Les Barbares (de 117 à 395 ap. J.-C.)

 

CHAPITRE XV

 

 

Germanie et Germains. - Sarmates. - Scythie et Scythes. - Germains et Barbares. - Gaule et Gaulois. - Celtes. - Gallia romaine. - Celtibères. - Celtes de Germanie et des Gaules. - Belges. - Galls et Germains. - Première civilisation gauloise. - Scandinaves et Phéniciens en Gaule. - Ibères, Eusques, Basques et Cantabres. - Ibères en Ligurie. - Le royaume celtique. - Poème d’Hildebrand. - Atuatiques, Helvètes et Bohémiens. - Extension des Celtes. - Le Rhin

 

VAGUEMENT, les Romains concevaient une Germanie bornée par le Rhin à l’ouest, le Danube au sud, une mer indécise — l’Océan Germanique — au nord ; à l’est, la limite dépendait des événements. Les Germains leur apparaissaient toujours, malgré Tacite, comme de monstrueux ivrognes, buvant dans les crânes de leurs ennemis vaincus, et terminant leurs longs banquets par des tueries de convives. Ils les qualifiaient d’opiniâtres et de fougueux, libres, leur invincible rage faisant leur valeur, ne rivant que de la chair des bêtes, élevant dans ce but d’innombrables troupeaux, leur unique richesse ; des yeux bleus, farouches, et des cheveux d’un blond ardent caractérisaient leur race. Redoutables au premier élan, la fatigue avait assez vite raison de leur courage, et tout travail les rebutait. Ils descendaient d’Ulysse ! Ils ne constituaient pas une nation, mais seulement une peuplade. Ils s’étaient dits Germains, parce qu’une de leurs tribus portant ce nom, aux origines, s’était acquis une réputation de bravoure terrifiante, qu’ils avaient ainsi exploitée.

La Germanie de Tacite, encore limitée à l’ouest et au sud par le Rhin et par le Danube, était séparée des Sarmates et des Daces, à l’est, par une crainte réciproque et des montagnes ? En réalité, au point de vue géographique comme au point de vue ethnographique, la Germanie et les Germains restaient indéterminés

Nous vainquîmes des peuples en Germanie, raconte Paterculus, dont le nom même était presque inconnu. On attribuait aux Germains toutes les manifestations des Barbares au nord et à l’ouest de l’Empire. Tacite, résumant autant qu’il le put, avec une puissante habileté d’artiste, les vérités et les erreurs recueillies, fit de la Germanie un tableau synthétique où s’unifièrent, en un cadre restreint, des croquis de mœurs et de lieux, non seulement divers, mais encore contradictoires, quelquefois imaginés.

A l’est de la Vistule et du Borysthène, Tacite plaçait les Sarmates sales et paresseux, qu’Ammien Marcellin cantonnera en un pays arrosé de fleuves sans nombre et sur lesquels ils naviguaient au moyen de troncs d’arbres creusés, insaisissables, singulièrement adroits, très dangereux à cause de leurs brigandages imprévus. Ce sera le Sarmate classique de Martial, le Barbare qui s’abreuve de sang de cheval. — La Sarmatie avait été comprise jadis dans la vaste Scythie, où Pline observe que les historiens de l’antiquité avaient vu les Germains.

Déjà Hérodote divisait la Scythie en Scythie d’Europe et Scythie d’Asie, dont le Tanaïs faisait la démarcation. Après l’échec de Darius, les Scythes avaient été, pour le monde, des envahisseurs permanents. Le Tanaïs est encore pour Horace le fleuve lointain de la Scythie. Au temps de Jornandès, — les Germains ayant hérité de la réputation des Scythes, — on vit la Scythie conventionnelle s’étendre à l’est jusqu’en Chine, aux pays des Huns, des Albanais et des Sères (Chinois) qui demeurent auprès des rivages de la mer Caspienne.

L’histoire des Scythes, précisée, enregistrait leur conquête de la Bactriane et de l’Inde, leur expulsion des bords de l’Indus (56 av. J.-C.), leur asservissement aux Chinois, leur indépendance recouvrée au nord de l’Oxus (116), leur extension en Iran, et leur importance. Étaient considérés comme Scythes, dans la nomenclature approximative des Barbares, les Gètes, les Massagètes, les Fennes, les Estyens, les Taures, les Iazyges, les Bastarnes, les Roxolans, les Agathyrses et les Hérules. L’Égypte, écrira Ammien Marcellin, est la plus ancienne des nations, si l’on excepte celle des Scythes.

Dix-sept cents ans avant J.-C., les Phéniciens de Tyr, descendus sur les rivages de la Propontide et de la mer Noire, y avaient trouvé des Scythes en possession d’une civilisation. Hippocrate remarqua leur race spéciale : Si les Perses sont belliqueux, c’est que le sang scythe a coulé dans leurs veines... Mais pour les Romains, la Scythie historique s’illustrait de fables, le Scythe légendaire s’enfonçait au nord, dans l’inconnu. Le Scythe d’Horace traîne sur un chariot sa demeure errante ; le Scythe de Florus erre en ses solitudes comme sur une mer, guidé par les étoiles ; le Scythe de Tertullien n’est plus qu’un anthropophage hideux. Les Bouches du Danube cependant s’épanouissaient encore dans la mer de Scythie, et l’on prolongeait le pays des Scythes, au nord, jusqu’à la Baltique, mer dormante, presque immobile, hantée de formes divines, où la nature finit ; le pays des Cimbres, ce premier effroi des Romains, hôtes, avec les Teutons, des plages les plus reculées.

L’infatuation romaine, se complaisant en son ignorance, simplifiant tout pour ne rien examiner, appela Germains tous les peuples de l’Europe ennemis de l’Empire. Des historiens prétendent, écrit naïvement Paterculus, que le soldat envoyé pour égorger Marius était Cimbre et non Germain. Il est facile de concilier toutes les opinions, en comprenant sous le nom de Germains les Gaulois et même les Cimbres et les Teutons. La désignation, plus ample encore, de Barbares englobera bientôt, dans une volontaire confusion, paresseusement généralisée, les peuples de l’Europe et les peuples de l’Asie, tous les adversaires de Rome : Perses, Scandinaves, Germains, Sarmates, Scythes, etc.

La Gaule cependant restait en dehors de cette Barbarie générale. On y distinguait — commencement de précision historique — des peuples différents. Ammien Marcellin voit des Celtes, ou Gaulois, entre la Garonne et la Seine, des Aquitains au sud de la Garonne, des Belges au nord de la Marne et de la Seine, qui enferment, écrit-il, par leur jonction, la forteresse des Parisiens nommée Lutèce. Les Celtes, ainsi qualifiés du nom d’un roi de mémoire chérie, s’appelaient aussi Galates, du nom de la mère de ce roi, et les Grecs ont fait de Galates le mot Gallus, Gaulois ?

Ces Gaulois (Celtes, Galates, Galles), venus de l’Orient en Gaule, étaient des Doriens, ou des Troyens échappés au sac de leur ville, conduits par des poètes (bardes), des commentateurs des sublimes secrets de la nature (eubages) et des prêtres (druides) ? Des monuments de pierre (menhirs) marquaient, le long de la route d’exode, l’emplacement des sources sacrées, témoignage caractéristique... Le pays des Galates, ou Galles, fut la Gallia des Romains ; et la Gallia, vaguement encore, comme la Germanie, s’étendit vers l’est, — avec des lacunes, — à mesure que l’on crut y rencontrer, jusqu’en Asie, des peuplades ayant le type ou les qualités des Celtes de la Gaule, des Gaulois, des Galli, notamment l’art de faire la guerre et celui de parler adroitement. Il y eut ainsi, en Europe et en Asie, dans le monde barbare, une série de petites Gaules, sorte d’îlots ethniques disséminés. Pour Caton, la Gallia, la Gaule principale, c’était le Nord de l’Italie, peuplé de Galli, de Gaulois. Pendant longtemps, à Rome, les Cimbres furent des Galli — Cicéron nomme ainsi les vaincus de Marius. Les guerriers sacrilèges qui, menés par Brennus, avaient failli détruire Delphes, étaient des Galli pour Justin. Tite-Live nomme Galli les Thraces belliqueux passés en Asie Mineure. Justin installe des Galli en Pannonie, au sud du Danube ; Jules César n’avait vu que des Galli au nord du même fleuve, en Bavière septentrionale. Étaient sûrement Galli — nom latin des Celtes, — les Galates de l’Orient. A l’extrême Occident, au sud-ouest, mélangés aux Ibères d’Espagne, des Galli concourent à la formation du groupe celtibérique.

Adorateurs du chêne, culte qui se maintint dans la forêt hercynienne, suivant les témoignages de Claudien, de Maxime de Tyr et de Dion Cassius, les Celtes, ou Galli de Germanie, furent confondus dans l’ensemble des Germains. Cette confusion atteindra la Gaule, où Tacite constate des résistances à cette uniformité d’appellation, inexacte. Les Germains, en effet, dans le sens historique du mot, avaient été les ennemis et les vainqueurs des Celtes au centre de l’Europe, en les qualifiant eux-mêmes, peut-être, de Walh ou Walah, — du sanscrit Mlechba, qui parle d’une manière indistincte, — d’où Wales, Galles, Gallus, Gaulois ?

Les Gaulois, ou Celtes des Gaules, n’échappèrent pas aux descriptions alarmantes que les Romains imaginèrent pour conserver aux Césars le respect intéressé du peuple. Parce qu’on choisissait, parmi les prisonniers gaulois, — pour les faire figurer aux Triomphes des victorieux, — ceux dont la haute stature impressionnerait le plus les Romains, ceux-ci crurent que les Gaulois étaient des géants, et des géants rouges, car ils se teignaient en cette couleur la barbe et les cheveux. Le récit fait par Posidonius de son voyage en Gaule — où les guerriers, affirmait-il, suspendaient au poitrail de leurs chevaux, ou gardaient à la pointe de leurs piques, ou clouaient à la porte de leurs habitations, les têtes fumées et momifiées des vaincus, — accentuait la terreur gallique, voulue, entretenue.

Deux peuples parlant deux langues différentes — quoique de même origine peut-être, — occupaient la Gaule à ses commencements historiques connus : les Gaëls, ou Galls, que jules César nomme Celtes, et les Kymris, qu’il nomme Belges, Bolges, Volkes ; les Celtes habitant les forêts, les Belges belliqueux, errants, tribus confédérées, nomades. Mais cette division, quel que soit le degré de sa justesse ethnique, et qui s’applique assez à l’opposition réelle de deux races distinctes — l’une installée, antérieure, l’autre survenue, récente, — tenant la Gaule, simplifie beaucoup trop le problème. Antérieurement aux Galls et aux Kymris, — immigrants les uns et les autres, successifs, il y avait en Gaule des occupants, quasi sauvages, sanguinaires, demeurés malgré l’immigration, que les sacrifices humains, druidiques, et le récit de Posidonius caractérisaient. Il est certain, en outre, qu’à cette époque déjà les Galls de Gaule et de Bretagne, parlant la même langue, se distinguaient des Germains vainqueurs des Galls de l’Europe centrale, ou Celtes de Germanie. Dans sa nomenclature des peuples qui marchent avec les Romains, conduits par Ætius, contre Attila, Jornandès différencie nettement les deux nations celtique et germanique.

Lorsque des Grecs s’installèrent au sud de la Gaule, et des Kymris au nord, — ce fut au même moment, — ils y trouvèrent les Galls, qui y vivaient depuis huit siècles ; au sud-ouest, les Galls et les Ibères se croisaient en des unions consenties, multipliées. Des Galls, ou Celtes, des Grecs et des Ibères formèrent donc la première population gauloise civilisée, à laquelle se joignirent successivement des Kymris et des Germains, expulsant, supplantant, pour mieux dire, les occupants antérieurs, encore indéterminés, sauvages, sanguinaires, très probablement d’origine scandinave et sans aucun doute mélangés de Phéniciens.

Les Romains avaient appliqué aux habitants de toute l’Espagne l’appellation d’Ibères, du nom d’une tribu voisine de l’Èbre (Eber, Ibris) ? La plus grande partie des habitants de l’Ibérie romaine se dénommaient, semble-t-il, Eusques (Vasques, Basques, Vascons, Gascons). Agriculteurs laborieux, mineurs intrépides, vivant de la culture du blé et de l’extraction des métaux, le génie médiocre des Ibères très vaillants attirait l’imprudente sympathie des Galls aryens. Descendus en Gaule, par le versant septentrional des Pyrénées, les Ibères s’y répandirent, nombreux, jusqu’à la Garonne. Strabon constate que les Aquitains sont plus semblables, non seulement par la langue mais par le corps, aux Ibères qu’aux Gaulois. Les Cantabres et les Basques seraient, des deux côtés de la haute montagne, les exemplaires vivants des croisements continués. Peut-être les Ibères franchirent les Pyrénées avant l’arrivée des Galls, ou Celtes, en Gaule ? D’autres Ibères, en suivant les côtes de la Méditerranée vers l’est, pénétrèrent lentement en Ligurie et s’y installèrent ?

De ces déplacements et de ces localisations ethniques, divers, discutables, obscurs, émerge cependant un fait clair, probant : l’existence en Europe — avec des ramifications en Asie — d’un centre aryen relativement civilisé, constitué en groupement national, politique, et qu’on a justement qualifié de Royaume celtique. Les fondateurs de ce royaume étaient-ils venus de l’Asie centrale, ou se trouvaient-ils comme de droit, en aborigènes, sur le territoire qu’ils occupaient ? Par les vestiges de la langue que ces Aryens parlaient, on se convainc de leur présence en Gaule, en Grande-Bretagne et en Irlande ; et les témoignages de monuments particuliers les signalent également en Asie, dans l’Inde. Les Celtes modernes — en Irlande, en Amérique et en Australie notamment, — se distinguent encore par un prodigieux pouvoir d’assimilation, ce qui est bien la caractéristique aryenne.

Dans la Germanie romaine, la civilisation celtique persistait alors que les Romains travaillaient, par les armes et par les institutions, à organiser la Gaule. Dion Cassius — qui se sert du mot de Galates pour désigner les habitants de la Gaule — nomme encore Celtes les Germains, comme Diodore. Pour Denys d’Halicarnasse et Strabon, moins scrupuleux, sont Germains tous les habitants de la Germanie. Or il existe un indéniable monument de la civilisation celtique : le poème de Hildebrand, ou Hadubrand, que les vainqueurs des Celtes s’approprièrent — Germains, Alamans, — mais qui reste, et qui est la preuve certaine d’une culture intellectuelle, en Europe centrale, antérieure à l’anéantissement du royaume aryen.

Jules César — qui y avait intérêt — sépara les Gaulois, ou Celtes, des Germains, et de sa propre autorité, transporta le Celtique en Gaule. Il est vrai qu’au temps de Marius déjà, les Cimbres et les Teutons étaient nommés Galli, — Celtes d’Éphore, — maîtres de l’Europe occidentale. Malgré Jules César cependant, la division ethnique décidée — Celtes Gaulois à l’ouest, Germains à l’est, — ne fut pas définitive ; Salluste croit encore, et écrit, que les Germains et les Gaulois sont de même race, de même nation.

L’importance que valut tout à coup à la Gaule et aux Gaulois la conquête de Jules César, rejeta comme dans un oubli délibéré les Germains historiques. Le peuple qui boit les eaux du Rhône, suivant l’expression d’Horace, résuma en soi toutes les traditions galliques, celtiques ; et l’on vit un fait germain dans l’installation d’Aduatiques entre la Meuse et l’Escaut, venus après les Cimbres et les Teutons, ainsi que dans la présence en Alsace des trois tribus d’Arioviste. D’autre part, — en un sens contraire, — on fit Gaulois, Galli, Celtes, les Helvètes émigrés qui s’établirent en Germanie, d’après le texte de Tacite, entre la forêt hercynienne, le Rhin et le Mein, ainsi que les Boïens (Bohémiens) arrêtés au-dessous des Helvètes.

Les Boïens celtiques occupèrent donc la Bohême, ce quadrilatère central de l’Europe, sorte de Gaule insérée en pleine Germanie ; comme les Champs décumates furent conquis finalement par les laboureurs gaulois que les Romains y amenèrent : les plus éventés des Gaulois, dit Tacite, à qui la misère donna de l’audace et qui s’emparèrent d’un sol dont la possession était douteuse.

L’aire celtique, le Royaume celte des Grecs du IVe siècle avant J.-C., commençait, à l’ouest, en Espagne, vers Cadix, et s’étendait jusqu’au pays des Scythes à l’est. Des Celtes s’emparèrent d’une partie du territoire marseillais (279), tandis qu’une autre peuplade de même race fondait un établissement en Asie Mineure. Des Celtes, ensuite, enlevèrent à d’autres Celtes la région située entre le Rhin, la Seine et la Marne ? La Gaule et la Galatie signalaient donc, par des faits de guerre, la vitalité du groupe celtique au IIIe siècle avant J.-C. Hérodote avait placé la source du Danube chez les Celtes, disant que les Celtes occupaient l’extrémité de l’Europe au couchant.

Le centre celtique par excellence aurait été — les noms des rivières l’indiquent, — le bassin du Mein, les rives du Haut-Danube — grand-duché de Bade, Wurtemberg, Bavière, — et tout le pays à l’ouest jusqu’au Rhône. Les excursions celtiques, inévitables, — les Galli, dit Justin d’après Trogue-Pompée, étaient si nombreux, que les terres qui les avaient engendrés ne pouvaient plus les contenir, — portèrent hardiment le renom celtique, gallique, jusques au cœur de l’Empire, à Rome, qui fut prise, saccagée et incendiée : Les Galli, nation rude, hardie, belliqueuse, furent les premiers qui franchirent les Alpes aux sommets invincibles, aux froids insupportables.

Les Celtes conservaient leur nationalité, l’unité de leur langage, grâce à ces assemblées publiques, fréquentes, où tout se décidait, et dont on reconnaît l’usage traditionnel, identique, rituel, pourrait-on dire, de la Galatie à l’Irlande, surtout en Gaule au moment des campagnes de César. Le peuple celtique constituait alors plutôt une confédération qu’un royaume, une ébauche d’Empire fédératif, où tel groupe possédait temporairement l’hégémonie, soit à cause de son importance, soit qu’il fournît le chef nécessaire.

Tite-Live précise l’instant où chez les Celtes le pouvoir souverain appartint aux Bituriges, ces derniers désignant le roi du Celticum, Ambigatus. La Celtique s’avançait donc de plus en plus vers l’ouest — marche aryenne normale, — chez les Gaulois, Galli, Galates. — Apollodore dit des Arvernes, qu’ils sont le peuple le plus belliqueux de la Celtique.

En Germanie, l’influence gallique, ou gallo-celtique, s’exerce longtemps encore après la subordination des. Celtes à la masse germaine, ou l’expulsion des vaincus. Célébrant leurs victoires par des chants — chants des bardes, — les Germains empruntent et s’approprient un mot gaulois. Ils empruntent également aux Celtes le : vocable qui leur était utile, et qui leur manquait, pour exprimer l’idée d’une organisation d’État. Avant les hostilités, en Germanie, les Celtes et la masse étrangère — car cette masse d’hommes hostile aux Celtes et convoitant leur royaume ne se dénommait pas encore, n’étant pas agglomérée, — se mélangeaient, sans se confondre, adoptant, en leur idiome commun, des mots qui finirent par changer de sens. La rupture, qui se termina par la défaite des Celtes, étouffés dans la cohue adverse, paraît avoir eu pour cause une incompatibilité de croyances religieuses, peut-être de culte ?

Vers le commencement du IIIe siècle avant J.-C., les Celtes ne sont plus les maîtres du territoire entre le Rhin, la mer du Nord, l’Elbe et le Mein ; leurs vainqueurs constituent le peuple nouveau qui tiendra le centre de la Germanie. Des tribus de Celtes en exode arriveront, précédées d’une réputation historique, en Asie Mineure et en Gaule, notamment entre le Rhin, la Seine et la Marne, sur les deux rives du Rhône, le long dei bassins de la Seine et de la Loire. Beaucoup passeront en Espagne ; d’autres se répandront dans l’Italie du Nord. Un très grand nombre, cependant, restèrent, paisibles, dans le bassin du Haut-Elbe et en Bohême. Les Germains — ce nom, absolument inconnu encore des géographes grecs du IVe siècle, les désignera désormais, — se trouvent resserrés entre les Celtes de l’ouest et du sud, la mer du Nord et les Scythes — Slaves — de l’est. Le fleuve celtique, le Rhin, deviendra nominalement un fleuve germanique.