LE RÈGNE DE PHILIPPE Ier

LIVRE QUATRIÈME. — LES RAPPORTS DE PHILIPPE Ier ET DE L'ÉGLISE

 

CHAPITRE III. — LA RÉFORME ÉPISCOPALE ; LE CONFLIT DE GRÉGOIRE VII ET DE PHILIPPE Ier (1073-1085).

 

 

I

Grégoire VII connaissait bien la France : il y avait notamment rempli sous le pontificat de Léon IX une mission au cours de laquelle il avait tenu un concile à Lyon et déposé un évêque simoniaque[1]. Fervent défenseur des droits du Saint-Siège, il désire ardemment rattacher l'Eglise de France à Rome ; il va directement à l'encontre des théories exprimées par Philippe Ier[2]. Aussi, dès le début du pontificat, y eut-il entre le roi et le pape une série de froissements qui, après les décrets de Grégoire VII sur l'investiture (1075), dégénérèrent en un conflit des plus aigus.

Le ton des premières bulles est relativement modéré. Grégoire VII exhorte Philippe Ier à se montrer bon roi et bon chrétien ; pour cela, il devra réparer les dommages qu'il a faits à l'église de Beauvais (13 avril 1074)[3]. Cependant, dès la fin de 1073, le pape était déjà plus menaçant : une bulle, adressée à Roclin, évêque de Chalon-sur-Saône (4 décembre 1073), est un violent réquisitoire contre la politique religieuse de Philippe Ier[4]. Le roi y est accusé d'oublier les devoirs d'honneur et de respect qui lui ont été imposés par le Seigneur envers la sainte Eglise ; il est rangé parmi les princes cupides et pervers qui ont vendu et dissipé les biens ecclésiastiques ; il est incriminé d'opprimer de la pire façon les églises de Gaule. Le pape oppose avec complaisance le roi à son royaume qui a toujours donné l'exemple de la sagesse, de la piété, de la plus grande soumission aux volontés de l'Eglise romaine. Par égard pour le royaume, Grégoire VII veut bien accorder quelque crédit à son souverain, d'autant plus que Philippe a délégué auprès du pape son chancelier Aubri, qu'il a promis, par son entremise, de mener une meilleure vie, et d'être plus respectueux des canons de l'Eglise, mais, si le roi ne tient pas ses promesses, le pape frappera la France d'interdit.

Philippe Ier ne tint pas compte des avertissements pontificaux ; il se déshonora au contraire, à la fin de l'année 1074, par un acte de véritable brigandage. Toujours avide et peu scrupuleux sur les moyens de se procurer de l'argent, il imagina de détrousser des marchands italiens qui traversaient la France. Ceux-ci se plaignirent à l'Eglise gardienne des institutions de paix[5]. Aussitôt, le 10 septembre 1074, Grégoire VII adressa une bulle à l'épiscopat français tout entier[6]. Après avoir reproché aux évêques leur trop grande timidité vis-à-vis du roi, il leur prescrivait d'aller le trouver, de lui reprocher amicalement l'état de désordre dans lequel se trouvait le royaume, de le forcer à rendre aux marchands ce qu'il leur avait pris et à revenir à des mœurs meilleures Si le roi refusait de s'amender, les évêques excommunieraient le roi et jetteraient l'interdit sur le royaume. Le pape ajoutait : Si ces mesures ne le ramènent à de meilleurs sentiments, nous proclamons hautement qu'avec l'aide de Dieu, nous chercherons à arracher, par tous les moyens, le royaume de France à son pouvoir. L'historien allemand de Grégoire VII, Martens, pense que Grégoire VII entend par là déclarer la guerre à la France et chasser le roi par la puissance des armes[7]. Une telle interprétation nous paraît exagérée, et aucun des termes employés par le pape dans cette bulle et dans les suivantes ne paraît prouver qu'il ait songé à une action de guerre[8]. Le pape a simplement pensé à délier les sujets du roi du serment de fidélité et, par ce moyen, à faire céder Philippe Ier. C'est ce qui ressort très nettement des deux autres bulles concernant cette affaire.

Il faut croire, en effet, que l'intervention des évêques auprès du roi n'eut pas grand succès, car le pape, deux mois après, s'adressa à Guillaume VIII, comte de Poitiers. Par une bulle du 13 novembre 1074[9], il lui rappela les nombreuses iniquités de Philippe Ier et, entre autres, celle qu'il venait de commettre vis-à-vis des marchands italiens et qui le plaçait même au-dessous des princes païens. Bien qu'il eût fait avertir le roi par les évêques, le pape tenait à mettre au courant de cette affaire Guillaume qui avait toujours fait preuve du dévouement le plus absolu envers le Saint-Siège ; il comptait sur lui et sur les autres seigneurs de France, pour inviter Philippe à donner satisfaction aux marchands. Si celui-ci acquiesce à ces conseils, le pape le traitera avec toute la charité qui lui est due. Si, au contraire, il persévère dans son attitude, s II montre un cœur dur et impénitent, il attirera sur lui la colère de Dieu et de saint Pierre ; il sera, dans un concile tenu à Rome, séparé du corps et de la communion de l'Eglise, et avec lui tous ceux qui lui rendront les honneurs et l'obéissance que l'on doit au roi ; chaque jour, sur l'autel de saint Pierre, cette excommunication sera renouvelée. Le pape termine par des plaintes amères sur l'inconduite du roi. Il y a longtemps, dit-il, que nous supportons ses iniquités ; il y a longtemps aussi, que, eu égard à son jeune âge, nous fermons les yeux sur les injures qu'il a faites à la sainte Eglise.

Le ton d'une bulle adressée, quelques jours après, le 8 décembre, à l’archevêque de Reims Manassès est à peu près identique[10]. Philippe Ier y est traité de loup rapace, de tyran inique, ennemi de Dieu et de l'Eglise et qui, en dépouillant les marchands, a manqué à ses devoirs envers le Seigneur et envers son royaume qu'il a ainsi déshonoré. Toutefois le pape ajoute : Que Votre Paternité sache que, si Philippe accorde les réparations que la justice exige, nous nous en réjouirons sans aucun doute et nous nous répandrons en actions de grâces envers Dieu, comme pour une brebis que nous avions perdue et qui est enfin retrouvée. Si, au contraire, le roi n'agit pas ainsi, il s'attirera la haine de Dieu et de la sainte Eglise romaine, et nous, qui présidons à ses destinées, nous nous engageons à nous opposer à lui de toutes nos forces et par tous les moyens possibles.

Ces menaces restèrent sans effet. Cependant l'excommunication ne fut pas prononcée et l'affaire en resta là. C'est la meilleure preuve que Grégoire VII n'a nullement songé à une guerre avec la France. Sans doute, comme c'est un pape religieux avant tout, il reste inflexible sur le terrain des principes ; il ne peut s'empêcher de céder aux emportements de sa nature fougueuse, mais il laisse percer l'ardent désir qu'il éprouve de la réconciliation de Philippe Ier avec l'Église. Ce souhait n'a rien que de très naturel : le pape est engagé dans la lutte du sacerdoce et de l'empire ; il jette les yeux du côté de la France où il voudrait trouver quelques auxiliaires.

Mais, en 1075, Grégoire VII fait paraître le fameux décret qui interdisait aux évêques de recevoir l'investiture laïque[11]. Ce décret aune portée générale ; il s'applique à la France comme aux autres pays. Grégoire VII veut affranchir l'Église et l'épiscopat du pouvoir laïque par la lutte contre la simonie et en faisant respecter la liberté des élections épiscopales. C'est un élément nouveau qui intervient dans la querelle et, pour comprendre le caractère plus complexe que vont prendre les rapports de la papauté et de la royauté, il faut démêler les raisons qui ont inspiré ce décret de Grégoire VII.

 

II

Le but primordial que s'est proposé le Saint-Siège, au XIe siècle, c'est la réforme des mœurs du clergé de France. Ce clergé ne donnait pas, à la fin du XIe siècle, l'exemple des vertus sacerdotales. Les chroniques, comme celle de Guibert de Nogent[12], les vies des saints, sont remplies d anecdotes peu édifiantes. Voici, à titre d'exemple, le tableau que la Vie de saint Bernard, abbé de Tiron, fait de ce désordre des mœurs cléricales en Normandie à la fin du XIe siècle[13] : c'était, dit-elle, une habitude parmi les prêtres de prendre femme publiquement et de se marier. Ils engendraient des enfants auxquels ils laissaient leurs églises comme héritage ; s'ils n'avaient que des filles, ils les mariaient et, s'ils n'avaient autre chose à leur offrir que leur église, ils la leur donnaient comme dot[14]. Au moment où ils se mariaient, avant de s'unir à leurs épouses, ils juraient, en présence de leurs parents, de ne jamais les abandonner, ce qui revenait à jurer, ajoute l'auteur, qu'ils ne cesseraient jamais d'être des prêtres fornicateurs, qu'ils ne s'approcheraient du corps et du sang du Christ que coupables et indignes, qu'ils mangeraient et boiraient ainsi leur condamnation. Bernard, abbé de Tiron, s'éleva avec force contre de pareilles habitudes et chercha à y faire renoncer ceux qui les avaient contractées. Il réussit auprès de quelques-uns, mais ne put arracher le plus grand nombre à l'abîme où ils étaient tombés ; les femmes des prêtres, avec leurs complices, craignant d'être délaissées, cherchèrent même à le faire périr.

Orderic Vital s'est fait l'écho d'une anecdote semblable[15] : il raconte comment Jean, archevêque de Rouen, pendant les dix années de son pontificat, lutta contre les prêtres impudiques qui avaient auprès d'eux des courtisanes ; un jour, à un concile, il les pria de renoncer à leurs concubines sous peine d'anathème. Mais celles-ci envahirent l assemblée et l'archevêque dut s'enfuir pour ne pas être lapidé.

Contre de telles pratiques Rome chercha à réagir : c'est là-dessus qu'avait porté tout l'effort des prédécesseurs de Grégoire VII. En 1059, le 13 avril, Nicolas II tint à Rome dans la basilique du Sauveur, dite de Constantin, un concile qui réunit cent treize évêques, de nombreux abbés, clercs et laïques ; il prit des décisions importantes qu'il communiqua ensuite, dans une encyclique solennelle, à tous les archevêques, évêques, abbés, clercs et laïques de la Gaule, de l'Aquitaine et de la Gascogne[16]. Cette encyclique traite longuement de l'hérésie nicolaïte, c'est à-dire des prêtres, diacres et autres clercs mariés. Le concile et le pape interdisent à tous les prêtres, diacres et sous-diacres qui auraient pris une concubine ou n'auraient pas abandonné celle qu'ils auraient prise, de célébrer la messe, de chanter l'Evangile, de lire l'Epître, d'assister à l'office divin avec ceux qui obéissaient à la constitution, d'exercer une fonction ecclésiastique quelconque jusqu'au jour où le Saint-Siège les y autoriserait.

Le décret de Nicolas II resta lettre morte. Les conciles en rappelèrent la teneur à plusieurs reprises, mais sans beaucoup de succès. En 1080, le concile de Lillebonne interdit aux prêtres, diacres, sous-diacres, chanoines et doyens, d'avoir une femme auprès d'eux. Si quelque prêtre était accusé d une infraction à ce décret, il devrait venir se justifier devant l'évêque, et s'il ne pouvait le faire, il perdrait son église sans espoir de la recouvrer jamais[17]. Ces décisions furent prises à l'instigation du roi d'Angleterre, mais il faut croire qu'elles n'eurent pas beaucoup d'effet, puisque, quelques années après, Bernard, abbé de Tiron, se trouvait en présence de la même situation.

Les papes, et en particulier Grégoire VII, suivirent les traditions de Nicolas II. Le 28 août 1074, Grégoire VII prie les évêques et les abbés de Bretagne de venir, en vertu de l'obéissance qu'ils doivent au Saint-Siège, assister au concile qui doit se tenir à Rome dans la seconde semaine du carême ; leur présence était, paraît-il, d'autant plus nécessaire qu'ils auraient à mettre fin dans leurs diocèses à beaucoup de commerces illicites[18]. Le 10 novembre 1076, il écrit à Adèle, comtesse de Flandre : J'ai appris que certains de vos conseillers se demandent si les prêtres, lévites et autres serviteurs des saints autels peuvent célébrer la messe, alors qu'ils persistent dans leur fornication. Je vous réponds, d'après l'autorité des Pères, que, en aucun cas, les ministres de l'autel qui se trouvent en état de fornication ne peuvent célébrer la messe, et qu'en outre ils doivent être chassés du chœur jusqu'à ce qu'ils puissent montrer de dignes fruits de leur pénitence. En conséquence, je vous prie de ne laisser célébrer les saints mystères à aucun de ceux qui sont endurcis dans ce crime[19]. Une lettre du 25 mars 1077, adressée à l'évêque de Paris, Geoffroy, est conçue dans des termes analogues : le pape le prie de signifier à tous ses confrères dans l'épiscopat d'excommunier les prêtres qui ne voudraient pas s'arracher aux turpitudes de la fornication, et si, en pareille matière, l'évêque rencontre des confrères tièdes ou fornicateurs eux-mêmes, il devra les considérer comme rebelles, les interdire au nom du Saint-Siège jusqu'à ce qu'ils soient revenus à une vie plus religieuse[20].

Urbain II et Pascal II observeront la même attitude. Le 24 novembre de l'année 1101 ou 1102, Pascal II écrira aux clercs de Térouanne pour se plaindre de leur union publique avec des femmes, malgré les décrets de ses prédécesseurs, en particulier d'Urbain II qui a prescrit que les prêtres mariés devaient être privés de leurs offices et bénéfices[21].

Ainsi les injonctions pontificales ne portaient guère leurs fruits. On voit par certaines lettres du clergé français qu'il lui en coûtait fort de se plier à la règle du célibat que Rome voulait lui imposer. En 1078, les clercs de Cambrai, dans une lettre aux clercs de Reims, élevèrent la voix contre les décrets de Grégoire VII relatifs au célibat ecclésiastique ; ils prétendirent invoquer en faveur du mariage des prêtres l'autorité du concile de Nicée et en même temps se plaignirent de la soumission des évêques aux volontés de Rome[22]. Les clercs de Noyon approuvèrent la lettre des clercs de Cambrai et citèrent plusieurs exemples à l'appui ; ils s'indignèrent en particulier de la prétention de Rome d'exclure de l’épiscopat et de toute fonction ecclésiastique les enfants de prêtres mariés[23]. Cette revendication n'eut pas de succès, car, en 1095, le concile de Clermont posa de nouveau en principe que les fils de prêtres et de concubines ne pourraient parvenir à la prêtrise s Ils n'avaient mené préalablement une vie très religieuse[24].

Le désordre des mœurs ne pouvait donc ètre réprimé, malgré tous les efforts des papes. Comme leurs exhortations restaient vaines, Grégoire VII, tout en luttant contre les mauvais prêtres, pensa que, pour arriver à un résultat sérieux, il fallait supprimer la cause même du mal, à savoir le mauvais recrutement du clergé, et en particulier de l'épiscopat[25]. Il voulut, par un décret de 1075, arracher complètement les élections épiscopales aux influences laïques qui permettaient aux plus riches et non pas aux plus dignes d'obtenir le gouvernement des diocèses.

Pour comprendre cet effort de la cour de Rome, il est nécessaire de déterminer quelles étaient à la fin du XIe siècle les règles des élections épiscopales[26].

L'évêque, à l'époque de Philippe Ier, est élu par le clergé et par le peuple. L'intervention du peuple est toujours mentionnée. Dans la lettre 27[27], Yves de Chartres déclare que les canons sont formels : ne peuvent être évêques ceux qui n'ont pas été élus par le clergé et par le peuple. La pratique correspond à la théorie. C'est toujours au clergé et au peuple que s'adressent les papes quand il s'agit d'une élection épiscopale. En 1079, Grégoire VII prie le clergé et le peuple d'Arles de remédier promptement aux maux qui désolent leur église en nommant un pasteur[28]. En 1088, Urbain II presse également les évêques, clercs et peuple de la province de Vienne de procéder à l'élection ; il leur montre tous les inconvénients qui résultent d'une vacance prolongée au delà de trois mois : les biens de l'Eglise et ses bénéfices sont souvent mis au pillage par certaines personnes peu religieuses[29]. Le même pape, rappelant la déposition de Geoffroy, évêque de Chartres, s'adresse au clergé et au peuple de Chartres (24 novembre 1090)[30] ; dans une autre bulle, il rapporte que ce clergé et ce peuple de Chartres ont à l'unanimité élu Yves pour pasteur, et il en résulte qu'on ne peut contester sa dignité au nouvel évêque[31]. Sous Pascal II enfin, il en était encore ainsi, car la chronique de Saint-Pierre du Puy raconte qu'en 1102, à la mort d'Aimar, évêque de cette ville, les citoyens, d'un commun accord, élurent Pons, abbé de la Chaise-Dieu[32]. Cependant il semble qu'au début du XIIC siècle, la part de l'élément laïque dans l'élection tend à diminuer : quand, en 1107, les clercs de Reims prient Raoul de renoncer à l'archevêché de Reims en faveur de Gervais de Rethel, ils lui reprochent de n'être ni désiré par le peuple, ni élu par le clergé, et en outre d'être rejeté par les princes et poursuivi par la haine du roi[33]. Ainsi le clergé seul élit ; les laïques se bornent à manifester leurs désirs.

Pour que l'élection fût valable, il fallait qu'il y eût unanimité dans le collège électoral. Yves de Chartres rapporte[34] qu'un clerc de son église, Guillaume, ayant été élu évêque de Paris, avant de conseiller à ce clerc d'accepter, il a voulu savoir si Guillaume avait été désigné par les votes de tous. C'est également ce qui ressort de deux lettres relatives à l'élection, en 1098, de Baudri, évêque de Noyon, écrites l'une par le doyen de l'église de Noyon[35], l'autre par l'archevêque de Reims Manassès[36] : Baudri avait été élu par l'unanimité du clergé et du peuple de Noyon.

Que faut-il maintenant entendre par clergé ? S'agit-il simplement du clergé séculier ou faut-il y comprendre aussi le clergé régulier ? Bien que celui-ci relevât fréquemment de Rome, il semble que dans certains cas il a pris part à l'élection. La participation des abbés à l'élection de l'évêque de Laon est prouvée par cette phrase de Guibert de Nogent au sujet de l'élection de Gaudri : Comme l'Eglise était restée vacante deux ans, nous nous réunîmes enfin pour élire un évêque[37]. Guibert a donc pris part à la réunion et on peut en conclure que d'autres abbés devaient y assister. De même quand, en 1087, à Limoges, Humbaud succéda comme évêque à Guy, Aimar, abbé de Saint-Martial, se révolta contre lui, parce qu'il n'avait pas été convoqué pour l'élection, comme cela était l'usage depuis longtemps. Ledit abbé alla même jusqu'à saisir de l'affaire le pape Urbain II, qui décréta que Humbaud ne pourrait être déclaré évêque sans l'assentiment de l'abbé de Saint-Martial. Finalement, les choses s'arrangèrent, mais cet incident n'en prouve pas moins que l'abbé de Saint-Martial avait le droit de faire partie du collège électoral, et même, ajoute la chronique de Saint-Martial à laquelle nous empruntons ce récit, il y entrait toujours en lutte avec les chanoines[38].

L'évêque, élu par le peuple et le clergé, doit l'être librement et sans contrainte. Là-dessus, Yves de Chartres ne varie pas ; à plusieurs reprises, il affirme qu'une désignation arrachée aux électeurs par la pression du roi doit être tenue pour nulle[39].

L'élection ne suffisait pas pour permettre au nouvel évêque de prendre possession de son siège ; il fallait qu'il obtint préalablement la confirmation du métropolitain et l'investiture royale ou seigneuriale.

Lors de l'élection de Baudri à l'évêché de Noyon, le métropolitain Manassès, archevêque de Reims, dut donner son assentiment (assensus). La lettre que Manassès écrivit, à ce sujet, à Lambert, évêque d'Arras, est très caractéristique : il informe Lambert que l'unanimité du clergé et du peuple de Noyon a élu Baudri évoque, et que, ne connaissant aucun empêchement canonique, il a donné son assensus ; la consécration aura donc lieu le dimanche dans l'octave de la Pentecôte et Lambert est invité à y assister[40]. Lambert s'excusa de ne pouvoir y venir[41] ; il souleva même des objections contre cette élection, car on voit par une autre lettre de Manassès que le pape dut intervenir en faveur de Baudri dont la consécration fut retardée jusqu'au dimanche après l'Epiphanie de l 'année suivante[42].

Le rôle du métropolitain dans cette élection a été le suivant : il a d'abord examiné s'il n'y avait pas d'empêchements canoniques ; il a donné son assentiment, et enfin il a consacré le nouvel élu. C'était donc lui qui était juge de la validité canonique des élections, et il pouvait casser celles qui lui paraissaient irrégulières. De fait, dans certains cas, il y a eu des contestations et l'assentiment du métropolitain n'a pas été obtenu sans peine.

Tel fut le cas de l'élection d'Yves de Chartres. En 1090, Yves, doyen de Saint-Quentin de Beauvais, fut élu évêque de Chartres ; ce siège était vacant parce que Geoffroy avait été déposé par le pape pour avoir dilapidé les biens de son église[43]. Les clercs de Chartres demandèrent, suivant l'usage : après cette élection canonique, à l'archevêque de Sens, Richer, de consacrer le nouvel élu ; celui-ci refusa. Ils en appelèrent alors au pape qui profita de cette occasion pour intervenir lui-même dans les affaires de l'Eglise de France. Il consacra Yves et pria Richer de prêter son concours au nouvel évêque dans le gouvernement de son église[44], en même temps qu'il félicitait le clergé et le peuple de Chartres de leur choix[45]. Richer n'en persévéra pas moins dans son attitude hostile à Yves qui, peu de temps après, lui reprocha de lancer contre lui des accusations injustes, de ne pas le considérer comme évêque malgré les ordres formels du Saint-Siège et malgré son obéissance filiale, de prétendre sans cesse qu'il avait pris d'assaut le siège de Geoffroy, alors qu'un décret du pape avait formellement excommunié ceux qui aideraient Geoffroy, enfin de qualifier de quelconque la bénédiction qui lui avait été donnée par le pape et les cardinaux[46].

Le successeur de Richer sur le siège de Sens, Daimbert, eut à examiner au point de vue canonique plusieurs élections embarrassantes. En 1099, lors d'une vacance à Nevers, les électeurs se divisèrent. Yves de Chartres conseilla à Daimbert de choisir celui qui lui paraissait être le plus digne et qui avait obtenu le plus de suffrages ; mais, comme on ne pouvait pour le moment imposer les mains à personne, Yves jugea plus prudent de porter l'affaire devant le prochain concile qui examinerait les suffrages des électeurs et les titres des élus[47]. Quatre ans plus tard, en 1103, Daimbert eut à trancher un autre cas difficile à Meaux : des contestations s'étaient élevées au sujet de l'élection à ce siège de Manassès : pas d'accusations positives, mais simplement des soupçons et des rumeurs ; Yves de Chartres conseilla vivement à Daimbert de passer outre ou, en tout cas, pour être plus sur, de faire examiner la cause par quelques clercs de l'église de Meaux[48].

En résumé, le métropolitain confirme l'élection faite par le clergé et le peuple et consacre l'évêque. Mais, avant de procéder à cette consécration, ne consulte-t-il pas les autres évêques de la province ? Nous avons vu que Lambert, évêque d'Arras, avait fait une certaine opposition à l'élection de Baudri à Noyon, mais en somme cette opposition se réduisit au refus de venir au sacre, et on ne tint pas compte des objections qu’il souleva. Une lettre d'Yves de Chartres au sujet de l'élection de Manassès à Meaux, en 1103[49], semble indiquer qu'on lui a demandé son avis, ou tout au moins qu'il s'est cru autorisé à le donner. Il se réjouit de l'élection de Manassès et il assisterait volontiers à sa consécration, mais il redoute les dangers qui le menacent sur la route ; il n'en est pas moins disposé à s'y rendre si Daimbert peut lui assurer un sauf-conduit ; en tout cas, si la crainte du roi ou d'autres ennemis l'empêchent de venir, il confirmera par lettre et de cœur ce qu'il ne pourra faire de corps.

Bien qu'Yves prononce le mot de confirmation, il ne semble pas que le terme ait ici toute sa force. Les évêques de la province, après que le métropolitain avait donné son assensus, étaient invités à la cérémonie du sacre, et par là donnaient en quelque sorte leur assentiment à une élection à laquelle ils avaient souvent déjà participé ; nous les avons vus, dans quelques-uns des exemples cités plus haut, intervenir dans l'élection avec le clergé et le peuple. En tout cas, ils assistaient généralement à la consécration. Quand, en 1095, Philippe, nouvellement élu évêque de Châlons, vint se faire consacrer à Reims, plusieurs suffragants de la province accoururent eux aussi : c'étaient Hugues, évêque de Soissons, Géraud, évêque de Térouanne, Gervin, évêque d'Amiens ; Notcher, abbé d'Altvillers, auquel on doit un récit de cette cérémonie, dit que leur présence était nécessaire pour que la consécration fût canonique — ad quam canonice administrandam[50].

C'est seulement lorsqu'il s'agissait de l'élection d'un métropolitain que l'assenas était réservé à un simple évêque, sans doute au plus ancien. A la mort de Renaud, archevêque de Reims (1096), le clergé et le peuple de Reims procédèrent à l'élection de son successeur, et, aussitôt, ils avertirent Lambert, évêque d'Arras, que, comme les ennemis de Dieu s'efforçaient d'assaillir l'église de Reims de pièges et d'innombrables persécutions, ils avaient élu en toute hâte et selon les règles canoniques Manassès, doyen de leur église ; ils demandaient à Lambert de confirmer immédiatement leur élu et de leur prêter son concours en toutes choses relatives à cette élection[51]. Lambert répondit qu'il se réjouissait de l'élection de Manassès qui lui paraissait digne de l'épiscopat tant par sa naissance que par ses mœurs, et qu'il donnait pleinement à cette élection son assensus[52]. Il résulte d'autre part d'une lettre de Manassès à Lambert qu'il comptait sur l'évêque d'Arras pour le promouvoir au diaconat et au sacerdoce, ce qui, d'ordinaire, était du ressort du métropolitain[53].

Ainsi, à la fin du XIe siècle, la théorie que l'évêque est élu par le clergé et le peuple et qu'il est ensuite confirmé et consacré par le métropolitain est toujours officiellement en vigueur, et elle est appliquée dans un grand nombre de cas. Cependant deux mouvements se dessinent, l'un qui tend à écarter l'élément laïque pour faire passer l'élection aux mains des chanoines, l'autre qui a pour but de substituer au métropolitain le pape ou le légat pontifical.

De la première tendance, il n'y a, à l'époque de Philippe Ier, que de faibles indices ; nous avons vu que les papes eux-mêmes admettaient le droit populaire. Dans un seul cas, l'élément laïque et l'élément ecclésiastique, ou plus spécialement canonical, sont entrés en conflit ; c'est lors de l'élection, en 1101, de Renaud de Martigné à Angers.

Dans une lettre que Geoffroy de Vendôme adressa plus tard à Renaud[54], il lui reprocha avec force de s'être laissé élire contrairement aux règles canoniques, d'avoir été porté à l'épiscopat par une véritable conspiration populaire. Hildebert, évêque du Mans, dans une lettre à l'archevêque de Tours, Raoul[55], complète les renseignements donnés par Geoffroy : l'élection aurait été arrachée, dit-il, par les cris séditieux d'une foule en délire, et la plus grande partie du chapitre aurait refusé son consentement ou se serait dérobée par peur ; dans ces conditions, Hildebert refuse de donner son assentiment à une telle élection en assistant à la consécration de Renaud. Cette invasion de l'élément populaire avait d'ailleurs provoqué une protestation des chanoines de Saint-Maurice d'Angers, et nous voyons par une lettre, adressée par eux à Geoffroy, abbé de Vendôme[56], qu'ils organisèrent une réunion des évêques et abbés voisins et d'autres hommes très religieux pour examiner l'élection. Geoffroy ne put venir[57], mais il épousa pleinement la cause des chanoines : il supplia Guillaume, abbé de Saint-Florent de Saumur, de ne pas faire défection dans la cause de Dieu contre Renaud[58] ; il écrivit dans le même sens à Bernier, abbé de Bonneval[59] ; il encouragea l'évêque du Mans Hildebert dans sa résistance[60] ; il chercha enfin à gagner à la cause des chanoines l'archevêque de Tours, Raoul[61]. De ce côté, il fut moins heureux, et l'intervention énergique de l’évêque de Rennes, Marbod, décida Raoul à consacrer Renaud malgré l'hostilité d'Hildebert, évêque du Mans. Raoul avait décidé de réserver l'affaire à Rome, mais, comme le révèle une lettre écrite plus tard par Marbod à Renaud[62], l'évêque de Rennes insista tellement qu'il décida l'archevêque de Tours à procéder à la consécration du nouvel évêque d'Angers. Marbod, que les ennemis de Renaud parvinrent un moment à jeter en prison, ne fut guère récompensé, car nous savons, par la même lettre, qu'il fut plus tard dépouillé par son protégé.

Ainsi les chanoines essayent, dans cette élection, d'annuler les décisions du peuple qui est intervenu de façon tumultueuse et a imposé son choix par ses cris ; ils veulent limiter le collège électoral à eux-mêmes, aux évêques et aux abbés de la province. Mais leur tentative échoue, et la vieille règle de l'élection par le clergé et le peuple triomphe, bien que Renaud ne réunisse pas les conditions canoniques.

Toutefois, si rien n'est changé au mode d'élection, Rome intervient souvent ; les papes ou leurs légats font de la candidature officielle et même, dans certains cas, imposent leurs candidats sans consulter le clergé et le peuple.

Le 1er mars 1079, Grégoire VII annonce au clergé et au peuple d'Arles[63] qu'il leur envoie Léger, évêque de Gap, afin qu'ils examinent avec lui la situation de leur église, qu'ils choisissent un évêque selon Dieu, qu'ils le fassent approuver par Hugues de Die, à moins qu'ils ne préfèrent prendre pour pasteur, s'ils ne trouvent personne qui réponde à ces conditions, Léger lui-même qu'il a déjà consacré et à qui il a remis le pallium. C'est aussi clairement que possible inviter les électeurs à fixer leur choix sur Léger.

Ailleurs, la papauté se réserve les élections contestées. C'est le cas d'Yves de Chartres, consacré par Urbain II, malgré l'opposition de son métropolitain 3. C'est celui de Landri, évêque de Mâcon, que Grégoire VII consacra lui-même, en ordonnant au clergé et au peuple de Mâcon de lui obéir, d'autant plus qu'il était pur de toute simonie[64]. De même encore, le 20 décembre 1091, Urbain II intervient à Amiens pour confirmer l'élection canonique de Gervin et réprouver ceux qui voulaient l'empêcher de devenir évêque[65]. A défaut du pape, le légat pontifical tient sa place : en 1097, lors de l'élection d'Anseau à Beauvais, Hugues de Die fait dire à Manassès, archevêque de Reims, par Engeran, évêque de Laon, qu'il accorde à cette élection sa faveur et son assentiment (gratiam et assensum). Manassès transmet la nouvelle à Lambert, évêque d'Arras, et l'invite à venir à Reims pour la cérémonie de la consécration[66].

Ces interventions continuelles ne furent pas acceptées sans murmure par l'épiscopat français. En 1097, au sujet de la consécration de l’évêque de Nevers, Yves de Chartres, dans une lettre à Hugues de Die[67], exprime des vues très différentes de celles du légat pontifical. Hugues voulait consacrer le nouvel élu à Autun : Yves, sans critiquer cette disposition par déférence pour son chef hiérarchique, ne peut non plus l'approuver parce qu'elle lui paraît contraire à tous les usages et qu'elle porte atteinte aux droits du métropolitain. Il est vrai que pour le moment le métropolitain de Nevers était suspendu de sa fonction[68], mais Yves aurait pu, avec ses confrères de la province, procéder à la consécration suivant l'usage et avec l'autorisation du légat.

Yves de Chartres essaie donc de conserveries traditions de liberté en face des ingérences perpétuelles de la papauté et de ses légats dans les nominations épiscopales. Le mouvement n'en était pas moins difficile à enrayer, et déjà, dans certains cas, dès l'époque de Grégoire VII, le Saint-Siège s'était complètement substitué aux électeurs en désignant lui-même le nouvel évêque.

C'est ce qui se produisit notamment à Dol en 1076. Joël, évêque de Dol, avait donné, au dire de Grégoire VII[69], de magnifiques présents au comte Alain et s'était glissé dans l'Eglise comme un voleur et un brigand ; puis il avait eu l'audace de se marier publiquement et, plus tard, de donner, comme dot, aux filles qui lui étaient nées de son union illicite, les biens et les revenus de l'église de Dol ; le pape le frappa d'anathème. Le clergé et le peuple de Dol élurent alors pour évêque un tout jeune homme, du nom de Gelduin, qu'ils adressèrent ensuite au pape pour qu'il le consacrât. Grégoire VII ne voulut pas consacrer Gelduin qui n'avait pas l'âge canonique et, en communiquant cette décision au. clergé et au peuple de Dol, il leur déclara qu'il avait su que leur église avait été longtemps opprimée par un tyran et qu'il ne voulait pas la laisser davantage sans pasteur, en vertu de quoi il nommait évêque de Dol Yves, abbé de Sainte Melaine[70]. Le même jour (27 septembre 1076), il annonça cette désignation d'Yves comme évêque de Dol aux évêques de la Bretagne[71] et aussi, semble-t-il, à Guillaume le Conquérant[72]. Le roi d'Angleterre intercéda en faveur de Joël, et le pape, bien que l'évêque déposé se fût plongé dans les pires crimes et n'eût jamais fait preuve d'obéissance, consentit, pour être agréable à Guillaume, à faire examiner l'affaire par Hugues de Die, par Hubert, sous-diacre de l'église romaine, et par le moine Teuzon[73] (21 mars 1077). Mais il est à remarquer que ce qu'il consent à laisser contester, ce sont les raisons qui ont provoqué la déposition de Joël et non pas celles qui lui ont fait nommer Yves sans que le clergé et le peuple eussent été consultés. La papauté s'arroge maintenant le droit qui ne lui avait jamais appartenu de désigner elle-même l'évêque lorsque le candidat du clergé et du peuple ne pouvait être, pour une raison ou pour une autre, agréé par elle.

Yves de Chartres lui-même accepte la désignation de l'évêque par le pape dans certains cas. En 1107, le clergé de Dol, avec l'assentiment du comte Etienne, élut pour évêque Vulgrin qui appartenait au diocèse de Chartres. Yves remercia aussitôt les clercs d'avoir songé à Vulgrin, mais Vulgrin ne désirait pas devenir évêque et on ne pouvait l'y contraindre malgré lui ; il les priait donc de procéder à une nouvelle élection ; sinon il demanderait au pape de leur désigner lui-même un évêque et, en tout cas, Vulgrin n'irait à Dol qu'absolument forcé par le pape[74]. Le pape écouta le clergé de Dol et donna son assensus à leur choix, car, peu de temps après, Yves supplia Pascal II, au nom de Vulgrin, de revenir sur sa décision et de ne pas rester une seconde fois sourd à ses supplications ; Vulgrin, quoique instruit et de mœurs irréprochables, ne pouvait actuellement supporter le fardeau de l'épiscopat[75].

Il n'en est pas moins curieux de voir Yves de Chartres qui, dans plusieurs cas, soutint les traditions contre les interventions romaines, solliciter ici une nomination contraire à tous les usages. D'ailleurs si, au XIe siècle, la papauté a souvent déposé des évêques, elle ne les a que fort rarement remplacés de sa propre autorité et a généralement respecté les règles. Ainsi, quand, en 1081, Ursion, évêque de Soissons, fut déposé par Hugues de Die au concile de Meaux, parce que sa conduite et ses antécédents le rendaient indigne de cette dignité, Hugues ne nomma pas lui-même son successeur. Au contraire, rapporte la Vie de saint Arnoul à laquelle nous empruntons ce récit[76], le clergé et les laïques élurent Arnoul, alors reclus, et demandèrent instamment qu'il leur fût donné pour évêque. Il y a donc eu élection. Le rôle du légat se borna à envoyer quelques membres du concile trouver saint Arnoul au monastère de Saint-Médard de Soissons pour lui enjoindre, au nom de l'Eglise romaine, de venir aussitôt au concile de Meaux sous peine d'encourir l'anathème. Arnoul ne put qu'obéir à un ordre aussi formel ; bien qu'il lui en coutât beaucoup, il vint au concile ; on relut devant lui la pétition du clergé et du peuple de Soissons qui l'élisait évêque. Les évêques présents l'acclamèrent à leur tour et lui ouvrirent leurs rangs. Hugues de Die n'a donc fait ici qu'observer les règles ordinaires des élections épiscopales.

Ainsi, à l'époque de Grégoire VII et de Philippe Ier, la règle des élections épiscopales est, sauf exception, la suivante : l'évêque est élu par le clergé et le peuple, consacré par le métropolitain auquel se substitue parfois le pape ou le légat pontifical.

L'évêque, ainsi élu, doit-il recevoir une confirmation, une investiture du souverain temporel, roi ou seigneur ? Telle est la question qui se pose maintenant[77].

Jusqu'en 1075, l'investiture laïque a toujours été admise. C'est une conséquence du régime féodal ; une terre est jointe à l'évêché et, comme cette terre dépend d'un seigneur, son titulaire ecclésiastique fait hommage, comme tout vassal, à son suzerain. Cet usage a été admis par la papauté et par Grégoire VII lui-même, au début de son pontificat. La bulle de 1073, que nous avons déjà citée, en est une preuve absolue. Elle a trait à une affaire d'élection épiscopale à Mâcon, évêché royal.

En 1073, l'église de Mâcon fut pendant quelque temps privée de pasteur[78]. Philippe Ier laissa faire l'élection : Landri, archidiacre d'Autun, fut élu par l'unanimité du clergé et du peuple, mais le roi prétendit ensuite l'empêcher de prendre possession de son siège. Il résulte d'une lettre de Grégoire VII à Roclin, évêque de Chalon-sur-Saône (4 décembre 1073) que Philippe Ier avait voulu se faire payer une somme d'argent pour conférer l'investiture ; le pape pria Roclin d'intervenir auprès du roi pour qu'il laissât installer Landri, en lui concédant gratuitement l'épiscopat comme il convient[79]. Les clercs de Mâcon s'étaient, en effet, plaints à Rome de ce que Philippe Ier, bien qu'il eût consenti à l'élection de Landri, refusât maintenant de donner son investiture. Grégoire VII s'occupa activement de l'affaire. C'est à ce moment qu'Aubri, chancelier du roi, vint à Rome faire, au nom de son maître, les plus belles promesses. Le pape répondit que, pour prouver sa bonne volonté, Philippe Ier n'avait qu'à ratifier l'élection faite par les clercs de Mâcon ; il chargea Roclin d'insister dans ce sens auprès du roi, afin que, renonçant au honteux commerce de la simonie, il laissât toujours des personnes suffisamment aptes aux fonctions épiscopales être placées à la tête des diocèses. On ne connaît pas la réponse que Philippe Ier fit à Grégoire VII pari l'intermédiaire de Roclin, En tout cas, le parti de la réforme eut gain de cause. En 1074, probablement le 15 avril, Grégoire VII put annoncer à l'archevêque de Lyon, Humbert, qu'il venait d'ordonner Landri[80].

L'attitude de Grégoire VII dans toute cette affaire est très nette : il admet l'investiture du roi à l'évêché de Mâcon, puisqu'il supplie Philippe Ier de ratifier le choix des clercs ; il reproche seulement à Philippe Ier d avoir vendu le siège. Cette bulle n'est pas un décret contre l'investiture laïque, elle ne fait que condamner la simonie.

Donc, au début de son pontificat. Grégoire VII autorise l'investiture laïque. En 1075, au contraire, par le fameux décret qui parut au cours du carême, il interdit aux évêques de toute la chrétienté d'accepter l'investiture des séculiers et de leur prêter le serment féodal d'hommage. Le pape prend une attitude toute nouvelle : il condamne non seulement le trafic des évêchés, la simonie, mais toute espèce d'investiture laïque. Toutefois, en proscrivant l'investiture : c'est la simonie qu'il veut atteindre : nulle part le décret n'a été plus rigoureusement appliqué qu'en Allemagne, parce que nulle part la simonie ne faisait plus de ravages, par suite de l'importance des domaines attachés à l'évêché. Telle est la véritable origine de l'attitude du pape : certains parmi ses contemporains s'en sont rendu compte.

Geoffroy, abbé de Vendôme, dont les idées sur l'investiture se rapprochent beaucoup de celles de Grégoire VII, a fort bien montré comment la simonie, sous une forme ou sous une autre, découlait de l'investiture. Dans une lettre où il reproche à Renaud, évêque d'Angers, d'avoir reçu le bâton pastoral d'une main laïque[81], il se déclare adversaire de ce genre d'investiture non seulement parce qu'elle est contraire aux canons du concile de 1075, mais aussi parce que l'investiture lui paraît inséparable de la consécration épiscopale. L'investiture, dit-il, est un vrai sacrement, c'est-à-dire un signe sacré, par lequel l'évêque est distingué du commun des hommes, par lequel aussi il est chargé du soin pastoral du troupeau chrétien ; elle lui confère la faculté de disposer de tous les biens de l'église. Elle ne peut donc être donnée que par le pouvoir spirituel. Car, si le pouvoir temporel revendique la faculté de donner l'investiture à l'évêque, c'est uniquement pour extorquer de l'argent à celui-ci ou, ce qui est plus grave, pour assujettir la personne de l'évêque. Il n'y a pas de laïque, ajoute Geoffroy, qui, même si on le lui permettait, désirerait donner l'anneau et le bâton s'il n'y avait, par derrière, l'espoir d'un gain temporel. L'Eglise a le pouvoir de donner les sacrements aux laïques, mais non d'en recevoir certains de leur part.

Ainsi Geoffroy est adversaire de l'investiture laïque parce qu'il se défie du pouvoir temporel qui n'est jamais désintéressé : l'investiture a pour conséquence la simonie, c'est-à dire la vente des dignités ecclésiastiques.

En fait, il en avait été souvent ainsi en France dans la période qui précéda le décret de 1075, et l'on peut dire que les exemples d'évêques simoniaques abondent sous le pontificat d'Alexandre II. En 1063, Alexandre II ordonne de rejeter Ribert qui s'était emparé du siège de Gap[82]. La même année, il se plaint à Gervais, archevêque de Reims, de ce que la peste simoniaque, qui jusque-là avait l'habitude en France de ramper timidement, ose maintenant relever la tête ; il en rejette la faute sur les archevêques, car ceux qui achètent les évêchés ne le feraient pas s'ils ne comptaient sur leur consécration ; il prie spécialement Gervais de ne pas consacrer Joscelin, archidiacre de Paris, qui est parvenu à l'archidiaconat par l'argent et par l'homicide[83], et qui maintenant vient d'acheter l'évêché de Soissons ; il le prie également de frapper l'évêque de Beauvais qui pille les biens ecclésiastiques et gouverne fort mal le peuple de Dieu[84]. Toujours en cette année 1063, Alexandre II signale le cas de Audri, évêque d'Orléans, qui doit son évêché à la simonie[85] ; un peu plus tard, vers 1065 sans doute, il écrit encore à Gervais pour l'informer du parjure qu'a commis le même Audri au concile de Chalon. devant le légat Pierre Damien, et il demande à l'archevêque de Reims de prêter son concours à celui de Sens pour expulser l'évêque simoniaque[86]. En 1064, c'est le tour de Geoffroy, évêque de Narbonne, accusé de simonie[87]. Une accusation de ce genre avait pesé aussi sur Foulque, évêque de Cahors, mais Alexandre II reconnut que Foulque s'était justifié[88], et il enjoignit au clergé et au peuple de Cahors de le reconnaître pour évêque[89]. Enfin nous avons vu, au début du pontificat de Grégoire VII, le rôle de Philippe Ier dans l'élection de Mâcon. Toutes ces élections simoniaques expliquent pourquoi Grégoire VII a donné une portée générale au décret de 1075, au lieu de le restreindre à l'Allemagne qu'il visait plus spécialement. Dans quelle mesure allait-il l'appliquer ? N'allait-il pas être obligé de faire des concessions ?

 

III

Il semble que Grégoire VII n'ait pas immédiatement promulgué en France son décret sur l'investiture. La querelle des investitures n'y commence qu'en 1077, après le concile d'Autun dont il a été plusieurs fois question et où le décret fut sans doute notifié par Hugues de Die[90]. Ce retard s'explique par l'acuité du conflit avec l'Allemagne. En 1076, la rupture a été consommée entre le pape et l'empereur ; Henri IV est sous le coup de l'excommunication. Delà une tentative de rapprochement avec la France. Dans une lettre à l'archevêque de Tours (1er mars 1077), Grégoire VII fait allusion à l'éventualité d'un séjour en France, au cas où il irait en Allemagne[91]. Ce voyage en Allemagne avait été résolu à la fin de 1076, mais la réconciliation de Canossa (janvier 1077) l'avait rendu inutile. Aussi Grégoire VII écrivait-il à l'archevêque de Tours qu'il ne savait pas s'il irait lui-même en France ou s'il enverrait simplement ses légats. Quoi qu'il en soit, à la suite de la paix avec l'Empereur, il n'a plus les mêmes motifs de ménager la France ; il peut publier ses décrets contre l'investiture laïque, mais aussitôt il va se heurter au roi Philippe Ier qui n'entendait pas abandonner ses droits.

Philippe Ier a toujours été considéré comme le type du roi simoniaque. Guibert de Nogent l'appelle un homme très vénal en ce qui concerne les choses de Dieu[92]. Ce mot trouve son commentaire dans une lettre d'Yves de Chartres et dans la Vie de saint Gautier, abbé de Pontoise.

Yves de Chartres, dans une lettre à Hugues de Die écrite au début de 1098[93], raconte la mésaventure arrivée à l'abbé de Bourgueil. L'abbé de Bourgueil, au moment de la Noël de l'année 1097, vint à la cour du roi, les mains pleines, pour y recevoir l'évêché d'Orléans que la reine Bertrade lui avait promis. Mais son concurrent l'avait devancé et avait versé une somme plus forte. L'abbé se plaignit. Philippe Ier lui répondit : Patientez jusqu'à ce que j'aie suffisamment tiré profit de votre rival ; ensuite vous le ferez déposer comme simoniaque, et je donnerai satisfaction à votre désir. Le roi s'arrangeait pour recevoir des deux côtés. C'était un moyen pour Bertrade d'Anjou de payer ses nombreux créanciers : elle mettait à l'encan les dignités épiscopales[94].

L'auteur contemporain de la Vie de saint Gautier, abbé de Pontoise, dit que ce saint n'hésitait pas à parler aux grands en toute franchise. Or, un jour, il alla trouver Philippe Ier ; celui-ci, connaissant la grande fermeté d'âme de cet homme de Dieu, sachant qu'il ne savait pas flatter ceux qui avaient quelque péché à se reprocher, rougit de s'entendre faire de sanglants reproches en présence de ses seigneurs, et il lui demanda de s'entretenir avec lui sans témoins. Le saint y consentit et lui adressa la parole en ces termes : Nous savons tous sans le moindre doute, dit-il, qu'aucune de nos bonnes ni de nos mauvaises actions ne reste sans récompense ou sans châtiment : dans ces conditions, je m'étonne que vous ô roi, qui pesez chacun de vos actes, vous fassiez le mal avec indifférence et sans y prêter la moindre attention. Dieu vous a mis à la tête de son peuple pour le conduire et le gouverner, car il n'y a pas de pouvoir comme dit l'apôtre, qui ne vienne de Dieu et toutes choses ont été ordonnées par lui. si bien que quiconque résiste au pouvoir résiste à Dieu. Si donc, selon l'apôtre, vous avez reçu le pouvoir de Dieu, si vous avez mérité d'être appelé roi, vous devez gouverner le peuple de Dieu et non le détourner de ses devoirs ; vous devez observer les commandements et vous abstenir de ce que Dieu ne permet pas. Grâce à vous et par vous, les dons gratuits du Saint-Esprit sont vendus ainsi que les dignités qu'il confère ; or ces dons, vous ne pouvez ni les conférer, ni à plus forte raison les vendre. Ne vous souvenez-vous donc pas que Notre-Seigneur a chassé les vendeurs du temple en leur disant : Emportez toutes vos marchandises et ne faites pas de la demeure de mon Père une maison de commerce ? Qu'a voulu faire par là notre Sauveur, sinon détruire le pouvoir de ceux qui vendent les dons du Saint-Esprit. Tous les offices ecclésiastiques, toutes les choses qui touchent à l'Eglise de Dieu, ce sont des dons du Saint-Esprit. Or dites-moi de qui vous avez reçu les clefs du royaume des cieux pour donner et vendre le pouvoir de lier et de délier ? Le concile de Tolède et d'autres encore ont interdit l achat des dignités ecclésiastiques ainsi que la vente des autels et des dîmes. Enfreindre ces décisions, c'est se ranger, tous les fidèles le savent, parmi les hérétiques simoniaques. Tous les laïques qui détiennent quelque chose dans une église, tous les clercs qui servent ainsi sous leurs ordres, tous ceux qui confirment de telles situations, méprisent les lois de Dieu ; s'ils ne viennent à résipiscence, ils s'exposent aux peines éternelles et déjà, dès cette vie, ils sont considérés par ceux qui croient comme des apostats. Voyez, en effet, tous les maux qui résultent de cette vente des dignités ecclésiastiques. Tandis que vous les vendez, ceux qui les ont achetées vendent à d'autres les ordres sacrés. Et de tous ces maux, songez-y bien, vous êtes la source. Ainsi les églises sont dépouillées, car ces acheteurs simoniaques vendent tout ce qu'ils y trouvent, et jusqu'aux ornements sacrés pour acheter ensuite d'autres dignités ecclésiastiques[95].

C'est en ces termes que saint Gautier apostrophait Philippe Ier. Il insista encore sur cette idée, ajoute la Vie du saint, qu'en vendant les dignités, il donnait le mauvais exemple et se rendait coupable des crimes de tous ceux qui l'imitaient. Il joignit d'ailleurs l'exemple à la parole. Quelque temps après les décrets de Grégoire VII sur la simonie, raconte l'auteur anonyme de sa vie[96], un concile avait été convoqué à Paris pour examiner précisément la décision du pape qui interdisait la célébration de la messe aux prêtres simoniaques. Comme tous ceux qui assistaient à ce concile, évêques, abbés, clercs, étaient d'avis de ne pas obéir à l'ordre du pape qu'ils jugeaient impossible à exécuter, saint Gautier se leva et, en présence de tous, il s'écria : Votre décision est honteuse et doit soulever la désapprobation générale. Ce fut aussitôt une vive irritation contre le serviteur de Dieu. Les soldats du roi vinrent prêter main-forte à ceux qui assistaient au concile. Saint Gautier fut saisi, abreuvé d'outrages et emmené en prison. Il fut délivré ensuite grâce à l'intervention de ses amis, et dès lors vécut hors du siècle, d'une vie très austère.

Cet incident est significatif de l'accueil fait par Philippe Ier aux décrets de Grégoire VII sur la simonie. Cette simonie est pour lui un moyen de gouvernement, et il entend la pratiquer. A la théorie de Grégoire VII il oppose la sienne : il veut donner l'investiture aux évêques nouvellement élus, avant même leur consécration. Yves de Chartres, retraçant à l'archevêque de Sens son élévation au siège de Chartres, dit qu'après avoir été élu par le clergé, il a été présenté au roi qui l'a investi avec la crosse[97]. De là le roi en vint facilement à surveiller les élections épiscopales, et il résulte d'une autre lettre d'Yves de Chartres[98] que les élections ne pouvaient se faire sans son assentiment. Maître des élections et homme sans scrupule, Philippe Ier vendra les évêchés au plus offrant, et toutes ses interventions dans les élections qui eurent lieu, à la fin du XIe siècle, dans les évêchés royaux justifieront pleinement les reproches que lui adresse saint Gautier, abbé de Pontoise.

Aussi le décret de 1075 a-t-il peu de portée en France, car les seigneurs imitent l'exemple du roi et ne veulent pas se laisser arracher leurs évêchés ; les cas de simonie sont presque aussi nombreux sous Grégoire VII que sous Alexandre II. Frotaire, pour obtenir l évêché d'Albi, donne quinze chevaux d'un grand prix à Frotier, évêque de Nîmes, et à son frère Bernard, qui avaient l'habitude de se faire payer leurs services à tel point qu'un candidat ne pouvait se passer de leur patronage. Accusé de simonie, il est mandé à Rome par Grégoire VII et s'y rend en compagnie de Hugues. écolâtre de Conques[99]. Grégoire VII veut l'écarter parce qu'il est simoniaque ; il va trouver l'antipape Guibert et se fait reconnaître par lui ; il retourne à Albi, montre une fausse bulle de Grégoire VII aux chanoines de la cathédrale et il est reçu par eux comme leur évêque. Mais il ne veut pas donner à Hugues ce qu'il lui avait promis ; Hugues montre à Gaubert, trésorier de l'église d'Albi, la bulle de Guibert et révèle que celle attribuée à Grégoire VII par Frotaire, n'est pas de lui. Finalement Hugues de Die convoque un concile à Toulouse et Frotaire est excommunié.

La correspondance de Grégoire VII révèle plusieurs faits de ce genre. Le 20 mars 1077, le pape apprend aux évêques de France que l'évêque du Puy, Etienne, est un simoniaque endurci, qui a refusé d'obéir aux avertissements de Hugues de Die ; en conséquence, il a été excommunié, et le pape prie de ne plus envoyer d'argent à Notre-Dame du Puy jusqu'à ce que cette église soit délivrée d'une pareille oppression[100]. Le même jour, il prie les chanoines du Puy de ne plus obéir à Etienne et d'élire sans tarder un nouvel évêque[101].

Deux bulles sont relatives au cas de Lambert, évêque de Térouanne. La vie de Jean, évêque de Térouanne, raconte que Hubert, évêque de cette ville, fut violemment chassé de son siège et que Lambert, grâce à l'appui du comte, s'empara de l'évêché par force ; il fit enfoncer les portes de l'église, mit en fuite le clergé qui lui était hostile et opprima le diocèse pendant près de deux ans[102]. Grégoire VII ne put garder le silence en face de pareils événements : il reprocha violemment au comte Robert d'avoir soutenu Lambert, qui avait publiquement acheté son siège, de lui avoir même prêté son appui pour envahir cette église[103]. En même temps il supplia le clergé et le peuple de Térouanne de considérer Lambert comme un envahisseur[104]. Lambert ne voulut rien entendre, mais, ajoute la Vie de Jean[105], il dut quitter son siège de la même façon qu'il l'avait pris : à la suite d'une véritable émeute dans laquelle la langue et deux doigts de la main droite lui furent coupés, Géraud le remplaça sur le siège de Térouanne après avoir été élu par le clergé et le peuple.

La première élection dans laquelle Philippe Ier eut l'occasion d'intervenir fut celle de Chartres en 1077. Un moine du nom de Robert s'était emparé du siège de Chartres ; Hugues de Die le pria, sans doute parce qu'il avait versé de l'argent au roi, d'abandonner sa dignité épiscopale ; Robert, qui avait promis de se conformer à la sentence du légat, n'en garda pas moins l'évêché. Aussitôt Grégoire VII, par une bulle du 4 mars 1077[106], pria le clergé et le peuple de Chartres de ne plus considérer Robert comme évêque et de ne plus lui obéir. Richer, archevêque de Sens et métropolitain de Chartres, qui n'ignorait pas pour quelle cause le moine Robert avait été chassé de son siège épiscopal, fut prié de surveiller l'élection et de consacrer aussitôt le nouvel élu[107].

Dans ces deux bulles, Grégoire VII fait bien allusion à la façon dont Robert aurait acquis son siège, mais Philippe Ier n'est pas nommé. Il l'est au contraire dans une autre lettre adressée à Hugues de Die et qui n'est pas datée[108]. Dans cette bulle, Grégoire VII approuve son légat d'avoir excommunié et déposé le jeune usurpateur, .ce qui prouve que la bulle est postérieure aux deux autres. Le pape ajoute : Vous apprendrez d'ailleurs que Philippe, roi de France, nous a fait demander par deux fois d'approuver et d'ordonner comme évêque de Chartres Robert, moine de Sainte-Euphémie en Calabre, qui, cette année même, pendant que je me trouvais en Lombardie, est allé en France. Robert est ensuite revenu et m'a dit qu'il avait refusé l'épiscopat que lui offrait le roi, qu'il n'avait rien Voulu faire et qu'il ne ferait rien sans mon conseil. Deux clercs de ladite église sont venus avec lui, et voici ce qu'ils m'.ont rapporté et affirmé : presque tous les suffrages des personnes les plus importantes et les meilleures de l'église de Chartres allaient à Robert, mais il n'y a pas eu d'élection à proprement parler. Dans ces conditions Grégoire VII ne pouvait ordonner Robert, d'autant plus qu'il faudrait contrôler le témoignage des clercs de Chartres ; il pria Hugues de Die de faire une enquête et, si vraiment l'église de Chartres désirait Robert comme évêque, d'avoir recours à une élection canonique et faite suivant les règles.

Nous n'avons sur cette élection que ces trois bulles de Grégoire VII. et elles ne sont pas parfaitement limpides. Voici comment on peut conclure cependant que les choses se sont passées. A la fin de 1076 ou au début de 1077, au moment où Grégoire VII songeait à passer en France, Robert avait dû y être envoyé pour préparer les voies. L'évêché de Chartres étant alors vacant, Philippe Ier, qui avait remarqué Robert, le lui offrit, sans doute moyennant une somme d'argent et sans avoir consulté l'église intéressée. C'est là ce qui valut au nouvel évêque les admonestations de Hugues de Die. Robert n'en tint pas compte et fut déposé par le légat dans le courant de février 1077. De là les bulles du 4 mars. Ici se placerait l'intervention de Philippe Ier auprès du pape, suivie du retour de Robert accompagné de deux clercs de l'église de Chartres chargés de témoigner en sa faveur. Entre temps, Hugues de Die avait excommunié Robert, et c'est pour faire lever cette excommunication que Robert, sans doute conseillé par Philippe Ier, vint à Rome ; il prit une attitude désintéressée, mais, en même temps, les deux clercs de Chartres insistèrent sur le désir de cette église de l'avoir pour évêque. C'est là ce qui explique le ton conciliant et embarrassé de la bulle à Hugues de Die. Grégoire VII, tout en félicitant le légat d'avoir excommunié Robert, se demande s'il n'y aurait pas moyen d'arranger les choses en procédant à une élection canonique. L'élection canonique eut lieu, mais elle ne fut pas favorable à Robert, puisque Geoffroy fut nommé évêque de Chartres.

Au même moment, Grégoire VII pourchassait un autre évêque simoniaque du domaine royal, Renier d'Orléans.

Ce qui attira l'attention de Grégoire VII sur Renier, ce fut la violation par lui d'un privilège du pape Alexandre II en faveur des chanoines de Sainte-Croix. Renier leur avait enlevé une prévôté (præpositura) qu'Alexandre II leur avait concédée, et il l'avait ensuite vendue, comme la plupart des offices ecclésiastiques. Cela lui valut une apostrophe véhémente de Grégoire VII qui le pria de donner satisfaction aux chanoines et de lui rendre compte avant le 1er novembre 1076 de la façon dont il gouvernait son église[109]. En même temps, l'archevêque de Sens, Bicher, métropolitain de Renier, fut chargé de veiller à l'exécution des décisions pontificales et d'excommunier l'évêque simoniaque s'il n'obéissait pas[110].

Renier ne se soucia guère' de la convocation du pape ; il ne vint pas à Rome et n'allégua pas la moindre excuse. Grégoire VII en informa Richer dès le 2 novembre, et lui envoya une copie de la bulle qu'il avait adressée à Renier. Si Renier jurait qu'il ne l'avait pas reçue, il faudrait le juger en toute justice, sinon le suspendre et l'excommunier, sauf le cas où il viendrait à être en danger de mort. En outre, le pape pria Richer de venir au concile qui devait prochainement se tenir à Rome et d'y amener avec lui Renier, le doyen de Sainte-Croix, et quelques autres personnes ecclésiastiques d'Orléans afin de bien éclaircir l'état de l'église d'Orléans[111].

Renier ne s'émut toujours pas : un an après, les choses étaient dans le même état Grégoire VII s'en indigne dans une bulle adressée à Richer, archevêque de Sens, et à Richard, archevêque de Bourges[112]. Or les griefs s'étaient accumulés contre Renier. On disait qu'il n'avait pas l’âge requis pour être évêque, qu'il s'était emparé de son église sans qu'il y eut élection par le clergé et le peuple ; qu'il vendait la cléricature, les archidiaconats, les abbayes ; qu'il n'était nullement retenu par les lois de la probité ni par la crainte de Dieu. Trois fois appelé par le pape, il n'était pas venu. Il avait été interdit et excommunié, ce qui ne l'avait pas empêché d'officier pontificalement. Aussi Grégoire VII demanda-t-il aux archevêques et évêques de la province de se réunir où ils voudraient pour examiner l'affaire et de convoquer Renier à ce concile. Si, dans un délai de quarante jours, Renier ne se justifiait pas, la sentence de condamnation et de déposition serait prononcée sans retour contre lui. Les archevêques et évêques pourraient même nommer son successeur qui serait un certain Sancion dont ils lui avaient parlé.

Grégoire VII signifia ces décisions à Renier[113] (6 octobre 1077), mais Renier n'en tint pas compte. Dans le courant de janvier 1078, le clergé et le peuple d'Orléans élurent Sancion dont le pape et les évêques patronnaient la candidature. Le 23 de ce mois, Grégoire VII leur annonça qu'il était prêt à approuver la nomination de Sancion qui paraissait très digne de l'épiscopat ; il autorisa même les Orléanais à lui rendre jusqu'à nouvel ordre l'obéissance et les honneurs dus à un évêque, tout en réservant sa décision définitive, car une lettre était soudain venue le prier de ne rien faire avant d'avoir un supplément d'information[114]. L'affaire traîna en longueur ; Grégoire VII accorda de nouveaux délais à Renier qui en profita pour mettre la main sur les ornements ecclésiastiques de l'église d'Orléans. Ordre cette fois d aller se justifier au concile qui allait être tenu par Hugues de Die et Hugues, abbé de Cluny, avec menace de déposition et d'anathème (24 avril 1078)[115]. Renier savait à quoi s'en tenir sur ces menaces. Le 5 mars 1079, il n'était pas encore excommunié, car, à cette date, par une bulle au clergé et au peuple d'Orléans[116], Grégoire VII déclarait qu'il allait envoyer des légats pour juger définitivement le cas de Renier, et il promettait, si leur témoignage lui était défavorable, d'accepter enfin Sancion pour lequel il éprouvait une vive affection.

L'année 1078 est une année de crise. Philippe Ier voulait maintenir sur le siège de Tours un archevêque simoniaque que Hugues de Die voulait au contraire déposer. Philippe avait ses raisons : l'archevêque n'avait pu obtenir 1 Investiture royale (les origines de l'affaire sont antérieures à la promulgation du décret ; qu'après avoir fait acheter par son neveu la charge de doyen qu il occupait antérieurement et que lui-même avait achetée. En outre, il avait promis à un chevalier de lui faire don d'une forêt s'il l'aidait à obtenir son évêché. C'est pour juger cet archevêque simoniaque que Hugues de Die convoqua à Poitiers un concile dont il a fait un compte rendu à Grégoire VII dans une lettre des plus intéressantes[117]. Le concile avait à s'occuper d'autres cas de simonie : l'évêque de Redon était accusé d'avoir été sacré évêque avant d'avoir été ordonné prêtre ; l'évêque de Beauvais était simoniaque, car il avait vendu des prébendes malgré le décret qui interdisait ce commerce. Simoniaque aussi l'évêque d'Amiens, car il avait usurpé son siège et il s'était trouvé trois évêques pour l'ordonner, ceux de Laon, Soissons et Senlis.

Le concile de Poitiers allait donc être la condamnation de Philippe Ier. Le légat avait bien choisi son endroit : Guillaume VIII d'Aquitaine passait pour très favorable à l'Eglise et au Saint-Siège ; mais les menaces royales furent sans doute plus puissantes que les injonctions pontificales ; il se fit l'auxiliaire d'un acte de violence de Philippe Ier contre le concile.

Le roi de France avait d'abord adressé à Hugues une lettre pleine de déférence : il y exprimait le désir d'être appelé le fils très respectueux du légat, tellement il était prêt à reconnaître et à faire reconnaître son autorité. Or, en même temps, il écrivait au comte de Poitiers et aux évêques qu'il les jugerait coupables de lèse-majesté, le comte en particulier, s'il laissait le légat tenir un concile en quelque lieu que ce fût. Quant aux évêques, s'ils assistaient à ce concile et s'ils témoignaient la moindre faveur envers les décisions du légat, il les considérerait comme portant atteinte à l'honneur de sa couronne et des seigneurs de son royaume. A la suite de cette intervention royale, on ne ménagea pas les insultes au légat ; ceux qu'il considérait comme son bras droit passèrent à gauche et il n'y eut personne qui voulût le reconnaître. Le comte de Poitiers et les évêques se conformèrent docilement aux injonctions royales : les portes de l'église où se tenait le concile furent forcées et les serviteurs du comte, la hache à la main, vinrent y jeter le trouble. Au milieu de ce tumulte, l'archevêque de Tours et ses suffragants se retirèrent. Les mêmes scènes se renouvelèrent une autre fois dans l'église de Saint-Hilaire. Hugues de Die suspendit l'archevêque de Tours ; il excommunia aussi l'évêque d'Amiens qui avait usurpé son siège, déféra à Rome plusieurs autres évêques et renouvela les décrets interdisant l'investiture laïque.

En somme, la papauté triomphait ; elle triompha encore dans le dernier conflit qu'elle eut avec Philippe Ier au sujet de Manassès, archevêque de Reims.

Manassès, archevêque de Reims, présente de grandes analogies avec Renier d'Orléans. Jamais évêque ne considéra plus cyniquement sa dignité comme une source de bons revenus qu'il fallait exploiter le plus largement et le plus longtemps possible.

Manassès avait été élu archevêque de Reims en 1070[118]. Guibert de Nogent dit que son élection avait été simoniaque[119]. Le même chroniqueur s'étend sur le faste de Manassès, son amour pour la chasse, sa négligence pour les choses de l'Eglise, et il rapporte ce mot de l'archevêque qui suffit pour le caractériser : Il serait bon d'être archevêque de Reims, si l'on n'était obligé, de ce fait, de chanter la messe[120].

Galon, abbé de Saint-Arnoul de Metz, qui a fort bien connu Manassès, a tracé de lui un portrait aussi dur que celui de Guibert : J'ai vu en lui, écrit-il[121], une tête inflexible, des yeux remplis de fureur et courant rapidement de côté et d'autre, des narines respirant le mépris, une conversation variée, contradictoire, sans logique ni sans raisonnement, d'orgueilleuses épaules, des pieds peu sûrs d'eux-mêmes, une démarche inégale, sans tenue ni sans grâce, des mains rapaces, violentes, promptes au meurtre et prêtes à porter tort au prochain.

Si Galon dépeint si bien Manassès, c'est qu'il fut pendant six mois abbé de Saint-Rémi de Reims. Ce séjour lui suffit pour connaître à fond l'archevêque et pour lui inspirer un ardent désir de retourner à Metz.

Hériman, abbé de Saint-Rémi de Reims, était mort en 1071, peu de temps donc après l'élection de Manassès. Celui-ci laissa pendant trois ans le monastère sans abbé. Alexandre II le pria enfin de mettre ordre à cet état de choses, et jusqu'à sa mort il ne se lassa point d'intervenir[122]. Avec Grégoire VII, le ton devint plus violent. Grégoire, par une bulle du 30 juin 1073[123], ordonna à Manassès de mettre sans retard à la tête de l'abbaye un homme qui ne fût susceptible d'aucun reproche canonique, de ne pas dissiper les biens du monastère, de ne pas traiter sans respect ce lieu essentiellement vénérable, de ne pas emmener les moines en captivité.

Devant de pareils reproches, Manassès pensa qu'il n'avait, pour le moment, qu'à céder, et nomma Galon, déjà abbé de Saint-Arnoul de Metz. Il ne ménagea pas le malheureux abbé. J'ai honte, lui écrivait plus tard Galon[124], de rappeler le souvenir de tous les tracas que j'ai dû subir sous votre domination servile et barbare... Je passe sous silence vos menaces, l épithète de fou dont vous m'avez accablé le jour même de la fête de saint Rémi ; vous n'aviez pas tort. Si je n'avais été fou, je ne serais pas venu au-devant d'une bête féroce, sauvage, violente, immonde. Mais il ne faut pas vous étonner si, fou d'avoir accepté devenir, je n'ai pas la folie encore plus grande de rester sous votre tyrannie. Galon énumère dans la même lettre les vexations que lui infligea Manassès : l'archevêque essaya de lui arracher de l'argent qu'il avait amassé pour un voyage à Rome ; il écrivit à l'évêque de Metz des lettres pleines de calomnies au sujet de Galon ; il déclara au pape que Galon était un homme pacifique, paisible et humble, toujours plongé dans la lecture, et par là qu'il était de mœurs peu françaises, qu'il convenait donc peu à l'abbaye de Saint-Rémi. Ces propos firent sourire le pape qui, d'après Galon, lui aurait laissé la liberté de rester à Saint-Rémi ou de s'en aller.

Galon préféra de beaucoup partir ; il affirma avec énergie qu'il aimait mieux vivre pauvre à Metz que riche et puissant ailleurs[125]. Grégoire VII déféra à ce désir ; il fit savoir à Manassès, le 14 mars 1074, que Galon ne pouvait supporter le fardeau des deux abbayes de Saint-Arnoul de Metz et de Saint-Rémi de Reims et qu'il préférait abandonner Saint-Rémi, mais, en même temps, il enjoignait à l'archevêque de faire élire un abbé par les moines, conformément à la règle de Saint-Benoît[126]. Manassès reprit donc à Galon le bâton pastoral, et Galon ne perdit pas cette occasion de lui reprocher l'impureté de ses mœurs[127].

En 1075, Manassès est accusé par Grégoire VII de complicité avec l'évêque de Châlons, Roger, qui avait pillé des biens d'Eglise[128]. Cet évêque, convoqué à un concile, n'avait pas répondu à l'appel ; le pape l'avait prié ensuite de rendre aux clercs ce qu'il leur avait pris ; il ne l'avait pas fait. Selon Grégoire VII, Manassès son métropolitain s'était rendu coupable de négligence et il avait mal soutenu les intérêts de l'Église.

D'ailleurs, en 1077, au concile d'Autun, Manassès était lui-même accusé par certains clercs de Reims de simonie. Mandé à ce concile pour se laver des soupçons qui pesaient sur lui, il ne vint pas. Il fut suspendu ainsi que les archevêques de Bourges, Sens et Bordeaux qui n'avaient pas répondu à la convocation du légat, mais il se vengea des chanoines de Reims qui avaient porté cette accusation contre lui au concile ; il leur tendit à leur retour une embuscade, puis finalement força leurs demeures, vendit leurs prébendes, pilla leurs biens. Du coup, il fut appelé à Rome pour se justifier devant le pape lui-même et en présence de six évêques[129]. On a conservé parmi les registres de Grégoire VII le serment qu'il prononça le 9 mars 1078[130]. Il jura que, s'il n'était pas venu à Autun, ce n'était nullement par orgueil, mais parce qu'il n'avait pas été convoqué par un envoyé du Saint-Siège ou par une bulle ; en venant à Rome ne montrait-il pas l'obéissance qu'il observait envers le pape ? Il promit de s'expliquer à l'avenir devant le légat, quand il le lui demanderait, de restituer les trésors, ornements et autres dépouilles de l'église de Reims et de ne jamais plus les aliéner.

Ce serment ne fut guère tenu par Manassès. Dès le 22 août 1078, Grégoire VII était déjà obligé de lui rappeler le respect dû aux légats pontificaux[131]. En 1079, il prescrit à Hugues de Die d'examiner avec soin la cause de l'archevêque de Reims, En effet, sa mauvaise réputation dépasse les limites de la Gaule ; elle s'étend jusqu'à l'Italie ; il faut donc qu'il vienne se justifier devant six évêques qui entendront ses accusateurs et les témoins de ses actes[132].

A cet effet, Hugues de Die convoqua, en 1080[133], un concile à Lyon et il invita Manassès à s'y rendre. Selon Hugues de Flavigny[134], Manassès aurait cherché à corrompre le légat à prix d'argent et à force de cadeaux, afin d'obtenir que la justification eût lieu en présence de six évêques désignés par lui et ses suffragants. Hugues se refusa à cette compromission, et, quand Manassès vit que le cœur du légat était insensible aux présents, il refusa de venir au concile, et offrit, de la part du roi, de tenir un concile en France, à Reims, Soissons, Compiègne ou Senlis, promettant que les évêques y seraient tranquilles et honorés, en prenant même l'engagement au nom de Philippe Ier[135].

Ni Hugues de Die, ni le pape n'entrèrent dans ces vues. Le souvenir du concile de Poitiers était trop vivant dans leur esprit. Par une bulle du 3 janvier 1080[136], Grégoire VII enjoignit à Manassès de se rendre au concile de Lyon pour se justifier en présence de Hugues de Die, de l'évêque d'Albano et de l'abbé de Cluny. Le concile de Lyon déposa Manassès[137]. Le 17 avril, Grégoire VII confirma la sentence. Cependant, par une dernière concession, il permit encore à Manassès de se justifier avant la Saint-Michel (29 septembre), en s'adjoignant les évêques de Soissons, Laon, Cambrai et Châlons, à la condition toutefois qu'il restituât leurs biens aux clercs qui avaient été lésés par lui, et que jusqu'à l'Ascension il abandonnât son église pour faire une retraite à Cluny ou à la Chaise-Dieu, accompagné d'un clerc et de deux laïques. Le pape lui permit même, s'il ne pouvait venir jusqu'à Rome, de se justifier devant Hugues de Die et l'abbé de Cluny ou, à défaut de celui-ci, Amat d'Oloron[138].

Manassès n'obéit pas à cet ordre. Au contraire, il envahit et pilla les domaines de l'église de Reims comme un brigand. Désormais tout espoir de reprendre son siège archiépiscopal devait être perdu pour lui, et Grégoire VII pria les clercs de l'église de Reims d'élire un nouvel évêque (27 décembre 1080)[139]. En même temps, il ordonna aux évêques suffragants de Reims de ne plus obéir à Manassès, mais de lui résister comme à un envahisseur dans la mesure de leurs forces et, quand la meilleure partie du clergé et du peuple de Reims aurait élu un nouvel évêque, de reconnaître celui-ci[140].

Enfin Grégoire VII se croit obligé d'avertir Ebles II, comte de Roucy, et Philippe Ier. A Ebles, il rappelle que pendant longtemps, malgré l'avis du comte et celui de plusieurs autres personnes très religieuses, il a laissé à Manassès le temps de s'amender ; mais l'archevêque a vraiment abusé de cette patience et s'est montré indigne de toute miséricorde ; c'est pourquoi Grégoire VII a confirmé la sentence de déposition prononcée par le concile de Lyon ; il compte sur Ebles pour expulser Manassès et soutenir le nouvel archevêque[141]. Quant à Philippe Ier, Grégoire VII, en lui annonçant l'irrévocable déposition de Manassès, le supplie de lui retirer sa faveur et son amitié, de l'éloigner de sa présence. C'est ainsi qu'en poursuivant les ennemis de l'Eglise, il gagnera les bonnes grâces du Saint-Siège. Il lui demande, en outre, de ne faire aucun empêchement à l'élection canonique par le clergé et le peuple de Reims du successeur de Manassès et de prêter son concours au nouvel élu[142].

Il ne semble pas que Philippe Ier ait mis beaucoup de zèle à s'acquitter de cette mission. La papauté n'en resta pas moins victorieuse, car Manassès fut chassé de Reims par les nobles, le clergé et les citoyens ; il s'enfuit auprès de l'empereur Henri IV lui-même excommunié[143]. En 1085, Renaud, trésorier de l'église de Tours, put enfin être ordonné archevêque de Reims[144].

Dans ces diverses affaires, l'attitude du roi a été hostile au pape et à son légat : Philippe Ier prétend exercer librement la simonie et protège énergiquement les évêques qui lui ont acheté leur dignité. Malgré cette opposition ouverte à l'œuvre de la papauté, il ne fut pas excommunié. Il y a plus : deux ans après les incidents du concile de Poitiers, le 27 décembre 1080, pour obtenir la déposition de Manassès, Grégoire VII lui parlait en termes pleins d'une affectueuse sollicitude[145]. Nous avons souvent appris par les ambassadeurs de Votre Majesté que vous recherchiez la faveur et l'amitié du Saint-Siège ; sachez donc que nous l'avons appris avec une très grande joie et que, si vous conservez encore ces dispositions, vous avez toute notre faveur. C'est ainsi que débute la lettre pontificale. On ne croirait pas qu'elle puisse s'adresser à un homme qui, deux ans auparavant, pourchassait le légat Hugues de Die. La suite est conçue dans le même esprit. Grégoire VII félicite Philippe Ier de se montrer soucieux de son salut, en cherchant à obtenir la faveur du Saint-Siège, comme il convient à un roi très chrétien. Cette faveur, le pape la lui accordera bien volontiers si le roi fait preuve de diligence et d'une respectueuse piété dans le règlement des affaires ecclésiastiques. Certes, Philippe n'a pas toujours fait preuve de ces qualités, mais cela doit être mis sur le compte de sa jeunesse, et le pape est convaincu que désormais ses dispositions seront toutes différentes, qu'il aimera la justice, qu'il pratiquera la miséricorde, qu'il défendra les églises, qu'il protégera la veuve et l'orphelin, qu'il évitera soigneusement tous ceux qui sont hors de la communion de l'Eglise.

On peut se demander pourquoi Grégoire VII parle sur un ton aussi conciliant. Il nous semble qu'il faut en chercher l'explication dans ses rapports avec l'Allemagne. L'année 1080 marque une période aiguë dans la lutte du Sacerdoce et de l'Empire[146] : en octobre 1080, Rodolphe de Souabe est mort des suites d'une blessure survenue à une bataille sur les bords de l'Elster. La situation du pape est, par là-même, gravement compromise. Dès le mois de juin il s'est rapproché de Robert Guiscard et des Normands, mais, comme Robert n'est pas un allié d'un très grand secours, sa politique étant surtout dirigée du côté de Constantinople, Grégoire VII songe tout naturellement &u roi de France et, deux ans après le concile de Poitiers, il écrit cette bulle où il n'y a plus de menaces, mais seulement des paroles de douceur et de paix.

Aussi, dans la suite, y eut-il relativement peu de froissements. On voit bien, en 1080, le pape se plaindre au roi de ce qu'il ait empêché les évêques de Normandie de se rendre à un concile parce qu'ils avaient peur de lui[147], mais les reproches ont un caractère très amical. Quant au roi, il fut peu sensible aux avances du pape et ne souffrit aucun empiétement de la part de ses légats : dans une bulle adressée à Hugues de Die, sans doute vers 1082[148], au sujet de Lambert, évêque de Térouanne, Grégoire VII ne peut s'empêcher de constater qu'il y a dissidence entre le roi de France et le légat — propter regem Francorum qui a te dissidet.

Ainsi, bien que le pontificat de Grégoire VII ait été marqué par un conflit presque continuel avec Philippe Ier, on ne peut pas dire que la politique du pape fut une politique rigoureusement intransigeante, toute de principes. Il semble au contraire qu'il ait parfois songé à un accommodement avec le roi de France. Mais Philippe Ier resta sourd aux avertissements comme aux avances du pape ; il continua à régler les affaires de l'Eglise sans se soucier du Saint-Siège ; sans doute il a parfois cédé, en particulier dans l'affaire de Manassès qu'il protégeait, pour ne pas encourir les foudres de l'excommunication ; mais comme nous l'avons vu, il ne cessa pas pour cela de pratiquer la simonie, sachant que Rome avait besoin de le ménager pour faire face à des ennemis plus redoutables.

Ea dehors des évêchés royaux, Grégoire VII dut aussi se montrer conciliant. Nous avons vu, en étudiant l'état de la France féodale au XIe siècle, qu'en Flandre et en Normandie les comtes restent maîtres des élections. Orderic Vital, dans le discours qu'il prête à Guillaume le Conquérant au moment de sa mort[149], lui fait dire qu'il n'a jamais vendu les dignités ecclésiastiques, qu'il n'a jamais pratiqué la simonie et que, dans les élections épiscopales, il n'a jamais ; considéré que la pureté de mœurs et la sûreté de doctrine des candidats. Il n'en est pas moins vrai qu'il a nommé les évêques contrairement au décret de 1075, et Grégoire VII n'a jamais songé à l'en empêcher, parce qu'il a besoin de lui pour rattacher plus étroitement l'Angleterre au Saint-Siège. Ailleurs aussi, on finit par s'arranger à l'amiable : en Bretagne où les comtes renoncèrent à l'investiture pour obtenir l'érection de Dol en métropole, comme en Aquitaine où Guillaume VIII fit un arrangement que confirma plus tard Louis VI[150], à Toulouse où, en 1077, le comte reconnut la liberté des élections sans prétendre à l'investiture[151].

 

 

 



[1] Paul de Bermied, Vita Gregorii. (Acta Sanctorum. Maii, t. VI, p. 114.)

[2] Cf. supra le diplôme pour Saint-Denis au chapitre précédent.

[3] Greg. VII Reg., l. I, ep. 75. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 93-95.)

[4] Greg. VII Reg., l. I, ep. 35. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 53-54.)

[5] On verra plus loin (chap. VI) le rôle de l'Église en cette matière.

[6] Greg. VII Reg., l. II, ep. 5. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. 11, p. 113-117.)

[7] Martens, Greg. VII, t. II, p. 33.

[8] Martens est d'ailleurs obligé lui-même de convenir qu'on s'en tint à une simple menace.

[9] Greg. VII Reg., l. II, ep. 18. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 132-133.)

[10] Greg. VII Reg., l. II, ep. 32. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 146-147.)

[11] Cf. Bernold de Saint-Blasien, année 1075 (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 430) ; Berthold de Reichenau (Ibid., t. V, p. 277.)

[12] Guibert de Nogent, De vita mea, l. I, c. VII-VIII. (Éd. Bourgin, p. 19-24.)

[13] Vie de saint Bernard, abbé de Tiron, c. vi, 51. (Acta Sanctorum Aprilis, t. II, p. 234 B G.) Cf. aussi Orderic Vital, l. V et l. XII.

[14] On verra plus loin que les choses se passaient ainsi à Dol, en Bretagne.

[15] Orderic Vital, l. IV, c. II. (Ed. Leprévost, t. II, p. 170.)

[16] Jaffé, n° 4404 ; Migne, Patr. lat., t. CXLIII, col. 1314-1315.

[17] Orderic Vital, l. V, c. V. (Ed. Leprévost, t. II, p. 317.)

[18] Greg. VII Reg., l. II, ep. 1. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 108-109.) Nous nous bornons à citer les bulles qui concernent spécialement la France.

[19] Greg. VII Reg., l. IV, ep. 10. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 254-256.)

[20] Greg. VII Reg., l. IV, ep. 20. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 270-271.)

[21] Jaffé, n° 6437 ; Rec. des histor. de France, t. XV, p. 23.

[22] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 778.

[23] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 780.

[24] Orderic Vital, l. IX, c. II. (Ed. Leprévost, t. III, p. 465.) La papauté ne s'est pas toujours montrée aussi intransigeante à cet égard. Vers 1067, le pape Alexandre II autorisa la consécration d Ernaud, évêque du Mans, bien qu'il fût fils de prêtre. Cf. Gesta episcoporum Cenomannerisium, c. XXXIII (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 137), et une bulle d'Alexandre II à Barthélemy, archevêque de Tours. (Jaffé, n° 4642 ; Neues Archiv, t. VII, p. 160.)

[25] En 1095, le concile de Clermont cherchera à limiter les conditions d'accès à la dignité épiscopale : personne ne pourra être élu évêque s'il n'a été prêtre, diacre ou sous-diacre ni si sa naissance n'est digne, sauf cas d'extrême nécessité et permission du souverain pontife. Cf. Orderic Vital, l. IX, c. II. (Ed. Leprévost, t. III, p. 465.) — Urbain II força ainsi Geoffroy de Mayenne à abandonner le siège d Angers parce que, quand il avait été élu, il était néophyte et presque illettré. Cf. Chronicæ S. Albini Andegav., anno MXCIII. (Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 27.)

[26] Dans cette étude des élections épiscopales, nous emprunterons nos exemples non seulement au pontificat de Grégoire VII, mais à l'ensemble du règne de Philippe Ier. Cf. Imbart de la Tour, Les élections épiscopales dans l’Église de France du IXe au XIIe siècle.

[27] Yves de Chartres, ep. 27. (Migne, Patr. lat., t. CLXII, col. 38.)

[28] Greg. VII Reg., l. VI, ep. 21. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 358-359.)

[29] Jaffé, n° 5350 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 689

[30] Jaffé, n° 5438 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 698.

[31] Jaffé, n° 5439 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 698.

[32] Chronicon S. Petri Aniciensis. (Vaissète, Histoire du Languedoc, nouv. éd., t. V, p. 26.)

[33] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 199.

[34] Yves de Chartres, ep. 43. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 84.)

[35] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 186.

[36] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 186.

[37] Guibert de Nogent, De vita mea, l. 111, c. IV. (Ed. Bourgin, p. 137.)

[38] Chronicon S. Martialis Lemovicensis. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 426.)

[39] Yves de Chartres, ep. 27, 43, 54, 60, 68, 87, 102, 138, 157.

[40] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 186.

[41] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 187.

[42] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 187.

[43] Aubri de Trois-Fontaines. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p 687 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 802.) — Geoffroy avait déjà été accusé de simonie sous Grégoire VII, mais absous par le pape. Cf. Greg. VII Reg., l. VIII, ep. 39. (.Jaffé, Bibl. rer. Germ.. t. II, p. 490-491.)

[44] Jaffé, n° 5439 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 698. — C'est à cette lettre, datée du 25 novembre 1090, que nous empruntons les détails qui précèdent.

[45] Jaffé, n° 5438 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 698.

[46] Yves de Chartres, ep. 8. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 70.

[47] Yves de Chartres, ep. 75. (Rec. des histor. de France, XV, p. 104.)

[48] Yves de Chartres, ep. 119. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 121.)

[49] Yves de Chartres, ep. 113. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 120.)

[50] Ex libello Noteheri abbatis Altivillarensis. De veritate reliquiarum S. Helenæ, matris Constantini magni. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 89.)

[51] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 179.

[52] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 180.

[53] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 180.

[54] Geoffroy de Vendôme, l. III, ep. 11. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 278.)

[55] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 315.

[56] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 275.

[57] Geoffroy de Vendôme, l. V, ep. 4. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 275.)

[58] Geoffroy de Vendôme, l. V, ep. 9. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 276.)

[59] Geoffroy de Vendôme, l. V, ep. 16. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 277.)

[60] Geoffroy de Vendôme, l. 111, ep. 13. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 276.)

[61] Geoffroy de Vendôme, l. V, ep. 2. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 275.)

[62] Marbod, évêque de Redon, ep. l. (Migne, Patr. lat., t. CLXXI, col. 1465.)

[63] Greg. VII Reg., l. VI, ep. 21. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 358-359.)

[64] Greg VII ep. coll. 7. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 527.)

[65] Jaffé, n° 5455. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 700.)

[66] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 183.

[67] Yves de Chartres, ep. 61. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 95.)

[68] Le métropolitain de Nevers était l'archevêque de Sens qui avait été suspendu parce qu'il contestait la primatie lyonnaise sur la province qui lui était soumise.

[69] Greg. VII ep. coll. 16. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 541-542.)

[70] Greg. VII Reg., l. IV, ep. 4. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 247-248.)

[71] Greg. VII Reg., I. IV, ep. 5. (Jaffé, Bibl. rer. Germ.., t. II, p. 248-250.)

[72] Greg. VII ep. coll. 16. (Jaffé, Bibl. rer. Germ.., t. II, p. 248-250.) Cette lettre n'est pas datée, mais il est très vraisemblable qu'elle a dû être expédiée en même temps que les deux précédentes.

[73] Greg. VII Reg., l. IV, ep. 17. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 264-266.)

[74] Yves de Chartres, ep. 178. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 140.)

[75] Yves de Chartres, ep. 176. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 140.)

[76] Vita S. Arnulfi, l. II, c. i. (Acta Sanctorum ordo S. Bened., sæc. VI, 2e part , p. 528-529.)

[77] Sur cette question, voir : Fournier (P.), La querelle des investitures dans Yves de Chartres.

[78] Sur cette affaire, cf. Greg. VII Reg., l. I, ep. 35 et 36. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 53-55.) 1

[79] Greg. VII Reg., l. I, ep. 35. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 53.)

[80] Greg. VII Reg., l. I, ep. 76. (Jaffé, Bibl. rer. GerIll., t. II, p. 95.)

[81] Geoffroy de Vendôme, l. III, ep. 11. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 278-279.)

[82] Loewenfeld, Epistolæ pontificum romanorum, n° 85 et n° 86.

[83] Jaffé, n° 4517 : Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 537. Ces détails ne se trouvent pas dans la bulle adressée à Gervais, mais dans une autre destinée à Joscelin lui-même. (Jaffé, n° 4519, Coll. brit., Al. ep. 13 ; Migne, Patr. lat., t. CXLVI, col. 1297.)

[84] Jaffé, n° 4517 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 537.

[85] Jaffé, n° 4527 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 539.

[86] Jaffé, n° 4586 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 541.

[87] Loewenfeld, Epistolæ pontif. roman., n° 90.

[88] Jaffé, n° 4481 ; Coll. brit., Al. ep. 8.

[89] Jaffé, n° 4482 ; Coll. brit., Al. ep 9.

[90] Cela semble bien résulter de la lettre de Hugues de Die à Grégoire VII. (Migne, Patr. lat., t. CLVII, col. 509.) On y voit notamment que l'évêque de Noyon fut déposé pour simonie, sans doute parce qu'il avait acheté son évêché. De plus, il n'est pas question du décret aux conciles d'Anse. Clermont (1076), Dijon (1077).

[91] Greg. VII Reg., l. IV, ep. 13. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 260.)

[92] Guibert de Nogent, De vita mea, l. III, c. II (Ed. Bourgin, p. 131.)

[93] Yves de Chartres, ep. 66. (Rec. des histor. de France, t XV, p. 98.)

[94] Cf. Yves de Chartres, ep. 68. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 100-101.)

[95] Vita S. Galterii (Acta Sanctorum, Aprilis, t. I. p. 53 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 73).

[96] Vita S. Galterii (Acta Sanctorum, Aprilis, t. I, p. 55 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p 74).

[97] Yves de Chartres, ep. 8. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 70-72.)

[98] Yves de Chartres, ep. 53. (Migne, Patr. lat., t. CLXII, col. 64-65.)

[99] Notitia de ecclesia S. Eugenii de Viancio. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 49.)

[100] Greg. VII Reg., l. IV, ep. 19. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 267.)

[101] Greg. VII Reg., l. IV, ep. 18. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 266.)

[102] Vita B. Joannis, Morinorum episcopi. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 238 ; Monumenta Germaniæ historica. Scriptores, t. XV, p. 1142.)

[103] Greg. VII ep., coll. 40. (Jaffé, Bibl. rer. Germ.. t. II, p. 567-568.)

[104] Greg. VII ep., coll. 41. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 568-569.)

[105] Vita B. Joannis, Morinorum episcopi. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 238 ; Monumenta Germaniæ historica. Scriptores, t. XV, p. 1142.)

[106] Greg. VII Reg., l. IV, ep. 14 (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 261.)

[107] Greg. VII Reg., l. IV, ep 15. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II. p. 262-263.)

[108] Greg. VII Reg., l. V, ep. 11. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 301-302.)

[109] Greg. VII Reg., l. III, ep. 17. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 231-232.)

[110] Greg. VII Reg., l. III, ep. 16. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 230-231.)

[111] Greg, VII Reg., l. IV, ep. 9. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 253-254.)

[112] Greg. VII Reg., l. V, ep. 8. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 296-297.)

[113] Greg. VII Reg., l. V, ep. 9. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 297-298.)

[114] Greg. VII Reg., l. V, ep. 14. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 304-305.)

[115] Greg. VII Reg., l. V, ep. 20 (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II. p. 316-317.)

[116] Greg. VII Reg., I. VI, ep. 23. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II. p. 360.)

[117] Migne, Patr. lat., t. CLVII, col. 509-511.

[118] Annales Remenses et Colonienses, anno MLXX. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XVI, p. 732.)

[119] Guibert de Nogent, De vita mea, l. I, c. XI. (Ed. Bourgin, p. 30.)

[120] Guibert de Nogent, De vita mea, l. I, c. XI. (Ed. Bourgin, p. 30.)

[121] Galon, ep. 4. (Migne, Patr. lat., t. CL, col. 879-880.)

[122] Greg. VII Reg., l. I, ep. 13. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 24.)

[123] Greg. VII Reg., l. I, ep. 13. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 24.)

[124] Galon, ep. 3. (Migne, Patr. lat., t. CL, col. 877-879.)

[125] Greg. VII Reg., l. I, ep. 53 (à Hériman, évêque de Metz). (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 73-74.)

[126] Greg. VII Reg., l. I, ep. 52. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 72-73.)

[127] Galon, ep. 2. (Migne, Patr. lat., t. CL, col. 875-877.)

[128] Greg. VII Reg., l. II, ep. 56. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 176-177.)

[129] Hugues de Flavigny, l. II. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VIII, p. 415.)

[130] Greg. VII Reg., l. V, ep. 17. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 313 )

[131] Greg. VII Reg., l. VI, ep. 2. (Jaffé, Bibl. ver. Germ., t. II, p 322-325.)

[132] Greg. VII ep. coll. 32. (Jaffé, Bibl. ver. Germ., t. II, p. 559.)

[133] Le concile a eu lieu après le 3 janvier 1080, puisqu'à cette date Grégoire VII invite encore Manassès à s'y rendre et avant le 17 avril, date de sa déposition.

[134] Hugues de Flavigny, l. II. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VIII, p. 421-422.)

[135] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 781.

[136] Greg. VII Reg., l. VIII, ep. 12. (Jaffé, Bibl. ver. Germ., t. II, p. 394-396.)

[137] Hugues de Flavigny, l. II. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VIII, p. 421-422.)

[138] Greg. VII Reg., l. VII, ep. 20. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 411-412.)

[139] Greg. VII Reg., l. VIII, ep. 17. (Jaffé, Bibl. ver. Germ., t. II, p. 447-448.)

[140] Greg. VII Reg., l. VIII, ep. 19. (Jaffé, Bibl. ver. Germ., t. II, p. 449-451.)

[141] Greg. VII Reg., l. VIII, ep. 18. (Jaffé, Bibl. ver. Germ., t. II, p. 448-449.)

[142] Greg. VII Reg., l. VIII, ep. 20. (Jaffé, Bibl. ver. Germ., t. II, p. 451-452.)

[143] Guibert de Nogent, l. I, c. XI. (Ed. Bourgin, p. 31-32.)

[144] Annales Remenses et Colonienses, anno MLXXXV. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XVI, p. 732.)

[145] Greg. VII Reg., l. VIII, ep. 20. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 451.)

[146] Sur tous ces événements, voir : Hauck, Kirehengesehiehte Deutschlands.

[147] Greg. VII Reg., l. VIII, ep. 28. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 478.)

[148] Greg. VII Reg., l. VIII, ep. 55. (Jaffé, Bibl. rer. Germ., t. II, p. 509.)

[149] Orderic Vital, l. VII, c. XV. (Ed. Leprévost, t. III, p. 240.)

[150] Luchaire, Louis VI, n° 581.

[151] Vaissète, Histoire du Languedoc, t. V, n° 326.