1571-1572. Pour la troisième fois, après trois guerres civiles, les Français essayaient la paix. Mais la paix n'était ni dans les esprits, ni dans les mœurs. Même quand les chefs étaient de bonne foi, les préjuges pieusement éveillés, les colères amassées, la facilité de satisfaire les vengeances privées, continuaient les hostilités, en dépit de tous les édits de pacification. Les ministres protestants restaient haineux ; ils ne voyaient pas d'autre rôle pour un pasteur évangélique que celui de tribun populaire ou de martyr. Les prédicateurs catholiques croyaient assurer le salut de leurs fidèles en les poussant à l'extermination des hérétiques. Le 4 mars 1571, six mois après la paix, la populace de Rouen, soulevée par les moines, égorgeait encore quinze huguenots[1]. Chacun des deux partis voulait supprimer l'autre. Pour que la paix pût être maintenue, il aurait fallu qu'un mouvement national entraînât les esprits dans une voie nouvelle : une grande pensée aurait pu surgir qui nous aurait tous saisis et emportes. Coligny et Henri IV, seuls dans leur siècle, ont eu cette inspiration. Ils ont eu une idée, la même : fondre dans une passion commune tous ces éléments effervescents et discordants. Une guerre avec l'Espagne pouvait encore tout sauver : contre l'ennemi national se seraient trouvés subitement réunis ces gens de guerre en ce moment divisés ; les vieux capitaines seraient redevenus compagnons comme aux jours de Metz, de Saint-Quentin, de Thionville. Le roi qui aurait osé prendre résolument la protection des Flamands contre Philippe II serait devenu l'arbitre de l'Europe. Il ne s'agissait plus, comme au temps de François I', d'une conquête disputée et de sièges a entreprendre : les villes nous appelaient comme des libérateurs, les populations n'avaient plus d'espoir qu'en nous pour échapper à des massacres et à une ruine dont l'horreur est encore vivante. Si nous étions bien avisés, il y auroit maintenant matière de réunir l'État de Flandre au nôtre ; mais la folie de ceux qui pensent être les plus sages ne le permet pas. Il est aux portes de Paris, et par manière de dire, un faubourg ; jamais ne s'est préparée une occasion pour le recouvrer, que nous nous ne l'ayons laissée échapper, pendant que par discours fantasques nous nous amusons à la conqueste d'Italie, que Nature a séparée d'avec nous de mœurs, de langue et d'un haut entrejet de montagnes[2]. Les Vénitiens, avec leur tact politique, trouvaient également que le remède à nos infirmités était la diversion d'une guerre étrangère, soit en Italie, soit en Flandre[3]. Coligny, le cœur brisé de tant de désastres, se décida à
tenter les derniers efforts pour entraîner Charles IX dans une guerre des
Pays-Bas. Malgré les haines amoncelées sur sa tête et les dangers qu'il
pouvait courir au milieu des jeunes gens de la cour, il vint trouver le Roi à
Blois, en septembre Le jeune roi accueillit cette grande pensée avec
enthousiasme. En ce moment même, il se sentait irrité contre Philippe II, qui le traitait avec peu
d'égards, et il ne demandait qu'une occasion de lui déclarer la guerre[5]. Il s'imaginait,
en outre, que sa sœur Elisabeth venait d'être empoisonnée par le roi
d'Espagne, et il avait hâte de la venger. Cette reine était morte en couches
; les soupçons de son frère ne reposaient sur aucun indice[6], mais le pauvre
Charles IX, entouré des complaisants et des correspondants secrets du roi
d'Espagne, devenait de plus en plus défiant et irascible : cette mort subite
de sa sœur avait éveillé ses inquiétudes. A qui se fier d'ailleurs ? On peut
bien croire qu'il a dit à Téligny, comme le rapporte un pamphlet du temps[7] : Tavannes est jaloux et orgueilleux, Vieilleville ivrogne,
Cossé vendrait tout pour dix écus, Montmorency ne cesse de chasser, Retz est
Espagnol, tous les autres sont des fous ou des traîtres. Aussi
accueille-t-il Coligny avec confiance, il l'appelle mon
père, il écarte les Guises, il reçoit le comte de Nassau, frère du
chef des révoltés de Flandre, et se concerte avec lui pour préparer une
campagne sur l'Escaut. Coligny pénètre au Conseil. Il n'admet pas qu'on fasse
opposition à ses projets : Qui ne veut la guerre avec l'Espagne, dit-il un
jour à Tavannes[8],
a dans le ventre la croix rouge. Les serviteurs de la croix rouge d'Espagne entouraient, en
effet, Charles IX. La trahison fut poussée à ce point, que le cardinal de
Lorraine eut la bassesse d'écrire en Flandre au duc d'Alva, pour le prévenir
que Les Guises commençaient à s'inquiéter réellement de leur
disgrâce ; ils en étaient réduits à rechercher l'appui du duc de Montpensier,
soldat grossier et sans mérite, qui épousa Catherine, sœur de Henri de Guise,
en février 1570, bien que le bonhomme eût
cinquante-sept ans ; ils essayaient d'éveiller la jalousie de Les catholiques étaient opposés, à ce mariage avec une reine protestante : ils surent exciter l'esprit frivole et méchant de Henri contre le beau Leicester, l'envoyé de l'Angleterre[11] ; ils supposèrent et firent croire qu'il était aimé de sa souveraine ; ils dirent au prince[12] : Le millort Robert veut vous faire espouser son amie, faites-luy espouser Chasteauneuf qui est la vostre ; vous luy rendrez le pennache qu'il vous veut donner. Soit que Henri de Valois n'ait pas voulu se séparer de mademoiselle de Chasteauneuf, soit que la fière Elisabeth n'ait jamais eu l'intention de se donner un époux, les pourparlers furent suspendus. Catherine, séduite jusqu'alors par le projet d'une union de toutes les nations libres contre l'Espagne, sous le commandement de ses deux fils, ouvrit les yeux et commença à s'inquiéter des progrès de l'influence de Coligny. Elle se décida à frapper un coup vigoureux, comme un premier avertissement de ce qu'elle était capable de faire. Jusqu'à ce jour, elle avait profité de la mort violente de ses adversaires ; mais elle n'avait encore ordonné ni inspiré aucun meurtre. Un temps semblait approcher, cependant, qui pourrait rendre utiles des coups d'autorité ; elle résolut d'éprouver, sur un personnage peu considérable, l'effet que produit la disparition d'un ennemi dont on se débarrasse soi-même. Ce n'était pas par simple recherche d'une volupté non encore savourée ; il y avait aussi l'avantage de ne pas se laisser oublier, de faire l'épreuve de ses fils, d'étudier l'effet que produirait un coup de dague donné sous leurs yeux, de se faire la main pour de plus importantes entreprises. M. de Lignerolles était un des gentilshommes qui avaient
accompagné Henri de Valois pendant les campagnes précédentes ; il se donna
les allures d'un favori, et eut la prétention de supplanter à la fois Coligny
et Catherine, discourt aux despens de Où Lignerolles échoua, en essayant le rôle qui réussit sous Louis XIII à d'Albert de Luynes, Coligny ne pouvait être plus heureux en inaugurant la politique qui fit la gloire de Richelieu. Catherine était un adversaire plus redoutable que Marie de Médicis ; elle n'était pas d'humeur à quitter la partie, ni à se laisser chasser de France. Nouant à nouveau ses relations avec les Guises, elle commença la lutte contre Coligny. Elle savait que le duc de Guise organisait dans Paris les
gardes bourgeoises, se mêlait au peuple, flattait les curés, semait l'argent avec
adresse. Trop faible pour rien tenter sans Mais Coligny se procura aussi des alliances ; il fit venir à la cour Jeanne d'Albret, et entreprit de renouveler le projet de mariage de Henri de Navarre, le chef de la maison de Bourbon, avec Marguerite de Valois. Ce mariage était décidé dès la naissance de la jeune Marguerite. Antoine de Navarre avait écrit, du vivant de Henri II, pour annoncer l'accord avec le roi Henri II du mariage de madame Marguerite, sa fille, avec son fils Henri[16] ; Jeanne d'Albret faisait connaître la même nouvelle[17]. Mais, lorsque quinze ans après elle vint réclamer l'exécution de cet accord, Catherine se plut à l'embarrasser dans des objections et des discussions. Ce n'est pas qu'elle fut opposée à cette union ; elle était sûre de la soumission de son gendre dès qu'elle le tiendrait dans le cercle de ses filles d'honneur ; elle tâchait de plaire à Jeanne d'Albret et caressait sa fille, une enfant de treize ans qu'elle rendait heureuse en la mettant dans l'intimité de sa fille Marguerite, et qui, dans sa joie naïve, vantait à son frère la beauté de la jeune princesse, que j'ay trouvée fort belle, et eusse bien désiré que vous l'eussiez veue. Je luy ay bien parlé pour vous, qu'elle vous tint en sa bonne grâce, ce qu'elle m'a promis, et ma faict bien bonne chère, et m'a donné un beau petit chien que j'aime bien[18]. Mais Catherine n'était pas pressée de placer près de son fils cette nouvelle influence. Jeanne d'Albret, de son côté, craignait que l'éducation morale du jeune Henri de Navarre fût compromise dans ce monde des filles d'honneur. Encore que je croyois, disait-elle, la corruption de cette cour bien grande, je la trouve encore davantage ; ce ne sont pas les hommes qui prient ici les femmes, mais ce sont les femmes qui prient les hommes[19]. Elle retenait son fils dans le Midi, bien que la cour l'attendit et se fût rendue à Paris au mois de juin 1572. Presque à son arrivée à Paris, Jeanne d'lbret mourut subitement, le 10 juin. La colère, le chaud, l'appréhension dans un esprit subtilisé, causent sa fin sans aucun poison, quoyque l'on ait voulu accuser un parfumeur du Roy, maistre René, de l'avoir empoisonnée avec une paire de gants[20]. Le Florentin René eut sa réputation établie par ce bruit
de cour ; sa clientèle fut assurée pour plusieurs années, et il fit de ses
talents un si fréquent usage, qu'il finit par être pendu. Mais est-il
possible d'être empoisonné par des gants parfumés ? Il n'est pas prouvé que
la main absorbe les médicaments et les poisons ; mais c'est au parfum seul
que l'on attribuait la mort de Le duc de Guise n'aurait eu garde de compromettre sa vengeance contre Coligny, qu'il croyait tenir sous sa main, en s'égarant dans un meurtre étranger à sa sanglante mission. Quant à Catherine, si elle avait un crime à éviter, c'était celui-là. Au moment où elle commençait à faire jouer les dagues, elle devait tenir plus que jamais à mettre les femmes hors de la lutte, et le poison hors de la bonne guerre. Empoisonner une reine« c'était enseigner à ses ennemis la vengeance dont ils pouvaient faire usage contre elle-même, et détruire le prestige qui la sauvait du danger. Toutefois, cette mort de Jeanne d'Albret lui permit d'étudier chez son fils Charles IX les sentiments successif de stupeur, de rage et de subite résignation qu'il éprouvait en apprenant la mort d'une personne aimée ; elle vit que ses passions se calmaient encore à sa voix ; elle pensa avoir une image de ce qui arriverait si elle osait faire mourir Coligny. Elle venait de passer pour l'empoisonneuse de la reine de Navarre, et les huguenots ne s'étaient pas soulevés dans Paris, et Charles IX, après quelques accès de fureur, avait été subitement apaisé. Tout était donc facile désormais, et, par conséquent, permis. Elle demeurait cependant incertaine encore. Détruire Coligny, n'était-ce pas donner trop de force au duc de Guise ? En abandonnant les insurgés des Pays-Bas, ne courait-elle pas le risque de tomber à la merci de Philippe II ? Elle observait avec attention les événements, et recueillait les renseignements qui devaient la déterminer, par les soins de ses femmes. Elle en avait deux qu'elle occupait le plus activement : l'une,
la plus intelligente, l'autre, la plus dépravée de toutes celles de sa cour,
madame de Retz et madame de Sauve. Madame de Retz possédait par son mari, que
Charles IX consultait sur tous ses projets, le secret des plans de Coligny.
Madame de Sauve se nommait Charlotte de Beaune, et était petite-fille de
Semblançay, le contrôleur des finances que fit pendre la reine Louise de
Savoie. Elle était aimée du plus jeune fils de Catherine, François de Valois,
comme mademoiselle de Chasteauneuf l'était de Henri de Valois. Coligny eut un vague instinct de ces trahisons ; il voulut
brusquer les événements, et obtint du Roi de faire envoyer trois mille
huguenots, sous les ordres de Pendant quelques jours, la guerre parut décidée, une
guerre générale contre l'Espagne. Chacun dans Paris la crut déclarée ; elle
était le sujet de toutes les conversations ; des recrues s'engageaient publiquement
près des capitaines[29]. Le Roi passait
des journées entières avec Coligny ; il ne rêvait plus que batailles gagnées,
gloire des armes, extension des frontières. Une ère nouvelle allait s'ouvrir
pendant laquelle nous n'aurions qu'à nous partager les dépouilles de
l'Espagne épuisée, réduite à l'impuissance par de simples insurgés. Le prince
d'Orange[30]
quittait les provinces de Hollande dont la liberté était déjà assurée, et se
portait en avant pour faire sa jonction avec l'armée de Charles IX, dont
Coligny lui annonçait l'arrivée prochaine, le 11 août 1572. Le duc d'Alva
écrivait à Philippe II : Vous seriez frappé de
stupeur si vous voyiez une lettre qui est maintenant en mon pouvoir, adressée
par le roi de France à Louis de Nassau[31]. Catherine de Médicis voit la guerre décidée, son influence
ruinée ; elle voit exclure de l'armée son fils Henri de Valois qui a peur,
qui se cache, qui fuit son frère. Toutes les fois,
écrit-il, que le Roi avoit conféré avec l'admiral, Mais tandis que se prépare le coup, elle ne veut pas suspendre le mariage de sa fille avec Henri de Navarre ; les négociations, interrompues par la mort de Jeanne d'Albret, sont reprises avec activité. En montrant de l'empressement à remettre sa fille entre les mains des huguenots, Catherine inspire de la sécurité à Coligny. Elle veut frapper Coligny seul, et non pas les protestants. Coligny mort, elle donnera pour chef aux protestants son nouveau gendre qu'elle compte rendre docile. Ses vues ne s'étendent pas plus loin pour le moment, et elle a hâte de voir le mariage s'accomplir. Le Roi est encore plus impatient qu'elle ; il veut donner aux huguenots cette preuve de sa bonne foi pour les entraîner avec lui à la conquête des Pays-Bas. Tout retard est un échec pour ses armes, et laisse aux Espagnols le temps de se fortifier. Henri de Navarre se trouvait à Paris depuis le 8 juillet ;
il avait fait son entrée à la tête de huit cents cavaliers couverts de
manteaux de satin noir, entouré de Condé, Coligny, Montgomery, Le roi de Navarre avait alors dix-neuf ans ; il était aimable et semblait avoir pris pour modèle le premier prince de Condé, son oncle. Il rappelait les traits, comme il avait la grâce et l'humeur spirituelle de sa grand'mère, Marguerite de Valois, la sœur chérie de François Ier. La vivacité de ses reparties et sa gaieté française n'étaient pas encore cet art de séduction qui réussira plus tard à charmer les braves ; son insouciance d'alors se changera en tolérance politique quand les revers auront élargi son génie ; son activité méridionale ne laissait pas deviner ses hautes qualités militaires ni son indomptable opiniâtreté. Peu de jours après cette entrée solennelle, le prince de Condé épousa, au château de Blandy, près de Melun, Marie de Clèves, sœur de la jeune duchesse de Guise[35] ; c'était un premier pas vers la conciliation. Le mariage décisif restait à conclure, mais les dispenses pontificales n'arrivaient pas, et l'on racontait que le Pape avait formellement refusé de signer l'acte qui autorisait cette union entre le chef des hérétiques et la sœur du roi de France. — Il n'importe, s'écria Charles IX ; si mons du pape fait trop la beste, je prendrai moi-mesme Margot par la main et la mènerai espouser en plein presche[36]. On savait le jeune roi capable d'exécuter cette menace, on évita le scandale par un faux. Une fausse dispense fut tout à coup produite[37], et le mariage se célébra en grande pompe le 18 août, tandis que le cardinal de Lorraine poursuivait inutilement à Rome ses démarches afin d'obtenir la dispense pontificale[38]. La dispense authentique fut, en effet, signée par le Pape, plusieurs mois plus tard, après que Henri de Navarre se fut converti à la foi catholique. Le duc de Guise et Coligny se trouvaient chaque jour en présence, durant tes fi&tes de ce mariage ; ils ne se parlaient pas[39], bien que Coligny se fût prononcé formellement contre le crime de Poltrot de Méré, et eût déclaré qu'il tenoit pour calomniateur et scélérat quiconque diroit qu'il l'avoit fait faire[40]. Catherine, qui croyait utile d'associer les Guises à ses projets contre Coligny, les animait à la vengeance. Dans un entretien avec elle, il fut délibéré que M. de Guise tueroit M. l'admiral en une course de bague que faisoit le Roi dans le jardin du Louvre[41]. Peut-être espérait-elle par ce coup soulever un tumulte au milieu duquel Henri de Guise serait tué à son tour[42] ; mais le Roi et ses frères pouvaient succomber aussi. Elle essaya de confier le soin du meurtre de Coligny à un des capitaines gascons, mais elle ne put en trouver pour une telle mission. Alors le duc d'Aumale, oncle du duc de Guise, procura Louvier, seigneur de Maurevert en Brie[43]. C'était un ancien page du duc de Lorraine qui, dans son
enfance, avait assassiné le gouverneur des pages, et s'était enfui en
Espagne. En 1569, il avait obtenu des lettres d'abolition pour ce premier
crime, et s'était offert pour tuer Coligny pendant la guerre. La cour avait
accepté ses services et lui avait facilité les moyens de se rendre dans le
camp huguenot ; là, il manqua d'audace, tomba dans la misère, fut recueilli
par le brave de Mouhy, un des chefs huguenots, qui lui donna un cheval.
Maurevert prit la fuite sur ce cheval après avoir cassé la tête, par
derrière, à Mouhy, d'un coup de pistolet. Catherine raconta cette aventure à
Tavannes, qui répondit : Cela mérite la corde.
Mais elle fut d'un avis différent, et fit signer par Charles IX une lettre à
Henri de Valois, pour recommander Maurevert comme estant
celuy qui a tué Mouhy de la façon qu'il vous dira : je vous prie, mon frère,
de lui bailler de ma part le collier de mon Ordre. Cette lettre du 10
octobre Maurevert, assassinateur de Mouhy, est choisi : blasmé de ce premier coup par le sieur de Tavannes,
maintenant, par commandement de Pendant ces trois journées, à Maurevert saute sur son cheval, s'échappe par la porte de
derrière, est poursuivi. Bientôt serre de près par deux cavaliers huguenots,
il se réfugie près de Corbeil dans le château de Chally, son hôte de Paris, le pont-levis estant levé et les flancs garnis d'arquebuzes[46] ; il faut
renoncer à s'emparer de lui. Quelques mois après, il se présenta pour prendre
du service dans l'armée catholique qui assiégeait A la nouvelle de l'attentat contre Coligny, Charles IX avait été saisi d'un de ses accès de fureur. Quand il fut un peu rentré dans la possession de ses facultés, le lendemain, il voulut se rendre avec sa mère et son frère Henri de Valois chez l'amiral. Il croyait que le duc de Guise était seul auteur du meurtre ; il ignorait que les huguenots avaient saisi et reconnu l'arquebuse des gardes de Henri de Valois ; il était décidé à en finir par un châtiment éclatant avec la maison de Guise, et cherchait à exciter plutôt qu'à apaiser la colère des réformés. Catherine apprit, en entrant dans la chambre du blessé, qu'Ambroise Paré venait d'extraire la balle[50] ; elle eut assez de sang-froid pour dire à l'amiral ce mot cruellement spirituel : — Devant Orléans, on n'avait pas pu arracher la balle de l'épaule de M. de Guyse, comme pour mieux le torturer en lui rappelant le meurtre dont il avait avoué alors s'être réjoui. Coligny demanda à parler en secret au Roi : Charles IX s'avança près de son lit ; l'entretien se prolongea. Catherine, embarrassée et inquiète, se voyait seule avec Henri de Valois qui tremblait de peur, au milieu des huguenots menaçants et armés. Elle avait lu des histoires de jeunes princes massacrés avec leur mère, pendant les querelles des petits seigneurs d'Italie, quand ils avaient eu la maladresse de s'aventurer au milieu de leurs ennemis ; peut-être en ce moment même, Coligny la dénonçait au Roi et racontait la saisie de l'arquebuse ; à tout prix, il fallait rompre cet entretien et sortir de cette foule malveillante ; elle s'approcha du lit, et attirant à elle le Roi : — Il n'y a point d'apparence, lui dit-elle, de faire ainsy parler si longtemps M. l'admiral ; je vois bien que ses médecins et chirurgiens le trouvent mauvais[51]. Le Roi est sombre ; il se tait. Nous
le traisnasmes hors du logis, raconte son frère. En rentrant au
Louvre, Catherine lui demande hardiment ce que disait l'amiral. Charles
répond en jurant par |
[1] WHITE, Massacre of S. Bartholomew, p. 336.
[2] PASQUIER, Lettres, liv. V, lettre 1.
[3] Giovani MICHIELI, publié par TOMMASEO, Relaz. Venet., t. II, p. 232 : Il remedio a cosi longa e grave infermita fusse il diversivo di una guerra esterna, la quale non potrebbe essere se non o in Fiendra, o in Italia.
[4] DE THOU, Mémoires, éd. Didier, t. XI, p. 275.
[5] DIGGES, Walsingham to Leicester, 25 june
1571 :
[6] FROUDE, History of England, t. X,
p. 134, cite Despatches of sir Henry Norris, 1570, 1571, Ms., France
Rolls house, et t. X, p. 37 Dépêches de Walsingham
[7] Le Tocsain, éd. 1579, p. 77.
[8] TAVANNES.
[9] GACHARD, Correspondance de Philippe II, t. II, p. 267, 268, et Bulletin de l'Académie de Bruxelles, t. XVI, 1849.
[10] TAVANNES.
[11] Robert Dudley, fils du duc de Nortbumberland.
[12] TAVANNES.
[13] TAVANNES.
[14] BRANTÔME, les Duels, p. 262.
[15]
TAVANNES.
L'ambassadeur de Savoie écrivit que Tavannes avait obtenu immédiatement cette
grâce. Ms., Archives de Turin, extrait donné par H. DE
[16] Lettre du duc de Nevers. Voir GUISE, Mémoires-journaux, p. 889.
[17] Lettre à la sénéchale de Poitou. Voir Martha FREER, Life of Jeanne d'Albret, t. I, p. 136.
[18] Martha FREER, Life of Jeanne d'Albret, t. II, p. 285.
[19] LE LABOUREUR, t. I, p. 59.
[20] TAVANNES.
[21] MÉZERAY, Histoire de France, Paris, 1646, in-fol., t. II, p. 1082.
[22]
VOLTAIRE, notes
de
[23]
L'ambassadeur du duc de Mantoue dit que quelques jours avant sa mort elle avoit mal au costé. Archives de Mantoue,
document publié par H. DE
[24] Elle mourut en 1604, âgée de quarante-deux ans.
[25] TAVANNES.
[26]
Genlis avait reçu da Roi l'autorisation de faire des levées de troupes dès le
f9 jain précédent. Voir Archives de Turin, Dépêches de l'ambassadeur de
Savoie, extrait par M. DE
[27] LOTHROP MOTHLEY.
[28]
Giovanni MICHIELI,
traduit par BASCHET,
[29]
Giovanni MICHIELI,
traduit par BASCHET,
[30]
Le prince d'Orange était d'origine provençale et bourguignonne. L'héritière de
la principauté d'Orange, Marie des Baux, avait épouse, en 1388, Jean de Châlon.
La principauté fut réunie à
[31] GACHARD, Correspondance de Philippe II, 1146.
[32] Discours du roy Henry troisième, etc., publié par VILLEROY, Mémoires, t. II, p. 52.
[33] Giovanni CORRER, Relaz. ven., traduit par BASCHET, p. 525.
[34] TAVANNES, p. 386.
[35] La sœur d'Antoine de Navarre et de Louis de Condé (voir le tableau généalogique des Bourbons) avait épousé le duc de Nevers, et en avait eu trois filles. L'aînée, Henriette, épousa Louis de Gonzague et apporta à cet Italien le titre de duc de Nevers ; la seconde, Catherine, fut duchesse de Guise ; la troisième, Marie, devenait princesse de Condé.
[36] L'ESTOILE, t. I, p. 73.
[37] La fausseté de la dispense servit plus tard d'argument pour faire rompre ce mariage, quand Henri IV voulut épouser Marie de Médicis. Voir, sur les dernières années de Marguerite de Valois, IMBERDIS, Histoire des guerres religieuses en Auvergne, t. II, p. 486.
[38]
Ms., Bibl. nat., Dupuy, 209-211, fol. 87. Voir aussi Martha FREER, Life of
Jeanne d'Albret, t. II, p. 321 et 359. Le cardinal de Lorraine écrit le 10
septembre, trois semaines après le mariage : J'écris à
[39]
Ce fait a frappé tous les ambassadeurs étrangers : ils écrivirent à leurs cours
que le duc de Guise et l'amiral ne s'adressaient pas la parole. Voir Ms.,
British Museum in cott. vespa s VI, publié par M. DE
[40] Ms., Arch. nat., Simancas, B. 32, publié par BOUILLÉ, t. II, p. 494.
[41] BOUILLON, Mémoires, éd. Didier, p. 9. Je ne crois pas qu’il faille ajouter foi au récit, recueilli par des historiens très-sérieux,
[42] DE THOU, l. LII.
[43] TAVANNES.
[44] TAVANNES.
[45]
Cette maison est devenue plus tard une auberge sous le nom d'hôtel
Saint-Pierre. Voir Voltaire, notes de
[46] SAINT-AUBIN, Mémoires, éd. Didier, p. 497.
[47] BOUILLON, Mémoires, p. 11.
[48] D'AUBIGNÉ, Histoires, p. 690.
[49]
VILLECOMBLAIN, Mémoires,
p. 144 ; L'ESTOILE,
p. 71 ; voir aussi l'Etat de
[50] Voici la série des événements :
Lundi 18 août 1572, mariage de Henri de Navarre ;
Mardi 19 août 1572, fêtes à la cour ;
Mercredi 20 août 1572, continuation des fêtes ;
Jeudi 21 août 1572, attentat de Maurevert ;
Vendredi 22 août 1572, visite du Roi chez Coligny ;
Samedi 23 août 1572, discours de Catherine au Roi ;
Dimanche 24 août 1572, Saint-Barthélemy.
[51] Discours du roy Henry troisième, etc.
[52] Discours du roy Henry troisième, etc.
[53]
Discours du roy Henry troisième, etc. Voir aussi