DE SÉPARÉE de Un messénien, Policharès, était venu à Lacédémone pour se
plaindre d’un prêtre qui lui avait volé son troupeau et fait assassiner son
fils. Les rois de Sparte refusèrent d’entendre le Messénien. Policharès, en
revenant, ayant insulté les Spartiates qu’il vit sur sa route, Sparte exigea
qu’on lui livrât l’insulteur pour le châtier. Les Messéniens refusèrent, mais
en proposant de soumettre la dispute aux
amphictyons d’Argos, ou à l’aréopage d’Athènes. Sparte feignit l’indignation,
se préparant à. envahir Armés dans ce but depuis quelque temps, les Spartiates partirent de nuit et s’emparèrent d’Amphée, ville messénienne sur la frontière. Les habitants, surpris, furent impitoyablement massacrés (743). Ainsi commençait la première guerre de Messénie, les Spartiates se donnant comme les vengeurs du prêtre que Policharès avait accusé. Il est important, au point de vue historique, de constater que la première grande querelle de Sparte a le caractère voulu d’un conflit religieux. Le roi des Messéniens, Euphaès, employa les trois années qui suivirent le sac d’Amphée (743-740) à aguerrir son peuple, tantôt une troupe allant surprendre et harceler un corps de Spartiates, et tantôt une autre, envoyée en Laconie, ravageant les propriétés. Au commencement de la quatrième année, Euphaès accepta la bataille. Les Spartiates furent épouvantés de l’inébranlable solidité des Messéniens. Les résultats matériels du combat demeurèrent indécis, mais les troupes de Sparte eurent peur, demandèrent à traiter de la paix. Les vieillards de Lacédémone ordonnèrent la continuation de la lutte. Une deuxième rencontre (739), indécise encore quant aux situations, fit valoir davantage la vaillance des Messéniens. Mais c’est en Messénie que se passaient toutes ces choses, et les champs s’y cultivaient mal, et les récoltes y étaient souvent perdues, et des maladies y décimaient les populations devenues misérables. Résolus à vaincre, décidés à déplacer le théâtre des batailles, les Messéniens armés abandonnèrent les villes, pour s’établir en un point stratégique, bien choisi, à Ithôme, sur la montagne qui était comme une forteresse au milieu du pays. Une fable raconte qu’un oracle demanda aux Messéniens,
pour prix de la victoire, l’immolation d’une vierge de sang royal. Le sort
ayant désigné la fille de Lysiscos, le père sauva son enfant en l’emportant à
Sparte. Un guerrier du sang d’Épytos, qui avait été le second et le plus glorieux des Messéniens,
Aristodèmos, offrit aux sacrificateurs sa propre fille. Un jeune Messénien
fiancé à la fille d’Aristodèmos, après avoir dénié au père le droit de
disposer de son enfant, promise, arracha la victime aux bourreaux, en
déclarant que ce sacrifice déchaînerait mille maux sur L’importance donnée à la virginité des jeunes filles chez les Messéniens, témoigne de la présence de nombreux Aryens parmi eux. C’est à l’ouest du Péloponnèse en effet, dans le pays fertile inséré entre les quatre monts Taygète, Ithôme, Agalcos et Mathia, donnant beaucoup d’eaux vives, que s’étaient réfugiés les vieux Grecs refoulés par les envahisseurs, Achéens et Doriens. Les Messéniens avaient la sympathie des groupes helléniques inquiets de l’ambition de Sparte. Les Arcadiens et les Argiens notamment, se prononcèrent contre Lacédémone. Six années après ces événements (732), malgré les alliances faites, Théopompos, roi de Sparte, provoqua les Messéniens. Les alliés accoururent d’Argolide et d’Arcadie ; mais Euphaès, le chef des Messéniens, impatienté, n’attendit pas le secours, accepta la bataille. Pour la troisième fois, la lutte entre les Spartiates et les Messéniens, magnifique, se termina sans solution. Euphaès, blessé par Théopompos, qu’il avait assailli, mourut de sa blessure. Les Messéniens, par élection, choisirent Aristodèmos pour roi. Aristodèmos, très habilement, s’établit en défensive sur les hauteurs du mont Ithôme, après avoir disséminé en embuscade, dans tous les replis de la montagne, des troupes légères bien instruites. Lorsque l’armée des Spartiates et des Corinthiens eut engagé l’action contre le gros des forces réunies aux sommets, les guerriers embusqués se précipitèrent sur la phalange lacédémonienne, qui fut surprise et vite battue. Vaincus, écrasés sous le mont Ithôme, les Spartiates
inaugurèrent ce qui fut désormais leur stratégie spéciale la corruption des
adversaires, la tarification des trahisons et des espionnages. Les vieillards
de Lacédémone simulèrent le bannissement de cent Spartiates, coupables d’un
crime imaginaire, et qui vinrent demander l’hospitalité aux Messéniens.
Aristodèmos vit le piège et l’évita. Les Spartiates essayèrent alors, mais
sans succès, d’arracher à Un oracle, dicté par Sparte sans doute, avait déclaré que le pays de Messène serait à ceux qui, les premiers, placeraient cent trépieds devant l’autel. Le temple se trouvant au centre de la ville fermée, entourée de murs, il y eut une terrifiante stupéfaction lorsqu’on apprit qu’un homme, entré dans Ithôme avec des gens de la campagne, avait apporté dans un sac, placé devant l’autel cent petits trépieds de terre, et lorsque les prêtres affirmèrent que cet homme était un Lacédémonien. Sparte accueillit la nouvelle par d’insolentes réjouissances. Les Messéniens, troublés, ne voyaient plus autour d’eux que de noirs présages ; leurs songes n’étaient que d’effroyables pressentiments. Le roi lui-même, le brave Aristodèmos, vit sa fille lui apparaître dans son sommeil, vêtue du long habit blanc et de la couronne d’or qui étaient l’ornement funèbre des morts illustres. Frappé de démence, Aristodèmos courut au tombeau de sa victime et se suicida (728). Désespérés mais indomptables, les Messéniens résistèrent pendant cinq années à l’acharnement des Spartiates, à la trahison perpétuelle, aux angoisses de la faim. Ils finirent par succomber. Sparte, victorieuse sans gloire, après avoir fait raser Ithôme, humilia lâchement les vaincus. Courbés comme des fines sous de lourds fardeaux, dit Tyrtée, ils furent dans la dure nécessité de donner à leurs maîtres la moitié des fruits que produisaient leurs champs. — Lorsqu’un Grand de Lacédémone mourait, les Messéniens de marque étaient tenus de venir à Sparte, en robes noires, pour assister aux funérailles. Une génération de Messéniens avait ainsi vécu sous le
joug, lorsqu’un héros, Aristoménès, entraînant le peuple, proclama
l’indépendance de Athènes, qui détestait Sparte, n’osant pas cependant résister à l’ordre d’Apollon, envoya aux Lacédémoniens un poète, Tyrtée, dont la parole était entraînante. Et il se produisit ce fait extraordinaire, que les Doriens de Lacédémone, égoïstes et lâches, très soupçonneux, épouvantés des conséquences d’une défaite qui les livrerait aux justes et terribles représailles des Messéniens, écoutèrent Tyrtée leur parlant d’abnégation, de gloire, de patriotisme : Combattez pour cette terre, jeunes guerriers, et n’abandonnez pas vos aînés, ces vieux soldats dont les jambes ne sont plus légères... A la jeunesse tout sied. Tant que le guerrier a cette noble fleur de l’âge, on l’admire, on l’aime, et il est beau encore quand il tombe au premier rang de bataille. La deuxième guerre de Messénie (685), chantée par Tyrtée, désirée par les prêtres de Delphes, s’inaugura dans la plaine de Stényclaros. Aristoménès donna la victoire aux Messéniens. Les femmes du pays de Messène, accourues sur le chemin du libérateur victorieux, chantaient sa bravoure et le récompensaient en jetant des fleurs sous ses pas. Et le vainqueur des Spartiates redoutés, le vieux grec Aristoménès, brave, aventureux, irréfléchi, eut ses légendes, bien aryennes. Sparte continua son œuvre, la ruse suppléant à ses forces
un instant rompues. Elle parvint à détacher des Messéniens le roi d’Arcadie,
l’allié jusqu’alors fidèle, et cette trahison fit qu’Aristoménès dut se
retirer avec ses troupes au nord de Messène, sur le mont Ira. Là, pendant
onze années, les Messéniens accomplirent des prodiges. Ce fut encore la
trahison d’un esclave qui livra aux Spartiates les défenseurs de En effet, Aristoménès, un jour, partit avec cinq cents Messéniens pour aller prendre Sparte. Trois cents Arcadiens, enthousiasmés, s’étaient joints à la troupe. Le roi des Arcadiens, Aristocratès, trahissant pour la seconde fois, avertit les Spartiates. Quand les Arcadiens eurent découvert cette perfidie, ils accablèrent Aristocratès de pierres, et pressèrent les Messéniens d’en faire autant ; ceux-ci regardèrent Aristoménès, qui baissa les yeux et se mit à pleurer. Les Arcadiens, après avoir lapidé Aristocratès, jetèrent son corps hors des limites et le laissèrent sans sépulture. Mais l’échec des Messéniens était définitif. Sparte répartit
les vaincus parmi les hilotes. Ceux qui habitaient Pylos et Méthone, heureux
d’avoir la mer devant leur ville, montèrent sur leurs vaisseaux et se
rendirent d’abord à Cyllène, en Élide, au nord, ayant le projet d’aller au
loin fonder une colonie. Ils appelèrent les Messéniens qui étaient restés en
Arcadie, et firent demander à Aristoménès de les venir gouverner. Aristoménès
répondit que jusqu’à son dernier souffle
il ferait la guerre aux Lacédémoniens, et il donna aux Messéniens en exode
ses deux fils, Gorgos et Manticlos, qui s’en furent fonder Rhegium, A la fin de la deuxième guerre de Messénie, Sparte occupait les deux tiers du Péloponnèse. Sa domination morale se répandait. La crainte que l’on avait des Spartiates, de la race invincible d’Héraklès, suivant l’expression de Tyrtée, tenait en respect toute la presqu’île. On n’ignorait pas que les Lacédémoniens n’étaient pas braves, qu’ils fuyaient sans hésitation devant un ennemi résolu ; mais on savait aussi qu’il était facile de les exciter à la victoire, chacun d’eux ayant, à un haut degré, ce sentiment d’incapacité personnelle si favorable aux meneurs de hordes. Pour assurer le succès d’une expédition contre les Tégéates, un oracle dit que les Spartiates seraient vainqueurs, s’ils s’emparaient des ossements d’Oreste conservés à Tégée. On simula le jugement et la condamnation à l’exil d’un Lacédémonien, — Lichos, — qui se rendit à la ville convoitée et y déroba, l’emportant, un cercueil dont la forme répondait à la description de l’oracle. Tégée fut prise (668). Cependant Sparte, embarrassée de sa victoire, et qui commençait à craindre l’expansion d’une haine universelle, laissa aux Tégéates leur territoire et leurs lois. Argos était l’ennemie naturelle de Sparte, à cause de L’influence de Sparte, très forte et très perfide,
s’étendait maintenant au delà de l’Hellénie. En Asie-Mineure, Crésus, menacé
par les Mèdes et les Perses, appelant l’Europe à son secours, ne s’adressera
qu’aux Spartiates, comme au premier peuple de Les guerres de Messénie, terminées, ont consacré trois faits de premier ordre : La formation d’une armée hellénique, l’innovation d’une stratégie, l’intervention des prêtres dans le gouvernement des hommes. Le stratège hellénique avait introduit le raisonnement dans la préparation des batailles et l’obéissance aveugle pendant l’action. Les poètes étaient venus, avec des procédés d’exaltation, d’enthousiasme, des formules de récompense et de châtiment : L’idée de Patrie soutenant le guerrier, l’applaudissement aux vainqueurs, le mépris et la honte réservés aux lâches. Lorsque Tyrtée arriva d’Athènes à Sparte, les jeunes Spartiates étaient des guerriers douteux : Si vous avez fui quelquefois, leur dit-il, ô jeunes hommes, vous connaissez aussi la victoire. Et c’est en parlant aux mêmes Lacédémoniens qu’il s’exprime ainsi : Il est beau que l’homme brave, en combattant pour sa patrie, tombe au premier rang ; le déserteur est le plus misérable des hommes, il devient odieux à ceux qu’il rencontre, sa race est infâme, sa face est honteuse, il n’inspire aucun respect... La gloire étant devenue l’enjeu principal, l’émulation excitant les esprits, le stratège n’eut qu’à utiliser scientifiquement cette force nouvelle. Il créa la phalange. Les jeunes Lacédémoniens, légèrement armés, munis de boucliers protecteurs, devaient, s’abritant les uns les autres à l’avancée, pressés l’un contre l’autre, attaquer l’ennemi, soit en lançant des pierres pesantes, soit en frappant, de leurs lances légères, les lourds panoplites. Les vieillards, dont les genoux ne sont plus agiles dit Tyrtée, tenant la lourde épée et la lourde lance, groupés, massés, recevaient le choc de l’ennemi, ou soutenaient l’attaque. L’essentiel était que la bravoure fût silencieuse et ordonnée : Ni la fougue aryenne, admirable, irrésistible, mais qui laisse trop d’espoir au vaincu le lendemain ; ni le désordre asiatique, indescriptible, torrentueux, à qui rien ne résiste, mais que l’action accentue, que la victoire affaiblit, que le succès dévore. La phalange lacédémonienne est une puissante unité. Chaque guerrier, dans la mêlée, agit comme s’il était toute la phalange. Le combat théorique est un formidable duel. Les guerriers, dit Tyrtée, s’arrêtaient pour voir, dans le recueillement de l’angoisse, cette belle chose deux vaillants aux prises. Sans l’hypocrisie de Sparte, son immoralité profonde, sa mauvaise foi, un grand progrès eût été accompli : l’annoncement des batailles, la connaissance des armes employées, le dédain des surprises, le duel des peuples, loyal. Le patriotisme et la vaillance personnelle furent l’œuvre des poètes appelés à Sparte. Lacédémone n’avait pas prévu que l’éducation exclusivement guerrière et le dogme social de l’assouvissement des appétits, ne lui donneraient qu’un troupeau d’hommes, très forts certainement, mais prêts à exiger le prix des angoisses acceptées, le paiement du sang répandu. Les rois de Sparte virent pour la première fois, pendant les guerres de Messénie, ce que pouvait l’éloquence d’un homme parlant un beau langage. Les deux poètes patriotes, Callinus d’Ephèse (750), dont Stobée nous a donné des fragments d’œuvre, et Tyrtée, venu de Milet, croit-on, Ionien vivant à Athènes (685-668), sont de ce moment. Leurs poésies ont cette particularité, qu’elles n’expriment pas les sensations personnelles de leurs auteurs. Callinus et Tyrtée se consacrent au relèvement des caractères, excitant et soutenant l’homme dans le devoir. — Jusques à quand, dit Callinus aux Éphésiens, jusques à quand cette indolence ? Quand aurez-vous un cœur vaillant ? Ne rougissez-vous pas devant vos voisins, de vous abandonner ainsi lâchement vous-mêmes ? Tyrtée, qui avait pris part à la deuxième guerre de Messénie, a des chants de bravoure d’une extraordinaire habileté. On pourrait croire que les armées auxquelles il s’adressait, contenaient un bon nombre de vrais Grecs, à voir le choix de ses moyens d’excitation : ni l’étalage d’un riche butin à saisir, ni la possession de vierges à enlever, mais la seule promesse de l’admiration des hommes et des femmes, à titre de récompense, la prédication du courage basé sur un raisonnement. Tyrtée fait d’abord remarquer, en vers inoubliables, que les plus braves et les plus courageux à la bataille sont les plus épargnés ; puis, il affecte le dédain de la mort, ce long sommeil, et vante le patriotisme qui sauvegarde la cité, parce que dans la cité il y a les enfants qu’il faut défendre ; il place la vertu guerrière au-dessus de tout, et promet au héros l’immortalité véritable, aryenne, dans la mémoire des hommes. Tyrtée ayant imaginé la poésie marchant en distiques, avec des vers de mesure inégale, fut qualifié de boiteux. Archiloque, de Paros, contemporain de Tyrtée (685), tout à fait Aryen, inventant un mètre nouveau, faisait l’iambe. Héritier direct des poètes védiques, il rit, plaisante, se moque, dans ses vers, de ce qui mérite la moquerie. Mais, comme il sait les choses humaines ! les douleurs qui transpercent les os et troublent la raison ! Son style clair, net, simple, populaire a-t-on dit, semble une réaction contre la solennité de l’épopée. Sa verve, d’une énergique habileté, très séduisante, va souvent au delà du but, et sa parole, violente alors, devient triviale. L’enthousiasme irréfléchi des Hellènes leur fit qualifier Archiloque, sans raison d’ailleurs, de second Homère. Simonide, d’Amorgos, émule et contemporain d’Archiloque (660), d’origine asiatique, s’inspirait d’Hésiode. Brutal, savant, ouvrier merveilleux, il enchâsse admirablement, dans l’iambe, le mot qu’il veut y insérer, parfois mal choisi. Très attentif à sa renommée, et plus qu’Hésiode détestant la femme, il en décrit le caractère, lui assigne une origine animale, la rend méprisable autant qu’il le peut ; et puis, la comparant à l’abeille, dissimulant son mépris sous une louange hypocrite, il vante, ainsi qu’une exception, l’épouse dévouée à l’époux qui l’aime, vieillissant avec lui, ne se plaisant pas aux réunions de femmes où se tiennent des discours licencieux. Mimnerme, qui vint ensuite (600), ami des princes, prédicateur des voluptés sensuelles, a sans doute formulé la première élégie d’amour. Il parle en Éthiopien, en esclave qui aimerait la bassesse de sa condition, plutôt résigné que lâche, ne redoutant que la vieillesse, parce qu’elle réduit au même point l’homme laid et l’homme beau. Ce qui épouvante Mimnerme, c’est la décrépitude du corps, cette dernière période de l’existence où l’on vit haï des jeunes gens et méprisé des femmes. Aucun sentiment de dignité ne le soutient ; au delà de soixante ans, il déclare la vie insupportable. Il chante, pour lui et pour les autres, la jouissance de soi dans un milieu paisible, avec des accents d’une étonnante mélancolie. Mimnerme, l’Africain, dit être de ceux dont les ancêtres étaient originaires de Pylos. Il célébra la victoire des Smyrnéens sur le roi Gygès. Solon (600), contradicteur de l’Africain Mimnerme, et de Simonide l’Asiatique, simplement humain, veut que l’homme vive joyeux, fier d’exister. Ce que j’aime aujourd’hui, dit-il, ce sont les dons de Cypris, de Bacchus et des Muses ; c’est là ce qui fait le bonheur des mortels. L’intervention du poète dans la vie publique et son
influence réelle sur les mœurs sont évidentes. L’innovation, très grave, bien
historique, est conforme à la situation de l’Hellénie. Chaque poète y chante
avec sa formule et selon son esprit. Il n’y a pas d’école ; rien que des
personnalités. Les charmeurs viennent
surtout d’Asie et d’Égypte, et les Égyptiens et les Asiatiques dont L’avènement de l’élégie, résultante de ce concours de poètes divers, plutôt amollissants, répond à l’état intellectuel des Hellènes. Tout morceau, quel qu’en fût le sujet et la longueur, où le pentamètre alternait avec l’hexamètre, fut une élégie. La forme dominait l’idée ; l’élégie exigeait un choix de modulations, le récit devant être presque une harmonie. Les élégies furent bientôt chantées ; la poésie lyrique naquit. Callinus et Tyrtée, déjà, très probablement, avaient dit leurs œuvres en s’accompagnant de la cithare ou de la phorminx. Lorsque, en l’an 6oo, les élégies de l’Arcadien Echembrotus célébrèrent les jeux pythiques, on les chanta au son des flûtes. |