LA VIE SOCIALE À ROME AU TEMPS DE CICÉRON

 

CHAPITRE II. — LA POPULATION DE CONDITION INFÉRIEURE.

 

 

La promenade que nous venons de faire ne nous a pas conduits au delà du cœur de la cité, où se trouvaient les bâtiments publics, les temples, les basiliques, dont il est souvent question dans les auteurs latins. Lia plus grande partie de la population occupait les collines qui donnaient sur le Forum, ainsi que le Champ de Mars, le Cælius, l'Esquilin, le Quirinal, les dépressions qui les séparaient, et l'Aventin, au bord du fleuve.

Les plus anciennes fortifications de Rome, ce qu'on nomme le mur de Servius et l'Agger servaient de clôture à un vaste espace, plus vaste, à ce que l'on prétend, qu'aucune des anciennes villes italiennes[1]. Il est probable qu'une grande partie de cet espace resta longtemps vide de maisons et ne servit que d'asile temporaire au bétail des paysans logés hors des murs, quand ils craignaient quelque coup de main. Mais au temps de Cicéron, comme de nos jours, il était couvert d'habitations et, à mesure que le centre de la cité fut occupé par des bâtiments publics érigés sur des terrains achetés à des particuliers, les maisons furent petit à petit repoussées hors des murs, le long des grandes voies. Le fait est attesté pour Rome par une célèbre loi municipale de Jules César[2]. En général, à Rome, les riches habitaient les hauteurs et les pauvres les bas quartiers. Ce n'était pas toujours le cas et il pouvait se trouver des pauvres à l'Aventin, au Cælius et à l'Esquilin.

Le Palatin était certainement un quartier aristocratique ; aux Carines, hauteur qui dominait l'emplacement actuel du Colisée, on comptait un bon nombre de belles résidences, comme celles de Pompée et de Quintus Cicéron et nous savons qu'un personnage fort riche, Atticus, habitait le Quirinal[3]. C'est dans les étroites dépressions qui descendaient des hauteurs vers le Forum, comme la Subura, entre l'Esquilin et le Quirinal, ou l'Argilète, plus bas et plus près du Forum, qu'habitaient les classes ouvrières mentionnées par les écrivains latins. L'Aigilète, par exemple, était connu pour ses libraires et ses cordonniers[4], et la Subura était proprement la rue des boutiquiers. On voyait sans doute, dans tous les quartiers de Rome, sauf dans ceux qui étaient spécialement réservés à l'aristocratie, comme le Palatin, un certain nombre d'énormes cités ouvrières habitées par les classes pauvres.

On peut répartir sommairement la population libre en trois classes, dont les deux premières, une poignée en comparaison de la troisième, formaient ensemble l'aristocratie sociale. Au sommet, la classe dirigeante ou ordre sénatorial ; au-dessous, l'ordre équestre comprenant tous les gens d'affaires, les banquiers, les changeurs, les trafiquants (negotiatores), fermiers des impôts ou soumissionnaires de travaux publics (publicani). Nous verrons plus tard ce qui concerne ces deux classes et leur vie sociale ; nous nous occuperons, pour le moment, de la masse de la population — au moins 320.000 âmes[5] — et des problèmes sociaux que leur existence soulevait et qui devaient ou auraient dû s'imposer à l'attention intelligente d'un homme d'Etat romain au temps de Cicéron.

Par malheur, de même que nous savons peu de chose des quartiers populaires de Rome, nous ignorons presque tout de la population industrielle. Les classes supérieures, y compris les historiens, ne s'y intéressaient pas. Point de philanthrope qui étudiât sa condition pour essayer de l'améliorer ; l'homme d'Etat, au cas où il lui prêtait quelque attention, la regardait comme un élément dangereux ; c'est à peine si, de temps en temps, lors des élections, il la considérait comme composée d'êtres humains ; en temps ordinaire, ce ne sont plus pour lui que des animaux qu'il faut nourrir pour les empêcher de devenir dangereux. Le philosophe stoïcien lui-même, dont la doctrine est de beaucoup la plus humaine de l'époque semble n'avoir tenu aucun compte de la populace ; quoique sa philosophie embrassât théoriquement l'humanité tout entière, il regardait les masses comme dégradées et vicieuses et ne faisait aucun effort pour les arracher à leur misérable condition[6]. Il pouvait arriver au stoïcien de professer une grande tendresse pour l'humanité, comme à Cicéron, par exemple, quand il sortait de quelque lecture émouvante de philosophie stoïcienne et qu'il disait : l'homme est fait pour l'homme, et tous sont tenus de s'entraider ou nous tenons de la Nature une disposition innée à aimer l'homme, ce qui est le fondement de toute loi[7] ; mais quand ses devoirs sociaux ou politiques le mettaient en contact avec les masses, il ne savait plus en parler qu'avec mépris ou dégoût.

Un fait affligeant et significatif, c'est que la littérature ne nous apprend rien de la classe inférieure, sauf la part qu'elle prenait parfois aux émeutes et aux troubles révolutionnaires. Désormais, il sera heureusement impossible au futur historien de ne' tenir compte que des gens bien élevés et des riches, ainsi que de leur manière de vivre ; mais, quand il s'agit de l'histoire du passé et en particulier de l'histoire des trois derniers siècles A. C., nous sommes si mal renseignés que nous avons à lutter contre des difficultés insurmontables ; c'est à peine si, de temps en temps, quelque lueur fugitive nous éclaire sur la condition des masses. Les crimes, l'encombrement, les souffrances causées par la famine ou les épidémies dans les quartiers populaires d'une ville comme Rome, voilà ce que les historiens que nous consultons nous cachent ou nous suggèrent à peine, et encore rarement.

Voici les trois questions auxquelles j'essaierai de répondre : 1° Comment cette population se logeait-elle ? 2° Comment se procurait-elle la nourriture et le vêtement ? 3° Quelles étaient ses occupations ?

 

1° Il était impossible, dans une ville comme Rome, que chaque habitant, marié ou célibataire eût sa demeure particulière. Ce n'est pas même le cas dans la majorité des villes industrielles modernes, quoiqu'en Angleterre on ait l'habitude de voir les artisans, relativement à leur aise, habiter des cottages hors de la ville, à la campagne. A Rome, les riches seuls habitaient des maisons séparées. La masse de la population logeait ou plutôt se contentait de manger et de passer la nuit — les climats méridionaux se prêtant à la vie en plein air — dans de grandes maisons à logements appelées insulæ (îlots), parce qu'elles étaient séparées des autres habitations par des rues qui les entouraient de tous les côtés, comme l'eau entoure une île[8]. Les maisons avaient souvent trois ou quatre étages[9] ; des boutiques tenues peut-être par certains des locataires en occupaient parfois le rez-de-chaussée. Aux étages supérieurs se trouvaient des chambres particulières éclairées par de petites fenêtres donnant sur la rue ou sur une cour intérieure. Le nom ordinaire d'une chambre de cette espèce était cenaculum, salle à manger, emprunté, semble-t-il, au cenaculum des maisons particulières, placée au premier étage quand il y en avait un. Il n'est fait mention qu'une seule fois d'une ædicula dans une insula ; c'était probablement l'équivalent de ce que nous nommons un appartement ; celui dont il est question était occupé par un jeune célibataire de bonne naissance, M. Cælius Rufus, l'ami de Cicéron[10]. Dans ce cas, il s'agit sans doute d'une insula d'espèce supérieure. La cité ouvrière proprement dite était le plus souvent un vrai clapier où les habitants s'entassaient ; ils n'en utilisaient les chambres que pour manger et dormir, et le reste du temps la plupart d'entre eux rôdaient ici et là, flânant ou cherchant quelque occupation, honnête ou non.

Dans de pareilles conditions, ces pauvres gens ne pouvaient avoir aucune idée d'une vie de famille, de cette vie simple, consacrée par la religion, qui fut la base morale de la société romaine[11]. Quand nous lisons les plaintes émouvantes de Cicéron sur la ruine de sa propre maison, après son retour d'exil, et que nous venons à penser à ces foules entassées dans les clapiers de Rome, nous commençons à sentir le contraste entre la richesse et la pauvreté à cette époque-là. Qu'y a-t-il, dit Cicéron, de mieux protégé par un sentiment religieux que la maison du citoyen ? Voici son autel, son foyer, ses dieux Pénates ; voici où il conserve tous les objets de son culte, où il accomplit tous les rites de sa religion : sa maison est un refuge si sacré que personne ne peut l'en arracher de force[12]. Le bon cœur de Cicéron l'entraîne ici, comme c'est souvent le cas, à rêver son rêve ; ce citoyen dont il parle est celui qu'il fréquente ; il n'appartient pas à ces masses dont Cicéron ne se préoccupe pas.

Ces insulæ étaient en général bâties aux frais de capitalistes qui en étaient propriétaires et dont elles portaient souvent le nom. Cicéron, dans une de ses lettres[13], dit qu'il avait des fonds ainsi placés ; nous serions curieux de savoir si les îlots qu'il possédait étaient bien entretenus. Car, dans une autre lettre, il annonce à son homme d'affaires que des boutiques lui appartenant menacent ruine et ne trouvent pas de locataires.

Il est fort probable qu'un grand nombre de ces insulæ étaient mal bâties par des spéculateurs et sujettes à s'effondrer. Le passage suivant de Plutarque, dans la Vie de Crassus, nous le ferait croire, car si Plutarque ne commet pas d'erreur, Crassus ne faisait pas bâtir lui-même, mais louait ou vendait à d'autres des emplacements. Il avait remarqué (au temps de Sylla) les accidents fréquents à Rome, incendies et effondrements de maisons dus à l'encombrement et à la résistance insuffisante des fondations au poids de la bâtisse ; il acheta, en conséquence, des esclaves architectes et constructeurs. Il en réunit plus de cinq cents, puis il fit l'acquisition des maisons incendiées et des immeubles voisins que les propriétaires effrayés consentaient à céder à bon marché. La plus grande partie de Rome tomba ainsi entre ses mains ; mais quoique possédant un si grand nombre d'artisans, il ne bâtit jamais aucune maison, sauf la sienne propre, car il avait coutume de dire que les gens qui aiment à bâtir savent se ruiner tout seuls, sans que leurs ennemis aient besoin de les y aider[14]. Ces effondrements de maisons ou leur destruction par le feu sont des événements fréquents à Rome à cette époque et caractérisent la vie qu'on y menait. Catulle, dans son vingt-troisième poème, et Strabon, dans sa description de Rome, en parlent. Il dut arriver souvent que des familles entières se trouvèrent sans abri[15], et il n'y avait alors ni compagnies d'assurance, ni sociétés de bienfaisance, ni institutions philanthropiques prêtes à secourir les malheureux qui souffraient d'une misère imméritée. Ces pauvres gens étaient toujours endettés et en proie aux usuriers ; la justice ne leur donnait qu'une aide bien précaire contre les extorsions de leurs créanciers. Mais tout cela nous est mal connu ; c'est à peine si, de temps en temps, un faible écho de leurs plaintes, quand ils crient à l'aide, parvient jusqu'à nous.

 

2° En fait de nourriture, et de boisson, les besoins des pauvres étaient fort simples, mais leur grand nombre rendait l'approvisionnement difficile. Les Italiens, ainsi que les Grecs[16], étaient alors, comme de nos jours, presque exclusivement, végétariens ; le gros et le petit bétail ne servait qu'à la production du fromage, du cuir, de la laine ou de victimes pour les sacrifices ; le seul animal dont on usa comme nourriture, jusqu'au moment où le luxe s'introduisit à Rome avec la richesse ; était le porc. Le pauvre se nourrissait presque exclusivement de céréales et de légumes, à la ville comme à la campagne. Dans un des petits poèmes attribués à Virgile, le Moretum, nous trouvons une charmante description de la manière de vivre du petit cultivateur. Il se lève de très bonne heure, se dirige à tâtons vers le foyer et y ranime la flamme en soufflant sur les tisons ; puis il prend dans la huche ce qu'il lui faut de grain pour trois jours, le moud dans un moulin à bras, pétrit la farine avec de l'eau, la façonne en gâteaux ronds sur lesquels il trace une croix qui les divise en quatre parties, et avec l'aide d'une femme, seule esclave à son service, il les fait cuire sous les cendres. Lui, n'a pas, dit le poète, des quartiers de lard fumé suspendus aux solives du toit ; il n'a qu'un fromage ; aussi, pour ajouter quelque chose à son menu, il se rend dans son jardin d'où il rapporte des herbes et des légumes variés, dont il fait une espèce de salade qui donne son nom au poème. Ce joli petit tableau de genre ne nous apprend rien, il est vrai, de la vie dans une insula de Rome ; mais il peut servir à nous montrer en quoi consistait la nourriture d'un Italien en ce temps-là[17]. Il est bon de remarquer l'absence des quartiers de lard fumé ; sans doute le Romain mangeait de la viande quand il pouvait s'en procurer, mais il aurait trouvé pénible l'obligation d'en faire sa nourriture principale. Il arrive plus d'une fois à César de louer l'endurance de ses soldats lorsqu'ils consentent à se contenter de viande quand il était impossible de se procurer du froment[18].

La céréale qui faisait à cette époque le fond de la nourriture des Romains était le froment et une bonne espèce de froment. Aux temps primitifs, ce fut l'épeautre (far), variété moins productive, dont on ne se servait plus, au temps de Cicéron, que pour en faire des galettes offertes aux dieux dans certaines cérémonies religieuses. Le froment ne venait pas d'Italie, ni même du Latium ; ce que chaque communauté italienne en produisait suffisait tout au plus aux besoins des habitants[19]. Il en était de même des propriétés des riches à la campagne et de ces grandes fermes exploitées au moyen de la main-d'œuvre servile, où l'on élevait des moutons.

La plus grande partie de l'Italie est montagneuse et impropre à la culture des céréales ; d'autres causes avaient concouru depuis longtemps à en limiter la production. Les transports à l'intérieur, soit par eau, soit par terre, étaient fort difficiles et un coup d'œil sur la carte suffira pour nous convaincre que l'importation à Rome, par voie de mer, des blés de Sicile, de Sardaigne et de la Province d'Afrique — ancien territoire de Carthage — était rapide et facile, beaucoup plus que ne l'eût été le transport, par voie de terre, des blés de la Gaule Cisalpine ou même de l'Apulie, contrées plus riches en bonnes terres à blé qu'aucune autre dans la Péninsule. Nous ne serons donc pas surpris que, suivant une tradition corroborée par des preuves certaines[20], des blés eussent été importés de Sicile dès 492 A. C., pour remédier à une, famine, et que, à partir du moment où la Sicile, la Sardaigne et l'Afrique étaient devenues Provinces romaines, leur inépuisable fécondité ait nourri la grande ville.

Si nous ne nous bornons pas à lire superficiellement ce qu'on nous dit de la vie urbaine à cette époque, nous comprendrons aisément que l'Etat avait dû assumer la tâche de nourrir la population romaine et cela à bon marché. Rien n'est plus difficile pour le lecteur ordinaire de l'histoire ancienne que de se représenter combien il était malaisé d'approvisionner de grandes masses d'êtres humains, qu'ils fussent entassés dans les villes ou qu'ils servissent en campagne. A notre époque, les moyens de transport se mettent et se maintiennent si facilement en mouvement qu'une guerre avec une grande puissance maritime serait seule capable de nous convaincre que l'ennemi pourrait fort bien, en certaines circonstances malheureuses, affamer Londres ou Glasgow. N'ayant jamais eu l'occasion d'étudier en détail les moyens d'approvisionner une grande ville, nous ne nous rendons pas compte au premier abord que la difficulté en fut assez grande à Rome pour nécessiter l'intervention de l'Etat. Pour le comprendre, il ne faut pas oublier que chaque adulte consommait journellement environ un kilo et demi de blé par jour ; si nous évaluons la population de Rome au temps de Cicéron à cinq cent mille âmes, il en résulte que la consommation journalière s'élevait à sept cent cinquante mille kilos[21]. J'ai déjà dit qu'aux trois derniers siècles A. C. on voit une tendance générale de la population campagnarde à émigrer dans les villes ; nous savons même maintenant que beaucoup de villes, outre Rome, souffraient du même mal et y appliquaient le même remède, à savoir l'importation par l'État de blé à bon marché[22]. Des petites villes, par exemple Dyrrhachium et Appollonia en Épire, eurent souvent recours à des importations de céréales[23]. César nous le prouve quand il insiste sur la difficulté qu'il eut à y nourrir son armée.

Rappelons-nous que si quelques-unes des plus grandes villes situées sur les côtes de la Méditerranée comme Alexandrie et Antioche, étaient placées dans le voisinage immédiat de riches pays producteurs de blé, tel n'était pas le cas de Rome. Il fallait donc y organiser le service des approvisionnements sur une base solide, ou se débarrasser des habitants pauvres qui avaient essaimé dans ses murs ; ou bien il n'y avait plus qu'à les laisser mourir de faim, sans autre alternative. Impossible de les expédier à la campagne : ils ignoraient l'agriculture et ils avaient perdu l'habitude du travail manuel qu'ils méprisaient.

Depuis que Rome s'était agrandie, les édiles plébéiens eurent pour principale fonction de veiller à l'approvisionnement de la population ; en cas de disette ou d'autres circonstances difficiles, ces magistrats étaient chargés de prendre des mesures spéciales pour se procurer des céréales. La population ne cessant de croître depuis la seconde guerre punique et après la conquête de deux provinces' productrices de blé, auxquelles s'ajouta l'Afrique en 146 A. C., on dut naturellement en étudier avec attention les ressources ; les gouverneurs provinciaux furent chargés de mettre ces provinces en mesure de fournir la quantité de blé nécessaire, et cela à bas prix[24]. En 123 A. C., C. Gracchus prit la chose en main et lui fit sa place dans ses vastes plans politiques. La conduite à tenir avec la plèbe urbaine était un des problèmes les plus embarrassants qui se posassent à tout homme d'Etat. Abandonner le peuple à la famine ou seulement la lui laisser craindre était extrêmement dangereux, comme les hommes d'Etat ne l'apprirent que trop bien au cours des deux siècles suivants. Les édiles étaient, croyons-nous, tout à fait au-dessous de leur tâche ; aussi les gouverneurs provinciaux prirent parfois sur eux, après la victoire, d'importer d'énormes quantités de blé qu'ils distribuèrent gratis, pour leur avantage personnel, ce qui eut de fâcheuses conséquences économiques et morales. Gracchus sut comprendre qu'il fallait organiser à fond un système d'approvisionnement, y compris la production, le transport, l'emmagasinage et les ressources financières indispensables, et il se mit à l'œuvre avec un enthousiasme pour son pénible travail tel qu'on n'en avait jamais vu de pareil. Il croyait que, si l'on parvenait à nourrir le peuple régulièrement et économiquement, il cesserait d'être un voisin gênant[25]. Nous ne connaissons pas les détails de son organisation, sauf sur mi point, le prix de vente du blé : il fut fixé à six as un tiers le modius, soit à la moitié au plus du prix courant, autant que nous pouvons en juger. Gracchus croyait-il que le prix de revient pourrait descendre à ce niveau grâce à la régularité de la demande et des transports ? Nous l'ignorons. Il est probable, en tout cas, qu'il avait étudié à fond toutes les données du problème[26]. Il se trompa sans doute dans ses calculs, et le résultat de la loi qui devait assurer la réalisation de ses plans fut une perte annuelle pour le trésor, si bien qu'après lui et jusqu'à l'abolition de la loi par Sylla, le peuple fut abondamment nourri aux frais de l'État et tomba dans un demi-paupérisme dangereux pour sa moralité.

L'une des conséquences les plus fâcheuses fut que des politiciens irréfléchis s'empressèrent de saisir l'occasion d'abaisser encore le prix du blé, comme le fit Saturninus en 100 A. C., par manœuvre politique. Pour prévenir les manœuvres de ce genre, Sylla abolit entièrement le système des Gracques ; en 73 A. C. on le rétablit, et en 58 le démagogue Clodius institua la gratuité des distributions. Enfin, en 46 A. C., César constata que trois cent vingt mille personnes au moins recevaient gratis leur blé de l'Etat ; une de ses lois, qui nous est parvenue en partie, réduisit à cent cinquante mille le nombre des assistés et il réussit, grâce à des règlements sévères, dont nous connaissons quelques articles[27], à en empêcher l'accroissement. Quant à la politique d'Auguste et de ses successeurs en matière d'annone, nous n'avons pas à nous en occuper ici. Mais il est bon de noter que la plèbe urbaine, à partir du début de l'Empire, perdit toute influence politique et qu'il fut loisible de la traiter en enfant gâté dont on n'a rien à craindre, à condition de lui procurer une existence confortable et des divertissements. C'est l'attitude qu'Auguste se vit contraint d'adopter envers le peuple ; il le pouvait, car il avait parfaitement réorganisé les finances publiques et possédait les moyens de faire face à la dépense. Mais, au temps de Cicéron, le peuple jouissait de ses pouvoirs législatifs et électoraux ; les finances étaient désorganisées ; la question des approvisionnements devint une question politique[28] et les politiciens y trouvèrent une arme, au grand détriment du Trésor et de l'état moral du peuple. Toute l'histoire, à partir de Gracchus, est une salutaire leçon sur les méfaits des secours à domicile sous quelque forme que ce soit, si l'on n'a pas établi un système d'enquête pour chaque cas en particulier. Les intentions de Gracchus étaient borines et honnêtes, mais : si tu dévies une seule fois du droit chemin, tu courras à l'abîmeubi semel recto decratum est in præceps pervenitur.

La boisson habituelle du Romain était l'eau pure, mais il y mêlait du vin quand il avait la chance de s'en procurer. Par bonheur, il ne disposait d'aucune autre boisson fermentée ; la littérature latine ne mentionne ni bière ni spiritueux. Le sol de l'Italie se prêtait à la culture de la vigne et quoique, jusqu'au dernier siècle de la République, les vins fins fussent importés surtout de Grèce, nous avons la preuve incontestable qu'on faisait du vin dans les environs de Rome dès le début de l'histoire romaine. Nous trouvons dans le plus ancien calendrier[29] religieux la mention de deux fêtes nommées Vinalies (Vinalia), l'une en avril et l'autre en août ; nous ne savons pas au juste quelle en était la relation avec les divers travaux de la viticulture ; en revanche, nous savons que ces travaux étaient placés sous la protection de Jupiter et que son prêtre, le Flamen dialis, lui offrait les prémices de la vendange. On produisait en abondance un vin grossier, mais très bon marché en général. En 250 A. C., année très féconde en plus d'un genre de produits, le vin se vendit un as le congius, soit cinq litres et demi[30]. Au début de l'empire, Columelle (III, 3, 10) évalue l'amphore (vingt-six litres) à quinze sesterces, soit environ à quatre-vingts centimes. Une anecdote racontée par Suétone semble prouver que le citoyen le moins fortuné entendait bien améliorer son eau en y mêlant du vin. L'auteur nous dit que le peuple se plaignant à Auguste de la cherté du vin, l'Empereur répondit qu'Agrippa venait précisément de lui assurer de l'eau excellente et abondante[31]. Il paraît qu'il réclamait au gouvernement le vin comme le pain gratis ou à très bas prix ; mais c'en était trop, même pour Auguste.

Le Romain ne payait pas son eau ; il est à peine besoin de le dire. En somme, au temps dont il s'agit, au temps de Cicéron, il n'en manquait pas. Mais, en cette matière, comme en plusieurs autres, nous constatons l'habileté de l'administration urbaine sous le principat d'Auguste. C'est alors surtout que le gouvernement fournit au peuple de l'eau en grande abondance et lui en assura pour l'avenir par un excellent système de gestion. Nous devons à Frontin, dans son traité de Aquæductibus, presque tout ce que nous savons de l'administration des eaux à Rome. Il nous dit que, pendant quatre cent quarante et un ans depuis la fondation de Rome, les Romains durent se contenter de l'eau qu'ils allaient puiser au Tibre, ou à des puits, ou à des sources naturelles. Il ajoute que quelques-unes étaient encore révérées en son temps, à cause de leurs vertus curatives[32].

Cicéron, avec sa façon de tout idéaliser, nous a décrit Rome comme un lieu abondant en sources ; or, nous savons qu'on y en comptait vingt-trois. Dès 312 A. C., il devint urgent d'aller chercher ailleurs de l'eau plus pure et d'un débit plus régulier. A plus de six milles de Rome (environ sept kilomètres), on trouva, sur la voie Collatine, des sources qu'on capta ; elles ont été récemment découvertes de nouveau au pied de carrières de pierres. De là l'eau fut amenée à Rome par des conduits souterrains le long de la voie susdite, puis à travers la ville jusqu'au pied de l'Aventin, le quartier populaire. C'était l'Aqua Appia, ainsi nommée en l'honneur du consul célèbre Apprus Claudius Cæcus, qui se montra toujours, comme Mommsen l'a prouvé, l'ami du peuple romain[33]. Quarante ans après, un autre consul, Marius Curius Dentatus, en amena, aussi par un conduit souterrain, une nouvelle provision, puisée à l'Anio, près de Tivoli (Tibur) ; cette eau, qui ne fut jamais de première qualité, servit à l'irrigation des jardins et au nettoyage des égouts. En 144, on s'aperçut que les deux vieux aqueducs étaient en mauvais état et insuffisants ; cette fois un préteur, Quintus Marcius Rex, fut chargé, probablement grâce à des influences de famille, de réparer les aqueducs et de procurer à la ville le supplément d'eau nécessaire. Il alla chercher des sources beaucoup plus loin que ses prédécesseurs et capta, dans les Monts Sabins, en arrière de Tibur, à trente-six milles de Rome (cinquante-huit kilomètres environ), des eaux abondantes, pures et fraîches, qui ont joui, en tout temps, de la meilleure réputation. Durant les six derniers milles du trajet, elles coulaient dans un canal aérien soutenu par des arcades[34]. On construisit un nouvel aqueduc en 125 A. C., l'Aqua Tepula, ainsi nommée parce qu'elle était exceptionnellement chaude. Enfin, on évalue à sept cent mille mètres cubes la quantité d'eau dont les Romains pouvaient disposer au dernier siècle de la République, ce qui est amplement suffisant pour une population d'un demi-million d'âmes. De nos jours, pour une population de quatre cent cinquante mille personnes, Rome n'en a que trois cent soixante-dix-neuf mille mètres cubes[35]. Les bains publics et privés devenaient à la mode. L'eau potable était recueillie dans de grands châteaux-d'eau (castella) ou réservoirs et de là répartie entre les diverses fontaines publiques dont l'une existe encore — les Trofei di Mario — sur la place Victor-Emmanuel, à l'Esquilin[36]. Quand l'approvisionnement de la ville fut jugé suffisant, on autorisa les propriétaires d'insulæ à avoir chez eux des prises d'eau particulières, comme cela se fait dans nos villes modernes. On ne sait pas exactement quand cette autorisation fut accordée pour la première fois.

 

3° Revenons maintenant au Romain de la plèbe. Nous avons vu qu'il avait à sa disposition toutes les choses indispensables à l'existence ; cherchons maintenant à quoi il s'occupait, comment il gagnait sa vie. Il est fort malaisé de s'en rendre compte ; ce menu peuple — nous l'avons vu — n'intéressait pas ses concitoyens des classes supérieures ; c'est à peine si la littérature du temps nous parle de lui. Ce n'est pas là seulement un manque de toute philanthropie chez les supérieurs, c'est un mépris héréditaire pour la petite industrie et le commerce de détail, qui a contribué à nous cacher ce qui concerne les gens de métier ; nous disons un mépris héréditaire, car il provenait d'un régime social plus ancien où le citoyen n'avait aucun besoin de recourir aux services de l'artisan ou du petit marchand. Il trouvait dans sa propre famille, y compris les esclaves, de quoi suppléer à tout ce qui lui manquait et sa ferme produisait les matières premières de son vêtement et de sa nourriture. Le sentiment dont nous parlons fut d'autant plus vivace que l'abondance des esclaves, au dernier siècle de la République, permettait au capitaliste de se passer de plus en plus de l'artisan ou du marchand.

Plus d'un passage de Cicéron témoigne, d'une manière frappante, de ce mépris pour l'artisan et le commerçant. L'un d'eux, dans le de Officiis, est une paraphrase probablement du grec de Panætius, le philosophe qui le premier fit connaître le stoïcisme aux Romains en le modifiant pour le mieux adapter à leur caractère. Mais il est clair que Cicéron prend à son compte la manière de voir de Panætius. Tous les gains, dit-il, faits par des travailleurs à gages sont déshonorants et vils. Car ce que nous leur achetons c'est leur travail et non leur habileté artistique ; pour eux, le gain lui-même ne fait qu'ajouter au caractère servile de leur œuvre. Tout commerce de détail peut être classé dans la même catégorie : le marchand ne peut faire de profits qu'en mentant abondamment et rien n'est plus honteux que de surfaire les prix. Je le répète, le gain de tout artisan (opifex) est vil ; rien d'honorable ne peut se trouver dans une boutique[37].

Si l'on croyait devoir attribuer à la seule influence des Grecs ce mépris pour les occupations de l'artisan et du détaillant, je prierais le lecteur de se reporter au passage où Tite-Live[38], lui un vrai gentleman, insiste sur la basse extraction de Terentius Varro, le consul qui commandait à Cannes. Son langage est le même que celui de Cicéron. Son origine, dit-il, était non seulement humble, mais vile. Il était fils d'un boucher qui détaillait lui-même sa viande et qui employait son fils à ce travail servile. Le fait peut être controuvé ; il n'est même pas très probable, mais la manière dont Tite Live en parle nous donne une idée exacte de ce mépris héréditaire des hautes classes pour le commerce de détail.

Et cependant ces humbles travailleurs existèrent à Rome et y gagnèrent leur vie dès le début de la société urbaine, autant du moins que nous pouvons le conjecturer. Ils sont partout le produit inévitable de l'accroissement de la population et de la division du travail qui en résulte. Le passage suivant d'un ouvrage sur l'organisation industrielle de l'Angleterre nous dit exactement comment les choses ont dû se passer dans la Rome primitive[39]. La ville devint un centre où les habitants des villages voisins purent troquer leurs denrées avantageusement. Le commerce fut ainsi peu à peu une occupation stable et prépara la voie aux métiers manuels en fournissant le capital nécessaire à l'entretien des artisans et en créant un marché régulier pour l'écoulement des produits de leur travail. De nombreuses corporations d'artisans, bouchers, tisserands, tailleurs, boulangers, purent ainsi se procurer des moyens d'existence ; chacun des métiers eut pour tâche de répondre aux divers besoins auxquels la famille villageoise avait tenté sans succès de satisfaire par son travail individuel.

Dans la Rome primitive, comme dans l'Europe du moyen âge, les mêmes conditions produisirent les mêmes effets ; les artisans de la ville s'organisèrent donc en corporations, non seulement pour protéger leur commerce, mais par suite d'un instinct naturel d'association et, à l'exemple des groupes plus anciens de la gens et de la famille, ils pourvurent leurs guilds d'un centre religieux et d'une divinité patronale. L'institution de ces corporations (collegia) d'artisans fut attribuée, comme tant d'autres institutions religieuses, à Numa. Elles comprirent des tisserands, des foulons, des teinturiers, des cordonniers, des médecins, des maîtres d'école, des peintres, etc.[40] ; elles étaient placées avant tout sous la protection de Minerve, en qualité de déesse du travail manuel. Quand Minerve vint à Rome d'Etrurie, la société qui fut témoin de son arrivée ne se doutait guère que l'idée des Trade Unions trouvait sa première réalisation dans le temple de la déesse à l'Aventin[41]. Nous ignorons le sort de ces corporations d'artisans (collegia opificum) jusqu'au moment où elles reparaissent, au temps de Cicéron, sous la forme de clubs politiques (collegia sodalicia[42]) dont les membres appartenaient alors comme auparavant aux couches inférieures de la population. .L'histoire et les causes de leur métamorphose et de leur disparition nous sont inconnues, mais ce n'est pas s'aventurer beaucoup que de trouver la principale de ces causes dans le bouleversement économique qui suivit la première guerre punique : importation d'un nombre énorme d'esclaves ; retour, qui en fut la conséquence, à l'ancien système d'indépendance économique dans les grandes familles ; abandon des pratiques religieuses qui modifia de cent façons la vie publique et la vie privée ; force sans cesse croissante de cet individualisme qui caractérise les différentes époques de la vie urbaine, surtout aux trois derniers siècles A. C. Il est bon de noter qu'au moment où ces anciennes corporations reparaissent dans l'histoire sous la forme de clubs dont l'ambition politique pouvait utiliser les services, une source nouvelle de profits — ceux-là vraiment honteux — s'ouvrit à la plèbe urbaine : on put faire argent de son vote à l'élection des magistrats. A cette époque de décadence, l'accumulation dans quelques mains de capitaux énormes facilita l'achat du pouvoir, en dépit de tentatives répétées pour remédier au mal par la législation. L'ancien principe d'association, si respectable en lui-même, permit au peuple de se procurer des ressources en élisant des hommes sans scrupules et sans compétence pour leur confier le gouvernement de l'Empire.

Tous les citoyens cependant ne recouraient pas à ces moyens illégaux de gagner leur vie ; beaucoup certainement s'occupaient à des travaux honnêtes et utiles. Il ne faudrait pas se hâter de conclure que tout dans la ville se fît par des esclaves, privant ainsi de profits honnêtes le citoyen de condition libre. L'Etat employait bien un certain nombre d'esclaves, mais, en somme, la plus grande partie de la population servile était occupée dans les maisons et dans les domaines des riches et ne gênait pas le modeste travailleur. Comme Salviati[43] l'a remarqué avec raison, jamais, à aucune période de l'histoire, le prolétariat romain ne s'est plaint d'une concurrence de la main-d'œuvre servile dangereuse pour ses intérêts. Sans la main-d'œuvre servile, le citoyen de basse condition eût pu sans doute étendre le champ de ses entreprises et accumuler quelque capital en se chargeant, pour le compte des grandes familles, de certains travaux que celles-ci confiaient d'ordinaire à leurs esclaves. Mais le peuple ne s'en doutait pas et l'on vit le travail gratuit et le travail rémunéré subsister côte à côte sans rivalité. L'esclavage contribua certainement à favoriser la paresse, comme ce fut le cas en Amérique dans les Etats du Sud avant la guerre de Sécession[44] ; sans doute la ville regorgeait de fainéants, prêts au vol, au meurtre et disposés à se vendre pour aller grossir les bandes armées d'un énergumène politique comme Clodius ; mais les besoins de la vie ordinaire, pour ceux qui n'avaient pas d'esclaves, procuraient du travail, on peut en être sûr, à un grand nombre de commerçants, d'artisans et à d'autres travailleurs moins spécialistes.

Aussi nous pouvons nous demander, pour commencer, comment le blé vendu à bon marché par l'État était transformé en pain à l'usage du petit consommateur. Pline nous a laissé sur cette question un renseignement précieux que nous pouvons admettre comme digne de foi, du moins en gros. Il affirme que, avant 171 A.C.[45], il n'y eut pas de boulangers à Rome. Les Quirites, dit-il, faisaient eux-mêmes leur pain ; c'était l'affaire des femmes, comme c'est encore le cas chez beaucoup de peuples. L'accroissement de la population urbaine d'ordre inférieur, le retour des vieux soldats, peut-être en majorité célibataires, l'affranchissement d'esclaves dont beaucoup n'avaient pas l'expérience de la vie domestique ni de ses conditions, expliqueraient l'augmentation de la demande à laquelle un commerce nouveau dut répondre. Nous pouvons aussi croire cette demande en relation avec le développement du système des insulæ, ces grandes cités ouvrières où il devait être incommode de moudre son grain ou de cuire son pain. Les boulangers, nommés pistores, d'après l'ancienne coutume de piler (pinsere) le grain dans un mortier, ne tardèrent pas à devenir une classe plébéienne importante et prospère, sans pour cela jouir d'une grande considération ; quelques-uns surent probablement mettre à profit les distributions de blé pour s'élever au-dessus du petit commerçant, comme ce pistor redemptor (boulanger soumissionnaire), Marcus Vergilius Eurysaces, dont le tombeau se voit encore à Rome[46]. Il faut noter que le commerce de la boulangerie comprenait la meunerie ; il n'y avait pas de meuniers à Rome. Les nombreuses boutiques de boulangers que l'on a exhumées à Pompéi en sont la preuve irréfutable[47]. Dans l'une d'elles, par exemple, on voit encore, dans une grande pièce derrière la maison, les quatre moulins et, à côté, l'écurie des ânes qu'on employait à les faire tourner ; plus loin, le pétrin, le four et le magasin. Les petits boulangers devaient se contenter de moulins à bras comme celui où nous avons vu le paysan du Moretum moudre son grain, mais dès les temps anciens, l'âne prit part aux travaux de la meunerie, comme le prouve la coutume de décorer les ânes de guirlandes et de gâteaux à la fête de Vesta, patronne des boulangers[48].

Le commerce de la boulangerie devait fournir du travail à un grand nombre de personnes. Il en était de même de la vente des légumes qui venaient à Rome de jardins cultivés hors des murs et qui faisaient, avec le blé, le fond de la nourriture des basses classes. Nous avons vu dans le Moretum, le paysan ajouter à son pain une salade de légumes, et le lecteur du poème a peut-être été surpris du nombre de végétaux qu'il y met, y compris les herbes aromatiques. Les Anciens se rendaient parfaitement compte de la salubrité, pour les habitants d'un pays chaud, d'un régime de fruits et de légumes ; ils en appréciaient les vertus, et les renseignements très nombreux que nous avons sur ce sujet nous viennent de médecins comme Galien ou de l'Histoire naturelle de Pline et d'ouvrages sur l'agriculture. Les noms de quelques familles romaines, comme les Fabiens et les Cæpions, nous reportent à un temps où les fèves et les oignons, qu'on dédaigna plus tard, entraient encore pour une grande part dans l'alimentation du peuple romain. La liste des légumes servant à la consommation remplit une page de l'ouvrage où Marquardt traite ce sujet intéressant et comprend les noms de la plupart de ceux que nous consommons de nos jours[49]. Le mépris pour ce régime végétarien rie commença qu'à partir du moment où l'usage de la viande et du gibier se répandit en même temps que l'augmentation des capitaux et le luxe qui en fut une conséquence[50]. Cela provint aussi des vicissitudes économiques qui suivirent les guerres d'Annibal. On peut admettre en tout cas que les Romains de basse condition consommaient une grande quantité de fruits et de légumes et procurèrent, par suite, du travail à bon nombre de maraîchers et de petits détaillants. Le Romain ne mangeait pas de poisson ; ce mets, comme la viande, était trop coûteux pour lui ; en fait, l'habitude de manger du poisson n'apparaît qu'à la fin de la période républicaine et encore était-ce un luxe que les propriétaires en état d'entretenir des viviers dans leurs domaines pouvaient seuls se permettre. Nous ne savons pas à quel point l'usage d'autres mets de luxe contribua à fournir du travail à des hommes de condition libre ; peut-être ne faut-il faire entrer en ligne de compte que quelques denrées, comme l'huile et le vin, quoique les citoyens besogneux ne pussent pas toujours s'en procurer. Il y avait à Rome un grand nombre de petits cabarets où l'on en vendait ; nous trouvons une description pittoresque d'un de ces cabarets (caupona) dans un des petits poèmes attribués à Virgile et intitulé Copa, c'est-à-dire l'hôtesse ; peut-être ce mot désigne-t-il ici la femme qui dansait et chantait devant les buveurs. Elle fait son métier dans une taverne enfumée (funiosa taberna) que le petit poème décrit en détail et d'une façon charmante[51].

Comment les choses se passaient-elles pour le vêtement et comment la nécessité d'en fournir aux habitants de Rome donnait-elle du travail au petit boutiquier de condition libre ? C'est ce qu'il nous reste à examiner.

Primitivement, les Romains portaient des vêtements de laine ; le vêtement supérieur, la toge, et le vêtement intérieur, la tunique, étaient de laine. Les régions montagneuses de l'Italie avaient des pâturages de bonne qualité et d'accès facile aux moutons. Plus tard, quand le commerce se développa, on eut recours à d'autres matières que la laine : le lin, le coton, la soie servirent à faire des vêtements, la plupart du temps, confectionnés par les esclaves des grandes familles. Il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Même sous l'Empire, les femmes des familles aristocratiques, au moins dans les maisons les mieux administrées, se chargeaient de la préparation de la laine ; la mère de famille elle-même — la mater familias — y prenait part et, dans plus d'une inscription, nous trouvons le travail de la laine (lanificium) mentionné comme -une occupation honorable pour une matrone romaine[52]. Mais il en fut du vêtement comme de la nourriture. Il devint bientôt impossible aux citoyens pauvres de fabriquer chez eux tout ce qui leur était nécessaire ; la preuve en est que des corporations de foulons[53] sont déjà au nombre de celles dont la tradition attribuait la fondation à Numa. Le foulage est l'opération que l'on fait subir au drap par un nettoyage à l'eau après que le tissu est sorti du métier ; mais aux derniers temps de la République, l'industrie du foulon comprenait aussi, suivant toute probabilité, le tissage proprement dit pour le compte de ceux qui ne pouvaient pas le faire eux-mêmes. Le foulon se chargeait aussi du dégraissage des vêtements déjà portés, et cela devait être une partie importante de ses fonctions, dans un climat chaud où d'épais vêtements de laine sont sujets à se salir vite et à devenir malsains par la suite. Le savon resta inconnu à Rome jusqu'au premier siècle de l'Empire ; le dégraissage devait donc être une opération longue et compliquée. Les détails nous en sont connus par les peintures qui ornent les murs des ateliers de foulons à Pompéi. Les vêtements de laine étaient simplement blanchis, non pas teints. Quoique Plutarque mentionne les teinturiers, il est probable que, par le mot grec βαψεΐς, il entend surtout les foulons.

Nous sommes moins bien renseignés sur la mégisserie. Au début, elle a dû, comme le travail de la laine, se faire à la maison, mais dès le temps de Plaute[54], nous la trouvons mentionnée comme industrie organisée. En revanche, celle de la cordonnerie exista dès les temps les plus reculés, probablement parce que ce métier exige de l'expérience et une certaine habileté technique ; il est, dans les sociétés primitives, l'un des résultats les plus naturels de la division du travail. La corporation des cordonniers comptait parmi les plus anciennes, son centre était la Halle aux Cordonniers (Atrium Sutorium[55]) où chaque cordonnier avait son échoppe ou sa boutique. On portait à Rome des chaussures différentes, suivant le sexe, la condition sociale ou les occupations : les deux espèces les plus usitées étaient la bottine (calceus), chaussure de ville accompagnant la toge et signe distinctif du citoyen romain, et le brodequin (pero), d'usage plus commode à la campagne.

Au nombre des antiques corporations on peut placer aussi celle des forgerons (fabri ferrarii) et celle des potiers (figuli) ; mais nous n'y insisterons pas, ces artisans étant moins nombreux que les marchands de denrées alimentaires et de vêtements. La matière brute venait d'assez loin, au moins à une époque récente. Il semble que les Romains tirèrent leur minerai de fer de l'île d'Elbe, d'Espagne, de Gaule et d'autres provinces[56] et importèrent la poterie de tout genre, mais surtout celle de qualité supérieure, provenant de diverses régions. Quant à la poterie commune, telle que les dolia, grands vases où l'on conservait le vin et l'huile, elle se fabriquait à Rome, au second siècle A. C. Caton, dans son traité d'Agriculture[57], remarque qu'il est avantageux de l'acheter dans cette ville. Le métier du forgeron et celui du potier exigent un certain capital ; on peut se demander s'ils étaient, en général, à la portée de la population de condition libre. Nous savons qu'au temps du premier Empire, la fabrication de la poterie, des tuiles, des briques, etc., était aux mains de capitalistes, d'hommes de haute naissance et même d'empereurs. Sans aucun doute, ces personnages avaient recours surtout à la main-d'œuvre servile[58].

Les industries de ce genre nous en rappellent d'autres qui pouvaient procurer des ressources aux basses classes de Rome ou d'Ostie. L'importation des matières brutes et des marchandises de toute sorte qui devint de plus en plus importante pendant tout le cours de l'histoire romaine nécessitait l'emploi d'une foule de porteurs, de rouliers et de débardeurs ; ils trouvaient du travail, soit à Ostie où les navires les plus lourds étaient déchargés ou allégés d'une partie de la cargaison pour faciliter la remonte du Tibre[59], soit sur les quais mêmes de Rome, au pied de l'Aventin. En outre, il faut se souvenir qu'à l'intérieur de la ville, presque tous les transports se faisaient forcément à bras d'homme ou à dos de mules et d'ânes. Les rues étaient si étroites que, pour nous en représenter l'aspect, il faut chasser de notre souvenir cette foule de véhicules qui encombrent les voies d'une ville moderne. Jules César, dans ses règlements sur l'administration de Rome, interdit la circulation des voitures de roulage durant le jour[60]. En supposant même qu'une grande partie des transports se fît par des esclaves au service de leurs maîtres, on peut admettre que la main-d'œuvre libre y trouva aussi son emploi, comme ce fut le cas à Ostie et certainement à Pompéi, où les portefaix (saccarii) et les muletiers formèrent des corporations d'hommes dé condition libre, qui ont laissé sur les murs des inscriptions (graffiti) pour recommander aux électeurs leurs candidats préférés[61].

Nous pouvons donc affirmer, pour conclure, que les citoyens pauvres trouvaient à Rome beaucoup d'occupations tout à fait indépendantes de la main-d'œuvre servile. Mais avant de clore ce chapitre, signalons les conditions précaires auxquelles la main-d'œuvre libre était soumise à Rome, en comparaison de ce qui se passe de nos jours dans nos villes industrielles. Il est malheureusement trop certain que les industries manufacturières, avec le surmenage, les longues heures d'un travail monotone, l'atmosphère malsaine des ateliers, sont la cause de beaucoup de misère et d'une fréquente dégénérescence physique ; et nous passons sous silence l'obsédant problème du chômage. Mais à Rome la condition de l'artisan libre était bien pire que chez nous : il était exposé à une ruine irrémédiable plus souvent que notre salarié moderne.

Remarquons, en premier lieu, que les marchés, alors comme maintenant, plus peut-être même alors que maintenant, étaient exposés à de fréquentes fluctuations. L'approvisionnement en denrées alimentaires et en matières premières était plus précaire, vu la grande difficulté des transports. Le marasme des affaires, bien des événements imprévus aussi, pouvaient forcer le commerçant, à court de capital ou dépourvu de capital, à contracter des emprunts ; cela ne lui était possible qu'en donnant en gage ses marchandises ou même sa propre personne, ce que la loi romaine autorisait à cette époque. Les prêteurs abondaient, le taux de l'intérêt étant élevé, et quiconque tombait entre leurs mains courait à la ruine. De nos jours, quand un commerçant fait faillite, il peut recourir aux dispositions miséricordieuses de notre loi sur la faillite, qui dorme au débiteur bien des moyens de composer avec ses .créanciers et de reprendre ses affaires sur de nouvelles bases. Ou bien encore, s'il n'a contracté qu'une seule dette, il n'a qu'à s'adresser au tribunal du comté, qui lui accorde toutes les facilités nécessaires pour s'acquitter dans un délai raisonnable. Cette procédure, dont la plus grande partie, à la honte de la civilisation moderne, est toute récente, n'existait pas à Rome. Les seuls magistrats chargés d'administrer la loi civile étaient les préteurs ; quoique, depuis les réformes de Sylla, leur nombre eût été porté à six, on peut aisément se figurer quelles difficultés un débiteur pauvre devait rencontrer avant de pouvoir faire examiner son affaire. Il est probable que, dans la plupart des cas, il se trouvait à la merci de son créancier ; celui-ci avait le droit de s'emparer de ses biens ; sans l'intervention de la justice, de le réduire au dénuement ou même à la condition d'esclave. S'il préférait se montrer miséricordieux, il obtenait du préteur une missio in bona, c'est-à-dire un envoi en possession pour tous les biens de son débiteur, mais en renonçant à tout droit sur la personne de celui-ci. Une législation plus humaine se fit attendre, remarquons-le, jusqu'au temps d'Auguste. Il n'est donc pas surprenant que trois fois au moins, durant le dernier siècle A. C., la clameur publique ait exigé l'abolition des dettes ; en 88 A. C., après la Guerre sociale ; en 63, sous le consulat de Cicéron, quand Catilina et ses complices ourdirent leur complot de révolution sociale et politique, et, enfin, en 48, quand la guerre civile eut profondément modifié la condition sociale de l'Italie, alors que César eut tant de peine à empêcher des agitateurs brouillons d'appliquer à la maladie dont l'État souffrait des remèdes aussi absurdes que violents.

En second lieu, n'oublions pas que, dans nos grandes villes, la personne et les biens de tous les citoyens sont efficacement protégés par une police fortement organisée -et par des tribunaux de première instance qui, en Angleterre du moins, siègent chaque jour. L'attaque à main armée, le meurtre, le vol, le cambriolage y sont des faits exceptionnels. Ce serait peut-être une exagération de dire qu'à Rome ils furent la règle, mais il est de fait que rien n'y avait été organisé, du moins pour ce que l'on pourrait nommer les bouges de Rome. Si cette organisation manquait, c'est qu'on pouvait encore se réclamer de l'ancienne législation qui donnait au père le droit de vie et de mort sur ses enfants, au maître sur ses esclaves et à la victime d'une agression celui de tuer l'agresseur ou le voleur, si celui-ci était pris sur le fait. Cette justice sommaire pouvait à la rigueur suffire dans une petite ville et dans un état social rudimentaire, mais elle ne suffisait plus à protéger la vie et les biens des habitants d'une ville très peuplée comme la Rome du dernier siècle A. C. Depuis le temps de Sylla, il y avait des tribunaux connaissant spécialement des voies de fait (de vi) et, de tout temps, les consuls, assistés de leurs assesseurs, avaient été chargés d'assurer la paix publique ; mais on se demande si, au temps de Cicéron, le Romain pauvre était en mesure d'invoquer utilement le pouvoir (imperium) consulaire ou la protection des tribunaux institués par Sylla. Le maître veillait sur ses esclaves ; il était responsable en cas de vol commis par l'un d'eux. En revanche, il avait droit à un dédommagement si on lui tuait ou si on blessait un de ces malheureux. Mais il reste au moins très douteux que, sous un gouvernement faible et vénal, comme celui de l'époque, la personne et les biens des citoyens de condition inférieure aient pu compter sur la protection efficace des magistrats, même à l'intérieur de la ville.

La même anarchie sévissait dans l'Italie entière, depuis les faubourgs de Rome infestés de brigands jusqu'aux immenses fermes à moutons des grands capitalistes. Là, des esclaves marrons capturaient le voyageur sans défense et le faisaient disparaître sans retour. Le grand mérite d'Auguste n'est pas seulement d'avoir fait de Rome une ville de marbre, mais aussi une ville où les biens et la personne de tous les citoyens étaient en par faite sûreté. Grâce à une loi nouvelle et judicieuse en matière de faillite, grâce à une police bien organisée, il rendit la vie supportable même au plus pauvre des habitants. S'il fut l'initiateur d'une politique qui finit par corrompre et par pervertir la population romaine, s'il ne sut pas encourager l'industrie libre avec autant de persévérance qu'il l'aurait pu, croyons-nous, il faut l'en excuser, du moins en partie, car il connaissait mieux que nous les conditions et les difficultés du problème.

 

 

 



[1] BELOCH, Bevölkerung, p. 382.

[2] C. I. L., I, 206 et DUSSAU, I. L. S., II, 1, p. 493.

[3] CICÉRON, ad. Q. Fratr., III, I, 14 ; SUÉTONE, de grammaticis, 15 ; CORNELIUS NEPOS, Atticus, 13.

[4] HÜLSEN-JORDAN, Röm. Topographie, vol. I, part. III, p. 323.

[5] C'est là le nombre des personnes participant aux distributions gratis, avant la réforme de J. César. SUÉTONE, César, 41.

[6] Voir ZELLER, Philosoph. der Griechen, p. 252 (3e éd.).

[7] CICÉRON, de Legibus, I, 15, 43. Il n'était pas encore possible d'être pauvre et pourtant d'enrichir autrui ; de n'avoir rien et pourtant de tout posséder.

[8] Voir la définition d'insula dans FESTUS, p. 111, M. et le Dict. des antiquités de DAREMBERG et SAGLIO. DE MARCHI, La Religione nella vita domestica, I, p. 80, leur compare les grandes maisons de Naples habitées par les pauvres.

[9] CICÉRON, Leg. Agr., II, 35, 96 décrit Rome (comparée à Capoue) comme située sur des collines et dans des vallons : in montibus positam et convallibus, cenaculis sublatam atque suspensam, non optimis viis, etc. VITRUVE, II, 17 est le locus classicus.

[10] CICÉRON, pro Cælio, 17.

[11] Dans C. I. L., VI, 65, 67 et DESSAU, I. L. S., n° 3500-3501 a, nous trouvons une Bona Dea érigée in Tutelam insulæ, ce qui prouve un culte commun à tous les locataires. De Marchi y compare l'autel placé dans les maisons à Naples : il parle des maisons à appartements. Tutela est mentionnée comme divinité protectrice de l'insula et de la maison particulière par saint Jérôme, Com. in Isaiam, 672.

[12] CICÉRON, de domo, 109.

[13] CICÉRON, ad Att., XV, 17 ; Comp. XIV, 9.

[14] PLUTARQUE, Crassus, 2 ; peut-être d'après Fenestella.

[15] Dormientem in taberna, ASCONIUS éd. K. S., p. 32. Cp. TACITE, Histoires, I, 86, parlant des gens qui couchaient dans des échoppes.

[16] TUCKER, Life in Ancient Athens, p. 10.

[17] Le Moretum peut être une traduction d'un original grec, par ex. de Parthenius, mais il ne s'en adapte pas moins parfaitement à la vie des Italiens.

[18] P. ex. CÉSAR, Bell. civ., III, 47 ; Cp. TACITE, Annales, XIV, 24.

[19] Sur cette question voir SALVIATI, Le capitalisme dans le monde antique, ch. VI. Ce livre a bien des insuffisances, mais il est d'un Italien qui connaît son pays.

[20] Voir Roman Festivals, p. 76 (Cerialia).

[21] MARQUARDT, Staatsverwaltung, II, p. 110 sqq. Le modius (= 8 lit. 754 = 6 kilog. 503) servait principalement à mesurer le blé après qu'il avait été battu.

[22] HIRSCHFELD, Die Kaiserlichen Verwaltungsbeamten, éd. 2, p. 231 ; STRABON, p. 652 (Rhodes).

[23] CÉSAR, B. C., III, 43, 3.

[24] MARQUARDT, Staatsverwaltung, II, p. 114.

[25] Sur les motifs de Gracchus, voir un article de l'auteur dans English Historical Review, 1903, p. 221 sqq.

[26] CICÉRON, Tusc. Disp., III, 20, 48.

[27] Lex Julia municipalis, I, 20, comparée avec SUÉTONE, César, 42.

[28] On trouvera un bon exemple dans CICÉRON, ad Att., IV, 1 sqq. ; c'est la première lettre de Cicéron après son retour d'exil.

[29] Voir Roman Festivals, p. 85 et 204.

[30] PLINE, Nat. Hist., XVIII, 27.

[31] SUÉTONE, Auguste, 42.

[32] FRONTIN, I, 4. La date de ce traité se place vers la fin du premier siècle A. D.

[33] Voir LANCIANI, Ruins and Excavations, p. 48 ; MOMMSEN, Röm. Forschungen, I, p. 305 sqq. ; G. BLOCH, La République romaine, p. 109 sqq.

[34] FRONTIN, I, 7, dont la description est confirmée par les épitomés récemment découverts des livres perdus de Tite-Live. GRENFELL et HUNT, Oxyrrhynchus Papyri, II, 113.

[35] Voir l'utile tableau de LANCIANI, Ruins and Excavations, 58.

[36] Cela date du règne de Domitien.

[37] CICÉRON, de Officiis, I, 42, 150.

[38] TITE-LIVE, XXII, 25, ad fin.

[39] G. UNWIN, Industrial organisation, etc., p. 2.

[40] PLUTARQUE, Numa, 17 ; OVIDE, Fastes, III, 819 sqq.

[41] J.-B. CARTER, The Religion of Numa, p. 48.

[42] MARQUARDT, III, p. 138. Voir aussi l'article de KORNEMANN, Collegium dans PAULY-WISSOWA, Real-Encycl. et WALTZING, Corporations professionnelles chez les Romains, I, p. 78 sqq.

[43] Le capitalisme, etc., P. 144 sqq.

[44] CAIRNES, Slave Power, p. 78, 143 sqq.

[45] PLINE, Nat. Hist., 107.

[46] C. I. L., I. 1023 = DESSAU, I. L. S., II, 746o abc. La date peut être antérieure à Auguste.

[47] Voir THÉDENAT, Pompéi, Vie publique, p. 122-125 ; MAU, Pompeii, P. 403 sqq.

[48] Voir Roman Festivals, p. 148. Pour les moulins de différentes sortes voir aussi MARQUARDT, Privatleben, p. 421.

[49] Privatleben, p. 424 sqq.

[50] Pseudolus, 820 sqq.

[51] Cp. l'uncta popina d'HORACE, Epîtres, I, 14, 21 sqq.

[52] Voir p. ex., la Laudatio Turiæ, C. I. L., VI, I, 1527, ligne 30. (DESSAU, I. L. S., II, p. 925).

[53] Les familles très riches seules avaient des foulons particuliers à leur service. — MARQUARDT, Privatleben, p. 529.

[54] Les Ménechmes, 404 ; ce n'est peut-être qu'une traduction du grec.

[55] C. I. L., I, p. 389 (Ire édit.).

[56] MARQUARDT, Privatleben, p. 724 et notes.

[57] CATON, de Agricultura, 135, chapitre très intéressant prouvant que le fermier avait avantage à se fournir à Rome des vêtements, des couvertures, des charrettes, comme des tonneaux.

[58] MARQUARDT, Privatleben, p. 665.

[59] STRABON, p. 231.

[60] Lex Julia municipalis, ligne 56 sqq.

[61] MAU, Pompeii, p. 377.