Les Barbares (de 117 à 395 ap. J.-C.)

 

CHAPITRE XVI

 

 

Celtes et Hellènes. - Ancienne Celtique. - Galates. - Celtes, Alaures, Arabes scénites (Sarrasins), Éthiopiens et Perses. - Races teutonique, lithuanienne, gothique ou scandinave, scythe ou slave, ouralo-altaïque ou finnoise. - Fin de la Germanie conventionnelle. - Alamans et Francs. - Bible et Évangiles. - Barbares finnois et asiatiques à Rome. - Le pape héritier des Césars

 

D’APRÈS Éphore, les mœurs des Celtes au IVe siècle avant J.-C. ne différaient pas beaucoup des mœurs des Hellènes ; il existait alors, dans tous les cas, entre la Celtique et l’Hellénie, des sympathies qui indiqueraient une origine commune, des goûts semblables, de pareilles aspirations. Les Celtes de la Gaule, -à en juger par les monuments mégalithiques, — restés en relations, presque en contact, avec les Celtes de l’Europe centrale et du Nord de l’Italie, se distinguaient nettement des peuples du Nord de la Germanie, de la Scandinavie surtout ; ils formaient décidément un groupe ethnique à part.

D’où étaient-ils venus ? Il semble que les Aryens apparus en Europe vers le milieu du XIVe siècle avant notre ère, civilisés, seraient arrivés en Gaule par un détour ; ils auraient suivi les bords du Danube, puis les bords du Rhin, et seraient allés en Grande-Bretagne (VIe siècle av. J.-C.) pour descendre ensuite en Gaule et se répandre dans les vallées de la Seine, de la Loire et du Rhône ? Les écrivains de cette époque appelaient Hyperboréens le groupe de ces émigrants en marche.

L’exode des Celtes aryens, et leurs haltes, se manifestent par les vestiges du culte qu’ils rendaient aux sources fraîches, et par les témoignages accusés de dénominations particulières relevées en Europe. Éphore, contemporain d’Alexandre, comprend dans sa Celtique : l’Espagne — jusqu’à Cadix, — le bassin du Rhône, le Nord des Cévennes, la Germanie centrale, les terres du Moyen-Danube, le versant méridional des Alpes rhétiques et carniques jusqu’à l’Adriatique, et le Nord de l’Italie. Les Celtes d’Éphore étaient assez nationalisés, pour que Philippe désirât leur alliance et qu’Alexandre reçût deux fois leurs ambassadeurs (334 et 323 av. J.-C.). Il faut -remarquer que la première monnaie celte est une imitation de h monnaie grecque. Comme indication de la communauté de sentiments qui unissait les Grecs et les Celtes, on peut citer l’égale antipathie qu’ils éprouvaient pour les Phéniciens. C’est aux Phéniciens que les Celtes enlevèrent des villes fondées par ces Asiatiques en Espagne, 500 ans av. J.-C.

En Gaule, les Celtes avaient de même supplanté une population déjà mélangée, anaryenne. Les Romains, après la conquête, cherchant les vrais Gaulois, trouvèrent des hommes roux et blonds, qui paraissaient former une aristocratie ancienne, mais effacée, et des hommes nouveaux, d’allures démocratiques, actifs et intelligents. Ces hommes nouveaux, aux yeux gris, tantôt souriants et rêveurs, aux cheveux bruns, étaient les Gaulois véritables — Galli, Galls, Gaëls, Celtes, — dont la chevelure d’or, poétisée par Virgile, n’était que l’illusion d’une teinture obtenue par un lait de chaux. Tous ceux qui visitaient la Gaule s’y trompaient, Posidonius, Diodore de Sicile... Tacite, cependant, fit des cheveux rouges la marque distinctive des Germains. Or la Gaule celtique, au temps de Tacite, était en antagonisme évident de puissance et de race avec les occupants de la Germanie.

Les Celtes introduisirent en Gaule l’usage de l’inhumation ; et c’est là, historiquement, la preuve du changement radical accompli. Les monuments antérieurs — pierres levées, cercles de pierres, — n’étaient pas des monuments celtiques. Le druidisme, contemporain de cette architecture fruste, sommaire, est le contraire de ce que les Aryens apportaient. La corporation sacerdotale, vaticinant à l’ombre des chênes et sacrifiant des êtres humains aux divinités, ne pouvait que répugner aux Celtes aryas, chanteurs d’hymnes, amis des sources, adorateurs des fleuves. C’est pourquoi les Romains purent condamner et traquer le druidisme en Gaule, sans soulever de protestation.

C’étaient bien des Celtes aryens, ces Gaulois dont le serment de guerre était presque textuellement le serment grec, antique, inspiré des Védas : Si le ciel ne tombe pas, moi, par la victoire dans les combats et les batailles, je ramènerai à l’étable et au bercail les vaches, et au logis les femmes enlevées par l’ennemi. Celtes aryens, encore, ces Gaulois décrits par Jules César, hommes et femmes, francs, et sans finesse, n’employant que la force, jamais la ruse. Ces Gaulois nouveaux adoptèrent le fier et gai symbole du coq, qui remplaça l’ancienne effigie du sanglier lourd et hérissé. — Et ils furent tout à fait Celtes, trop Celtes peut-être, trop Aryens, ces Gaulois qui, dès le lendemain de la conquête romaine, acceptèrent la civilisation latine, consentirent à former cette Nation fictive, gallo-romaine, où l’aryanisme celte devait se combiner avec l’hellénisme bâtard des Phocéens et des Phéniciens de Marseille, l’asiatisme des Syriens de Vienne et de Lyon, pour tranquilliser, endormir et finalement supplanter les vainqueurs.

Par la Méditerranée — la mer Galatique d’Aristote, — la Gaule d’Europe était depuis longtemps en relations avec la Gaule d’Asie, le pays des Galates fondé par des Galli et des Grecs (278 av. J.-C.) ; et qu’Auguste avait érigé en province (25 av. J.-C.) sous le nom de Galatie Romaine. — Ératosthène avait substitué au mot Celte d’Éphore le mot Galate, à titre de synonyme. Fidèles à leur langue et à leurs mœurs, les Galates seront encore, au IVe siècle de notre ère, les irrécusables témoins de l’esprit de conservation, et par conséquent de persévérance, qui caractérise, au fond, l’Aryen d’apparence frivole et turbulent.

L’abaissement de Rome, constant, procurera aux peuples divers, mélangés, brassés, pourrait-on dire, les uns dans les autres, en Europe, en Afrique et en Asie, le loisir de se rechercher, de se reconnaître, de constater leurs affinités, de se réunir en groupements spéciaux, et de s’affirmer. On voyait déjà, indépendants, dénommés : les Celtes de Calédonie et d’Hibernie, en Grande-Bretagne ; les Maures, Numides et Libyens, en Afrique ; les Sarrasins, en Arabie et en Mésopotamie ; les Perses, en Iran... La Germanie se divisait de plus en plus en nations distinctes, dont chacune était une menace ; et la Gaule, sans rien faire, échappait comme naturellement à la maîtrise précaire de l’Empereur.

Déjà, avait écrit Juvénal, le Breton a reçu du Gaulois des leçons d’éloquence ; il avait davantage goûté les leçons d’indépendance données. Les Africains tâchaient de rejeter la langue latine pour reprendre la vieille langue des indigènes, le berbère, que les tribus de l’intérieur et des frontières parlaient ; car en Afrique, ainsi que le dit Florus, les forces des vaincus avaient été plutôt dispersées que détruites, et ces forces se ressaisissaient, et l’aride patrie des lions se repeuplait jusqu’à l’Atlas, qui borne le monde. La Commune berbère, ferment toujours vivace, faisait échec à la centralisation impériale. Tandis qu’en Orient le Bosphore redevenait, comme au temps d’Horace, le point redouté au delà duquel le destin cache ses pièges, et que plus loin, en Mésopotamie, se reliant aux Éthiopiens d’Égypte, mystérieux, les Arabes Scénites — que l’on a appelés Sarrasins depuis peu, écrit Ammien Marcellin, — masquaient ce que les Perses pouvaient tramer contre Rome.

Les Bretons, les Gaulois, les Africains, les Arabes, ou Sarrasins, les Éthiopiens et les Perses étaient des nations faites ; il ne pouvait en être de même des peuplades nombreuses, tantôt réunies et tantôt séparées, tantôt alliées et tantôt ennemies, qui battaient les frontières immédiates de l’Empire en Europe. Cependant, une division par races préparait une série de repères aux historiens futurs.

La race teutonique comprendrait : Des bouches du Rhin au Mein, un amalgame de Sicambres aux cheveux tressés et bouclés, de Bructères habitués des marécages, de Chamaves expulseurs des Saliens, et de Cattes aux visages menaçants, insociables, tribus fanatiques d’indépendance, mais se confédérant, pour l’action guerrière, et qui seraient le groupe des Francs ; — du Rhin à l’Elbe, au bassin du Weser et jusqu’à la mer du Nord, des Angrivares, d’où surgira Witikind, des Chauques flegmatiques, que rien n’émeut, tranquilles et solitaires, des Frisons illustrés par la mémorable défaite infligée aux armées romaines sous Néron, et des Chérusques, autrefois vaillants et braves, maintenant lâches et stupides, d’après Tacite, mais qui avaient jadis écrasé les .légions de Varus, et qui formeraient le groupe des Saxons, — des Angles, au nord, et des Thuringiens, au sud, peut-être ligués, mais d’une susceptibilité sauvage, hors du classement ; — entre le Rhin et le Danube, enfin, une masse désordonnée, ivre de convoitises, aux appétits insatiables, stimulés par une commune intention de pillage plutôt que de domination, horde serrée composée de toutes sortes d’hommes, de tous les hommes (all-mann) », et qui fut, en histoire, la confédération des Alamans.

Les Suèves — les errants, les nomades, schwaben, Souabes, — dont la réputation se maintenait terrible, et qui reprendront leur propre histoire interrompue, sont parmi les Alamans. Sur la trace des Suèves on distingue, comme à part, bien que compris dans la horde, des Burgundes, tantôt paisibles et tantôt agités, se dirigeant vers le Rhin, et des Lombards, ou Langobards, peu nombreux mais redoutables, plus sauvages et plus farouches encore que les Germains, campés sur le Moyen-Danube. Au nord, près de la Baltique, on voit, non insérés dans une race, des Turcilinges, des Rugiens au bouclier rond, des Scires, des Hirs, des Hérules scandinaves tatoués de bleu. Les Quades, qui ont pour dieu une épée, et les Marcomans, qui firent trembler Marc-Aurèle, — qui sont comme le front de la Germanie, dit Tacite, — paraissent joints aux Suèves et par conséquent perdus dans l’ensemble indéfinissable des Alamans.

Tacite s’efforce d’établir l’origine des Alamans, issus de Mann ? — un dieu ! — et dont les trois fils gouvernèrent les Ingévones au nord-ouest, les Herminones au centre, les Istévones formant le reste... De ces commencements seraient sortis, en outre, les Marses, les Gambriviens, les Suèves et les Vandales ? Tacite accorde à ces Alamans une tradition littéraire, une histoire, écrite en vers antiques, célébrant la gloire du dieu Tuiston né de la terre et qui est Mann, source et fondateur de la nation. La mythologie généalogique de Tacite ne réussit pas à unifier le mélange flagrant de tous les hommes constituant le groupe. L’Alamanie, purement arbitraire, eut pour limites, essentiellement variables, le champ d’action, sans cesse modifié, de cette foule que d’énormes besoins destinaient à toutes les aventures, armaient pour tous les exploits.

Dans ces Alamans se trouvaient les Suèves, et dans les Suèves — à leur tête, d’après Tacite, occupant cent cantons, — étaient les Semnones, qui sacrifiaient des victimes humaines à leurs dieux. Au temps de Constantin seulement, à la dénomination celtique et vague de Germains — le peuple voisin — se substitua le qualificatif clair d’Alamans — toutes sortes d’hommes — pour désigner le gros des Barbares menaçant l’Empire au nord. Le pays des Alamans sera, pour Jornandès, là où le Danube prend sa source ? Une influence danoise remplacera plus tard par un d (mand) l’un des n du mot générique (mann). Les Alamans, dit simplement et exactement Asanius Quadratus, sont des hommes assemblés de divers endroits et mêlés ensemble ; ce que signifie le nom qu’ils portent.

L’agglomération de la horde alamanne avait dénaturé cette Germanie en formation qui, grâce au génie celtique persistant, aurait pu se constituer en nation gouvernée. Le mouvement — véritablement barbare cette fois — qui entraîna dans le désordre d’une formidable poussée ce peuple nouveau, termina pour l’Europe centrale l’essai d’agglomération nationale inauguré en Germanie, et peut-être réalisé par le Royaume celtique. La confusion alamanne, ou alamande, laissa l’idée d’une Europe préhistorique d’abord peuplée d’anthropophages, habitant des cavernes, — les cyclopes, kuklôpes d’Homère, — arrivés à un certain degré de civilisation, lorsque (400 ans av. J.-C.) Pythéas signala des Teutons (Teutoni) sur les côtes de la mer du Nord ; d’où, plus tard, l’appellation de race teutonique, généralement appliquée aux hommes qui vivaient de la mer du Nord au Rhin et au Danube, nomades ou sédentaires, pacifiques ou belliqueux, aryens ou anaryens.

De cette race teutonique on extraira ensuite — par un simple besoin de classement historique intéressé, sans doute, — une race dite lithuanienne, à laquelle on donnera, comme cantonnement, le pays entre la Vistule et l’Oder, couvert de forêts, de marécages et de dunes stériles. Les tribus sauvages comprises dans ce groupe seraient : les Lettons, les Imoudes, les Prusses, les Kors Zimgoliens ou Semigaliens et les Létholiens, que l’adoration de l’idole Perkoune, cachée au fond d’un bois sacré, réunissait en un culte commun. Au nord des peuples de race teutonique — qualifiée ensuite de germanique, puis d’alamanne, ou alamande, — il y avait, en effet, des hommes qu’il n’était pas possible de confondre longtemps avec les Celtes, et même avec les Germains de l’Europe centrale.

A côté de ces tribus de race dite lithuanienne, — qui .n’étaient en réalité que des Finnois, — vivaient des Taïfiles, des jutes, déjà peut-être des Vandales mêlés de Vendes, dont les mœurs et lès tendances étaient caractéristiques, particulières.

Voici qu’à l’est de l’Europe apparut une horde nouvelle, semblable à la horde alamanne, et qui occupait de vastes territoires : les Goths. De la constatation d’une rare gothique, résulta nécessairement le désir d’en rechercher et d’en fixer l’origine, et comme cette horde nouvelle, lorsqu’elle déborda à l’orient de l’Europe, puis au sud-est, venait du nord, dû nord-ouest extrême, on établit que l’île de Scanzian — car la péninsule scandinave (la Scandia de Ptolémée) fut longtemps considérée comme une île, — était la fabrique des nations d’où les Goths étaient descendus.

Des froides régions de l’Ourse, qu’habitaient les mangeurs de phoques, — les anthropophages de l’Odyssée évidemment, — s’étaient donc précipités les Goths, « divisés en familles », écrit Jornandès. Ayant achevé leur exode, du nord-ouest au sud-est, répandus de la Scythie au Pont-Euxin, les envahisseurs se divisèrent en deux groupes principaux ; l’un — les Goths de l’Ouest, ou Visigoths, — obéissant à un chef de la dynastie des Balthes, demeura aux environs de la Scythie et du Pont-Euxin ; l’autre — les Goths de l’Est, ou Ostrogoths, — allant plus encore vers le soleil levant, soumis à un chef de la dynastie des Amales.

Pour s’installer, les Ostrogoths avaient écrasé les Gépides lents et lourds, Scythes illustres, maîtres du pays qu’entourent des fleuves grands et renommés. Les Goths — auxquels, dit Florus, l’affreuse région du Nord avait communiqué sa rudesse, — subjuguèrent, supplantèrent les Gépides, à peu près comme les Alamans avaient fait des Germains, avec la même brutalité inconsciente, la même barbarie. La horde gothique, quelles que fussent ses origines, descendait bien du Nord maintenant, où elle était montée ; et elle en revenait, énormément grossie de ces Scandinaves, de ces Finnois, dont les sagas nous disent les mœurs cruelles, dont les rites religieux comprenaient l’immolation de victimes humaines. Et c’est ainsi que la race gothique put être, avec quelque raison, dans une certaine mesure, également dite race scandinave.

Les Goths repoussèrent au nord, violemment, les Scythes que les Gépides avaient compromis en se laissant terroriser, et qui, sous le nom inexact de Vendes, adopté par les Romains, occupèrent vaguement, avec des lacunes, les terres comprises entre la Baltique et le Moyen-Danube, plus spécialement cantonnés entre la Vistule et le Don, ou Tanaïs. Là, supportant toutes les horreurs des invasions asiatiques, ces Scythes — qu’on nommera successivement Vendes, Venètes, Antes, Sclaves (Sclavini de Procope ; Vuinides, Sclavins, Antes de Jornandès), — fidèles à leur territoire, s’y retrouveront, atrocement mutilés mais encore vivants, après les tempêtes humaines apaisées. Ce groupe, réel quoique indéterminé, et qui ne surgira historiquement que vers le VIIe siècle de notre ère, c’est la race scythe ou slave. On la qualifiera de celto-slave et de slavo-touranienne, suivant que l’anthropologiste s’exercera sur tel point du territoire scythe, du territoire slave, où les invasions auront laissé, en plus grand nombre, des Celtes de l’Occident ou des Touraniens orientaux.

On ne pouvait confondre les Scythes, ou Slaves, refoulés au nord par les Goths, avec les peuplades qui, de l’île de Scanzia jusqu’à l’Oural, et jusqu’à l’Altaï, se succédaient en tribus dont les types en différaient étrangement ; race particulière, reconnaissable à la couleur jaunâtre de la peau, à l’obliquité des yeux, ayant l’un ou l’autre de ces caractères, ou les deux : Lapons, Samoyèdes, Tchoudes, Mériens, Mouroniens, Votiaks, Permiens, Mordwes, Tchérémisses, Tchouraches, Bulgares, Méchtchévaks, Bachkyrs, Erzes, Zyrianes, Ougriens, Ostiaks, Vogouls... race dite ouralo-altaïque, — mal dénommée, — race Finnoise pare à l’Ouest, en Scandinavie, et se modifiant ensuite, à l’Est, à mesure qu’elle se rapproche davantage des Asiatiques jaunes, et que l’on retrouvera, en effet, ouralo-altaïque si on veut, lorsqu’elle se précipitera sur l’Europe, invasion terrible — fléau de Dieu — de Huns, d’Avars, de Khazars ou Bulgares, de Magyars ou Ougriens (Hongrois), de Petchénègues, d’Ouzes, de Polovsti, de Tatars ou Mongols, de Turks...

La Finlande — l’antique Suomen-Maa, pays des Eaux, des Lapons, — reçut son nom des Fenni (Tchoudes ?) qui en expulsèrent les occupants. On identifiera plus tard les Finni, ou Finnois, et les Hunni, ou Huns, et l’on découvrira des affinités entre les Finnois historiques, ou Finno-Ougriens, et les Huns-Hongrois, ou Magyars-Touraniens. Les Finnes auraient été les premiers habitants de la Scandinavie, les Scrithifini de Procope (Créfennes) étant les Firmes chaussés de patins. Les Finnois de Tacite, extraordinairement sauvages, d’une pauvreté hideuse, sans armes, ni chevaux, ni maisons, vivant d’herbes et s’habillant de peaux, sont déjà légendaires. Jornandès les retrouve en ces Suéthans (Suédois) qui trafiquaient avec les Romains, leur vendant des peaux de martre. L’unité finnoise, de la Suède à l’Oural, se démontrerait par les langues qui y sont parlées, dites tantôt langues finnoises, tantôt langues ouraliennes, allant, par nuances graduées, du lapon au hongrois.

Aux commencements de Rome, ces Finnois auraient habité la partie de l’Europe délimitée par la Vistule, les monts Carpates et le Volga. Soumis par les Goths, ils se seraient divisés en Fenni occidentaux, refoulés dans les pays des Sarmates et des Scandinaves, et en Fenni orientaux, rejetés en Asie jusqu’aux monts Ourals. C’est de ceux-ci que descendraient à la fois, parents proches, les Turcs et les Hongrois.

La race finnoise engloberait donc tous les peuples anaryens de l’Europe et de l’Asie septentrionales, et en conséquence, la race teutonique ne serait qu’une branche de la race finnoise : les Finnois occidentaux.

La division par races, impossible à établir rigoureusement, scientifiquement, — le mélange des peuplades, nombreuses, ayant tout compliqué, — et les faits historiques de la guerre aux Barbares, enfin enregistrés, modifièrent, au ive siècle de notre ère, la Germanie que les Romains avaient imaginée. Une suffisante précision résulta de l’expérience des batailles livrées aux tribus diverses, des négociations suivies, des mœurs, sinon étudiées au moins remarquées, différentes. Jules César, Tacite et Ammien Marcellin avaient en quelque sorte collaboré à la création de la Germanie conventionnelle, belliqueuse, — Gehr ou Wehr-Mann, hommes de guerre ? — et on partageait catégoriquement en trois peuples ces Germains : Au nord-ouest, les Ingévones, comprenant les Frisons, les Chauques, les Angrivares, les Saxons ; les Helleviones, les Suiones (Finnois, en majorité au moins) ; au centre, les Herviones, ou Herminones, Celtes subjugués ; au sud-ouest et au sud, les Istévones, Sicambres et Chérusques en majeure partie.

Au ive siècle, cette ingénieuse Germanie disparut devant les faits, pour se sectionner d’elle-même en groupements exclusifs, en confédérations que l’intérêt, et non l’affinité des races, avait produites : Les Alamans (Alemanni), d’abord formés d’Usipètes, de Tenctères et de Juthonges, qui s’accrurent ensuite des Suèves d’entre Neckar et Oder (Quades et Marcomans), des Hermundures, des Burgondes, des Langobards, et auxquels se joignirent, comme pour augmenter la confusion ethnique, des Varnes et des Vindiles des bords de la Baltique, Finnois ; les Francs, où figuraient des Chauques, des Chamaves, des Cattes et des Chérusques, et plus tard des Frisons, des Saxons et des Angles, Finnois.

La dénomination de Celte, synonyme de Galate (Celte, victorieux ; Galate, brave), et dont Pausanias, Plutarque et Strabon ont établi l’identité, — le Galate de race celtique, a écrit Plutarque, — aurait le mieux convenu, en en consacrant l’unité, au formidable torrent d’hommes qui submergera l’Empire romain. Mais la suppression du Royaume celtique par les Germains, que l’esprit scandinave, finnois, entraînait, ne permettait plus d’opposer à la machine impériale — complètement asiatisée et en conséquence détraquée par Dioclétien, — une organisation aryenne, celtique, véritablement européenne.