DE EN l’an 3951 avant notre ère, une dynastie nouvelle, — Les neuf rois de Les Égyptiens de marque, à cette époque, se montrent
supérieurs aux pharaons. Il semble qu’à ce moment, et pour la première fois,
le peuple égyptien agisse à côté des
monarques qui le gouvernent. Il ne serait pas surprenant que dans cette période,
les Égyptiens de L’autorité des pharaons de Un page du roi Téta, son porte-couronne, nommé Ouna, avait été élevé à la dignité sacerdotale et chargé du ministère du labourage. C’était un administrateur habile, un scribe merveilleux, et si actif, que son activité l’étonnait lui-même : Je faisais, dit-il, toutes les écritures avec l’aide d’un seul secrétaire. Dès son avènement, Papi Ier, voulant vivre en pharaon, se préoccupant de son sarcophage, charge Ouna d’aller chercher un bloc de pierre blanche au sud. Le serviteur s’acquitta de sa mission à la grande satisfaction du roi. — Jamais, dit-il, œuvre pareille ne fut faite. Pour récompenser Ouna, le pharaon le fit surveillant des prophètes, surintendant de la maison de la reine, le
qualifia d’ami royal, d’auditeur, lui confiant le gouvernement de quatre provinces du pays
de Khenterah, en Éthiopie. Papi Ier possédait-il ces quatre provinces, ou
bien, en y envoyant Ouna, le chargeait-il de les annexer, comme une troisième
Égypte, aux deux Égyptes soumises à sa
loi ? On voit, bien que vaguement, Ouna approcher plutôt que combattre les
Oua-Oua éthiopiens, noirs, et revenir au pharaon avec tout le prestige d’un
grand succès. Une mission autrement importante l’attendait au retour. Au
nord, des nomades arabo-syriens, les Hérouscha, s’étaient emparés des mines
du Sinaï, en empêchaient l’exploitation, et menaçaient Les Aamou étant alliés aux Hérouscha, un très grand effort
s’imposait. Ouna organisa l’armée égyptienne, en mélangeant aux nationaux
recrutés dans le pays tout entier, depuis
Éléphantine jusqu’à la terre du Nord, des nègres du pays d’Anam, du pays d’Ouaouat, du pays de Kaaou, du
pays de Toman, etc. L’armée égyptienne proprement dite, nationale,
et dont le fonds se composait de contingents instruits, exercés en temps de
paix, dans les places fortes, les temples, les villes,
et d’anciens guerriers rappelés, était prête à marcher à l’ennemi ; mais les
Nègres encadrés dans les groupes égyptiens ignoraient l’art de la guerre, et
il fallait les instruire. Voici, dit
Ouna, que les généraux, les chambellans, les amis
du palais, les chefs, les princes des villes du On voit qu’au temps de Papi Ier la royauté était surtout militante ; qu’une hiérarchie guerrière existait, avec ses généraux et ses capitaines ; que les fonctionnaires de tout rang et les prêtres de tout ordre portaient les armes, savaient l’art du combat. Ouna dit qu’il entra comme il voulut au pays des Hérouscha ; qu’il fut victorieux dés le premier jour, écrasant les ennemis, renversant leurs enceintes fortifiées, coupant leurs figuiers et leurs vignes, incendiant leurs blés, massacrant leurs soldats, s’emparant des populations, emmenant en grand nombre les hommes, les femmes et les enfants, comme prisonniers, ce dont Sa Sainteté le pharaon se réjouit plus que de toute autre chose. La satisfaction du souverain se manifesta par l’ordre cinq fois donné à Ouna, et cinq fois exécuté, d’aller ravager le pays des Hérouscha. La défaite des barbares paraissait achevée, lorsque le pharaon apprit qu’ils s’étaient rassemblés de nouveau au pays de Takhéba. Ouna organisa une expédition maritime, débarqua aux extrémités reculées de cette région, au nord du pays des Hérouscha, et extermina ces ennemis. Papi Ier, enthousiaste, exalta le vainqueur ; Ouna put, désormais, par la volonté du souverain, et en récompense des services rendus, garder ses sandales lorsqu’il entrait dans le palais du pharaon, lorsqu’il se trouvait en la présence du monarque. Pour consolider sa victoire, Ouna fit élever des enceintes fortifiées dans le pays des
Hérouscha, et l’Égypte, en paix, délivrée de ses ennemis au nord et au sud,
ayant un grand pharaon à Abydos,
renouvela la gloire des temps passés. Les mines du Sinaï, régulièrement
exploitées, produisirent immensément ; une route fut tracée qui réunit
Abydos, par Coptos, à la mer Rouge, traversant le désert ; les carrières de
Rohannou furent ouvertes, et le vieux temple de Denderah, antérieur à Ménès,
fut réédifié, en respectant avec scrupule le plan du temple primitif. Cette
œuvre nationale valut à Papi Ier le titre de fils d’Hathor
qu’il adopta pour son cartouche royal. Le pharaon glorieux tenait, en
suzerain, Papi eut pour successeur Mérenra, fils de la seconde femme de son père, la reine Raoumeri-Ankh-nas. L’impression des victoires de Papi était encore trop récente pour que le gouvernement de Mérenra n’en ressentit pas les heureux effets. Ni du nord, ni de l’est, ni du sud, aucun ennemi ne vint tourmenter les Égyptiens. Le pharaon, d’ailleurs, confirma Ouna dans ses fonctions et dans ses charges ; le faisant en outre, gouverneur du pays du sud, c’est-à-dire de la partie de l’Égypte comprise entre Éléphantine et la pointe du delta. C’était la moitié du royaume, à peu prés ; celle où résidait le pharaon. Jamais, dit Ouna dans son épitaphe, jamais sujet n’avait eu cette dignité auparavant. Le premier ordre donné par Sa Majesté à Ouna fut, suivant l’usage, d’aller chercher en Haute-Égypte le granit du tombeau royal. Ouna, dans le récit de cette expédition, nous a laissé les détails bien intéressants de son voyage. Mérenra voulait, en outre du bloc de granit pour son sarcophage, une image de dieu, ainsi qu’un naos, avec sa grande porte et son pyramidion. Les naos étaient des sortes de chapelles, plus ou moins grandes, généralement portatives, creusées dans un monolithe, fermées par une porte à double battant, et qui recevaient l’image, la statue d’un dieu, d’un roi, ou d’un Égyptien de marque. Ces naos, nombreux, énormes quelquefois, d’autre fois assez petits ou assez légers pour être portés en procession, se plaçaient dans les temples et dans les monuments funéraires. Un naos spécial, enfin, ordinairement de grande dimension, véritable tabernacle contenant la divinité patronale, existait dans chaque temple. Mérenra chargea donc Ouna de lui procurer le naos qui ornerait son monument funéraire, et l’image de dieu qui reposerait dans le naos. Ouna s’en fut au pays d’Abhat, puis au pays d’Abou, et tout fut fait, dit-il, conformément aux ordres de Sa Majesté. Une flotte avait été construite dans ce but à Éléphantine : six chalands, trois radeaux et trois bateaux de transport. Le voyage s’effectuant vers le sud, et bien que le sage Ouna eût, sous Papi Ier, noué des relations d’amitié avec les Nègres d’Afrique, il fit, par prudence, construire à Eléphantine même un navire spécial, solide, destiné à recevoir des guerriers qui protégeraient le convoi. C’était une innovation. Jamais, dit Ouna, dans le temps d’aucun ancêtre, Abeha ou Eléphantine n’avaient construit des navires de combat. Ouna, heureux dans cette nouvelle expédition, rapporta au souverain le sarcophage royal avec son couvercle, le pyramidion précieux de la pyramide funéraire, le granit du naos et du seuil, le granit des corniches et des linteaux. Ouna fit davantage. Il partit à la recherche d’une grande
table d’albâtre, du pays de Ha-noub. Le
bloc fut trouvé et mis sur une barque en bois
d’acacia qui avait soixante coudées de longueur ( Le gouvernement d’Ouna fut excellent. Il fit construire des navires en grand nombre, creuser des canaux et des bassins au sud d’Eléphantine ; il entretint des relations amicales et suivies avec le prince des pays des Arrethet, des Oua-Oua, des Aman... qui fournissaient des bois. Le pharaon vint en personne visiter les travaux extraordinaires de son serviteur, et c’est pour perpétuer le souvenir de sa satisfaction qu’il fit graver son image souveraine sur les rochers d’Assouan. Ouna mourut peu de temps après ce triomphe. Sa tombe, à Abydos, en cinquante lignes d’inscription, raconte ses travaux, énumère les faveurs dont il fut honoré par trois pharaons successifs, Téta, Papi Ier et Mérenra. La première ligne de l’inscription est une- invocation à Osiris, sans caractère religieux. Mérenra eut pour successeur son frère Nowerkara, que les
listes grecques nomment Papi II. De nombreuses et belles tombes portant le cartouche royal
de Nowerkara témoignent d’une réelle prospérité sous son règne. D’une
inscription de l’Ouadi-Magarah résulterait que ce pharaon, continuant à
exploiter les mines du Sinaï, dut plusieurs fois repousser les attaques des barbares. Un pied de vase brisé,
trouvé à Matarieh, qualifie Nowerkara de roi de A la mort de Nowerkara, des troubles accueillirent son successeur, Mérenra II, qui fut assassiné dans une émeute, une année à peine après son avènement. Mérenra II avait épousé sa sœur Nitaqrit, la belle aux joues roses, qui lui succéda. Les documents historiques énumèrent sept ans du règne de Nitaqrit, pendant lesquels elle termina la troisième des grandes pyramides, restée inachevée, dont elle augmenta considérablement les dimensions en leur donnant ce revêtement de syénite qui fit, plus tard, l’admiration des voyageurs. Morte, Nitaqrit fut ensevelie dans un sarcophage de basalte bleu que reçut la grande pyramide terminée. Les monuments de A partir de L’art, pendant toute Les parois des mastabas racontent, simplement inscrites ou
illustrées, les biographies des morts ; ce sont des scènes de la vie
égyptienne où figure le personnage à
honorer, chassant, pêchant, surveillant sa moisson, comptant les têtes de son
troupeau. La sculpture est vigoureuse et fine, les récits biographiques sont
nets et détaillés. Au commencement de l’Ancien-Empire, l’écriture
hiéroglyphique était incohérente, clairsemée, avec des détails rudes, ainsi
que le montre le tombeau d’Amten ; les statues, trapues,
exagéraient le détail anatomique. Le tombeau de Ti, à Saqqarah, grand œuvre
de A mesure que les Égyptiens s’éloignent de l’époque
préhistorique d’Osiris, la légende de l’Ounnovré,
— l’Être bon, — se nationalise, et chacun voit en soi un Osiris. Les textes
funéraires de Les statues de cette époque sont élégantes et élancées ; le
type qu’elles reproduisent, tout égyptien qu’il soit, s’atténue d’une
correction idéale qui a voulu fondre les traits du sujet, bien reproduits,
dans un ensemble convenu. Le visage est rond, mais dur ; la bouche est plus
souriante que bonne ; le nez est d’une finesse cherchée ; les épaules,
larges, et les jambes, musculeuses, restent seules comme la traduction exacte
de la vérité. Cette statuaire s’éloigne de la nature, tout en conservant
l’intention de portrait, et c’est un contresens. Il y a là une préoccupation
monumentale, que l’on retrouve dans l’exécution, spéciale à |