DE CE n’est pas sans raison que le Sénat romain, en même
temps qu’il se fortifiait contre Carthage et mettait Il fallait occuper l’Illyrie, parce que Pyrrhus était
arrivé par là de l’autre côté de l’Adriatique,
et que Au nord, L’année suivante (224), deux consuls, chargés de conquérir
Le Sénat, cependant, peu sûr de Les mercenaires de Carthage, révoltés, un instant
sou-tenus par les habitants de la cité de Melkarth, écrasés par les Numides
que conduisait Amilcar, venaient d’être pris et massacrés dans le défilé de En Espagne, Asdrubal arriva jusqu’aux bords de l’Èbre (227), où les Romains l’arrêtèrent en lui imposant un traité. Asdrubal fonde Carthagène, et meurt assassiné. Les troupes se donnent pour chef Annibal, fils d’Amilcar, qui bataillait avec eux depuis trois ans. Le peuple de Carthage confirma cette- élection, que le Sénat dut ratifier. Carthage se relevait, mais dans de mauvaises conditions.
Son territoire, de Aux termes du traité subi par Asdrubal en Espagne, les Carthaginois ne devaient pas franchir l’Èbre. Annibal, qui haïssait les Romains, et que l’ambition emportait, sûr de ses troupes, sûr du peuple à Carthage, viole le traité. Il assiège et prend Sagonte, après huit mois d’une résistance désespérée. Sagonte prise (219), Annibal refuse d’entendre les envoyés du Sénat romain, et déclare la guerre. Il transporte 15.000 Espagnols en Afrique, qu’il remplace par 15.000 Africains, et se croyant ainsi maître de l’Espagne, où ses lieutenants veilleront, il entreprend de marcher sur Rome, par terre. Il s’est assuré le concours des Gaulois, des Cisalpins, des Boïes et des Insubres ; il ne compte pas sur Carthage. Annibal part de Carthagène avec 94.000 hommes. Il licencie ou renvoie les hésitants, et passe en Gaule avec 50.000 fantassins, 9.000 cavaliers et 37 éléphants. Le Sénat pense qu’il ruinera l’entreprise irréalisable d’Annibal, en lui enlevant l’Espagne ; que privé de tout secours, coupé de ses réserves, Annibal succombera. Scipion partira donc pour l’Espagne, pendant que Sempronius, autre diversion, descendra en Afrique. Deux colonnes de 6.000 hommes, en outre, sont envoyées en Cisalpine, à crémone et à Plaisance. Lorsque Scipion arrive à Marseille, Annibal campait déjà sur le Rhône. Mal renseigné, le général romain s’engage dans une direction contraire à celle que suivait le général carthaginois. Cependant 300 cavaliers Romains rencontrent et battent 500 Numides, mais en laissant 140 des leurs sur le terrain, ce qui impressionna considérablement Scipion. Annibal ne s’occupe pas de Scipion ; il passe le Rhône, — les chevaux à la nage, dit Polybe, — arrive sans être inquiété au bas des Alpes neigeuses, va franchir le Petit Saint-Bernard, guidé par des Boïes venus, en suivant le val Tarentain, lorsqu’une résistance de montagnards l’oblige à ralentir sa marche. Il met neuf jours pour arriver au sommet, s’y repose deux jours, et descend vers l’Italie, péniblement, une neige nouvelle craquant sous les pas des chevaux, les hommes disparaissant, par groupes, dans les crevasses cachées, les éléphants pris dans les passages étroits, qu’il fallait creuser dans les roches, le froid décimant les troupes... Quinze jours après son arrivée au pied des Alpes, Annibal entrait en Italie, par le val d’Aoste, ayant perdu la moitié de son armée. Il lui restait 20.000 fantassins et 6.000 cavaliers. Annibal prend Turin, qu’il saccage (218) ; soulève En Espagne, Cnéus Scipion avait réussi ; Annibal ne
pouvait plus recevoir de secours de ce côté. Des précautions
stratégiques, habiles, tenaient Carthage en inquiétudes suffisantes pour qu’elle
ne songeât même pas à son général, trop engagé. Soixante galères
surveillaient Flaminius attendait les Carthaginois devant Arretium. Ce consul, ancien tribun, nommé par le peuple, malgré les Grands qui le haïssaient, était parti de Rome, accusé de n’avoir pas sacrifié à Jupiter, d’avoir méprisé les dieux et les lois. Une victoire seule, éclatante, pouvait sauver Flaminius. Cette nécessité le rendit très imprudemment audacieux, et il se fit battre dans le vallon resserré qui allait du lac de Trasimène aux collines où campait Annibal. Flaminius avait été tué dans le combat. Annibal ne marche pas sur Rome ; il se dirige vers l’Ombrie. Les colons de Spolète l’obligeant à un détour, il conduit ses troupes harassées dans les plaines du Picenum. A Rome, le peuple ignorait encore la défaite de Fabius comptait épuiser son adversaire en lui refusant la bataille, en ruinant le pays devant lui, en le tourmentant d’une série ininterrompue d’alertes, d’escarmouches, de surprises. Les légionnaires ne comprirent pas la tactique de Fabius, s’impatientèrent, l’accusèrent même de trahison un jour où l’armée des Carthaginois s’était trop engagée dans un défilé et paraissait facile à vaincre. Insensible aux accusations, Fabius, imperturbable, poursuivait son plan. Une victoire de Minucius parut donner raison aux légionnaires. Le peuple, pour montrer son mécontentement, donna au chef de la cavalerie des pouvoirs égaux à ceux de Fabius. Minucius provoqua Annibal et se fit battre. Fabius, accouru, sauva Minucius. Son année de commandement terminée, Fabius laissait les
Carthaginois impopulaires en Espagne et les Gaulois de Chacun des deux consuls devait commander alternativement, jour à jour, l’armée envoyée contre Annibal.
Varron travaillait pour obliger Paul-Émile à l’action. Près de Cannes, en
Apulie, Paul-Émile se trouva si près d’Annibal ( Rome, étonnée de l’inaction d’Annibal, supporta vaillamment son malheur. Pour la première fois, elle éprouva une émotion patriotique, un sentiment national. Tous les hommes valides prirent les armes. Avec les trophées consacrés aux dieux, on équipa les esclaves. Il fût interdit aux femmes qui pleuraient leurs maris ou leurs fils morts, de se montrer, même dans les temples. Les sénateurs se chargèrent de la police dans la cité, du service des gardes, de la surveillance des déserteurs. Des cavaliers, lancés dans toutes les directions, allaient en reconnaissance. La peur, de nouveau, réveilla les sauvageries, les superstitions. On sacrifia deux vestales ; on enterra vivants deux Gaulois et deux Grecs ; pendant que le sénateur Fabius Pictor envoyait consulter l’oracle de Delphes. Fièrement, le Sénat refusa de racheter à Annibal les 10.000 prisonniers romains qu’il avait faits ; il interdit l’entrée de Rome à tout homme qui y viendrait pour négocier de la paix ; il exila en Sicile, sans solde, les 3.000 soldats échappés au massacre de Cannes et qui demandaient à venir défendre Rome. L’âme inflexible du Sénat romain spéculait sur le désespoir, l’accentuait, voulait que Rome, acculée, fit face à tout, seule. Des pirates carthaginois ravageaient Voici qu’Annibal séduisait les Italiotes du sud. Capoue, rêvant la succession de Rome, se révolte et se donne au général carthaginois, après avoir fait étouffer dans les bains publics tous les Romains qui se trouvaient dans la cité. Annibal, rie se laissant pas éblouir, se méfiant des enthousiasmes grecs, demanda un secours à Carthage, en envoyant, comme preuve de sa victoire, les anneaux d’or de tous les chevaliers romains défaits. Le parti des Hannon, à Carthage, voulait l’abandon définitif d’Annibal ; le parti des Barca l’ayant emporté, le peuple décréta l’envoi immédiat de 4.000 Numides et de 40 éléphants ; une levée de 20.000 hommes en Espagne, qu’un sénateur conduirait ensuite à Annibal. Asdrubal reçut l’ordre de passer les Pyrénées. Mais Carthage ne savait plus se faire obéir ; des intrigues de toutes sortes ruinaient les intentions du peuple. En Espagne, d’ailleurs, les Scipions refoulèrent Asdrubal au sud, l’immobilisant (216), pendant qu’en Italie, cherchant à s’emparer d’un port pour recevoir les secours attendus, Annibal échouait contre Naples, contre Nole, où Marcellus lui tua 2.000 hommes. Rome célébra ce succès comme une immense victoire. Fabius, nommé de nouveau consul (215), prit le commandement de 9 armées et de 4 flottes improvisées. Sur les 220.000 hommes comptés, 90,00o devaient aller vaincre Annibal dans Capoue. Tout à coup, on apprend, à Rome, que Annibal est en effet réduit à la défensive. Forcé d’entreprendre
une guerre de siège, son incapacité se manifeste. Il échoue devant Cumes et
se fait battre deux fois, platement, devant Nole. Tandis que Fabius avance
progressivement, sûrement, prenant des villes
; que Sempronius bat Hannon à Grumentum ; que Valerius inflige de sanglantes
défaites aux Herpins ; désillusionnés, les Italiotes du sud et les Grecs de Capoue, assiégée (214), revient à Annibal, l’appelle, et le Carthaginois, rentré en Campanie, surprenant ses adversaires par son audace, attaque Pouzzoles, Naples et Nole ; court bravement aux Romains ; subit, sans en paraître troublé, une victoire de Marcellus ; feint de se replier sur Tarente, pour attirer sur un terrain choisi son vainqueur, — qui voit le piège et ne bouge pas ; — tient en haleine les 14 légions armées contre lui ; suspend, par sa dévorante activité, l’action décisive, inévitable, et montre enfin qu’avec un secours, quelques troupes nouvelles, son génie aurait raison des Romains. Carthage, silencieuse, laisse Annibal se débattre. Gracchus, qui commande les esclaves enrôlés, a battu Hannon à Bénévent. Fabius, continuant son œuvre, occupe successivement les villes des Samnites. Philippe de Macédoine, engagé envers Annibal, s’était
attardé en Illyrie, prenant Oricum, remontant l’Aotis, et assiégeant
Apollonie (214),
ce qui avait donné le temps aux Romains, conduits par Valerius, d’aller
prendre position à Brindes. Surpris et attaqué à Oricum, Philippe s’était
enfui, à moitié nu, vers En Sicile, le sage Hiéron était mort (216). Les Syracusains, rompant l’alliance de Rome, s’étaient constitués en république. Marcellus, envoyé pour prendre la ville tournée vers Carthage, s’arrêta devant ses murailles énormes, frappé de la résistance des assiégés, organisée et conduite par Archimède. Le Syracusain Archimède créait En Égypte, où il était allé s’instruire, Archimède appliqua la théorie de la vis à l’organisation de machines qui servirent à élever l’eau puisée dans le Nil et à assécher les terres inondées, marécageuses. En Sicile, il démontra comment le poids d’un corps plongé dans l’eau se vérifie par le poids de l’eau déplacée, et il fit adapter, comme propulseur, une hélice à un navire. Il construisit une sorte d’orgue mécanique, puis une machine qui lançait au loin des poids énormes, démonstration de la puissance du levier. Les inventions d’Archimède, continuelles, émerveillaient. Cependant, il ne sacrifiait pas la science pure aux succès des applications pratiques, et respectueux de lui-même, il voulut que l’on plaçât sur sa tombe une colonne disant ce qu’il considérait comme sa découverte principale : le problème résolu de la proportion de la sphère avec le cylindre. Cicéron, fouillant des ruines, écartant des broussailles, retrouvera, par hasard, la tombe d’Archimède abandonnée, en lira l’inscription. Les Œuvres d’Archimède, écrites, pesant quatorze charges, ont été brûlées par les Romains victorieux. C’est qu’Archimède, parmi les défenseurs de Syracuse, s’était dévoué tout entier à ses concitoyens. C’est lui qui avait organisé la défense de la cité, imaginé et dressé les machines extraordinaires qui, du haut des murs, lançaient ana, assaillants des quartiers de rochers ; les crocs gigantesques au moyen desquels les assiégés enlevaient des vaisseaux aux assiégeants ; les miroirs prodigieux renvoyant les rayons du soleil, incendiant au loin la flotte romaine... Redoutant les inventions du géomètre, s’effrayant à l’idée d’un assaut qui devait réserver d’épouvantables surprises, renonçant à un coup de force, Marcellus attendait une trahison. Un jour qu’on célébrait la fête de Diane (212), Syracuse fut ouverte aux Romains. Un soldat tua Archimède. Syracuse tombée, les Carthaginois défendirent Agrigente. Un élève d’Annibal, Mutine, battit deux fois Marcellus sur les bords de l’Himère ; mais Hannon, qui détestait Mutine, l’abreuva de dégoût, et Mutine livra Agrigente aux Romains (210). Les Carthaginois quittèrent l’île, pour n’y plus revenir. Annibal, décidément abandonné, seul en Italie, voyait Rome s’allier aux Celtibériens, au roi numide Syphax, à Ptolémée, roi d’Égypte, à des villes grecques, et tenir en campagne 23 légions (211). Le Sénat ayant ordonné aux généraux d’attaquer Capoue,
Annibal décuple les forces qui lui restent, par la rapidité de ses
mouvements, l’habileté de ses manœuvres, l’ingéniosité de ses ruses, l’impassibilité
de sa tactique. Un de ses lieutenants, qui ravitaillait Capoue, perd 13.000
hommes. Il accourt et inflige une défaite à Gracchus, attiré dans une
embuscade. Il tient Tarente, bat deux consuls et le préteur Fulvius à
Herdonée. Rome dirige tous ses efforts contre Capoue. Annibal, voyant l’impossibilité
matérielle de délivrer la ville entourée de forces invincibles, marche sur
Rome, qu’il compte prendre par surprise.
Il est sous les murs de Rome, abusant de ses victoires, se préparait d’irréconciliables
ennemis. Les Brutiens furent en masse
relégués comme des ilotes ; on leur interdit, à
perpétuité, de porter des armes. Les Alliés subirent toutes les
arrogances, supportèrent tontes les humiliations. Les Romains ne voyaient pas
qu’ils s’isolaient, qu’ils retournaient à Marcellus, consul (210), s’empare de Salapie et de Maronée, livre sans résultat une bataille à Annibal, près de Munito. Fabius, de nouveau consul (209), reprend Tarente, pendant que son collègue soumet les Hirpins et aussi les Lucaniens. Les consuls Marcellus et Crispinus décident enfin (208) de chasser Annibal. Marcellus conduit l’attaque, est vaincu, meurt avec ses officiers. Cette défaite ébranle toute l’Italie, en pleine désaffection. Douze colonies refusèrent leur contingent au Sénat. Et voici qu’Asdrubal, trompant la surveillance de P. Scipion en Espagne, a passé les Alpes, vient secourir Annibal. Le Sénat réunit 100.000 légionnaires, qu’il confie à Livius et à Néron pour arrêter la marche d’Asdrubal. Annibal, solidement retranché en Apulie, attend. Néron rejoint Livius, au nord, sur les bords du Métaure. Asdrubal, déconcerté par ce déploiement de forces, probablement trompé par de faux espions, crut qu’Annibal avait été finalement battu au sud, et que toute l’armée romaine, libre, venait à lui. Il recula. Les consuls lui infligèrent une défaite totale. Le cadavre d’Asdrubal fut trouvé parmi les 56.000 cadavres restés sur le champ de bataille. Néron repartit aussitôt, descendit au sud, fit jeter dans le camp d’Annibal la tête coupée d’Asdrubal, et Annibal, renonçant à la lutte, se réfugia dans le Brutium, où pendant cinq années sa présence seule inquiéta les Romains. En Espagne, le jeune Publius Scipion, après avoir pris Carthagène (210), l’arsenal et le trésor des Barca, s’était assuré l’amitié des Espagnols, en renvoyant leurs otages et en se montrant envers eux aussi bienveillant que les Carthaginois avaient été cruels. Quelques heureux faits d’armes rachetaient la faute qu’il avait commise en laissant Asdrubal franchir les Pyrénées. Les Carthaginois, d’ailleurs, n’avaient plus en Espagne que Gadès. P. Scipion s’allia au roi des Numides, Massinissa, et s’en fut prendre quelques villes en Afrique, puis revint à Gadès, qui lui ouvrit ses portes, apaisa une révolte de légionnaires et reçut à Rome le consulat (205). Consul, P. Scipion propose aux Romains de les délivrer d’Annibal
en allant prendre Carthage. Arrivé en Afrique, P. Scipion trouva Massinissa chassé de son royaume par Syphax, qu’il avait jadis détrôné. Deux combats de cavalerie (204), ayant montré aux Africains les intentions belliqueuses de P. Scipion, le consul ravage les campagnes, bloque Utique, incendie et disperse un camp de 50.000 hommes, provoque l’ennemi. Une grande bataille gagnée, — la journée des grandes plaines, — livra l’Afrique à Scipion. Le roi Syphax avait été pris par Massinissa. Les Numides se prononcèrent pour les Romains. Carthage, épouvantée, rappelle Annibal, ainsi que Magon, qui était malade à Gênes depuis la défaite d’Asdrubal. Magon, obéissant, mourut en mer. Avant de quitter l’Italie (203), Annibal fit égorger tous les mercenaires Italiens de son armée qui refusèrent de le suivre. A peine débarqué, il demande à négocier de la paix. Le refus hautain de Scipion amena la bataille fameuse de Zama. Annibal disposa son infanterie sur trois lignes, Carthaginois, Africains mercenaires, Phéniciens et Macédoniens, masqués par une muraille de 80 éléphants ; la cavalerie aux ailes. Scipion, adoptant la même tactique, — les trois lignes, — avait laissé des passages pour l’attaque des éléphants. Au premier choc, la supériorité de Scipion fut évidente. Les mercenaires d’Annibal, sans cohésion, se débandèrent, et dans la mêlée effroyable, on les vit s’entretuer. Seuls, les vétérans carthaginois, paraissaient invulnérables, lorsqu’un retour de la cavalerie de Massinissa, chargeant en colonne, donna la victoire à Scipion. Annibal, vaincu, perdit 20.000 hommes. Rentré à Carthage, trente-cinq années après son départ, Annibal subit les conditions de P. Scipion. Les Carthaginois conservaient leur ville et leurs lois, mais renonçaient à toutes leurs possessions en Afrique et en Espagne livraient tous leurs éléphants, s’engageant à ne plus en dresser pour les combats ; n’entretiendraient en mer qu’une flotte de dix navires ; renonceraient à entreprendre aucune guerre sans l’assentiment du Sénat de Rome ; n’admettraient plus un seul mercenaire étranger dans leur armée ; paieraient en cinquante années une indemnité de 10.000 talents ; reconnaîtraient Massinissa comme roi des Numides et allié de Carthage ; livreraient les prisonniers et les transfuges. Scipion reçut 4.000 prisonniers, fit crucifier ou décapiter les transfuges, incendia les 500 navires de Carthage, remit à Massinissa, avec la ville forte de Circé, ce qui avait été pris à Syphax. P. Scipion, à Rome, au triomphe, reçut le qualificatif d’Africain, le consulat et la dictature à vie.
Chaque légionnaire avait eu, pour sa part de butin, 400 as ; le Trésor reçut Dans sa gloire, éblouie, aveuglée, Rome ne voyait pas les plaies incurables qui la rongeaient ; elle oubliait, dans l’ivresse de son triomphe, les angoisses terribles des mauvais jours ; elle ne comprenait pas qu’elle inaugurait un cycle de guerre à outrance, qu’elle entrait dans une période fatale de combats personnels, de luttes entre généraux ambitieux. La deuxième guerre punique ne se terminait pas par le succès de Rome contre Carthage, mais par la victoire de Scipion sur Annibal ! Et cela au mépris des lois, puisque le Sénat s’était prononcé contre cette guerre. La gloire personnelle de Scipion valait-elle le dépeuplement de Rome, diminuée d’un quart, ayant perdu la fleur de ses citoyens ? Et les 300.000 Italiotes sacrifiés, comment les remplacer ? Après Métaure, déjà, il avait fallu renvoyer de Rome les laboureurs qui manquaient aux campagnes, et diminuer l’effectif des légions, pour restituer des agriculteurs aux champs abandonnés. Il y avait aussi, maintenant, une question monétaire, redoutable. En 269, une
première émission de monnaie d’argent avait coïncidé avec la dépréciation
rapide de la va-leur des métaux précieux. Les guerres puniques absorbant des
sommes considérables, le Sénat satisfit aux besoins impérieux du Trésor, en
falsifiant la monnaie : L’as divisionnaire descendit, successivement, de son
poids de Hors de Rome, les solitudes
se peuplaient de vieux soldats, formant des colonies misérables, onéreuses.
Les dettes publiques s’éteignaient par la cession de terres improductives.
Pourquoi, d’ailleurs, aurait-on ensemencé des champs, préparé laborieusement
des récoltes ? Est-ce que Les patriciens, accapareurs de terres, les transformaient
en pâturages, croyant faire merveille, en substituant l’esclave au
cultivateur ; les Italiotes, démoralisés par la vie des camps, répugnaient au
travail ; les capitaux, absorbés par une classe, accumulés, inactifs,
préparaient des catastrophes. Pas un, dans |