille de Philippes, d'un fantôme gigantesque qui se tenait silencieux à ses côtés. C'est celui-là même que Shakespeare a transformé en ombre de César et a introduit dans son drame pour en perfectionner l'unité. Suivant Plutarque, Cassius l'ami de Brutus, tenta, comme sans doute Lucrèce l'aurait fait à sa place, de le persuader, au nom de la raison, que la vision n'avait rien d'alarmant ; ce fut probablement en vain[47].

2° Lucrèce avait combattu la croyance à l'immortalité de l'âme parce qu'il y voyait la cause d'une grande partie des tourments qu'il croyait avoir mission de conjurer. César, d'après le discours que Salluste lui prête lors du débat sur l'exécution des conspirateurs, le 3 décembre 63, semble partager la manière de penser de Lucrèce : Cicéron, dans sa réplique, faisant allusion aux paroles de César, nous devons supposer que Salluste les a rapportées exactement[48]. Le poète et l'homme d'Etat ne différaient pas beaucoup dans la manière dont ils envisageaient les faits. L'un et l'autre étaient doués d'une perspicacité rare, sans trace de mysticisme. Mais de pareils hommes furent l'exception ; Cicéron représente mieux qu'eux la manière de penser d'un homme ordinaire de l'époque. Il était trop plein de vie, il s'intéressait trop au monde vivant qui l'entourait pour s'attarder à réfléchir à des questions comme celle de l'immortalité de l'âme ; en qualité de disciple déclaré de l'Ecole Académique il n'avait pas d'opinion dogmatique sur ce sujet. Il ne fut jamais réellement influencé par le Pythagorisme comme son ami Nigidius Figulus dont les œuvres maintenant perdues jouirent d'une grande vogue dans les dernières années de Cicéron et d'un grand crédit chez la génération suivante. Au premier livre des Tusculanes Cicéron discute la question au point de vue de l'Académie sans arriver à aucune conclusion ferme sauf à affirmer que, immortels ou non, nous devons de la reconnaissance à la mort qui nous délivre des liens du corps. Ce traité fut écrit la dernière année de la vie de Cicéron ; dix ans auparavant, dans le beau mythe imité de Platon qu'il ajouta à son de Republica, il avait énergiquement affirmé la doctrine de l'immortalité. L'ombre de Scipion le premier Africain apparaît à son grand homonyme qui fut, pour Cicéron, le Romain idéal et lui affirme que la voie du ciel s'ouvre à ceux qui font leur devoir en cette vie et spécialement leur devoir envers l'État. Sache que tu es un dieu ; comme le dieu des dieux régit l'univers, ainsi le dieu qui habite en nous gouverne notre corps et comme ce grand dieu est éternel ainsi une âme immortelle gouverne ce corps fragile[49]. Quand Cicéron inspiré par Platon écrivit le songe de Scipion, il était dans un de ces moments d'émotion que nous connaissons dans sa vie et qui nous permettent de dire qu'il y eut, dans sa manière de penser, un élément religieux[50]. Quelques années plus tard, la douleur poignante que la mort de sa fille Tullia lui causa, amena une nouvelle crise d'émotion intense. Pendant plusieurs semaines il vécut dans la solitude à Astura, au bord des Marais Pontins, hors de la portée de tous ses amis, défendant même à sa jeune femme et à sa belle-mère de l'approcher, méditant, semble-t-il sur la survivance de l'élément divin chez sa fille. Ces tristes réflexions aboutirent à une résolution pratique qui ne laisse pas de nous surprendre au premier abord, mais que s'expliquera facilement quiconque est arrivé à bien connaître Cicéron et à suivre le développement de sa pensée pendant ces années-là. Il aurait pu élever un tombeau à la mémoire de sa fille, mais cela ne l'aurait pas satisfait ; cela n'aurait pas suffi à exprimer son sentiment, à savoir que l'étincelle immortelle et divine qui était en elle ne s'était pas éteinte. Il supplia Atticus de trouver et d'acheter pour lui un terrain où l'on puisse élever un lament, c'est-à-dire un sanctuaire à l'esprit de sa fille. C'est un sanctuaire que je veux ; rien ne me fera changer d'avis. Quant à la ressemblance avec un tombeau... je tiens à l'éviter pour indiquer le plus possible une apothéose[51]. Un peu plus loin, il est vrai, il traite ces idées de folie ; mais c'est sans doute parce qu'il s'adresse à Atticus, homme du monde peu susceptible d'émotion ni de mysticisme. En réalité Cicéron parle un langage en harmonie avec la mentalité italienne et affranchi pour le moment de toute spéculation philosophique. Il croit que sa morte bien-aimée continue à vivre, quoiqu'il soit incapable de le démontrer. Il le croit même si fermement qu'il veut que les autres sachent qu'il le croit et il insiste pour que le sanctuaire soit placé dans un lieu fréquenté[52].

Le grand Dictateur n'avait pas foi en l'existence d'un autre monde ; il consentit pourtant, à la fin de sa vie, à devenir Jupiter Julius et après sa mort, il fut dûment canonisé Divus et on lui consacra un temple. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner la question compliquée de la déification des Césars ; nous ne la mentionnons que pour indiquer la tendance de la pensée durant ces sombres années de l'histoire romaine. Quoi que quelques philosophes pus : sent en avoir cru, il n'y a pas l'ombre d'un doute que le Romain ordinaire était persuadé de la divinité de Jules[53].

3° Nous avons vu, dans un chapitre précédent, avec quelle gaîté et quelle frivole insouciance des jeunes gens comme Cælius se divertissaient à la veille de la guerre civile. Quel contraste avec la mélancolie qui envahit toutes les classes sociales durant la guerre même et surtout après le meurtre du dictateur César paraissait irrésistible et presque divin, et l'on commençait à espérer un ordre de choses nouveau quand le dictateur fut tout à coup frappé à mort et le monde replongé dans la confusion et l'anarchie ; c'est seulement après la victoire décisive d'Octave à Actium et la destruction des éléments anarchiques par la mort d'Antoine et de Cléopâtre que l'on put compter, avec quelque certitude sur des temps meilleurs. On trouve, dans la littérature de ces sombres années, de sûrs indices de la dépression générale qui était peut-être plus que de la lassitude et du malaise, matériel ; on y discerne ce que nous pourrions nommer un obscur sentiment de péché ou au moins de culpabilité morale, beaucoup moins réel et moins intense il est vrai, mais du genre de celui que les prophètes éveillèrent de temps en temps chez le peuple juif et qui n'est pas inconnu dans l'histoire de l'Hellade.

L'expression la plus touchante de ce sentiment se trouve dans la préface que Tite-Live a placée en tête de son histoire ; c'est un remarquable exemple de ce fait que, sous l'empire d'une puissante émotion, le langage d'un grand prosateur peut en refléter toute la chaleur et toute la beauté. Il n'y a pas un étudiant qui ne connaisse cette phrase où Tite-Live a décrit la décadence graduelle de toutes les vertus du caractère romain : donec ad hæc tempora quibus nec vitia nostra nec remedia pati possumus perventum est. Mais combien y en a-t-il qui y entendent résonner l'écho d'un gémissement désespéré, témoignage certain de la tristesse des temps[54]. Dans l'introduction au Jugurtha et au Catilina de Salluste, nous retrouvons aussi quelque chose de cette même tristesse ; mais cela sonne creux ; ce n'est plus la sincérité de Tite-Live. Salluste avait la fibre moins délicate et il semble peindre plutôt qu'exprimer sincèrement le sentiment d'un spectateur attristé. Horace lui aussi, malgré sa gaîté naturelle a chanté la mélancolie générale dans une de ses premières poésies composée peut-être après la guerre de Pérouse en 41 A. C. (Épodes XVI, 54 et 30 sqq.) Il va jusqu'à exhorter le peuple romain à émigrer, comme les anciens Phocéens, au pays de l'Occident lointain ; là-bas, avait-on dit à Sertorius, se trouvent ces îles fortunées où la terre, comme à l'Age d'Or, donne tous ses fruits spontanément. Il se peut, ainsi qu'on l'a insinué récemment, que la quatrième Eglogue de Virgile, l'Églogue messianique, ait été, jusqu'à un certain point, une réponse à l'Épode d'Horace. Il n'est pas nécessaire, semble dire Virgile dans ce poème composé en 39 A.C., d'aller chercher l'Age d'Or dans une île fabuleuse de l'ouest. Les temps sont venus et nous en jouissons ici. La période où l'Italie entre maintenant fait plus que réaliser pour nous le rêve d'un Age d'Or. Un enfant merveilleux va naître qui verra et inaugurera une ère de paix et de prospérité ; le sombre désespoir qui nous oppresse va bientôt se dissiper et une Italie régénérée, religieuse, morale, fertile et riche conduira le monde à une ère nouvelle de bonheur et de sage gouvernement[55].

Mais cet Age d'Or si passionnément espéré, si vaguement et si poétiquement rêvé, ne devait pas se réaliser dans le sens où Virgile et tout autre penseur pouvait sérieusement le concevoir. Je trouve dans quelques paroles que je demande la permission de citer pour conclure l'expression exacte et éloquente de ce que j'entends ici : Quand l'humanité aspire avec ferveur à de meilleures destinées, quand ce désir prend sa source dans un vif sentiment de fraternité humaine, dans une foi inébranlable en la bonté et en la justice de Dieu, il entraîne avec lui une invincible assurance que de quelque façon, quelque part, dans quelque temps, il sera parfaitement comblé, car il est inspiré par l'Esprit qui remplit et ordonne l'Univers et préside à tout son développement. Mais si l'homme, organe inspiré de ce désir universel, va jusqu'à fixer le moyen, le lieu et le temps et attribue à quelque agent immédiat la gloire de la Félicité finale, il tombe inévitablement dans une erreur semblable à celle de Virgile : il verra l'Age d'Or dans le gouvernement des Césarsqui fut certainement un des facteurs essentiels du Christianismeou peut-être, comme ce sera le cas plus tard, dans le triomphe du socialisme ou de l'impérialisme. Heureux le Voyant s'il se rappelle que le Royaume de Dieu est en nous et que le vrai bonheur de l'Age d'Or doit prendre sa source dans la repentance de nos erreurs, et sa force dans la pureté du cœur, la rectitude de la vie et l'amour du prochain[56].

 

 

 



[1] Voir le Hibbert Journal de juillet 1907, p. 847 et W. WARDE FOWLER, The Religions Experience of the Roman People (1911), index s. v. religio, ainsi que les chap. XVI-XVIII.

[2] Voir MIDDLETON, Rome in 1887, p. 423 ; HORACE, Sat., I, 8, 8 sqq. ; NISSEN, Italische Landeskunde, II, p. 522.

[3] Roman Festivals, p. 336 sqq.

[4] Monumentum Ancyranum (lat.), 4, 17.

[5] De Natura deorum, I, 29-82.

[6] VALÈRE MAXIME, Epit., I, 3, 4 ; Rel. und Kult., p. 351 (2e éd.).

[7] Voir, p. ex., DILL, Roman society from Nero to Marcus Aurelius, ch. V. Book IV.

[8] Voir, p. ex., P. CUMONT, Les Religions orientales dans le Paganisme romain, Paris (Leroux).

[9] Voir, p. ex., pro Sestio, 15, 32 ; in Vatinium, 7, 18.

[10] SAINT AUGUSTIN, de Civitate Dei, IV, 27.

[11] Comparez I, 63 sqq. ; III, 87 et 894 ; V, 72 et 1218 et beaucoup d'autres passages.

[12] III, 995 sqq. ; V, 1120 sqq.

[13] III, 70 ; V, 1126.

[14] II, 22 sqq. ; III, 1003 ; V, 1116.

[15] Voir W. WARDE FOWLER, Roman Religious Experience, p. 360 et passim.

[16] Voir SELLAR, Roman Poets of the Republic, p. 306.

[17] Le secret se trouvera dans les derniers vers du liv. III et au début ainsi qu'à la fin du liv. V.

[18] V, 1203 ; II, 48-54.

[19] V, 1129.

[20] La philosophie n'a jamais atteint les masses que par l'entremise de la religion (Décadence, par le Très Honorable A. J. BALFOUR, p. 53). C'est là une vérité dont Lucrèce était profondément ignorant. Voir W. WARDE FOWLER, Roman religions Experience, chap. XVI.

[21] Par exemple, XXI, 62.

[22] VAHLEN, Ennianæ poesis reliq. (éd. 2). Scenica V, 316 sqq. Ego deum genus esse semper dixi et dicam cælitum, Sed eos non curare opinor quid agat humanum genus : nam si curent, bene bonis sit, male malis, quod nunc abest.

[23] Sur tout ce qui suit, voir W. WARDE FOWLER, Roman ideas of Deity (1914), chap. III.

[24] Voir H. N. FOWLER, Panætii et Hecatonis librorum fragmenta, p. 10 ; HIRZEL, Untersuchungen zu Cicero's philosophischen Schriften, I, p. 194 sqq.

[25] SCHMEKEL, Die mittlere stoa, p. 85 sqq. ; CICÉRON, de Natura Deorum, vol. II, p. XVI sqq. (éd. Mayor).

[26] Les fragments sont réunis par R. Agahd, Leipzig, 1898.

La grande majorité s'en trouve dans SAINT AUGUSTIN, de civitate Dei.

[27] Comme WISSOWA le dit (Rel. und Kult. der Römer, p. 113, 2e éd.), Jupiter ne parait ni dans la langue ni dans la littérature romaines comme une personnalité qui tonne ou verse la pluie, mais plutôt comme le ciel lui-même combinant ces diverses manifestations d'activité. L'exemple le plus connu de l'usage auquel le texte fait allusion est le vers d'HORACE, Odes, I, I, 25 : manet sub Jove frigido venator.

[28] Dans SAINT AUGUSTIN, de civit. Dei, IV, 11.

[29] SAINT AUGUSTIN, de civit. Dei, VII, 9.

[30] Ap. SAINT AUGUSTIN, de civit. Dei, VII, 13 ; animus mundi est appelé ainsi mais évidemment identifié avec Jupiter. Comparez Ennius dans CICÉRON, N. D., II, 4.

[31] SAINT AUGUSTIN, de civit. Dei, VII, 9.

[32] SAINT AUGUSTIN, de civit. Dei, IV, II, 13.

[33] SAINT AUGUSTIN, de civit. Dei, IV, 9 ; de consensu Evangel., I, 23, 24. Comparez de civ. Dei, IV, 9.

[34] SAINT AUGUSTIN, de civit. Dei, I, 22, 30 ; XIX, 22.

[35] Voir WISSOWA, Religion und Kultur, p. 118 (2e éd.).

[36] De Rep., III, 22, 33.

[37] De Legibus, II, 10 fin.

[38] De nat. Deorum, 15, 40 : idem etiam legis perpetuæ et æternæ vim, quæ quasi dux vitæ et magistra officiorum sit, Jovem dicit esse, eandemque fatalem necessitatem appellat, Sempiternam rentm futurarum veritatem. Chrysippe, bien entendu, parlait du Zeus grec.

[39] Par exemple, de Officiis, 28 ; de Nat. Deor, I, 116.

[40] Sur tout ce qui suit, voir W. WARDE FOWLER, Roman ideas of Deity (1914), leçon VI.

[41] GLOVER, Virgil, p. 297 (2e édit.).

[42] Il est bon de noter que, lors du réveil religieux fomenté par Auguste, Jupiter n'occupe pas une place prépondérante. Voir CARTER, Religion of Numa, p. 160, où cependant l'attitude d'Auguste envers le grand dieu est peut-être exagérée. Sur les rapports entre le Jupiter de Virgile et le Destin, voir R. HEINZE, Virgils epische Technik, p. 290 sqq. (2e éd.). Sénèque, il faut le dire, ne mentionne jamais Jupiter comme centre du Panthéon stoïcien. DILL, Roman society from Nero to Marcus Aurelius, p. 331.

[43] Voir un article de l'auteur dans Hibbert Journal, juillet 1907, p. 847.

[44] PLUTARQUE, Sulla, 6.

[45] VALÈRE MAXIME, II, 3.

[46] De Div., I, 32, 68.

[47] PLUTARQUE, Brutus, 36, 37.

[48] SALLUSTE, Catilina, 51 ; CICÉRON, Catilina, IV, 4, 7.

[49] CICÉRON, de Rep., IV, 24.

[50] REID, The Academics of Cicero, Introduction, p. 18.

[51] Ad Att., XII, 36.

[52] Ad Att., VII, 37.

[53] SUÉTONE, César, 88. Voir E. KORNEMANN in Klio, vol. I, p. 95.

[54] Nous ne savons pas exactement quand cette préface fut écrite ; mais l'évidence interne plaide fortement en faveur d'une date précoce.

[55] Sir W. M. RAMSAY, cité dans Virgil's Messianic Eclogue, p. 54 (Londres 1907).

[56] Dr J. B. MAYOR, in Virgil's Messianic Eclogue, p. 118 sqq.