LE RÈGNE DE PHILIPPE Ier

LIVRE PREMIER. — LA VIE DE PHILIPPE Ier

 

CHAPITRE PREMIER. — LA MINORITÉ DE PHILIPPE Ier.

 

 

I

Philippe Ier, fils aîné de Henri Ier, roi de France, et d'Anne de Russie, naquit en 1052[1]. De cette union naquirent encore deux autres fils, Robert, qui mourut en bas âge, et Hugues, qui devint plus tard comte de Vermandois[2].

Selon Guillaume de Jumièges, Anne aurait également donné le jour à une fille[3].

Les chroniqueurs sont muets sur les premières années de la vie de Philippe Ier ; nous ignorons les détails de son enfance jusqu'au jour où, à l'âge de sept ans, il fut sacré roi à Reims par l'archevêque Gervais, le 23 mai 1059, jour de la Pentecôte , du vivant de son père Henri Ier.

Nous avons conservé un récit de cette cérémonie[4], confirmé et complété par plusieurs chroniqueurs.

Le sacre eut lieu dans l'église métropolitaine, devant l'autel de Notre-Dame. La messe une fois commencée, avant la lecture de l'épître, l'archevêque Gervais se tourna vers le roi Philippe, lui fit un exposé de la foi catholique, lui' demanda s'il y croyait et s'il s'engageait à la défendre. Philippe le promit. On 'apporta la formule du serment (professio) ; le roi la prit, la lut et y souscrivit. Voici quelle était cette formule : Moi Philippe, par la grâce de Dieu bientôt roi des Français, au jour de mon sacre, je promets, devant Dieu et ses saints, que je conserverai à chacun de vous et à chacune des églises qui vous sont confiées son privilège canonique, la loi et la justice qui lui sont dues, que je vous défendrai dans la mesure où je le pourrai et avec l'aide de Dieu, comme il est juste qu'un Roi dans son royaume défende chaque évêque et l'Église qui lui est soumise ; je promets aussi au peuple qui m'est confié, que mon autorité consacrera l'application des lois qui le régissent. Cette lecture achevée, le roi déposa ce serment entre les mains de l'archevêque, en présence de Hugues de Besançon, légat du pape Nicolas II. Etaient également présents : Hermanfroi, évêque de Sion, Mainard, archevêque de Sens, Barthélémy, archevêque de Tours, Heddon, évêque de Soissons, Roger, évêque de Châlons, Elinand, évêque de Laon, Baudoin, évêque de Noyon, Riolant, évêque de Senlis, Lietbert, évêque de Cambrai, Guy, évêque d'Amiens, Aganon, évêque d'Autun, Hardouin, évêque de Langres, Achard, évêque de Chalon-sur-Saône, Isembert, évêque d'Orléans, Imbert, évêque de Paris, Gautier, évêque de Meaux, Hugues, évêque de Nevers, Geoffroy, évêque d'Auxerre, Hugues, évêque de Troyes, Itier, évêque de Limoges, Guillaume, évêque d'Angoulême, Arnoul, évêque de Saintes, Werec, évêque de Nantes, enfin les abbés de Saint-Remi, Saint-Benoît-sur-Loire, Saint-Denis, etc. L'archevêque Gervais prit en main le bâton pastoral de saint Remi et exposa, au milieu du plus grand calme, pour quelles raisons il avait le droit d'élire et de consacrer le roi, depuis que saint Remi avait baptisé et consacré Clovis. Il montra ensuite comment le pape Hormisde avait donné à saint Remi ce droit de consécration en même temps que la primatie de toute la Gaule et comment le pape Victor lui avait renouvelé ce privilège à lui et à son Église. Alors, avec le consentement de Henri Ier, il élut Philippe comme roi — elegit eum in Regem —. Après lui, bien que l'élection, de l'avis de tous, fût valable sans le consentement du Saint-Siège, par égard et par affection pour le pape, on demanda l'assentiment des légats pontificaux. Après eux, les archevêques, évêques, abbés et clercs approuvèrent. Puis, ce fut le tour de Guy, duc d'Aquitaine, de Hugues, fils et délégué du duc de Bourgogne, des légats du marquis Baudoin et de ceux de Geoffroy, comte d'Anjou, ensuite des comtes Raoul de Crépy, Hubert de Vermandois, Guy de Ponthieu, Guillaume de Soissons, Bernard, Roger, Manassès, Hilduin, Guillaume d'Auvergne, Aldebert de la Marche, Foulque d'Angoulême et du vicomte de Limoges. Enfin les chevaliers et le peuple d'une voix unanime ratifièrent l'élection, en criant par trois fois : Nous approuvons, nous voulons que cela soit. Philippe rédigea alors, comme avaient fait ses prédécesseurs, un diplôme confirmant dans la possession de leurs biens l'église Notre-Dame, le comté de Reims, Saint-Remi et les autres abbayes ; il le souscrivit ainsi que l'archevêque qu'il établit grand chancelier, comme avaient toujours fait ses prédécesseurs pour les archevêques de Reims. Il fut ensuite consacré[5]. L'archevêque revint à son trône, s'assit, fit apporter le privilège du pape Victor et en fit donner lecture en présence des évêques. Cette cérémonie s'accomplit dans le recueillement, sans trouble et sans que personne fît la moindre opposition.

Ce récit du sacre de Philippe Ier permet de saisir quelle était la situation de la royauté capétienne au moment où le jeune roi allait succéder à son père Henri Ier.

Le procès-verbal que nous venons d'analyser n'indique pas qui a pris l'initiative de cette cérémonie. Malgré ce silence, il est évident que c'est Henri Ier qui a décidé le sacre pour assurer la couronne à son fils, pour maintenir le principe d'hérédité. Les chroniques ne laissent aucun doute à ce sujet. D'après la chronique de Bèze, Henri, se sentant accablé par la maladie et la vieillesse, voulut s'associer son fils et le fit couronner[6]. La chronique du monastère de Saint-Médard de Soissons est encore plus catégorique : Philippe, dit-elle, fut couronné du vivant de son père et par sa volonté, avec l'assentiment unanime des Francs[7]. Henri Ier dut même assister au sacre de son fils. Sa présence est très nettement affirmée parla Vie de saint Lietbert, évêque de Cambrai[8] ; le procès-verbal du sacre indique simplement que Henri donna son consentement, sans spécifier si ce fut par écrit ou de vive voix ; cependant il faut, semble-t-il, pencher pour cette dernière hypothèse, le consentement étant mentionné entre le discours de Gervais et la proclamation de l'élection. Aussi croyons-nous que, malgré l'âge et la maladie, Henri Ier a dû assister au sacre du jeune Philippe ; il a voulu montrer par là que, de son plein gré, il l'associait au gouvernement et le désignait par avance pour son successeur.

Le principe de l'hérédité du trône est donc affirmé par Henri Ier, comme il l'avait été par Hugues Capet et Robert. Mais, comme ses prédécesseurs, Henri juge nécessaire de faire ratifier sa décision par l'Eglise, les seigneurs et le peuple.

C'est l'Eglise qui, dans cette cérémonie du sacre de Philippe Ier, a eu la part primordiale. L'Église exerce une véritable tutelle sur le roi capétien. Non seulement elle le consacre, lui conférant par là une sorte de mission divine et providentielle, mais elle le choisit, elle l'élit. La cérémonie de la consécration n'apparaît, dans le procès-verbal du sacre, que comme le corollaire de celle, beaucoup plus importante, de l'élection ; il en est même à peine question ; au contraire, l'auteur s'étend longuement sur la désignation de Philippe comme roi par l'archevêque Gervais. Gervais ne lui donne le titre de roi qu'après lui avoir fait jurer d'observer la foi catholique et de maintenir les privilèges de l'Eglise ; l'élection ne précède pas le serment, elle le suit, pour bien montrer qu'un roi qui eût refusé d'obéir à l'Eglise n'aurait pu exercer ses fonctions. On peut donc dire qu'avec le roi Henri Ier, celui qui associe effectivement Philippe au trône, c'est l'archevêque de Reims, et l'archevêque de Reims seul. Les délégués du Saint-Siège ne participent pas à l'élection ; on a soin de marquer que, si l'archevêque de Reims peut l'empêcher, le pape ne peut, sous aucun prétexte, s'y opposer ; depuis le concile de Saint-Basle de Verzy, sous Hugues Capet (991), l'Église de France tend à se passer du concours de la papauté pour ses affaires temporelles.

De même, les autres prélats et abbés n'élisent pas le roi ; ils ne font que consentir, comme les ducs, comtes, chevaliers et autres laïques.

Ainsi Philippe Ier, sur l'initiative de son père Henri, a été proclamé roi par l'archevêque de Reims Gervais. Il y a enfin un troisième acte dans le sacre, mais qui déjà n'apparaît plus comme indispensable : c'est l'assentiment des grands du royaume. Il n'intervient qu'au moment où Philippe a déjà été proclamé roi par l'archevêque ; c'est une simple ratification, consensus et non pas electio, suivant l'expression employée par les chroniqueurs. L'auteur du procès-verbal écrit que tout se passa dans le calme, mais il laisse entendre que, si une opposition quelconque s'était produite, elle n'eût pas été suivie d'effet.

La composition de l'assemblée doit être remarquée : la plupart des évêques et des comtes du nord de la France, beaucoup du centre, se sont rendus à Reims ; il y a peu d'évêques du midi. Les grands seigneurs du royaume sont venus ou se sont fait représenter : le duc de Bourgogne, le comte de Flandre et le comte d'Anjou ont envoyé des délégués ; le duc d'Aquitaine est venu en personne et, avec lui, des seigneurs de l'Auvergne, de la Marche, du Limousin et de l'Angoumois. La présence de ces derniers est particulièrement notable ; elle prouve que, dès l'avènement de Philippe Ier, le midi reconnaissait, théoriquement au moins, la suprématie du roi capétien ; le duc d'Aquitaine lui-même se rend à l'appel de Henri Ier. Philippe Ier saura d'ailleurs faire valoir cette suzeraineté sur le midi ; nous le verrons, en 1076, se rendre à son tour à Poitiers, pour demander des secours au duc d'Aquitaine, qu'il considère ut ducem suum[9]. Dès son avènement, il est donc reconnu comme roi dans toutes les parties du regnum Francorum. Seul parmi les grands feudataires, le duc de Normandie se signale par son abstention et tient à manifester par là son hostilité au roi de France[10].

Le récit du sacre mentionne enfin le consentement des chevaliers et du peuple — populi tam majores quam minores —. Selon M. Luchaire, on peut différer d'avis sur le sens de cette dernière expression, mais il est bien difficile de n'y pas voir l'attestation de la part prise par l'élément urbain à l'élection du nouveau roi[11]. Nous ne croyons pas que l'on puisse tirer d'un passage aussi vague une conclusion aussi précise ; il ne faut voir là qu'une de ces acclamations populaires qui accompagnent les actes publics de la royauté ; les minores populi, c'est la foule, réunie dans l'église, qui manifeste bruyamment sa satisfaction et salue le nouveau roi. Ce n'est donc pas, à notre avis, l'élément urbain, mais simplement l'élément populaire qui intervient, en dernier lieu, non pas pour élire, mais pour ratifier l'élection de Philippe Ier.

Une royauté héréditaire, sous la tutelle de l'Eglise, reconnue par les grands feudataires à l'exception du duc de Normandie, acclamée par le peuple, telle est la situation en 1059.

L'année qui suivit le sacre, le 4 août 1060, par la mort de Henri Ier, Philippe Ier devient seul roi[12].

 

II

L'élection et le sacre de Reims avaient tranché la question de la succession de Henri Ier, mais non celle du gouvernement de la France pendant les premières années du nouveau règne. En 1060, Philippe Ier est un enfant de huit ans ; s'il a en droit toutes les attributions et tous les pouvoirs d'un roi majeur, s'il signe déjà les diplômes royaux[13], il n'en est pas moins vrai qu'il ne peut gouverner par lui-même, diriger la politique et les affaires, prendre les décisions importantes ; il lui faut un tuteur, un régent. Ce régent, ce ne fut pas, comme il eût pu sembler naturel, le frère du roi défunt, Robert, duc de Bourgogne, mais son beau-frère Baudoin, comte de Flandre, qui avait épousé Adèle, sœur de Henri Ier.

La première question qui se pose à propos de la tutelle de Philippe et de la régence de Baudoin est celle-ci : Henri Ier a-t-il pris ses dispositions à cet égard avant de mourir et a-t-il désigné lui-même Baudoin comme tuteur de son fils, ou bien est-ce seulement après sa mort que les grands, les fidèles du roi, ont chargé Baudoin du gouvernement du royaume pendant la minorité du jeune roi ?

A vrai dire, le problème ne semble pas susciter de grandes difficultés. La version d'après laquelle Baudoin aurait dû son pouvoir aux grands n'apparaît qu'au XIVe siècle, dans le Chronicon Sithiense de Jean d'Ypres : Baudoin aurait été élu tuteur du jeune roi Philippe et protecteur de tout le royaume par les barons de France qui lui auraient fait hommage et lui auraient promis que, si le roi venait à mourir pendant la tutelle, ils l'élèveraient à la royauté[14]. Aucune chronique antérieure ne confirme ce témoignage peu vraisemblable : le chroniqueur sénonais Clarius[15] et la chronique universelle d'origine sénonaise attribuée longtemps à Guillaume Godelle[16], les chroniques de Tours[17], Hariulf[18], un fragment plus ou moins remanié de l'Historia modernorum Francorum regum de Hugues de Fleury[19], sont muets au sujet de la désignation du tuteur, mais n'autorisent en aucune façon l'hypothèse d'une intervention des barons de France. En revanche, d'autres rédactions de Hugues de Fleury[20], Guillaume de Jumièges[21], Orderic Vital[22], une chronique de Saint-Benoît-sur-Loire[23], Aubri de Trois-Fontaines[24], Guillaume de Malmesbury[25], attestent formellement que Henri Ier, avant sa mort, désigna Baudoin comme tuteur du jeune Philippe. Il n'y a aucune raison pour suspecter ces textes qui concordent parfaitement ; il est donc certain que Henri Ier, après avoir désigné Philippe pour son successeur au jour du sacre, régla ensuite le mode de gouvernement pendant la minorité et qu'il confia la régence à Baudoin[26].

Cela ne veut pas dire que les barons de France ne soient intervenus à aucun moment dans la constitution de la régence. De même qu'au jour du sacre ils avaient acclamé Philippe pour roi, ils donnèrent, au lendemain de la mort de Henri Ier, leur consensus à la régence de Baudoin. Baudoin, pour fortifier son pouvoir, jugea nécessaire de se faire jurer fidélité par eux, comme Henri Ier leur avait fait jurer fidélité à son fils. Un seul texte, les Annales Elnonenses minores, nous a conservé le souvenir de ce serment des grands seigneurs de la Gaule, à la tête desquels se trouvait Thibaud, comte de Blois, appelé à tort par la chronique comte d'Anjou[27] ; il nous paraît suffire à autoriser cette hypothèse, très vraisemblable si l'on songe au rôle qu'ont joué les barons pendant la régence ; Baudoin a voulu se ménager l'appui de certains d'entre eux pour lutter avec plus de chances de succès contre l'opposition qui ne pouvait manquer de se produire pendant une minorité. Le choix du régent a donc été fixé par le roi et ratifié par les seigneurs.

Il est difficile, avec le peu de renseignements fournis par les chroniques, de faire un portrait de l'homme qui a gouverné la France pendant sept ans. Toutes s'accordent pour vanter la grande piété de Baudoin ; les nombreuses donations faites par lui à des monastères, la construction et la dédicace de l'église Saint-Pierre de Lille[28] justifient le surnom de Pius qui lui est resté. La chronique des comtes de Flandre fait l'éloge de sa prudence, de son courage, de sa sagesse et de sa modération[29], mais ne donne aucun détail sur son physique, tandis qu'elle insiste sur la beauté et la haute stature de son père Baudoin IV[30]. Chez Guillaume de Malmesbury comme chez Aubri de Trois-Fontaines[31], on trouve également un éloge des vertus de Baudoin, de sa loyauté, de son courage et de sa sagesse. Guillaume de Poitiers surtout, dans ses Gestes de Guillaume duc de Normandie[32], retrace le caractère et l'œuvre de Baudoin en des termes qui sentent un peu trop le panégyrique et expriment la satisfaction qu'a suscitée chez le chapelain de Guillaume le Conquérant l'attitude neutre et bienveillante du régent lors de la conquête de l'Angleterre. Tous ceux, dit Guillaume, qui ont eu occasion de le voir, comtes, marquis, ducs, prélats, ont été frappés d'étonnement et d'admiration ; ils ont pu, comme ses amis et ses compagnons, apprécier sa prudence dans la délibération des affaires les plus importantes et sa largesse dans ses présents. Les rois eux aussi ont respecté et redouté sa puissance ; les nations les plus éloignées ont connu ses exploits dans les guerres si fréquentes et si importantes contre les empereurs ; elles ont su comment il avait dicté les conditions qu'il avait fixées. Enfin, ajoute le chroniqueur, pendant l'enfance de Philippe Ier, c'est cet homme de si bon conseil qui a protégé, dirigé et gouverné la France.

Examinons quels ont été les caractères de ce gouvernement, et nous pourrons juger si l'enthousiasme de Guillaume de Poitiers et des autres chroniqueurs pour le régent est mérité.

La fonction de Baudoin comme régent est double : elle consiste à la fois dans la tutelle du roi et le gouvernement du royaume. La plupart des chroniques que nous avons citées plus haut indiquent ce double caractère de sa régence : chez Clarius, dans la chronique de Tours, dans l'Historia Francorum de Hugues de Fleury, Baudoin apparaît comme chargé à la fois de l'éducation du jeune roi Philippe — regem parvulum, Philippum aluit — et de l'administration de la France — Franciam gubernavit, regnum ejus strenue rexit ac defendit — ; Hariulf, Hugues de Fleury dans l'Historia modernorum Francorum regum, Guillaume de Jumièges, Orderic Vital, Aubri de Trois-Fontaines, Guillaume de Malmesbury, ne parlent que de la tutelle (tutela, custodia) ; Baudoin est tutor et nutritor de Philippe ; mais il va de soi que ce rôle de tuteur lui confère le droit et le pouvoir de gouverner la France.

Cette double mission ressort encore plus formellement de l'étude des diplômes rédigés pendant la régence. Elle est très nettement indiquée dans la charte de fondation de l'église Saint-Pierre de Lille[33], dans la charte de Baudoin le Jeune, confirmée par Philippe Ier, par laquelle il restitue les biens du monastère de Hasnon[34], dans plusieurs chartes du Nord de la France citées par M. Prou dans l'introduction de son Recueil des actes de Philippe Ier[35]. Ailleurs il n'est question que de l'une ou l'autre des attributions de Baudoin. Dans la charte de donation de l'église de Chalette à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire[36], le chevalier Gobert fait l'éloge du zèle et de la prévoyance dont Baudoin fait preuve dans le gouvernement de la France. Ailleurs au contraire, notamment dans deux diplômes, l'un de 1066[37], l'autre de 1077[38], ce sont les fonctions de tuteur (tutor, patronus) qui sont rappelées par le roi lui-même. Ce rôle a donné évidemment à Baudoin la direction du palais du roi : une charte pour Saint-Martin-des-Champs le représente comme ayant la garde de la regia domus[39] ; dans les Miracles de saint Agile de Rebais, il est appelé comte palatin[40].

On sait très peu de chose de l'éducation que Baudoin fit donner à Philippe Ier. Elle fut confiée à un certain Engeran, qui a souscrit un assez grand nombre d'actes[41] ; mais on ne connaît guère de lui que son titre : il est appelé dans les textes diplomatiques pædagogus, regis custos, magister regis.

Ce qui en revanche apparaît plus clairement, c'est la façon dont Baudoin initia le jeune Philippe au gouvernement. Le roi, avons-nous dit plus haut, est mineur en fait, mais il est majeur en droit ; il gouverne sous la tutelle, sous la direction de son oncle. Philippe Ier non seulement souscrit tous les actes royaux, mais il accompagne Baudoin dans tous ses voyages. La vie du régent, comme celle de Hugues Capet, de Robert et de Henri Ier, fut un déplacement perpétuel ; autant qu'on peut le suivre dans ses expéditions à travers le domaine royal ou en Flandre, il ne séjourne jamais au même endroit plus de quelques mois ; il n'est pas d'année où on ne le trouve successivement dans trois, quatre, cinq villes différentes. Malgré son jeune âge, Philippe le suit régulièrement, comme en témoigne sa signature au bas des actes royaux.

Les chroniques sont trop brèves et trop incomplètes, les diplômes contiennent souvent des indications de lieu et de date trop insuffisantes pour qu'il soit possible de reconstituer en détail l'itinéraire de Philippe Ier jusqu'à la mort de Baudoin, c'est-à-dire de 1060 à 1067. Nous n'avons en particulier aucune indication pour les années 1062 et 1064. A part cette grave lacune, on peut assez bien le suivre de l'un à l'autre de ses palais royaux[42]. Aussitôt après la mort de son père, Baudoin le conduisit très rapidement dans les principales villes du domaine royal : du 4 août au 25 novembre 1060, il apparaît successivement à Dreux[43], où il se trouvait très peu de temps après la mort de Henri Ier, à Paris[44], à Senlis[45] ; le 25 novembre, il est à Etampes[46] ; le 30, à Orléans[47]. Baudoin avait voulu sans doute faire reconnaître son autorité dans tout le domaine royal ; peut-être eut-il, dès ce moment, à réprimer les révoltes de plusieurs vassaux du roi. Cette royale tournée continua sans doute après le passage à Orléans ; toutefois, nous perdons la trace de Philippe Ier jusqu'au 30 avril 1061, date à laquelle il se trouvait à l'autre extrémité du domaine, à Compiègne[48]. De là, il se rendit à Reims, où il était le 14 mai[49], puis à Senlis où, le 27 mai, il signait un diplôme pour la basilique de Saint-Adrien de Béthisy[50] ; avant le 4 août, il était à Paris : son séjour dans cette ville peut, il est vrai, se placer avant ce voyage dans le nord, puisqu'il est attesté simplement par un privilège pour l'église Notre-Dame de Poissy, daté de l'année 1061 et de la première année du règne de Philippe Ier, se plaçant donc entre le 1er janvier et le 4 août, jour anniversaire de la mort de Henri Ier[51].

Pendant toute la première année de son règne, Philippe n'est guère sorti du domaine royal. Nous ne savons pas s'il en fut ainsi en 1062. Ce qui est certain, c'est qu'en 1063 commence la série des voyages en Flandre ; des trois diplômes que nous avons conservés pour cette année-là, l'un a été signé à Paris (entre le 25 mai et le 4 août)[52], un autre à Soissons[53], un troisième à Lille[54]. Cette apparition en Flandre n'a rien de surprenant : il ne faut pas oublier que, si Baudoin est chargé du gouvernement du regnum Francorum et de la tutelle du roi, il n'en reste pas moins comte, marquis de Flandre — Flandrensium comes, marchio — : aussi, tout en songeant aux intérêts généraux du royaume, il doit se soucier de ceux de son fief qui exigent assez souvent sa venue. Peut-être n'était-il pas fâché de donner à ses actes l'appui et la sanction du roi son suzerain, qu'il pouvait faire souscrire à sa guise. Philippe Ier, qui pendant toute la régence n'a jamais confirmé les chartes de ses grands vassaux, à l'exception d'une seule concernant la Champagne[55], a au contraire apposé sa signature à plusieurs chartes flamandes : la charte qu'il souscrit en 1063 est celle par laquelle Bovon, abbé de Saint-Bertin, constate la sentence rendue en sa faveur par la cour du roi — in plena procerum curia —, en présence de l'illustre marquis Baudoin et du jeune roi Philippe — coram inclito marchione Balduino et rege adhucpuero Philippo —, et confirmant l'abbaye de Saint-Bertin dans la possession de la villa d'Oosterzeele. La politique de Baudoin est donc très nette : il veut se donner du prestige aux yeux de ses sujets flamands en montrant le roi à ses côtés, on pourrait presque dire, d'après les termes de la charte, à sa suite et en conférant par la souscription royale plus de poids à ses actes comme comte de Flandre.

Nous ne pouvons plus ensuite suivre l'itinéraire de Philippe Ier jusqu'au 26 janvier 1065 ; il se trouvait alors à Orléans[56]. Il revient bientôt dans le nord : avant le 4 août, il était à Laon[57], et, après le 4 août, à Corbie, où il confirmait encore une charte concernant la Flandre, celle par laquelle Baudoin le jeune, fils du régent, restituait au monastère de Hasnon les biens qui lui avaient élé enlevés[58].

En 1066, Philippe Ier parcourt de nouveau la Flandre : on le rencontre avant le 4 août à Furnes ; à la demande de Baudoin et de sa femme Adèle, il y confirme la liberté de l'église de Messines et assure à l'abbesse la possession des biens de ce monastère que le diplôme énumère tout au long[59]. De Furnes il va à Lille, où il arrive après le 4 août : dans la basilique de Saint-Pierre construite par Baudoin, en présence du jeune roi — in sancti Petri basilica coram Philippi Francorum regis præsentia —, Baudoin assure des terres et des revenus aux chanoines établis dans cette église, et Philippe confirme cette donation par l'apposition de sa souscription et de son sceau[60]. Une fois encore Baudoin mettait le roi au service de ses intérêts propres.

Philippe revint de Lille par Reims, où il se trouvait le 28 septembre[61], et par Soissons, où il passa sans doute après le 1er octobre[62]. En mai 1067, il entreprit avec Baudoin, bien qu'il fût sans doute déjà sorti de tutelle, un nouveau voyage en Flandre. Cette fois, il se rendit à Gand pour la translation des reliques de saint Machaire et la dédicace d'une église consacrée au saint ; cette double cérémonie eut lieu le 9 mai. Aucun diplôme n'atteste son passage dans cette ville, mais le double témoignage des Annales Gandenses[63] et de la vie de saint Machaire[64] ne peut être mis en doute. Philippe Ier quitta la Flandre aussitôt après ; il se trouvait à la fin de mai à Paris[65] et au commencement d'août à Chaumont-sur-Loire[66]. Baudoin mourut le 1er septembre.

On peut donc dire que, pendant sa minorité, Philippe Ier a vraiment fait, sous la direction de Baudoin, l'apprentissage de son métier de roi ; il n'a cessé de parcourir son domaine, la région située au nord de la Seine, la Flandre. Dans ces déplacements, Baudoin n'a pas été seul à l'accompagner ; on voit mentionnée dans les diplômes royaux la présence de plusieurs grands personnages de la cour. Il nous faut déterminer maintenant quelle part ceux-ci ont prise à la régence.

Anne, mère du roi, a eu une certaine part au gouvernement de la France pendant la régence[67]. Selon le moine de Reichenau, Berthold, c'est à elle que Henri Ier, en mourant, a remis le gouvernement du royaume[68]. Ce témoignage est formellement démenti par les autres chroniqueurs que nous avons cités plus haut et qui ne parlent même pas du rôle que la reine mère a pu avoir dans la tutelle. Cela veut-il dire que ce rôle ait été nul ? Nous ne le croyons pas. Anne a souscrit un grand nombre de diplômes royaux de 1060 à 1065[69] ; sans doute, il ne faut pas attacher une trop grande importance à ces souscriptions ; beaucoup de personnages très secondaires ont apposé leur signature, tandis que celle de Baudoin, comme celle d'Anne, manque très fréquemment. Nous retiendrons seulement que, dans la plupart de ces diplômes, Anne conserve son titre de reine ; Philippe Ier concède les donations ou confirme les diplômes cum regina matre sua, et il est rare que le mot regina ne figure pas à côté de celui de mater.

Ce double caractère de mère du roi et de reine devait naturellement amener Anne à ne pas être entièrement désintéressée de la tutelle de son fils et du gouvernement du royaume ; cela lui revenait de droit ; il n’était même pas nécessaire pour elle, comme pour Baudoin, qu'elle eût reçu une sorte de consécration ou d'investiture de la part de Henri Ier. Elle accompagne assez souvent le roi dans ses déplacements, du moins dans les premières années de la régence : en 1060, comme le témoigne sa souscription dans les actes de Philippe Ier, elle le suit au début de son voyage à Dreux, Paris et Senlis ; les diplômes ne mentionnent pas sa présence à Etampes et à Orléans à la fin de novembre, mais la souscription de Baudoin ne figure pas davantage, et il est peu vraisemblable qu'il ait abandonné à ce moment la garde du roi. En 1061, Anne accompagne également Philippe à Reims et à Senlis ; en 1063, elle est avec lui à Soissons, mais elle ne va pas en Flandre. Elle n'apparaît dans aucun des voyages de Philippe dans le comté de Baudoin, ce qui s'explique par leur caractère assez particulier que nous avons noté plus haut : Baudoin a des raisons de désirer la présence du roi dans ses États, mais celle de sa mère n'est pas nécessaire. D'ailleurs, à partir de cette année, Anne paraît avoir abandonné de plus en plus son fils, sans doute à cause de son mariage avec Raoul de Crépy : jusqu'à la fin de la régence, on ne la rencontre qu'une fois auprès du jeune Philippe : c'est le 26 janvier 1065, à Orléans.

On peut donc dire qu'Anne de Russie, comme mère du roi, a été associée dans une certaine mesure à Baudoin pour la tutelle de Philippe Ier. Comme elle ne cessa pas d'être reine, elle devait forcément avoir aussi un rôle dans l'administration du royaume. Plusieurs diplômes sont délivrés par son intervention : elle s'unit à sa belle-sœur Adèle pour demander au roi de donner à l'abbaye de Saint-Denis la villa de Courcelles-en-Parisis[70]. Quand, en 1060, Philippe Ier confirme les renonciations de ses prédécesseurs aux coutumes que le roi de France percevait sur les terres du monastère de Saint-Lucien de Beauvais sises à Cinqueux, Rosoy et Verderonne, il emprunte le texte d'un diplôme du roi Robert, mais dans le préambule il signale, outre le désir de faire le salut de son âme, l'intervention de sa mère[71]. En 1061, un diplôme pour l'église Saint-Nicaise de Reims est délivré sur le conseil d'Anne et à la demande des fidèles du roi[72]. Ces différents textes prouvent que la reine mère a été fréquemment consultée. D'autres sont peut-être plus catégoriques encore et semblent démontrer que, si la régence appartenait à Baudoin, Anne restait reine et exerçait le pouvoir royal conjointement avec Philippe Ier. Une charte d'Agobert, évêque de Chartres, associe les noms de Philippe et d'Anne sans faire la moindre distinction de rang ni de pouvoir[73]. La charte de donation à Saint-Germain-des-Prés paraît indiquer que la reine partageait le pouvoir dans une assez large mesure avec Philippe Ier : le roi déclare avoir reçu, à la mort de Henri Ier, le pouvoir en même temps que sa mère[74]. Or cette charte est souscrite par Baudoin, qui semble avoir par là même reconnu les droits et les pouvoirs d'Anne de Russie. Par suite, si la reine mère n'a pas été officiellement chargée de la régence, il n'en reste pas moins que Philippe et Baudoin ont, plus d'une fois, écouté ses avis et ses conseils, qu'ils lui ont conservé son titre de reine avec les prérogatives et les pouvoirs qui y étaient attachés.

Il faut noter cependant que tous les actes auxquels nous venons de faire allusion sont de 1060 et 1061. Anne de Russie s'efface de plus en plus dans le gouvernement comme dans la tutelle de Philippe Ier, au fur et à mesure que l'on avance dans la régence. Cela tient sans doute à son mariage avec Raoul de Crépy qui provoqua, semble-t-il, une vive émotion dans l'entourage de Baudoin et de Philippe Ier.

La date de ce mariage ne peut être déterminée qu'approximativement. Clarius laisse entendre, parla manière dont il présente les choses, qu'il aurait suivi de très près la mort de Henri Ier[75]. Cela semblerait résulter aussi d'un fragment anonyme d'histoire de France rédigé vers 1110[76]. Hugues de Fleury, dans l'Historia modernorum Francorum regum, constate simplement qu'Anne, veuve de Henri Ier, épousa le comte Raoul, homme noble et généreux[77]. Guibert de Nogent célèbre la puissance de Raoul, qui ressort, dit-il, de ce fait qu'il put épouser Anne, femme du roi Henri et mère de Philippe, après la mort de son époux[78]. Les documents diplomatiques ne permettent pas non plus de fixer la date de ce mariage : nous avons bien une charte de Raoul en faveur de l'Eglise d'Amiens signée de lui et d'Anne son épouse, mais elle est datée de 1069[79] ; or le mariage est certainement antérieur à cette date. Ce que nous savons des femmes antérieures de Raoul de Valois ne permet pas davantage de la préciser. Il épousa en premières noces[80] Adelhaïs, fille du comte Vaucher, qui lui apporta en dot les seigneuries de Bar-sur-Aube et de Vitry ; il en eut deux fils, Gautier et Simon, et deux filles, . Adèle ou Hildebrande, qui épousa Hubert de Vermandois, et une autre mariée à Barthélémy de Broyes, fils de Hugues Bardoul de Pithiviers. Adelhaïs mourut en 1053 et Raoul épousa en secondes noces Haquenez, parente des comtes de Champagne, qu'il répudia pour épouser Anne de Russie.

Une lettre de l'archevêque de Reims Gervais au pape Alexandre II jette un certain jour sur la question. L'archevêque écrit à Alexandre II que le royaume est très troublé par suite du mariage de la reine et du comte Raoul ; le roi en a un vif chagrin, et ceux qui sont chargés de sa garde ne sont pas moins désolés. Gervais lui-même est très ennuyé ; il se proposait d'aller à Rome, pour voir le pape, recevoir ses exhortations et l'assurer de son dévouement au siège apostolique ; il ne peut le faire en ce moment ; il mettra d'autant plus d'empressement à venir le jour où il en aura le loisir qu'il l'aura plus ardemment désiré. Quant à l'épouse du comte Raoul, ajoute-t-il, c'est-à-dire Haquenez, elle s'est plainte au pape d'avoir été injustement répudiée par son mari, et Gervais tient à ce que le pape en soit informé[81].

Nous ne savons pas à quel moment précis cette lettre fut adressée. Le pape Nicolas II est mort le 27 juillet 1061.Le mariage ne peut guère être antérieur à cette date, mais il est vraisemblable qu'il eut lieu peu après, car le dernier diplôme où la reine Anne apparaisse comme ayant une part effective au gouvernement est antérieur au 4 août 1061[82]. Anne s'est donc mariée fort peu de temps après la mort de son mari, Henri Ier étant mort le 4 août 1060. On comprend le scandale qui en résulta ; il fut d'autant plus vif que l'on craignit peut-être dans l'entourage de Baudoin que Raoul ne prétendît à la régence comme mari de la reine mère. On invoqua l'appui du Saint-Siège qui était en droit d'intervenir, puisque Raoul, pour épouser Anne, avait répudié sa femme légitime. Alexandre II fut donc amené à s'occuper de l'affaire ; il écrivit[83], sans qu'on puisse fixer la date précise de sa lettre, à Gervais, archevêque de Reims, et à ses suffragants, ainsi qu'à l'archevêque de Sens et aux siens pour leur soumettre la plainte de Haquenez que Raoul accusait d'adultère — c'était la raison qu'il donnait pour son divorce —. Il les priait d'aller trouver Raoul et, si Haquenez disait la vérité, de faire en sorte qu'il la reprît et lui rendît ses biens. S'il refusait de se rendre à la raison, ils devraient délibérer sur la peine canonique à porter contre Raoul, et le pape se déclarait prêt à confirmer ce qu'ils feraient. Clarius, que nous avons cité plus haut, prétend que le comte Raoul fut excommunié, mais il le fait mourir en 1066[84], ce qui est notoirement faux ; il est donc difficile d'accorder quelque autorité au témoignage du chroniqueur sénonais.

Il est fort probable en tout cas que Baudoin et le jeune Philippe ne tardèrent pas à se réconcilier avec Raoul. Il était plus sage de ne pas se créer en lui un ennemi redoutable. Raoul de Crépy[85], comte de Valois, était un puissant seigneur ; il avait de vastes territoires : il avait succédé à Gautier III, son cousin germain, mort sans enfants, aux comtés d'Amiens, Pontoise, Mantes et Chaumont[86] ; il tenait en outre de sa première femme, nous l'avons dit, les seigneuries de Bar-sur-Aube et de Vitry. Guibert de Nogent a tracé de lui ce portrait : Il y a encore de nos jours, dit-il, plusieurs personnes qui ont vu le comte Raoul. Elles peuvent dire à quel point il avait élevé sa puissance et quelle autorité il s'était acquise. Trouvait-il une ville ou un château à sa bienséance, il l'assiégeait et s'en emparait à coup sûr, tant était grande son habileté dans les sièges ; les places fortes qu'il prenait, il ne les rendait jamais[87]. En 1037, quand Thibaud et Etienne, fils d'Eudes de Champagne, se révoltèrent contre Henri Ier, Raoul fut un de leurs alliés ; il fut d'ailleurs fait prisonnier[88]. Plus tard, en 1066, il ira dévaster la terre de l'évêché de Verdun et incendier la ville, sous prétexte que l'évêque Thierry refusait de lui payer la somme de vingt livres que ses prédécesseurs lui payaient annuellement pour qu'il ne vînt pas s'emparer du pays[89]. Il était nécessaire de ménager ce fougueux guerrier. Aussi le trouve-t-on souvent aux côtés du roi ; il a souscrit un très grand nombre de diplômes[90] ; il a accompagné fréquemment Philippe dans ses voyages, suivi sans doute de la reine Anne ; mais, tandis que Raoul appose souvent sa signature, celle d'Anne, à partir du mariage, devient de plus en plus rare. En tout cas, qu'Anne y fût ou non, Raoul est à Soissons en 1063 ; en 1065, il ne quitte pour ainsi dire pas Philippe ; il est avec lui à Orléans au mois de janvier et l'accompagne, dans le courant de l'été, à Laon et à Corbie. Comme Anne, il ne participe pas aux expéditions en Flandre, pas plus en 1066 qu'en 1063, mais on le retrouve à Paris en mai 1067 ; le roi était alors sorti de tutelle. Raoul a donc été un des personnages les plus influents du royaume pendant la régence. Dans un privilège en faveur de l'abbaye de Saint-Crépin-le-Grand de Soissons, Philippe Ier dit s'être assuré le consentement de ses fidèles, en particulier de Gervais, archevêque de Reims, de son frère Robert, du comte Baudoin, de l'évêque de Laon Elinand, du comte Raoul[91]. Ce sont sans doute ses conseillers intimes qu'il nomme ici ; on voit qu'il comptait parmi eux son beau-père, Raoul de Crépy.

Après Baudoin, Anne de Russie et Raoul de Crépy, l'archevêque de Reims Gervais paraît avoir eu une certaine part dans la direction des affaires pendant la minorité de Philippe Ier. C'est du moins ce que semble indiquer le diplôme en faveur de l'abbaye de Saint-Crépin de Soissons que nous avons déjà cité. Gervais est nommé le premier parmi tous les curiales. Au jour du sacre, Philippe Ier l'a créé archichancelier. Toutefois ce titre paraît avoir été surtout honorifique : comme le fait remarquer M. Prou, Gervais n'apparaît dans les diplômes comme archichancelier que deux fois ; son nom ne figure dans la souscription de chancellerie qu'à la fin de deux diplômes, et même avec son seul titre d'archevêque. Encore doit-on remarquer que l'un et l'autre document sont des privilèges accordés à l'église Saint-Nicaise de Reims, et sur la prière du prélat. Le chancelier Baudouin y souscrit à la place de Gervais[92]. C'est en effet ce Baudoin, peut-être ancien chancelier de Robert et de Henri Ier, qui a exercé la fonction de 1060 à 1067[93]. D'ailleurs Gervais ne paraît guère avoir quitté le diocèse, ou tout au moins la province de Reims ; malgré le diplôme que nous avons cité, il ne semble pas qu'il ait fait partie constamment de l'entourage du roi, qu'il ait accompagné Philippe de ville en ville. Des diplômes qu'il a souscrits, deux ont été délivrés à Reims même[94] en 1061 et 1066, un autre à Soissons en 1063[95], deux à Laon[96] et deux à Corbie[97] en 1065. Il semble donc que l'archevêque n'ait guère dépassé la limite de ses fonctions ecclésiastiques. Ces fonctions, il les a remplies avec sagacité ; il était, si l'on en croit la vie de Thierry, abbé de Saint-Hubert, très digne de l'épiscopat, bien que par sa nature et par ses mœurs il fût plus rude qu'il n'eût fallu[98].

Si, dans l'administration même du royaume, Gervais n'a pas eu le rôle qu'aurait pu lui promettre sa fonction d'archichancelier, en revanche, étant très en vue par suite de ce titre et de celui d'archevêque de Reims, on peut dire que, de 1060 à 1067, il a véritablement dirigé les affaires ecclésiastiques du royaume, qu'il a été à certains égards l'intermédiaire entre le roi et le Saint-Siège. Nous avons vu son rôle dans l'affaire du mariage d'Anne de Russie et de Raoul de Crépy. Sa correspondance avec Nicolas II atteste qu'il conserva de bonnes relations avec le pape, bien que certains bruits fâcheux eussent couru sur le compte de l'archevêque ; on l'accusait en particulier de favoriser les ennemis du Saint-Siège, mais il ne semble pas que le pape ait tenu un grand compte de ces rumeurs[99]. Il continua sa confiance à Gervais et le pria de régler plusieurs affaires ecclésiastiques[100]. C'est surtout sous Alexandre II que Gervais apparaît vraiment comme chargé de transmettre les décisions du pape au roi et à l'Eglise de France. Il fut chargé notamment de régler le différend entre l'abbé de Saint-Denis et l'évêque de Paris, qui, à l'encontre des privilèges des papes et des rois de France, avait tenté de s'arroger tout pouvoir sur le monastère. En 1065, Alexandre II apprend à Gervais qu'il les a tous deux convoqués, qu'il a fait juger l'affaire et qu'il a renouvelé les décrets de ses prédécesseurs accordant une entière liberté à l'abbaye. Il lui demande donc, s'il en est prié par l'abbé et les moines, de venir y consacrer le saint chrême, les huiles du monastère, d'y remplir les autres attributions de sa fonction épiscopale et de ne pas hésiter à le faire ; il prie ses suffragants d'agir de même[101]. Sans doute en même temps, le pape expédiait une bulle à Richer, archevêque de Sens, et à Maurice, archevêque de Rouen[102], et une autre à Philippe Ier et au comte Baudoin[103] pour leur rappeler les privilèges de l'abbaye exempte de Saint-Denis. Philippe et Baudoin accueillirent avec joie la bulle pontificale, car, l'année suivante, ils demandèrent au pape de confirmer à nouveau la liberté de Saint-Denis et Alexandre en renouvela l'exemption[104].

D'autres affaires ecclésiastiques importantes, mais auxquelles le roi et Baudoin n'ont point eu à se mêler, ont été confiées à l'archevêque de Reims, Gervais. Alexandre II le prie de s'occuper de l'affaire de l'abbesse du monastère de Saint-Jean de Laon, qui a été chassée de son monastère sans qu'on lui ait accordé l'audience prévue par les canons et sans qu'une sentence épiscopale soit intervenue[105]. C'est encore lui qu'il charge de faire rendre à l'église Saint-Memmie de Châlons les reliques de saints enlevées par l'évêque de Châlons et partagées entre des chevaliers, en menaçant les coupables des censures ecclésiastiques ; Gervais devra également mettre fin à la dilapidation des biens ecclésiastiques dans cette église[106]. C'est à Gervais aussi qu'Alexandre II s'adresse pour terminer le différend entre l'évêque de Chartres Robert et les moines de l'abbaye de Saint-Père située dans la même ville[107] ; l'action de Gervais s'étend donc au delà de sa province. Gervais se voit également confier les affaires de pure discipline ecclésiastique : Alexandre II lui écrit par exemple pour lui rappeler que ceux qui sont devenus diacres et prêtres en omettant le degré du sous-diaconat doivent être suspendus de leur office jusqu'à ce qu'ils aient reçu la bénédiction relative au sous-diaconat[108], ou encore pour lui prouver qu'il est injuste d'excommunier quelqu'un sans lui avoir laissé le loisir de se justifier dans un synode[109].

Gervais a été l'agent effectif de la papauté dans le royaume sous le pontificat d'Alexandre II. Il mourut le 4 juillet 1067[110], non sans avoir eu à lutter contre de graves difficultés dans son propre diocèse ; nous aurons à en parier à propos des rapports de Philippe Ier et de l'Eglise.

Nous avons examiné quel avait été, pendant la régence de Baudoin, le rôle des principaux personnages de la cour : Anne de Russie, Raoul de Crépy, Gervais, archevêque de Reims et archichancelier. Mais l'ensemble de cette cour, ces barons de France qui ont juré fidélité au comte de Flandre, tuteur du roi, n'ont pas été quantité négligeable et ils ont plus d'une fois prêté leur concours au gouvernement du royaume.

Il semble que, tout à fait au début de sa régence, Baudoin ait cherché à se passer d'eux le plus possible : le consentement des fidèles du roi est mentionné dans les diplômes surtout à partir de 1065. Au contraire, dans les premiers actes de Philippe Ier, ils interviennent relativement peu : leur ratification n'est généralement pas mentionnée ou, du moins, ceux qui donnent leur consensus sont en très petit nombre : outre le comte Baudoin, la reine mère et Raoul de Crépy, on ne relève guère que les noms de Robert, frère du roi[111], de Simon, fils de Raoul[112], de Thibaud de Montmorency[113], du comte Manassès[114], et aussi ceux de quelques évoques, en particulier d'Elinand, évêque de Laon[115], et de Riolant, évêque de Senlis[116] ; ces évêques ne souscrivent en général que les privilèges relatifs à leurs diocèses. En dehors de ces quelques personnes en vue, on ne trouve dans les premiers actes que les souscriptions des fonctionnaires du palais ou encore celles de clercs ou de moines[117] ou celles de petits seigneurs de la région intéressée[118]. Ainsi la cour du roi ne ratifie pas les actes royaux avant 1065 ; cela ne veut pas dire que ces actes ne soient pas faits à la cour, in aula — c'est le cas de la confirmation du diplôme de Henri Ier pour Saint-Père de Chartres[119] —, ni même que le roi n'écoute pas les prières des personnages de sa suite : nous avons déjà cité le privilège pour Saint-Nicaise de Reims, délivré à la demande des fidèles du roi, en particulier de l'archevêque Gervais[120]. Les fidèles (fideles, optimates, proceres) émettent des vœux, mais ne prennent pas une part active au gouvernement.

Au contraire, à partir de 1065, déjà même en 1063, lors du voyage en Flandre[121], le consentement de ces fidèles est mentionné, parfois même avec une vive insistance. Lorsque, le 26 janvier 1065, Philippe Ier et Baudoin confirment de leur souscription la charte de Gobert, chevalier, portant donation de l'église de Chalette, sur le Loing, à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, ils prient Gobert d'inscrire, à la suite de leur souscription, les noms de leurs proceres et des évêques[122] ; cette liste est assez longue, composée de laïques et d'ecclésiastiques parmi lesquels Mainard, archevêque de Sens, Geoffroy, évêque de Paris, Audri, évêque d'Orléans, Guy, évêque d'Amiens, Hugues, évêque de Nevers. La même année 1065, avant le 4 août, Philippe Ier restitue l'abbaye de Saint-Menge à l'église Saint-Étienne de Châlons : cette fois, la confirmation des fidèles du roi est formellement mentionnée[123] ; ils n'expriment pas seulement un vœu ; ils participent effectivement à l'acte royal. La liste en est, il est vrai, assez restreinte. En revanche elle est très longue dans les deux diplômes pour Corbie[124] : on y relève les noms de plusieurs évêques : Gervais, archevêque de Reims, Baudoin, évêque de Noyon, Guy, évêque d'Amiens, Guy, évêque de Beauvais, et de nombreux seigneurs : Baudoin le Jeune, Gautier et Simon, fils de Raoul de Crépy, Guillaume, comte de Soissons, Guy de Montlhéry, Thibaud de Montmorency, Névelon de Pierrefonds, Guy de Rochefort et quelques seigneurs flamands convoqués sans doute par Baudoin. Il semble bien qu'il y ait eu là une assemblée solennelle. Il en fut sans doute de même à Compiègne en 1066 : au début du diplôme pour l'abbaye de Saint-Médard de Soissons[125], Philippe Ier rappelle qu'une grande assemblée (colloquium publicum) s'est tenue à Compiègne ; elle comprenait d'abord le marquis Baudoin (le roi ne paraît pas y avoir assisté en personne), Gervais, archevêque de Reims, plusieurs évêques, Alard de Soissons, Guy d'Amiens, Guy de Beauvais, Baudoin de Noyon, Drogon de Térouanne ; il y avait aussi des laïques puisque, plus loin, il est dit que la sentence a été rendue par toute l'assemblée, composée d'évêques et de laïques[126]censura totius conventus episcoporum et laicorum[127] — ; on les avait convoqués pour examiner les réclamations de Renaud, abbé de Saint-Médard de Soissons, contre Aubri de Coucy qui prétendait, comme avoué, exiger certaines coutumes sur les hommes et les terres du monastère ; ils déboutèrent Aubri de cette prétention.

Voilà plusieurs circonstances dans lesquelles les seigneurs et les évêques du royaume sont intervenus dans le gouvernement ; ils ont été appelés à confirmer les actes de Baudoin ou même ils ont exercé le pouvoir judiciaire, comme à l'assemblée de Compiègne. Pourquoi Baudoin, qui s'était passé d'eux au début de sa régence, s'est-il plus tard assuré leur concours ? Cela ne peut s'expliquer que par les troubles et les révoltes qui ont éclaté aussitôt après la mort de Henri Ier et qui ont forcé le comte de Flandre à faire des concessions à ses adversaires.

Bien que nous manquions de détails sur les troubles qui ont suivi la mort de Henri Ier, deux choses sont incontestables : c'est d'abord que Baudoin s'est trouvé aux prises avec des difficultés assez sérieuses, et en second lieu qu'il a été obligé de faire des concessions aux seigneurs qui avaient voulu profiter de la minorité de Philippe Ier.

Sur la gravité des révoltes, nous sommes renseignés par les vies de saints qui suppléent ici au silence des chroniques. Raoul Tortaire, dans les Miracles de saint Benoît, affirme que Baudoin administra sagement le royaume jusqu'à la majorité de Philippe Ier, qu'il dompta tantôt par la diplomatie, tantôt par les armes, les tyrans qui pullulaient en France, et qu'il rétablit une paix complète et durable[128]. Dans les Miracles de saint Agile, abbé de Rebais, il est raconté également que Baudoin dut entreprendre des expéditions militaires pour réprimer l'audace de certains seigneurs qui, en Gaule et en Bourgogne, s'étaient soulevés contre le roi et luttaient avec opiniâtreté. Baudoin, avec des troupes qu'il avait fait venir de Flandre[129], fit des expéditions contre eux. Au cours d'une de ces marches, il s'avança jusqu'à Rebais, mais là il rencontra un obstacle sérieux[130]. Suit le récit sans intérêt d'un miracle qui y survint ; malgré le caractère légendaire de ce récit, il n'en reste pas moins que Baudoin trouva une vive résistance chez certains seigneurs. Les Miracles de saint Ouen, plus légendaires encore, attestent aussi que le royaume, dont la constitution, par suite d'une minorité, dut subir des changements, fut en proie aux ravages continuels des brigands et à des guerres intestines[131].

Toutefois, comme les vies de saints, plus encore que les chroniques, contiennent des exagérations, il y aurait peut-être des réserves à faire sur ces événements si les témoignages que nous venons de citer n'étaient confirmés par deux autres beaucoup plus dignes de foi, à savoir une lettre de Gervais, archevêque de Reims, au pape Nicolas II, et un diplôme de Philippe Ier lui-même.

Gervais écrit à Nicolas II que la mort de Henri Ier lui cause une vive tristesse ; étant donné le caractère belliqueux et indomptable des seigneurs, il craint que leurs divisions n'entraînent de grands maux pour le royaume ; il demande au pape de lui prêter conseil et appui, ce que certainement il ne refusera pas, puisque, étant le père de tous les fidèles, il ne peut refuser son concours à personne[132]. Cette lettre étant adressée au pape Nicolas II, elle est donc au plus tard du début de l'année 1061 : il n'y avait pas eu encore à ce moment-là de révolte positive, mais elle semblait sur le point d'éclater, par suite des divisions des grands.

La donation de Philippe Ier au monastère de Saint-Germain-des-Prés[133] révèle que les craintes de l'archevêque de Reims étaient justifiées, et, comme elle est antérieure au 4 août 1061, elle prouve que la révolte a eu lieu dans la première année du règne. A vrai dire, dans ce diplôme, il n'est pas question d'un soulèvement à proprement parler, mais seulement de réclamations plus ou moins justifiées de la part de certains seigneurs ; le roi se plaint de l'ingratitude de ces seigneurs qui, au lieu de le protéger, lui et son royaume, comme ils l'auraient dû, ont commencé à lui résister, en faisant valoir plusieurs exigences qu'ils prétendaient légitimes[134]. Il y aurait donc eu plutôt velléité de révolte que révolte à proprement parler ; cependant il est possible que le roi atténue un peu le caractère de gravité des événements ; si l'on se reporte à un diplôme de 1075 pour Saint-Philibert de Tournus[135], postérieur par conséquent à la minorité de Philippe Ier, on remarque que le roi fait allusion aux grands labeurs de la régence dus aux infidélités de certains seigneurs[136]. L'attitude de ceux-ci a donc donné des inquiétudes sérieuses au régent.

Aussi se résigna-t-il à faire des concessions. Si nous revenons au diplôme pour Saint-Germain-des-Prés, il nous renseigne sur l une d'elles. Parmi les seigneurs révoltés, il y avait un certain Eudes, fils de Manassès, comte de Montdidier, qui réclamait la villa de Combs-en-Brie ; pour avoir la paix, Philippe se décida à la lui céder, mais, comme l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés avait des droits sur cette villa, le roi stipula qu'elle reviendrait au monastère à la mort d'Eudes ; et alors celle de Bagneux, qu'il cédait provisoirement à Saint-Germain-des-Prés, retournerait au domaine royal.

Cette donation au comte Eudes n'est évidemment qu'un cas particulier. Si l'on se reporte à ce que nous avons dit plus haut du rôle différent des seigneurs dans le gouvernement au début et à la fin de la tutelle de Baudoin, il semble très vraisemblable que Baudoin essaya au début de gouverner à lui tout seul, mais que, pour s'attacher les seigneurs qui avaient essayé de mettre obstacle à son gouvernement, il les groupa le plus possible autour du roi et soumit les principaux actes de l'autorité royale à leur ratification. Il est à remarquer que le consentement des fidèles du roi n'est mentionné que dans les circonstances solennelles, qu'il ne figure pas quand il s'agit simplement de confirmer une charte de tel évêque ou de tel chevalier.

Enfin, dès la régence de Baudoin, on voit au bas des diplômes la souscription des officiers du palais du roi ; mais, comme cela n'a rien de vraiment particulier à la régence, nous analyserons le rôle de ces officiers quand nous étudierons l'administration pendant le règne de Philippe Ier.

Le système de gouvernement de Baudoin a eu pour résultat de maintenir l'ordre qui avait failli être troublé, au début du règne de Philippe Ier, à la fois par le scandale provoqué par le mariage d'Anne et de Raoul de Crépy et par les exigences des grands seigneurs. Il a su également maintenir la paix avec les ennemis du roi, en particulier avec le duc de Normandie, qui avait causé de graves embarras à Henri Ier. Baudoin était allié à la maison de Normandie par suite du mariage de sa fille Mathilde avec Guillaume le Conquérant, de sorte que, suivant l'expression de Guillaume de Malmesbury[137], le tuteur du roi se trouva être, en quelque sorte, le médiateur entre son pupille et son gendre, et la paix en résulta. Mais cette politique pacifique eut pour les Capétiens de fâcheuses conséquences. On a reproché souvent à Philippe Ier de n'avoir ni su ni voulu empêcher la conquête de l'Angleterre par les Normands ; c'est une des raisons pour lesquelles son règne a été jugé en général avec beaucoup de sévérité. Or, c'est en août 1066 que Guillaume prépare son expédition, et c'est le 29 septembre qu'il débarque en Angleterre. Philippe Ier, à ce moment-là, n'a que quatorze ans ; il n'est pas encore sorti de tutelle. C'était à Baudoin qu'incombait la mission d'intervenir ; les chroniques sont absolument muettes sur son rôle ; il ne semble pas qu'il ait essayé d'empêcher cette expédition dont les conséquences devaient être si funestes pour la monarchie capétienne, soit qu'il n'ait pas osé rompre avec sa politique pacifique, soit qu'il n'ait pas voulu faire la guerre à son gendre. A cet égard, sa régence a été malheureuse pour la France.

A plus forte raison, Baudoin ne songea à aucune expédition lointaine : lorsqu'en 1063, Guy-Geoffroy d'Aquitaine franchit les Pyrénées, plusieurs seigneurs de France se joignirent à lui[138]. Baudoin s'étant complètement désintéressé de cette première expédition française en Espagne qui n'eut pas de conséquences importantes et se termina en somme par un échec, nous n'y insisterons pas davantage.

En résumé, il y a dans l'œuvre de Baudoin à la fois de la timidité et une certaine énergie. S'il a eu le tort de laisser se créer à côté du domaine royal l'Etat anglo-normand, il a eu le mérite de maintenir l'ordre à l'intérieur de ce domaine ; la situation n'est certainement pas plus mauvaise au moment de la majorité de Philippe Ier qu'elle ne l'était à la mort de Henri Ier ; cette minorité ne marque pas, comme beaucoup d'autres, un recul. De plus, autant qu'on peut s'en rendre compte, Baudoin a eu le mérite d'initier le jeune Philippe à son métier de roi : il lui a fait voir son domaine ; en le conduisant en dehors des limites de ce domaine, il lui a appris que l'autorité du roi s'étendait au delà et qu'il pouvait intervenir en une certaine mesure dans les États de ses grands vassaux. Lorsque Baudoin disparaît, rien n'est changé, au début du moins, dans le gouvernement ; l'autorité ne fait que passer d'une main à une autre.

A quelle époque le jeune roi sortit-il de la tutelle de son oncle et commença-t-il à administrer lui-même le royaume ? Les chroniques sont peu précises à ce sujet ; la date ne peut se déterminer qu'approximativement. On sait que Baudoin est mort le 1er septembre 1067[139]. Selon Raoul Tortaire, il serait mort peu de temps après avoir remis le royaume aux mains du roi Philippe, déjà jeune homme[140]. C'est dans les derniers mois de 1066 ou au début æ 1067 que Philippe Ier est sorti de tutelle[141] : il avait donc quatorze ans environ au moment où, ayant été armé chevalier par le fils même de son tuteur, Baudoin le Jeune[142], il commença à gouverner par lui-même.

La physionomie du roi Philippe est assez difficile à saisir. Nous n'avons pas de lui un portrait analogue à celui si minutieux que Suger a tracé de Louis le Gros. De son physique les chroniqueurs nous ont dit simplement qu'il était, à la fin de sa vie, devenu d'une corpulence telle qu'il ne pouvait se soutenir : Raoul Tortaire attribue cet embonpoint à l'âge[143] ; l'historien anglais Henri de Huntington y voit une conséquence de l'extrême gourmandise de Philippe Ier, qui aurait été ainsi la cause de sa mort[144]. Cet embonpoint s'alliait chez Philippe à une haute stature ; si le cadavre découvert à Saint-Benoît-sur-Loire est bien, comme il y a lieu de le croire celui de Philippe Ier[145], on a pu constater qu'il était très grand ; Suger semble d'ailleurs l'indiquer en termes assez vagues[146].

Le caractère de Philippe Ier se précisera mieux au fur et à mesure que nous étudierons sa vie et sa politique. Toutefois, nous pouvons dès maintenant en fixer certains traits. Gros et gourmand, il est en même temps très sensuel. A la fin de sa vie, dit Suger[147], il ne songeait plus qu'au plaisir et ne s'occupait plus des affaires, dont il abandonna la conduite à son fils Louis le Gros.

Ce prince, peu sévère sur les lois de la morale, semble avoir eu cependant, comme ceux de son temps, une certaine piété. Il se montra très respectueux des reliques des saints, dont il favorisa toujours le culte. Nicolas, abbé de Saint-Ouen de 1042 à 1092 environ, désirait vivement avoir le chef de saint Romain, alors à Soissons, pour une église qu'il venait de construire ; Eudes, abbé de Saint-Médard de Soissons, moyennant de riches présents faits à son monastère, consentit à céder la précieuse relique ; mais, comme Soissons faisait partie du domaine royal, il fallait, pour cette cession, l'autorisation du roi. L'abbé Nicolas alla donc trouver Philippe 1er, qui donna, sans se faire prier, son consentement[148]. Une autre fois Guy, évêque de Beauvais, veut rendre au monastère de Saint-Germer les reliques du saint, qui avaient été confiées à l'église de Beauvais pour la préserver de graves dangers ; ces dangers ayant disparu, Guy vient représenter à Philippe Ier qu'il était juste de restituer les reliques, et Philippe donne cette fois encore son approbation[149]. En 1107, eut lieu la translation solennelle des reliques de saint Benoît à Fleury ; le roi vint y assister lui-même et fit preuve d'une grande dévotion[150]. Enfin, une dernière preuve de la confiance que Philippe Ier plaçait dans les reliques nous est fournie par un diplôme accordant au monastère de Saint-Josse la tenue d'un marché[151] ; le roi, malade de la fièvre, en avait été miraculeusement guéri ; il tenait à exprimer au saint sa reconnaissance.

Cette piété de Philippe Ier se manifeste aussi par les donations très nombreuses qu'il fit aux monastères ; un très grand nombre des diplômes délivrés par lui accordent des terres ou l'exemption de certaines coutumes à des abbayes ; il savait d'ailleurs se plier, dans ses libéralités, aux nécessités de la politique, et nous verrons que ce sont surtout les abbayes royales qui ont été comblées de ses faveurs. Ces nombreuses donations expliquent pourquoi certains chroniqueurs ont été très bienveillants pour Philippe Ier : la chronique de Morigny vante à la fois sa merveilleuse sagesse et sa grande libéralité[152] ; Clarius célèbre ses nombreux bienfaits pour l'abbaye de Saint-Pierre-le-Vif de Sens : Philippe a renouvelé le diplôme de Henri Ier assurant à l'abbaye la tranquille possession de ses biens ; en 1093, il a contribué à la restauration du monastère, qu'un incendie avait rendue nécessaire, en lui versant une somme de dix-neuf marcs d'argent[153].

Si cette piété n'excluait pas chez Philippe Ier la sensualité, elle ne l'empêchait pas non plus d'être avide. Les finances ont été une des grandes préoccupations de sa politique et de son administration. Tous les moyens lui paraissaient bons pour s'enrichir. L'homme qui a fait preuve d'une si grande vénération pour les reliques des saints voulut enlever une croix d'or au monastère de Saint-Germain-des-Prés. Un jour, voyons-nous dans une vie de saint relative à ce monastère[154], le roi, encore jeune et assez naïf, se rendit aux conseils de quelques courtisans et entra dans le monastère de Saint-Germain-des-Prés sans beaucoup de respect pour le saint lieu ; il voulait employer les nombreux trésors qu'avait rassemblés là le roi Childebert à satisfaire sa cupidité. Il fit donc descendre une croix d'or placée derrière l'autel de saint Vincent pour en arracher l'or et les pierres précieuses et les distribuer à ses soldats. Son ordre fut exécuté et des artisans étaient là, tout prêts à détruire la croix, conformément à l'ordre du roi. Les moines, navrés, invoquaient saint Vincent et saint Germain, tandis qu'Étienne, prévôt de Paris, homme d'une impiété notoire et qui avait conseillé au roi ce sacrilège, regardait avec satisfaction. On raconte, ajoute le récit, qu'un brouillard obscurcit l'église et empêcha cette coupable besogne ; le prévôt Etienne en perdit la vue, tandis que les moines se réjouissaient et avec grand respect remettaient la croix en place.

Cette histoire est certes plus ou moins authentique ; en revanche, on ne peut récuser l'autorité d'une bulle de Grégoire VII qui représente également Philippe Ier comme un homme rapace. C'est une lettre à Manassès, archevêque de Reims, à Richer, archevêque de Sens, et à quelques autres prélats, datée du 10 septembre 1074[155]. Le pape y déplore que le royaume de France, jadis si illustre et si puissant, commence depuis quelque temps à perdre de son renom et de ses vertus, mais surtout qu'actuellement il ait perdu tout point d'honneur et toute pudeur ; les lois ne sont plus respectées ; toute justice est foulée aux pieds ; la licence est passée dans les mœurs ; on ne recule devant aucune honte ; le parjure, l'inceste, le sacrilège s'y donnent la main ; les proches, les frères même, cherchent par cupidité à se dépouiller de leurs biens ; les étrangers qui viennent à Rome sont mis en prison et plus maltraités qu'en pays païen. Celui qui en est responsable, c'est Philippe Ier, qu'on ne doit pas appeler un roi, mais un tyran, et qui agit sous l'inspiration du diable. Sa vie est souillée de toutes les hontes et de tous les crimes et, par son exemple, il a poussé son peuple à des excès sacrilèges. Ses amours criminelles, ses rapines, ses parjures, ses crimes de toute sorte lui ont valu à plusieurs reprises les avertissements du Saint-Siège. N'a-t-il pas été jusqu'à dépouiller des marchands qui traversaient la France pour leur commerce et à leur enlever, comme un brigand, une grosse somme d'argent ? Voilà l'homme qui devrait être le défenseur des lois et de la justice.

Ce portrait est évidemment peu flatteur : ce roi, que nous avons vu tout à l'heure prodiguer des démonstrations extérieures envers la religion, était, si l'on en croit le pape, un monstre d'impiété. C'est bien avec ce caractère qu'il apparaît le plus souvent dans les chroniques du moyen âge ; à en croire Guibert de Nogent, alors que tous les rois de France avaient, disait-on, le don de guérir des écrouelles, Philippe Ier par ses péchés aurait perdu ce merveilleux pouvoir[156].

Qui faut-il croire, du pape Grégoire VII ou de Clarius et du chroniqueur de Morigny ? C'est ce que pourra peut-être apprendre l'étude de la vie privée et du gouvernement de Philippe Ier.

 

 

 



[1] Nous ne discuterons pas à nouveau la date de la naissance de Philippe Ier. M. Prou, dans son Recueil des actes de Philippe Ier, roi de France (Introduction, chapitre I, p. XV et suiv.), nous paraît avoir définitivement établi que le mariage de Henri Ier avec Anne de Russie ne pouvait être antérieur à 1051 ; la date de 1049 ou 1050 adoptée par certains historiens pour la naissance de Philippe 1er doit donc être rejetée. Le témoignage du récit du sacre (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 32.), auquel se rallie M. Prou, est confirmé non seulement par la chronique de Saint-Pierre de Châlons (ibid., t. XI, p. 344), mais aussi par Aubri de Trois-Fontaines, qui écrit, à l'année 1052 : Anno MLII. Natus est rex futurus regis Francorum Henrici filius ex Anna filii Georgii, régis Sclavorum. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 789) ; — et par les Annales Remenses et Colonienses, qui renferment à l'année 1059 la mention suivante : Hoc anno, Philippus adhuc septennis, Henrici régis filius, fuit Remis benedictus in Regem a domno Gervasio archiepiscopo, patre adhuc superstite. (Ibid., t. XVI, p. 732.)

[2] Raoul Tortaire, Miracula sancti Benedicti, l. VIII, c. XXIV. (Ed. de Certain, p. 314 ; Rec. des histor. de France, t. XI, p. 486.) Aimoin, De gestis Francorum, l. V, c. XLVII. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 157.) — Hugues de Fleury, Modetnorum regum Franconun actus. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. IX, p. 388.) — Aubri de Trois-Fontaines. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 357 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 792.) — Abbreviatio gestorum Franciæ Regum. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 213.) — Robert a souscrit à trois diplômes de Philippe Ier. (Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° IV, p. 14, l. 32 ; n° V, p. 17, l. 6 ; n° X, p. 31, l. 24.) Le dernier de ces diplômes étant du 14 mai 1061, M. Prou (introduction, IV, 19, p. CXXXV) en conclut que Robert dut mourir peu de temps après. Robert vivait encore en 1063 : dans le diplôme pour l'abbaye de Saint-Crépin-le-Grand de Soissons (n° XVI, p. 47), daté de cette année-là, Robert est cité parmi les personnes qui conseillent le roi et composent son palais (Prou, Recueil, p. 48, l. 19) ; il n'est plus fait mention de lui dans les diplômes postérieurs à cette date. — Quant à Hugues, il a souscrit de nombreux diplômes de 1067 à 1082. (Prou, Recueil, n° XXX, XXXIX, XLIII, LI, LIV, LXXVI, LXXVIII, XCIV, CVII.)

[3] Guillaume de Jumièges, Historia Normannornm, l. VII, c. XXVIII (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 48). — On ne peut attacher un grand crédit à ce témoignage : Guillaume commet deux erreurs : il appelle la femme de Henri Ier Mathilde, et il ne lui attribue que deux fils, Philippe et Hugues.

[4] Il est publié en entier dans le Rec. des histor. de France, t. XI, p. 32. Sur la valeur de ce document et la date du sacre, voir Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction, I, 2, p. XXIV, n. 2.

[5] Le procès-verbal du sacre ne donne aucun détail sur cette partie de la cérémonie.

[6] Chronicon Besuense. (Rec. des hist. de France, t. XI, p. 203 ; éd. Bougaud dans Analecta Divionensia, p. 355.)

[7] Chronicon S. Medardi Suessionensis. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 367 ; Monumenta Germaniæ historica Scriptores, t. XXVI, p. 520.) On trouve la même version dans un fragment de Hugues de Fleury. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 8.) — Chronique dite de Strozzi. (Ibid., t. XI, p. 294.)

[8] S. Lietberti, Cameracensis episcopi, vita, LI. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 481.)

[9] Historia Monasterii Novi Pictavensis. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 120.)

[10] Une légende se créa plus tard en Normandie d'après laquelle Guillaume se serait rendu au sacre en grand apparat. On trouve en effet dans une chronique de Normandie en français, publiée par Dom Bouquet : Au sacre du dit roy Phelippe fut le Duc Guillaume en grant arroy ; et pour ce que les Gascons furent rebelles au Roy, le Duc Guillaume avec très belle compaignie y ala, et prinrent par force Montaubem ; et tant traita et fist le Duc Guillaume, que Hugue le sire de Gascongne fist hommage au Roy dessus dit : et fut le Duc Guillaume moult amé ; et aussi le Duc ama bien le Roy et moult lui obéy. Mais pour le grant bien qui estoit au Duc Guillaume, les Français ennortoient le Roy de lui faire la guerre. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 343.)

[11] Luchaire, Histoire des institutions monarchiques de la France sous les premiers Capétiens, t. I, p. 252.

[12] Pour la date de la mort de Henri Ier, voir : Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction, I, 3, p. XXV, auquel nous n'avons rien à ajouter.

[13] M. Prou fait remarquer que le roi mineur n'était pas frappé de la même incapacité juridique que les simples chevaliers. Les actes étaient expédiés en son nom ; il avait un sceau. Sa parole avait la même valeur que celle d'un roi majeur. Nous voyons que plusieurs diplômes de Philippe Ier, expédiés avant l'époque de sa majorité, ne portent pas la souscription de son tuteur ni celle de la reine sa mère. Le roi mineur n'avait donc qu'une incapacité de fait. (Recueil des actes de Philippe Ier, introduction, 1, 4, p. XXVIII.)

[14] Jean d'Ypres, Chronicon Sithiense. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXV, p. 780-781 ; Rec. des histor. de France, t. XI, p. 380.) La même version se trouve en des termes à peu près identiques dans une généalogie des comtes de Flandre, chap. III. (Ibid., t, XI, p. 388.)

[15] Clarius, Chronicon S. Pétri Vivi Senonensis, anno MLX. (Duru, Bibliothèque historique de l'Yonne, t. II, p. 507.)

[16] Chronique dite de Guillaume Godelle. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 283.)

[17] Chronicon Turonense. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 348.) — Breve chronicon S. Martini Turonensis. (Ibid., p. 212.)

[18] Hariulf, Chronicon Centulense, l. IV, c. XXII. (Ed. Lot., p. 234.)

[19] Hugues de Fleury, Historia modernorum Francorum regum. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 8.)

[20] Hugues de Fleury, Historia Francorum. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. IX, p. 389.) — Historia modernorum Francorum regum. (Ibid., t. IX, p. 389.)

[21] Guillaume de Jumièges, l. VII, c. XXVIII. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 48.)

[22] Orderic Vital, Historia ecclesiastica, l. III, c. V. (Ed. Leprévost, t. II, p. 79.)

[23] Ex historiæ Francicæ fragmenta. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 161.)

[24] Aubri de Trois-Fontaines. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 357 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 792.)

[25] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl.. l. III, c. CCXXXIV. (Ed. Stubbs, t. II, p. 291.)

[26] C'est aussi l'opinion de M. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction, I, 4, p. XXIX-XXX.

[27] Annales Elnonenses minores. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 20.)

[28] Genealogia comitum Flandrensium, c. IX. (Rec. des hislor. de France, t. XI, p. 389 ; Monumenla Germaniæ historica, Scriptores, t. IX, p. 319.)

[29] Ibid., c. VII. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 388 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. IX, p. 318.)

[30] Ibid., c. VI. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 388 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. IX, p. 318.)

[31] Aubri de Trois-Fontaines. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 357 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriplores, t. XXIII, p. 792.)

[32] Guillaume de Poitiers, Gesta Guillelmi ducis. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 80.)

[33] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXV (1066), p. 71, l. 33-34.

[34] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXII (1065), p. 60, l. 7.

[35] P. XXXI, n. 2.

[36] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XVIII (1065), p. 53,1. 3.

[37] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXVII, p. 80, l. 13-15.

[38] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXVII. p. 228, l. 9-10. Il est question d'un clos de vignes que Baudouin avait fait planter.

[39] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XIX (1065), p. 56, l. 4-5.

[40] Miracula S. Agili Resbacensis. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XV, p. 806.)

[41] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° II, p. 7, l. 16 ; n° III, p. 12, l. 4 ; n° IV, p. 15, l. 2 ; n° XVIII, p. 54, l. 4 ; n° XXIV, p. 69, l. 7 ; n° xxx, p. 94,1. 7 ; nI) XXXII, p. 99, l. 9.'

[42] Il est impossible de déterminer exactement si Baudoin l'a accompagné à tous ses voyages sans exception. Sur vingt-sept actes qui nous sont parvenus de 1060 à 1066, neuf seulement portent la souscription du tuteur, qui n'était pas nécessaire pour leur validité. Cf. Prou, Recueil, introduction, IV, 18, p. CXXXIV.

[43] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° II, p. 3.

[44] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° III, p. 8.

[45] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° IV, p. 13 ; n° V, p. 15.

[46] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° VI, p. 17 ; n° VII, p. 22.

[47] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° VIII, p. 24.

[48] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° IX, p. 28.

[49] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° X, p. 30.

[50] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XI, p. 32.

[51] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XII, p. 34.

[52] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XV, p. 45.

[53] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XVI, p. 47.

[54] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XVII, p. 49.

[55] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXI, p. 58.

[56] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XVIII, p. 51 ; n° XIX, p. 54.

[57] Prou, Recueil des actes de Philippe 1er, n° XX, p. 57 ; n° XXI, p. 58.

[58] Prou, Recueil des actes de Philippe 1er, n° XXII, p. 59 ; n° XXIII, p. 63.

[59] Prou, Recueil des actes de Philippe 1er, n° XXIV, p. 67.

[60] Prou, Recueil des actes de Philippe 1er, n° XXV, p. 70.

[61] Prou, Recueil des actes de Philippe 1er, n° XXVI, p. 76.

[62] Prou, Recueil des actes de Philippe 1er, n° XXVIII, p. 83. Sur la date de ce diplôme, voir la discussion de M. Prou, p. 83, n. l. Aux arguments diplomatiques donnés par M. Prou, on peut ajouter que, Soissons se trouvant près de Reims, il est très vraisemblable que Philippe Ier s'y rendit en quittant cette dernière ville, c'est-à-dire probablement dans le courant d'octobre 1066.

[63] Annales Gandenses. (Monumenta Germaniæ historica. Scriptores. t. II, p. 189.)

[64] Vita S. Macharii, c. XXVII. (Monumenta Germaniæ historiea, Scriptores, t. XV, p. 619.)

[65] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXIV (27 mai), p. 86 ; n° XXX (29 mai), p. 91.

[66] Ibid., n° XXIII (avant le 4 août), p. 99 ; n° XXXIV (7 août), p. 100.

[67] Sur Anne de Russie, cf. De Caix de Saint-Amour, Anne de Russie, reine de France et comtesse de Valois au XIe siècle, 2e éd., 1896.

[68] Bertholdi annales. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 271.)

[69] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, iio II (1060), p. 7, l. 11 ; n° III (1060), p. 12, l. 2 ; n° IV (1060), p. 14, l. 32 ; n° V (1060), p. 17, L 6 ; n° X (1061), p. 31, L 28 s n° XI (1061), p. 34, l. 4 ; n° XVI (1063), p. 48, l. 30 ; n° XVIII (1065), p. 53, l. 6.

[70] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° IV, p. 14, l. 28-30.

[71] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° V. p. 16, I. 18 : Per interventum matris nostre, imprimé en gros texte, tandis que les passages en petit texte sont empruntés au diplôme de Robert.

[72] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° X, p. 31, l. 11.

[73] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° VI, p. 19, l. 27.

[74] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XIII, p. 40, l. 25.

[75] Clarius, Chronicon S. Petri Vivi Senonensis, anno MLX. (Duru, Bibl. hist. de l'Yonne, t. II, p. 507.)

[76] Historia Francorum. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 161.)

[77] Hugues de Fleury, Historia modernorum Francorum regum. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. IX, p. 389.)

[78] Guibert de Nogent, De vita mea, l. I, c. X. (Ed. Bourgin, p. 28.)

[79] Charte en faveur de l'Eglise d'Amiens publiée dans Du Cange, Histoire de l'état de la ville d'Amiens, p. 199-201.

[80] Sur Raoul de Crépy et ses différentes femmes, voir Carlier, Histoire du duché de Valois, t. I, p. 290.

[81] Lettre de Gervais au pape Alexandre II. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 499.)

[82] C'est la donation de la villa de Bagneux au monastère de Saint-Germain-des-Prés. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XIII, p. 38.

[83] Jaffé, Regesta pontificum Romanorum, n° 4606. Voir le texte de cette lettre dans Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 539.

[84] Clarius, Chronicon S. Pétri Vivi Senonensis, anno MLXVI. (Duru, Bibliothèque historique de l'Yonne, t. II, p. 508.)

[85] Voir quelle est sa généalogie d'après Yves de Chartres, ep. 45 (Migne, Patr. Lat., t. CLXII, col. 57-58).

[86] Cf. Du Cange, Histoire de l'état de la ville d'Amiens, p. 184.

[87] Guibert de Nogent, De vita mea, l. I, c. X. (Ed. Bourgin, p. 28.)

[88] Voir le récit de ces événements dans les Miracula S. Benedicti. (Ed. de Certain, p. 251.)

[89] Gesta episcoporum Virdunensium. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 251.) Aubri de Trois-Fontaines, année 1066. (Ibid., t. XI, p. 361, Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 796.)

[90] On en trouvera la liste dans Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction, p. CXXXIV, n. 6.

[91] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XVI, p. 48, l. 18-20.

[92] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction III, 1, p. XLIX.

[93] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction III, 2, p. L-LIII.

[94] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° X, p. 30 ; n° XXVI, p. 76.

[95] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XVI, p. 47.

[96] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XX, p. 57 ; n° XXI, p. 58.

[97] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXII, p. 59 ; n° XXIII, p. 63.

[98] Vita Theoderici abbatis Andaginensis. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XII, p. 49.)

[99] Voir en particulier, Jaffé, n° 4443. (Migne, Patr. lat., t. CXLIII, col. 1347-1348.) Voir aussi une lettre de Gervais à Nicolas II, dans laquelle il se justifie des accusations portées contre lui et proteste de sa fidélité au Saint-Siège. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 498.)

[100] Cf. Jaffé, n° 4444 (Migne, Patr. lat, t. CXLIII, col. 1348-1349) ; n° 4445 (ibid., col. 1349).

[101] Jaffé, n° 4566, Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 541.

[102] Jaffé, n° 4568. Cartulaire de Saint-Denis. (Arch. nat. LL. 1156, fol. 78.)

[103] Jaffé, n° 4567. Cartulaire de Saint-Denis. (Arch. nat. LL. 1156, fol. 77b.)

[104] Jaffé, n° 4598. Cartulaire de Saint-Denis. (Arch. nat. LL. 1156, fol. 78b.)

[105] Jaffé, n° 4605. Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 538.

[106] Jaffé, n° 4607. Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 545.

[107] Jaffé, n° 4608. Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 540.

[108] Jaffé, n° 4584. Coll. brit. Al. ep. 42.

[109] Jaffé, n° 4620. Coll. brit. Al. ep. 81.

[110] Cf. Gallia christiana, t. IX, col. 70 ; Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXI, p. 94, n. 2-3. Cf. aussi une notice sur les donations que Gervais avait faites par testament à l'Eglise de Reims publiée par Varin, Arch. administr. de la ville de Reims, t. I, Ire partie, p. 221 223 ; il y est disque la maladie de Gervais s'aggrava le jour de saint Pierre et saint Paul (29 juin) et qu'il mourut six jours après, soit le 4 juillet.

[111] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° IV, p. 14, l. 32 ; n° V, p. 17, l. 6 ; n° X, p. 31, l. 24 ; n° XVI, p. 48, l. 19.

[112] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier., n° II, p. 7, l. 14 ; n° III, p. 12, l. 3 ; n° XXII, p. 63, l. 5 ; n° XXIII, p. 66, l. 11.

[113] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° II, p. 7, l. 15 ; n° III, p. 12, l. 4 ; n° XXII, p. 63, l. 6 ; n° XXIII, p. 66, l. 13.

[114] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° X, p. 31, l. 25.

[115] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° X, p. 31, l. 24 ; n° XI, p. 33, l. 26 ; n° XVI, p. 48, l. 19 ; n° XX, p. 58, l. 4 ; n° XXI, p. 59, l. 17 ; n) XXVI, p. 79, l. 7.

[116] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° IV, p. 14, l. 33 ; n° V, p. 17, l. 7 ; n° IX, p. 30, l. 8 ; n° XI, p. 34,1. 4.

[117] Cf. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° VI, p. 20 ; n° VIJI, p. 27 ; n° XI, p. 34, etc.

[118] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° IV, p. 15 ; n° VIII, p. 27.

[119] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° II, p. 7, l. 10.

[120] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° X, p. 31, l. 12.

[121] Bovon, abbé de Saint-Bertin, est venu exposer son différend avec Gerbon le Jeune devant Philippe Ier et Baudoin in plena procerum curia. (Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XVII, p. 50, l. 24.)

[122] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XVIII, p. 53, l. 1.

[123] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXI, p. 59, l. 14.

[124] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXII, p. 62, l. 27, et p. 63, l. 1-13 ; n° XXIII, p. 66, l. 7 et suiv.

[125] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXVII, p. 80.

[126] Le diplôme suivant (Prou, ibid., n° XXVIII, p. 85, l. 28) donne d'ailleurs les noms de quelques-uns des juges du différend.

[127] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n. XXVII, p. 82, l. 10,

[128] Raoul Tortaire, Miracula S. Benedicti, l. VIII, c. XXIV. (Ed. de Certain, p. 314.)

[129] On voit encore ici que Baudoin, tout en étant tuteur du roi, ne cesse pas d'être comte de Flandre, et c'est avec ses troupes personnelles qu'il combat les ennemis du royaume.

[130] Miracula S. Agili, abbatis Resbacensis, c. XVII. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XV, p. 866.)

[131] Miracula S. Andoeni, c. III.. (Acta sanctorum, Augusti, t. IV, p. 832 E.)

[132] Lettre de Gervais à Nicolas II. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 498.)

[133] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XIII, p. 38.

[134] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XIII, p. 40, l. 25.

[135] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVIII, p. 197.

[136] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVIII, p. 197, l. 20.

[137] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. III, c. CCXXXIV (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 180, éd. Stubbs, t. II, p, 291.)

[138] Chronicon S. Martini Turonensis (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 461.) — Hugues de Fleury, Historia modernorum regum Francorum (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 796 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. IX, p. 389.)

[139] Annales Elnonenses majores (Monumenta Germaniæ historia, Scriptores, t. V, p. 13.) Cf. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction, p. XXXII, n. 6.

[140] Miracula sancti Benedicti, l. VIII, c. XXIV (Ed. de Certain, p. 314.)

[141] Nous nous rallions donc pleinement à l'opinion de M. Prou, auquel nous renvoyons pour plus de détails. (Recueil des actes de Philippe Ier, introduction I, p. XXXII-XXXIV.)

[142] Cf. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction I, p. XXXII, note 5 où se trouve citée la charte de Baudoin de Mons qui mentionne ce fait.

[143] Miracula sancti Benedicti, l. VIII, c. XXIV (Ed. de Certain, p. 314.)

[144] Henri de Huntington, Epistola ad Walterum de contemptu mundi (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 267, éd. Arnold, p. 312.)

[145] Voir l'appendice II.

[146] Suger, Vita Ludovici, c. XII (Ed. Molinier, p. 38.)

[147] Suger, Vita Ludovici, c. XII (Ed. Molinier, p, 38.)

[148] Translation de saint Romain. (Acta Sanctorum, Octobr., t. X, p. 84 D.)

[149] Vita S. Geremari abbatis. (Acta Sanctorum, Septembr., t. VI, p. 705 DE.)

[150] Chronique de Guillaume Godelle, année 1107 (Rec. des histor. de France, t. XIII, pi 674.)

[151] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLXVI, p. 409.

[152] Chronicon Mauriniacense, l. II (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 68.)

[153] Clarius, Chronicon S. Petri Vivi Senonensis, anno MCVIII (Duru, Bibl. hist. de l'Yonne, t. II, p. 516.)

[154] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 24 ; Acta sanctorum ord. S. Bened., sæc, III, part. II, p. 122.

[155] Greg. VII, Registri l. II, ep. 5. (Jaffé, Bibl. rer. Germ. t. II, Monumenta Gregoriana, p. 114 et suiv.)

[156] Guibert de Nogent, De pignoribus sanctorum, l. I, c. 1 (Migne, Patr. lat., t. CLVI, col. 616.)