Indo-européens et Sémites. - Aryens et Anaryens.- Nabis et
Messies. - Jésus de Nazareth. - DANS la confusion universelle, deux idées principales se heurtaient, irréconciliables, parce que deux races opposées se trouvaient en conflit décisif : la race dite indo-européenne et la race dite sémitique, — la race Européenne, aryenne, et la race Asiatique, anaryenne. L’Aryen, avec son besoin de clarté et de probité, sa prédilection pour le tendre et le simple, se révoltait en Occident, comme il l’avait fait dans l’Inde au temps des Bouddhas, contre l’omnipotence d’une caste, la conception d’une humanité vouée à l’exploitation de quelques-uns, cruels et surtout désespérants. Dans l’Inde, les brahmanes s’étaient victorieusement défendus en s’emparant du Bouddhisme même ; et le nirvana, imaginé pour détruire le dogme effroyable des transmigrations, y était devenu le dogme tout aussi désolant de l’anéantissement total de l’être. En Iran, les Perses, toujours fidèles à Zoroastre, restaient silencieux, la religion nationale des Parthes conservant le Zend-Avesta, mais sans prosélytisme. Les Bédouins de l’Arabie continuaient le patriarcat indépendant. Vaincus dans l’Inde, apaisés en Iran, satisfaits en
Nabatéenne, les Aryens s’agitaient seulement là où Juifs et Romains
désespéraient. Le « Sauveur » des hommes, le Messie, ne pouvait apparaître
que sur le terrain de la lutte, aux environs de Jérusalem. L’agitation des Aryens se manifestait dans le pays, au centre, pourrait-on dire, de la puissance anaryenne, en Judée. Par quel miracle le Sauveur, le Messie, allait-il surgir de ce milieu ? Précisément, le monde juif était en l’état de fermentation le plus propice aux germes révolutionnaires : les prêtres d’Israël y subordonnaient les prophètes, les nabis, et ceux-ci, tenus à l’écart, mécontents, critiques de bonne foi, rêvant et composant, annonçaient le bouleversement des choses. En Palestine apparaissaient des quantités de sauveurs d’Israël, de messies spontanés, convaincus. L’individualisme, dans tous les cas, s’y manifestait étrangement. Les nabis, divers, se surexcitaient entre eux, par l’émulation ; quelques-uns écrivaient des apocalypses. Cependant les nabis, purement juifs, réussissaient peu
dans le peuple, parce qu’on savait qu’aucune des magnifiques promesses des
prophètes, anciens et récents, ne s’était accomplie : ils avaient affirmé que
Jérusalem serait En ce temps-là, Jésus, fils de Marie et de Joseph,
naissait à Nazareth, en Galilée, — Auguste étant Empereur, — vers l’an 750 de
Rome. Jésus, altération de Josué, signifie sauveur.
Les premières années de sa jeunesse, impressionnées surtout d’un paysage
souriant et clair, ne lui laissèrent qu’une instruction restreinte ; il ne
lut jamais bien l’hébreu et ne s’exprima qu’en un idiome araméen composé, — syriaque mêlé de vocables hébraïques, — amélioré,
en sa bouche, par un don naturel de langage chantant, harmonieux, doucement
asiatique. Une délicieuse naïveté, bien saine, le disposait à recevoir et à
nourrir, terrain vierge, toute idée pure semée ou venue. Le mot de César avait frappé son oreille, mais il
ignorait trop le monde pour comprendre l’Empire ; l’Empereur ne lui fut qu’une
sorte de magnificence inaccessible, de féerie troublante à des yeux non
habitués, de monstruosité superbe, énigmatique, machinée, contraire à la
nature, si grande et si simple à la fois, elle ! Et il aspirait gaiement,
simplement, sans envie des splendeurs lointaines, heureux, l’air de Il s’isolait, rêveur, réfléchi, peut-être moins aimé que ne l’étaient ses frères et ses sœurs, — leur aîné, semble-t-il, — trouvant plutôt chez la sœur de sa mère, Marie épouse d’Alphée ou Cléophas, et chez les fils de cette femme, une bienveillance agréable. Il lut surtout le livre de Daniel et n’ignora pas les œuvres du premier Messie, — de Cyrus, — l’union quasi faite, alors, entre les Jéhovistes et les Mazdéens, l’ère de fraternité innovée, hélas ! rompue, dont témoignaient les compositions d’Osée et d’Isaïe. Les rêveries profondes, émues, que ces lectures suscitaient, pouvaient se satisfaire et se prolonger en Galilée, loin des civilisations enfiévrées, sans provoquer ce goût de vengeance qui mettait tant d’amertume aux lèvres des juifs déçus, dupés, rejetés dans leur humiliation. Parmi les Galiléens, énergiques,
braves et laborieux, — groupés en villages au centre de cantons
agricoles bien cultivés, — population active, honnête, gaie et tendre, Jésus
vivait libre d’esprit, sans contrariétés d’existence, sans besoins impérieux.
A la fois juive et païenne, à ses origines, Charpentier ou fils de charpentier, suivant le texte de
Marc ou de Matthieu, le métier de Jésus ne le distrayait pas de ses pensées.
Tout à sa vocation, miraculeusement éclose fleur et fruit dès la première
chaleur, dès la première émotion, Jésus travaillait et songeait, plus aimable
qu’aimant, sans doute, préoccupé, absorbé, uniquement voué à l’œuvre
intellectuelle, au labeur divin. Il reçut des Esséniens, en même temps que
Philon, l’idée de charité bouddhique, invraisemblable et pourtant vraie, et
plus heureux que le juif alexandrin, sa conception du vaste amour ne fut
point troublée des subtilités helléniques. Il ignorait Platon, Bouddha et
Zoroastre, certes, mais il communiait d’eux, à travers l’espace, par
sympathie humanitaire, par don génial, prédestination, être attirant à soi l’essence
des choses, comme une abeille vers laquelle iraient d’eux-mêmes tous les
parfums. Mais il connaissait Hillel qui, un demi-siècle passé déjà, avait
dénoncé l’hypocrisie, prononcé les franches paroles, écrit les sentences
ineffaçables, répandu les semences de la future moisson, maintenant mûrie. Et
il lisait Le Dieu du Deutéronome, l’Éternel,
le Temps sans bornes, lui apparaissait
plus vivant, plus réel que l’Élohim de En Judée, à l’exemple des Hindous, un très grand nombre d’anachorètes
opposaient le spectacle d’une vie réduite à l’exploitation de soi par l’esprit,
aux ambitions collectives et exigeantes de l’Israël nouveau, organisé. De
jeunes hommes, curieux d’abord, séduits ensuite, allaient à ces gourous, à ces mounis,
et les écoutaient, s’instruisant, se façonnant aux simplifications,
rapportant aux autres, groupés dans la
ville, dans la ruche, un miel de paroles consolantes, dont on se délectait et
qui procurait une ivresse active. Pour utiliser, pour diriger l’action, latente,
on attendait les deux précurseurs dont
il était parlé, à la fois, dans La foule inconsciente, mais prête, faisait elle-même son chef, son maître, son messie, selon ses instincts impeccables, divin et humain, miraculeux, conscience de Dieu, Fils de l’homme, Fils de Dieu. Et pour servir ce maître, pour obéir à ce Sauveur, pour adorer ce Dieu, on rompra tous les liens de la famille, on brisera toutes les conventions sociales, on se détachera de la vie, méprisable telle qu’elle est, et on ira jusqu’au désir de la mort, par la passion du sacrifice. Cette théologie, inévitable, surpassant Jéhovah, eût conduit à Moloch sans doute ; mais Jésus conçut et donna sa théologie originale, aryenne, entrevue par Philon, du Dieu-Père, affectueux, bienveillant et attentif : Notre Père, qui êtes aux cieux... donnez-nous notre pain quotidien... et délivrez-nous du mal. Entre Dieu et les hommes, entre le Père et le Fils, — Moïse et Élie l’avaient éprouvé, — les relations étaient réelles, les Anges iraniens intermédiaires entre la terre et le ciel. Où est Celui que l’Éternel choisira, comme il avait choisi Moïse et Élie ? Celui-là se manifestera, pour accomplir les prophéties, par des faits surnaturels, par des prodiges. C’est un miracle que la guérison de la maladie, car la maladie c’est la prise de possession du corps humain par le démon, et pour chasser le démon l’intervention divine, directe, est nécessaire. L’Asmodée iranien, devenu hébraïque, s’empare de l’homme et lui impose sa volonté ; une réaction surnaturelle, seule, est capable de détruire cette action surnaturelle. Et l’esprit aryen répugnant aux symboles, voulant des faits, le miracle ne sera qu’un acte médical, réel, constaté. La foi servira le thaumaturge. Luc parlera presque scientifiquement de la femme possédée s’approchant de Jésus, qui ne la voit pas, et, touchant le manteau du divin Maître, guérit : Jésus se retournant : Qui est-ce qui m’a touché ?... Quelqu’un m’a touché, car j’ai senti une force sortir de moi. La religiosité du peuple entraîné, juive, exclusive,
rejette l’idée de patrie, de lien du sang,
de loi, se voue toute à l’idée unique d’adoration supérieure, vers l’inaccessible,
l’invulnérable, et c’est pour cette idée qu’on mourra, traqué, torturé,
martyr. C’est pourquoi Jésus, en voulant améliorer Le péril, évident, exigeait des manifestations tangibles. Où sont les deux prophètes annoncés par le Yaçna zoroastrien, qui doivent venir pour consoler les hommes et précéder le grand avènement, la révolution inaugurale du Royaume du ciel, du Royaume de Dieu, textuellement promis dans le livre de Daniel, ce bréviaire de Jésus. Ce royaume se réalisera sur la terre, car l’idée asiatique, passionnante, de changement, s’allie à l’idée aryenne, tenace, de conservation, de durée. Le Paradis perse, réel, le jardin des rois Achéménides, délicieux, se voyait aussi nettement que l’enfer hébraïque, la géhenne, la vallée occidentale du Jourdain, affreuse. Malgré la brutalité de ce matérialisme général, Jésus affinait, idéalisait sa conception, préparait, avec un art merveilleux, en son rêve d’amour, la réhabilitation positive des dédaignés, l’apothéose des faibles, des petits. La délivrance bouddhique, pour lui, c’était l’accomplissement de la justice divine ; et si, par ses expressions, il parut répondre quelquefois aux vœux matériels de ses auditeurs, il ne consentit jamais à descendre des hauteurs de sa pensée. Il poursuit en effet sa chasse des âmes en y employant parfois les armes grossières qui sont à la portée de sa main, et il affuble sa finesse morale, exquise, d’un langage imagé, violent même au besoin, pour frapper l’attention sûrement, pour aller directement aux intelligences. Aux énergies des espérances messianiques de ces affamés, il fallait bien donner un aliment positif. Le groupement naturel des souffreteux formait partout des quantités de petites communes, indépendantes d’allure, futures Églises en embryon ; les Esséniens, ou Thérapeutes, servant de modèle, sans doute. Jésus fut très vite le chef d’une de ces petites Églises, en Galilée, qu’il enseignait d’abondance, sans méthode préconçue. Il emprunta au Baptiste Jean, qu’il avait entendu et suivi, son art spécial d’émouvoir et d’actionner, sans songer certes à l’imiter : Jean menait une vie rude et ascétique, dira-t-il aux Pharisiens et aux Docteurs, et vous disiez : C’est un fou ; moi je vis comme tout le monde, et vous dites : C’est un homme dissipé et de mauvaise vie. Jean avait été violent et factieux ; Jésus resta le révolutionnaire fort et doux, l’adorable anarchiste qu’il voulait être, et sa volonté héroïque ne le trahit pas un seul instant. Il condamna la force et la richesse, avais sans les convoiter, sans chercher à se les approprier, même pour eu disposer en faveur de quiconque ; il prétendit encore moins au gouvernement des hommes, ne songeant même pas à indiquer ce qui pourrait être le gouvernement préférable. Il dut lui sembler que cet abus disparaîtrait de soi, dans la réalisation de la fraternité des hommes à l’avènement de laquelle il croyait aussi fermement qu’à sa propre puissance. Son enthousiasme, cette fureur divine, le possédait tout entier ; il était armé pour toutes les hardiesses. Jésus répandait autour de lui un charme fascinateur ; la
force de sa personnalité se manifestait à ses propres yeux, continuellement ;
les populations bienveillantes et naïves
qui reçurent ses premières leçons, partageaient son ardeur, sa foi, et il se
voyait dans leurs étonnantes transformations. On le qualifiait de
véritablement homme, de Fils de l’homme, ce qui était, en idiome
araméen, une consécration super admirative ; et il devait être beau, car ce
fut pour justifier une prophétie qu’on essaya, plus tard, d’établir une
tradition sur sa laideur. Sa parole, en ses prêches, s’agrémentait de
citations toujours exactement appropriées, extraites de Jamais, en aucune circonstance, Jésus ne fit acte de prêtre, ni de philosophe, préconisant un culte ou un système ; il amena les âmes à communier de Dieu directement, par leur propre effusion ou leur propre appel, entendu, dédaignant les démonstrations compliquées. Il pratiquera et fera pratiquer le baptême, — qu’il a reçu de Jean, — et il se retirera au désert, pour y jeûner, parce que le peuple aime ce symbolisme épurant et consolateur, et qu’il est du peuple lui aussi. Quelques ironies, rares, constitueront toute sa critique politique ; aucun signe de révolte, ni contre les tétrarques, ni contre le Sénat, ni contre l’Empereur. Il éprouve pour les conventions terrestres un tel mépris, et il les tient pour si peu de chose, dans sa conception nouvelle, réalisable, et elles s’effaceront si complètement devant la splendeur éclatante du Royaume de Dieu, qu’il n’a que de la pitié pour ces Grands si menacés et si aveugles, pour ces Puissants si près de leur chute retentissante !... Tout à tous, — comme le Bouddha Çakya-Mouni, sans distinction de couleur ou de sexe, — Jésus, obsédé de son idée impérieuse et exclusive, s’affirme enfin hautement, catégoriquement, publiquement, comme le Fils de l’homme dont a parlé Daniel. Il avait alors environ trente ans. Sans vaniteuse affectation, sans déplaisante austérité, joyeusement, détaché de tout, prêt à tout, il convoque, réunit et prêche, prouvant sa mission, promettant la délivrance. Il s’adresse aux Païens, dont les servilités l’émeuvent davantage que les erreurs ; il les couvre, les protège presque de son indulgence, très à l’aise avec les humbles, déjà quelque peu autoritaire avec les hésitants, sûr du succès prochain, mais s’impatientant parfois de la lenteur des intelligences à le comprendre, des sottes résistances auxquelles sa foi se heurte. L’attrait qu’il inspirait, irrésistible, devenait passionnel dans certains cas, en certains lieux. A Capharnaüm, le peuple lui dit : Tu es le Messie ! Il s’arrêta à Capharnaüm. A titre de fait purement religieux, — de rapport de l’homme avec Dieu, — Jésus n’enseigna guère à ses disciples que la prière de l’Avesta : Notre Père..., mais il écarta, du coup, les lamentations hébraïques, les humiliations superstitieuses, les verbiages grecs et romains. Il conserva, du contact de Jean-Baptiste, des accès de passion, de fougue, et le baptême ; mais ne se solidarisera ni avec les Esséniens guérisseurs, ni avec les Elchasaïtes baptiseurs, ces Bouddhistes de Babylone venus aux rives de la mer Morte avec leur rite hindou de la purification par les eaux. Jésus est seul ; ses disciples autour de lui, librement assemblés. Les Nazaréens se moquaient de Jésus, né chez eux ; ils le poursuivirent, le menacèrent, incrédules et railleurs. Jésus les bravait, pourrait-on dire, en prêchant dans les synagogues, paraissant aller au plein du danger, et cependant d’une prudence très sage, évitant Tibériade, par exemple, à cause d’Antipas, s’installant comme en permanence au bord du lac où les douaniers et les pêcheurs lui constituaient une famille : Simon, — surnommé Pierre ou Kêphas, — et André, son frère, établis déjà à Capharnaüm ; les deux fils de Zébédée, le pêcheur aisé, Jacques et Jean ; Philippe de Bethsaïda ; Nathaniel, fils de Tolmaï ou Ptolémée, de Cana ; l’écrivain Matthieu ; le généreux et timide Thomas, ou Didyme ; Lebbée ou Taddée ; le sicaire ou zélote Simon ; Jacques et Jude, les fils de Marie Cléophas, sœur de la mère de Jésus, et Judas homme de Qérioth, le seul parmi les premiers disciples qui ne fut pas Galiléen. — Pierre, Jacques fils de Zébédée et Jean étaient les Disciples préférés, que Jésus réunissait quelquefois à part, pour les consulter. La franchise un peu rude, mais si sincère, de Pierre se corrigeait, au Conseil, de l’intelligence attardée et du dévouement tendre de Jean, — bien changé, plus tard, plein d’imagination, se faisant le Platon d’un Jésus-Socrate, — et contenait, par sa brutalité même, la fougue dangereuse du fils de Zébédée. Si Pierre, parmi les Disciples, se distinguait des autres, en fait, — Jésus vivant de son hospitalité et prêchant dans sa maison, ou sur sa barque, — aucune hiérarchie ne classait les frères, Jésus proscrivant toute appellation distinctive. La troupe fidèle, gaie et vagabonde, se suspendait aux lèvres de Jésus, recueillait ses enseignements, notait ses actes, s’intéressait à ses paraboles à la fois ingénieuses et transcendantes, uniquement comparables, en leur délicieuse étrangeté, à cette partie caractéristique de la littérature bouddhique, si originale, pénétrante et naïve, dont l’art le plus subtil, tant il est simple et paraît naturel, dissimule à merveille la recherche laborieuse et le sens profond. L’insouciance galiléenne se complaisait à ce jeu d’esprit
sans cesse renouvelé ; ces Aryens enchantés ne se doutaient pas des choses
extraordinaires qu’ils accomplissaient, en se jouant. Une seule minute de
réflexion asiatique eût suffi pour disperser tous ces disciples rangés autour
du Maître, s’ils avaient un instant songé, par exemple, à prévoir les
conséquences logiques de leur irrationnelle association : Ne vous souciez pas de demain, dira Jésus, demain se souciera de lui-même. Ces dédaigneux
du lendemain allaient à la conquête de l’éternité, sérieusement ! Les joyeux enfants de La petite Église de Jean-Baptiste — car la victime d’Antipas restait vivante en ses associés, — n’avait ni la douceur, ni l’amabilité de l’Église galiléenne formée autour de Jésus. Les Baptistes, pratiquants, cherchaient une règle et un dogme ; les Galiléens ne pouvaient leur offrir que ce qui les liait et les ravissait : l’affection et la confiance mutuelles, l’amour de Jésus. Ces bonnes gens du lac de Tibériade, si loin des Grecs, et si peu instruits des littératures juives, s’émerveillaient de ce que Jésus faisait d’eux, ouvraient les yeux à la lumière, naissaient à une autre vie, s’attachaient au prophète dont ils étaient eux-mêmes, en réalité, le mi-racle vivant, probant. Les relations de Jésus avec les Galiléennes, diverses, — ce
qui scandalisait les juifs, à juste titre, relativement à leurs mœurs et à
leurs lois, — ne surprenaient pas les Galiléens, chez qui la femme exerçait
ses prérogatives aryennes, importantes, fiancée, épouse, mère. Cependant en
Galilée, comme dans toute La loi juive repoussait la femme si brutalement, de façon
si désespérante, que par ses premières relations avec les Galiléennes, Jésus
se mit pour ainsi dire hors Ces secours religieux, ces dévouements féminins, ces tendresses juvéniles, étaient maintenant nécessaires à ces héros de la charité qui commençaient à comprendre les difficultés de l’œuvre entreprise, à éprouver parfois des découragements, à ressentir les premières atteintes de ce dégoût aryen, si caractéristique, et qui jaunissait d’une vague tristesse ces fronts si purs, si blancs, illuminés. Alors Jésus, s’abandonnant au doux commerce de l’amitié fraternelle, s’allait reposer sous des toits hospitaliers, chez Marthe, Marie et Lazare, en Béthanie, ou bien entrait dans les maisons en fête, prenait part au festin, acceptait les manifestations orientales, ordinaires, des ablutions parfumées, permettant que Marie dénouât ses cheveux, devant tous, en essuyât les pieds rafraîchis de l’hôte bien-aimé. |