NUMA POMPILIUS

 

LIVRE NEUVIÈME.

 

 

Numa retrouve bientôt son ami, et lui raconte ce qu’il a vu. Il guide ses pas vers la cabane ; ils arrivent, frappent à la porte. La jeune bergère vient ouvrir, et les regarde avec inquiétude. Rassurez-vous, lui dit Léo, nous sommes des hommes de paix daignez nous donner l’hospitalité ; demain, au lever de l’aurore, nous reprendrons notre route, après avoir remercié les dieux de votre bienfait.

A ces mots la jeune fille marche devant eux pour les annoncer à son père. Il était an fond de la cabane, assis sur un lit de natte, tenant dans ses mains la quenouille et les fuseaux que sa fille venait de quitter. Quelques siéges grossiers, une table mal assurée, des vases de bois pendus par leur anse à côté d’une lyre d’ébène, telles étaient toutes les richesses de cette humble demeure.

A peine le vieillard aperçoit les voyageurs, qu’il se lève, vient au-devant d’eux, et les invite à se reposer. Anaïs, dit-il à sa fille, fais tiédir de l’eau, prépare pour nos hôtes ce que nous avons de meilleur. La modeste Anaïs lui obéit ; elle ranime le feu du foyer, va chercher un vase d’airain, le remplit d’eau, et court au verger, tandis que la flamme environne le vase.

Anaïs reparaît bientôt, portant des raisins, des olives, d’autres fruits, un rayon de miel, et des fleurs : elle les entremêle sur la table avec les fruits, va chercher des tasses de hêtre, remplit un vase d’argile d’un vin qui n’est pas vieux ; et versant l’eau tiède dans un grand bassin de bois, elle le présente à son père. Le vieillard, malgré le refus, malgré les instances des voyageurs, leur lave lui-même les pieds ; ensuite il s’assied à table avec eux.

L’émotion que ressentaient les deux héros leur laissait à peine la liberté de remercier le vieillard. Numa, toujours les yeux sur Anaïs, admirait sa beauté, ses grâces naïves, sa politesse douce et franche ; mais il était surtout frappé de la piété filiale, de l’adorable candeur qui, sans chercher à paraître, paraissait malgré la bergère jusque dans ses moindres actions. Ô combien l’on est heureux d’être son frère ! disait en lui-même Numa. Son respect pour Anaïs ne lui permettait pas d’autre vœu.

Léo était plus occupé du vieillard que de sa fille : il se sentait entraîné vers lui par un charme secret dont il ne pouvait se rendre compte : ses cheveux blancs, ce visage vénérable où l’on voyait à la fois l’empreinte du malheur et de la vertu, cette gravité noble et qui n’avait rien de sévère, tout inspirait à Léo un sentiment de respect mêlé de tendresse. Le vieillard, de son côté, fixait sur lui sa débile vue ; il le considérait avec attention, regardait ensuite Anaïs, et semblait comparer leurs traits. Au milieu de cet examen, il soupirait, le fruit qu’il tenait échappait de sa main ; ses yeux se remplissaient de larmes, et le tendre vieillard se hâtait de les essuyer pour regarder encore le héros marse.

Anaïs, qui n’était jamais un seul instant sans veiller sur son père, s’aperçut de l’émotion qu’il éprouvait ; l’attribuant à de tristes souvenirs, elle prend sa lyre pour les distraire. Ses mains délicates l’ont bientôt mise d’accord ; sa voix douce et touchante se fait entendre : Numa, Léo, le vieillard lui-même, écoutent dans le ravissement.

La belle Anaïs chante le monde créé par la parole d’Oromaze ; le soleil allumé par son souffle pour féconder la terre, faire naître les moissons, les arbres, les plantes, tous les végétaux salutaires ; l’homme créé pur, immortel, déchu de cet heureux état ; et corrompu par Arimane, auteur de tout le mal qui est dans l’univers ; cet ennemi du genre humain, aussi ancien qu’Oromaze, empoisonnant les sources du bonheur, mêlant des maux sans nombre à tous les bienfaits de l’Être suprême, et répandant sur la terre les vices avec les douleurs ; enfin le législateur envoyé par le ciel même pour combattre et vaincre Arimane, pour soutenir l’homme abattu, pour le ramener au vrai culte, et faire revivre dans son âme le germe de la vertu que les crimes avaient étouffé.

En cet endroit le vieillard jette un coup d’œil sur Anaïs : Anaïs ne prononce pas le nom du législateur.

Numa et Léo se regardent, admirent les merveilles qu’ils ont entendues, reconnaissent quelques dogmes communs avec leur religion. Mais leur âme est surtout émue de la touchante simplicité, de la sublime morale qu’Anaïs a su mêler à son récit : sa voix tendre, son recueillement, son air de respect, en ont encore doublé le charme ; Numa se croit transporté dans le palais des dieux mêmes : il lui semble entendre Minerve annoncer des mystères nouveaux.

Cependant les deux voyageurs vont se livrer au sommeil, et, le lendemain, dès l’aurore, ils se disposent à partir. Un intérêt, une amitié secrète, leur fout. regretter cette cabane ; ils voudraient y passer leurs jours : Anaïs et son père le voudraient aussi. Anaïs va dépouiller le verger pour donner des fruits à Numa : le vieillard oblige Léo d’emporter du vin dans une outre. Tous deux instruisent les voyageurs des sentiers les plus faciles ; ils leur recommandent surtout de revenir dans ce vallon ; Numa et Léo s’y engagent ; enfin ils se mettent en marche le cœur oppressé de soupirs.

Les deux héros, sans se parler, retournent souvent la tête vers la cabane qu’ils regrettent. Chacun d’eux, en silence, rappelle à sa mémoire tout ce qu’il a vu, tout ce qu’il a entendu. Cette religion inconnue dont Anaïs a chanté quelques mystères, cette prière devant le feu dans nu langage sacré, tout confond leurs idées, tout dérange leurs conjectures. Léo s’étonne de l’intérêt secret qu’il éprouve pour un inconnu qui semble n’être pas né dans l’Italie ; Numa ressent pour Anaïs une amitié plus tendre que l’amour même.

Enfin Numa rompt le silence, et propose à son ami de retourner sur leurs pas pour se fixer auprès d’Anaïs. Léo le désire autant que lui, mais Léo veut revoir son ancienne chaumière, et pleurer encore une fois sur le tombeau de Myrtale. Numa respecte ce désir. L’émotion qu’ils éprouvent tous deux leur rappelle des souvenirs tristes. Léo parle de Camille ; Numa compare Hersilie avec la modeste Anaïs. Une tendre mélancolie s’emparé d’eux, ils pleurent ensemble et se consolent mutuellement. Ô charme de l’amitié, qui mêlé de la douceur aux chagrins qu’on se communique, et qui des peines mêmes sait faire naître un plaisir !

Enfin, après trois jours de marche, Léo découvre sa cabane. A cette vue il s’arrête ; ses forces l’abandonnent. Bientôt, soutenu par Numa, il s’avance ; et chaque arbre, chaque place, chaque objet qu’il reconnaît, lui rappelle un doux souvenir. Là il jouait avec Myrtale, là il écoutait ses leçons ; c’est ici qu’il planta des fleurs pour venir les lui offrir : tout lai retrace une époque dé tendresse ou de bonheur. Ses yeux mouillés ne peuvent se lasser de revoir ce qu’ils ont vu tant de fois. L’air qu’il respire l’oppresse, le sentiment qu’il éprouve l’accable, son cœur est serré, et cependant sa tristesse a pour lui un charme secret.

Dès qu’il est auprès de la porte il tombe à genoux, embrasse la terre ; ensuite, élevant ses mains, il adresse ces paroles aux divinités champêtres : Je vous salue, nymphes, naïades, qui protégeâtes mon enfance, et que je revois avec-tant de joie, je vous salue ! Daignez vous contenter dans ce moment des vœux tendres que je vous adresse : bientôt vous aurez part aux libations de lait que je ferai sur le tombeau de ma mère.

Après ces mots il se relève, et entre dans sa cabane. Quelle est sa surprise en la retrouvant telle qu’il l’a laissée. Tout est en ordre, tout est à sa place : Léo revoit ses anciens javelots, ses instruments de jardinage, et la première flûte sur laquelle il chanta Camille. Il la revoit cette flûte, il la baise avec attendrissement ; mais il quitte tout pour courir à la tombe de Myrtale, et il la trouve parée de fleurs nouvelles ; plusieurs autres qui sont flétries attestent qu’une main pieuse les renouvelle chaque jour. Léo se met à genoux, il arrose de ses larmes le gazon vert et touffu qui a crû sur son tombeau ; il bénit la main inconnue qui prend soin de le décorer. Numa garde le silence, prie auprès de son ami, et partage tous ses sentiments.

Bientôt Léo, lui tendant la main, prononce le nom de Camille, en l’entraînant vers ce rocher, vers cette cascade si chère à son souvenir. Il court, il arrive : le premier objet qu’il voit ; c’est Camille sur le rocher.

A cette vue, Léo jette un cri, et se précipite vers Camille. Celle-ci tourne la tête : tous deux, avant de se joindre, ont perdu l’usage de leurs sens.

Numa les secourt. Numa les rend à la vie. A, peine ont-ils ouvert les yeux, qu’ils se cherchent et se retrouvent. Est-ce bien vous, disait Léo, vous que j’ai si longtemps pleurée ? Dieux immortels, si c’est mensonge, faites-moi mourir au réveil.

Camille, la tendre Camille le presse dans ses bras et le rassure : Oui, c’est moi, c’est ton amante fidèle que rien ne peut plus t’arracher. Je suis avec toi pour toujours, avec le maître de mon cœur, avec celui qui m’a sauvé la vie, pour qui seul je l’ai conservée.

En disant ces mots elle l’embrasse, elle lui répète, c’est moi ; lui dit de ne pas pleurer, lui sourit avec tendresse, et, en souriant, elle pleure elle-même : son visage, inondé de larmes, peint cependant la joie et le bonheur ; semblable à ces nuages d’or qui font tomber sur les fleurs une douce pluie, taudis que le soleil, faiblement éclipsé par eux, les perce de ses rayons, et brille encore à travers les perles liquides qu’ils répandent.

Après les premiers moments donnés à l’amour, à la joie, Léo conduit sa chère Camille au même endroit, à la même place où jadis ils se parlaient de leurs amours. C’est ici, c’est ici, lui dit-il, que je veux entendre le récit de ce qui vous est arrivé. Parlez devant cet ami : il est instruit de tous nos secrets, il lit dans mon cœur comme moi-même ; et vous lui donnerez bientôt le vôtre, quand vous connaîtrez ses vertus.

Camille jette alors sur Numa un regard plein de douceur ; elle s’assied entre les deux héros, et satisfait ainsi leur impatience.

Les dieux m’ont été favorables : ils m’ont préservée d’un hymen que je redoutais plus que la mort. J’avais pourtant obéi à mon père ; je l’avais sauvé d’une guerre qu’il n’aurait pu soutenir. Le roi des Maruces s’était retiré dans ses états ; j’étais partie avec les ambassadeurs de Télémante sur un vaisseau salentin que m’avait envoyé ce prince. Je ne te dirai point, mon cher Léo, quelles pensées m’occupaient : nos cœurs s’entendent trop bien pour avoir besoin de s’instruire de tout ce qu’ils ont souffert.

Nous voguions à pleines voiles vers les rivages de Salente, quand, à la hauteur de Métine, des nuages épais rassemblés sur nos têtes nous dérobent le ciel et le jour. Tous les enfants d’Éole déchaînés soulèvent les vagues écumantes ; une nuit affreuse couvre la mer : les éclairs sillonnent les nues ; la foudre, les vents, les flots, tout nous présente l’image d’une mort inévitable.

Je ne pensais qu’à toi, Léo ; je bénissais les immortels, je remerciais la tempête, je me félicitais d’échapper à Télémante, et je n’attendais plus que l’instant de voir notre vaisseau s’entrouvrir. Il arrive cet instant : chefs, soldats, matelots, tous furent engloutis : Moi-même, je bus l’onde amère ; mais je ne perdis ni le courage ni les forces. Je revins sur les flots ; et, saisissant un débris du navire, j’osai concevoir l’espérance de sauver mes jours pour toi. Attachée à ce bois flottant, jouet des vents et des ondes, toujours au milieu des ténèbres, toujours entre les bras de la mort, je me disais : Rien n’est à craindre ; carie suis sûre de mourir ou de vivre pour taon cher Léo.

L’Amour sans doute veillait sur moi. La mer se calma peu à peu ; ses flots, en retombant les uns sur les autres, chassaient toujours vers le rivage le bois que je ne quittais point. Enfin je découvris la terre, j’abordai sans effort ; et, tombant à genoux, je remerciai les dieux, bien moins d’échapper au trépas que d’échapper à Télémante. Je regardai autour de moi, je vis de hautes montagnes. Un laboureur m’apprit que j’étais dans l’Apulie, au pied du fameux mont Gargan. Ce laboureur me conduisit dans sa chaumière : trois jours de repos me rendirent mes forces. Quelques pièces d’or que j’avais avec moi me fournirent un arc, des flèches, et récompensèrent le laboureur.

Seule, sans autre secours que mon arc, je résolus de regagner l’Apennin, de retrouver ta cabane. La route devait être longue, les chemins m’étaient inconnus ; mais tu étais le but de mon voyage ; rien ne pouvait m’effrayer. Je me mis en route sans guide, sans compagnon, marchant la nuit pour arriver plus vite, traversant les fleuves, gravissant les rochers, et ne craignant pas d’éveiller les bêtes farouches. Je cherchais au contraire les forêts les plus sombres, les déserts les plus sauvages, de peur d’être reconnue ou de rencontrer quelque Salentin échappé comme moi du naufrage.

Ma crainte n’était que trop fondée. Sur les frontières des Samnites, dans le pays des Frentaniens, à l’aube du jour, comme j’allais sortir d’une caverne où j’avais passé la nuit, j’entendis plusieurs voix d’hommes ; je distinguai le nom de Camille. Un tremblement me saisit : cachée dans la caverne, je prête une oreille attentive ; je reconnais bientôt plusieurs soldats de mon vaisseau qui parlaient entre eux de ma mort, et qui, se trouvant sans chef dans un pays éloigné du leur, méditaient des brigandages.

Je ne respirais pas en les écoutant, j’étais comme le faon timide qui, caché parmi des feuillages, voit passer auprès de lui une meute de chiens affamés. Je laissai partir ces soldats ; et me jetant à genoux en sortant de ma caverne : Ô Vénus ! m’écriai-je, déesse des cœurs tendres, c’est toi qui me sauvas des flots ; mais de quoi me sert ton bienfait, tant que je suis loin de celui que j’aime ? Ô la plus belle des immortelles, souviens-toi des pleurs que l’amour t’a fait verser : ton cœur doit être touché d’une douleur qu’il a ressentie. Guide mes pas vers mon amant, daigne m’éclairer sur le chemin que je dois suivre. Reine des dieux et des hommes, si tu exauces mes vœux, je te promets, oui, je te jure de t’élever un autel à la place même où je reverrai Léo, et le plus beau de ses béliers te sera offert en sacrifice.

Comme j’achevais ces mots, deux colombes traversant les airs viennent se poser devant moi. J’accepte cet heureux présage ; j’observe les oiseaux de Vénus ; et je les suis avec confiance. Les deux colombes, sans se quitter, tantôt rasent la terre d’un vol rapide, tantôt s’arrêtent sur le gazon, en y cherchant leur nourriture ; mais elles ne s’éloignent jamais assez pour que mon œil les perde un instant. Enfin, après neuf jours de marche, je découvre de loin ta chaumière, je vois les colombes se poser sur le toit. Là elles semblent se plaindre, elles roucoulent tristement ; et, prenant aussitôt leur vol, elles disparaissent à nies yeux.

Juge, Léo, juge de ma joie : je rendais grâces à Vénus, je rendais grâces aux colombes ; je remerciais tous les dieux. Hélas ! j’arrive à ta cabane, et mes yeux te cherchent, ma voix t’appelle en vain. Je parcours avec inquiétude les environs de ta chaumière ; je ne vois partout que solitude. Bientôt je découvre un tombeau ; l’inscription m’apprend que Myrtale y repose. Ah ! mon ami, je fils près de succomber à ce dernier coup. C’en est fait, m’écriai-je en fondant en larmes ; il court sans doute sur mes pas, il va me chercher dans Salente, où il apprendra mon naufrage : sa douleur lui coûtera la vie.

Je le croyais : je me le répétais tous les jours ; et tous les jours je parcourais la montagne avec l’espoir de te retrouver. S’il vit encore, me disais-je, il reviendra, j’en suis sûre ; il reviendra au tombeau de sa mère, au premier asile, de nos amours. Qu’il soit devenu roi, qu’il soit esclave, dès qu’il pourra être libre, c’est ici qu’il tournera ses pas. Je connais Léo, c’est aux lieux chers à sa piété que l’on doit sûrement l’attendre.

Dans cette espérance, je m’établis dans ta cabane, je rassemblai toit troupeau, je pris soin de tout ce qui t’avait appartenu. Ces soins si doux charmaient mes ennuis : j’aimais tant à n’avoir de richesses que les tiennes ! j’aimais tant à penser qu’à ton retour je te rendrais compte de ton bien ! Tous les jours je menais tes brebis au pâturage, tous les jours je parais de fleurs le tombeau de ta mère ; j’invoquais son ombre chérie, et lui demandais de te conduire vers moi. Mes vœux sont exaucés, je te revois, Léo ; tout ce que j’ai souffert n’est rien.

Ainsi parle Camille : Léo la serre dans ses bras, tandis que le pieux Numa élève un autel de gazon, et court choisir le bélier que Camille avait voué à Vénus. Il le porte sur l’autel : tous trois, à genoux, achèvent le sacrifice. Ensuite ils retournent à la cabane, et, dès le lendemain de ce beau jour, les deux amans ; couronnés de fleurs, vont au tombeau de Myrtale. Numa les guide : Numa, qui, dès son enfance, apprit les fonctions de sacrificateur, immole aux mânes deux brebis noires et quatre agneaux à sa protectrice Cérès. Il l’invoque, il lui demande de bénir du haut du ciel l’hymen de Camille et de Léo ; il joint leurs mains, il les unit au nom de Cérès et de Myrtale ; ensuite il consume en leur honneur les victimes entières, et s’en retourne avec les deux époux, en chantant l’hymne d’hyménée. Ô douce et simple cérémonie, si peu semblable aux bruyants et tristes mariages des princes ! touchante union qui n’a de témoins que les dieux, de garant que la vertu, de pontife que l’amitié.

Le bonheur des deux époux rappelait à Numa le beau vallon ; il ne parlait que d’Anaïs, il ne songeait qu’à cette bergère, et se livrait sans inquiétude à un sentiment qu’il ne croyait pas de l’amour. Ce qu’il sentait pour Anaïs était si différent de ce qu’il avait senti pour Hersilie, cette première passion l’avait rendu si malheureux, que Numa, tremblant encore au seul nom de l’amour, affectait d’appeler amitié le penchant irrésistible qui l’entraînait vers Anaïs.

Après quelques jours donnés à l’ivresse des nouveaux époux, Numa propose le voyage du beau vallon. Léo sourit ; Numa, qui rougissait, se hâte de lui rappeler qu’il le promit lui-même au vieillard. Le héros marse y consent avec joie ; Camille ne peut le quitter. Tous trois armés se mettent en marche, et charment par leur entretien l’ennui d’une pénible route.

L’impatient Numa précède toujours les époux : plus il approche, plus il se hâte ; et dès qu’il aperçoit la cabane, il précipite ses pas.

Un dieu sans doute le conduisait. A peine arrivé dans le vallon, il entend des cris, il vole ; il aperçoit le vieillard entre les mains de plusieurs brigands qui le traînent sur la poussière, et tiennent le fer levé sur lui. Plus loin, sa fille Anaïs, qu’on enlève malgré ses pleurs, se débat au milieu d’une autre troupe. Que fera Numa ? Anaïs et son père sont dans un danger égal : qui sauvera-t-il le premier ? à qui courra-t-il ? Au plus faible. Il s’élance vers les scélérats qui pressent le plus le vieillard : il en immole trois, il attaque les autres, il les poussé avec fureur, il s’écrie pour attirer ceux qui ravissent Anaïs. Ces brigands viennent à ses cris ; ils se réunissent tous contre Numa. C’est alors que Numa respire : le danger ne menace que lui seul, le danger n’a rien qui l’effraie. Anaïs est près de son père. Numa les couvre tous deux de son corps ; seul il fait tête à tous les brigands : leur sang ruisselle sous ses coups ; mais le sien rougit sa cuirasse. Cinq ennemis ont mordu la poussière ; mais ceux qui restent vont accabler le héros.. Numa, le brave Numa chancelle ; il est près de succomber, quand la massue de Léo tombe comme le tonnerre au milieu de ces scélérats. Camille, qui les reconnaît pour les soldats salentins échappés de son naufrage, Camille perce de ses flèches tous ceux qu’elle peut atteindre. Le père d’Anaïs lui-même s’est relevé ; il a saisi l’épée d’un ennemi, et s’en sert pour défendre ses défenseurs. Bientôt tous les brigands sont immolés. Anaïs embrasse son père ; Numa et Léo sont baignés des larmes de la reconnaissance.

Numa est blessé. La fatigue d’un long combat, le sang qu’il a perdu, le passage subit de la crainte de perdre Anaïs au plaisir de l’avoir sauvée, tout a épuisé ce qui lui reste de forces. On l’emporte dans la cabane, on s’empresse autour de lui. Le vieillard et Léo visitent ses blessures, posent un premier appareil. La sensible Anaïs : s’approche, serre doucement la main de Numa : Vous avez sauvé mes jours, lui dit-elle, et vous avez sauvé mon père avant-moi : c’est vous devoir deux fois la vie. Ces paroles sont un baume divin pour le héros ; il n’a pas la force d’y répondre ; mais ses yeux satisfaits se tournent vers Anaïs, et lui expriment tendrement tout ce que sa langue ne peut dire.

Les blessures de Numa étaient profondes ; sans être dangereuses ; il ne fallait que du temps pour les guérir. Anaïs et son père, Camille et son époux, entouraient sans cesse son lit. La tendre amitié qui avait déjà commencé entre le vieillard et le héros marse prenait tous les jours de nouvelles forces. Léo était impatient de connaître celui qui lui était déjà si cher ; Numa brûlait aussi d’apprendre l’histoire du père d’Anaïs. Un jour qu’ils étaient tous rassemblés près du malade ; les deux amis joignirent leurs prières pour obtenir ce récit : le vieillard, après avoir levé les yeux au ciel, le commença dans ces termes :

Je suis né dans la Bactriane ; le sang qui coule dans mes veines est celui des anciens rois de la Perse ; et mon nom fameux en Asie, est peut-être venu jusqu’à vous : je m’appelle Zoroastre.

A ce grand nom Numa, Léo, Camille, se regardent avec surprise, et reportent sur le vieillard des yeux remplis de vénération. La tendre Anaïs, qui lit dans leurs âmes le respect qu’ils ont pour son père, leur en témoigne sa reconnaissance par un sourire plein de douceur.

Zoroastre continue : Mon père, détrôné par le roi d’Assyrie, erra suppliant dans toutes les cours de l’Asie, et ne me laissa pour héritage que l’instruction du malheur et ses droits au trône de Perse. Je voulus tenter de les faire valoir : je rassemblai quelques troupes ; je revins dans le royaume qu’avaient possédé mes aïeux. Je trouvai la Perse heureuse sous l’empire du sage Phul, roi de Ninive : ce grand homme régnait par la justice. Je sentis que mes sujets ne pouvaient gagner à changer de maître. Dès ce moment, je renonçai à mes projets ; je regardai comme un crime de troubler la félicité de tout un peuple pour de vains droits qui n’intéressaient que moi seul, et je ne pus consentir à faire égorger des milliers d’hommes pour succéder à un monarque que je ne pouvais surpasser en vertu. Je congédiai mes troupes ; je cachai ma naissance avec soin ; je réprimai les mouvements d’orgueil dont l’âme la plus pure n’est pas exempte ; et, me vouant tout entier à l’étude de la nature, j’aimai mieux devenir un sage qu’un roi.

Je parcourus toute l’Asie ; je cherchai chez les Brames, chez les Chinois, chez les philosophes du Gange, cette sagesse dont j’étais amoureux : partout je trouvai la superstition plus chère à l’homme que la vérité. La vérité, dont tout le charme est d’être simple, n’éblouit pas comme l’erreur : je désespérai de la rencontrer sur la terre, je désirai de mourir.

Le grand Oromaze, du haut de son trône, baissa ses yeux jusque sur moi : il fit descendre dans mon sein un pur rayon de sa lumière. Je méditai pendant vingt ans dans un désert, et ma raison me prouva qu’il ne peut y avoir qu’un seul Dieu, que ce Dieu m’a donné une âme, qui survivra sûrement à mon corps pour être punie ou récompensée. Mon cœur me dit que Dieu est bon ; que le mal que je voyais sur la terre ne pouvait être son ouvrage, qu’il avait été produit par un être malfaisant ; ennemi de Dieu et des hommes. Je détestai cet être. J’adorai mon Créateur ; je l’adorai dans le plus beau de ses ouvrages, dans le soleil, brillant emblème de son pouvoir, de son éclat, surtout de sa bienfaisance. Je vis que ce soleil fait naître les moissons pour le Scythe, pour le Perse, pour le Syrien, pour tous les peuples de la terre, divisés entre eux sur la manière d’adorer Dieu : je conclus que ce Dieu, souverainement indulgent, aime tous les hommes, supporte ceux qui le calomnient, pardonne à la faiblesse, et punit la persécution.

Certain de ces vérités éternelles, je pensai qu’elles étaient un bien trop grand pour en jouir seul. Je me crus obligé de les répandre : je sortis de mon désert, je dis aux peuples : Aimez Dieu, et aimez-vous. Adorez le Créateur dans le soleil, flambeau du monde, et dans le feu, âme de tout. Soyez purs dans vos pensées, dans vos paroles, dans vos actions. Faites du bien à tous les hommes, de quelque religion qu’ils soient ; vivez et mourez fidèles à vos rois, payez les impôts sans murmure, cultivez la terre, car labourer, c’est servir Dieu : et quand vous êtes dans le doute si une action est bonne ou mauvaise, sachez vous en abstenir.

Voilà quelle était ma doctrine : je la répandis de l’Euphrate à l’Indus. Les peuples m’écoutaient et croyaient ; mes disciples augmentaient chaque jour. Si j’avais voulu les armer, j’aurais pu soumettre l’Asie : mais l’amour de l’humanité l’emportait dans mon cœur sur l’amour de ma loi ; j’aurais refusé l’espoir de voir régner cette loi, s’il eût fallu répandre du sang. Je dispersais moi-même mes disciples, je les forçais de me quitter ; je leur disais : Aimez la paix, restez dans vos familles ; le Dieu que j’annonce vous défend de vous exposer pour moi.

Parmi ces disciples était une jeune fille, qui, malgré les plus vives instances, ne voulut jamais s’éloigner de moi. Elle s’appelait Oxane : je sens mes pleurs couler en prononçant ce nom chéri. Oxane aimait Zoroastre encore plus que le prophète. Oxane me suivait partout : Si je parlais, elle écoutait dans le ravissement, son âme était dans ses yeux, son visage peignait le bonheur : si je me taisais, ou que le moindre nuage parût obscurcir mon front, Oxane était plus triste que moi ; elle n’osait m’interroger ; mais ses regards tendres et douloureux m’avertissaient de sa peine. Je la conjurais tous les jours de ne pas suivre mes pas. Ô mon père ! me répondait-elle, je voudrais mourir pour ta loi, laisse-moi vivre pour Zoroastre. Plus je te vois, plus je t’entends, plus je sens que j’aime ton Dieu. Je crains que tu ne sois persécuté : cette idée m’attache à ta fortune. Non, Oxane ne te quittera point que tu n’aies trouvé l’épouse qu’Oromaze t’a destinée. Je veux voir, je veux servir l’heureuse femme qui doit acquitter par sa tendresse, par ses soins, par le bonheur dont elle te fera jouir, les bienfaits que te doit la terre.

Tant d’amour, tant de constance, fit naître dans mon âme un sentiment que j’avais cru devoir ignorer : je devins l’époux d’Oxane. Oromaze, du haut de son trône, bénit nos tendres liens. Oromaze, en me donnant une femme vertueuse et tendre, me récompensa de tout ce que j’avais fait pour lui.

Ô jours de ma félicité, vous n’avez pas duré longtemps ! Oxane et moi, nous vivions dans la Perse ; mes disciples, qui avaient pris le nom de mages, dispersés dans leurs asiles, adoraient le feu, cultivaient la terre, et pratiquaient la vertu.

Le roi de Ninive, Phul, tolérant comme tous les grands rois, fermait les yeux sur un culte qui ne portait ses sujets ni à la révolte ni à la corruption. Mais le sage Phul, parvenu à une extrême vieillesse, paya le tribut à la nature, et laissa le trône à Sardanapale son fils.

Ce malheureux prince, roi de trop bonne heure, entouré, perverti par ses flatteurs, leur abandonna les rênes de l’empire, oublia les leçons de son père, son peuple, ses devoirs, pour se plonger dans la plus affreuse débauche. Les vices qui infectaient son palais allèrent infecter Ninive, et de là tout l’empire. Au bout de deux ans de règne, la capitale, les provinces, tout était également corrompu. Le roi, jouet de ses ministres, esclave de ses eunuques, tyran de son peuple, le roi ne se souvenait plus qu’il était roi que pour signer des édits cruels, pour commander des exactions, pour payer avec le pur sang de ses sujets ses plaisirs infâmes ou ses vils flatteurs.

Tout se vendait à Ninive : honneurs, charges, justice, tout était au plus offrant. Des courtisanes gouvernaient l’empire, ordonnaient en riant la ruine d’une province, faisaient gloire de dévorer dans un repas la substance de cent familles. Des satrapes bas et cruels, ennemis de l’état et du peuple, pleins de mépris pour leur maître comme pour eux-mêmes, trafiquaient publiquement de leur crédit, vendaient, sans rougir, le patrimoine de l’orphelin, la liberté de l’innocent. Les guerriers tiraient vanité de leur amour pour la mollesse ; les magistrats ne rougissaient plus de leurs injustices : dans tous les ordres de citoyens, la rapine seule donnait quelque gloire ; et le peuple, épuisé d’impôts, victime des grands, des ministres, des juges, des esclaves mêmes du roi, le peuple opprimé, foulé aux pieds, tendait au ciel des mains suppliantes.

La faiblesse et la cruauté se réunissent presque toujours. Sardanapale, du sein de ses horribles voluptés, ordonna une persécution contre les mages. Il venait de faire une guerre honteuse ; croyant ses dieux irrités, il jugea qu’il était plus facile de venger leur cause par des meurtres que de les apaiser par des vertus. Il commanda d’exterminer jusqu’au dernier de mes disciples, promit dix talents d’or à celui qui me livrerait vivant, et me condamna d’avance à des tourments inconnus jusqu’alors.

Aussitôt le fer et le feu désolent les habitations des mages ; leurs maisons sont la proie des flammes ; leur sang inonde leurs asiles. Les barbares soldats de Sardanapale, qui avaient si lâchement combattu ses ennemis, se montrent remplis de zèle pour persécuter, leurs concitoyens. Le glaive à la main, ils poursuivent le peu de mages qui échappent ; ils égorgent tous ceux qu’ils atteignent, massacrent la mère et la fille après les avoir outragées, et croient toutes les horreurs permises, parce qu’ils les commettent au nom de leurs dieux.

Je fuyais avec mon épouse. Cent fois je fus sur le point d’aller me présenter au tyran, pour faire cesser la persécution ; mais le cruel Sardanapale avait condamné tous les mages ; mon trépas n’eût sauvé personne : d’ailleurs Oxane portait dans son sein un gage de notre chaste amour ; le nom de père me faisait aimer la vie. Consolé par mon épouse, soutenu par son courage, errants de désert en désert, sans amis, sans secours, manquant souvent de nourriture, nous parcourûmes la Perse, la Sogdiane, la Bactriane, toujours au moment de tomber dans les mains de nos persécuteurs, toujours rejetés ou trahis par ceux à qui nous demandions asile. Mais au milieu de nos périls, malgré les maux qui nous accablaient, l’idée de souffrir pour la vérité adoucissait toutes nos peines. A chaque douleur nouvelle, nous voyions une récompense future ; l’espérance nous donnait des forces, et l’amour des consolations.

Nous pénétrâmes enfin dans les déserts de l’Arabie. Nous entrâmes dans une caverne profonde, au milieu de laquelle était un tombeau. La pierre en était renversée ; l’intérieur du cercueil était vide. Une lame d’or frappa mes regards : je la saisis. A la faible lueur qui pénétrait dans la caverne, je lus sur cette lame ces paroles écrites en caractères sacrés : Zoroastre, dépose ici le livre de la sainte loi, le Zend-Avesta, que tu écrivis sous l’inspiration d’Oromaze. Le jour n’est pas arrivé, où ce livre, émané de Dieu, doit être connu des mortels : ta religion sera longtemps encore l’objet de la haine des peuples. Mais un second législateur, qui portera le même nom que toi, doit naître dans la plénitude des temps : il sera conduit à cette caverne, il trouvera ton livre sacré ; et, le montrant à l’Asie, il le placera sur le trône, où il sera la règle des nations. Pour toi, tes travaux sont finis ; prends ton chemin vers la Phénicie ; affronte la mer orageuse, va chercher dans l’Occident une tranquille patrie, où ton nom plus inconnu ne t’entoure pas de persécuteurs. Ainsi le veut Oromaze ; obéis, et ne murmure pas.

Je lus deux fois ces paroles, je ne doutai point qu’un ange ne les eût tracées. Je remis avec respect la lame d’or dans le cercueil ; j’y déposai le livre sacré qui renfermait la divine loi, je recouvris le tombeau avec la pierre renversée ; et, prosterné contre la terre, je m’humiliai devant Oromaze.

Après avoir adoré son nom, je sortis de la caverne ; je dirigeai mes pas vers l’opulente Tyr. Là, suivi de ma chère Oxane, je montai sur un vaisseau pour aller chercher un asile chez les peuples hospitaliers de la Grèce ou de l’Ibérie. Notre navire, poussé par les vents dans la mer Adriatique, vint échouer sur les côtes des Trentaniens. Oromaze, que j’invoquai, sauva mon épouse : je la portai dans mes bras jusqu’à un village des Marses, où l’on me donna l’hospitalité. Hélas ! ma chère Oxane, faible, languissante, accablée par les fatigues de la mer, fut bientôt surprise des douleurs de l’enfantement ; elle me rendit père d’un fils et d’une fille à la fois. Nous résolûmes de nous établir chez les Marses : quelques pierres précieuses, seuls restes de mon ancienne fortune, me rendirent possesseur d’une chaumière.

Nous allions être heureux, nous allions jouir du repos, en adorant notre Dieu, en élevant nos enfants, quand les cruels Péligniens, qui faisaient alors la guerre au peuple marse, surprennent notre village, le réduisent en cendres, et pénètrent dans la cabane où je dormais auprès d’Oxane, entre mes deux enfants. Les barbares ! je les ai vus massacrer ma femme et mon fils : mes pleurs, mes cris, mes efforts, ne purent les défendre. Je ne sauvai que ma fille ; je la couvris de mon corps ; je reçus toutes les blessures que ces tigres lui destinaient fuyant avec elle à travers l’incendie et les morts, marquant mon chemin de mon sang, j’arrivai dans ce vallon, où nies mains ont bâti cette cabane, où j’élevai mon Anaïs, ma chère Anaïs, unique et dernière consolation de quatre-vingts ans de malheurs. La voilà celle pour qui seule je tiens à la vie, celle dont les traits, dont les vertus me rappellent tous les jours Oxane.

En disant ces paroles le vieillard se jette dans le sein d’Anaïs.

Mais Léo, Léo, qui ne respirait pas depuis la fin du récit de Zoroastre, Léo saisit sa main qu’il presse dans la sienne ; il le regardé avec des yeux animés et remplis de larmes : Ah ! par pitié, lui dit-il, dans quel lieu, dans quel village avez-vous perdu votre fils ? Dans Avia, répond le vieillard, sur le bord du fleuve Aternus. Et cet enfant, continue Léo, ce fils que vous pleurez, ne portait il pas à son cou une émeraude gravée ? Oui, reprend le vieillard surpris : sa mère l’en avait paré ; le nom d’Oromaze en caractères persans était écrit...

Embrassez votre fils, s’écrie Léo tombant dans ses bras ; je le suis, j’ai ce bonheur. Voici l’émeraude gravée : on m’a trouvé mourant dans Avia ; j’ai dans mon sein la marque du poignard dont les Péligniens me frappèrent. Dès le premier jour où je vous ai vu, j’ai senti mon cœur tressaillir ; un transport, un sentiment involontaire m’ont averti que je vous dois la vie.

Il dit : le vieillard ne peut répondre. Il reconnaît la pierre gravée ; il y lit le nom de son Dieu : il presse Léo contre son cœur, il l’accable de ses baisers ; et son âme épuisée par sa joie est prête à l’abandonner.