But artistique de Périclès. - Rite théâtral. - Sacrifices humains. - Bacchus-Apollon. - Mystères. - Le personnel des temples. - Tarification des sacrifices. - Divinateurs et rois. - La musique : chants, modes, instruments.- La danse. - Bakkhos et Aphroditè. - Fêtes. - Femmes. - Processions. - Les chansons. - Virtuoses et saltimbanques. - Athènes en Asie. POUR distraire, pour occuper les Athéniens, Périclès les enrôla tous dans la troupe des acteurs qui devaient se donner à eux-mêmes, par eux-mêmes, un perpétuel spectacle, sur les places publiques et dans les temples. Les Aryens résistaient aux cultes importés, dont les étrangers, au contraire, réclamaient les excitations. Un rite théâtral, extérieur, simplifié grâce à l’intervention des artistes et mouvementé par les citoyens très actifs, devait concilier ces deux besoins qui furent les ressorts de la vie athénienne. La terreur religieuse, les cérémonies cruelles, l’ensemble d’abstinences et de tortures, de sacrifices humains, qui étaient le fond du culte phénicien, s’acclimataient mal à Athènes. Le Baal-Moloch, pour qui l’on brûlait vifs des enfants, dut se retirer à Carthage, après avoir été le Minotaure de Crète, le Géant de Talos, le Saturne dévorateur de Rhodes. En Hellénie, les victimes immolées aux dieux d’Asie, — les vierges égorgées, — furent ornées pour le sacrifice, mais le sang qui ruisselait du cou blanc paré d’or ne terrifiait pas les assistants au gré du sacrificateur : ce culte excitait la pitié, le dégoût, nuisait aux prêtres en conséquence. Plus grave que les sacrifices humains était l’importation phénicienne, chère à Aphroditè, des rites licencieux. Les antiques prêtresses de Dodone, venues d’Égypte, avaient enseigné aux femmes Pélasges le secret des présages tranquilles, l’augure de la colombe noire, que l’on pourrait appeler l’Ibis sacré des Grecs. Longtemps, les oracles de Thèbes d’Égypte et les oracles de Dodone furent identiques. Les nymphes de Nérée, les quatre-vingts vierges au beau visage, pleines de santé, avaient institué le culte nouveau, religion charmante où le Bakkhos humain, — l’homme, — s’incarnait dans la beauté blanche de l’Apollô-roi. Au sacrifice du cheval et du taureau, qui rattachaient l’Hellénie aux cultes primitifs du Nil et de l’Indus, se substituaient donc les sacrifices humains, épouvantables ; et les prêtresses douces et bienveillantes, pures, cédaient la place aux Asiatiques dévergondées que les prêtres phéniciens amenaient. Les Doriens favorisaient ces changements ; les sacrificateurs se servaient du couteau dorique, bien trempé, pour égorger et dépecer le bœuf que les fidèles, grands mangeurs venus du Septentrion, allaient dévorer. Les prêtres se formaient en caste mystérieuse. Les divinités eurent des voiles que l’on ne pouvait toucher sans se souiller ; les cérémonies se compliquèrent de scènes que les jeunes vierges ne pouvaient voir ; et les victimes elles-mêmes, en tombant sous le couteau du sacrificateur éprouvaient un frisson de honte : Demande, du moins, que je rende l’âme entre les mains des femmes et non des hommes. Les prêtresses étaient plus redoutables que les sacrificateurs. C’étaient elles qui menaient les mystères nocturnes, y participant, enivrées de l’odeur des torches. Comme dans les temples phéniciens, les almées (alamoth), chanteuses et danseuses, attiraient le peuple. Les prêtres, eux, excellents scribes, tenaient registre exact des revenus. Les parasites, ces mendiants pieux, abondaient, procurant des fidèles aux temples divers. Des artistes venaient se perdre dans cette exploitation asiatique : Chœris, le joueur de flûte, donnait tout son talent pour une part de la victime. La tarification des rites, brutale, qu’on eût dite empruntée au Lévitique des Hébreux, tournait au mépris du prêtre, l’Aryen étant peu donneur. Le Carion d’Aristophane osa dire d’un prêtre d’Esculape : Voilà que j’aperçois le prêtre qui raflait sur la table sacrée et le gâteau et les figues ; puis il fait le tour des autels et sanctifie les gâteaux qui restaient, en les enfournant dans un sac. L’antique lieu augural, le Temple, est une maison de trafic ; les divinateurs sont rabaissés au niveau des rois : Toute la race des divinateurs, dit Sophocle, est amie de l’argent, et la race des tyrans aime les gains honteux. Le spectacle dit sang versé, les rites mystérieux, —
gestes et accents, — et la cupidité des prêtres eussent éloigné des temples,
sans doute, les Grecs nouveaux, de plus en plus, si la musique n’était venue
troubler, séduire, prendre ces pauvres êtres et les jeter dans le gouffre, en
proie aux angoisses amollissantes, aux désirs vagues et tyranniques. L’intraduisible et l’incommunicable, ce que le
langage de la bouche ne peut pas exprimer, ce que les sens extérieurs sont
impuissants à saisir et à communiquer, Comme en Israël, les musiciens sacrés, en Hellénie, excitèrent d’abord aux cruautés : — Cherchez-moi un musicien ; et quand le musicien eut commencé à jouer, la main de l’Éternel toucha le nabi Élisée, et il dit : Voici ce que dit l’Éternel : Des fosses ! des fosses ! — Ou bien, par de lents accords, par des mélodies continues, appropriées, la musique fut employée, ainsi que cela avait été jadis conseillé à Crésus, pour dompter et efféminer le peuple. L’Égypte avait donné ses joueuses de crotales qui, avec le battement des mains, accompagnaient gaiement le motif de flûte, et le linus, qu’Hérodote qualifie de chose surprenante. L’antique musique grecque, au ton grave, dont le thrène, ou chant en l’honneur des morts, est le morceau type, s’anima du rythme africain. Et tandis que les modes aryens, tels que Troie les avait connus, demeurés simples et solennels, devenaient pour Euripide des modes barbares, la mélodie béotienne, venue des bords du Nil, allait enthousiasmer Aristophane. Les Parthénies, ou vers chantés par des jeunes filles, ne suffisaient plus ; les chants des jeunes hommes, joyeux, bruyants, intervenaient. — Et sur la colline battue des vents, les cris de joie se mêlent aux chants nocturnes des vierges. — Les jeux des chœurs se multipliaient. Cependant, les chants touraniens, que l’on hurlait et qu’appuyaient des rites magiques, comme pour expier la souillure d’un meurtre, épouvantaient ; on préférait le mode asiatique, la plainte accompagnée de la flûte libyque ou des syrinx. Les modes attristés des lamentations s’adaptaient aux mécontentements de soi qui se généralisaient, procuraient de réelles jouissances à ces êtres qui souffraient d’un mal inconnu et se soulageaient en pleurant. C’est pourquoi à la discordance des cris lugubres les artistes avaient substitué, devant les autels, la mélodie mineure des modes ioniens : Et moi aussi, dit le chœur des Danaïdes d’Eschyle, je recherche les modes Iaoniens, et je déchire cette joue délicate cueillie sur les bords du Nil et le sein abreuvé d’abondantes larmes. Tout ceci convenait aux Hellènes, répondait aux besoins de leur énervement. Les Aryens de sang pur préféraient et conservaient le mode musical de Phrygie, gai, franc, qui jadis, à Troie, servait à célébrer les dieux en excitant aux danses. Les Doriens de Sparte avaient apporté du Nord l’usage des chœurs sans accompagnement, de la musique humaine, collective. Les goûts et les modes, divers, ne se confondaient pas, mais se nuisaient. En Asie-Mineure, principalement en Carie, les instruments remplaçaient les voix. En Hellénie, grâce à la vigoureuse personnalité de l’Aryen d’Athènes et à la passion des chœurs non accompagnés qui dominait à Sparte, les instruments, sauf quelques cas exceptionnels, restèrent subordonnés aux chanteurs. Il y avait déjà des virtuoses renommés, des morceaux vantés, une science musicale. On citait certains airs de flûte, cariens ; on célébrait les airs orphiques qu’avait exécutés le roi Pan aux deux cornes, jouant, virtuose divin, tantôt à l’aide des cordes graves, tantôt à l’aide des cordes aiguës. Les sons étaient classés, gradués comme des couleurs, — la chromatique, — les accents, notés ; les appropriations de formules et d’instruments, discutées. Les flûtes se divisaient en masculines et féminines. C’est au son des flûtes fortes, des cithares et des chalumeaux criards que les troupes d’Alyatte furent entraînées, au dire d’Hérodote. L’air orthien haut et solennel, exaltait les courages. La trompette phrygienne au cri aigu et la trompette tyrrhénienne à forme de torche, sonnaient le combat. La flûte du berger, faite d’un roseau délicat, donnait la sensation de l’aube naissante, l’image des troupeaux tranquilles paissant sur le mont Ida, souvenir pieux des mœurs antiques, nationales, troyennes, vivement ressenti à la simple audition de quelques notes douces, jetées au vent. La flûte du Pan montagnard, enduite de cire, qui éveillait le chant des oiseaux dans le feuillage du printemps fleuri, était devenue l’instrument des marins encourageant les rameurs. La flûte libyque, perçante ; la flûte grave, mélodique ; la flûte à courroie, très forte, que le joueur faisait chanter à plein souffle, formaient l’orchestre hellénique, avec la syrinx sonore d’Apollon que le Lètoïde lui-même inventa, la syrinx à chevalet, aux cordes vibrantes, et la cithare asiatique, lyres diverses aux cordes pincées ou frottées à l’archet de corne. Le chant des lyres dominait, semble-t-il, le concert des flûtes pourtant très nombreuses, très diversifiées, depuis la flûte faite d’après le modèle de Phrygie, avec les roseaux de l’Olympos, douce et grave à la fois, jusqu’à la flûte suraiguë des Thébains : un os percé. Les tympanons familiers, ioniens, petits, riants, grossissaient, tournaient au tambour africain, l’instrument à la peau sonore, dont la ténacité vibrante excite ; tandis que les Muses n’entraient dans le concert qu’au son des flûtes de lotos, leurs servantes, et d’un ton plaintif. Il en résultait une musique hellénique plutôt orientale, où la mélodie et le rythme se continuaient, mais ignorant encore l’harmonie, dans le sens moderne et scientifique du mot. Cette Musique, toute d’accompagnement, n’ajoutait rien, ou presque rien, aux paroles accompagnées, mais elle était capable d’exprimer et elle exprimait ce que les paroles étaient incapables de dire. Elle s’adaptait mieux, ainsi, aux gestes toujours naturels et expressifs, d’apparence inconscients, à la mimique, à la danse. La danse phrygienne était une solennité, une majestueuse
représentation d’harmonie collective, où les
danseurs, jeunes et vieux, s’avançaient en ligne droite. Cette
danse se dansait devant Pallas à la grande Athéna
; elle procédait du lyrisme grec, tel que Pindare le comprit, dont parle
Platon, qui rend par ses mouvements les paroles
de A cette danse aryenne, céleste par sa régularité calme, imitée de l’aither étoilé menant les danses de Zeus, la grâce hellénique ajouta, mimique terrestre, l’imitation des belles danses des dauphins sautant autour des proues bleues, et ce furent les thiases, ou danse des vierges, — religieuse et pure dit Aristophane, — que l’influence phénicienne corrompit vite en souvenir des danses sacrées dansées sur les montagnes de Séméla. Au centre de cette mimique figurent déjà deux Sauteurs chantant et bondissant, célébrant l’Aphrodité qui se réjouit des danses circulaires des hommes, procurant l’ivresse de la chair ; et l’on voit se former la danse troublante des rites nouveaux, où les mains s’entrelacent, où les danseuses vives et rapides bondissent en cadence et promènent de tous côtés leurs regards autour d’elles, la coquetterie aryenne utilisant, sans en prévoir les fins, l’impudeur sanctionnée de Sparte. Les chants d’Ionie, si doux, se mêlent aux danses dont les
caractères divers s’affirment. Il y a le chant triomphal, dansé ; la danse dramatique, menant le chœur à droite, à gauche, en avant ; et voici, — de
même que le chanteur virtuose sorti du chœur collectif, — La danse troyenne, dont Cassandre se souvenait, toute d’exaltation, qui célébrait la grande gloire de Priam, la grande force des dieux : — Lève le pied, chef des Danses, Évan ! Évoé ! Iô ! Iô ! — s’augmente du péan d’Apollon autour des autels : — Je bondis en l’air et je ne résiste pas à la flûte qui règle mon âme ! Évoé ! Évoé ! Le lierre me trouble et me pousse à la fureur bachique ! Iô ! Iô ! Paian ! — et la danse lourde des Spartiates ajoute le grand bruit des pieds aux clameurs charnelles des Phéniciens. Un dieu secondaire, Bacchus, obtint la popularité. Les traditions orphiques s’adaptèrent à l’idée bachique. Le Bakkhos nouveau, augmenté des formes de l’Osiris égyptien, mi-asiatique, mi-africain, prit la torche de pin, enflammée, se couronna de lierre, de chêne ou de smilax, se revêtit de la nébride, de la peau de cerf, et se fit, — prêtre et dieu à la fois, — l’ordonnateur et l’officiant de son propre culte. La joie bachique s’élance hors des fêtes de l’esprit : Et la terre ruisselle de lait, ruisselle de vin, ruisselle de miel, et l’encens syrien fume ! Les pauvres gens, avec le peuple, furent conviés. Les femmes de Thèbes accoururent. Les joueurs de tympanons vinrent auprès des sources, mêlant le vin aux eaux claires qui fluaient. Les nuits solennelles que Sparte consacrait à Hyacinthos, pendant lesquelles, tout lien rompu, les passions humaines se déchaînaient, servirent d’exemple. Les Laconiennes réunies aux femmes d’Asie formèrent le chœur : Chantons Sparte, quand nos jeunes filles bondissent au bord du fleuve, semblables à de jeunes cavales, frappant la terre d’un pas précipité et secouant leurs chevelures comme les bacchantes agitent leurs thyrses en se jouant ! Le frappement des mains et le son strident des crotales de Bromios accompagnèrent la gigue des Spartiates, devenue danse sacrée. Sur la montagne, loin des foyers, les fidèles se massaient pour se livrer à la fureur bachique. La danseuse, la bacchante, court aux orgies, fouettée par le dieu aux férules lascives. La musique s’abaisse à cette dépravation. Les danseurs, en rond, couverts de peaux de faon, tourbillonnent ; des vieillards, portant un sarment de vigne, entrent dans le chœur désordonné : L’hymne bondit, s’écrie Eschyle, et c’est le formidable alala ! Toutes les fêtes, presque, se ressentirent de ce culte
fou. Les paysans eurent leurs Anthestéries ou Lénéennes, en février, dédiées
à Bacchus. Ces Dionysiaques duraient trois jours : La fête du défoncement des
tonneaux, la fête des coupes, la fête des marmites, voilà ce que les Hellènes
célébraient. Les Bacchanales d’Athènes divinisaient ce dévergondage. Au
sanctuaire de Aux Sthénies de La danse guerrière des Corybantes, pourtant venue de Samothrace, frénétique et licencieuse, se corrompait : Ayant au chef le casque à la triple corne, ils tournaient violemment, sauvages et prophétiques, fiers de leurs pieds, autour de Bacchus, tandis que les jeunes Athéniens mettaient leur gloire à rester debout, immobiles, par un miracle d’équilibre, un seul pied posé sur une outre gonflée et frottée d’huile. Athènes, cependant, ne renonçait pas aux processions graves, imitées des théories sculptées sur les hauts murs des temples égyptiens. La fête des pavillons, ou dais, en juin, honorait saintement les statues de Minerve, de Cérès, de Proserpine, d’Apollon et de Neptune. Aux Pyanepsies, les enfants venaient avec des branches d’olivier enroulées de bandelettes, que l’on clouait ensuite pieusement au-dessus des portes de chaque maison. Des vierges, choisies parmi les premières familles de la cité, portant des corbeilles aux processions, suivies d’esclaves tenant des ombrelles et des sièges, étaient admises, dès l’âge de sept ans, à toucher les vases sacrés ; à dix ans, à broyer l’orge pour l’autel de Pallas ; et devenues grandes et belles, vêtues d’une robe de soie jaune, vouées à Diane, elles recevaient le collier de figues sèches marquant leur dernière consécration. Par cet honneur public rendu à la chasteté, Athènes réagissait contre les folies asiatiques. Les groupes des scacéphores, ou porteuses du miel destiné aux sacrifices, des hydriéphores ou porteuses de cruches à la procession des canéphores, tendaient au respect des femmes. Les étrangères pouvaient se joindre aux Athéniennes pour l’accomplissement de ces actes religieux. Mais rien ne devait prévaloir contre l’Asie séductrice et corruptrice. Le Bacchus aryen est définitivement transformé. Les trompettes phrygiennes elles-mêmes donnent le signal des orgies. Le trépignement des vierges a remplacé les chants joyeux. A ceux que le Bakkhos assourdissant éloigne, Thèbes offre sa voluptueuse Vénus, effrontément : Il y a des cratères pleins au milieu des thyases ; et chacune va, çà et là, dans la solitude, se livrer à l’embrassement des mâles, sous prétexte qu’elles sont des mainades accomplissant des rites sacrés ; elles aiment mieux Aphroditè que Bakkhos. Les Muses piérides, entraînées, concourent aux surexcitations. Les poètes chantent les rites orgiaques. Bacchus et Vénus se sont partagé l’Hellénie. La terre grecque est empestée. Euripide fait purifier l’aither avec du soufre par sa Théonoè, afin de pouvoir respirer l’air pur. Ainsi, ni les tranquillités sculpturales de la statuaire, ni l’harmonique et apaisante simplicité des architectures, ni la majestueuse et lente ordonnance des théories athéniennes, où l’enfance, l’adolescence, la puberté, la virilité et la vieillesse étaient également honorées, données comme un perpétuel exemple de la vie sereine, ne purent rien contre cette corruption qui s’était abattue, implacable comme une peste. Les Jeux, si noblement institués, — gymniques et équestres, — subirent l’influence néfaste, devinrent des écoles d’abominations. La fable des bacchantes se jouant, comme avec des balles, des débris de Penthée déchiré, se réalisait. Les temps étaient bien loin, déjà, où les coureurs de chars célébrant Patrocle pouvaient être chantés par un Homère avec les mêmes expressions qui servaient à glorifier les guerriers. L’enclos sacré, ombragé de platanes, du Jupiter-Combattant est plein de grossiers lutteurs, aux poings retentissants, et qui se frappent. Le sable reçoit la froide et sanglante libation du sang versé ; les trompettes tyrrhéniennes, d’airain, donnent le signal des courses violentes ; il n’y a plus de noblesse, plus de grandeur dans les combats publics, mais de la dispute, et de la haine ensuite. Dans les maisons, après le repas, on ne chante plus ces chansons de vieillards, longtemps conservées dans la mémoire des villageois, qu’Aristophane regrette. De Lesbos, maintenant, l’île féconde en chanteurs, viennent des virtuoses disant, art familier qui met en paresse l’esprit des jeunes Athéniens, les chants d’Épidaure, très libres. Après la chanson chantée par un artisan, voici le saltimbanque, monté sur la table, qui prend d’abord des attitudes laconiennes, secondement des poses attiques et en troisième lieu, ayant appuyé sa tête sur la table, gesticule des jambes... Le chanteur et le danseur, tenant en main la branche de myrte ou de laurier, égayant l’homme aux dépens de l’homme, préparent l’entrée de la joueuse de flûte : On ne serait point dans l’erreur, dira Euripide, en nommant insensés et imprudents les anciens hommes qui inventèrent les hymnes dans les fêtes et les festins. Découragés ou corrompus, les artistes renoncent à leur mission. Athènes est toute aussi asiatique qu’une ville de Phénicie. La musique elle-même, cet art sans forme, insaisissable, s’est ravalé pour condescendre aux exigences des sens ; et elle ne serait plus qu’un moyen d’ivresse, si les Tragiques ne s’en emparaient, réglementant le chant bachique, le chant orgiaque, alterné, les duos phrygiens, scéniques, créant la symphonie, qui appuiera d’un accompagnement pur la strophe et l’antistrophe des dramatiques déclamations. |