LES DUCS DE GUISE ET LEUR ÉPOQUE

 

Étude historique sur le seizième siècle

TOME PREMIER

CHAPITRE VII. — DU SIÈGE DE CALAIS À LA PAIX DE CATEAU-CAMBRÉSIS.

 

 

1557-1558.

 

Le 20 octobre, le duc de Guise était déjà à Saint-Germain, près de Henri II. L'armée de Philippe II, encombrée par son butin, retardée par la prise de Noyon et de Ham, s'arrêta. Il semblait que le nom seul du défenseur de Metz était une sauvegarde pour le pays. Les acclamations populaires accueillaient partout le vengeur si impatiemment attendu ; la noblesse de campagne prenait les armes et accourait à sa suite. Il avait déjà une sorte d'armée improvisée en quelques heures, accourue au galop, quand le Roi le nomma lieutenant général du royaume, expédia à tous les gouverneurs l'ordre d'obéir au duc de Guise comme à lui-même, et fit enregistrer par tous les Parlements les lettres qui créaient ce pouvoir extraordinaire.

Quelque étendus que fussent les droits ainsi conférés à un sujet, l'enthousiasme universel accroissait encore cette puissance. On a volontiers, en France, la tentation d'incarner la fortune du pays dans un seul homme y et de se livrer avec abandon à l'idole du moment, sentiment si fréquent dans notre histoire, qu'à peine on peut citer un mouvement qui ne se traduise pas par un nom. La nation ne sait se sauver que si elle s'improvise un sauveur.

Le duc de Guise eut le génie de se laisser emporter dans cet entraînement universel ; il comprit qu'une telle passion serait promptement calmée, s'il ne lui procurait de rapides satisfactions, et s'il ne se montrait digne de cet engouement par un coup d'éclat. Entreprendre sur la frontière du nord une campagne d'hiver au milieu du dédale des places fortes et à travers les quartiers de l'armée victorieuse, c'était guerroyer sans gloire ou même risques des échecs. En quelques heures il sut choisir sa proie, mûrir son plan, et donner les premiers ordres pour assurer le succès. Par delà les cantonnements ennemis, il guettait Calais.

Calais, enlevée à la France en 1347[1], restait depuis plus de deux cents ans la capitale d'une petite province anglaise, qui comprenait Guines, Hames et quelques forts, Mutilation pour notre territoire, menace constante d'un débarquement, cette possession anglaise était pour nous une humiliation et un danger. Rien ne pouvait émouvoir plus vivement les esprits que la prise d'une ville paisiblement abandonnée jusqu'alors à ses conquérants. Quelques semaines après les défaites les plus désastreuses, à l'heure où l'on se rassurait à peine, nulle entreprise ne pouvait mieux relever les courages qu'une conquête rarement rêvée, jamais tentée aux heures de prospérité. Nulle ne devait être plus douloureuse pour le roi d'Espagne. Sa femme, la reine Marie d'Angleterre, s'était, avec une soumission toute maladive à sa volonté, résignée à entraîner son peuple, malgré ses ministres, dans la guerre contre la France. En nous emparant d'une possession anglaise, nous atteignions Philippe II dans sa femme, nous détruisions son autorité en Angleterre, nous le réduisions à avoir apporté, dans ce mariage ambitieux, pour dot à l'Angleterre, la perte de Calais.

Comme aux beaux temps du siège de Metz, Guise retrouva pour cette expédition sa liberté d'allures et son talent d'organisateur. Les préparatifs durèrent deux mois[2]. L'audace des projets empêcha de les deviner. Toutefois, le secret ne put être si bien gardé, que lord Wentworth, gouverneur de Calais, ne se crût obligé de demander des renforts. Comme les approches de la place étaient protégées l'hiver par des inondations, et comme les marais débordés ne laissaient ouverte qu'une avenue défendue par deux forts[3], la garnison était chaque année diminuée à l'époque de la nouvelle saison, de manière à ne présenter que durant Tété un effectif suffisant pour la défense. Le gouvernement anglais estimait que la ville était suffisamment protégée par la nature durant la période des pluies. L'inquiétude de lord Wentworth fut partagée par lord Grey, gouverneur de Guines, qui voulut, à défaut de renforts, dégager au moins les abords de sa place. Le 1er décembre, il attaqua un fort qu'occupaient quarante Français à Bushingue, près de Guines. Les quarante Français refusèrent de se rendre, et furent tous tués sur la brèche.

Mais aucun secours n'arrive d'Angleterre, ni pour Calais, ni pour Guines. Les deux gouverneurs de ces villes annoncent, le 27 décembre, que le duc de Guise est à Compiègne ; le 29, lord Wentworth écrit que c'est sur Calais que l'attaque va être dirigée. Le 31, la reine Marie lui répond de n'avoir pas d'inquiétude ; elle avait préparé des renforts pour Calais, mais elle vient de les licencier[4]. Le lendemain même, le 1er janvier 1558, Guise attaque le fort avancé de Newnham-Bridge[5], et s'y rencontre avec sa flotte, qui lui apporte de Boulogne et d'Ambleteuse les munitions et la grosse artillerie[6]. Tous les corps arrivent à l'instant fixé. Le second fort, qui défend la seule avenue par laquelle on peut approcher de Calais, le fort de Rysbank, est investi le même jour[7]. Lord Wentworth, qui, de ses remparts, voit débarquer l'artillerie, commence une lettre désespérée à sa Reine ; il n'a pas le temps de la terminer. On vient l'avertir que l'artillerie est en batterie contre le Rysbank ; il expédie par mer cette lettre interrompue, que les Anglais conservent encore ; il court au Rysbank. Le fort est déjà pris ; il se retire dans la citadelle de Calais, à l'entrée de la rade, espère se défendre quelques jours. D'un moment à l'autre peut arriver une flotte anglaise ; mais entre le Rysbank et la citadelle, dans la mer même, à marée basse,, est assise une batterie de douze canons qui battent la citadelle, et quand la mer estoit en pleine marée, il falloit quitter et abandonner l'artillerie et les gabions qui estoient si bien liés, attachés et retenus d'ancres et de pieux, que la mer ne les esbranloit nullement, et lorsque la mer estoit retirée, l'on retournoit à la batterye[8], sur la plage mouillée, le long des dunes ; les arquebusiers de d'Andelot improvisent de petits épaulements avec du sable et du fumier[9], et dirigent leurs coups sur les remparts pour protéger les canonniers ; la poudre et les boulets sont traînés sur des claies enduites de poix[10] ; le feu est nourri ainsi à chaque marée basse, du 2 au 4 janvier[11] ; les gens de pied se glissent à travers les bancs de sable, se logent dans le port ; le duc de Guise, qui les suit, s'avance dans la mer jusqu'à la ceinture, remarque une brèche étroite, mais praticable, donne aussitôt l'ordre pour l'assaut, et emporte la citadelle du premier coup, le A janvier. Toute l'artillerie des remparts de Calais se tourne contre la citadelle pour en déloger les assaillants ; mais le François fut opiniâtre à soutenir et diligent à se loger[12]. D'ailleurs, Wentworth n'a plus que cinq cents hommes ; c'est trop peu pour reprendre la citadelle, d'autant mieux que ses colonnes d'assaut sont, à marée basse, attaquées en flanc par les Gascons du capitaine Sarlabous, éparpillés dans les dunes ou logés dans le chenal du port, et que nous sommes protégés à notre tour par la marée haute, qui isole le château au milieu de la mer. Après un assaut repoussé, Wentworth se retire dans la ville, voit qu'il y sera forcé sans résistance possible à la première marée, et se rend prisonnier de guerre, le 6 janvier. Six jours de combat sans interruption nous donnaient Calais[13].

La ville fut pillée avec méthode ; on évita de détruire les biens considérables qu'elle renfermait, et le partage se fit avec régularité ; les vaisseaux mêmes du port furent saisis, et firent partie du butin. Un million d'écus d'or fut distribue entre les vainqueurs. L'un des principaux chefs, Tavannes, raconte avec dépit qu'il eut dans son lot des livres grecs, hébrieux et latins, qu'il donna à son frère, amateur des lettres. Les pauvres habitants furent expulsés de la ville. On reprocha au duc de Guise, bien qu'on fût accoutumé à voir les vaincus traités avec barbarie, d'avoir exercé une trop grande rigueur à ceulx de Calais ; car il les contraignit de demeurer sur le bord de la mer deux jours entiers et en hyver, avec leurs malades et enfants, attendre des vaisseaux pour passer en Angleterre[14]. Ces pauvres familles de bourgeois n'étaient pas coupables des crimes commis à Saint-Quentin.

Il est vrai que le duc de Guise a déjà d'autres pensées ; sans s'arrêter aux richesses de la ville, sans songer aux bourgeois, il veut répéter ses coups foudroyants, et attaquer la garnison de Guines, avant qu'elle ait eu le temps même de connaître l'assaut des forts de Calais.

Lord Grey, gouverneur de Guines, feignit d'évacuer la ville et de se retirer dans la citadelle. C'était un vieux soldat du temps de Henri VIII, disgracié par la Reine actuelle pour avoir été autrefois un des plus rudes agents de la persécution contre les catholiques, et avoir dans l'Oxfordshire pendu les prêtres aux tours de leurs églises, mais rendu populaire dans l'armée anglaise par son courage opiniâtre : frappé, dans une bataille contre les Écossais, d'un coup de lance qui lui avait brisé la mâchoire et l'os de la joue, il avait continué à combattre, malgré le sang qui l'étouffait[15]. Pendant que nous donnions l'assaut à la citadelle de Calais, dès le 4 janvier, il envoya une demande de secours a la Reine ; on lit encore sur l'enveloppe ces mots tracés de sa main : Hâte, hâte, bâte, courrier, sur ta vie, sur ta vie ![16] Le courrier put arriver : il vit les renforts déjà préparés pour Calais, depuis le 2 janvier ; mais les vents contraires les retinrent sur les côtes d'Angleterre ; la Sotte put mettre à la voile le 6, le jour même de la prise de Calais : c'était assez tôt pour sauver Guines, reconquérir peut-être Calais au milieu du désordre de l'occupation ; mais une tempête dispersa les vaisseaux, qui ne se rallièrent qu'après quelques jours ; la reine Marie, découragée par ce désastre, renonça le 13jan-vier à défendre ses États du continent ; elle se ravisa au bout de quatre jours et rappela les milices sous les armes ; deux jours après, elle avait encore changé d'avis, et elle licenciait ses troupes.

Pendant ce temps, le duc de Guise ne perd pas une heure, ne donne pas un contre-ordre[17]. Il pénètre dans la ville de Guines le 8 janvier, en est repousse par une vigoureuse sortie des soldats de lord Grey, qui s'étaient retirés dans la citadelle ; il commence aussitôt l'attaque de la citadelle en faisant ouvrir contre ses remparts le feu de trente-cinq pièces d'artillerie ; au bout de deux jours de canonnade, il lance à l'assaut douze compagnies de Gascons et de Suisses. Les douze cents Anglais de lord Grey soutiennent bravement cette attaque, la repoussent ; Guise accourt au milieu de ses soldats, leur remet de telle sorte le cœur au ventre, que, retournant visage, ils reviennent à la brèche, franchissent les fortifications, et ne sont arrêtés que par le donjon[18], où s'enferme lord Grey avec le petit nombre des Anglais qui ne se sont pas fait tuer. A l'étroit dans ce dernier réduit, privé de vivres et de munitions, le brave Anglais refuse de se rendre, à moins qu'on ne l'autorise à sortir enseignes déployées ; mais ses soldats épuisés n'ont pas, comme leur général, l'orgueil du drapeau ; ils se mutinent, tendent des échelles aux Gascons, les introduisent et se font faire prisonniers avec lord Grey[19].

Tavannes eut pour sa part de prise la rançon de lord Grey, fixée à dix mille écus, et fut de la sorte si bien consolé de l'insuffisance de son lot de Calais, qu'il écrivit joyeusement à sa femme : Regnard endormy n'a la gorge emplumée.

La prise de Hames, quelques jours après, compléta l'expulsion des Anglais de France. La reine Marie en mourut de chagrin. Sa sœur Elisabeth eut pour pensée constante une revanche. Ce deuil n'est pas oublié ; les historiens anglais cachent encore leur tristesse, à ce récit, sous des réflexions d'économie industrielle : Au point de vue matériel, la perte de Calais était un bénéfice : comme bien d'autres colonies, Calais coûtait chaque année plus qu'elle ne valait[20]. Les peuples nobles n'oublient jamais les plaies faites à leur patrie ; jamais ils ne se consolent de leurs revers.

Ainsi, pendant ces mois d'hiver que les soldats employaient d'habitude à rapporter chez eux leur butin, et les chefs à se délasser dans les fêtes de la cour, le duc de Guise, en vingt jours, prenait des villes qu'on n'osait pas même attaquer depuis deux cents ans, et, comme par magie, effaçait le souvenir des récentes catastrophes. Le coup était décisif : il répondait à l'attente populaire. Guise sut en profiter pour asseoir au-dessus de toute disgrâce son autorité en France, et faire réussir un projet aussi glorieux pour sa maison et moins chimérique que celui de Naples.

Depuis longtemps son frère, le cardinal de Lorraine, infatigable dans ses rêves d'ambition, avait entrepris une série de manœuvres pour déterminer le mariage avec une de ses nièces, du dauphin de France, François. Il avait obtenu l'appui de la duchesse de Valentinois qui voulait éviter d'être soumise pendant un nouveau règne aux avanies subies, durant le sien, par la duchesse d'Étampes, et qui comptait que son gendre, le duc d'Aumale, ne la laisserait pas dépouiller de ses biens, s'il était oncle de la future Reine. Cette jeune nièce était la fille de Marie de Guise. Marie de Guise, veuve du duc de Longueville, avait épousé en secondes noces le roi d'Ecosse, Jacques V, et était restée veuve de nouveau au bout de peu d'années, avec une fille ; elle envoya près de ses frères en France cette enfant, et essaya de défendre pour elle sa couronne d'Ecosse à travers les orages d'une régence que troublaient des rébellions acharnées. Avant de pouvoir conclure le mariage de leur nièce Marie Stuart et du dauphin François, les Guises s'étaient heurtés durant plusieurs années contre la résistance de la reine Catherine et du connétable. Mais toutes les oppositions durent s'effacer dans la gloire de Calais, quand les deux frères vinrent réclamer leur salaire. Poursuivant le but immuable qui les tenait tous invariablement unis, à travers les chimères, les déceptions ou les triomphes, ils travaillaient en commun à la fortune de chacun d'eux, afin de le mettre mieux en mesure de contribuer à la grandeur de sa famille. Le mariage fut donc décidé, coup advantageux pour ceulx de Lorraine[21].

Le connétable, toujours captif dans les Pays-Bas, n'était plus en mesure d'y faire obstacle ; il eut même le chagrin de savoir qu'aux cérémonies qui furent célébrées le 24 avril 1558, le duc de Guise, se prévalant de son absence, usurpa les fonctions de grand maître de la maison du Roi. Du droit que lui donnaient ces fonctions, le duc de Guise fit prendre le pas à son neveu le duc de Lorraine et à son frère le duc d'Aumale sur tous les princes de la maison de Bourbon, sauf l'aîné, Antoine de Vendôme, qui portait le titre de roi de Navarre, depuis la mort de son beau-père[22] ; en sorte que dans cette fête qui donnait à l'héritier du trône de France une couronne étrangère, tous les honneurs paraissaient appartenir aux princes étrangers. A cette époque, ces distinctions de rang avaient une telle importance, que ne pas jouir de son rang, c'était un déshonneur. Maïs il y avait des vues plus pratiques dans cette obstination si habilement prolongée, qui ne laissait négliger par les Guises aucune occasion de se tenir plus près du trône que les Bourbons ; peu a peu ils propageaient l'opinion qu'ils étaient les véritables soutiens de la couronne, les plus élevés en rang dans le royaume, et que si la famille des Valois venait à s'éteindre, ils pourraient être préférés aux descendants de saint Louis pour la remplacer.

Le prince de Condé, le seul des Bourbons qui depuis la mort de ses frères, le duc et le comte d'Enghien, eût de l'énergie et de l'intelligence, comprenait clairement ce danger et nourrissait depuis longtemps contre le duc de Guise une haine sourde qu'alimentaient sans cesse les humiliations du grand seigneur déchu à la condition de pauvre gentilhomme, devant le parvenu étranger qui se faisait conférer toutes les dignités et tous les gouvernements. Ses deux frères, le roi de Navarre et le cardinal de Bourbon, n'avaient ni tète, ni caractère ; Condé était seul pour soutenir l'honneur de sa maison, et n'avait trouvé d'appui qu'auprès du connétable dont il avait épousé une nièce. Avec les fils et les neveux du connétable, il avait formé une sorte de coalition pour entretenir une sourde opposition contre les empiétements des Guises.

Le vainqueur de Calais n'était pas sans appréhender que cette cabale ne devint dangereuse, surtout si le connétable, revenu de sa captivité, se plaçait à sa tète. Un hasard singulier lui mit tout à coup entre les mains une arme qui lui permettait de désunir ces adversaires, et de se défaire de ceux dont l'influence sur les gens de guerre pouvait le plus l'embarrasser dans une armée.

Il se tenait à Péronne au milieu de ses corps d'armée et paraissait menacer Saint-Quentin. A Saint-Quentin se trouvait la veuve de son oncle, la duchesse Christine de Lorraine, parente de Philippe II. Elle avait suivi le parti de l'Espagne, tandis que son fils, le petit duc de Lorraine, était élevé à la cour de Henri II ; elle s'efforçait par cette conduite double de présenter l'indépendance de ses Etats. Jusqu'alors, elle avait obtenu que les droits de souveraineté ne fussent pas mis en question, mais elle n'avait pu préserver les villages de Lorraine, pillés à l'envi par les coureurs des deux années. La paix seule pouvait sauver ce malheureux pays ; pour ta préparer, Christine entreprit de ménager une entrevue secrète au château de Marcoing entre l'évêque d'Arras, ministre de Philippe II, et les Guises.

Le Franc-Comtois, Antoine Perrenot, évêque d'Arras, fameux bientôt sous le nom de cardinal Granvelle, était le politique le plus fin de l'époque. Il avait la réputation d'écrire de sa main cinquante lettres par jour, et de fatiguer en même temps six secrétaires à qui il dictait des lettres dans, six langues différentes[23]. Sans ajouter foi à ces exagérations, on peut les citer comme exemple de l'impression produite sur les contemporains par sa lucidité et sa puissance de travail. Avec un si dangereux adversaire, le duc de Guise ne se risqua pas à soutenir seul la discussion ; il appela près de lui son frère le cardinal de Lorraine.

L'évêque d'Arras comprit la facilité de séduire par des plans un peu vastes l'imagination des deux Lorrains : il leur peignit les progrès de l'hérésie, les dangers qui menaçaient aussi bien les couronnes et les charges de cour que les bénéfices ecclésiastiques, la nécessité de mettre un terme à la guerre, et d'unir les deux monarques dans une entente pour préserver leurs sujets des maux que préparaient les réformateurs[24]. Il y avait de la grandeur dans cette pensée de détourner contre un adversaire commun, et d'unir en une force irrésistible, les efforts qui épuisaient inutilement les deux nations l'une contre l'autre. Les Lorrains se sentirent entraînés. Dès cet instant, ils entrèrent dans une voie nouvelle. Ils avaient confondu jusqu'alors leur fortune avec celle de la France. C'est en défendant le pays contre ses ennemis extérieurs qu'ils avaient constitué la grandeur de leur maison, et accumulé les dignités et les revenus. Ils virent que leur horizon pouvait s'agrandir. En se déclarant en France les champions de la cause catholique, ils cessaient d'être des parvenus étrangers, pour devenir les défenseurs de la foi ; leur rôle semblait plus grand, puisqu'ils protégeaient non plus les intérêts égoïstes de leur famille, mais les droits de tous les catholiques ; leurs partisans ne seraient plus de simples gentilshommes attachés à la chance d'un général, mais tous ceux dont les croyances étaient inquiétées, dont les biens étaient menacés, paysans ou prélats, bourgeois des villes ou princes souverains. Ils ne seraient plus à la merci des intrigues de cour, ils n'auraient plus à se défendre contre les Bourbons ouïes Montmorencys, ni à rechercher la protection d'une favorite ; leur cause deviendrait celle de la foi ; ils seraient regardés comme les chefs de l'orthodoxie en Europe, et toute résistance à leur pouvoir paraîtrait une lutte contre la religion. L'évêque d'Arras faisait naître et croître lentement ces pensées ; puis, quand il vit les deux Lorrains émus, ébranlés, il les quitta en frappant un dernier coup. Il leur laissa entre les mains une lettre qui prouvait que les neveux du connétable étaient acquis à la cause de la Réforme.

S'il était nécessaire de différer de quelques mois l'exécution de si vastes projets, si la guerre devait être prolongée, comme l'exigeait la situation créée aux deux adversaires par des événements alternatifs tels que la bataille de Saint-Quentin et la prise de Calais, et comme ne pouvait que le souhaiter le duc de Guise, vainqueur, entouré de troupes fraîches et enthousiasmées, libre de choisir son plan de campagne, impatient d'accroître son prestige de général avant d'entrer dans un nouveau rôle, rien n'empêchait de faire un usage immédiat du document laisse par l' évêque d'Arras, et de jeter la méfiance et la disgrâce dans le parti des Montmorencys.

Des trois Châtillons qui étaient neveux du connétable, l'aîné, l'amiral de Coligny, blessé à l'assaut de Saint-Quentin, était prisonnier dans les Pays-Bas, avec son oncle le connétable. Le second était cardinal et évêque de Beauvais. Le troisième, d'Andelot, colonel général de l'infanterie, avait été blessé avec Coligny et pris à l'assaut de Saint-Quentin, s'était échappé au bout de quelques jours, et venait de commander les gens de pied à l'assaut de Calais. Une lettre qu'il écrivit à son frère dans les Pays-Bas fut saisie par les Espagnols ; ils la lurent. La lettre parlait des vœux que faisaient les trois frères pour le succès du calvinisme en France. C'est cette lettre que l'évêque d'Arras venait de livrer au duc de Guise.

Le cardinal de Lorraine se hâta de la porter à Henri II. Le duc de Guise voyait, comme avantage immédiat de cette dénonciation, de n'avoir plus d'Andelot pour commander les gens de pied sous ses ordres, dans la campagne qui allait s'ouvrir. Éloigner de l'armée, au moment du combat, un chef aimé des soldats et investi, par sa charge de colonel général, du pouvoir de donner les grades et les récompenses, c'était garder pour soi les partisans qu'il aurait pu se créer, et écarter toute compétition dans l'amour que le soldat a toujours pour son chef après une guerre heureuse. Puisqu'à cette époque l'influence était attachée non plus aux terres, ni aux châteaux forts, ainsi que dans les temps féodaux, mais à la fidélité des soldats, le duc de Guise liait à sa fortune tous les capitaines qui auraient été soumis à l'influence de d'Andelot. Mais il y avait un intérêt plus grand encore à faire connaître que les Châtillons s'étaient détachés du catholicisme : ou Gondé et les fils du connétable se sépareraient d'eux, ce qui amoindrirait la puissance du parti contraire à celui des Guises ; où bien ils les suivraient dans leur nouvelle foi, ce qui les brouillerait mortellement avec le connétable dont les convictions ne pouvaient être douteuses, ce qui les ferait exclure de la cour et des honneurs, ce qui laisserait le connétable isolé,et impuissant en face des Guises. Henri II était à son souper quand le cardinal lui remit la lettre interceptée ; il fit immédiatement appeler d'Andelot, le somma de prononcer devant lui, publiquement, une déclaration qu il était catholique, fut pris de colère en le voyant refuser d'obéir, lui jeta à la tête un des flambeaux placés sur la table, et donna ordre de l'enfermer à la Bastille. L'infanterie de l'armée fut confiée, en son absence, à Blaise de Montluc, le défenseur de Sienne.

Le Balafré ne s'était pas attardé à Paris ; dès qu'il avait vu l'attention des ennemis concentrée sur Saint-Quentin, qu'ils croyaient menacée par lui, il avait rapidement porté son armée près de Châlons-sur-Marne. Puis, par une marche secrète, il s'était avancé sur Metz, comme pour ravitailler cette place ; faisoit faire à son camp six lieues par chascun jour, sans arrester dans un logis plus d'une nuict ; pour lequel camp nourrir de toutes nécessités, faisoit faire estappes de munitions, de pain, de vin, de chairs, de foins, d'aveine largement, de trois lieues en trois lieues, affin que nul n'eust disette parles chemins[25]. Il se présenta tout à coup devant Thionville, le 28 mai, quand on le croyait encore au camp de Châlons, et commença le siège de cette ville[26].

Tant de secret, de promptitude et de prévoyance assurait le succès de nos armes à une époque où la France avait des généraux qui savaient prendre une décision à l'avance, donner des ordres sans les changer, s'occuper de la nourriture du soldat, marcher sûrement vers le but choisi par eux. Il est vrai que le duc de Guise, au jugement de Montluc, estoit un des plus diligens lieutenans de Roy que j'eusse encore servys des dix-huict sous qui j'avois faict service au Roy[27] ; qu'il savait également monter à cheval pour surveiller les mouvements de ses troupes et travailler dans sa tente pour préparer ses ordres. Il les écrivait de sa main et ne s'en vouloit fier à secrétaire qu'il eust. Un jour, je venois des tranchées pour lui demander quatre enseignes d'Allemands pour entrer en garde avec nous. Il s'estoit logé en une petite maisonnette basses là où il n'y avoit qu'une petite chambre qui avoit la fenestre tout à costé de la porte. Et là, je trouvai M. de Bourdillon qui depuis a esté mareschal de France, auquel je demandai où estoit Monsieur. Il me dit qu'il escrivoit ; alors je dis :Au diable les escritures, il semble qu'il veuille espargner ses secrétaires, c'est dommage qu'il n'est greffier du parlement de Paris, car il gaigneroit plus que du Tillet et tous les aultres. Le Gascon impatient, qui comprenait mieux les coups de main que les manœuvres militaires, fut un peu confus de voir paraître, au milieu de ses murmures, le duc qui les avait entendus, et qui lui dit : — Eh bien, serois-je bon greffier ?Jamais je n'eus tant de honte. Mais il n'en faisoit que rire. Il n'y avoit homme qui ne le jugeast un des plus vigilans et diligens lieutenants de Roy qui ait esté de nostre temps. Au reste, si plein de jugement à sçavoir prendre son parti qu'après son opinion, il nefalloitpas penser à en trouver une meilleure. C'estoit un prince si sage, si familier et courtois qu'il n'y avoit homme en son armée qui ne se fust volontiers mis à tout hazard pour son commandement, tant il sçayoit gaigner le cœur. Un des secrétaires du duc écrivait au cardinal de Lorraine : Luy-mesme est ordinairement aux tranchées depuis les quatre heures du matin, jusques aux dix heures du soir[28].

Trente-cinq pièces de canon furent mises en batterie au bout de quelques jours[29] ; mais la muraille, soutenue par des terrasses sur lesquelles deux ou trois charrettes pouvaient aller de front, ne se laissait pas entamer, tandis que l'artillerie de la ville nous foudroyoit dans les tranchées, et il n'y avoit ordre d'y travailler que la nuit[30]. Il fallut faire retirer les troupes, et Guise se trouva seul un moment près de ses canons, avec cinq ou six gentilshommes ; si les ennemis avaient traversé la Moselle, ils enlevaient l'artillerie, ou la roulaient dans la rivière. On fut forcé de changer le point d'attaque ; plusieurs jours étaient perdus ; les assiégés étaient rendus confiants par ce premier succès ; Guise, pour soutenir le moral de ses troupes, se montrait sur tous les points le morion en teste et la targe au bras[31]. Il avait hâte d'en finir ; il donna ordre à Montluc de pousser une reconnaissance jusqu'au pied de la tour sur laquelle se dirigeaient les tranchées. Quand le Gascon revint le lendemain lui déclarer que la tour était entourée d'une palissade et qu'on ne pouvait en approcher sans enfoncer dans l'eau jusqu'à l'aisselle, il s'irrita et répondit qu'il n'y avait pas de palissade ; il prescrivit une nouvelle reconnaissance pour la nuit suivante. Le maréchal Strozzi, inquiet de cette impatience inusitée chez le duc qui parlait toujours avec courtoisie à ses officiers, et du dépit que Montluc paraissait en ressentir, dit : Je cognois que Montluc est fasché de la response que luy a faite M. de Guyse, et vous verrez s'il ne va ceste nuit recognoistre d'une terrible sorte. En effet, Montluc prit, comme il fut nuict, quatre cents picquiers, tous corselets, et quatre cents arquebusiers, et j'allay mettre les quatre cents corselets tous ventre à terre, à cent pas des portes de la ville, et je m'en allay avec les quatre cents arquebusiers droit à la palissade. Il la franchit, attaqua le poste de vingt-cinq hommes qui la défendait, le mit en déroute, et arriva en même temps que les fuyards par le ravelin à la poterne ; mais cette poterne estoit fort petite, et n'y pouvoit passer qu'un homme. Il s'obstina, voulut enlever la ville, attira toute la garnison sur sa petite troupe, et fut forcé de se retirer au bout d'une heure. Le duc était désolé qu'on eût fait tuer tant de monde dans une entreprise téméraire et inutile ; mais Strozzi lui rappela son irritation inopportune de la veille, en lui disant : Voulez-vous mieux recognoistre une brèche qu'en donnant l'assaut ? C'est un trait de Gascogne que vous ne sçavez pas. On dut s'en tenir à l'attaque régulière et attendre que la tranchée fût poussée jusqu'au pied de la tour. Le temps s'écoulait. Une armée de secours pouvait arriver ; Guise voyait s'évanouir les avantages que lui avait procurés la rapidité de ses mouvements. A quoi bon choisir si loin Thionville, si l'on s'attardait tout Tété devant une de ses tours, au lieu de frapper des coups prompts et décisifs comme à Calais et à Guines ? Il fait approcher quatre coulevrines jusqu'au pied de la tour, pour hâter le moment de l'assaut ; il étudie la brèche, debout sur la crête de la tranchée, et la main sur l'épaule de Strozzi, lorsqu'il le sent s'affaisser. Strozzi vient d'être tué d'un coup de mousquet[32] ; le duc se penche sur le Florentin renversé, le conjure de songer à son salut et de penser où va son âme : Mort-Dieu, Monsieur, répond Strozzi, je seray où sont tous les aultres qui sont morts depuis six mille ans. Je renye Dieu, ma feste est finye[33]. Et il expire.

Le lendemain, à la pointe du jour, on essaye d'élargir à coups de canon un trou que les mineurs avaient pratiqué à la base de la tour, mais tous ceux qui en approchent avec des gabions sont atteints par mousqueterie des remparts : Vous n'eussiez vu que soldats blessés, lesquels on amenoit panser[34]. Six arquebusiers ont pu cependant se glisser à travers les débris. Les assiégés, en les voyant, abandonnent les casemates ; Montluc s'en aperçoit, il s'avance près du trou, saisit un soldat et lui dit : Saute dedans, soldat ! Celui-ci refuse. Alors, dit Montluc, mon fils et ses capitaines estoient derrière moy ; je commence à renier contre eulx pourquoy ils ne m'aidoient a forcer ce galant. Tout à coup nous le jetasmes la teste première dedans, et le fismes hardy en despit de luy. Nous jetasmes deux aultres arquebusiers dedans, partie de leur gré, partie par force. Excités par ce jeu, le fils de Montluc et les capitaines gascons ne peuvent résister à la tentation de ce trou à travers lequel on tombe un à un dans une ville ennemie ; ils s'y précipitent à leur tour ; trois ou quatre arquebusiers sont emportés par le même enivrement, et sautent derrière eux. Courage, leur crie Montluc, compagnons, monstrez que vous estes vrais Gascons ! Aussitôt il les voit qui se glissent dans les casemates et font signe aux autres arquebusiers de les suivre. Guise, qui se tient près des canons dont le feu n'a pas cessé, aperçoit ce mouvement de l'infanterie qui court dans les tranchées et s'élance vers la tour. Il fait un grand cry : O mon Dieu ! la tour est prinse ! Ne voyez-vous pas que tout le monde y court ? Il monte à cheval, rencontre un gentilhomme que lui envoyait Montluc pour lui annoncer que la tour est prise : Hé, mon amy, j'ay tout veu, j'ay tout veu ! arrive au galop, met pied à terre, se mêle aux arquebusiers, saute avec eux dans le trou, pénètre dans les casemates, se montre à une embrasure et crie de ne plus laisser entrer personne, parce que l'on se touche là dedans, de faire rompre les murailles par les pionniers. Les soldats prennent des pics et travaillent eux-mêmes. En ce moment, les assiégés demandent à capituler.

Les soldats méritoient qu'on leur donnast le sac, car c'est leur oster le cœur si on ne leur donne quelque curée ; et peu de chose qu'ils gaignent de l'ennemi les contente plus que quatre payes. Mais M. de Guyse disoit toujours qu'il vouloit garder la ville[35]. Il conservait assez d autorité sur ses hommes pour les faire sortir des murailles où ils venaient de s'introduire si bravement ; il fit garder les rues par des gentilshommes et interdit le pillage. Les habitants n'y gagnèrent point : comme ceux de Calais, ils furent condamnés à sortir de leur ville : Ce deslogement estoit fort pitoyable de veoir un nombre infini de vieillards, de femmes, de filles, d'enfants et de soldats blessés et estropiés, se retirer de telle façon et abandonner leurs terres, maisons et propres héritages, et il n'y avoit personne qui n'en fust saisy de quelque compassion[36].

Le succès avait longtemps été douteux : les plus hardis de l'armée croyaient qu'on serait obligé d'abandonner le siège ; la ténacité du duc de Guise et la témérité des capitaines gascons avaient forcé la fortune. Ces capitaines, qui créaient l'infanterie française et qui sautaient ainsi, seuls, dans une ville de guerre, avaient les travers, les vices et l'intrépidité de leurs soldats. Cambrés dans leurs pourpoints de buffle et traînant leurs longues rapières, facilement portés à la brutalité par leurs passions naïves et violentes, ils devaient traverser bien des vicissitudes dans leur existence émouvante. Guise comprit, dès ce jour, la supériorité de l'infanterie française sur les mercenaires allemands, et réussit à s'assurer le dévouement des principaux chefs : le comte de Charry et le baron de Sarlabous furent choisis par lui au milieu de ces hardis aventuriers et conduits à la cour. Ils se vouèrent avec amour à leur duc, et recrutèrent pour lui des compagnies de Gascons, qui lui assurèrent une infanterie solide et fidèle. Après la mort du duc, Sarlabous devint gouverneur du Havre, et Charry, mestre de camp des gens de pied français, qui furent réunis en régiment pour former la garde du Roi avec les Suisses et les Écossais.

Le pays se livra tout entier au bonheur d'apprendre la nouvelle de ce succès, chèrement acheté et longuement attendu. Sans doute Thionville n'était pas une place aussi importante que Metz et Calais, mais on vit dans cet événement une continuation des heureuses campagnes qui nous avaient placés et maintenus a Metz et la certitude de pouvoir s'avancer dans le Luxembourg ; la fortune demeurait fidèle à notre jeune général, et le suivait sur tous les points où il portait ses armes. On connaissait alors les chefs chanceux, les feux allumés pour fêter les assauts, les enseignes conquises sur l'ennemi.

Trois jours après la prise de Thionville, l'armée se mit en marche sur Arlon. Guise, qui depuis le commencement du siège n'avait pas dormi en tout ce qu'il avoit accoustumé de dormir en une nuict, se sentit écrasé par la fatigue ; il s'enferma dans sa tente, devant Arlon, en défendant qu'on le vint éveiller[37].

Pendant qu'il succombait ainsi à la fatigue, quelques-uns de nos soldats descendirent dans les fossés d'Arlon, entrèrent en conversation avec les Flamands qui garnissaient ce côté du rempart, leur racontèrent que les Allemands, qui formaient le reste de la garnison, capitulaient pour eux seuls et se disposaient à les abandonner. Les Flamands s'inquiétèrent ; quelques capitaines gascons vinrent plus près d'eux, leur firent porter de la bière, se hissèrent en même temps pour boire avec eux ; ils montaient un à un, on se poussa, on se tira, on fut dans la place. Lorsque le duc, à son réveil, demanda pourquoi l'on n'avait pas encore commence le feu des batteries, il apprit que la ville était prise. Il accourut à la hâte, trop tard malheureusement pour empêcher le pillage ; la garnison avait pu se retirer sans être inquiétée[38], mais les habitants ne furent pas compris dans ces complaisances de la camaraderie militaire. Toutefois, le butin ne fut pas aussi considérable qu'on l'espérait. Quelques soldats mirent le feu à des maisons ; l'incendie s'étendit rapidement, qui fut cause que les soldats ne gaignèrent pas tant comme ils eussent faict[39].

Ces écarts dans la discipline pouvaient s'expliquer dans les moments de fièvre qui suivaient l'escalade. Le Gascon voulait sa fête complète, comme elle lui était due : après les ivresses de l'assaut, les folies du pillage. Mais les Allemands de l'armée du duc de Guise, commandés par le comte de Lunebourg, conservaient une rancune sournoise pour avoir été privés du sac de Thionville ; après Arlon, où ils avaient été devancés par les Gascons, et où ils n'étaient entrés qu'au moment de l'incendie, leur fureur ne put plus se contenir ; ils se jetèrent sur les tentes du duc de Guise et du maréchal de Bourdillon, pillèrent la vaisselle d'argent, brûlèrent les chariots. Le baron de Lunebourg osa menacer le duc de son pistolet ; mais M. de Guise, prompt, mit la main à l'espée aussy tost et luy en fit tomber son pistollet et la luy porta à la gorge[40]. Il rassembla une centaine de cavaliers, fit prendre les armes à ses arquebusiers français, et réduisit en quelques heures la rébellion des Allemands : Ceste nation là où elle se sent la plus forte est la plus présomptueuse et hautaine qui peult estre entre toutes les aultres, et se peut moins converser et hanter sans querelles[41].

Quelques jours après arriva Henri II pour passer en revue les vainqueurs de Thionville, et pour ramener l'armée vers la Picardie. Il s'arrêta au château de Marchais, chez le cardinal de Lorraine, et accepta durant plusieurs jours la fastueuse hospitalité de ses tout-puissants sujets : il chassait, jouait à la paume, au mail[42], se mêlait aux soldats. Au milieu d'une grande revue, Montluc vit passer à cheval deux enfants, le jeune Henri de Guise, fils aine du duc, que l'on nommait le prince de Joinville, et le fils du duc d'Aumale, tous deux beaux à merveilles. Je leur dis :Çà, mes petits princes, çà, mettez pied à terre ; je veux estre le premier qui vous mettra les armes sur le col. — Ils avoient de petits rubans de taffetas, lesquels je leur ostay de dessus, leur mettant la pique sur le col, et leur dis :J'espère que Dieu vous fera la grâce de ressembler à vos pères. — Je les fis marcher coste à coste et les piques sur le col à la teste du bataillon. Tous nos capitaines estoient si aises de veoir ces enfants marcher comme ils faisoient, qu'il n'y avoit nul qui n'en eust bon présage.

L'infanterie devait se sentir flattée, en effet, de voir dans les mains des jeunes princes ses armes dédaignées jusqu'alors par la noblesse ; elle acclamait presque l'espoir d'une dynastie nouvelle, sous les yeux mêmes du Roi. Du reste, la présence de Henri II n'empêchait nullement le duc de donner des ordres ni de diriger ses troupes avec la même autorité et la même liberté que les jours précédents. Ainsi, un matin, on apprend que la ville de Corbie est menacée, que les Espagnols sont en marche pour l'investir ; elle n'a qu'une garnison insuffisante : à la hâte, des renforts doivent y être jetés. De Marchais à Corbie, la distance est longue. Le Roi assemble le conseil et discute l'opportunité de l'envoi d'un corps de troupes vers Corbie. D'Estrées et Montluc, qui viennent de faire tenir prêtes à se mettre en marche sept enseignes de gens de pied, insistent pour avoir des ordres. M. d'Estrées commença à renyer, car il s'en sçait aussy bien ayder que moi, dit Montluc. Le Conseil ne se déterminait pas. Guise, devant le Roi., donne Tordre de marche aux sept enseignes, les fait accompagner de vingt-cinq mulets chargés de pain, d'une charrette de poudre et de quatre charrettes de vin des marchands volontaires, pour faire manger et boire les soldats, en cheminant, sans entrer en ville ni village. Jour et nuit, sans s'arrêter, les braves Gascons des sept enseignes se dirigent sur Corbie ; à l'aube du jour, après leur seconde nuit de marche, ils ne sont plus qu'à un quart de lieue de la place, quand ils aperçoivent les éclaireurs de la cavalerie espagnole ; ils se mettent à courir, en abandonnant les charrettes y sauf celle qui contenait la poudre, sont rejoints par les cavaliers à deux cents pas de la ville, et font tète sur le bord du fossé. Les Espagnols se replièrent et renoncèrent à ce siège. Si le duc de Guise n'avait pas tranché les tergiversations de Henri II et de son conseil, Corbie était perdue et le renfort probablement surpris en route.

Mais on reçut, h cette époque, la nouvelle d'une défaite. Une seconde armée française, commandée par le maréchal de Termes, et composée surtout de mercenaires allemands, opérait sur les côtes de Flandre ; elle avait pris et pillé Dunkerque. Les cavaliers allemands, armés de pistolets, ne laissaient rien dans le pays de ce qu'ils pouvaient emporter sur leurs chariots ; le peu de valeur et la rapacité de cette sorte de gens étaient appréciés en ces tenues par le duc de Guise[43] : Vous cognoissez le mesnaige dont nos pistolliers ont accoustumé es lieux où ils se trouvent, pour n'y laisser rien du tout. Le maréchal de Termes ramenait lentement, le long des dunes, cette armée encombrée par le butin, lorsqu'il fut surpris, près de Gravelines, par les Espagnols que commandait le comte d'Egmont. Ceux qui avaient été les plus âpres au pillage refusèrent de se battre en ce moment ; les Allemands ne firent aucune résistance, ains, se rompant d'eux-mesmes, haulsèrent leurs picques et jetèrent là leurs armes[44]. L'armée du duc de Guise restait seule pour couvrir la frontière. Elle comptait cinquante mille hommes.

Cette défaite de Gravelines compensait la prise de Thionville, et comme la fortune avoit semblé se partager entre les deux rois, ils se trouvèrent insensiblement disposés à la paix[45]. Henri II commençait à se lasser de la prépondérance que prenaient les Guises dans son royaume ; il ne voyait que la paix comme moyen d'abaisser l'autorité d'un sujet que ses talents militaires avaient élevé si haut. Peu à peu la réaction de l'ingratitude diminuait la popularité du duc. Les maréchaux de Brissac et de Vieilleville représentaient à ce moment le parti des mécontents parmi les gens de guerre ; ils étaient jaloux de l'éclat d'une gloire qui faisait oublier leurs services, et des récompenses réservées aux seuls soldats qui avaient combattu sous les yeux du duc de Guise. La duchesse de Valentinois se voyait reléguée au second plan, traitée avec hauteur par le cardinal de Lorraine, autrefois si empressé parmi ses courtisans ; elle était blessée de l'orgueil de ce prélat et ne le nommait plus que maistre Charles. Elle parla au Roi du connétable, le fit souvenir de son ancienne tendresse pour ce général vieilli, malheureux, captif ; se mit en relation elle-même avec Montmorency dans les Pays-Bas, et lui fit proposer d'unir leurs intérêts, et de consacrer cette alliance par un mariage entre sa petite-fille Henriette de la Marck et Montmorency-Damville, second fils du vieux favori.

Quand il reçut ces offres, le connétable, commençait à s'inquiéter de la puissance qu'avaient prise les Guises durant son absence, à s'irriter de la disgrâce qu'ils avaient tramée contre son neveu d'Andelot, à se lasser de la longueur de sa captivité. Une paix seule, pouvait lui rendre la liberté et son influence à côté du Roi. Il s'aboucha avec les ministres de Philippe II, eut connaissance des projets que l'évêque d'Arras avait soumis au duc de Guise et au cardinal de Lorraine, crut faire un coup de maître en s'emparant lui-même de ce plan, et en fondant sur l'union des couronnes de France et d'Espagne le système d'une protection assurée dans toute l'Europe aux intérêts catholiques.

Cette pensée, du reste, avait été l'inspiration de sa vie entière. Il ne voulut pas se laisser ravir par les Lorrains son idée de grouper en un faisceau toutes les forces religieuses et militaires contre les ennemis de l'ordre social.

Quand les Espagnols virent que le connétable était acquis aux idées de pacification, ils lui rendirent d'abord la liberté sur parole, puis ils abaissèrent de moitié la somme exigée pour sa rançon[46], tant ils avaient hâte de placer près de Henri II un compétiteur sérieux contre l'influence du duc de Guise et du parti qui voulait continuer les hostilités.

Ils étaient forcés de les suspendre ; ils se sentaient aux abois. Nous, avec un peu de persévérance, un peu de fixité dans la politique, nous allions accabler pour toujours les vieux adversaires de François Ier. Le trésor de Philippe II était épuisé. Les royaumes de Naples et de Sicile et le duché de Milan produisaient pour l'Espagne environ un million d'écus d'or de revenu ; mais la défense de possessions aussi douteuses, l'obligation d'entretenir la fidélité des petits princes, des villes libres, des neveux de papes, exigeaient des dépenses beaucoup plus considérables. Les impôts sur la péninsule espagnole rendaient également un million d'écus d'or ; mais les recouvrements étaient lents et coûteux, la persécution contre les Juifs et les Maures tarissait les sources de la richesse, l'insurrection des Maures d'Andalousie forçait le Roi de garder à sa solde des troupes nombreuses dans le sud de ses États, et de condamner ses plus riches provinces à une dépopulation radicale. Philippe II n'avait donc réellement, pour subvenir aux dépenses de sa cour et à celles de ses armées en France, que les revenus des Pays-Bas. Ces provinces, peu étendues, mais habitées par une race laborieuse et industrielle, payaient autant d'impôts que l'Espagne et l'Italie réunies, et supportaient la plus grosse part des dépenses extraordinaires. En cinq ans elles avaient payé plus de huit millions d'écus d'or, en sus des impôts[47]. C'est comme si, de nos jours, les recettes des budgets de la Belgique et de la Hollande devaient faire face non-seulement aux dépenses de ces deux États, mais encore à celles de l'Italie et de l'Espagne, et aux frais d'une guerre contre la France. Il en résultait chez les agents du fisc une sorte d'âpreté qui les maintenait comme en guerre contre les Flamands. Les saisies, les confiscations se multipliaient, moyens ruineux d'alimenter le Trésor ; car, au plus, fort de la persécution, quelques années plus tard, quand le duc d'Alva cherchait à ruiner systématiquement le pays, il écrivait au Roi que, même dans ces conditions, les confiscations ne suffisaient pas à couvrir les frais. Le travail d'une nation fait seul la force de son budget ; mais cette loi économique était encore obscure, et les hommes d'État de l'Espagne croyaient avoir une autre ressource dans les mines du nouveau monde. Ils ignoraient que l'or est sans valeur tant qu'il est dans le sol ; que pour l'extraire, le défendre, le transporter, il faut des dépenses considérables. Les métaux précieux qui arrivaient sur les galions étaient le gage des marchandises envoyées en Amérique par les négociants de Séville et de Cadix. Il est vrai que le Roi ne se faisait aucun scrupule d'en opérer la saisie, et de rembourser les marchands en papier à longue échéance sur son trésor ; mais c'était encore une sorte de confiscation qui amenait lentement la ruine des négociants espagnols et, par suite, celle des colonies et de l'industrie des mines.

Aussi, le duc de Savoie, qui commandait l'armée de Philippe II en France, écrivait au cardinal de Granvelle : Je n'ai pas un réal pour payer les Allemands ; il me faudrait plus d'un million. Si nous n'avons pas la paix, le Roi sera dans la plus terrible crise que prince ait jamais traversée[48]. Philippe II se rendait si bien compte de cette détresse, qu'il disait à l'envoyé de Venise : Monsieur l'ambassadeur, je veux la paix à tout prix, et si le roi de France ne l'avait pas demandée, je l'aurais demandée moi-même[49]. Et, quelques mois plus tard, il écrivait au cardinal de Granvelle : Je vous dis qu'il était de toute impossibilité de continuer la guerre[50].

Nous étions donc en mesure de dicter une paix glorieuse ; mais la légèreté de Henri II, la précipitation aveugle du connétable, la jalousie subite de la duchesse de Valentinois contre les Guises, nous dépouillèrent de nos avantages.

Pour conclure la paix, la France consentit à abandonner toutes les forteresses, toutes les villes qu'elle occupait, sauf Calais et Guines, et couvrit cet abandon sous la forme de dot aux princesses qu'elle donnait en mariage. Toutes nos possessions de Savoie et de Piémont, à l'exception du marquisat de Saluées, étaient rendues pour former un État souverain en faveur du duc de Savoie, qui épousait la sœur de Henri II ; on offrait à Philippe II toutes nos places du nord et celles du Milanais s'il consentait à épouser Elisabeth, fille aînée du roi de France, et Granvelle écrivait en réponse que son maître s'estoit résolu, pour montrer sa bonne et syncère affection, d'y condescendre franchement[51]. Enfin, Claude, seconde fille du Roi, épousait le jeune duc de Lorraine, et lui apportait en dot Stenay avec trois cent mille écus d'or. Nous sortions de cent cinquante places fortes. Les garnisons revenaient d'Italie, de Savoie, du Luxembourg, de Lorraine, de Navarre, de Flandre... Ô misérable France ! déclamait devant le Roi l'envoyé du maréchal de Brissac[52], à quelle perte, à quelle ruine t'es-tu laissé ainsi réduire, toi qui triomphais sur toutes les nations de l'Europe ! Et il rappelait au Roi tant de sang répandu, tant de gloire perdue, quand le duc de Guise, exaspéré du silence et de l'obstination du Roi, rompit ce discours savamment préparé, et s'écria brutalement : Sire, quand vous ne feriez que perdre durant trente ans, si ne sçauriez-vous perdre ce que vous voulez donner en un seul coup ; mettez-moi dans la pire ville de celles que vous voulez rendre, je la conserveray plus glorieusement sur la bresche ! La consternation fut générale parmi les soldats, même ceux qui, comme Brissac ou Vieilleville, avaient été opposés au duc de Guise. Tavannes rappelle avec colère le sang, la vie de tant de François négligée, cent cinquante forteresses rendues pour tirer de prison un vieillard connestable et se descharger de deux filles de France, qui fut une pauvre couverture de lascheté. Plus de coups de lance, plus d'exploits chevaleresques au delà des Alpes, plus de butin. Il fallait rentrer dans son village, renoncer aux fortunes subites, à la faveur des chefs militaires, se réduire désormais à une vie ennuyée et misérable.

Le Roi ne voyait pas la charge qu'allaient faire peser sur l'administration les agitations de cette noblesse belliqueuse, pauvre, déçue dans ses rêves. Il était dominé par l'idée fixe de tourner tous ses efforts contre l'hérésie, et tellement séduit de ce nouveau projet, qu'il ne sut pas le cacher au prince d'Orange, envoyé à sa cour comme otage de la sincérité des Espagnols dans l'exécution des clauses de cette paix de Cateau-Cambrésis : le prince d'Orange, qui n'était peut-être pas encore converti aux doctrines de la Réforme, mais qui savait que, sous le prétexte de maintenir le catholicisme, le roi d'Espagne préparait l'abolition des libertés municipales dans les Pays-Bas, put dès ce moment apprécier l'étendue des dangers qui menaçaient les communes flamandes, en recueillant les imprudentes confidences de Henri II[53]. L'ambassadeur d'Angleterre n'ignorait pas non plus ce que signifiaient les concessions subies par la France : il sentit qu'elles étaient une menace pour le nouveau régime religieux qu'Elisabeth, la fille d'Anne de Boleyn et de Henri VIII, restaurait en Angleterre : Il y a un pacte, écrivait-il[54], entre le feu pape, le roi de France et le roi d'Espagne, qui doivent coaliser leurs forces pour supprimer la religion réformée. Ils veulent forcer le reste de la chrétienté de se soumettre à l'autorité du Pape et à la foi catholique.

Le duc de Guise n'avait nullement le désir d'entrer en lutte contre ces projets : il feignit de ne pas s'apercevoir que la paix avait été conclue en haine de sa puissance, et affecta de prendre part aux réjouissances célébrées par la cour : il tenoit maison ouverte, et faisoit convives et distributions profuses à qui en vouloit.

 

 

 



[1] Par Édouard III, sous le règne de Philippe de Valois.

[2] De la fin d'octobre à la fin de décembre 1557.

[3] ROBERTSON, History of Charles the Fifth, l. XII.

[4] The queen to Wentworth, Calais, Ms., bundle 10, public par FROUDE.

[5] Nos historiens le nomment le fort Nieullay.

[6] FROUDE.

[7] RABUTIN, Commentaires, p. 570.

[8] GUISE, Mémoires-journaux, p. 328.

[9] D'AUBIGNÉ, Histoires, p. 27.

[10] RABUTIN, Commentaires, p. 570.

[11] LA CHASTRE.

[12] D'AUBIGNÉ.

[13] Discours de la prinse de Calais. Tours, chez Jehan Rousset, imprimeur et libraire, humble et obéissant serviteur du Roy, nostre sire, et du sang royal, et de messieurs de Guyse, 1558.

[14] VIEILLEVILLE, Mémoires, p. 263.

[15] James Anthony FROUDE, History of England, t. I, p. 308.

[16] Haste, haste, haste, poste-haste, for thy life, for thy life !

[17] FROUDE, t. I, p. 308-318.

[18] RABUTIN dit, p. 579, qu'il se retrancha dans un petit boulevard ; D'AUBIGNÉ dit, p. 87, dans le réduit.

[19] FROUDE.

[20] Voir FROUDE, t. I, p. 318 ; Measured by substantial value, the lose of Calais was a gain. Même l'Américain PRESCOTT (History of Philip the second, t. I, p. 154) dit : It was not great loss to the nation. Like more than one of the colonial possessions of England at the present day, Calais cost every year more than it was worth.

[21] TAVANNES, p. 216.

[22] RABUTIN, Commentaires. Son beau-père, Henri d'Albret, roi de Navarre, était mort en 1555.

[23] LOTHROP MOTLEY, Rise of the dutch republic, édit. Routledge, p. 128.

[24] LOTHROP MOTLEY, p. 99 ; Henri MARTIN, t. VIII, p. 466.

[25] Claude HATON, Mémoires, t. I, p. 67.

[26] Voir, sur le siège de Thionville, Archives curieuses de l'histoire de France, 1re série, t. III, p. 261, Siège et prinse de Thionville mise en l'obéisance du Roy par M. le duc de Guyse, contenant un long discours des batteries, tranchées, saillies, escarmouches et assaults faits par chascun jour tant d'une part que de l'autre durant ledit siège. Voir aussi : Bref discours de la prinse de Thionville mise en l'obéisance du Roy par le sieur de Guyse, Robert ESTIENNE, Paris, 1558.

[27] MONTLUC, Commentaires, p. 189 et suiv.

[28] GUISE, Mémoires-journaux, p. 425.

[29] RABUTIN, Commentaires, p. 590.

[30] MONTLUC.

[31] RABUTIN, p. 590.

[32] LA CHASTRE, p. 594.

[33] VIEILLEVILLE, Mémoires, p. 263.

[34] MONTLUC.

[35] MONTLUC.

[36] VIEILLEVILLE, Mémoires, p. 263.

[37] MONTLUC.

[38] RABUTIN, p. 590.

[39] MONTLUC.

[40] BRANTÔME, Hommes illustres, t. I, p. 625.

[41] RABUTIN, Commentaires, p. 597.

[42] Voir Portef. Fontanieu, v. 274, publié par BOUILLÉ. Jeu analogue au crochet ; on se sentait d'un maillet qui avait la forme d'une pelle, et le terrain du parc consacré à ce jeu se nommait palle-maille. Ce mot est évidemment l'origine de celui de la rue de Londres, Pall-Maill.

[43] Ms. Béthune, v. 8655, f° 59, publié par BOUILLÉ, t. I, p. 491.

[44] RABUTIN, p. 599.

[45] Madame DE LAFAYETTE, la Princesse de Clèves, édit. 1764, p. 16.

[46] TOMMASEO, Amb. Vénit., Documents inéd., t. I, p. 408.

[47] SURIANO, Amb. vénit. : Di tutti questi suoi regni ha S. M. cinque millioni d'oro d'intrata in tempo di pace, cioé uno della Spagna, uno delle Indie, uno da Milano et da Sicilia, un' altro di Fiandra, e dalli paesi bassi un altro. De même BADOVARO écrit au Sénat de Venise : In poco più da cinque anni vengono ad haver contribuito i Fiammenghi di straordinario quasi otto millioni d'oro. Voir encore LOTHROP MOTLEY, Rise of the dutch republic, p. 58.

[48] No ay un real y devéseles a la gente alemana, de mas de lo que seles a pagado sora de la vieja denda, mas d'un mylion d'escudos... por esso mirad como hazeys que sino se haze la paz yo veo el rey puesto en el mayor trance que rey s'a visco jamas.

[49] SURIANO : Mi disse S. M. nell' esercito con queste parole ò simili :O Imbasciatore, io voglio pace in ogni modo, e s'il Re di Francia no l'havesse domandata, la domandarei io.

[50] Philippe II à Granvelle, 12 février 1559 : Io os digo que yo estoy de todo punto impossibilitado à sostener la guerra.

[51] GRANVELLE, t. V, p. 580. Philippe II était veuf depuis quelques semaines (15 novembre 1558) de Marie, reine d'Angleterre.

[52] BOYVIN DE VILLARS, Mémoires, p. 318.

[53] LOTHROP MOTLEY, p. 122.

[54] FORBES, State papers, t. I, p. 296 : There was an appoinctement made between the late pope, the french king and the king of Spaine, for the joigning of their forces together for the suppression of religione... the end whereof was to constraine the rest of christiendome, being protestants, to receive the pope's authority and his religione.