Dieux et génies. - Les Amschaspands, coadjuteurs d’Ormuzd. - Bahman, premier amschaspand. - Ormuzd menacé. - Les Izeds, surveillants et conservateurs. - Behram, ized principal. - Les Feroüers, inspirateurs et gardiens. - Ahriman ; son œuvre, sa destinée. - Démons mâles et femelles. - Magiciens. - Les Darvands, coadjuteurs d’Ahriman. - Péris et Dews. - Ahriman, roi des Touraniens. - Triomphe promis de la loi nouvelle. - Réconciliation future du bien et du mal. SUBSTITUER Ormuzd à l’Éternel, c’était rompre l’équilibre de l’Avesta. Zoroastre, surpris, ne pourra plus effacer ce qu’il a dit, ni reprendre ce qu’il a donné, ni revenir sur ce qu’il a enseigné comme absolument véridique ; il devra se soumettre lui-même aux conséquences de son évolution et essayer, à force de génie, de rapprocher les parties disjointes de son édifice. Plein de l’esprit iranien, très ordonnateur, très logique, passionné de hiérarchie, le législateur avait fait un dieu suprême, placé si haut que l’humanité ne devait jamais l’apercevoir. Ce dieu créait Ormuzd, l’esprit du bien, et ensuite Ahriman, l’esprit du mal, destinés à se combattre. Ainsi s’expliquait très nettement, aux yeux des Iraniens, ces perpétuelles alternatives de choses bonnes et mauvaises qui constituent la vie universelle. Ormuzd, irresponsable, pouvait être éternellement aimé. Soit qu’il voulût simplifier l’œuvre de la création d’Ormuzd, pour la rendre vraisemblable, soit qu’il se vît forcé d’accepter des types divins ou légendaires existant et auxquels les Iraniens n’auraient pas voulu renoncer, Zoroastre admit qu’Ormuzd n’avait pas travaillé seul à la création du monde, qu’il ne veillait pas seul à la conservation, à la continuation du monde créé. Les coadjuteurs d’Ormuzd dans l’administration du monde, suivant l’expression de Spiegel, les Amschaspands ou Amesha-Çpentas, immortels, furent au nombre de six : Bahman, Vôhou-Manô, l’esprit bon ; Ardibehescht, Ashavahista, le très pur ; Schahriver, Khshathra-Vairya, dont le règne est désirable ; Sapandomad, Çpenta-Armaiti, parfaitement sage ; Khordad, Haourvatdt, très sain ; Amerdad, Ameretdt, donnant l’immortalité. Ces amschaspands, ces coadjuteurs, n’étaient-ils, à l’origine, qu’Ormuzd lui-même nommé différemment suivant ses actes ? Ces épithètes divines se seraient alors personnifiées, prenant leur vol vers le ciel iranien, sous la forme de véritables archanges, et longtemps après Zoroastre ? On y a vu l’influence de croyances jéhovistes ou mosaïques. Il est certain que dans les attributions des amschaspands, telles que l’Avesta les énumère, se rencontrent des obligations que Zoroastre n’avait certainement pas prévues. Ce n’est pas le réformateur des Iraniens qui eût fait de Bahman le dispensateur des profits multipliés ; de Schahriver, le protecteur de la gloire extérieure des grands de ce monde ? mais comment ne pas reconnaître la pure pensée de Zoroastre dans cette divinité très catégorique du travail de la création, et dans cette répartition très logique de la surveillance postérieure ? Pour Zoroastre, il y a sept amschaspands, et Ormuzd n’est que le premier d’entre eux. Ormuzd, dit l’Avesta, est le premier des amschaspands ; Bahman, génie de la paix, vigilant, secourable, intelligent, instruit, veille sur son peuple ; Ardibehescht, qui aime l’Iran, est fort et bienfaisant ; Schahriver, qui préside aux métaux, compatissant, nourrit le pauvre ; la pure Sapandomad, aux grands yeux, est vigilante ; Khordad produit les troupeaux et multiplie les grains. Telles étaient les attributions des sept amschaspands primitifs. Bientôt, Ormuzd se substituant à l’Éternel, cessant d’être un amschaspand, il ne resta que six génies immortels dont les attributions subirent de nombreuses modifications. Bahman, demeurant le génie de la paix par excellence, devint le protecteur des troupeaux de toutes espèces, des pâturages abondants, et le dispensateur de la fortune. Ardibehescht, ami de l’Iran, fut invoqué comme le génie de la médecine, le protecteur du feu purifiant, brûlant et rouge, le destructeur de l’envie qui parcourt la terre, de tous les ennemis des Iraniens prenant la forme de la couleuvre, du loup, ou de l’animal à deux pieds. Cet amschaspand combat l’orgueil, la présomption, les fièvres, les maladies, le mensonge, la multitude des magiciens, le loup dévorant, le vent violent du nord qui dessèche, et les Touraniens, ces démons qui prennent la forme d’un animal à deux pieds ; ces dews qui sont par milliers, par dix milliers, qui viennent du nord, abondamment. C’est parce qu’Ardibehescht a été dit aimant l’Iran par Zoroastre, que, plus tard, les Iraniens en firent leur patron principal. Sapandomad aux grands yeux saints, génie donnant à la terre sa fécondité, devint la terre elle-même, la douce terre, personnifiée. L’amschaspand Khordad préside à la succession du temps divisé en jours, en mois et en années. Par Amerdad furent les différents principes de force, les arbres fruitiers et non fruitiers, les arbres abondants en semence, de beaucoup d’espèces, très doux, multipliés sur le haut des montagnes et nourrissant les êtres du monde. Ormuzd, décemment, devenu dieu suprême, ne pouvait plus être l’égal de ces amschaspands presque condamnés à un perpétuel labeur. Il n’y eut que six amschaspands, et Bahman fut comme leur chef, le premier d’entre eux, ce qu’avait été Ormuzd. Les amschaspands gouvernés par Bahman étaient mâles et femelles ; Sapandomad, la douce terre, reste femelle, uniquement. Dans la suite des temps, les amschaspands prirent beaucoup d’importance. S’ils ne supplantèrent pas Ormuzd à leur tour, on peut dire qu’ils le dépouillèrent. Le dieu des mazdéens fut bien près d’aller rejoindre l’Éternel, dans ces hauteurs inaccessibles que dérobent aux regards et à l’adoration des hommes les épaisses nuées de l’oubli. E y eut, pour les amschaspands, des invocations ardentes, des prières où les mazdéens se donnaient sans restriction : Ô Amschaspands, très purs et très bons, je vous abandonne mon corps et mon âme, toute ma vie. L’imagination iranienne, livrée à elle-même, multiplia les amschaspands. Ces génies nouveaux, ce furent des Izeds. Les Yazatas, ou Izeds, répandus par milliers dans l’univers, avaient pour mission de veiller à la conservation et au jeu de ses organes. Dans la pure théorie de Zoroastre, les amschaspands sont, en réalité, des izeds supérieurs. Le premier des amschaspands, Bahman, est qualifié dans l’Avesta d’ized de la paix. Les successeurs de Zoroastre, ne comptant plus, firent continuellement des izeds. Tout acte eut son ized ordonnateur ; tout fait accompli, son ized dirigeant ; toute découverte, toute innovation, son ized clairvoyant ; de telle sorte qu’il y eut des légions innombrables d’izeds. En outre des sept izeds principaux, qui étaient les sept amschaspands primitifs, il semble que Zoroastre ait reconnu trente izeds présidant aux trente jours du mois. A Ormuzd appartenait le premier jour ; les six jours qui suivaient se partageaient entre les izeds-amschaspands. L’importance des izeds variait à la fantaisie des prêtres. La prééminence fut tantôt à Ader, le feu, fils d’Ormuzd, éclat de l’Iran, et tantôt à Aban, l’ized des eaux pures et des sèves ; à Khor-Schid, l’ized du soleil, qui ne meurt pas, éclatant, coursier vigoureux ; à Mah, ized de la lune gardienne de la pure semence ; à Tir, l’ized des astres divers, qui recèlent des germes ; à Gosch, l’ized ami du corps et de l’âme des bestiaux ; à Meher, qui devint Mithra, ized qui rend fertiles les terres incultes ; à Verehram, ou Behram, ized grand, vif, très pur, victorieux, très vigilant ; à Ram, ou Rameschné-Khârom, ized fantastique, oiseau qui agit en haut, être spécial, absorbé dans l’excellence révolutionnaire du ciel, présidant aux manifestations du Temps-sans-bornes, maître des astres, ordonnateur de leur marche et les surveillant ; à Vad, ized du souffle pur, de l’inspiration, stimulant par dessus, par dessous, par devant et par derrière, l’homme qui lutte pour le triomphe de la loi ; à Din, ized de la science juste, exacte et sainte de la loi pure des mazdéens ; à Ard ou Aschesching, ized de la conscience pure, grande et droite ; à Asman, ized des récompenses, ized du ciel, de la demeure des saints ; à Zemiad, ized de la terre vivante qui se divise en maisons, en villes, en montagnes ; à Mansrespand, ized de la parole excellente, par qui fut le Vendidad, ized moderne, évidemment ; à Aniran, ized de la lumière primordiale, préexistante. Ce sont, ensuite, parmi des milliers et des milliers d’izeds, l’ized du pont Tchinevad sur lequel les âmes des Iraniens doivent passer pour se rendre au paradis, route d’épreuve ; l’ized du Bordj, ou montagne sacrée, nombril d’où s’épanchent les eaux pures de l’Iran ; l’ized des libations, etc. ... Chaque personnalité marquante, chaque particularité géographique distinguée, aura son ized : ized du feu d’Ormuzd, ized du feu de Ké-Khosro, ized du var de Ké-Khosro, ized du mont Asnévand et du mont Révand, ized du feu spécial qu’allume le mazdéen, ized des feux, et ized particulier du feu qui anime les rois. Au moment où les livres de l’Avesta cessèrent d’être le sujet de continuelles modifications, dans le texte arrêté que nous possédons, l’ized principal des mazdéens c’est Behram, le victorieux. Zoroastre, sans doute, avait dit de Behram, présidant aux victoires, qu’il était assainissant comme un vent frais, robuste comme un taureau, de pure race comme le cheval dont la queue est droite, docile et fort comme le chameau, terrible comme le sanglier, beau comme un jeune homme de race blanche, vigilant et retentissant comme un coq, au pied sûr et cachant ses armes comme le bélier aux cornes recourbées, sans tache comme l’agneau. Un destour est venu qui, poétisant ces litanies à la façon des dasyous brahmaniques, les a compliquées de raisonnements, les a affadies d’explications, et nous a laissé une nomenclature redondante, alourdie d’emphases et de mots excessifs. La guerre ayant longtemps tenu en haleine les Iraniens, Behram, l’ized victorieux, devait prévaloir, et il a prévalu. Au sommet vertigineux de la conception zoroastrienne, et s’y estompant jusqu’à s’y effacer, l’Éternel — lumière et parole — se manifeste en deux émanations opposées ayant chacune une mission déterminée. Ormuzd est chargé de créer et de conserver le monde ; Ahriman est chargé de combattre Ormuzd, de détruire la création, s’il le peut. De la même nature qu’Ormuzd sont les izeds, génies célestes émanés de l’Éternel, dont les attributions spéciales ont été réglées. Six de ces izeds, plus agissants, ayant positivement aidé Ormuzd dans le travail de la création des choses, sont des amschaspands. A l’Éternel, à Ormuzd et à Ahriman, aux amschaspands et aux izeds, Zoroastre ajoute les Feroüers. L’idée fondamentale du réformateur, décidé à ne rien omettre de ce qui pouvait laisser un vide dans sa théorie, fut de combiner une série de génies, d’esprits, par lesquels l’homme put se considérer comme ayant en soi quelque chose de divin. Le Feroüer, inévitable à chaque être, doué d’intelligence, était en même temps un inspirateur et un surveillant ; inspirateur soufflant la pensée d’Ormuzd au cerveau de l’homme ; surveillant, gardien de la créature aimée du dieu. Il semble que les feroüers immatériels existaient par la volonté divine avant la création de l’homme, et que chacun d’eux, à l’avance, savait le corps humain qui lui était destiné. La mission de ce feroüer était de combattre les mauvais génies produits par Ahriman, de conserver l’humanité. Après la mort, le feroüer demeure uni à l’âme et à l’intelligence, pour subir un jugement, recevoir sa récompense ou son châtiment. Chaque homme, chaque ized, et Ormuzd lui-même, avait son feroüer, son fravarshi, qui veillait sur lui, qui se dévouait à sa conservation. On a pu déduire de certains passages de l’Avesta, qu’après la mort de l’homme le feroüer retournait au ciel pour y jouir d’une puissance indépendante plus ou moins étendue, suivant que la créature dont la charge lui avait été confiée avait été plus ou moins pure et vertueuse. Parfaitement indépendant du corps humain et de l’âme humaine, le feroüer est un génie immatériel, protecteur responsable et immortel. Tout être a eu ou aura son feroüer. Il y a un feroüer certain, c’est-à-dire quelque chose de divin, dans tout ce qui existe. L’Avesta invoque les feroüers des saints, du feu, de l’assemblée des prêtres, d’Ormuzd, des amschaspands, des izeds, de la parole excellente, des êtres purs,de l’eau, de la terre, des arbres, des troupeaux, du taureau-germe, de Zoroastre auquel Ormuzd a pensé d’abord, qu’il a instruit par l’oreille et qu’il a formé avec grandeur au milieu des provinces de l’Iran. Le monde fut créé bien plus pour les feroüers que pour les hommes ; c’est par les feroüers méritants, ayant bien vécu, et récompensés, que le monde subsiste. L’anéantissement prévu de l’esprit du mal, d’Ahriman vaincu, n’arrivera que pour la gloire des feroüers. C’est pour les feroüers, enfin, que l’eau coule et se répand eu abondance, distribuant la vie, que croissent les arbres, que le vent souffle, que la femelle a des petits, que l’on vit et que l’on engendre, qu’il y a des enfants, que les troupeaux nombreux servent de nourriture, que le soleil et les astres marchent. Les feroüers des mazdéens vertueux seront la force des Iraniens, car ces feroüers, éternellement glorieux, se dévoueront à la défense de l’Iran. Le culte des ancêtres résulte de cette conception. De la demeure céleste qu’ils ont méritée, qui est sur l’El-Bordj, la montagne idéale, les feroüers protègent sûrement les Iraniens. C’est une milice de saints, toujours prête à agir, pourvu qu’on l’invoque et que l’on mérite son intervention. Zoroastre a donné la formule de l’invocation. Prenant à la lettre la promesse de Zoroastre, les Iraniens appelèrent les feroüers à leur secours, lorsque leurs ennemis, les Touraniens, les menacèrent. Les Iraniens ne devront donc s’enorgueillir, ni de leurs mérites ni de leurs succès, car leurs vertus, comme leurs victoires, ils ne les devront qu’à cette parcelle de divinité qui est en eux, à ces feroüers qui les protègent, par lesquels ils agissent. Les feroüers eux-mêmes doivent rester humbles, car c’est par l’aide d’Ormuzd qu’ils accomplissent leurs belles et grandes actions. Si je ne les avais pas aidés, dit Ormuzd, comment les feroüers auraient-ils fait des actions dignes des régions supérieures ? je suis le principe de leur gloire et de leur éclat. Zoroastre regretta peut-être la part trop belle faite à l’humanité en affirmant que l’Éternel lui avait donné le monde. Par la conception des feroüers, le législateur reprit à l’homme presque tout ce qu’il lui avait accordé de mérite personnel dans la recherche de la gloire et la pratique des vertus. Il inquiète l’homme en cela, il l’humilie, mais il le soumet. Dès lors, il n’y eut plus à craindre ces accès d’infatuation, ces péchés d’orgueil par lesquels le peuple d’Iran nuisait à la splendeur de la théorie zoroastrienne. Ormuzd, chargé de faire le monde, l’ayant fait bon et pour le bien, eut pour antagoniste immédiat Ahriman, génie destructeur, Angrômaïnyou. L’harmonie de l’univers fut l’agacement perpétuel de ce démon, qui combina les ténèbres, les bêtes et les plantes nuisibles, et, jaloux de l’homme, le choisit comme le but principal de ses animosités. La conception d’un pouvoir malfaisant dont il fallait se préoccuper, pour le combattre ou pour l’éviter, existait très probablement avant Zoroastre. Il semble même que les Iraniens, avant le législateur, avaient essayé de se rendre favorables les esprits du mal en les honorant. Il y avait des démons mâles — les Yâtous — et des démons femelles — les Péris — qui prenaient la forme humaine et que les Iraniens accueillaient par l’intermédiaire des magiciens. Zoroastre, très catégoriquement, s’élève contre les magiciens et les magiciennes qui exploitaient ainsi la peur des Iraniens. L’esprit essentiellement symétrique du législateur fait de six Darvands, qu’il désigne, les coadjuteurs d’Ahriman, comme les six amschaspands étaient les coadjuteurs d’Ormuzd. Les péris et les dews, ce sont les izeds et les feroüers de l’esprit du mal. Seront dews, bientôt, non plus seulement ces génies immatériels se manifestant par leurs œuvres destructives, de toutes parts, mais encore les ennemis vivants et palpables des Iraniens ; et les dewiesnans touraniens seront ainsi opposés aux mazdeïesnans ou mazdéens iraniens. Ormuzd reste dieu ; Ahriman, au contraire, prend une forme humaine ; c’est le chef des Touraniens. Les dewiesnans, dit le Vendidad, adorent un loup à deux pieds. C’était déjà l’habitude des Asiatiques vivant en ces régions, de désigner par un nom de bête, de se figurer sous la forme d’un animal immonde ou redoutable, le chef d’une horde ennemie. C’est aussi sous la forme de reptiles hideux que les Asiatiques épeurés se représentent les puissances occultes, nuisibles. Le premier livre de l’Avesta n’était pas encore terminé, que Zoroastre dénonçait les ennemis des Iraniens, les gens du nord, comme étant des dews à forme humaine commandés par l’esprit du mal en personne, le maudit Ahriman. Cet Ahriman réel n’était autre qu’un roi de Touran deux fois l’ennemi des Iraniens, et comme vivant de la conquête des territoires enrichis par la réforme zoroastrienne, et comme représentant l’ancienne loi que Zoroastre était venu détruire. Alors le réformateur des mazdéens, jetant sur son ennemi l’inextricable réseau d’une légende, le voue sûrement à la malédiction, à la colère, à la rage des Iraniens endoctrinés. Zoroastre dit qu’il a rencontré Ahriman, ce chef des démons, venant du nord en défenseur de la mauvaise loi, et que le maître des maux a osé questionner le législateur instruit par Ormuzd ; que la réponse dictée par Ormuzd à Zoroastre a suffi pour convaincre Ahriman du succès définitif de la loi nouvelle, du triomphe des Iraniens. Par un jeu de style purement oriental, la légende prend un tour réel à mesure que son auteur la développe, et bientôt il est affirmé aux Iraniens que, précédemment, à l’époque où Zoroastre vivait auprès de son père Poroschap, le réformateur combattit Ahriman à corps le corps et le vainquit, lui, son peuple et les génies malfaisants qui le servaient. Vaincu par Zoroastre, Ahriman n’a pas renoncé à la lutte, puisqu’il menace encore les Iraniens ? Son armée infernale n’a pas été détruite, puisqu’elle presse les frontières de l’Iran. A cela, Zoroastre répond que l’on peut vaincre Ahriman, mais qu’il est impossible de le détruire, parce qu’Ahriman est l’œuvre voulue de l’Éternel et que c’est sa mission de tourmenter le bien sur la terre. Quant à l’armée des dews, c’est-à-dire à la foule des maux répandus, il est permis de les anéantir, mais ils ont une faculté de reproduction extraordinaire ; ils s’allient et s’unissent entre eux avec rapidité, sans distinction de sexe ; ils se multiplient étonnamment. Parmi ces dews, qui sont comme les izeds d’Ahriman, il en est qui se distinguent plus particulièrement, dont les noms sont connus, les œuvres déterminées. Il y a le dew Savel, rival de l’amschaspand Shariver ; le dew Naonghes, tourmenteur de la terre, la douce Sapandomad ; le dew Tarik, destructeur par excellence ; le dew Zaretch, qui sème la corruption et produit la famine ; le dew Eschen, remarquablement cruel, auteur de l’envie, de la colère et de la violence ; le dew Eghetesch, qui fait les durs hivers et rend les cœurs insensibles ; le dew Derevesch qui rend pauvre ; le dew Devesch, qui séduit ; le dew Kesosch, qui rend petit ; le dew Peetesch, qui fait mal parler, le plus méchant des dews. Zoroastre, par son œuvre, dispersera tous ces démons, et il anéantira les Touraniens. La destruction d’Ahriman est impossible, car nul ne saurait détruire l’œuvre personnelle et réfléchie de l’Éternel ; mais une époque est prévue et arrivera, où l’esprit du mal ayant rempli sa mission, étant rappelé par l’Éternel, cessant de tourmenter le monde, deviendra l’ami d’Ormuzd et des Iraniens. Les mazdéens doivent combattre Ahriman et ses dews, à outrance, afin que le monde ne soit ni détruit, ni corrompu ; mais ils n’oublieront pas, afin que le découragement les épargne, que le triomphe définitif du bien, que l’anéantissement du mal sont choses promises, certaines, inévitables. Les purs mazdéens pourront peut-être, par leurs prières, obtenir que l’époque de la grande paix soit rapprochée : Que mes bonnes œuvres augmentent ! qu’Ahriman, source maudite du péché et du mal, soit éloigné ! que le monde soit pur et le ciel excellent ! qu’à la fin, la pureté et la sainteté triomphent du mal ! que les âmes aillent au paradis d’Ormuzd ! |