L’action ne s’était pas bornée à une lutte violente dans les Flandres et autour d’Ypres. Elle s’était étendue en même temps aux autres parties du front des armées du nord. Elle s’était accompagnée de : 1. Combats livrés sur le front des 2e et 3e corps britanniques, du 17 octobre au 9 novembre ; 2. Une lutte autour d’Arras, pendant la même période de temps ; 3. Une attaque entreprise par la 2e armée française, plus au sud, les 28 et 30 octobre ; 4. Une offensive franco-belge en avant de Nieuport, du 7 au 12 novembre. 1. Les combats livrés sur le front des 2e et 3e corps britanniques (17 octobre-9 novembre).Poursuivant leur mission initiale d’offensive, les 2e et 3e corps britanniques, dont la liaison était assurée par le corps de cavalerie Conneau, avaient continué d’attaquer, du 17 au 20 octobre, entre Givenchy et Messines. Le 3e corps enlevait Armentières, le 2e échouait sur La Bassée. À partir du 21, l’ennemi renforcé passait à son tour à l’attaque. Dans une action de plusieurs jours, il refoulait légèrement le corps de cavalerie français, puis, lançant de violentes attaques sur les corps britanniques, il repoussait leurs lignes sur le front : Givenchy, Neuve-Chapelle, dont il s’emparait. Partout ailleurs, le front allié résistait avec succès. Après un dernier effort, le 2 novembre, dans la région de Neuve-Chapelle, où le 21e corps français venait soutenir le 2e corps britannique et arrêtait tout progrès, l’ennemi impuissant abandonnait ses tentatives au sud de la Lys, pour reporter ses efforts dans la région au nord de la rivière, en union plus étroite avec les tentatives sur Ypres. De là, de violents combats sans résultats, les 7 et 8 novembre, à la liaison est du bois de Ploegsteert. 2. La lutte d’Arras (17 octobre-9 novembre).Dans le même temps, on continuait à se battre sur le front Arras-La Bassée. Cherchant à améliorer ses positions, la 10e armée française luttait pour la possession de quelques points d’appui, comme Carency, Albain-Saint-Nazaire, Vermelles, où l’ennemi était solidement accroché. Cette lutte se poursuivait par tous les moyens durant la deuxième quinzaine d’octobre, sans modifier notablement la situation. De leur côté, les allemands s’acharnaient plus particulièrement contre les deux ailes de la 10 e armée, au sud visant à Saint-Laurent le saillant d’Arras, au nord cherchant à progresser le long du canal de La Bassée. Du 22 octobre aux premiers jours de novembre, ils réussissaient, après des combats opiniâtres, à se rendre maîtres de Saint-Laurent, sans pouvoir étendre leur succès. La lutte s’éteignait alors progressivement de part et d’autre. à partir du 9 novembre, le front d’Artois ne donnait plus lieu à aucun incident notable. 3. Les attaques de la 2e armée française (28-30 octobre).Se conformant aux directives du général commandant en chef, prescrivant des offensives en différents points du front pour rompre les lignes adverses, la 2e armée avait entrepris, à partir du 28 octobre, des attaques au nord et au sud de la Somme. Ces attaques ne gagnaient que peu de terrain. Le 3 novembre, les combats prenaient fin de part et d’autre, et, le 4, la 2e armée cessait, par ordre du général en chef, de relever de mon commandement. 4. L’offensive alliée en avant de Nieuport (7-12 novembre).Comme on l’a vu plus haut, dès les tout derniers jours d’octobre, l’inondation de la vallée de l’Yser avait obligé les allemands à se replier sur la rive droite du fleuve, ne laissant sur la rive gauche que quelques éléments d’avant-postes dans des fermes isolées. Des chaussées encore à fleur d’eau permettaient l’accès à ces fermes. D’autre part, l’inondation ne commençant qu’au sud de Nieuport, il restait une partie de terrain libre entre cette ville et l’embouchure de l’Yser. Les belges avaient même organisé en avant de Nieuport, sur la rive droite de la rivière, une solide tête de pont. J’avais décidé de mettre à profit cette situation pour lancer une attaque contre l’extrême droite allemande. Cette opération, outre qu’elle répondait aux intentions exprimées par le général en chef, était susceptible d’avoir une répercussion heureuse sur la bataille engagée devant Ypres. Les allemands avaient retiré du front de l’Yser leurs meilleures unités et nous pouvions, dans ces conditions, tenter l’entreprise, même avec des troupes incomplètement réorganisées. J’arrêtais avec le général Willemans, chef d’état-major de l’armée belge, dans une réunion tenue à Cassel le 6 novembre, les détails de l’attaque. Elle comportait une action de la 81e division territoriale, débouchant de Nieuport et attaquant sur Lombartzyde-Westende, et une action de l’armée belge, appuyée par de l’artillerie lourde française, visant à rejeter les détachements ennemis de la rive gauche de l’Yser. Les opérations se poursuivirent du 7 au 11 novembre, sans que des progrès appréciables pussent être réalisés. L’ennemi engageait dans la bataille une division de marine, fraîchement débarquée à Ostende… le 12, l’offensive était suspendue. Comme on le voit, pendant que la lutte avait pris une activité des plus grandes autour d’Ypres, elle s’était étendue et entretenue avec une activité, variable il est vrai, sur un front de plus de cent cinquante kilomètres, de Nieuport à Roye. Cette étendue nous avait obligés tout d’abord à y consacrer toutes les forces dont nous disposions. Par là, nous avions été privés de toute réserve, et nous étions constamment menacés du danger de ne pouvoir faire face à une percée de l’ennemi, sur un point de ce vaste front de combat, que par des troupes déjà en ligne. |