Le Christianisme (de 67 av. J.-C. à 117 ap. J.-C.)

 

CHAPITRE XXIV

 

 

DE 41 A 54 Ap. J.-C. - Claude Empereur. - La Gaule Romaine. - Druides. - Espagne Romaine. - Ibères. - Bretagne. - Germanie. - Chauques et Frisons. - L’Empire occidental. - Gallo-Romains. - La province d’Asie. - La province d’Afrique. - Berbères. - Maures. - Claude et les Juifs. - La province de Thrace. - Arménie. - Parthes. - Messaline et Agrippine. - Mort de Claude.

 

CLAUDE avait passé sa jeunesse, toute maladive, oublié dans le palais impérial, s’occupant à écrire des histoires ; et voici qu’un caprice des légionnaires le fit Empereur. Cet irrésolu, quasi ridicule, bégayant, dont la tête avait des mouvements d’idiot, et qui parlait en sentences solennelles, creuses, recevait un pouvoir brisé, à refaire. Il était bon, car ses premiers actes furent de réparer les folies de Caligula, de rappeler les bannis ; il aimait la justice et la pratiquait volontiers, platement sans doute, mais avec équité. S’il choisit mal les affranchis admis à le conseiller, le fait en soi n’était pas sans hardiesse, et sa loi spéciale favorable aux esclaves — traités en hommes pour la première fois, — prouve ses belles intentions. Il administrera libéralement les provinces, rétablira la censure, se laissera prendre aux tendances révolutionnaires, chrétiennes pour la plupart, qui détermineront la chute de l’Empire.

Le testament d’Auguste avait prévu les dangers qu’entraînerait l’abandon des privilèges réservés à la Cité romaine, prestige indispensable à l’action gouvernementale des Empereurs ; mais les successeurs du monarque avisé oublièrent vite son conseil. Claude accorda aux Nobles de la Gaule chevelue le droit de siéger parmi les sénateurs. Depuis que la Gaule Cisalpine était incorporée à l’Italie, la Gaule Transalpine figurait, dans l’Empire, comme un tout caractérisé, presque autonome ; neuf colonies, — Narbonne, Arles, Béziers, Orange, Fréjus, Vienne, Lyon, Valence, Nyons, avec Cologne sur le Rhin, — essentiellement romaines, y commençaient une sorte d’annexion.

Cependant la possession romaine se heurtait, en Gaule, à des résistances, et ce n’est pas seulement l’hiver gaulois qui tourmentait les occupants au delà du Rhône, c’était aussi l’impression d’un contact particulier, peu sûr. Au Sud, en effet, la Cité constituait l’unité, comme en Italie, tandis qu’au Nord la tribu celtique persistait. Ce n’étaient pas deus nationalités différentes, séparées, mais deux parties d’une nationalité, dont l’une, la méridionale, s’était assimilé des mœurs étrangères, — phéniciennes, grecques, romaines, — et dont l’autre en était encore à sa première civilisation. Les Méridionaux se targuaient de leur indépendance, en vivant de la vie nouvelle imposée ; les autres, — Bretons, Aquitains, Septentrionaux,- soumis en apparence, mais strictement fidèles à leurs traditions, à la division communale, et affaiblis d’ailleurs par de perpétuelles querelles de localités, n’en conservaient pas moins la certitude d’une délivrance.

Au point de vue purement politique, les Romains paraissaient avoir seulement substitué leur principat à celui qu’exerçaient en Gaule, avant eux, les tribus gauloises tour à tour prépondérantes. Aussi la Gaule, qui trafiquait de son bétail, de ses céréales et de ses industries, — jambons de Flandre, froments de Provence, étoffes d’Arras et de Tournay, — accepta des Romains un art, une littérature, une langue et des dieux, fière de voir les Romains lui emprunter, en compensation, la coupe des vêtements nationaux, la braie et la cuculle. Les villes gauloises furent honorées des noms d’Auguste, de Jules, de César ; les voies stratégiques eurent leurs stations ornées de temples, de colonnes, de niches où le Mercure protecteur des voyageurs trônait. Lyon eut sa Voie des tombeaux semblable à celle de Pompéi.

Claude, s’attaquant aux légendes plus qu’aux réalités, s’inquiétait des druides. Auguste, mieux renseigné sans doute, s’était contenté d’organiser à Lyon le culte impérial (12 ap. J.-C.), de consacrer, au confluent du Rhône et de la Saône, l’autel de la Déesse de Rome et du Génie de l’Empereur, devant lequel, chaque année, s’assemblaient les représentants de toutes les tribus gauloises. Le culte impérial démontrait, à la rigueur, l’unité religieuse faite ; il ne détruisait aucune des communautés provinciales. La Gaule accueillit tous les dieux qu’on lui amena, grecs, syriens, égyptiens, romains, iraniens, d’Isis à Mithra. Arles se fit remarquer par l’adoration exclusive de divinités italiennes ; Fréjus, Nîmes, Aix, n’expulsèrent aucun de leurs dieux celtiques ; le dieu aryen de la source Némausus conserva tous ses fidèles, pratiquants. Les Gaulois adoptèrent également la langue latine, — monnaies et inscriptions, — mais l’euphonie celtique n’abdiqua point ; les noms latinisés laissèrent transpercer leur origine.

Lyon s’isolait, comme une colonie de citoyens romains, privilégiée, plantée au centre de la nation, faisant plutôt ressortir l’exception intruse. On y voyait vivre ensemble, parfaitement distincts, des Romains, des Gaulois et des Germains, — les Ubiens y ayant leur autel d’Auguste particulier. L’assemblée annuelle de Lyon était une sorte de Conseil amphictyonique, une réunion accidentelle de Communes, prouvant en conséquence l’existence d’une Confédération, assujettie pour le moment à la constitution impériale. Rome donnait ainsi à la noblesse gauloise — Tacite le remarquera, — le sentiment de son importance et consacrait en quelque sorte le droit d’une nationalité déterminée.

L’Espagne, très peuplée, très vivante, avait Gadès comme ville italienne, de fait. Auguste, trompé par une accalmie, et par l’activité des échanges entre Rome et la côte ibérique, crut sérieusement à la complète soumission des Ibériens. Les colons romains, installés le long de la mer, n’y avaient supplanté que des Phéniciens ; vers l’intérieur, sur une large zone, les Ibériens étaient comme noyés dans le flot incessant de l’émigration italienne. Rome, sûre de l’Espagne, y traça des voies plus commerciales que militaires. La très riche Gadès, généreuse, commerçante, distribuait, avec le vin, l’huile et les métaux d’Ibérie, des fruits merveilleux, exquis, des tissus de laine et de lin, très appréciés ; et ses navires, lourds de chargements variés, emportaient des danseuses et des chanteurs, dont la réputation, à Rome, effaçait la gloire des virtuoses d’Alexandrie. L’Espagne s’accommodait de cette exploitation Tuile de ses œuvres ; les Romains, de leur côté, sur la défensive, ne troublaient pas cette quiétude.

La peur des druides, l’idée au moins qu’ils s’opposaient seuls, par leur influence mystérieuse, à la définitive annexion de la Gaule, décida Claude à tenter la destruction du druidisme, en l’attaquant à son foyer d’action, en Grande-Bretagne. Cette expédition de Bretagne, d’ailleurs, était depuis jules César comme une campagne imposée à tout Empereur nouveau. Auguste avait manqué à cette obligation ; Claude n’y faillit point. La conquête de la Bretagne n’offrait aux Romains aucune utilité, la Gaule, intermédiaire des trafics bretons, étant la douane de perception des impôts dont Rome subsistait ; mais la légende terrifiante de ce peuple si lointain, séparé du reste du monde dit Virgile, de cette île ceinte par un océan peuplé de monstres, dit Horace, en faisait un défi que l’Empereur devait mettre sa gloire à affronter.

Plautius fut chargé par Claude de cette facile conquête. Les Bretons en étaient encore au point où jules César les avait trouvés, divisés en tribus, se querellant, gouvernés par des rois et des reines hostiles les uns aux autres, avec sauvagerie. Plautius, rapidement vainqueur, campa devant la Tamise, pour que Claude eût le temps de venir s’approprier la victoire. Claude présent, le fleuve franchi, le dernier défenseur de l’île — Caractac, — battu, l’empereur quitta la Bretagne, laissant à Plautius le soin de l’organiser à la romaine. Le successeur de Plautius, Ostorius Scapula, y réprima un soulèvement (50) ; il soumit les Icènes et les Brigantes au Nord, les Ordovices au Sud, et contint les insulaires jusqu’à la mort de Claude, glorieux — son arc de triomphe en témoigne, — autant de la défaite des onze rois bretons, nommés, que de l’appel fait à sa clémence par les vaincus.

En Germanie, la politique impériale, mal à l’aise, ne tendait qu’à conserver son prestige, aucune conquête ne paraissant y devoir compenser le péril à courir. Cependant les pirates chauques, conduits par Gannascus, pillaient les côtes gauloises, et, se stimulant en leur impunité, assaillirent les Romains eux-mêmes. Publius Gabinius Secundus reçut l’ordre de les châtier (41). Plus tard, le légat de Belgique, Corbulon, dut marcher contre les Frisons, les battre, installer une garnison romaine chez eux, en garantie. Corbulon provoquait les Chauques, lorsque Claude l’arrêta. L’étrange hésitation de l’empereur encouragea bientôt la résistance des Frisons, ingouvernables.

L’Empire occidental se réduisait donc à l’occupation relative de l’Espagne et de la Gaule. En Espagne, la Lusitanie, la Gallicie et les Asturies restaient attachées à leurs divinités nationales, les noms des dieux quelquefois latinisés ; mais dans le reste du pays, en Bétique surtout, les divinités se firent italiennes, sauf vers le Douro supérieur, où les croyances celtiques persistèrent. En Gaule, la latinisation était entravée. Marseille, qui se considérait comme un État allié de Rome, non subordonné, — Aix n’étant à ses yeux qu’un campement de soldats romains, protecteurs obligés, — avait perdu beaucoup de son importance politique depuis l’Empire ; mais elle compensait cette déchéance par la renommée de ses écoles, de sa civilisation grecque. Nîmes pouvait montrer sur sa monnaie la gravure des symboles de l’Égypte, avec un texte alexandrin. La Province entière se flattait de son indépendance, de son égoïsme, pourrait-on dire, conservant ses illustrations, au risque de les amoindrir. La Gaule septentrionale, gravement, avec ténacité, s’instruisait, étudiait, à part.

Les lycées gaulois devinrent célèbres ; ce furent des écoles de patriotisme, des forges où l’on affinait les armes de l’avenir... Autun (Augustodunum), sous Tibère, réunissait pour l’instruire la fleur de la noblesse gauloise. Cologne, pourtant si prospère, ne ramena pas les peuplades du Rhin à la civilisation romaine. L’unité impériale affirmée, officielle, recouvrait mais n’avait pas détruit les associations communales, les unités locales, aryennes, celtiques. L’enseignement gréco-romain, la lecture des ouvres importées, le spectacle des Beaux-Arts, et aussi celui de l’administration impériale, admirée, firent le Gallo-Romain, animé d’un grand zèle pour apprendre, apte à tout saisir, procurant à la gravité romaine, immobilisée dans sa formule quasi mathématique, le secours d’une raison saine, d’une érudition éclectique, d’une éloquence naturelle, où l’art savait allier la logique et l’esprit.

Les Grecs de la Gaule ne consentaient pas à se croire Romains. En Aquitaine, l’Université de Burdegala (Bordeaux) allait, par sa science, frapper l’attention universelle. Le prestige de la Gaule savante, poétique, mystérieuse un peu, brave et gaie, n’avait fait que croître depuis jules César. L’ami de Virgile, le poète Cornélius Gallus, premier gouverneur de l’Égypte romaine, était un Gaulois de Fréjus. L’orateur intelligent et convaincu que Tacite fait parler, pour opposer l’éloquence nouvelle à l’éloquence de Cicéron et de César, est un avocat gaulois, Marcus Aper... La Gaule attirait Rome ; le mouvement aryen, irrésistible, de l’Est à l’Ouest, se reprenait, en des conditions admirables. Mais Rome se tournait plutôt vers sa province d’Asie, ois les accès d’une fièvre finale donnaient la fausse apparence d’une grande vitalité. Les trafics y étaient innombrables, abusifs, et les corruptions, de toutes sortes, généralisées, comme normales. L’ère pacifique, inaugurée à l’avènement d’Auguste, avait permis aux Hellènes et aux Phéniciens de se ressaisir, et trois siècles de prospérité devaient faire rétrograder vers l’Orient la civilisation aryenne, un instant remise en sa vraie voie.

En Afrique, Claude régnant, Suetonius Paulinus et Geta soumirent les Maures, dont le territoire fut divisé en Maurétanie Césarienne et Maurétanie Tingitane. L’histoire de la province d’Afrique est le plus parfait exemple de l’inintelligence de la politique romaine. Jamais, à aucun instant, Rome ne sut utiliser sa conquête ; elle n’en comprit pas l’importance, s’appliquant plutôt, semble-t-il, à en dénaturer la valeur. L’Afrique septentrionale était peuplée de Berbères, en ce sens que les Berbères s’y trouvaient à peu près partout, à ce moment, le mieux représentés ; des réserves de leurs tribus, au Sud, se dérobant à la domination romaine, précaire. Ces Africains indépendants, que Rome négligea trop, se reliaient aux Égyptiens par les habitants de la Libye, agriculteurs installés déjà à l’ouest de Gabès au temps d’Hérodote, Cyrène la grecque étant leur ville. Ces agriculteurs assidus, laborieux, dociles et dévoués, faisaient la richesse productive de l’Afrique. Rome, maîtresse du territoire, y reconstitua des villes phéniciennes, factices, au lieu d’assujettir et de s’assimiler la population berbère de la province. Il en résulta que la Grande Syrte devint une démarcation entre ce qu’on pourrait appeler l’Afrique européenne, à l’Est, et l’Afrique romano-phénicienne, à l’ouest, dès lors antagonistes.

Les limites de la province d’Afrique s’étendaient au delà de l’occupation réelle, en une large zone incessamment troublée de rapides campagnes ou d’interminables razzias ; l’œuvre de civilisation proprement dite y demeura très restreinte. Le relèvement de Carthage, la réédification du temple d’Astarté, l’octroi d’une constitution phénicienne, avec ses suffètes, privèrent les Romains du concours des Berbères, plus que jamais fidèles à leurs meurs, à leur organisation aryenne, qu’administraient les Anciens, et n’accordant au gouvernement nouveau qu’une autorité temporaire, supportable, non acceptée. Les Maures seuls nécessitaient une surveillance, car ils dressaient encore des autels aux princes descendants de Massinissa, ce roi qui avait réussi, lui, à fonder dans des villes les communautés berbères agricoles, leur accordant des municipalités. Rome redoutait la Maurétanie privée de routes, abordable uniquement du côte de la mer. Claude divisa en deux la Maurétanie, pour la mieux tenir.

La politique impériale dut se plier à quelques exigences des Berbères, respecter certaines de leurs coutumes, reconnaître comme villes confiées à des gouverneurs les confédérations marquées, munies d’un préfet ou d’un prince, mais gouvernées par onze Anciens élisant leur chef, petites monarchies contraires à l’idée romaine, et contraires aussi à l’idée phénicienne. Des groupes berbères loin de la côte, sur les montagnes, dans le désert, disséminés en tribus, y continuaient la tradition d’indépendance toujours prête à se ressaisir ; cette zone, de climat tempéré, relativement, conservait la vigueur saine de ces Aryens à la fois doux et insoumis, dociles et belliqueux, dont César avait apprécié la valeur guerrière alors qu’il luttait contre les républicains : Ces paysans d’Afrique avaient abandonné leurs moissons, sans hésiter, pour combattre l’adversaire des libertés sociales.

Rome croira témoigner de la puissance impériale en Afrique, en y ordonnant la fondation immédiate de villes complètes, monumentales, somptueuses, splendides parfois, où les arcs de triomphe, les théâtres, les bains, les tombeaux, d’un art imité, riche évidemment, mais entaché d’improvisation, s’entassèrent ; en même temps que les stratèges construisaient des routes reliant le quartier général — Theveste, — à la nier et aux villes principales. Les voies commerciales ne furent tracées que plus tard, par les habitants eux-mêmes, le besoin de communiquer et de trafiquer suppléant à l’imprévoyance romaine ; routes qu’on dédiera aux Empereurs, par flatterie.

En Judée, le persécuteur des druides, Claude, se compromettait par de perpétuelles contradictions. N’osant expulser les Juifs de Rome, il leur interdisait de s’assembler, — sans succès d’ailleurs, — tandis qu’il les favorisait de privilèges, respectait leurs préjugés religieux en Palestine. A Jérusalem, la force romaine était à l’entière disposition du Sanhédrin, absurdité qui tourna contre les juifs, en ce qu’elle les poussa, d’apparence irresponsables, couverts, à de criminels abus. Parfaitement rassurés en effet, les machinateurs d’émeutes et les promoteurs d’inquisitions rivaliseraient de zèle pour détruire les derniers restes de toute autorité, morale ou religieuse. La corruption et le fanatisme, depuis la mort d’Agrippa notamment (44), faisaient surgir en Judée, à chaque heure, de nouveaux Macchabées ; les Zélotes, fous, poignardaient juifs et Romains, indistinctement : une anarchie sanglante sévissait. Et Claude, sottement, laissait les Juifs se fortifier à Jérusalem, les Juifs ayant acheté, alors que tout se vendait, écrira Tacite, la permission de reconstruire leurs murs, en pleine paix...

Les trafics de Byzance, si productifs au temps d’Auguste, souffraient de troubles que Rome ne pouvait tolérer. Claude intervint (46) et réduisit la Thrace en province. En Iran, les princes se querellant, l’autorité romaine s’affaiblissait de l’appel des uns, non entendu, et de la jactance des autres, enhardis par une étrange longanimité. Les peuples touraniens étaient menaçants. Le roi des Parthes, Vologasos, qui attirait à Vologasias, sa capitale, sur le, Bas-Euphrate, le commerce de Palmyre, rêvait de conquérir l’Arménie : l’incapacité des rois donnés par Rome aux Parthes légitimait son ambition.

Claude mourut empoisonné (54). Ses panégyristes dirent la gloire d’un Empire prospère, victorieux en Grande-Bretagne, heureux en ses diverses actions extérieures. Claude bénéficia du prestige de Rome. On le loua de la discipline obtenue dans l’armée, de la sa gesse de ses généraux vieillis, prudents, et l’on traduisit ses fautes en habiletés, telles que ses condescendances envers les juifs travaillant à leur perte, ses insuccès en Parthyène, que l’on considéra comme des manœuvres destinées à semer la division chez ses ennemis. On lui pardonna la honte de ses conseillers abjects, en signalant les perfidies de patriciens tenus à l’écart, ou bassement flatteurs, en énumérant les dix complots contre sa vie, qui avaient échoué mais qui l’absolvaient de ses vengeances ; on attribua enfin à la méchanceté de l’impératrice un bon nombre des crimes de l’empereur.

Il est vrai qu’à son tour l’insatiable Messaline, l’impériale courtisane, finalement accusée de braver les lois et la pudeur publique, fut mise à mort par ordre de Claude (48) ; mais ce fut pour que l’Empereur pût épouser Agrippine, fille de Germanicus, déjà mère de Néron âgé de onze ans, et qui ne songea qu’à frustrer de l’héritage impérial le fils de Claude, Britannicus, qu’elle parvint à faire haïr de son père. Un instant Claude parut comprendre l’injustice de sa désaffection ; il commit l’imprudence, étant ivre, un jour, de laisser voir ses remords, peut-être ses intentions réparatrices ; Locuste acheva l’œuvre d’Agrippine en empoisonnant Claude.