LE RÈGNE DE PHILIPPE Ier

LIVRE TROISIÈME. — LES RAPPORTS DE PHILIPPE Ier ET DE LA FÉODALITÉ

 

CHAPITRE IV. — LES FILS DE GUILLAUME LE CONQUÉRANT (1087-1106).

 

 

I

La féodalité normande a éprouvé un véritable soulagement à la mort de Guillaume le Conquérant ; maintenue par lui dans l'obéissance la plus stricte, elle va essayer de reprendre le dessus et de limiter les pouvoirs du comte. Le plus turbulent des seigneurs normands, Robert de Bellême, se rendait à la cour du roi quand il apprit la mort de celui-ci, au moment où il arrivait à Brionne ; aussitôt, il rebroussa chemin, vint à Alençon, d'où il chassa les soldats de Guillaume le Conquérant ; il en fit de même à Bellême et dans tous ses châteaux ; il força les seigneurs voisins à se soumettre à lui ou, pour briser leur résistance, détruisit leurs châteaux. Guillaume, comte d'Evreux, chassa aussi les excubitores royaux ; Guillaume de Breteuil, Raoul de Conches, d'autres encore réduisirent à leur pouvoir toutes les garnisons, et, solidement établis dans leurs châteaux forts, pillèrent le pays avoisinant et se firent la guerre entre eux[1].

Ainsi, en même temps que l'unité de l'Etat anglo-normand se trouve brisée, le pouvoir absolu du souverain est menacé. Robert Courteheuse n'aura pas la même puissance que son père ; il devra compter avec la féodalité, s'il ne prend contre elle des mesures énergiques. Philippe Ier n'a qu'à laisser faire et à observer cette réaction générale contre l'œuvre de Guillaume qui lui est favorable puisqu'elle épuise les forces de la Normandie.

Robert Courteheuse, au moment de la mort de son père, était réfugié dans le Ponthieu, à Abbeville, entouré, comme toujours, de cette cour de jeunes gens, fils de satrapes normands, qui le poussaient à se révolter et à piller les domaines paternels ; il vint aussitôt à Rouen et n'eut pas de peine à se faire reconnaître dans tout le duché de Normandie[2]. Il fut obligé toutefois à des concessions qui ne déplaisaient pas à son caractère prodigue[3]. Il dut ménager son frère Henri qui, dans la succession de Guillaume, n'avait obtenu aucune terre et, par suite, éprouvait vis-à-vis de ses frères une certaine jalousie. Robert lui donna le comté de Coutances, dont faisait partie aussi la ville d'Avranches[4]. Selon Orderic Vital, il aurait reçu en échange trois mille livres d'argent, mais aurait cédé aussi le Mont-Saint-Michel[5], ce qui ne paraît pas très vraisemblable, car, en 1091, Robert Courteheuse et Guillaume le Roux vont reprendre le Mont-Saint-Michel sur Henri qui s'en était emparé. Aux seigneurs normands Robert Courteheuse donna des châteaux : à Guillaume de Breteuil, Ivry avec sa forteresse de premier ordre ; à Roger de Beaumont, qui gardait Ivry au nom de Guillaume le Conquérant, Brionne, citadelle très bien retranchée et au cœur même du duché[6].

Ainsi, au lieu de ressaisir l'autorité ducale menacée, Robert Courteheuse, par générosité et par crainte tout à la fois, fait à la féodalité normande d'importantes concessions. Ce qui l'y a déterminé aussi, c'est que son esprit chimérique et ambitieux allait le lancer dans une aventure pour laquelle il lui fallait être tranquille en Normandie. Certains seigneurs étaient mécontents de la séparation des deux Etats anglais et normand parce qu'ils avaient des biens dans l'un et dans l'autre ; ils craignaient, en étant fidèles à l'un des deux princes, de tourner l'autre contre eux ; ils formèrent dont le projet de réunir de nouveau sous un même sceptre l'Angleterre et la Normandie. Robert étant l'aîné, il était naturel que ce fût lui qui fût roi. Les principaux auteurs de ce projet étaient Odon, évêque de Bayeux, Eustache, comte de Boulogne, qui ne possédait rien en Normandie, mais était très lié avec Odon, et Robert de Bellême. Ils en firent part à Robert, qui naturellement les encouragea dans leur dessein[7].

Les conjurés passèrent en Angleterre et fortifièrent leurs châteaux[8], Odon de Bayeux semble s'être particulièrement donné du mal pour aboutir ; bien que Guillaume le Roux lui eût cédé le comté de Kent, il était jaloux de n'avoir aucune part dans l'administration confiée à Guillaume, évêque de Durham ; il réussit un moment à entraîner ce Guillaume de Durham dans la conjuration[9]. Guillaume le Roux découvrit le complot ; il pardonna en général aux seigneurs révoltés, mais leur enleva leurs terres en Angleterre[10]. La tentative d'unification de l'Angleterre et de la Normandie avait donc échoué. Philippe Ier n'avait rien fait ni pour la faire aboutir ni pour l'empêcher ; il la savait condamnée à l'impuissance ; Robert Courteheuse n'était pas de taille à gouverner les deux pays, comme autrefois son père.

En Normandie même, c'est au bout de peu de temps l'anarchie la plus complète. Les brigands pillent les églises et les monastères ; les lois divines sont méprisées ; les mœurs deviennent de plus en plus relâchées et les adultères se multiplient ; le pays est pauvre et troublé. Robert est trop mou pour enrayer le mal[11]. Les années 1088 et 1089 sont remplies surtout par ses démêlés avec les seigneurs normands, en particulier avec Robert de Bellême, qui est toujours à la tête du mouvement[12] ; le Maine se révolte[13]. Enfin Guillaume le Roux, qui n'a pas oublié le complot formé contre lui en Normandie, prépare sa revanche et organise une expédition sur le continent.

Orderic Vital rapporte[14] qu'après avoir bien affermi son pouvoir en Angleterre, Guillaume le Roux convoqua ses fidèles à Winchester ; devant eux il reprocha à son frère d'avoir excité à la révolte beaucoup d'entre les siens, de persécuter l'Eglise, de convoiter son royaume, alors qu'il n'était même pas capable de défendre son duché contre les brigands. Il fallait donc prendre des mesures contre lui et, si ses fidèles y consentaient, il enverrait une armée en Normandie pour venir en aide à l'Eglise, secourir la veuve et l'orphelin, punir les voleurs et les assassins. Tous donnèrent leur assentiment. Guillaume chercha des appuis en Normandie : Etienne, comte d'Aumale, adhéra à son parti et se retrancha dans son château d'Aumale-sur-Bresle ; de même Girard à Gournay, le comte Robert à Eu, Gautier Giffard, Raoul de Mortemer. Tous les seigneurs du pays entre la rive droite de la Seine et la mer prirent parti pour le roi. C'était donc une coalition sérieuse. Guillaume, comme Robert en 1088, voulait refaire l'unité des Etats du Conquérant à son profit. Plus tenace et moins brouillon que son frère, pouvant compter en Normandie sur de sérieux partisans, il avait des chances de réussir. On comprend que Philippe Ier se soit inquiété et qu'il ait soutenu Robert.

L'expédition de Guillaume le Roux a été savamment organisée. Les origines en remontent sans doute à la fin de 1089. Guillaume de Malmesbury donne en effet comme date 1089[15], la chronique anglo-saxonne 1090[16] et Henri de Huntington dit que c'est la troisième année de son règne que Guillaume songea à se venger de son frère[17]. Comme la troisième année du règne commence en septembre 1089 et finit en septembre 1090, on voit que c'est à la fin de 1089, ou au début de 1090 au plus tard, que Guillaume le Roux fit ses préparatifs. Il chercha une base d'opérations solides. Il acquit par la ruse, en corrompant ceux qui en avaient la garde, le château de Saint-Valery, avec le port du même nom, celui d'Aumale et plusieurs autres ; dans tous il installa des garnisons à lui. Solidement établi entre la Somme et la Bresle, il se borna, en 1090, à faire une guerre d'escarmouches ; ses soldats, quittant leurs garnisons, allaient dévaster et incendier les terres voisines[18].

Déjà Robert Courteheuse avait eu peur en voyant toutes les défections qui se produisaient autour de lui et, dès le débarquement des troupes de Guillaume, il avait adressé des ambassadeurs au roi de France pour qu'il vint à son aide[19]. Guillaume de Malmesbury et la chronique anglo-saxonne ne disent pas de quelle façon Philippe Ier se fit payer son concours ; mais nous savons, par une relation anonyme relative à l'archevêque de Rouen Guillaume, que ce fut de la ville de Gisors, qui appartenait à l'église Notre-Dame de Rouen, ce qui fit frapper la Normandie d Interdit. D'après cette relation, la donation de Gisors aurait été faite à la suite du siège de la Ferté[20]. Nous ne voyons pas dans les chroniques que Robert et Philippe aient assiégé un château de ce nom.

Les historiens anglais ne donnent pas de détails sur la guerre de 1090-1091. Guillaume de Jumièges et Orderic Vital viennent heureusement suppléer à leur insuffisance. Orderic Vital dit que c'est dans la semaine du 19 au 25 janvier que Guillaume le Roux traversa la Manche[21]. C'est évidemment de l'année 1091 qu'il s'agit, si nous rapprochons ce passage des historiens anglais et en particulier de Henri de Huntington. L'arrivée de Guillaume le Roux produisit un grand effroi ; Robert se retira, et la plupart des seigneurs normands lui firent défection[22]. D'après Orderic Vital, il n'y aurait pas même eu de combat. Comme à l'ordinaire, le chroniqueur normand passe sous silence l'intervention de Philippe Ier ; il dit simplement que des Français, des Bretons et des Flamands, quand ils apprirent que Guillaume était à Eu, en Normandie, vinrent en foule le saluer[23].

En réalité, les choses ne se sont pas passées de la sorte. Guillaume de Jumièges rapporte que Philippe Ier avait amené à Robert Courteheuse une armée de secours devant Eu[24]. C'est donc à ce siège d'Eu qu'il faut placer l'épisode raconté par les historiens anglais : Guillaume le Roux, craignant que l'armée française ne contrecarrât ses projets, fit offrir à Philippe Ier une forte somme d'argent et Philippe, toujours cupide, eut le grand tort d'accepter[25]. Son intervention en faveur de Robert Courteheuse pouvait empêcher Guillaume le Roux de prendre pied sur le continent ; au contraire Robert, abandonné par lui, va être obligé de faire à son frère les plus graves concessions.

La réconciliation ne tarda guère, en effet. Robert avait besoin de son frère pour aller reprendre le Mans qui lui échappait[26]. Une entrevue eut lieu à Rouen. Guillaume le Roux accepta d'aider Robert dans son expédition contre le Mans ; mais, en revanche, il conserverait tous les châteaux qu'il occupait en Normandie et il en ajouterait quelques autres ; Robert lui reconnaissait la possession de Fécamp, Eu, Aumale, des terres de Girard de Gournay et de Raoul de Conches[27]. Selon Henri de Huntington, les deux princes auraient en outre décidé que celui des deux qui mourrait le premier, s'il n'avait pas de fils, reconnaîtrait l'autre pour héritier[28].

Cette paix de 1091 est désastreuse pour Robert Courteheuse. On peut dire qu'elle l'est aussi pour Philippe Ier, dont l'intérêt était de reléguer complètement Guillaume le Roux en Angleterre. Les historiens ont attribué cette faiblesse de sa politique à sa grande cupidité ; Guillaume de Malmesbury, dans le passage que nous avons cité, le représente comme pressé de retourner à sa table et de donner satisfaction à sa gourmandise. Cette cupidité et cette sensualité ont toujours influé sur sa politique ; à Dol comme à Gerberoy, Guillaume le Conquérant avait acheté la paix ; en 1091, Guillaume le Roux a usé du même procédé. Peut-être y eut-il aussi, de la part du roi de France, un certain calcul. En laissant le roi d'Angleterre prendre une partie du patrimoine de Robert Courteheuse, il pensait entretenir en Normandie des motifs continuels de discorde ; la réconciliation serait de courte durée, la guerre civile renaîtrait bientôt et il pourrait en retirer certains avantages. En cela il ne se trompait pas et le calcul eût pu être juste, si Robert Courteheuse n'avait pas été un aventurier et s'il avait été capable d'une politique plus suivie.

Pour le moment, les deux frères sont réconciliés et ils vont ensemble reprendre le Mans. C'est aussi en cette année 1091 qu'il faut placer le siège du Mont-Saint-Michel[29], qui est peut-être antérieur à la prise du Mans, puisque, suivant Florent de Worcester et Orderic Vital, il aurait eu lieu pendant le carême[30].

Henri. le plus jeune des fils de Guillaume le Conquérant, bien qu'il eût reçu de Robert Courteheuse Coutances et Avranches, était jaloux de la puissance de ses frères et, pendant la guerre civile de 1090-91, il prépara une expédition contre eux[31] ; il fortifia Coutances, Avranches et d'autres villes, puis il entra au Mont-Saint-Michel[32]. Au milieu du carême, Guillaume et Robert vinrent l'y assiéger. Henri résista pendant quinze jours, puis se rendit, sur la promesse de ses frères qu'ils lui laisseraient la liberté. Il passa en Bretagne, vint en France et resta ainsi pendant deux ans dans le Vexin[33]. Orderic Vital prétend qu'en 1092 il reçut Domfront, où les habitants avaient besoin de lui pour se défendre contre les attaques continuelles de Robert de Bellême[34].

En 1092, la paix est donc rétablie. L'accord entre Robert Courteheuse et Guillaume le Roux semble parfait. Robert va même prêter main-forte à son frère contre les Scots[35]. Mais, au même moment, la guerre civile recommence en Normandie et va donner lieu à une nouvelle intervention de Philippe Ier.

Nous sommes assez mal renseignés sur cette intervention que Guillaume de Jumièges et Orderic Vital seuls ont rapportée[36]. Ce qui la provoqua, ce fut une guerre entre Guillaume de Breteuil et Ascelin Gouel. Guillaume, frère de ce dernier, jeune chevalier, avait porté tort à une femme de Pacy. Guillaume de Breteuil. comme il convenait, fit condamner le jeune prince à ce sujet. Ascelin Gouel s'en fâcha ; il ne voulait pas que Guillaume, qui pourtant était son seigneur, convoquât à son plaid son propre frère. Peu après, il lui enleva par ruse la forteresse d'Ivry ; il la livra à Robert, duc de Normandie, puis il la lui racheta pour une forte somme d'argent. Il en résulta une guerre incessante entre Ascelin et Guillaume de Breteuil. Ascelin fit venir Richard de Montfort et la famille du roi Philippe Ier ; avec leur aide, il remporta une grande victoire sur Guillaume de Breteuil, dont il mit l'armée en fuite Cette victoire le gonfla d'orgueil ; il fit subir de véritables supplices à Guillaume, qu'il avait fait prisonnier, et à tous ceux qui étaient tombés entre ses mains. Enfin des amis communs s'interposèrent ; Guillaume fut rendu à la liberté ; il donna sa fille en mariage à Gouel et lui promit trois mille livres, des chevaux, des armes, d'autres cadeaux, ainsi que la forteresse d'Ivry. Mais la paix ne dura guère : l'année suivante, Guillaume de Breteuil établit une garnison dans un monastère que Roger d'Ivry avait construit en l'honneur de Notre-Dame. Gouel, qui occupait la citadelle d'Ivry, se jeta sur le monastère, vers la Pentecôte, et livra l'église aux flammes. Plusieurs chevaliers furent faits prisonniers, et Guillaume de Breteuil eut beaucoup de peine à s'échapper. Guillaume médita dès lors une vengeance ; il offrit deux cents livres au roi de France Philippe Ier ; il promit également de fortes sommes à Robert Courteheuse et à plusieurs autres s'ils venaient à son aide.

Aussi, pendant le carême, le roi de France et le duc de Normandie vinrent assiéger Bréval et restèrent près de deux mois devant la place. Les prêtres leur amenèrent les milices paroissiales ; les abbés vinrent aussi avec leurs hommes. Robert de Bellême inaugura la tactique grâce à laquelle les chrétiens devaient un peu plus tard prendre Jérusalem. Il construisit des machines de siège qui, montées sur des roues, s'avançaient contre les retranchements des ennemis et projetaient dans la citadelle d'énormes pierres ; après plusieurs assauts, il put détruire toutes les fortifications ; les toits des maisons tombaient sur les habitants, et Bréval dut se rendre. Gouel demanda la paix et consentit à rendre à Guillaume de Breteuil la citadelle d'Ivry[37].

Orderic Vital place tous ces événements entre 1094 et 1096 ; mais sa chronologie est ici, comme souvent ailleurs, plus que fantaisiste. En réalité, le siège de Bréval par Philippe Ier eut lieu en 1092. C'est en effet à ce siège de Bréval que le roi a confirmé une charte de Robert de Bellême faisant donation à l'abbaye de Marmoutier de l'église Saint-Léonard de Bellême[38]. Or l'acte est daté de 1092. Nous voyons par les souscriptions qu'Yves de Chartres et Foulque, évêque de Beauvais, assistaient à ce siège[39] ; il est donc probablement antérieur à l'enlèvement de Bertrade, qui eut lieu le jour de la Pentecôte, et on peut admettre avec Orderic qu'il eut lieu pendant le carême.

Ce fut la dernière intervention militaire de Philippe Ier, semble-t-il. A partir de 1092, il n'a plus en Normandie un rôle aussi actif que par le passé. C'est vraiment une période nouvelle qui commence.

Nous ne croyons pas que Philippe Ier ait pris part à la guerre entre Robert Courteheuse et Guillaume le Roux, qui eut lieu en 1094. L'histoire de ces événements des années 1094 et 1095 est très obscure. Henri de Huntington et la chronique anglo-saxonne placent en 1094 une nouvelle expédition de Guillaume le Roux sur le continent[40]. Tandis qu'il tenait sa cour à Gloucester, Guillaume vit arriver des ambassadeurs de son frère Robert qui lui annoncèrent que Robert romprait la paix si le roi ne voulait tenir tous les engagements qu'il avait pris. On ne voit pas à quoi peuvent faire allusion ces chroniques. C'est à la suite de cette ambassade de Robert que Guillaume passa en Normandie, au milieu du carême de 1094. Les deux frères se rencontrèrent en un lieu déterminé, qui fut probablement Pontoise ou Chaumont-en-Vexin, ainsi que le prouve une lettre d'Yves de Chartres[41]. Yves refuse en effet de se rendre au plaid qui doit avoir lieu, dans l'une de ces deux villes, entre le comte de Normandie et le roi d'Angleterre, parce que le roi est excommunié. Pontoise et Chaumont-en-Vexin se trouvent dans le domaine royal, et l'on peut se demander si Philippe Ier ne fut pas arbitre entre les deux frères, d'autant plus que la chronique anglo-saxonne ajoute que tous ceux qui avaient signé et juré le traité furent convoqués et qu'ils rejetèrent la responsabilité de la rupture sur Guillaume le Roux. Or nous avons vu que les ambassadeurs du roi de France avaient été les intermédiaires entre Guillaume et Robert en 1091 et qu'ils avaient contribué à la signature de la paix ; il est donc fort probable qu'ils durent figurer parmi les arbitres en 1094.

Jusqu'ici le récit des chroniqueurs anglais, bien qu'il ne soit pas confirmé par les historiens normands, est très admissible. La suite l'est moins. Guillaume le Roux, mécontent de cet arbitrage, aurait repris les hostilités. Il s'empara du château de Bures, pendant que Robert, avec l'aide du roi de France, dit la chronique anglo-saxonne[42], prenait celui d'Argences, défendu par le comte Roger le Poitevin, qui fut fait prisonnier avec sept cents soldats de Guillaume. Guillaume fit venir vingt mille hommes d'Angleterre. Robert et Philippe Ier allèrent alors assiéger Guillaume à Eu, mais Guillaume acheta la retraite de Philippe[43].

Nous avons déjà vu le même épisode dans la campagne de 1090-1091. A vrai dire, les historiens anglais ne disent pas à quel endroit fut achetée la retraite de Philippe Ier dans cette première campagne ; mais, comme Guillaume de Jumièges dit explicitement que le roi de France vint assiéger Eu, nous en avons conclu que le château auquel faisait allusion la chronique anglo-saxonne était celui d'Eu. Il est peu vraisemblable que la campagne de 1094 ait été la répétition exacte de la première. De telle sorte que la question est la suivante : le siège d'Eu a-t-il eu lieu en 1091 ou en 1094 ? La première date paraît plus plausible. Les historiens normands ne disent rien de cette seconde campagne de Guillaume le Roux ; en 1094, Philippe Ier a épousé Bertrade ; il est tout entier, à sa passion et à ses difficultés avec l'Eglise ; il n'interviendra plus guère dans la politique.

Et alors ne faudrait-il pas reporter toute la campagne racontée ici à l'année 1090-1091 ? Les châteaux dont il s'agit ne seraient-ils pas ceux/ qui furent pris par Guillaume le Roux à ce moment, mais dont. le nom n'est pas donné ?

Ce qui nous confirme dans cette hypothèse, c'est qu'en 1094 il n'est pas question de paix entre les deux frères à la suite de la défection de Philippe Ier. Les deux chroniques, avec quelques divergences de détail insignifiantes, s'accordent pour dire que Guillaume fit venir en Angleterre son frère Henri, qui était alors à Domfront[44]. Henri se trouvait en Angleterre à la fin de 1094, et, en 1095, soutenu par Guillaume, il dirigeait une expédition en Normandie, au cours de laquelle il infligea plusieurs défaites à Robert Courteheuse[45]. Le récit de Henri de Huntington et de la chronique anglo-saxonne est ici confirmé par une courte mention de Sigebert de Gembloux[46]. On peut donc se demander si, après l'arbitrage qui eut lieu dans le Vexin au carême de 1094, Guillaume le Roux ne se retira pas courroucé en Angleterre, sans faire de guerre pour le moment ; une fois rentré, il fit venir son frère Henri et le chargea de combattre Robert. Ce serait là le véritable caractère de la seconde guerre entre les deux frères, et cela nous paraît plus plausible que de placer en 1094 le siège d'Eu.

La réconciliation définitive entre Guillaume le Roux et Robert Courteheuse eut lieu en 1096. Guillaume de Jumièges raconte[47] qu'en cette année-là, Robert Courteheuse, qui voulait répondre à l'appel d'Urbain II et partir pour la croisade, pria son frère de venir en Normandie. Selon Hugues de Flavigny[48], ce fut l'abbé de Dijon qui aurait réconcilié les deux frères. Robert demandait à Guillaume de lui garder le duché jusqu'à son retour, à la condition que le roi lui offrirait une forte somme. On convint de dix mille marcs d'argent[49]. Henri se rendit alors auprès de Guillaume, qui lui concéda les comtés de Coutances et de Bayeux, à l'exception toutefois de la cité de Bayeux, et, en plus, la citadelle de Caen.

Ainsi, en 1096, la Normandie et l'Angleterre se trouvent de nouveau réunies. On ne voit pas que Philippe Ier ait rien fait pour empêcher cet événement de la plus haute importance et qui devait avoir, sans beaucoup tarder, de graves conséquences pour la France.

 

II

Les historiens anglais et normands ont fait de Guillaume le Roux un portrait sinistre. Henri de Huntington affirme[50] qu'il était féroce et méchant plus qu'aucun autre homme, à la fois par ses penchants naturels et parce qu’il était entouré de conseillers aussi pervers que lui-même, qui ne pensaient qu'à commettre les pires adultères. Aussi l'Angleterre, ajoute l'historien, fut-elle réellement suffoquée sous son règne ; tous les vices s'y donnaient rendez-vous, et tout ce qui déplaît à Dieu et à ses serviteurs plaisait au roi et à ses compagnons. Le portrait que trace du roi Orderic Vital[51] n'est pas beaucoup plus flatteur ; il insiste aussi sur l'immoralité de Guillaume, qui n'eut jamais une épouse légitime, mais donna les pires exemples d'inconduite ; pour toutes ses fantaisies il pillait les trésors des églises et des monastères. Orderic reconnaît du moins qu'il avait des qualités militaires — militia clarus[52] — ; or c'était là ce qui faisait défaut à son frère aîné et ce qui rendait Guillaume beaucoup plus dangereux pour la France que ne l'était Robert. Dès 1097, Guillaume attaque les Etats de Philippe Ier. C'est la ' seconde guerre du Vexin.

En 1097, Guillaume le Roux, reprenant la politique et les guerres de son père, réclama à Philippe Ier, roi de France, comme l'avait fait le Conquérant, tout le Vexin, avec les villes de Pontoise, Chaumont et Mantes. Le roi de France refusa de les lui céder, et la guerre commença[53], sans doute à la fin du mois de novembre. Henri de Huntington et la chronique anglo-saxonne[54] permettent en effet de fixer l'itinéraire de Guillaume le Roux : le roi d'Angleterre, en 1097, a quitté la Normandie la veille de Pâques et il y est revenu le jour de Saint-Martin, soit le 11 novembre. La guerre du Vexin commence sans doute aussitôt après.

La guerre en général ne fut pas favorable aux Français[55]. Philippe, de plus en plus lourd et corpulent, devenait incapable de la diriger. Quant à son fils Louis, il était encore très jeune et peu apte à combattre, si l'on en croit Orderic[56]. Suger prétend au contraire que tout le poids de la guerre porta sur le jeune prince ; Louis n'avait sans doute pas l'expérience militaire de Guillaume le Roux ; il n'avait pas non plus autant d'argent à sa disposition, mais cela ne l'empêcha pas de faire une vigoureuse résistance. On le vit, raconte son biographe, voler tantôt vers le Berry, tantôt vers l'Auvergne ou la Bourgogne, puis revenir en toute hâte vers le Vexin, et avec trois cents ou cinq cents soldats lutter contre les dix mille hommes de Guillaume le Roux[57].

Il y a tout lieu de croire que Suger a légèrement exagéré les talents militaires dont fit preuve le prince Louis au cours de cette campagne. Il faut se rappeler qu'il n'avait encore que seize ans. Mais de là à conclure, avec Orderic Vital, qu'il n'a joué aucun rôle il y a une forte nuance. Louis dut certainement assister à la guerre du Vexin et, par son ardeur belliqueuse, stimuler le zèle des chevaliers français, dont plusieurs furent faits prisonniers, parmi lesquels Mathieu, comte de Beaumont, Simon de Montfort, Païen, seigneur de Montjay. Il est vrai que plusieurs auxiliaires de Guillaume le Roux tombèrent aux mains des Français, comme Gilbert de Laigle et Païen de Gisors[58].

Ainsi, du côté français, il manquait un chef. L'armée anglo-normande, au contraire, en avait un, le roi. Guillaume tenait à réussir. Suger prétend qu'il voulait devenir roi de France ; le prince Louis était seul héritier, car, s'il venait à disparaître, Philippe et Florus, enfants de Bertrade, ne pouvaient songer à la succession[59]. Il n'est pas impossible que Guillaume le Roux ait eu cette prétention ; en tout cas, il était disposé à déployer toutes ses qualités militaires pour conquérir le Vexin. Ses auxiliaires ne manquaient pas de valeur. Orderic Vital place parmi eux Robert de Bellême[60], mais cela paraît difficile à admettre, puisque Robert, au même moment, était occupé dans le Maine à combattre Hélie[61] ; s'il vint en Vexin, il ne dut y rester que fort peu de temps. Guillaume emmenait encore avec lui son frère Henri, Guillaume, comte d'Evreux, Hugues, comte de Chester, Gautier Giffard, comte de Buckingham et d'autres encore[62].

Suger ne donne aucun détail sur les faits militaires qui marquèrent cette guerre du Vexin. Nous sommes réduits au seul Orderic Vital, qu'il est impossible de contrôler. Voici comment il raconte les choses[63].

Il y eut deux phases dans la guerre. La première occupe la fin de l'année 1097 et le début de 1098. Quand Guillaume le Roux arriva dans le Vexin, de nombreuses défections se produisirent parmi les Français qui le redoutaient beaucoup. Robert, comte de Meulan, reçut les Anglais chez lui et leur donna accès dans la région parisienne. Guy de La Roche-Guyon se laissa corrompre par l'argent anglais et ouvrit à Guillaume ses châteaux de La Roche-Guyon et de Véteuil. D'autres encore trahirent le roi de France. Guillaume put alors construire un château à Gisors, château qui était encore debout à l'époque où écrivait Orderic, et qui se dressait en face de Chaumont, de Boury et de Trie ; ce serait Robert de Bellême qui en aurait donné les plans.

Cette expédition de Guillaume le Roux a échoué. Dans un premier combat, plusieurs chefs anglais furent pris : c'étaient Thibaud, Païen de Gisors, Gautier d'Amfreville, Gérold d'Envermeu. La victoire donna du courage aux Français. Leurs chefs, qui étaient alors Robert de Maudétour, Otmond de Chaumont, Galbert de Boury et son frère Richard, Geoffroy et Pierre, fils d'Herbert de Serans, ne voulurent pas laisser tomber la vieille renommée militaire des Français ; ils augmentèrent l'armée du Vexin d'une foule de guerriers venus de toute la Gaule L'armée française semble avoir remporté un avantage dans un combat près de Chaumont, combat dans lequel Gilbert de Laigle fut fait prisonnier du côté des Anglais et Païen de Montjay du côté français. L'armée anglaise dut se retirer ensuite, puisqu'au mois de septembre Guillaume le Roux revint en Vexin avec une nouvelle armée. C'est la seconde partie de la guerre qui commence.

Guillaume quitta en effet la Normandie au mois de septembre ; il se trouvait à Conches le 27 septembre. Cette fois, il s'avança jusqu'à Pontoise, dévastant tout sur son passage. En même temps qu'il poursuivait le siège de Pontoise, il entreprenait celui de Chaumont, qui dut subir de rudes assauts. Les habitants de Chaumont firent une défense héroïque ; ils épargnèrent autant que possible les vies humaines, mais massacrèrent les riches coursiers des Anglais. Plus de sept cents chevaux périrent ainsi, et ces brillants cavaliers, qui avaient passé l'Epte sur leurs bouillantes montures, durent la repasser à pied. Chaumont et Pontoise étaient donc délivrés.

Guillaume le Roux revint à la charge. Cette fois, il amena avec lui Guillaume, duc d'Aquitaine, qui, jadis allié de Philippe Ier, avait été gagné à la cause de l'Angleterre. Aidé par Amauri et par Nivard de Septeuil, qui avaient à leur tour trahi le roi de France, il vint mettre le siège devant Montfort et Epernon et dévasta tous les environs. Mais le jeune Simon de Montfort défendit victorieusement ces châteaux pendant que son père gardait Neauphle. Guillaume dut accepter une trêve, et la paix fut ainsi rétablie.

Ainsi la guerre du Vexin, bien qu'elle soit une guerre défensive, est un succès pour les Français, alors qu'elle s'annonçait comme devant être un désastre. Philippe Ier n'y a pris aucune part, mais son fils Louis et ses chevaliers ont fait merveille. C'est leur héroïsme qui a sauvé le domaine royal avec la révolte du Mans. Guillaume le Roux est obligé de mener de front la guerre du Vexin et celle du Maine. En 1099, il ne peut reprendre l'offensive, car il est obligé d'aller chasser du Mans Hélie[64]. Le grand tort de Philippe Ier est de ne pas avoir profité de la guerre du Maine pour attaquer Guillaume qui eût été pris entre deux feux. Il y avait là une belle occasion que le roi laissa échapper. Décidément il ne bouge plus guère, il n'aime plus les expéditions militaires ; depuis son mariage avec Bertrade d'Anjou, il n'a plus aucune activité. La seconde partie du règne contraste étrangement avec la première.

 

III

Guillaume le Roux ne survécut pas longtemps à la guerre du Vexin. Le 2 août 1100, il fut tué accidentellement au cours d'une chasse[65]. Robert Courteheuse étant toujours à la croisade, l'Angleterre et la Normandie revinrent tout naturellement au troisième des fils de Guillaume le Conquérant, Henri, car Guillaume le Roux ne laissait pas d'héritiers directs. Les premières années du règne de Henri Ier sont marquées en Normandie par des troubles dont Philippe Ier, de plus en plus apathique, n'a pas su profiter. Guillaume de Malmesbury a pu ainsi définir les rapports de Philippe Ier avec Henri Ier : Philippe n'a été ni utile ni nuisible à notre roi, parce qu'il était plus adonné à la gourmandise qu'aux affaires et aussi parce que les châteaux de Henri n'étaient pas voisins de son domaine. Ce que Henri possédait en propre en Normandie touchait à la Bretagne plus qu'à la France. Il faut ajouter qu'en prenant de l'âge, Philippe se rendit ridicule par sa passion pour la comtesse d'Anjou et ses amours illicites[66]. Dans quelle mesure les faits justifient-ils ce jugement de Guillaume de Malmesbury ?

Henri Ier, né en 1068 suivant Orderic Vital[67], en 1070 suivant Guillaume de Malmesbury[68], armé chevalier peu de temps avant la mort de son père, le jour de la Pentecôte 1087[69], avait mené, comme nous l'avons vu, une vie assez agitée de 1087 à 1100. Quand il apprit la mort de Guillaume le Roux, il gagna Londres, accompagné de Robert, comte de Meulan, et fut sacré à Westminster[70]. Quatre mois après son avènement, ne voulant pas mener la vie dissolue de son prédécesseur, il épousa Mathilde, fille de Malcolm III, roi d'Ecosse, et il eut d'elle deux enfants, Mathilde et Guillaume[71].

A l'automne de cette année 1100, Robert Courteheuse revint de la croisade ; il recouvra sans peine la Normandie, à l'exception des châteaux qui appartenaient personnellement à Henri[72]. Ce retour allait provoquer entre Robert et Henri Ier les mêmes démêlés et les mêmes luttes que jadis entre Robert et Guillaume le Roux.

Lorsque Robert apprit que Henri avait osé se faire couronner roi d'Angleterre, il éprouva une vive indignation et proféra des menaces à son égard[73]. Robert fut d'ailleurs appelé presque immédiatement en Angleterre par des seigneurs anglais qui redoutaient la fermeté de Henri Ier et préféraient être gouvernés par Robert, qui les laisserait sans doute beaucoup plus libres. A la tête de ce mouvement se trouvait Ramnulf Flambard, évêque de Durham[74]. Dans l'automne de l'année 1101, Robert Courteheuse passa en Angleterre. Henri lui envoya aussitôt des ambassadeurs pour lui demander quelles étaient les raisons de sa venue ; Robert répondit qu'il venait revendiquer le royaume de son père[75]. Il était d'ailleurs soutenu par le Saint-Siège, qui lui témoignait ainsi sa reconnaissance pour la part qu'il avait prise à la croisade. Le pape Pascal II écrivit à l'archevêque de Cantorbéry, Anselme, pour qu'il appuyât Robert et pour qu'il cherchât à réconcilier le plus promptement possible les deux frères[76].

La paix ne tarda guère. Robert, qui avait débarqué à Portsmouth, s'était avancé vers Winchester et avait campé dans un endroit assez propice[77]. On pouvait croire qu'une bataille allait s'engager entre ses troupes et celles de Henri Ier qui s'avançaient à sa rencontre, mais les seigneurs anglais s'interposèrent. Une entrevue eut lieu entre les deux frères et la paix fut conclue. Robert Courteheuse renonça à l'Angleterre ; Henri Ier, de son côté, lui abandonna le pays de Coutances et tout ce qu'il possédait en Normandie, à l'exception de Domfront ; il s'engagea à payer à son frère une rente annuelle de trois mille livres sterling[78]. En 1103, Robert Courteheuse alla en Angleterre et, conformément au traité, toucha la somme que lui avait promise Henri[79].

Philippe Ier n'a pris aucune part à ce complot, pas plus qu'à celui que Robert avait formé au début du règne de Guillaume le Roux. Cette abstention est aussi légitime et aussi politique en 1100 qu'en 1089. Ce qui s'explique moins, c'est qu'il n'ait fait aucun effort pour conserver à Robert Courteheuse la Normandie que convoitait Henri Ier.

Le règne de Henri Ier est, en ce qui concerne les rapports de l'Angleterre et de la Normandie, la répétition exacte de celui de Guillaume le Roux. Comme son frère aîné, d'abord menacé en Angleterre, Henri Ier va tenter ensuite la conquête de la Normandie, mais il réussira là où son prédécesseur avait échoué.

Cette conquête de la Normandie a été préparée de longue date par Henri Ier. En 1104, il vint en Normandie, visita Domfront et les quelques places qu'il avait conservées, conclut la paix avec Robert de Bellême à qui il avait confisqué ses biens et qu'il avait chassé d'Angleterre. Après s'être ainsi ménagé des intelligences en Normandie, il chercha à provoquer la rupture et accusa Robert Courteheuse de ne pas avoir observé le traité de 1101. Robert, après avoir pris conseil de son entourage, ne voulut pas provoquer une guerre terrible et il concéda à Henri 1er la suzeraineté du comte d'Evreux. La paix fut ainsi faite et Henri retourna en Angleterre[80].

L'année suivante (1105), Henri Ier prépara une nouvelle expédition en Normandie. Il prit préalablement toutes ses précautions : peu après Pâques, il envoya une ambassade à Philippe Ier, afin de prévenir une intervention de celui-ci en faveur de Robert Courteheuse. Il demanda en même temps au jeune comte d'Anjou, Geoffroy Martel II, de lui prêter son concours[81]. Cette campagne diplomatique réussit pleinement : Philippe Ier observa la plus stricte neutralité, car nous savons par Guillaume de Malmesbury que, peu de temps après la prise de Caen par Henri Ier, Robert Courteheuse fit demander des secours au roi de France et au comte de Flandre, mais ni l'un ni l'autre ne vinrent à son aide[82]. Quant à Geoffroy Martel, très brave et avide de gloire militaire, il répondit avec empressement à l'appel de Henri Ier, et c'est dans cette expédition qu'il trouva la mort, Il fit d'ailleurs preuve, comme Philippe Ier, de peu de sens politique, car la reconstitution du royaume de Guillaume le Conquérant était une menace pour l'Anjou comme pour la France.

Sûr de la neutralité de Philippe Ier, de l'alliance de Geoffroy Martel, Henri Ier chercha des appuis en Normandie même ; il répandit à profusion l'or et l'argent et gagna ainsi à sa cause la plupart des seigneurs[83]. Seul, Guillaume, comte de Mortain, lui était résolument hostile, parce que Henri lui avait confisqué ses biens en Angleterre ; il vint en Normandie et fut, pendant les années 1105 et 1106, le principal défenseur de Robert Courteheuse[84]. Robert de Bellême qui, en 1104, était plutôt favorable au roi d'Angleterre, craignit sans doute que la domination de Henri Ier ne fût plus absolue que celle de Robert Courteheuse et prit parti pour le duc contre le roi[85].

Dans le cours de l'année 1105, sans doute au printemps — car il revint en Angleterre au mois d'août —, Henri Ier passa sur le continent ; il déclara qu'il venait revendiquer l'héritage de son père devenu la proie des brigands. Il fit le siège de Bayeux, qu'il prit et brûla à peu près entièrement. Les habitants de Caen, craignant un sort semblable, préférèrent conclure la paix avec le roi et accepter la garnison qu'il voulait leur imposer. De Caen, Henri Ier marcha sur Falaise, mais ne put s'en emparer. Il eut alors une entrevue avec Robert Courteheuse ; les deux frères ne purent s'entendre et se préparèrent à la guerre. Robert essaya d'attirer son frère dans une embuscade à l'abbaye de Dives, mais Henri réussit à s'échapper[86]. Au mois d'août, il retourna en Angleterre[87], d'où il ne tarda pas à revenir.

En 1106 Henri Ier fait définitivement la conquête de la Normandie sans grande difficulté. Selon les chroniques anglaises, cette dernière guerre aurait été précédée de négociations. Au début de la sixième année du règne de Henri Ier suivant Henri de Huntington, un peu avant le carême de 1106 suivant la chronique anglo-saxonne, Robert Courteheuse vint en Angleterre et eut, à Northampton, une entrevue avec son frère[88] ; il essaya de conclure la paix avec lui, mais Henri Ier refusa de lui rendre ce qu'il avait pris en Normandie au cours de la précédente campagne. Les négociations furent rompues, et Robert Courteheuse retourna en Normandie, où Robert de Bellême l'avait précédé. Henri Ier ne se fit pas longtemps attendre : il passa la Manche à la fin de juillet.

Le roi vint assiéger le château de Tinchebray, qui appartenait à Guillaume de Mortain ; il éleva en face un contre-château où il établit Thomas de Saint-Jean avec de nombreux cavaliers et fantassins Guillaume, voyant son château assiégé, y rassembla des hommes et réussit à y introduire une grande quantité de vivres. A cette nouvelle, Henri Ier entra dans une violente colère et vint lui-même assiéger Tinchebray. Robert Courteheuse, de son côté, se prépara à le chasser. Henri avait avec lui de précieux auxiliaires : Hélie, comte du Maine, Guillaume comte d'Evreux, Robert, comte de Meulan, Guillaume de Varenne, Ramnulf de Bayeux, Robert de Montfort, Robert de Grentemesnil, d'autres encore ; il disposait de moins de fantassins, mais de plus de cavaliers que Robert. La veille de cette bataille décisive, des négociations furent encore tentées, mais Henri Ier se montra très exigeant : il voulait que Robert lui abandonnât toutes les garnisons, la justice et le gouvernement de la Normandie entière et qu'il lui en cédât la moitié en toute propriété ; avec les revenus de l'autre moitié, Robert pourrait passer sa vie dans les festins et les jeux pendant que lui-même administrerait la Normandie. Robert refusa ce marché peu honorable et la bataille s'engagea le 28 septembre[89]. Robert de Bellême prit la fuite. Robert Courteheuse et Guillaume de Mortain tombèrent aux mains de Henri Ier. Le roi, après cette victoire, vint à Rouen, où il fut acclamé et où il remit en vigueur les lois données par Guillaume le Conquérant ; de là il se rendit à Lisieux où, au milieu d'octobre, il convoqua un concile. Il pacifia ensuite toute la Normandie et détruisit les châteaux qui s'étaient élevés depuis la mort de Guillaume le Conquérant[90]. Quant à Robert Courteheuse et à Guillaume de Mortain, il les emmena en Angleterre et les garda prisonniers jusqu'à leur mort, tout en leur laissant une certaine liberté[91]. Robert Courteheuse avait un fils, Guillaume, qui s'enfuit auprès du comte de Flandre Robert, et celui-ci l'arma chevalier quand il eut atteint ses quatorze ans[92].

La bataille de Tinchebray est un des événements les plus importants qui se soient passés pendant le règne de Philippe Ier. Elle consomme définitivement l'union de l'Angleterre et de la Normandie, un instant brisée par la mort de Guillaume le Conquérant, dont Henri Ier est le véritable continuateur. On peut donc s'étonner que le roi de France n'ait rien fait pour empêcher la défaite de Robert Courteheuse et pour assurer sa succession à son jeune fils Guillaume. C'est peut-être la plus grande faute du règne. Mais, comme le remarque très justement Guillaume de Malmesbury, depuis qu'il a épousé Bertrade d'Anjou, Philippe Ier ne se soucie plus de la politique, qu'il abandonne maintenant à son fils Louis le Gros, roi associé. On peut dès lors se demander pourquoi Louis le Gros lui-même n'est pas intervenu et a donné son assentiment à la conquête de la Normandie par Henri Ier[93]. C'est que sa politique n'est pas la même que celle de son père : Philippe Ier a songé avant tout à prévenir les conquêtes futures de Guillaume le Conquérant et de ses successeurs. Louis, instruit peut-être parla guerre du Vexin de 1097, dans laquelle il avait éprouvé de cruelles défections, juge que l'opposition à la Normandie sera stérile tant que le roi ne sera pas le maître dans son domaine, tant qu'il n'aura pas soumis les belliqueux châtelains de l'Ile-de-France. Voilà pourquoi en 1106, tandis que se déroulent en Normandie les graves événements dont nous venons de parler, Louis le Gros lutte contre la féodalité du domaine, sans nul autre souci. Cette lutte contre les seigneurs de l'Ile-de-France a donné au règne de Louis le Gros sa physionomie particulière, mais elle commence avant 1108 ; elle remplit les dernières années du règne de Philippe Ier, qui sont en quelque sorte le prélude du règne suivant.

 

 

 



[1] Cf. Orderic Vital, l. VIII, c. I. (Ed. Leprévost. t. III, p. 261 et suiv.)

[2] Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. II. (Rec. des histor. de France, t. XI. p. 54.)

[3] Orderic Vital, l. VIII, c. I. (Ed. Leprévost, t. III, p. 262.)

[4] Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. II. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 54.) — Gesta Gaufridi Constantiensis episcopi. (Ibid., t. XIV, p. 79.)

[5] Orderic Vital, l. VIII, c. I. (Ed. Leprévost, t. III, p. 267.) — Cf. aussi Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. V, c. CCCXCII. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 9 ; éd. Stubbs, t. II, p. 468.)

[6] Orderic Vital, l. VIII, c. I. (Ed. Leprévost, t. III, p. 267.)

[7] Orderic Vital, l. VIII, c. II. (Ed. Leprévost, t. III, p. 268 et suiv.)

[8] Orderic Vital, I. VIII, c. II. (Ed. Leprévost, t. III, p. 270.)

[9] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. IV, c. CCCVI. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 2 ; éd. Stubbs, t. II, p. 360-362.)

[10] Orderic Vital, Guillaume de Malmesbury, loc. cit. ; Florent de Worcester, année 1088 (Rec. des histor. de France, t. XIII, p.67) ; Chronique anglo-saxonne, année 1087. (Ibid., t. XIII, p. 53.)

[11] Cf. Orderic Vital, l. VIII, c. IV. (Ed. Leprévost, t. III, p. 289.)

[12] On en trouvera le récit dans : Orderic Vital, l. VIII, c. V et c. XII et suiv. (Ed. Leprévost, t. III, p. 292-303 et p. 332 et suiv.) — Nous n’insistons pas sur ces révoltes des seigneurs normands puisqu'aucune d'elles n'a motivé l'intervention de Philippe Ier.

[13] Cf. supra, l. III. c. I.

[14] Orderic Vital, l. VIII, c. IX. (Ed. Leprévost, t. III, p. 315 et suiv.)

[15] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. IV, C. CCCVII. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 3 ; éd.. Stubbs, t. II, p. 363.)

[16] Chronique anglo-saxonne. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 54.)

[17] Henri de Huntington, l. VII, c. II. (Ed. Arnold, p. 215.)

[18] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. I, c. CCCVII. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 3 ; éd. Stubbs, t. II, p. 363.) — Chronique anglo-saxonne, année 1090. (Ibid., t. XIII, p. 54.) — Henri de Huntington, l. VII, c. II. (Ed. Arnold, p. 215.)

[19] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. I, c. CCCVII. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 3 ; éd. Stubbs, t. II, p. 363.) — Chronique anglo-saxonne, année 1091. (Ibid., t. XIII, p. 54.)

[20] De controversia Guillelmi, Rotomagensis archiepiscopi ; il faut sans doute corriger l'année MLXXXIX en 1090 ou même 1091, si Robert n'a été demander secours à Philippe Ier qu'après l'arrivée de son frère. (Gall. Christ., t. XI, Instit. col. 18. — Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 68.)

[21] Orderic Vital, l. VIII, c. XVI. (Ed. Leprévost, t. III, p. 365.)

[22] Orderic Vital, l. VIII, c. XVI. (Ed. Leprévost, t. III, p. 365.)

[23] Orderic Vital, l. VIII, c. XVI. (Ed. Leprévost, t. III, p. 366.)

[24] Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. III. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 54.)

[25] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. IV, c. CCCVII. (Rec. des liistor.de France, t. XIII, p. 3 ; éd. Stubbs, t. II, p. 363.) — Chronique anglo-saxonne, année 1090. (Ibid., t. XIII, p, 54.)

[26] Cf. supra, l. I, c. I.

[27] Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. III. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 54.) — Orderic Vital, l. VIII, c. XVI. (Ed. Leprévost, t. III, p. 366.) — Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. IV, c. CCCVII. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 3 ; éd. Stubbs, t. II, p. 363.) — Henri de Huntington, l. VII, c. II. (Ibid., t. XIII, p. 31 ; éd. Arnold, p. 215-216.) — Cf. aussi Chronique anglo-saxonne, année 1091. (Ibid., t. XIII, p. 54.)

[28] Henri de Huntington, l. VII, c. II. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 31 : éd. Arnold, p. 216.)

[29] On lit dans les Annales du Mont Saint-Michel : MXC. Obsessio montis hujus, quæ facta esta Guillelmo Rufo, rege Anglorum, et a Roberto, comite Normannorum, Henrico, fratre eorum in hoc monte incluso. (Delisle, Robert de Torigny, t. II, p. 222.) Cette date est inadmissible ; le siège n'a pu avoir lieu avant la réconciliation de Robert et de Guillaume qui est de février 1091.

[30] Florent de Worcester, année 1091. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 69.) — Orderic Vital, I, VIII, c. XVIII. (Ed. Leprévost, l. III, p. 378.)

[31] Cf. Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. III. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 55.) — Orderic Vital, l. VIII, c. XVIII. (Ed. Leprévost, t. III, p. 378.) — Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. IV, c. CCCVIII. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 3 ; éd. Stubbs, t. II, p. 364.) — Florent de Worcester, année 1091. (Ibid., t. XIII, p. 69.)

[32] Selon Guillaume de Jumièges et Orderic Vital, loc. cit., Henri possédait déjà le Mont-Saint-Michel.

[33] Orderic Vital, l. VIII, c. XVIII. (Ed. Leprévost, t. III, p. 378.)

[34] Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. III. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 55.) — Orderic Vital. l. VIII, c. XIX. (Ed. Leprévost, t. III, p. 384.)

[35] Cf. Orderic Vital, l. VIII, c. XXII. (Ed. Leprévost, t. III, p. 394 et suiv.) — Henri de Huntington, l. VII, c. II. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 31 ; éd. Arnold, p. 216.) — Chronique anglo-saxonne. (Ibid., t. XIII, p. 55.)

[36] Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. XV. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 575.) — Orderic Vital, l. VIII, c. XXIV. (Ed. Leprévost, t. III, p. 412 et suiv.)

[37] Orderic Vital, l. VIII, c. XXIV. (Ed. Leprévost, t. III, p. 412 et suiv.)

[38] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXVIII, p. 327, l. 3-4.

[39] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXVIII, p. 327, l. 1-2.

[40] Henri de Huntington, l. VII, c. IV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 31 ; éd. Arnold, p. 217-218.) — Chronique anglo-saxonne, année 1094. (Ibid., t. XIII, p. 55.)

[41] Yves de Chartres, ep. 28. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 82.)

[42] Chronique anglo-saxonne, année 1094. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 55.)

[43] Henri de Huntington, l. VII, c. IV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 31 ; éd. Arnold, p. 217.) — Chronique anglo-saxonne, année 1094. (Ibid., t. XIII, p. 55.)

[44] Henri de Huntington, l. VII, c. IV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 31 ; éd. Arnold, p. 218.) — Chronique anglo-saxonne, année 1094. (Ibid., t. XIII, p. 55.)

[45] Henri de Huntington, l. VII, c. IV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 31 ; éd. Arnold, p. 218.) — Chronique anglo-saxonne, année 1095. (Ibid., t. XIII, p. 56.)

[46] Sigebert de Gembloux, année 1095. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VI, p. 367.)

[47] Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. VII. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 571.)

[48] Hugues de Flavigny, l. II. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VIII, p. 474-475.)

[49] C’est le chiffre que donnent aussi la Chronique anglo-saxonne, année 1096, (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 57) et Florent de Worcester, année 1096. (Ibid., t. XIII, p. 70.)

[50] Henri de Huntington, l. VII, c. XXII. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 32 ; éd. Arnold, p. 232.)

[51] Orderic Vital, l. X, c. II. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 9.)

[52] Cf. Orderic Vital, l. X, c. V. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 20.)

[53] Orderic Vital, l. X, c. V. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 19-20.)

[54] Henri de Huntington, l. VII, c. XIX. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 32 ; éd. Arnold, p. 230.) — Chronique anglo-saxonne, année 1097. (Ibid., t. XIII, p. 57.) — Ces deux chroniques ne donnent pas de détails sur la guerre, mais elles permettent de fixer avec précision l'itinéraire de Guillaume le Roux de 1097 à 1100.

[55] Orderic Vital, l. X, c. V. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 20.)

[56] Orderic Vital, l. X, c. V. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 20.)

[57] Suger, Vita Ludovici, c. I. (Ed. Molinier, p. 6.)

[58] Suger, Vita Ludovici, c. I. (Ed. Molinier, p. 6-7.)

[59] Suger, Vita Ludovici, c. I. Cf. supra, l. I, c. III.

[60] Orderic Vital, l. X, c. V. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 20.)

[61] Cf. supra l. III, c. I.

[62] Orderic Vital, l. x, c. V. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 20-21.)

[63] Orderic Vital, L x, c. V. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 21 et suiv.).

[64] Cf. supra, I. III, c. I.

[65] Cf. Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. IX. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 572.) — Orderic Vital, l. X, c. XIV. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 87-91.) — Chronicon Rolomagense. anno MXCIX. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 784.) — Chronicon S. Stephani Cadomensis. (Ibid., t. XII, p. 779.) — Henri de Huntington, l. VII, c. XXII. (Ibid., t. XIII, p. 32 ; éd. Arnold, p. 232.) — Florent de Worcester, anno MC. (Ibid., t. XIII, p. 70.) — Suger, Vita Ludovici, c. I. (Ed. Molinier, p. 8.)

[66] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., L V, c. CCIV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 14 ; éd. Stubbs, t. II, p. 479-480.)

[67] Orderic Vital, l. IV, c. IV. (Ed. Leprévost, t. II, p. 182.)

[68] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. V, c. CCCXC. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 9 ; éd. Stubbs, t. II, p. 467.)

[69] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. V, c. CCCXC. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 9 ; éd. Stubbs, t. II, p. 467.) — Chronique dite de Guillaume Godelle, année 1087. (Ibid., t. XIII, p. 672.)

[70] Orderic Vital, l. X, c. XV. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 91.) — Guillaume de Jumièges l. VIII, c. X. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 572.)

[71] Orderic Vital, l. X, c. XV. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 95.)

[72] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. V, c. CCCXCII. (Rec.des histor. de France, t. XIII, p. 10 ; éd. Stubbs, t. II, p. 468.) — Chronique anglo-saxonne, année 1100. (Ibid., t. XIII, p. 58.) — Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. XII. (Ibid., t. XII, p. 573.)

[73] Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. XII. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 573.)

[74] Orderic Vital, l. X, c. XVIII. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 107.) — Florent de Worcester, année 1101. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 71.)

[75] Orderic Vital, l. X, c. XVIII. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 107.).

[76] Jaffé, n° 5823 ; Rec. des histor. de France, t. XV, p. 22.

[77] Florent de Worcester, loc. cit.

[78] Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. XII. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 573.) — Orderic Vital, l. x, c. XVIII. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 114.) — Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. V, c. CCCXCV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 11 ; éd. Stubbs, t. II, p. 471-472.) — Henri de Huntington, l. VII, c. XXIII. (Ibid., t. XIII, p. 33 ; éd. Arnold, p. 123.) — Chronique anglo-saxonne, année 1101. (Ibid., t. XIII, p. 58.) — Florent de Worcester, année 1101. (Ibid., t. XIII, p. 71.)

[79] Florent de Worcester, année 1103. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 72.) — Chronique anglo-saxonne, année 1103. (Ibid., t. XIII, p. 59.)

[80] Orderic Vital, l. XI, c. X. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 199.)

[81] Orderic Vital, l. XI, c. XI. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 210.)

[82] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. IV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 9 ; éd. Stubbs, t. II, p. 474.)

[83] Florent de Worcester, année 1105. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 72.) — Chronique anglo-saxonne, année 1104. (Ibid., t. XIII, p. 59.)

[84] Henri de Huntington, l. VII, c. XXV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 33 ; éd. Arnold, p. 235.) - Chronique anglo saxonne, année 1104. (Ibid., t. XIII, p. 59.) — Florent de Worcester, année 1105. (Ibid., t. XIII, p. 72.)

[85] Orderic Vital, l. XI, c. XX. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 224.)

[86] Henri de Huntington, chronique anglo-saxonne, Florent de Worcester, loc. cit. Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. XIII. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 573.) Orderic Vital, l. XI, c. XVII. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 218. et suiv.)

[87] Henri de Huntington, l. VII, c. XXV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 33 ; éd. Arnold, p. 235.)

[88] Henri de Huntington, l. VII, c. XXV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 33 ; éd. Arnold, p. 235.) — Chronique anglo-saxonne, année 1106. (Ibid., t. XIII, p. 59.) — Florent de Worcester, année 1106. (Ibid., t. XIII, p. 72.) Cf. aussi deux lettres de Henri Ier à saint Anselme. (Ibid., t. XV, p. 66.)

[89] C'est la date donnée par la chronique de Fontenelle. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 771.) — Guillaume de Jumièges donne : 5 kalendas octobris, soit le 27 septembre.

[90] Nous avons résumé le récit d'Orderic Vital, l. XI, c. XX (éd. Leprévost, t. IV, p. 224 et suiv.), qui seul donne quelques détails. Cf. aussi Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. XIII (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 573) ; Henri de Huntington, l. VII, c. XXV (Ibid., t. XIII, p. 33 ; éd. Arnold, p. 235) ; Chronique anglo-saxonne, année 1106 (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 59) ; Florent de Worcester, année 1106 (Ibid., t. XIII, p. 72) ; Chronicon S. Stephani Cadomensis, anno MCVI (Ibid., t. XII, p. 779) ; Chronicon Rotomagense, anno MCVI (Ibid., t. XII, p. 784), etc.

[91] Guillaume de Jumièges, loc. cit.

[92] Cf. Hériman de Tournai, c. XX. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 395. Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XIV, p. 284.)

[93] Cf. Luchaire, Louis VI, n° 43.