HISTOIRE DU MOYEN ÂGE

DEUXIÈME PARTIE. — PROBLÈMES POLITIQUES ET RELIGIEUX DE 962 À 1025

 

CHAPITRE PREMIER. — LA POLITIQUE IMPÉRIALE DE 962 À 1056.

 

 

I. — L'Allemagne entre l'Italie et le monde slave (962-996)[1].

 

CONSÉQUENCES DE LA RESTAURATION IMPÉRIALE. — Si la dynastie saxonne a pu, au milieu du Xe siècle, acquérir une puissance et un prestige hors pair, c'est avant tout parce qu'elle a eu conscience de la mission qui lui était assignée par les faits et qu'elle a réussi à écarter les graves périls qui menaçaient l'Occident. Après les victoires du Lech et de la Recknitz (955), Otton Ier apparaît comme le sauveur qui, au prix d'un génial et méthodique effort, a su enrayer l'invasion hongroise et briser l'élan redouté des Slaves. Ceux-ci toutefois ne sont pas anéantis : fortement massés au delà des barrières de l'Elbe et de l'Oder, ils risquent, si l'on ne parachève l'œuvre accomplie avant 962, de céder une fois de plus à l'impulsive fascination qu'exercent sur eux les terres de l'ouest, de désoler à nouveau la Saxe et la Westphalie. Dès lors, le programme impérial se dessine avec une limpide clarté : défendre la chrétienté contre les envahisseurs de l'Est, ou mieux encore l'étendre en convertissant les Slaves transformés, par la même occasion, en vassaux de la couronne allemande, telle est la mission qui incombe désormais à Otton Ier et à ses successeurs.

Otton le Grand, avec son sens politique très sûr, a vu cette orientation possible de l'effort germanique après les incomparables victoires de 955, mais les circonstances ont été plus fortes que sa volonté personnelle. Du jour où la dynastie saxonne a été appelée à intervenir en Italie, sa vocation traditionnelle a subi une rude épreuve et le couronnement impérial de 962, tout en étant la consécration étincelante des services qu'elle avait rendus à la chrétienté, l'a entraînée vers d'autres destinées. Héritier de Constantin, de Théodose et de Charlemagne, le nouvel empereur peut-il se parer de son titre, s'il ne domine Rome et l'Italie ? Or, les derniers événements ne sauraient faire illusion : la péninsule reste à conquérir, mais comment ne pas céder à cet attrait ? Et l'on saisit aussitôt quel est le problème qui se pose au lendemain de la restauration de 962 : la politique impériale doit-elle persévérer, conformément à une longue tradition, dans son avance vers l'Est, ou, au contraire, se laisser glisser vers le Sud ; aura-t-elle son axe sur l'Elbe ou sur le Pô ? Troublante question à laquelle Otton Ier répondra en essayant de mener de front les deux tâches, si lourdes qu'elle soient : il visera à consolider son empire tout à la fois par la conquête de l'Italie et par l'extension de l'influence allemande en pays slave, mais ses successeurs ne seront pas de taille à continuer cette œuvre gigantesque et, débordés par les événements, ils se heurteront à des difficultés qui, à certaines heures, dégénéreront en catastrophes.

L'ITALIE APRÈS LE COURONNEMENT IMPÉRIAL. — Au lendemain de son couronnement, Otton Ier s'aperçoit très vite à quel point sa puissance est précaire en Italie. L'ancien roi Bérenger n'est nullement vaincu ; enfermé dans son château de San-Leo, près de Montefeltre, tandis que ses fils, Adalbert et Guy, tiennent les forteresses des lacs de Garde et de Côme, il dispose de solides appuis et sa femme, l'indomptable reine Willa, réfugiée dans l'île de San-Giulio sur le lac Majeur, s'emploie activement à réchauffer le zèle de ses partisans. Quant au pape Jean XII, malgré son attitude correcte et ses concessions résignées, il est loin d'avoir renoncé à ses ambitions temporelles ; plus que jamais, il aspire à la souveraineté de l'Italie, et comme, pour le moment, l'empereur qu'il vient de couronner est le principal obstacle à la réalisation de ses rêves, il est bien décidé, au mépris de ses promesses, à lui susciter tous les tracas possibles. Les Grecs enfin, au sud de la péninsule, n'ont pas lieu d'être satisfaits des derniers événements ; ils observent, en se réservant d'intervenir à l'heure qu'ils auront choisie[2]. Bref, la route d'Otton Ier est semée de pièges et une maladresse risque d'anéantir les résultats trop facilement acquis au début de 962.

OTTON Ie1 ET BÉRENGER. — Pour le moment, il faut courir au plus pressé et en finir avec Bérenger. De Rome, l'empereur se dirige vers le lac Majeur, oblige la reine Willa à se rendre, mais lui laisse la liberté et essaie, par son intermédiaire, d'obtenir la soumission de l'ancien roi d'Italie. Willa se rend en effet auprès de son époux, mais, au lieu de l'incliner à la paix, lui conseille la guerre à outrance. Otton, déçu, est contraint, après avoir passé à Pavie l'hiver de 962-963, de s'acheminer vers San-Leo. Très vite, il s'aperçoit que ce roc inaccessible ne peut être réduit que par la famine. Or, il ne peut s'attarder, car de Rome parviennent de fâcheuses nouvelles qui vont modifier.son programme primitif[3].

DÉPOSITION DE JEAN XII. — Jean XII n'avait cessé de correspondre avec le fils de Bérenger, Adalbert, et, au moment même où il envoyait à Otton des ambassadeurs chargés de le rassurer sur ses intentions, il préparait l'entrée à Rome du jeune prince auquel il s'était décidément rallié pour faire échec au roi de Germanie. Adalbert pénétra dans la ville, sans doute en octobre 963. Aussitôt Otton, laissant à San-Leo quelques troupes chargées de continuer le siège, s'élance vers Rome devant laquelle il apparaît le 3 novembre 963[4].

Tous les Romains ne l'ont pas abandonné. Jean XII s'en aperçoit très vite et, moins tenace dans l'exécution que hardi dans la conception, il prend la fuite, accompagné d'Adalbert. De nouveau maître de Rome, Otton Ier, sans même demander l'assentiment du pape, convoque pour le 6 novembre à Saint-Pierre un concile où, à côté de quarante évêques et des cardinaux prêtres ou diacres, siègent les représentants de la noblesse romaine. De lourdes accusations sont énoncées par le cardinal diacre Benoît et confirmées par la plupart des assistants. On décide de citer le pontife qui riposte en menaçant Otton d'excommunication au cas où, comme on lui en prêtait l'intention, il viendrait à désigner un autre pape. Une seconde sommation reste également sans effet ; le 4 décembre, Otton Ier après avoir incriminé Jean XII de haute trahison, le fait déposer par le concile qui acclame ensuite comme son successeur le protoscriniaire Léon[5].

LE PRIVILÈGE DE 963. — La déposition de Jean XII, illégale et contraire aux règles canoniques, allait avoir les plus graves conséquences. Le privilège, accordé à l'Église romaine au lendemain du couronnement, est remanié et la nouvelle rédaction accroît les pouvoirs du roi de Germanie dans l'élection pontificale. Celui qui aura été élu à cette sainte et apostolique fonction, y est-il dit, ne sera pas consacré comme pontife, avant qu'il n'ait prêté, en présence de nos envoyés ou de notre fils, pour la satisfaction de tous et pour la paix, un serment analogue à celui que notre seigneur et vénéré père spirituel, Léon, a, on le sait, juré spontanément. Les formules de chancellerie sont vagues à dessein, mais l'application qui a été faite du diplôme, avant qu'il fût promulgué, en révèle la véritable signification sur laquelle il ne saurait y avoir de doute : l'empereur entend nommer le pontife romain[6]. C'en est donc fini de l'indépendance du siège apostolique. Pour asseoir l'influence allemande en Italie, Otton Ier veut, dominer Rome et, pour dominer Rome, il lui faut avoir les moyens d'écarter tout pape qui oserait aller à l'encontre de ses desseins. La politique italienne entraîne fatalement la restauration d'un césaro-papisme impérial, infiniment plus dur que ne l'avait été celui de Justinien et de Charlemagne.

OPPOSITION ET MORT DE JEAN XII. — Croyant en avoir fini avec l'opposition romaine, Otton Ier retourne devant San-Leo. Il ne tarde pas à recevoir la soumission de Bérenger et de Willa qui sont envoyés prisonniers en Allemagne[7]. Il était temps d'en finir avec eux, car l'empereur avait à peine quitté Rome que Jean XII renouait ses intrigues. Le 3 janvier 964, une émeute éclate dans la ville. Otton Ier, aussitôt accouru, la réprime sans peine, mais, une fois encore, il s'éloigne prématurément et, à la faveur d'une nouvelle insurrection, Jean XII rentre dans sa capitale, pendant que Léon VIII s'enfuit en toute hâte auprès de son protecteur[8].

Un concile se réunit à Saint-Pierre le 26 février 964 et, bien que sa composition soit à peu près identique à celle du synode de novembre 963, il casse tous les actes de cette assemblée. Léon VIII est déposé et l'anathème prononcé contre tous ceux qui continueraient à le reconnaître comme pape[9]. Jean XII ne pouvait souhaiter une plus solennelle réhabilitation, mais il ne survit guère et meurt le 14 mai 964[10].

ÉLECTION ET DÉPOSITION DE BENOIT V. — Sans tenir compte du privilège de 963, les Romains lui donnent pour successeur le cardinal Benoît qui, après avoir prononcé contre lui le plus âpre réquisitoire, était ensuite revenu à de meilleurs sentiments[11]. Ainsi s'affirme et se précise la réaction contre le césaro-papisme impérial.

Otton songe aussitôt à effacer les traces de cet affront. Vainqueur de Bérenger, il revient en toute hâte, bien décidé, au dire de Liudprand, à briser son épée plutôt que de renoncer à la réintégration de Léon VIII. A Rieti, il rencontre les ambassadeurs des Romains, chargés de solliciter la confirmation du pontife nouvellement élu. Furieux, il répond en occupant toutes les routes qui conduisent à Rome. La ville doit capituler et Benoît V se rendre à l'empereur. Un troisième concile se réunit au Latran à la fin de juin : Benoît V, contraint de comparaître, est dépouillé de la chape pontificale dont Léon VIII charge à nouveau ses épaules, puis il est déposé et confié à l'archevêque de Hambourg, qui l'emmène dans son diocèse[12].

RÉVOLTE DE LA LOMBARDIE ET NOUVELLE INSURRECTION À ROME (MARS-DÉCEMBRE 965). — Une fois de plus, la victoire d'Otton Ier est plus apparente que réelle et l'opposition italienne conserve toute sa vigueur. Sans doute, en mars 965, à la mort de Léon VIII, l'empereur peut imposer aux Romains un pape de son choix, Jean XIII[13], mais, pendant la vacance du siège pontifical, la Lombardie s'est révoltée et le chancelier Guy de Modène, lui-même, s'est laissé gagner par les conjurés. Quelques mois plus tard, en décembre, Rome s'insurge, à son tour, contre le pape impérial qui est enfermé au château Saint-Ange par le préfet de la ville, Pierre, et par les chefs de l'aristocratie, puis transféré dans une forteresse de Campanie. Partout ailleurs, d'inquiétantes velléités d'indépendance se font jour. Otton, alors rentré en Allemagne, a envoyé en Italie le duc Burchard de Souabe qui a tout d'abord réussi à capturer Guy de Modène et à mettre en fuite Adalbert, fils de Bérenger, auquel s'étaient ralliés les évêques et les seigneurs lombards, mais ce succès n'a pas eu de lendemain : Adalbert reste en relations avec les opposants du Nord et l'aristocratie romaine ne désarme pas. Décidément l'entreprise italienne ne laisse aucun répit à l'empereur, dont la présence semble de nouveau indispensable[14].

QUATRIÈME EXPÉDITION D'OTTON Ier CONTRE ROME (966). — En août 966, après avoir tenu une assemblée à Worms et confié son jeune fils, le futur Otton II, à la garde de l'archevêque de Mayence, Otton Ier reprend le chemin de l'Italie. En Lombardie, il ne rencontre pas de résistance sérieuse et, après avoir envoyé quelques comtes en exil, il peut continuer librement sa marche vers le Sud. Il arrive à Rome un peu avant Noël. Il y est reçu par Jean XIII que les Romains, par crainte de représailles, se sont empressés de faire revenir. La répression n'en est pas moins terrible : le préfet Pierre est exposé à toutes sortes d'outrages, puis exilé en Allemagne ; les chefs des douze quartiers de Rome sont pendus ; d'autres exécutions, qui arrachent des cris de douleur au moine du Mont-Soracte, profondément attaché à l'indépendance italienne[15], achèvent de produire une impression d'épouvante. Pour assurer l'avenir, Otton le Grand fait venir à Rome son fils Otton II qui, le jour de Noël 967, reçoit à son tour la couronne impériale[16].

PROJETS D'OTTON LE GRAND SUR L'ITALIE MÉRIDIONALE. — Dans la pensée d'Otton Ier, 1 Empire devait englober toute la péninsule De là son désir d'imposer son autorité aux princes lombards du Sud qu'il considérait comme ses vassaux, mais il se heurtait, sur ce point, à un sérieux obstacle provenant de la présence des Grecs dans l'Italie méridionale[17]. Si, à Byzance, on a su tout d'abord gré au roi de Germanie d'avoir débarrassé l'Église de Jean XII, dont la vie débauchée était un objet de scandale, en revanche les tentatives répétées d'Otton pour placer sous le contrôle germanique la capitale de la chrétienté y ont été fort mal vues. Il en est résulté, entre les deux cours de Constantinople et d'Aix-la-Chapelle qui avaient jusque-là entretenu les meilleurs rapports[18], un refroidissement destiné à s'accentuer, si Otton Ier poursuit son plan de conquête italienne.

NÉGOCIATIONS AVEC LES GRECS. — L'empereur a fort bien vu cette difficulté et essayé tout d'abord de l'aplanir par la diplomatie. Il lui sembla que le mariage de son fils Otton avec Théophano, fille de Romain II et belle-fille du basileus régnant, Nicéphore Phocas, pourrait amener une heureuse détente. Il se faisait illusion : Nicéphore, bien qu'il eût inauguré son règne par une défaite en Sicile, n'était nullement disposé à laisser le champ libre à la pénétration allemande. Pendant un séjour à Ravenne, en avril 967, Otton le Grand vit arriver une ambassade byzantine chargée de lui faire comprendre que l'empereur d'Orient maintenait tous ses droits sur l'Italie méridionale. A la suite de ces conversations, il envoya à son tour à Constantinople le Vénitien Domenico, porteur de sa proposition matrimoniale, mais Domenico fut plutôt mal reçu et Nicéphore exigea, au préalable, une renonciation formelle des Allemands à toute pensée d'annexion des territoires grecs. Domenico, qui manquait d'instructions, se déroba. Une nouvelle ambassade byzantine alla trouver Otton à Capoue (janvier 968) et ne put obtenir d'engagements plus précis, si bien que le projet de mariage entre le futur Otton II et Théophano parut abandonné[19].

OTTON Ier EN APULIE. — Otton Ier s'imagina alors qu'il arriverait mieux à ses fins en renouvelant la politique d’intimidation qui avait si bien réussi à Rome. Il s’était très habilement ménagé l'appui du prince de Capoue, Pandolf Ier Tête de Fer, ancien ennemi de Jean XII, qu'il avait, par un diplôme du 11 janvier 967, créé margrave de Camerino et du duché de Spolète. Il eut moins de succès auprès de l'autre prince lombard, Gisulf Ier de Salerne, qui ira bien le saluer à Capoue en 968, mais ne consentira jamais à reconnaître sa suzeraineté[20].

Sûr du concours de Pandolf et de la neutralité de Gisulf, Otton, au début de l'année 968, vient à Capoue où il reçoit les ambassadeurs byzantins, puis il envahit l'Apulie et marche sur Bari, capitale du thème de Longobardie. Il s'aperçoit alors que la conquête des possessions byzantines est moins aisée qu'il ne l'avait pensé. Pour enlever Bari, il lui aurait fallu une armée plus nombreuse et surtout une flotte. Faute de moyens suffisants, il doit lever le siège[21].

AMBASSADE DE LIUDPRAND DE CRÉMONE A CONSTANTINOPLE. — La tentative d'intimidation ayant avorté, il faut recourir à la diplomatie. Liudprand de Crémone, qui connaissait la langue grecque, est envoyé à Constantinople. C'était un personnage vaniteux et optimiste à l'excès, pétri d'illusions et convaincu que la manière forte aurait vite raison des atermoiements byzantins. Toutes ses prévisions furent déjouées. Nicéphore Phocas se montra hautain, raide, dédaigneux. Après avoir fait attendre à Liudprand pendant plusieurs jours l'audience qu'il sollicitait, il lui reprocha sur un ton acerbe et méprisant les violences commises à Rome par les Allemands et l'attaque contre les villes grecques de l'Italie du Sud. Liudprand, décontenancé, justifia du mieux qu'il put la politique de son maître ; il ne put triompher des préventions byzantines. Traité en prisonnier et non pas en diplomate, abreuvé d'humiliations, il n'eut bientôt d'autre souci que d'obtenir sa libération, et c'est avec une joie non dissimulée qu'il quitta Constantinople le 2 octobre 968, tout heureux d'échapper aux Grecs dont il redoutait les perfides entreprises[22].

NOUVELLE EXPÉDITION D'OTTON Ier DANS L'ITALIE MÉRIDIONALE. — Dès qu'il apprit comment avait été traité son ambassadeur, Otton Ier entra dans une violente colère et décida de commencer la guerre sans plus tarder. Dans un diplôme du 2 novembre 968, il annonce son intention de chasser d'Italie ces Grecs orgueilleux auxquels il a voué désormais une haine vengeresse[23] et, au printemps de 969, va ravager la Calabre, mais l'expédition réussit en somme assez mal. Les Grecs évitant de risquer leurs troupes en rase campagne[24], il est impossible d'obtenir un succès décisif, si bien qu'après avoir investi Bovino, l'empereur regagne l'Italie du Nord, laissant à son ami Pandolf Tête de Fer le soin de continuer le siège avec l'armée allemande qu'il place soris ses ordres. Or, Pandolf trouve le moyen de se faire prendre au cours d'un engagement et il est dirigé sur Constantinople, pendant que ses soldats s'enfuient en désordre et laissent les Grecs s'avancer jusque dans la région de Capoue. Informé de ce désastre, Otton le Grand envoie de nouvelles troupes qui remportent enfin une victoire près d'Ascoli. Il arrive à son tour, au printemps de 970, et reprend le siège de Bovino[25]. Entre les deux empires d'Orient et d'Occident, c'est une lutte sans merci. La politique ottonienne a pris une singulière extension ; le souverain allemand, alors que tant d'intérêts nécessiteraient sa présence au nord des Alpes, est rivé aux bords de la Méditerranée.

MARIAGE D'OTTON II ET DE THÉOPHANO (14 AVRIL 972). — La mort de Nicéphore Phocas, qui survient fort à propos, va permettre une réconciliation momentanée. Le nouvel empereur, Jean Tzimiscès, manifeste des dispositions pacifiques en rendant la liberté à Pandolf Tête de Fer et, comme Otton Ier souhaite lui aussi la fin du conflit tout en conservant ses ambitions matrimoniales, on s'achemine aussitôt vers une entente. En 971, l'archevêque de Cologne, Géron, est envoyé à Constantinople. Il y reçoit un accueil très différent de celui dont avait souffert le malheureux Liudprand et, le 7 avril 972, il revient à Rome, accompagné de la séduisante Théophano, alors âgée de seize ans, dont la grâce enveloppante gagne immédiatement tous les cœurs, à commencer par celui de son fiancé. Le mariage est célébré à Saint-Pierre le jour de Pâques (14 avril) et le pape Jean XIII couronne ensuite la nouvelle impératrice[26]. Otton Ier, enfin arrivé à ses fins, se laisse bercer par l'espoir que ce mariage, en rendant les Grecs plus accommodants, l'aidera à consolider la domination allemande en Italie.

PAIX AVEC LES GRECS. — Une fois de plus il se faisait illusion. Sans doute cette alliance matrimoniale pourra-t-elle provoquer une détente et préparer quelques années de paix, mais aucun texte n'indique que Jean Tzimiscès ait reconnu le titre d'empereur romain qu'Otton s'était adjugé et d'autre part, bien que Capoue et Bénévent restent sous la suzeraineté allemande, le basileus n'a aucunement l'intention de remettre en dot à Théophano la Pouille, la Calabre, Naples et Salerne. Les positions restent intactes : si les rois de Germanie persistent dans leur rêve d'hégémonie italienne, ils se heurteront à la même barrière. Il ne saurait donc être question, en 972, d'un accord durable, mais seulement d'une trêve momentanée Otton Ier peut du moins retourner en Allemagne où la politique traditionnelle de la maison saxonne en face des Slaves, n'a connu, malgré la présence constante de l'empereur en Italie, aucun moment d'arrêt.

L'ALLEMAGNE ET LES SLAVES APRÈS 955. — Otton Ier a eu en effet une politique slave en même temps qu'une politique italienne et, si la mort ne lui a pas permis d'en cueillir les fruits, du moins a-t-il élaboré une série de conceptions grandioses qui ont reçu, de 962 à 972, un commencement d'exécution[27].

Après la victoire de la Recknitz, deux hommes ont été spécialement chargés de consolider les résultats obtenus : le margrave Géron qui, depuis longtemps, avait fait ses preuves, et le duc de Souabe, Hermann. Le premier par une série d'expéditions entre Elbe et Oder, a fait progresser l'influence allemande dans ces régions. Le second, préposé plus spécialement à la garde du cours inférieur de l'Elbe, a prévenu tout retour offensif des Obotrites, des Wagriens et même des Liutices. Malheureusement la mort de Géron, survenue le 20 mai 965, au moment même où les événements d'Italie prennent une tournure inquiétante, prive l'empereur d'un chef de grande envergure. Otton est obligé de diviser la marche du Nord, trop lourde pour des épaules moins robustes que celles du prince défunt, en six marches distinctes, tout en laissant à l'un de ces margraves, Thierry, une certaine prééminence sur ses collègues. Il garde d'ailleurs pour lui-même la direction suprême des opérations, mais cette disposition sera sans effet, car, à partir de 966, l'empereur résidera constamment en Italie[28].

ORGANISATION RELIGIEUSE DES PAYS SLAVES. — D'ailleurs, pendant les dernières années du règne, la conquête revêt le plus souvent un caractère pacifique : l'évangélisation des Wendes païens doit, dans le plan d'Otton le Grand, préparer la pénétration allemande. La conversion du chef slave, Tugumir, qui dominait la région de la Havel, avait singulièrement facilité le travail. Il faut placer très probablement avant la restauration de l'Empire la fondation des trois évêchés de Brandebourg, de Havelberg et de Stargard, capitale des Wagriens, qui porta désormais le nom d'Oldenbourg. Les deux premiers diocèses qui s'étendaient sur les pays entre l'Elbe, l'Oder et la Baltique, englobant les Liutices et quelques tribus sorabes, relevaient de la métropole de Mayence, tandis que l'évêque d'Oldenbourg, pasteur des Obotrites, dépendait de l'archevêque de Hambourg[29].

L'organisation des pays occupés par les Sorabes et les Daléminciens a été plus tardive. Sans doute Otton Ier a vu de très bonne heure l'importance que pourrait avoir, à cet égard, le grand centre de Magdebourg et il est probable que, quand il y a fondé, le 21 septembre 937, une abbaye bénédictine[30], il nourrissait déjà quelques lointains projets, mais c'est seulement après la victoire de la Recknitz (955) que ceux-ci prennent corps. Ils aboutissent, lors des conciles de Rome (962) et de Ravenne (967), à la création du siège métropolitain de Magdebourg duquel, aux termes d'un privilège de Jean XII en date du 12 février 962, devaient relever, comme suffragants, les évêques de Brandebourg, de Havelberg, de Mersebourg et, par la suite, tous ceux qui se fonderaient en pays wende[31].

Une étape décisive vient d'être franchie[32]. Au cours des années suivantes, les évêchés suffragants s'organisent à leur tour, à Zeitz, à Meissen — ce dernier jeté en plein pays slave entre la Sprée, l'Oder et le Waldgebirge[33] —, tandis que va commencer le travail d'évangélisation.

L'ÉVANGÉLISATION DES PAYS SLAVES SOUS OTTON Ier. — Dans la pensée d'Otton let, l'érection du siège métropolitain de Magdebourg a pour but de favoriser l'activité missionnaire et, par elle, la pénétration allemande entre Elbe et Oder d'abord, au delà de l'Oder ensuite. A cette fin, il désigne comme premier archevêque son ancien chapelain, Adalbert, qui, en 961-962, avait été en Russie. Sacré à Rome par Jean XIII (18 octobre 968)[34], Adalbert se met aussitôt à l'œuvre, mais les progrès sont lents et c'est à peine si les chroniques signalent l'apparition de quelques églises en pays slave[35]. Au Nord, l'archevêque de Hambourg, Adalgag, obtient, au moins en apparence, de meilleurs résultats : plusieurs princes des Obotrites se convertissent, mais les masses ne se laissent pas entamer. L'assassinat du second évêque de Brandebourg, Dodilon, en 980, prouvera à quel point le fanatisme païen reste tenace. Tant que vivra le grand empereur, dont les victoires ont imposé le respect, le calme se maintiendra, mais qu'il disparaisse, et la vieille haine explosera.

L'ALLEMAGNE ET LA POLOGNE. — Au delà de l'Oder, Otton le Grand a songé à étendre par les mêmes moyens l'influence allemande jusqu'en Pologne. Dès 963, le margrave Géron a obligé le duc polonais Mesko à reconnaître la suzeraineté de la Germanie et à lui payer tribut pour la région de la Warthe. Selon toute vraisemblance, l'évêché de Posen fut fondé au même moment et occupé par un Allemand, Jordan, sans que l'on puisse affirmer avec certitude qu'il ait été, à ses origines, suffragant de Magdebourg. Toutefois le choix, comme titulaire de ce dernier siège, d'Adalbert, qui avait séjourné à la cour de la princesse russe Olga, paraît avoir été destiné à faciliter l'action de la grande métropole allemande sur les pays au delà de l'Oder. En tous cas, le christianisme a progressé en Pologne où Mesko a reçu le baptême en 967, mais la politique de l'empereur a été contrariée par le pape Jean XIII qui songeait plutôt à subordonner directement l'église polonaise à celle de Rome. Benoît VI, qui succéda à Jean XIII à la fin de 972, parut au contraire disposé à se rallier aux vues d'Otton ; malheureusement Otton mourut quelques mois après son avènement et son œuvre fut aussitôt interrompue[36].

LA CONVERSION DES SLAVES DU SUD. — Au Sud-Est, la victoire du Lech a permis également de réaliser quelques timides étapes. Ici encore, évangélisation et colonisation vont de pair. La fondation, en 972, de l'évêché de Prague, dont l'autorité devait s'étendre sur la Moravie, est destinée à faciliter l'établissement de la suzeraineté allemande en Bohême[37]. Plus au Sud, l'archevêque de Salzbourg, Frédéric (958-991), a réussi a étendre son influence en Carinthie et même en Pannonie. Plus important encore a été le rôle de l'évêque de Passau, Piligrim (971-991), parent de Frédéric et, comme lui, tout dévoué à l'empereur. Son diocèse avait souffert, plus qu'aucun autre, de l'invasion hongroise ; il s'est empressé de le réorganiser, reconstruisant les églises et les monastères, réformant le clergé, après quoi il a entrepris la conversion des Hongrois et réussi à porter l'influence allemande jusque sur les bords de la Leitha[38].

LA CONVERSION DES HONGROIS. — Cette œuvre était commencée depuis un certain temps déjà. Avant la bataille du Lech, deux chefs, Bulézu et Gylas, avaient reçu le baptême à Constantinople et facilité la mission du moine Hiérotheus, sacré évêque par le patriarche Théophylacte[39]. Après 955, le mouvement religieux s'intensifie, favorisé par le mariage (avant 970) du duc Geisa avec une princesse chrétienne. Aussi, lorsque Piligrim pénètre en Hongrie, il a la joie d'y trouver cinq mille baptisés et de constater que l'ensemble du peuple est favorable au christianisme. Admirablement secondé par le Souabe Wolfgang qui, avant de devenir évêque de Ratisbonne, est allé, sans doute en 972, prêcher la foi chrétienne aux Hongrois, il donne libre cours à son âme d'apôtre et travaille pour l'Allemagne en même temps que pour l'Église. Le succès couronne son effort : avant de mourir, Otton le Grand aura la joie de recevoir, à l'assemblée de Quedlinbourg, une ambassade hongroise et il est probable que, s'il eût encore vécu quelques années, un évêché eût été créé, conformément au vœu de Piligrim, pour coordonner les activités dispersées[40]. La disparition de l'empereur fut, ici comme ailleurs, tout à fait néfaste ; les désordres intérieurs qui marquent le début du règne d'Otton II compromettront le prestige de l'Allemagne et écarteront d'elle les Hongrois aussi bien que les Slaves.

MORT D'OTTON LE GRAND (7 MAI 973). — En résumé, jusqu'à la mort d'Otton Ier, la politique italienne n'a pas eu de répercussions fâcheuses sur les frontières orientales ; la pénétration allemande en pays slave a continué pendant la fin du règne, et si les masses se laissent difficilement entamer, du moins les princes se montrent-ils plus dociles. Lorsqu'en 973, Otton, enfin revenu d'Italie, célèbre la fête de Pâques à Quedlinbourg, il voit accourir pour le saluer, en même temps qu'une ambassade hongroise, les ducs de Bohême et de Pologne, qui font preuve à son égard d'une sympathique déférence[41]. Rien ne pouvait mieux souligner le succès de sa politique. Depuis le couronnement de 962, il n'a cessé de rêver d'un empire germanique aussi grand que celui de Charlemagne, mais il s'est rendu compte qu'il était impossible de reconstituer exactement ce qui existait au début du IXe siècle. Il a voulu faire autre chose et, au lieu de poursuivre l'annexion de la France à l'Allemagne et à l'Italie, il a cherché à s'étendre vers l'Est en même temps que vers le Sud. La conquête de l'Italie a été plus dure qu'il ne l'avait prévu et l'a absorbé pendant dix ans, mais elle n'a pas réussi à le détourner des pays de l'Elbe, de l'Oder et de la Warthe. Enfin libre de ses mouvements au début de 973, il s'apprêtait à affermir la suzeraineté germanique sur les Slaves, lorsque la mort le surprit à Mersebourg, le 7 mai 973[42], pour le plus grand malheur de l'Allemagne qu'il laisse entre les mains de son fils Otton II, jeune, inexpérimenté et totalement dépourvu de génie.

OTTON II. — Otton II est alors âgé de dix huit ans. Petit et corpulent, il n'a pas la belle prestance paternelle. Il est en revanche plus cultivé qu'Otton le Grand, et c'est là sa seule supériorité[43]. Son instruction a été poussée assez loin ; son éducation a laissé davantage à désirer et n'a eu raison ni d'un tempérament sensuel ni d'une prodigieuse infatuation. Les écarts de conduite du jeune prince ont été une cause de scandale ; sa proverbiale vanité l'a rendu accessible aux viles flatteries des courtisans qui ont encouragé ses mauvais instincts, en tête desquels il faut placer un goût inné pour le despotisme. Il hérite de toutes les ambitions d'Otton le Grand, mais il n'a ni la perspicacité, ni l'énergie, ni la méthode nécessaires à leur réalisation et, comme son intelligence est médiocre, il se laissera conduire par les événements plutôt qu'il ne les dirigera. De là des échecs répétés qu'expliquent tout à la fois les insuffisances d'Otton II et les difficultés réelles d'une situation qui n'a pas cessé d'être délicate.

DIFFICULTÉS INTÉRIEURES ET EXTÉRIEURES. — Sans doute la transmission du royaume et de l'Empire s'opère sans la moindre gêne, car Otton II a été sacré roi en mai 961 et couronné empereur le jour de Noël 967, mais, bien que les seigneurs aient été, après la mort d'Otton Ier, unanimes à renouveler le serment de fidélité[44], Otton II, jusqu'en 976, sera presque complètement immobilisé par l'opposition de la Souabe, de la Lorraine, plus encore de la Bavière[45]. Aux frontières, si les Slaves du Nord ne manifestent pour le moment aucune velléité belliqueuse, du moins le duc de Bohême, Boleslas II, en se rangeant délibérément aux côtés du duc de Bavière, Henri le Querelleur, révolté contre Otton II, brise l'entente qui avait existé sous Otton Ier[46]. D'autre part, le roi de Danemark, Harald, envahit l'Allemagne[47]. Enfin, à l'Ouest, les rapports avec la France subissent le contre-coup de la mort d'Otton le Grand ; la question lorraine amène, en 978, une rupture qui durera jusqu'en 980.

L'INSURRECTION ROMAINE DE 974. — La situation de l'Italie n'est guère meilleure. En 972, la péninsule paraissait avoir pris son parti de l'hégémonie allemande et l'élection, à la mort de Jean XIII, qui avait manifesté une certaine indépendance à l'égard d'Otton Ier[48], du pâle Benoît VI, intronisé le 11 janvier 973, semblait consacrer la victoire de l'empereur. Or, dès 974, Crescent, qui représente le parti de la vieille aristocratie, soulève Rome contre le pape impérial, qui est étranglé dans les souterrains du château Saint-Ange, et il installe sur le siège apostolique, en juin 974, le cardinal diacre Francon, qui prend le nom de Boniface VII. Sans doute l'arrivée, comme missus de l'empereur, du comte Sicon, suffit pour mettre en fuite l'usurpateur qui laisse la place à l'évêque de Sutri, ordonné sous le nom de Benoît VII ; il n'en est pas moins vrai que, malgré la retraite de Boniface VII à Constantinople et sa condamnation par un concile, la domination germanique à Rome est singulièrement ébranlée ; la venue de l'empereur est plus que jamais nécessaire[49].

OTTON II EN ITALIE. — Or, c'est seulement en 980 qu'Otton II, après avoir maté l'opposition intérieure, repoussé les Danois, tenté deux expéditions infructueuses en Bohême, conclu la paix avec la France, peut enfin se rendre en Italie, laissant la garde de l'Allemagne à l'archevêque Willigis de Mayence et aux ducs Bernard de Saxe et Charles dê Basse-Lorraine. Le but de cette expédition est clairement indiqué dans un diplôme pour l'église de Reggio[50] : il s'agit d'affermir l'ordre, d'exiger l'accomplissement des devoirs vassaliques méconnus et oubliés. L'empereur n'emmène avec lui aucune armée ; il est accompagné de l'impératrice Théophano, de sa mère, Adélaïde, d'une brillante escorte d'évêques et de princes.

OTTON II À ROME. — Otton II est à Pavie le 5 décembre 980, à Ravenne le jour de Noël[51]. De là, pendant la seconde quinzaine de janvier 901, il se dirige vers Rome. La ville était toujours en proie à des troublent le pape Benoît VII, un saint homme tout rempli du sentiment de ses devoirs, mais incapable d'imposer son autorité, avait passé au dehors la plus grande partie de l'année 980. A-t-il été au-devant d'Otton II à Ravenne ? Les textes ne le mentionnent pas. En tous cas le pontife et l'empereur ne tardèrent pas à rentrer dans Rome et y furent très bien accueillis. Le jour de Pâques (27 mars 981), ils présidèrent une brillante assemblée où la simonie, contre laquelle Benoît VII avait engagé une lutte ardente, fut condamnée, et où furent également tranchées diverses questions d'ordre ecclésiastique[52].

Otton II séjourna à Rome jusqu'au début de l'été. La paix paraissait affermie et la retraite de Crescent au monastère des saints Boniface et Alexis, sur le mont Aventin, privait l'opposition de son chef[53]. L'empereur pouvait savourer la joie d'un succès facilement obtenu et qui allait l'encourager à poursuivre la restauration de l'empire romain par une aventure plus que périlleuse.

EXPÉDITION IMPÉRIALE DANS L'ITALIE DU SUD. — Depuis la disparition d'Otton le Grand, la situation de l'Italie méridionale avait évolué dans un sens défavorable aux intérêts germaniques. La mort toute récente de Pandolf Tête de Fer (981), qui tenait les trois villes de Spolète, Bénévent, Capoue, et était tout acquis à la dynastie saxonne, devait avoir les plus redoutables conséquences : le duc Manson d'Amalfi s'empressa en effet d'annexer Salerne et le littoral avoisinant ; Bénévent s'insurgea contre le fils aîné de Pandolf Ier, Landolf IV, et se donna à un de ses cousins. Pandolf II[54]. Il s'ensuivait une rupture d'équilibre fâcheuse pour l'empereur allemand et avantageuse aux Grecs dont Manson avait besoin pour son commerce.

Otton II est à Rome au moment ou surviennent ces événements. Il en est douloureusement affecté et veut à tout prix rétablir son autorité menacée. La réapparition du danger musulman, sous la forme d'incursions que les Grecs ne réussissaient pas toujours à maîtriser, va lui fournir un excellent prétexte pour intervenir. En réalité, il songe à profiter des embarras des Byzantins pour établir l'hégémonie allemande au sud de la péninsule, pour parfaire le royaume d'Italie, partie essentielle de cet empire romain qu'il veut, dit le chroniqueur Thietmar, garder tel que son père le lui a laissé[55]. Il se propose donc de restaurer la principauté de Capoue telle qu'elle était au temps de Pandolf Ier, d'occuper la Lucanie, la Calabre et l'Apulie, puis par une sensationnelle victoire sur l'Infidèle, d'asseoir son prestige dans ces régions où son père, malgré tout son génie, n'avait pas réussi à implanter solidement la puissance allemande.

Ces romanesques projets échouent successivement. Otton II ne peut enlever Salerne au duc d'Amalfi, avec lequel il est obligé de conclure la paix en lui reconnaissant la possession de la ville, et, après cette première défaite, il n'ose pas aller reprendre Bénévent. Avec des renforts qu'il a fait venir d'Allemagne, il pénètre en Apulie où il rencontre de la part des Grecs une résistance inattendue[56], puis il se dirige vers la Calabre, en annonçant qu'il va combattre les envahisseurs musulmans ; froidement accueilli par les officiers byzantins dont la présence de Théophano réussit pourtant à calmer la méfiance, il ne trouve aucun concours de leur côté, et c'est avec ses seules forces que, non sans une certaine présomption, il attaque les Sarrasins.

BATAILLE DU CAP COLONNE (13 JUILLET 982). — Il est en effet convaincu du succès et ne dissimule rien de ses mouvements. Il déploie largement son armée constituée par des contingents bavarois, souabes, franconiens, lorrains et où figurent aussi des Lombards et des Slaves. Le 13 juillet 982, ignorant les forces exactes de l'adversaire, il livre bataille dans le voisinage du golfe de Squillace, sans doute près du cap Colonne[57]. Après un avantage initial, il est enveloppé de toutes parts, voit tomber autour de lui les plus valeureux de ses compagnons, tels que l'évêque d'Augsbourg et l'abbé de Fulda, échappe lui-même avec peine à l'étreinte de ses ennemis et, avec les débris de son armée, bat précipitamment en retraite vers Rossano, puis vers Salerne, où il est le 18 août, et enfin vers Capoue, la seule ville qui lui soit restée fidèle. Il n'a plus qu'à rentrer à Rome où, pour comble de malheur, il apprend, en arrivant la mort du duc Otton de Bavière, l'un de ses meilleurs auxiliaires[58].

CONSÉQUENCES DE LA DÉFAITE D'OTTON II. — La défaite du cap Colonne est, pour l'empire ottonien, un désastre sans précédent. Elle a ruiné pour deux siècles les plans d'hégémonie allemande sur l'Italie méridionale et fait naître, dans les autres parties de la péninsule, la conviction que la puissance germanique n'était pas aussi forte que pouvaient le faire croire de trompeuses apparences. Otton le Grand inspirait une crainte respectueuse ; Otton II s'effondre sous le scepticisme le plus railleur et ses décisions ne comptent plus[59]. En Allemagne, le retentissement est plus douloureux encore : les princes ressentent- cruellement le poids de l'humiliation et se demandent avec inquiétude si cet empereur fugitif, qui a assisté impuissant à la destruction de son armée, a encore l'autorité suffisante pour en imposer aux ennemis traditionnels chez lesquels devait fatalement s'accréditer l'idée que l'armée impériale n'était plus invincible.' La victoire des Arabes, à l'extrémité méridionale de l'Italie, va poser de nouveau et avec plus d'acuité que jamais, sur les rives de l'Elbe et de l'Oder, le problème slave.

LE PROBLÈME SLAVE AU TEMPS D'OTTON II. — Il y avait à cela de sérieuses raisons. Depuis le début du règne, on avait observé un recul progressif de l'influence allemande en pays slave. Deux expéditions d'Otton II en Bohême, l'une en 975, l'autre en 976, n'ont pu avoir raison du duc Boleslas qui, dès 974, en appuyant la révolte de la Bavière, avait pris position contre le roi de Germanie[60]. Malgré la fondation de l'évêché de Prague, rattaché par Benoît VII à la métropole de Mayence et où, en 983, l'Allemand Thietmar a pour successeur le Slave Woitiech, l'église de Bohême échappe à la tutelle germanique[61] et, d'autre part, la persistance d'un élément païen hostile à l'Allemagne fait prévoir que le duché s'achemine vers une indépendance complète. Plus au Nord, dans la région de l'Elbe, les maladresses de la politique d'Otton II ont compromis l'effort missionnaire : en 981, l'évêché de Mersebourg, créé par Otton Ier, a été supprimé et il en est résulté un affaiblissement notable de la propagande chrétienne dont Otton II se désintéresse d'ailleurs totalement[62]. Cette politique d'abstention favorise le réveil des passions antireligieuses et antigermaniques qui éclateront à la première occasion. Aussi n'y a-t-il pas lieu d'être surpris si, aussitôt après le désastre du cap Colonne, au printemps de 983, tandis que les Danois, franchissant la frontière, détruisent les châteaux élevés en face de leur royaume, le prince des Obotrites, Mistui, incendie Hambourg et si, quelques mois plus tard, les deux évêchés de Havelberg et de Brandebourg sont simultanément attaqués par les Wélétabes, l'un le 29 juin, l'autre le 2 juillet 983[63].

ASSEMBLÉE DE VÉRONE. — A la lumière de ces faits, on comprend l'émoi des Allemands après la défaite du cap Colonne : l'offensive danoise et slave révélait toute l'étendue de la catastrophe italienne. Une ambassade est aussitôt envoyée vers Otton II pour attirer son attention sur les périls qui surgissaient au Nord. L'empereur réunit une assemblée à Vérone pour examiner la situation. Son inconscience y apparaît saisissante : au moment où l'existence du royaume germanique est menacée, il ne songe qu'à restaurer la puissance impériale en Italie ; de la défense de l'Elbe il n'a cure ; ce qui lui paraît urgent, c'est de s'attacher par des donations les évêques de Fouille et de Calabre, c'est d'installer à Capoue le plus jeune fils de Pandolf Tête de Fer, Landenolf, dont le frère aîné a péri au cap Colonne[64]. Malgré les supplications des princes et les impérieuses instances de l'abbé de Cluny, Maïeul, qui ne lui ménage pas les plus sinistres prédictions, il n'affiche qu'un seul désir, celui de retourner sans retard à Rome et de là dans l'Italie du Sud[65]. Entre les deux politiques qui s'offrent à lui, entre l'offensive en Italie et la défense du sol allemand contre les Slaves, son choix est fait : il veut l'impossible revanche et sacrifie à d'inutiles considérations d'amour-propre la sécurité de ses États. Son plan est cette fois plus audacieux encore : il franchira le détroit de Messine et ira détruire la puissance musulmane en Sicile. De là sans doute son rapprochement avec Venise : le 7 juin 983, il conclut avec elle un traité qui garantit à la république ses libertés commerciales ; il attend en retour son appui ou tout au moins sa bienveillante neutralité dans la guerre de revanche qu'il se dispose à engager contre les Sarrasins[66].

MORT D'OTTON II (7 DÉCEMBRE 983). — De Vérone, Otton II se dirige vers les Abruzzes, mais, dans sa marche vers le Sud, il ne dépasse pas Lorino où on relève sa présence en août 983[67]. Il vient d'apprendre la mort de Benoît VII et croit prudent, en raison de troubles éventuels, de se rendre à Rome pour lui donner un successeur. La désignation de Pierre, évêque de Pavie, sous le nom de Jean XIV, ne suscite aucune difficulté[68], mais l'empereur ne survit guère à cet événement ; il succombe à son tour le 7 décembre 983, laissant un fils de trois ans, Otton III[69].

L'ATTAQUE SLAVE. — Otton II a disparu sans avoir réalisé son projet de croisade contre les Musulmans, mais il a pu, avant de rendre l'âme, connaître les nouveaux déboires que sa politique avait valus à l'Allemagne. L'attaque slave, esquissée au printemps de 983, s'était développée pendant l'été. La prise presque simultanée de Havelberg (29 juin) et de Brandebourg (2 juillet) avait eu de graves conséquences : fuite de l'évêque Folemar, massacre des clercs capturés, incendie des églises, anéantissement total de l'œuvre missionnaire au delà de l'Elbe. Encouragés par ce triomphe, les Wendes passèrent le fleuve et menacèrent un moment Magdebourg. L'archevêque Gisiler et le margrave Thierry réussirent pourtant à les repousser sur la Tanger, mais leur tentative pour les poursuivre au delà de l'Elbe ne fut pas couronnée de succès et il fallut se résigner à la perte des pays situés sur la rive droite ; l'opinion publique vit là un châtiment pour la suppression par Otton II de l'évêché de Mersebourg, sacrifié aux ambitions de Gisiler, et elle n'eut peut-être pas tort. Du côté du Nord, après l'incendie de Hambourg par Mistui, l'influence allemande a été également détruite, aussi bien parmi les Obotrites que parmi les Wilzes et les Liutices[70]. Au Sud enfin, le duc de Bohême, Boleslas, accentue son indépendance ; l'évêque de Prague, Woitiech, bien qu'il soit apparenté à la dynastie saxonne et qu'il ait pris le nom germanique d'Adalbert, a un programme exclusivement chrétien : soucieux d'entraîner ses ouailles dans les voies de la prière et de la pénitence, il se désintéresse de la politique pour se consacrer à la réforme de son clergé, à la lutte contre la polygamie et à l'adoucissement du sort des esclaves ; mal soutenu par Boleslas, qui favorise la réaction païenne, il se découragera très vite et, dès 988 ou 989, abandonnera la Bohême qui sera livrée du même coup aux forces antichrétiennes et antiallemandes[71]. De la grande œuvre accomplie par Otton Ier à l'est de son royaume germanique il ne reste à peu près rien ; la vaniteuse incapacité de son successeur a accumulé, au delà de l'Elbe aussi bien qu'en Italie, des ruines que l'on pourrait croire irréparables[72].

L'OPPOSITION ALLEMANDE ET ITALIENNE. — L'avenir est d'autant plus sombre que l'héritier de la couronne est un enfant de trois ans. Aussi les oppositions allemande et italienne, toujours latentes, vont-elles, à la faveur de cette circonstance, se réveiller brusquement l'une et l'autre. En Allemagne, le duc de Bavière, Henri le Querelleur, aspire à évincer la dynastie saxonne et réussit un moment à enlever à sa mère le jeune Otton III ; il compte sur l'appui du roi de France, Lothaire, qui a des vues sur la Lorraine, et du duc de Bohême, Boleslas, qui poursuit avec ténacité sa politique d'affranchissement. A Rome, l'aristocratie estime que l'heure est propice pour se débarrasser du pape impérial. Boniface VII, revenu de Constantinople, surgit au printemps de 984 ; avec la complicité de Crescent qui rentre en scène, il se saisit de Jean XIV, l'enferme au château Saint-Ange où lil le laisse mourir de faim, puis s'installe à sa place sur le siège apostolique, sans que le parti allemand, privé de chef, ait pu l'en empêcher[73]. Un tel pontife, à l'âme chargée de rancunes, ne pouvait être favorable à Otton III qui risque de perdre l'Empire en même temps que ses royaumes d'Allemagne et d'Italie.

LA RÉGENCE DE THÉOPHANO. — Le jeune prince fut sauvé par la politique habile de sa mère Théophano, à qui la régence avait été confiée[74]. Cette belle princesse grecque, étincelante de grâce et d'esprit, semblait peu préparée au rôle que lui assignaient les circonstances. Elle fit preuve cependant d'une remarquable intelligence et d'un sens politique très supérieur à celui de son époux. Sachant qu'elle était impopulaire en Allemagne pour avoir laissé échapper quelques mots malheureux lors de la défaite du cap Colonne, elle s'effaça devant l'archevêque de Mayence, Willigis, qui avait sacré Otton III à Aix-la-Chapelle le jour de Noël 983, et, lui abandonnant le soin de mater l'opposition bavaroise, elle se réserva pour elle-même les affaires italiennes.

Elle les conduisit avec beaucoup de prudence et s'efforça de réparer les fautes commises par Otton II. Bien entendu elle s'empressa de laisser tomber le projet de croisade contré les Musulmans, mal vu des Allemands, des Italiens et aussi des Grecs avec lesquels Théophano a provoqué une détente favorable à l'empire germanique. Ce qui lui importait avant tout, c'était d'enrayer la désaffection à l'égard du régime ottonien. Grâce à l'appui de sa belle-mère, Adélaïde, veuve d'Otton Ier, qui, en raison de son passé, jouissait de beaucoup de prestige, grâce aussi à l'alliance de l'épiscopat, profondément attaché à une dynastie qui n'avait cessé de l'enrichir, et à la bienveillante attitude de Hugue de Toscane qui apercevait dans la faiblesse du jeune Otton III une garantie d'indépendance, elle put maintenir l'Italie du Nord et du Centre dans l'obéissance[75]. A Rome, elle fut bien servie par les circonstances : Boniface VII, qui avait promptement lassé les Romains par ses violences, périt au cours d'une émeute pendant l'été de 985. Théophano, au lieu de chercher à imposer un pape de son choix, permit aux Romains, assagis par les secousses de l'année précédente, d'élire le successeur de Boniface VII qui fut Jean XV. De même, elle ne s'opposa pas à ce que le chef de l'aristocratie, Jean Crescent, fils de cet autre Crescent qui avait joué précédemment un si grand rôle et était mort en 984, prît le titre de patrice. On lui sut gré — et Crescent tout le premier — de cette modération. En 989, au moment de Noël, elle pourra venir à Rome et y sera très bien accueillie. En ménageant les puissances locales, elle a réussi à sauver la prééminence impériale[76].

La politique italienne de Théophano a donc été en général heureuse. La régente, secondée par l'archevêque de Mayence, a fait preuve des mêmes qualités de sagesse, de méthode, d'énergie et de décision, quand il s'est agi d'aborder le problème slave. Elle a clairement vu que le véritable danger venait de Boleslas de Bohême qui, de plus en plus, rêvait de constituer aux portes de l'Allemagne un grand empire où il engloberait tous les Wendes et de se lancer, avec ces forces ainsi groupées et unies, à l'assaut de la puissance germanique. Pour le moment, le duc, afin de s'attacher les Liutices, se laissait entraîner par eux dans une guerre contre le duc de Pologne, Mesko, lequel était très favorable à Otton III (990). Théophano s'occupa aussitôt de sauver la Pologne. Dès son retour de Rome, elle gagna Magdebourg, envoya à Mesko l'archevêque Gisiler et plusieurs chevaliers allemands qui avaient pour mission de rétablir la paix en s'interposant comme médiateurs. Après bien des incidents, Boleslas et Mesko finirent par se réconcilier[77] et, comme, par ailleurs, les Saxons venaient d'infliger une défaite aux Obotrites qui, revenus au paganisme, avaient martyrisé des prêtres, incendié des églises et chassé de son siège l'évêque d'Oldenbourg[78], un calme relatif régna sur la frontière de l'Elbe. Là encore, l'action de Théophano n'avait manqué ni d'habileté ni d'énergie.

MORT DE THÉOPHANO (15 JUIN 991). — C'est donc à une impératrice née sur le bord du Bosphore que revient le mérite d'avoir redressé la politique germanique, égarée par Otton II loin de sa voie traditionnelle. Théophano a compris les nécessités du moment et aperçu d'un clair coup d'œil quelles devaient être les véritables destinées de l'empire ottonien. Si elle s'était contentée de renoncer aux projets de conquête de la Pouille et de la Calibre, on pourrait dire qu'elle a surtout bien servi les intérêts byzantins, mais sa tentative pour affermir, dans de sages limites, la domination impériale en Italie, son effort attentif et prévoyant pour prévenir la constitution d'un grand empire slave sous la direction du duc de Bohême prouvent qu'elle a deviné dans quel sens devait s'orienter l'Empire fondé par son beau-père dont elle est, beaucoup plus qu'Otton II, la continuatrice. Elle mourut malheureusement dans la fleur de l'âge, le 15 juin 991, alors que son fils n'avait encore que onze ans[79]. Toutefois ses directions continueront à prévaloir jusqu'au jour où Otton III, devenu majeur, gouvernera par lui-même.

RÉGENCE D'ADÉLAIDE (991-994). — Après la mort de Théophano, la régence, si l'on en croit Thietmar[80], passe aux mains de la veuve d'Otton Ier, Adélaïde, qui vivra jusqu'à la fin de 999, mais n'aura plus aucune influence à partir de 994, date à laquelle elle se retire de la cour. Willigis est son conseiller préféré comme il a été celui de Théophano, en sorte que les mêmes tendances persistent[81] : la lutte contre les Slaves l'emporte sur toute autre préoccupation. Il n'y a pas d'apnée où les chroniques ne signalent d'expédition. En 991, le jeune Otton III reprend la ville de Brandebourg ; il doit presque aussitôt l'abandonner, puis, après une campagne infructueuse (992), la recouvre définitivement (993), non sans avoir livré de violents combats aux Liutices[82]. Malgré ce succès d'une incontestable valeur, la situation demeure fragile : les Wendes ont cédé à la force, mais ils rendent la vie impossible aux missionnaires qui, le plus souvent, sont contraints de s'effacer : Réginbert de Walbeck, sacré évêque d'Oldenbourg par l'archevêque de Hambourg, ne peut prendre possession de son siège et l'évêque de Brandebourg, Folcmar, doit aller dépenser en Suède son zèle missionnaire[83].

MAJORITÉ D'OTTON III. — Ainsi, bien que la politique slave de Théophano et de Willigis ait porté ses fruits, beaucoup de persévérance est encore nécessaire. Si l'on veut obtenir un résultat durable, il importe de renoncer définitivement aux sollicitations italiennes pour concentrer au delà de l'Elbe toutes les forces matérielles et morales dont dispose l'Empire. Au moment où il prend la direction des affaires, le jeune Otton III se trouve plus que jamais en présence du troublant dilemme : l'Allemagne, placée entre l'Italie et le monde slave, doit-elle porter son effort principal au Nord ou au Sud, reculer les limites de la chrétienté jusqu'à l'Oder et à la Vistule ou faire rayonner la domination germanique jusqu'à la Sicile ? Par un singulier paradoxe, le Saxon Otton II s'était laissé séduire par le mirage méditerranéen, tandis que l'Orientale Théophano, revenant à la pure tradition saxonne, avait repris la lutte contre les Slaves. Entre ces deux politiques que lui ont tracées ses parents, Otton III aura bientôt fait son choix : il s'attachera, en les exagérant et en les idéalisant, aux erreurs paternelles.

 

II. — Le rêve impérial d'Otton III (996-1002)[84].

 

OTTON III. — Le jeune souverain, qui pendant six ans va gouverner l'Allemagne et l'Italie, est une des plus curieuses figures de l'histoire médiévale. Il est difficile de démêler les traits de cette physionomie essentiellement mouvante où, sous le choc d'influences diverses et parfois contradictoires, se heurtent les contrastes, les plus étranges[85]. L'étude de ces influences successives aidera peut-être à saisir le personnage essentiellement malléable et changeant.

SA FORMATION. — Fils d'Otton II et de Théophano, Otton III a été, pendant son enfance, abandonné à ses instincts et à ses goûts, sans que sa mère qui eût craint, en les contrariant, de perdre une affection à laquelle elle tenait par-dessus tout, ait cherché le moins du monde à discipliner cette âme richement dotée, mais mal équilibrée, naturellement portée vers la rêverie et l'extase, tour à tour asservie par des ambitions immodérées et soulevée vers des sphères toutes surnaturelles où, dans le détachement des biens de ce monde, elle perd le sentiment des réalités d'ici-bas. Après Théophano, deux hommes ont largement contribué à la première formation d'Otton III, le Grec Philagathe de Rossano, évêque de Plaisance depuis 988, qui l'a initié à sa langue maternelle[86], et aussi l'évêque d'Hildesheim, Bernard, 'un esprit mieux trempé, mais dont l'influence ne s'exercera pas au delà de la treizième année. Dès ce moment d'ailleurs, le précoce adolescent se croit en âge de se conduire seul, et déjà ses tendances personnelles s'ébauchent avec un singulier relief. C'est un Grec, dira de lui Gerbert[87], et cette appréciation ne manque pas de vérité. De bonne heure, ce prince exceptionnellement cultivé, dont les veines regorgent de sang oriental, se laisse captiver par la civilisation hellénique et manifeste un réel dédain pour la sévérité germanique, ce qui ne l'empêchera pas malgré tout d'apprécier comme il convenait la solide intelligence d'un Willigis de Mayence ou les méthodiques conceptions d'un Grégoire V. Gerbert aurait pu ajouter : C'est un chrétien. Élevé par des hommes d'Église, Otton III a une foi convaincue qui s'alimente aux sources d'un mysticisme suraigu et ne recule pas devant les plus rudes mortifications. Toute sa vie, il sera ballotté entre d'impérieuses aspirations vers l'ascétisme le plus rigoureux et de formidables instincts de domination qui le conduiront à rêver d'un empire plus vaste que ne l'avait été celui de Charlemagne[88].

INFLUENCE DE GERBERT. — Les influences qui s'exerceront sur lui, après celles de Théophano, de Philagathe et de Bernard d'Hildesheim, ne feront que fortifier ces contradictions. Jugeant son instruction insuffisante, Otton III s'adresse à Gerbert, abbé de Bobbio par la volonté d'Otton II, plus tard archevêque de Reims, et il subit aussitôt l'ascendant de ce savant extraordinaire, représentant attardé de la culture latine, hardi précurseur de la science moderne. C'est lui qui, sous la poussée d'une fervente admiration pour l'antiquité, inculque au jeune souverain la volonté de restaurer l'empire romain avec sa hiérarchie de fonctionnaires, son cérémonial fastueux, sa brillante civilisation[89]. Otton ne demande qu'à se laisser persuader : par instants éclate chez lui le désir de faire revivre sinon Constantin, du moins Charlemagne, de dominer le monde et de l'éblouir par son luxe, après quoi, cédant à une impulsion contraire, il déserte la cour, s'en va à pied le long des grands chemins, portant ses pas vers une âpre solitude où il ira vivre quelque temps dans la retraite, nu et affamé. A ces heures où le tempérament- ascétique reprend le dessus, l'influence de Gerbert est éclipsée par celle de saint Adalbert ou de saint Nil.

INFLUENCE DE SAINT ADALBERT ET DE SAINT NIL. — Dès son premier séjour à Rome, en 996, Otton III rencontre saint Adalbert, évêque de Prague, qui, devant la persécution, a dû fuir son diocèse. Cet ascète, avide de souffrance, qui, tourmenté par la soif de la Terre Sainte, se dépouillera un jour de ses biens pour entreprendre dans un total dénuement le grand voyage d'Orient, produit une vive impression sur le fils de Théophano, et, lorsque, après avoir renoncé, sur les instances des moines du Mont-Cassin, à son idée de pèlerinage à Jérusalem, Adalbert s'installe tout simplement dans l'abbaye romaine des saints Boniface et Alexis, il trouve chez Otton III le plus fervent et le plus enthousiaste des disciples. Entre ces deux hommes, nés pour se comprendre, il se crée des liens de profonde affection et, quand Adalbert aura trouvé la mort au cours d'une mission dans les pays du Nord, c'est sur son tombeau que l'empereur ira puiser les énergies nécessaires à l'accomplissement de sa fonction.

A Rome, Otton III fait également la connaissance d'un moine grec dont il subira l'ascendant : c'est le fameux saint Nil qui, après s'être dépensé à propager la foi chrétienne dans l'Italie méridionale où sévissait le mahométisme, s'est proposé, du jour ou l'insécurité grandissante rendit cet apostolat impossible, de gagner les âmes des Latins à son idéal monastique. Il a été ainsi amené à développer son programme de vie érémitique devant Otton III qui, plus d'une fois, s'est courbé sous la main puissante du farouche solitaire et a fui la pourpre de la cour pour vivre dans la mortification et la pénitence[90].

CARACTÈRE ET PROGRAMME D'OTTON III. — Le jeu de ces influences variées explique la complexité du caractère d'Otton III. Ce qui domine chez lui, c est la volonté persévérante et inébranlable de devenir, comme il le dit lui-même dans un diplôme, empereur auguste du monde romain[91]. Il se proclame Romain, Saxon, et Italien, mais il est à coup sûr plus Romain que Saxon. Il rêve, avant toutes choses, de fixer sa résidence à Rome et de convaincre les Romains que, quoique fils d'un Allemand et d'une Grecque, il est digne de recevoir droit de cité parmi eux. Autour de Rome comme capitale, il édifiera un empire universel dont il n'aperçoit sans doute les contours et les limites que dans une brume lointaine, mais, si cette conception apparaît surtout comme un rêve auquel la mort brutale ne laissera pas le temps de se transformer en réalité, il demeure certain qu'à la différence de son père et de son aïeul, qui ont surtout cherché à étendre la puissance allemande sans se prévaloir de leurs prérogatives impériales, Otton III veut avant toutes choses être empereur, et c'est comme empereur qu'il agira, décidera, légiférera[92]. A l'image de celui de Charlemagne, dont le souvenir est sans cesse présent a à l'esprit du jeune souverain, cet empire, plus universel encore, sera un empire chrétien qui fera progresser le règne du Christ et où l'Église aura une place privilégiée. Du fait de l'éducation qu'il a reçue et des amitiés qu'il a contractées, Otton III a une foi très vive qu'il entend traduire dans ses actes publics ou privés. A certaines heures, son tempérament despotique l'emportera sur elle et lui fera commettre des excès contraires à la morale évangélique, mais parfois aussi, à la suite d'un entretien avec saint Adalbert ou avec saint Nil, il sera torturé par l'idée de renoncer au monde pour devenir un saint, d'abandonner une couronne périssable pour en obtenir plus sûrement une autre, celle des élus, qui résiste à l'épreuve du temps et de la mort. Entre les goûts de luxe et les impulsions ascétiques ce sera un duel constant et semé d'angoisses. Vaniteux, autoritaire, capricieux, débordant d'ambition, mais par moments humble, détaché, repentant, mortifié, généreux, tel est cet étrange souverain, en qui s'accumulent et se heurtent les contradictions. Son règne a l'aspect d'une ligne brisée et offre un caractère saccadé qui est comme le reflet du personnage[93].

EXPÉDITION D'OTTON III EN ITALIE (996). — Sous l'influence de Gerbert, l'idée impériale l'emporte tout d'abord et s'affirme avec une réelle vigueur.

En février 996, Otton III juge que l'heure est venue d'aller chercher à Rome la couronne qu'ont ceinte son père et son aïeul. L'Allemagne paraît tranquille ; les Slaves sont apaisés et affaiblis par une série d'expéditions successives. En Italie, l'épiscopat, particulièrement comblé pendant la régence d'Adélaïde, est plus que jamais favorable au régime ottonien ; Hugue de Toscane a témoigné sa fidélité depuis longtemps éprouvée par deux apparitions à la cour ; Venise est reconnaissante au roi de s'être prononcé pour le doge lors d'un conflit avec l'évêque de Belluno. Seule, l'aristocratie romaine se tient sur la réserve, et l'ambassade que Jean XV a envoyée en Germanie, par simple politesse, pour solliciter la venue de l'héritier d'Otton le Grand ne saurait faire illusion sur les sentiments que l'on nourrit à l'égard de celui-ci dans la capitale de la chrétienté[94]. Mais qu'importe ? Otton III demeure optimiste, en même temps que très décidé à briser toute résistance.

Le passage des Alpes au Brenner s'opère sans difficulté. En arrivant dans la plaine du Pô, le roi voit venir au-devant de lui les ambassadeurs de Venise auxquels il promet une fois de plus d'aider la république dans son conflit, qui persistait toujours, avec l'évêque de Belluno. A Vérone, la population se soulève contre les soldats allemands ; Otton III, sur les instances de l'évêque, accorde un généreux pardon et, par Brescia, continue sa marche vers Pavie où il rencontre les messagers des Romains chargés de lui annoncer la mort de Jean XV et de solliciter de lui, bien qu'il ne fût pas encore empereur, la désignation d'un pape[95]. Une fois de plus, la présence du roi de Germanie dans la péninsule engendre une craintive déférence.

ÉLECTION DE GRÉGOIRE V. — C'est pour Otton III une occasion de manifester comment il entend régler l'allure des relations entre le Sacerdoce et l'Empire. A plusieurs reprises, ses prédécesseurs s'étaient arrogé le droit de nommer le titulaire du siège apostolique, mais, par une légitime pudeur, ils avaient toujours porté leur choix sur un clerc romain ou sur un évêque italien. Pour dominer plus sûrement Rome et l'Église, Otton III confère la tiare à un Allemand : le fils de son cousin Otton de Carinthie, alors clerc de sa chapelle, devient pape sous le nom de Grégoire V. Le nouveau pontife se rend aussitôt à Rome, accompagné de l'archichancelier Willigis de Mayence et du chancelier Hildibald, évêque de Worms, et il est consacré sans la moindre difficulté, le 9 mai 996[96].

COURONNEMENT IMPÉRIAL D'OTTON III. — Pendant ce temps, Otton III s'avance de Pavie vers Ravenne, où il prononce de dures sentences contre les grands qui ont causé des dommages aux églises, puis vers Rome où, le 21 mai 996, il est couronné empereur par Grégoire V suivant le cérémonial accoutumé. Pour affermir son pouvoir, il exile Crescent dont il redoutait l'hostilité, mais, à la demande du pontife qui ne tenait pas à déchaîner l'aristocratie, il pardonne et, au moins en apparence, la. concorde règne entre l'empereur, le pape et les Romains[97].

RETOUR D'OTTON III EN ALLEMAGNE. — La sécurité paraît telle qu'au début de juin 996 Otton III quitte Rome. On ne connaît pas avec exactitude la raison de ce départ brusqué. Il est probable que Willigis de Mayence en a été l'instigateur. L'archevêque n'avait pas oublié les catastrophes provoquées par le séjour d'Otton II en Italie et il redoutait beaucoup l'influence des milieux romains sur un prince dont l'imagination ardente et tourmentée perdait trop souvent la notion du réel. Saint Adalbert, qui, dès la première entrevue, avait conquis cette âme impétueuse, inspirait une défiance toute particulière à Willigis qui lui fit intimer par Grégoire V l'ordre de retourner dans son diocèse. Toutefois cette décision qu'avait suggérée le prélat, soucieux des intérêts politiques de son pays, se retourna contre lui. Adalbert quitta Rome, mais ce fut pour accompagner l'empereur auprès duquel il séjourna quelque temps à Mayence, et -son emprise ne fit que s'accentuer. Finalement, avide de souffrir pour le Christ, l'ancien évêque de Prague s'en alla chercher le martyre en Prusse où il fut massacré (23 avril 997), tandis que son disciple, s'inspirant de son exemple, se dirigeait vers l'Elbe pour combattre lui aussi les païens, ce que Willigis, en bon Allemand qu'il était, ne pouvait désapprouver[98].

COMBATS CONTRE LES SLAVES. — Les incursions slaves avaient en effet recommencé dans les pays de la Havel et il importait de les enrayer, avant qu'elles prissent une plus vaste ampleur. En 997, Otton III, après s'être séparé d'Adalbert, va repousser les Liutices, dont la pression était particulièrement inquiétante, mais, s'il remporte quelques succès[99], il ne sait pas ou ne veut pas les exploiter. Il n'a pas les goûts belliqueux de ses prédécesseurs ; il souhaite la paix et n'a d'autre ambition que d'attacher son nom à une politique d'entente grâce à laquelle, tout en respectant l'indépendance des Slaves, il les eût, sous sa suzeraineté, englobés dans l'empire dont il rêvait d'être la tête. L'idée chrétienne de conversion et d'évangélisation se rencontre avec l'idée romaine ; l'influence d'Adalbert se conjugue avec celle de Gerbert qui, depuis la mort de l'ascète martyr, s'affirme dominatrice et va bien vite ramener Otton III sous le ciel italien auquel l'empereur rêve toujours.

SOULÈVEMENT DE ROME CONTRE GRÉGOIRE V. — A Rome, Grégoire V avait pris son rôle tout à fait au sérieux et, avec une rudesse assez peu évangélique, s'annonçait comme un pape réformateur. Suivant les principes d'une saine méthode, il s'attacha tout d'abord à faire disparaître les multiples abus qui souillaient sa propre église et, donnant lui-même l'exemple du plus pur désintéressement, il livra, avec une juvénile ardeur, une guerre acharnée à la simonie et au népotisme qui avaient bénéficié de la tolérance ou même des encouragements de Jean XV. Ce retour aux saines traditions ne pouvait être agréable à l'aristocratie qui, après le départ d'Otton III, rendit la vie dure au pape. Dès l'automne de 996, celui-ci dut quitter la place et Crescent, de nouveau maître de Rome, trouva ingénieux d'installer sur le siège pontifical, sous le nom de Jean XVI, l'ancien précepteur d'Otton III, Jean Philagathe, qui se trouvait de passage au retour d'une ambassade à Constantinople (avril 997)[100]. Rome échappait une fois de plus à la domination germanique, mais, comme toujours, ce ne fut pas pour longtemps.

RETOUR D'OTTON III À ROME (997-998). — Fort heureusement, la Lombardie demeurait fidèle à l'empereur. En janvier 997, Grégoire V, qui tout d'abord avait fui dans le duché de Spolète, put venir à Pavie où il attendit patiemment la venue d'Otton III, occupé à combattre les Slaves. Celui-ci ne put quitter l'Allemagne qu'en décembre, et c'est dans les derniers jours de l'année 997 qu'il rejoignit le pape, accompagné cette fois d'une véritable armée que commandaient les ducs Henri de Bavière et Otton de Carinthie. De Pavie on s'achemina vers Rome où l'on arriva au milieu de février 998. La scène, qui s'était jouée tant de fois, se renouvela aussitôt : les Romains, hostiles à l'empereur en son absence, mais jamais en sa présence, firent amende honorable ; l'antipape essaya de prendre la fuite ; saisi par les soldats d'Otton III qui, sans, solliciter les ordres de personne, le mutilèrent atrocement, il fut solennellement déposé par un concile et promené dans Rome sur un âne. L'empereur assiégea ensuite Crescent dans. le château Saint-Ange dont il s'empara au bout de deux mois (28 avril 998). Le rebelle eut la tête tranchée et son cadavre, avec ceux de douze de ses compagnons, fut pendu au gibet du Monte-Mario[101]. Cette fois, le despote inflexible et dur a triomphé du chrétien porté à la pitié ; comme Otton Ier en 966, c'est par la terreur qu'Otton III, cédant aux conseils de Grégoire V, a imposé son autorité et celle du pape intronisé par lui, mais il ne pourra faire disparaître le souvenir de Crescent qui gardera pendant longtemps la réputation d'un héros et d'un martyr.

VOYAGE D'OTTON III DANS L'ITALIE DU SUD (998-999). — Pendant ce second séjour à Rome, Otton III à eu l'occasion de rencontrer saint Nil. Le solitaire, alors âgé de quatre-vingt-huit ans, était venu implorer la grâce du malheureux Philagathe, auquel l'empereur eût volontiers, s'il n'en avait été empêché par le pape, accordé son pardon. Cette entrevue provoqua une nouvelle crise d'ascétisme. A la fin de l'année 998, comme le calme paraissait entièrement rétabli, Otton annonça son intention de se rendre en pèlerinage, à pied et sans escorte, malgré les rigueurs de' l'hiver, à Saint-Michel du mont Gargano et il accomplit son pieux dessein. Il ne manqua pas, au cours de son voyage, d'aller saluer saint Nil dans son ermitage de Serperi et partagea ses émouvantes austérités[102]. Il passa également à Capoue, mais absorbé par ses pieuses extases, il n'accorda aucune attention aux luttes qui mettaient aux prises le prince Laidulf, successeur de son frère Landenolf récemment assassiné (993), avec l'abbé du Mont-Cassin. De retour à Rome, il descendit enfin du ciel sur la terre et, comme revenu d'un rêve, il reprit l'exercice de sa fonction impériale avec une brutalité surprenante chez un homme par ailleurs si pénétré de vie surnaturelle.

Il envoya alors à Capoue un Capouan qui avait longtemps vécu à la cour allemande, le marquis Adémar, avec l'ordre, immédiatement exécuté, de déposer Laidulf et de l'envoyer en Allemagne sous bonne garde, puis de s'installer à sa place. Cette mesure, accompagnée d'autres du même genre, à Naples par exemple où le duc Jean fut également emmené en captivité, était maladroite et ne produisit pas les résultats escomptés. Capoue se souleva contre son nouveau duc et proclama Landolf, comte de Sainte-Agathe (juillet 1000). Il fallut aussi délivrer Jean de Naples. A Bénévent et à Salerne, qui depuis 983 a recouvré son indépendance sous le gouvernement d'un Lombard de Spolète, le duc Jean, comme à Capoue et à Naples, la suzeraineté germanique est battue en brèche et n'existe plus qu'à l'état de souvenir. Otton III aura du moins le mérite de ne pas insister ; il a d'autres soucis en tête ; et les projets plus vastes où se complaît son imagination lui éviteront, au sud de l'Italie, les douloureuses erreurs du règne précédent[103].

MORT DE GRÉGOIRE V (18 FÉVRIER 999). — La mort de Grégoire V (18 février 999)[104] ramène Otton III à ses pensées d'empire chrétien. Le pontife défunt avait fourni une courte carrière pendant laquelle il s'était signalé par sa clairvoyance et par sa fermeté. Devenu pape par la volonté d'Otton III, il n'avait manqué aucune occasion d'être agréable à son cousin, sans jamais lui sacrifier les intérêts de l'Église. En plus d'une occasion, il sut prendre position contre lui et faire prévaloir ses vues personnelles : c'est ainsi qu'il n'hésita pas à mander devant lui, en 997, l'archevêque de Magdebourg, Gisiler, qui, d'accord avec Otton II, avait échangé contre ce siège métropolitain l'évêché de Mersebourg dont il était titulaire et où il n'avait pas reçu de successeur ; un concile, tenu à Rome à la fin de 998 ou au début de 999, décida la résurrection de ce dernier diocèse, si important pour la conversion des Slaves, et Otton III, docile à la volonté pontificale, dut, à contre-cœur, intimer à Gisiler l'ordre, qui ne fut pas exécuté, de rentrer dans son diocèse[105]. En d'autres circonstances, Grégoire V a observé une attitude analogue et maintenu la discipline ecclésiastique avec une rigueur méritoire ; il a osé notamment sévir contre les évêques rebelles aux directions du Saint-Siège sans se soucier de leurs attaches ou de leurs relations[106], mais il est mort trop vite pour pouvoir réaliser, comme il l'eût souhaité, la réforme de l'Église.

SILVESTRE II. — Otton III, en 999 comme en 996, dispose du siège apostolique à sa guise sans s'inquiéter de l'avis des Romains. Il nomme cette fois son conseiller et confident, Gerbert, archevêque de Ravenne, qui est consacré sous le nom de Silvestre II[107].

Ce nom était significatif : Silvestre Ier avait été le contemporain de Constantin, au moment où s'était élaborée l'organisation de l'empire chrétien. Comme son homonyme, Silvestre II sera l'un des meilleurs auxiliaires de la politique impériale, ce qui ne l'empêchera pas d'épouser les tendances de son prédécesseur en matière de réforme et de gouvernement de l'Église : c'est ainsi qu'il conserve le diocèse de Mersebourg, restauré par Grégoire V, et reconnaît comme archevêque de Reims son ancien rival Arnoul. S'il favorise les visées d'Otton III à l'empire universel, il est non moins persuadé que, dans le domaine spirituel, l'autorité pontificale ne doit connaître aucune limite et il s'applique à la faire respecter par les diverses églises : lors de la fameuse affaire de Gandersheim, il n'hésite pas à casser les décisions de l'archevêque de Mayence, Willigis, et à envoyer en Allemagne un légat qui ne réussira d'ailleurs pas à faire prévaloir les décisions romaines[108].

La conception qu'il se fait de son pouvoir apostolique n'empêche pas Silvestre II d'apporter, en toutes choses, à Otton ÏII, avec lequel il a vécu en parfait accord, le concours de sa lumineuse intelligence. En ce début du XIe siècle, le pape et l'empereur sont vraiment, suivant 'expression classique, les deux flambeaux du monde.

LE GOUVERNEMENT DE LA CHRÉTIENTÉ SOUS OTTON III ET SILVESTRE II. — Cette action simultanée se traduit par une orientation toute nouvelle du gouvernement de la chrétienté. Aux frontières de l'Empire, Otton III et Silvestre II s'efforcent d'englober les peuples nouvellement convertis en leur laissant la plus large autonomie, au lieu de leur imposer la tutelle politique et religieuse de l'Allemagne. En Hongrie, par exemple ils abandonnent le programme tracé par Piligrim de Passau qui ne pouvait envisager d'autres moyens d'évangélisation que l'envoi de missionnaires de race germanique ; le duc Waïk s'étant converti au christianisme en 995, après son mariage avec une fille d'Henri de Bavière, Silvestre II, d'accord avec Otton III, lui remet la couronne royale qu'il portera désormais sous le nom d'Étienne, et l'on projette déjà de créer une église nationale, relevant directement de Rome par l'intermédiaire d'une métropole hongroise[109]. De même, en Pologne, après un pèlerinage d'Otton III au tombeau de saint Adalbert à Gnesen, cette église, qui abritait les insignes reliques du martyr, est érigée en archevêché dont relèveront, comme suffragants, les diocèses de Breslau, Kolberg et Cracovie[110]. En Bohême, le duc Boleslas aurait voulu donner pour successeur à saint Adalbert son propre frère Zbralcynaz ; l'empereur s'y opposa et plaça sur le siège de Prague le moine Thieddag de Corvey, mais celui-ci est chassé en 999 par Boleslas III. Otton III n'insiste pas et il semble que la Bohême s'achemine, elle aussi, vers la même autonomie ecclésiastique que la Pologne et la Hongrie[111].

On a reproché à Otton III d'avoir, par ces diverses créations, affaibli la puissance germanique. Il y a du vrai dans cette opinion. La conception de l'empereur, influencé sans doute par Silvestre II, ne ressemble en rien à celle de ses prédécesseurs. Ceux-ci, demeurés Allemands avant tout, se sont servis du christianisme pour étendre l'influence de leur race. Otton III, Grec par sa mère et Romain d'adoption, rêve d'un empire non pas germanique, mais chrétien et universel, ayant son centre à Rome plutôt qu'à Aix-la-Chapelle, groupant librement tous les peuples convertis à la loi du Christ sans les annexer à tel ou tel État préexistant. On peut se demander ce qu'eût donné ce plan grandiose et quelque peu idéaliste, si Otton III avait vécu suffisamment pour le développer, mais, s'il peut paraître prématuré à certains égards, il n'en est pas moins l'expression d'aspirations généreuses qu'un tempérament absolutiste a fait dévier plus d'une fois.

OTTON III, EMPEREUR ROMAIN. — Rome devait être la capitale de cet empire universel. Aussi Otton III s'est-il préoccupé, avant toutes choses, d'y affermir son pouvoir et en a-t-il fait sa résidence habituelle à partir de 999. Au début de l'an 1000, il est obligé d'aller faire un séjour de six mois en Allemagne, où il est rappelé par la mort presque simultanée de sa grand'mère, l'impératrice Adélaïde, et de sa tante, l'abbesse Mathilde[112], mais, s'il trouve à cette occasion le temps d'aller en pèlerinage au tombeau de saint Adalbert à Gnesen, il a une hâte fébrile de retourner à Rome. Le 19 mai 1000, jour de la Pentecôte, il est encore à Aix-la-Chapelle, où il procède en grande pompe à l'exhumation du corps de Charlemagne. Aussitôt après, il prend le chemin de l'Italie et, à l'automne, il est réinstallé sur l'Aventin d'où il prétend gouverner le monde[113].

Genere Græcus, imperio Romanus, a dit Gerbert en parlant d'Otton III[114]. Grec, il a introduit à la cour quelques pratiques du cérémonial byzantin : il mange seul, à une table séparée, et non plus entouré des grands, comme le faisaient son père et son aïeul ; il est vêtu d'un manteau doré, imitation de celui que portaient ses ancêtres du côté maternel ; les hauts fonctionnaires prennent les titres en usage à Constantinople et l'on voit parmi eux un protovestiaire, un maître de la milice impériale[115]. Le jeune empereur aspire à épouser une princesse grecque et, par deux fois, entame des négociations à cette fin, d'abord en 996 par l'intermédiaire de Philagathe, puis, en 1001, par celui de l'archevêque de Milan, Arnulf[116]. Tous ces traits attestent la puissance de l'atavisme maternel, mais l'idée romaine est plus forte encore. L'empereur, constate Thietmar[117], voulait renouveler de son temps les antiques usages des Romains qui avaient en grande partie disparu. Les deux premiers Ottons avaient été à la fois rois d'Allemagne et rois d'Italie, mais entre ces deux royaumes il n'existait qu'une union purement personnelle et chacun d'eux conservait son administration distincte. Otton III veut au contraire les fondre l'un et l'autre dans le creuset de l'unité impériale. N'est-il pas avant tout Romani orbis imperator augustus ? Aussi l'organisation administrative est-elle transformée. Sous Otton Ier et Otton II, il y avait deux chancelleries nettement distinctes, l'une pour l'Allemagne, l'autre pour l'Italie, Il en est encore ainsi pendant la régence de Théophano, mais, dès qu'il prend le pouvoir, Otton III bouleverse tout. En 998, lorsque meurt le chancelier allemand Hildibald, toutes les affaires sont concentrées entre les mains de Héribert, archevêque de Cologne. D'ailleurs, depuis le premier voyage en Italie, le personnel inférieur est de plus en plus italien et se déplace d'Italie en Allemagne ou inversement. N'est-ce pas là une preuve tangible des tendances à la concentration et à l'unité romaine qui ont prévalu dans le gouvernement impérial[118] ?

Cet empire est aussi un empire chrétien. Otton III se proclame l'esclave de l'Apôtre et il considère l'Église romaine comme la mère de toutes les églises, mais elle demeure elle-même subordonnée à l'empereur régnant auquel elle doit tout. Ni la donation de Constantin, forgée de toutes pièces, ni celle de Charlemagne ne sauraient avoir une valeur quelconque, mais, par une libéralité insigne, Otton III a témoigné sa reconnaissance au pape, son ancien maître, par l'octroi de huit comtés dans les marches et l'exarchat, en faisant sonner bien haut qu'ils lui appartenaient[119]. Peut-être y avait-il dans cette prétention à une prééminence sur le Saint-Siège les germes d'un conflit que la mort a étouffé dans l'œuf.

L'OPPOSITION ITALIENNE. — ans cette disparition prématurée, il est probable que le rêve impérial se serait heurté, en Italie même, à de violents obstacles. Aux yeux des Romains, Otton, malgré ses multiples avances, porte la tare de son origine allemande et, en raison des mauvais souvenirs laissés par les événements de 998, il n'a jamais pu se rendre populaire. En Lombardie et ailleurs, sa politique ecclésiastique, qui avait abouti souvent à dépouiller l'aristocratie au profit de l'Église, a provoqué un vif mécontentement. Un grand ambitieux, le marquis d'Ivrée, Arduin, eut l'art de grouper autour de lui les petits seigneurs qui se plaignaient d'avoir été lésés. L'assassinat de Pierre, évêque de Verceil (17 mars 997), créa, dès le début du règne, un malaise qui ne fit que s'accentuer. Arduin, qui avait plus ou moins participé à cet attentat, fut excommunié par Warmond, évêque d'Ivrée. Aussitôt les choses s'envenimèrent. Arduin, cité devant le concile romain du printemps de 999, présenta une défense très habile, mais fut malgré tout convaincu d'avoir trempé dans le crime et Otton III confisqua ses biens. Cette sentence fut mal accueillie dans l'Italie du Nord où les rancunes s'exaspérèrent et où le parti hostile à l'hégémonie allemande ne cessa de se renforcer[120].

SOULÈVEMENT DE ROME CONTRE OTTON III (FÉVRIER 1001). — A Rome également, l'opposition prit vite une tournure menaçante. Le comte de Tusculum, Grégoire, trouva le moyen d'ameuter les nobles, mécontents de ce qu'Otton III eût pardonné aux habitants de Tivoli à la suite d'une révolte, au lieu de confisquer leurs biens et de les partager entre ceux qui avaient participé à la répression. En février 1001, des barricades s'élevèrent brusquement dans les rues de l'Aventin et des soldats allemands furent massacrés. La situation devint très vite périlleuse pour l'empereur lui-même, et c'est seulement grâce à l'habilité des personnes de son entourage qu'Otton III put quitter clandestinement Rome (16 février 1001), puis, à travers l'Ombrie, gagner Ravenne où il rencontra l'abbé de Cluny, Odilon, et un des plus illustres ascètes du temps, saint Romuald, qui fut pour lui un autre saint Nil. De nouveau tourmenté par la soif des choses éternelles, l'empereur ne songea plus dès lors qu'à la pénitence ; au lieu de châtier les Romains, il se précipita au mont Gargano, puis, de nouveau repris par les réalités d'ici-bas, il alla châtier les Bénéventins dont il avait sujet de se plaindre[121].

MORT D'OTTON III (24 FÉVRIER 1002). — Il ne put pourtant rentrer dans Rome. Après sa randonnée au Sud, il revint à Ravenne et songeait à retourner en Allemagne, d'où lui parvenaient d'inquiétantes nouvelles, lorsqu'il mourut tout à coup à Paterno, au pied du mont Soracte, le 24 janvier 1002, au moment même où l'archevêque de Milan arrivait à Bari avec la jeune princesse byzantine qui lui était destinée. Sa dépouille mortelle fut ramenée dans son royaume de Germanie et accueillie, à son passage dans la plaine lombarde, par des murmures ou des cris de haine[122]. Déjà Arduin d'Ivrée concevait les plus ambitieuses espérances : Otton III ne laissait pas d'héritier direct, si bien qu'en Italie comme en Allemagne la couronne devenait vacante. L'unité de l'empire, but suprême du gouvernement impérial d'Otton III, allait-elle résister à cette épreuve, et l'œuvre d'Otton le Grand elle-même ne risquait-elle pas de s'effondrer du fait de la disparition du dernier rejeton de la dynastie saxonne ?

 

III. — Le règne de Henri II (1002-1024)[123].

 

LA SUCCESSION D'OTTON III. — Le successeur d'Otton III fut un prince bavarois, Henri, arrière petit-fils du roi Henri 1er l'Oiseleur, fils du duc de Bavière, Henri le Querelleur, et de Gisèle, fille du roi de Bourgogne, Conrad le Pacifique. Il ne prendra la couronne impériale qu'en 1014, mais, comme roi de Germanie et bientôt comme roi d'Italie, il a usé en fait des mêmes 1 prérogatives que ses prédécesseurs.

HENRI II. — Elevé à l'école d'Hildesheim, confié ensuite à l'évêque de Ratisbonne, Wolfgang, Henri II est animé des mêmes sentiments religieux qu'Otton III, mais, s'il a été canonisé pour sa grande sainteté, sa foi ne revêt pas la même forme que celle du disciple d'Adalbert, de Nil et de Romuald ; elle est mieux équilibrée, moins mystique, mais très rigide et elle a sa répercussion sur la vie publique aussi bien que sur la vie privée du souverain. Bonté, charité, amour de la paix et horreur de la guerre, qui a le tort de ruiner les petits et les faibles, tels sont les traits dominants de ce généreux caractère ; il faut y joindre du courage, de l'énergie, de l'endurance, et aussi une belle humeur, une jovialité qui ont été, avec un sens très strict de la justice, autant de ferments de popularité. Henri II est le type accompli de l'empereur chrétien, mais il est empereur autant que chrétien ; malgré son sincère désir de servir l'Église, il se considère — et c'est en cela qu'il se rattache aux Ottons — comme investi vis-à-vis d'elle d'un sacerdoce suprême, du droit de la diriger au temporel et même au spirituel. Il fera preuve d'ailleurs d'une réelle modération à son égard ; il est naturellement mesuré, pondéré et la prudence est son lot beaucoup plus que l'intelligence[124].

Le programme impérial va se transformer en fonction de celui qui est chargé de l'appliquer. Otton III a rêvé de fonder un empire universel ; Henri II à des vues plus modestes : ce qu'il veut, c'est affermir la paix, c'est protéger l'Église au dedans et au dehors, c'est faire reculer le paganisme, c'est enfin imprimer à l'Empire, par sa politique comme par sa législation un caractère profondément religieux. Aussi renonce-t-il aux projets grandioses et quelque peu chimériques de son prédécesseur : conserver l'Italie et opposer une digue aux Slaves seront ses deux préoccupations essentielles.

L'ALLEMAGNE ET L'ITALIE À L'AVÈNEMENT DE HENRI II. — Si raisonnable qu'elle parût être, cette double tâche présentait de réelles difficultés, nées de la situation plutôt embrouillée que léguait Otton III à son successeur.

En Allemagne, Henri II aura à combattre, pendant plusieurs années, une opposition ardente et tenace. Aux frontières, le monde slave, malgré les expéditions victorieuses d'Otton III, donne toujours des inquiétudes : les Liutices, Wagriens, Obotrites n'ont pas désarmé et, si la Bohême traverse, depuis la mort de Boleslas II (7 février 999), une crise intérieure qui la met hors d'état de nuire[125], un autre ennemi, autrement dangereux, a surgi plus à l'Est avec Boleslas Chrobri, duc de Pologne depuis 992. Ce personnage remuant et ambitieux, mais fort intelligent aussi, a pu ; à la faveur des troubles qui désolaient la Bohême, mettre la main sur Cracovie ; en 1002, il profite de l'incertitude causée en Allemagne par la disparition de la dynastie saxonne pour s'emparer de Budissin (Bautzen) et de Strehla ; il occupe très vite la Lusace et la Misnie jusqu'à l'Elster[126].

En Italie, les événements ont pris une tournure plus angoissante encore. Trois semaines, après la mort d'Otton III, le dimanche 15 février 1002, Arduin, marquis d'Ivrée, a été couronné roi à Pavie, avec l'assentiment de l'archevêque de Milan, des évêques de Crémone, de BrescÍa, de Plaisance, et le duc Otton de Carinthie, aussitôt envoyé par Henri II pour l'expulser, a été contraint de se retirer après une sanglante défaite[127]. A Rome, Silvestre II a pu se maintenir, mais il ne survit que fort peu à Otton III et sa mort (12 mai 1003) livre de nouveau le siège apostolique à l'aristocratie ; Jean, fils de Crescent, qui a repris le pouvoir avec le titre de patrice, désigne successivement Jean XVII, puis Jean XVIII (1003-1009) et, pendant un demi-siècle, la noblesse disposera de la tiare[128].

L'Allemagne divisée et envahie, l'Italie affranchie de l'hégémonie germanique, c'est toute l'œuvre d'Otton le Grand qui est remise en question. Un programme de réparation et de redressement s'impose à l'héritier de la dynastie saxonne.

HENRI II ET LA POLOGNE. — Henri II a compris immédiatement que, s'il commençait par reconquérir son royaume italien, il risquait d'être détrôné en Allemagne et qu'il favoriserait les entreprises envahissantes de Boleslas. Aussi, tout en prodiguant ses encouragements à ses partisans en Lombardie et en Toscane, il pacifie son royaume germanique et s'attaque résolument à la question polonaise.

Boleslas poursuivait d'un pas sûr l'exécution de ses projets. En 1003, il conquiert la Bohême d'où une révolution vient de chasser Boleslas III[129] ; c'est la première étape vers la formation du grand empire slave, but suprême de tous ses efforts. Henri II a donc tout lieu de s'alarmer et, pour limiter l'extension polonaise, il offre à Chrobri de reconnaître ses annexions, aussi bien en Lusace qu'en Bohême, Moravie et Silésie, à la condition qu'il veuille accepter la suzeraineté germanique. Le duc ne consent même pas à recevoir les envoyés allemands porteurs de cette proposition. Malgré la volonté de paix de Henri II, il n'y a pas d'autre issue que la guerre à laquelle Boleslas se prépare avec un entrain confiant et enthousiaste.

C'est Henri II qui prend l'offensive. Au début de 1004, en plein hiver, il se jette sur la Haute-Lusace, mais le mauvais temps le contraint à se retirer. Du moins a-t-il conclu une entente avec les Liutices et les Rédariens qui, inquiets eux aussi des progrès de la puissance polonaise, ne demandent pas mieux que de s'allier avec la Germanie pour faire échec à l'ennemi commun. Ce rapprochement offre à Henri II un sérieux avantage : il va lui permettre un rapide voyage en Italie où il ne faut pas, au risque de tout perdre, laisser Arduin s'installer dans son usurpation. Ainsi va commencer une perpétuelle navette entre le front de l'Elbe et la plaine du Pô[130].

EXPÉDITION DE HENRI II EN ITALIE (AVRIL-MAI 1004). — A la fin de 1003, au moment de Noël, l'évêque de Vérone et plusieurs seigneurs italiens ont été trouver Henri II à Poehlde pour lui demander de venir sans tarder dans la péninsule où une absence prolongée risquait de périmer ses droits. Si nécessaire que soit sa présence en Allemagne, le roi n'ose décliner cette invitation. Le dimanche des Rameaux (9 avril 1004), il est à Trente. Arduin évacue aussitôt Vérone où il avait établi son quartier général et Henri II pénètre dans la ville, puis, par Bergame où l'archevêque de Milan, revenu à de meilleurs sentiments, lui prête serment de fidélité, il se dirige vers Pavie ; le 14 mai 1004, il est couronné roi d'Italie. Malheureusement, le soir de cette solennité, une rixe entre les habitants et les soldats allemands provoque une terrible émeute qui met un moment le souverain en danger, si bien que Henri II, après avoir assisté impuissant à l'incendie de la ville et aux excès de ses troupes assoiffées de carnage, s'empresse de quitter la Lombardie où son passage n'a laissé que de mauvais souvenirs[131]. Derrière lui la population est indignée et hostile. Arduin, qui n'a pas été battu, garde ses positions intactes. L'expédition n'a abouti à aucun résultat.

EXPÉDITION EN BOHÊME (AOÛT 1004). — De retour en Allemagne, Henri II reprend l'étude du problème slave auquel, pendant plusieurs années, il va se consacrer tout entier sans pouvoir aboutir à une solution.

Il imagine cette fois une nouvelle tactique en essayant de disloquer les États de Boleslas et de provoquer un mouvement séparatiste en Bohême. Pour mieux réussir, il simule une attaque vers le Nord-Est, concentre des troupes à Mersebourg, réunit même une flottille sur l'Elbe, puis brusquement se retourne vers la Bohême, force les passages de l'Erzgebirge, rallie un contingent bavarois, marche sur Prague que Boleslas Chrobri s'empresse d'évacuer et y fait acclamer comme duc Jaromir, frère de Boleslas III (août 1004). Cette fois le but de l'expédition est atteint et le Polonais a reçu un rude coup[132].

GUERRES CONTRE LA POLOGNE (1004-1013). — Henri II veut immédiatement compléter ce succès par une attaque directe contre la Pologne. A la fin de septembre, il se dirige vers la Haute-Lusace, va assiéger Budissin, s'en empare et y installe une garnison allemande. Il laisse passer l'hiver, puis, dans l'été de 1005, reprend sa marche en avant, franchit l'Elbe le 16 août et, à travers la Basse-Lusace, va droit vers l'Est, accompagné du duc de Bohême et soutenu par un contingent que lui ont envoyé les Liutices, ennemis des Polonais. Il peut cette fois, réalisant une avance sans précédent, arriver jusqu'à Posen. Pour éviter une catastrophe, Boleslas demande la paix dont Taginon, archevêque de Magdebourg, est chargé de débattre les conditions et, à la suite des pourparlers engagés avec le prélat, accepte de restituer aux Allemands le pays entre Elbe et Oder[133].

Cette paix ne pouvait être qu'une trêve et l'ambitieux duc polonais ne l'a sollicitée que pour mieux regrouper ses forces en vue d'une nouvelle offensive. De fait, deux ans ne se sont pas passés que les hostilités recommencent. En 1007, à l'improviste, Boleslas Chrobri pénètre sur le territoire allemand et bondit jusqu'à Magdebourg, puis, poursuivant ses avantages, s'empare à nouveau de Budissin où commandait son propre gendre, le margrave Hermann. Henri II, qui est à ce moment occupé en Flandre, ne peut riposter et reste près de trois ans inactif sur le front oriental. C'est seulement en août 1010 qu'il concentre ses troupes sur l'Elbe et traverse le fleuve, mais il tombe presque aussitôt malade et l'armée allemande, privée de son chef, ne peut encore emporter la décision[134].

A la suite de cet échec, Henri II se confine dans une politique défensive. D'ailleurs les déconvenues s'accumulent. En 1012, le samedi saint, Jaromir, duc de Bohême, est renversé par une révolution[135]. La même année, Boleslas, reprenant sa marche en avant, s'empare de Liubusna et arrive à l'Elster noir[136], mais là se bornent ses succès. A la fin de 1012, la situation s'améliore au contraire pour Henri II : en Bohême, le frère de Jaromir, Ulrich, s'empare du pouvoir et reconnaît la suzeraineté allemande[137] ; à l'Est, un conflit surgit entre la Pologne et la Russie, ce qui oblige Boleslas à conclure la paix avec la Germanie. En février 1013, le fils aîné du duc, Mesko, se rend à Magdebourg où se trouvait Henri II, et jure fidélité au nom de son père comme au sien, puis, le jour de la Pentecôte, Boleslas paraît lui-même devant le roi et renouvelle ce serment. En échange, Henri II lui remet en fief tous les pays qu'il avait conquis de 1009 à 1012 jusqu'à l'Elster noir[138].

Cette longue série de guerres aboutit donc, en fin de compte, à un nouveau recul de l'Allemagne. Si Henri II avait persévéré et tenté de profiter des embarras de Boleslas du côté de la Russie, peut-être eût-il pu reconquérir toute la région entre Elbe et Oder et, au lieu de la concéder à son ennemi, l'organiser fortement en marche, mais depuis trop longtemps il attend l'occasion d'aller ceindre à Rome la couronne impériale ; une fois de plus les nécessités italiennes compromettent la sécurité sur le front slave.

L'ITALIE DE 1001 À 1013. — L'Italie, depuis le sanglant couronnement de Pavie, était plongée dans un état de perpétuelle agitation. Maigre la présence en Lombardie d'un parti allemand, que dirigeait l'évêque de Verceil, Arduin a repris cette dernière ville et aussi celle de Novare[139]. A Rome, le régime ottonien n'existe plus qu'à l'état de souvenir ; le patrice Jean Crescent y a été, jusqu'à sa mort (1012), le maître incontesté et les papes Jean XVIII (1003-1009), puis Serge IV (1009-1012) ont docilement obéi à ses inspirations. Après la disparition de Serge IV (12 mai 1012), qui suivit de près celle du patrice, deux candidats se disputèrent la tiare, un certain Grégoire, candidat des Crescent, et Théophylacte, fils du comte Grégoire de Tusculum. Ce dernier, alors simple laïque, s'installa au Latran et prit le nom de Benoît VIII, mais il eut beaucoup de peine à se maintenir, sans que Grégoire parvînt à l'évincer. Cette rivalité ramena l'attention de Henri II vers les affaires italiennes. Sollicité des deux côtés, il ne pouvait manquer cette occasion de ressaisir la capitale chrétienne. Tout en accueillant avec déférence les messagers de Grégoire, il se prononça pour Benoît VIII, heureux de se débarrasser du parti des Crescent, puis, dès qu'il eut quelque tranquillité du côté de la Pologne, il s'empressa d'aller chercher à Rome la couronne impériale qu'il attendait depuis plus de dix ans[140].

COURONNEMENT IMPÉRIAL DE HENRI II (16 FÉVRIER 1014). — Parti de Mersebourg le 21 septembre 1013, Henri II arrive à Pavie pour Noël, sans qu'Ardum, réfugié dans un de ses châteaux, ait essayé de lui barrer le passage. De Pavie il gagne Ravenne, puis Rome où, le 16 février 1014, il est couronné empereur par Benoît VIII. Il tient ensuite un concile sur lequel on n'a aucun renseignement positif.

Le parti des Crescent n'avait pas désarmé. Huit jours après le - couronnement, il provoqua entre Romains et Allemands une rixe qui n'eut pas de suites fâcheuses. Henri II préféra cependant ne pas prolonger son séjour ; il regagna Pavie où il se trouvait pour Pâques et laissa, en fin de compte, au pape le soin de réduire ses adversaires. Benoît VIII ne demanda pas mieux que de s'acquitter de cette mission ; son tempérament fougueux et batailleur le portait à rechercher les aventures ; il avait inauguré son pontificat en chassant les Sarrasins des positions qu'ils occupaient sur la côte toscane et en enlevant plusieurs châteaux de la campagne romaine ; une nouvelle guerre ne l'effrayait pas et il eut vite fait de contraindre les Crescent à prendre le chemin de l'exil ; il retira tous les bénéfices de l'opération, car il put exercer désormais le pouvoir temporel à Rome au lieu et place de l'empereur[141].

MORT D'ARDUIN (14 DÉCEMBRE 1014). — Le couronnement impérial n'a pas davantage accru le prestige de Henri II dans les autres parties de l'Italie. Arduin se charge de le prouver en soulevant toute la région du Nord-Ouest contre les prélats qui demeuraient le principal soutien de l'Allemagne. L'évêque de Verceil, Léon, réussit pourtant à refouler dans la montagne ce terrible adversaire qui se retira alors dans l'abbaye de Fruttuaria, déposa les insignes royaux, se rasa la tête et multiplia les pénitences, puis mourut le 14 décembre 1014[142]. Ses partisans envisagèrent un moment l'idée d'opposer à Henri II Rodolphe III de Bourgogne, mais celui-ci ne tenait nullement à se lancer dans une aventure qui ne pouvait lui être que préjudiciable. Faute de prétendant, la paix fut rétablie dans l'Italie septentrionale et Henri II, enfin tranquille, put de nouveau accorder toute son attention à l'affaire polonaise.

DERNIÈRES LUTTES AVEC LA POLOGNE (1014-1018). — La paix de 1013 ne pouvait être qu'une trêve. Boleslas, après avoir tiré vengeance des Russes, devait forcément songer à rompre les liens de vassalité qui le rattachaient à l'Allemagne et à constituer enfin le grand empire slave dont il rêvait depuis son avènement. Dès 1014, il fit savoir à Henri II qu'il ne reconnaissait plus sa suzeraineté pour la Lusace. La guerre était inévitable et elle eut lieu en effet, en 1015. Elle fut d'abord favorable à l'empereur qui poussa jusqu'à l'Oder dont il força même le passage à Crossen (3 août 1015), mais une diversion polonaise en territoire bavarois le contraignit à une retraite qui se transforma bientôt en désastre. Non seulement les Polonais réussirent, dans un combat d'arrière-garde (1er septembre 1015), à tuer deux cents chevaliers allemands, mais Mesko, fils de Boleslas, parvenu jusqu'à l'Elbe au cours de la poursuite, put franchir le fleuve d ans le voisinage de Meissen et il se serait emparé de la ville, malgré l'héroïsme des défenseurs, si une crue subite ne l'avait obligé à se retirer précipitamment[143].

Henri II ne put jamais reprendre le dessus. En 1017, il fonda quelque espoir sur une alliance avec la Russie dont le grand-duc, Jaroslas, avait promis d'attaquer la Pologne par l'Est, et aussi sur le concours des Bohémiens et des Liutices qui lui envoyèrent des contingents. A la fin de juillet 1017, il se jeta sur la Silésie et entra à Glogau le 9 août, mais il ne put déboucher au nord des Riesengebirge et, une fois de plus l'armée allemande, minée par la maladie, dut se retirer. Sur les autres théâtres des opérations, faute de coordination et d'entente entre les alliés, on n'enregistra aussi que des échecs, si bien qu'il fallut encore se résoudre à traiter[144].

PAIX AVEC LA POLOGNE (1018). — Le chroniqueur Thietmar de Mersebourg écrit qu'au cours de l'année 1018, la paix avec la Pologne fut conclue non pas comme il eût convenu, mais comme il était possible qu'elle le fût[145]. Cette formule vague, que n'éclaire aucune donnée précise sur les négociations ni sur les clauses, est évidemment destinée à masquer l'échec de la politique impériale. De fait il apparaît, à la lumière des événements postérieurs, que la Lusace est restée à Boleslas et que tous les pays pour lesquels, en 1013, il devait faire hommage, lui appartiennent, à partir de 1018, en toute propriété. De vassalité à l'égard de l'Empire il n'est plus question. Sans doute, Boleslas étant chrétien, la croix domine toujours la région entre Elbe et Oder, mais l'influence allemande y a cédé le pas à l'influence polonaise.

LA QUESTION SLAVE À LA FIN DU RÈGNE DE HENRI II. — Les rapports du royaume germanique avec les Slaves ont subi le contre-coup de cette défaite. En 1018, éclate une guerre entre les Liutices païens et les Obotrites chrétiens ; les premiers pénètrent sur le territoire des seconds avec l'intention d'y exterminer tous les vestiges du catholicisme. Henri II, qui est lié par une convention avec les Liutices, laisse faire ; l'empereur chrétien reste passif à l'heure où les intérêts de la foi sont en cause ; c'est une véritable abdication[146]. Jusqu'en 1021, aucune intervention n'est signalée, et, bien que, cette année-là, le duc de Saxe ait obtenu une nouvelle promesse de tribut[147], les Slaves s'acheminent de plus en plus vers une indépendance totale qui s'accompagne d'un retour offensif du paganisme. L'œuvre accomplie par Otton le Grand est à la veille d'être totalement anéantie.

Sans doute Henri II n'abandonne-t-il pas toute pensée d'évangélisation. La fondation, au début du règne, en 1007, de l'évêché de Bamberg fait écho à celle de l'archevêché de Magdebourg sous Otton Ier[148]. Elle semblait destinée à être le point de départ d'une nouvelle vague missionnaire en pays wende, mais les résultats ne se firent pas immédiatement sentir et, après 1018, le désarroi est complet aussi bien du point de vue religieux que du point de vue politique. C'est la triste rançon de l'aventure italienne si mal conduite par Otton II et des rêves grandioses d'Otton III qui ont fait perdre à la politique impériale son caractère pratique et réalisateur. Il semble que l'Empire, qu'Otton le Grand avait cherché à étendre vers l'Est, se replie sur lui-même, sans trouver de compensations sérieuses du côté de l'Ouest où Henri II n'a pas enregistré plus de succès.

HENRI II ET LA FLANDRE. — En 1006, alors qu'il était engagé au delà de l'Elbe, il a été brusquement rappelé par une attaque du comte de Flandre, Baudouin IV le Barbu, contre Valenciennes. Grâce à une entente avec le roi de France, Robert le Pieux, et à une expédition heureuse au cours de laquelle il s'empara de Gand, il put se faire restituer la ville que le comte avait prise et exiger de celui-ci un serment de fidélité[149]. Baudouin IV ne renonça pas à ses projets d'extension vers l'Est. En 1012, Henri II, pour éviter d'être inquiété dans sa lutte contre la Pologne, crut sage d'abandonner au belliqueux seigneur l'île de Walcheren avec quatre autres îles et les Quatre Métiers[150], mais ces concessions ne pouvaient suffire à calmer une insatiable ambition. Aussi, pour assurer la sécurité de son royaume de ce côté, l'empereur créa-t-il deux nouvelles marches, l'une dans le pays d'Anvers, l'autre autour de Valenciennes. Il essaya aussi de s'emparer de Gand en 1020, mais ce fut en vain[151]. En somme, loin de trouver des compensations de ce côté pour ses échecs sur l'Elbe, il avait dû consentir à de nouveaux abandons.

HENRI II ET LE ROYAUME DE BOURGOGNE. — Une intervention dans le royaume de Bourgogne n'a pas été plus heureuse. En 1016, profitant d'une accalmie du côté slave, Henri II répond à l'appel du roi Rodolphe III, alors aux prises avec une opposition seigneuriale devenue dangereuse pour sa couronne[152]. Une rencontre entre les deux princes a lieu à Strasbourg et aboutit à un traité par lequel Rodolphe reconnaît Henri II comme son futur successeur et s'engage, sa vie durant, à le consulter pour tous ses actes de quelque importance[153]. Cet engagement devait être confirmé par les grands du royaume bourguignon, mais ceux-ci ne manifestèrent aucun empressement à ratifier l'acte de leur souverain, et encouragés par l'exemple du plus hardi d'entre eux, le comte Otte-Guillaume, qui opposa à Henri II une résistance victorieuse, ils enjoignirent à Rodolphe III d'annuler sa promesse. Rodolphe parut acquiescer, mais, convoqué à Mayence par Henri II, il fut contraint de renouveler le traité de 1016 (février 1018). A la suite de cette entrevue, Henri II se rend de nouveau en Bourgogne, probablement pour mater la féodalité, mais il n'obtient toujours pas la soumission qu'il souhaitait et l'avenir reste chargé de lourdes incertitudes[154].

TROUBLES EN ITALIE. — Peut-être y a-t-il eu connexion entre l'attitude des seigneurs bourguignons et la recrudescence, autour de 1016, de la crise italienne. Le Ier avril 1016, dans une lettre à Henri II, l'évêque de Verceil, Léon, qui avait été le meilleur soutien de la politique impériale, constatait douloureusement que les choses allaient plus mal que jamais[155]. Il redoutait, ajoutait-il, une nouvelle tentative des seigneurs lombards pour mettre sur le trône italien un prétendant dont il ne donne pas le nom, mais qui pourrait bien être Otte-Guillaume, petit-fils de Bérenger II[156]. Une menace plus grave encore se dessinait du côté de Rome où, à la fin de 1016, les Crescent étaient enfin parvenus à arracher au pape Benoît VIII, alors occupé à chasser de Sardaigne l'émir de Majorque, Mogehid-ibn-Abdallah, une convention leur reconnaissant la possession des châteaux contestés[157]. L'Italie méridionale était au même moment en pleine effervescence : Mélès, riche habitant de Bari, qui s'était déjà en 1008 révolté contre l'autorité byzantine, avait repris l'offensive, au printemps de 1017, fort du concours de quelques Normands établis en Italie et des encouragements de Benoît VIII. L'entreprise réussit mal, il est vrai, et cet échec permit aux Grecs de s'affermir dans le sud de la péninsule, grâce à la soumission des princes lombards qui, à commencer par Pandolf III de Capoue, volèrent au secours des vainqueurs[158].

Cette agitation universelle exigeait la venue de Henri II, mais, jusqu'en 1018, l'empereur joue contre Boleslas la partie suprême et il doit se contenter d'être représenté par son fidèle conseiller, Piligrim, chancelier pour l'Italie à partir de 1016[159]. Une fois libéré de la Pologne, il cherchera dans la péninsule une revanche, qu'il croit trop facile, à ses défaites de Lusace et de Misnie.

EXPÉDITION DE HENRI II DANS L'ITALIE MÉRIDIONALE (1021-1022). — A la fin de l'année 1019, il convoque à Strasbourg les archevêques de Milan de Ravenne, les évêques de Parme, Côme, Verceil, Plaisance, Lucques, Volterra et d'assez nombreux seigneurs laïques pour se faire mettre au courant de la situation[160]. En 1020, c'est le pape lui-même qui se rend à l'appel du souverain 'auprès duquel il se trouve, pour Pâques, à Bamberg et qu'il accompagne ensuite à Fulda[161]. C'est sans doute au cours de ces entretiens que fut arrêté le projet d'une expédition allemande dans l'Italie méridionale. Henri II est fasciné à son tour par le mirage méditerranéen. Il ne sera d'ailleurs pas plus favorisé que ses prédécesseurs.

En novembre 1021, l'empereur vient prendre à Augsbourg le commandement de l'armée qui s'y concentre depuis quelques semaines Il franchit le Brenner, traverse successivement Vérone, Mantoue et Ravenne, longe un moment l'Adriatique, puis se dirige vers Bénévent où il se rencontre avec Benoît VIII, capture Pandolf III de Capoue qu'il envoie en Allemagne et place à la tête du Mont-Cassin un nouvel abbé plus docile à l'influence impériale, mais là se bornent ses succès. Il ne peut pas prendre Troia et doit battre en retraite sans avoir entamé la puissance byzantine ni imposé respect aux princes lombards[162]. Il n'arrive pas à asseoir son autorité sur la campagne romaine et rentre en Allemagne sans avoir détruit la puissance des Crescent avec lesquels la papauté devra toujours compter.

ÉCHEC DE LA POLITIQUE DE HENRI II. — Ainsi, au Sud comme à l'Est, la politique de Henri II s'est heurtée à d'insurmontables obstacles. Animé d'une sincère volonté de paix, l'empereur a été contraint à des guerres continuelles et également infructueuses : il n'a pu asseoir sa suprématie sur l'Italie sur laquelle la royauté germanique exerce une suzeraineté plus théorique qu'effective, et il a dû abandonner à la Pologne les territoires que ses prédécesseurs avaient conquis sur les Slaves. Du moins a-t-il essayé d'infuser à son empire, diminué et amoindri, une vie nouvelle en l'imprégnant de christianisme.

L'EMPIRE CHRÉTIEN. — Henri II, on l'a déjà noté, a de sa fonction une idée toute sacerdotale. Il se considère comme investi de la mission de défendre la foi contre les ennemis du dedans aussi bien que contre ceux du dehors, de poursuivre l'hérésie ce qu'il fit notamment en 1012 lors de la pénétration des Cathares (en Allemagne)[163], plus encore de veiller au maintien des lois canonique parmi les clercs et parmi les laïques. Animé d'un zèle réformateur intense, il se plaît à présider les conciles où il prend part personnellement aux discussions et impose généralement sa manière de voir. Ses interventions s'exercent d'ailleurs en faveur de l'orthodoxie, qu'il s'agisse des mariages contractés entre parents au troisième degré, comme à Thionville en 1002, ou, comme à Dortmund en 1005, d'affaires d'ordre purement rituel telles que la fixation des vigiles où l'on doit jeûner[164]. Il se croit tenu en conscience de relever le niveau moral du clergé et cette question domine les délibérations des trois grands conciles de Goslar (1019), de Pavie (1er août 1022), de Seligenstadt (12 août 1023)[165]. A Pavie notamment, après un énergique discours de Benoît VIII et une intervention plus vigoureuse encore de l'empereur, il fut interdit aux clercs et aux évêques d'avoir auprès d'eux, sous peine de déposition, des épouses ou des concubines, puis décidé, comme on l'avait fait à Goslar, que les fils et les filles nés de ces unions illicites seraient considérés comme la propriété de l'Église et ne pourraient être affranchis, même si leur mère était une femme libre, ce qui paraissait être une garantie en faveur du célibat eccléslastique[166].

A l'égard des abbayes, l'empereur apporte les mêmes préoccupations. La vie monastique, qui suppose le détachement de$ biens terrestres et prescrit la contemplation des choses éternelles, devait apparaître à ce prince, très attaché à son propre perfectionnement, comme la forme la plus pure du renoncement chrétien, et son développement dans l'Empire était susceptible d'y créer l'atmosphère religieuse qu'il souhaitait. Aussi Henri II favorise-t-il l'introduction en Allemagne de la réforme clunisienne, mais ses préférences se sont manifestées surtout en faveur d'une réforme autonome, dont Poppon de Stavelot, disciple de Richard de Saint-Vannes, a été le principal initiateur. Moins rigoriste que son maître, qui s'est toujours montré très indépendant à l'égard du pouvoir temporel, Poppon a accepté des mains de Henri II la dignité abbatiale du double monastère de Stavelot-Malmédy. Il entrait ainsi dans les vues du souverain, qui tenait à garder la haute main sur les monastères et à l'appui duquel il doit le succès de son œuvre d'assainissement du clergé régulier[167]. Celle-ci entre pleinement dans le cadre de la réforme impériale, telle que la concevait Henri II.

Cette réforme, l'empereur a rêvé un moment de l'étendre à tout l'Occident. Quand la mort le surprit, il se proposait de réunir, de concert avec Robert le Pieux, un grand concile où l'on s'efforcerait de coordonner, entre évêques allemands, italiens et français, les directions religieuses destinées à assurer le relèvement moral du clergé qui lui tenait surtout à cœur[168]. Sa disparition fit avorter ce projet.

LE CÉSÀRO-PAPISME IMPÉRIAL SOUS HENRI II. — Ce zèle réformateur indéniable n'a pas empêché Henri II de rester fidèle à la tradition césaro-papiste de ses prédécesseurs. Il se considère comme investi dans l'Église d'un pouvoir suprême de direction et de correction. Il continue à nommer les évêques et s'oppose à toutes les tentatives qui se dessinent, notamment à Magdebourg et à Trêves, pour restaurer la liberté des élections ; il agit de même à l'égard des abbayes dont il entend rester le maître absolu. Il n'hésite pas davantage à déposer les prélats qu'il soupçonne d'infidélité politique, comme Adalbert de Ravenne et Jérôme de Vicence, ou les abbés qui, quoique désignés par leurs frères, ne lui paraissent pas présenter les garanties nécessaires[169]. Il affirme enfin son pouvoir prééminent sur l'Église par de constantes incursions dans le domaine spirituel et en se substituant à l'autorité ecclésiastique en quantité de circonstances : c'est lui qui, en 1003, restaure l'évêché de Mersebourg, supprimé par Otton III, et c'est lui qui oblige l'archevêque de Mayence, Willigis, à renoncer, en 1007, à ses prétentions sur l'abbaye de Gandersheim en faveur de l'évêque d'Hildesheim[170]. Il joue davantage encore le rôle d'arbitre dans les traditionnels conflits entre l'épiscopat et les moines qui tendent de plus en plus à se soustraire, par l'exemption, à la juridiction de l'ordinaire ; il maintient rigoureusement le droit de visite des évêques qu'il fait d'ailleurs collaborer à la réforme des monastères : Willigis de Mayence, Taginon de Magdebourg, Adalbéron de Bâle, Gebhard de Ratisbonne, d'autres encore ont travaillé avec succès à rétablir la discipline quelque peu battue en brèche par le gouvernement de certains abbés que leur richesse territoriale avait transformés en véritables princes temporels[171].

HENRI II ET LA PAPAUTÉ. — Le césaro-papisme impérial s'affirme davantage encore dans les rapports de Henri II avec le Saint-Siège. Au moins autant que sous les Ottons, le pape est réduit au modeste rôle de vicaire de l'empereur. On s'en aperçoit lors du concile tenu à Rome au lendemain du couronnement. Les débats sont dirigés non par le pape, mais par Henri II qui publie les décrets et fait figure de chef suprême de l'Église. De même, en 1020, Benoît VIII est convoqué en Allemagne comme un simple évêque et, quoique entouré de marques extérieures de respect, il ne peut exprimer d'autre volonté que la volonté impériale[172].

Aussi n'est-il pas surprenant que les liens qui rattachent à Rome les églises locales se distendent plus qu'ils ne resserrent. L'autorité impériale se substituant à celle du Saint-Siège, les hauts prélats ont perdu eux aussi le sens de la hiérarchie catholique : tel l'archevêque de Mayence, Aribon, qui, après avoir, en 1023, frappé d'anathème dans un synode le comte Otton de Hammerstein, contesta le droit d'appel à Rome et fit décider, la même année, par le concile de Seligenstadt, qu'un pénitent ne pouvait légitimement recourir à cette procédure qu'après avoir accompli la pénitence prescrite par l'ordinaire[173].

L'ŒUVRE DE HENRI II. — Cet incident significatif souligne le caractère de l'empire chrétien au temps de Henri II : l'autorité romaine est purement nominale et c'est du pouvoir impérial seul que vient l'impulsion. Si l'empereur s'astreint dans sa vie privée aux plus rigoureuses exigences de la morale évangélique, s'il témoigne envers l'Eglise d'une certaine condescendance et ne tolère aucune atteinte à la loi religieuse, il n'admet ni la prééminence, ni l'indépendance du pouvoir spirituel qu'il subordonne au sien. Dans ces conditions, son œuvre réformatrice ne pouvait être définitive ; un simple changement de règne devait la remettre en question et les tendances opposées du successeur de Henri II, Conrad II, allaient prouver manifestement qu'elle n'était pas viable.

MORT DE HENRI II (13 JUILLET 1024). — Henri II est mort le 13 juillet 1024, sans laisser d'héritier direct[174]. L'élection de son cousin, qui régnera sous le nom 1 de Conrad II, fait passer la couronne de la maison de Saxe à la maison de Franconie.

 

IV. — Les premiers empereurs franconiens (1024-1056)[175]

 

CONRAD II. — Conrad II ne ressemble en rien à son prédécesseur. C'est un soldat qui n'a pas plus d'inclination pour les divertissements de l'esprit que pour les cérémonies religieuses. Courageux, endurant, toujours prêt à payer de sa personne, il aime passionnément la vie des camps et aperçoit dans la guerre le plus sûr moyen pour faire respecter la volonté impériale. Avec cela, il est affligé d'un caractère violent, emporté, brutal, qui n'admet aucune contradiction ni aucune résistance. Convaincu qu'il ne saurait y avoir de limites à l'exercice de son autorité, il n'admet pas plus le contrôle de l'Église que celui des laïques et ne. se soucie guère d'observer la loi ecclésiastique : en 1016, il a épousé sa cousine, Gisèle de Souabe, parente à un degré prohibé ; il la garde auprès de lui, malgré.les remontrances d'une partie du clergé ;de même, au mépris des canons dont il n'a cure, il vend les évêchés qui, à ses yeux relèvent exclusivement de la couronne[176]. Ce tempérament autoritaire n'a d'ailleurs pas tari chez lui les sources de l'intelligence : un esprit vigoureux, fertile en ressources, chez lequel la claire vision des choses s'accompagne d'ingéniosité et de souplesse dans le choix des moyens, permettra à Conrad II d'être aussi bon politique que valeureux guerrier. Avec lui la politique impériale entre dans une ère de réalisations.

Conrad II revient en effet à la tradition d'Otton le Grand. Il ¡n'est plus question ni d'empire universel, ni d'empire chrétien, mais bien d'empire germanique. Tout en dominant l'Église, Otton III et Henri II, animés pour elle d'une déférente sympathie, avaient cherché, chacun à sa manière, à favoriser son effort : évangélisation et réforme, dans le cadre de l'absolutisme impérial, ont été au premier rang de leurs préoccupations. Conrad II cherchera simplement à étendre l'Allemagne et à la dominer par la subordination à l'empereur de tous les pouvoirs laïques et ecclésiastiques. Idée impériale et idée chrétienne ne sont plus chez lui que des survivances du passé. Allemand avant tout, il veut par la conquête agrandir son royaume à l'Est, à l'Ouest et au Sud. La réforme ecclésiastique n'intéresse pas ce prince simoniaque qui assimile les biens ecclésiastiques à des fiefs et ne voit dans leurs détenteurs que des vassaux ; l'Église n'est qu'un instrument, une force qu'il faut savoir utiliser pour les réalisations vers lesquelles tend désormais la politique impériale.

MORT DE BOLESLAS DE POLOGNE (17 JUIN 1025). — Les premiers mois du règne ont été employés à consolider la situation intérieure, assez instable du fait que la couronne n'a pu, en 1024, se transmettre par l'hérédité, mais le calme a été très vite rétabli et, à la faveur de la paix civile, Conrad II a pu se consacrer tout entier aux problèmes de la politique extérieure.

Les circonstances le favorisaient. Henri II n'était pas mort depuis un an que disparaissait à son tour le dangereux rival qui avait paralysé l'extension de l'Allemagne en pays slave, Boleslas Chrobri. Après avoir réussi à ceindre, au début de 1025, la couronne royale, objet de ses rêves, il s'était éteint le 17 juin de la même année[177], laissant pour successeur son fils Mesko II, qu'il avait nommément désigné. Ce choix ne fut pas unanimement approuvé par le peuple, si bien qu'obligé de combattre les partisans de son frère, Otton-Bezprim, le nouveau roi se trouva condamné, au dehors, à une politique d'abstention[178]. Le danger polonais s'évanouissait pour l'Allemagne. Avec une remarquable habilité, Conrad II réussissait au même moment à conclure un traité de bon voisinage avec le roi de Danemark, Cnut le Grand, apparenté à Boleslas[179] et, tranquille au Nord, il pouvait tourner son attention vers le Sud, où les événements prenaient une allure plus inquiétante.

L'ITALIE APRÈS LA MORT DE HENRI II. — La mort de Henri II avait réveillé l'opposition italienne. La domination allemande n'avait jamais été populaire dans la péninsule. Seul le clergé, comblé par Otton III et par Henri II, restait favorable à l'Empire, mais l'aristocratie laïque ne consentait qu'une obéissance apparente et provisoire. Quant au peuple des villes, il était délibérément hostile et l'on put s'en apercevoir aussitôt : dès que la nouvelle de la mort de Henri II fut connue à Pavie, les habitants se soulevèrent et détruisirent le palais royal[180].

Ce coup de force tout spontané encouragea les anciens partisans d'Arduin qui se mirent en quête d'un souverain, mais ni le roi de France, Robert le Pieux, ni le duc d'Aquitaine, Guillaume V, auxquels ils offrirent successivement la couronne ne se laissèrent tenter[181] et le terrain se trouva ainsi déblayé sous les pas du roi franconien qui, dès qu'il en eut la possibilité, s'empressa de couper court à toute cette agitation en allant lui-même revendiquer ses droits.

CONRAD II EN ITALIE. — Bien que le départ eût été décidé en principe dès juillet 1025, lors de l'assemblée de Tribur, c'est seulement le 2 février 1026 que le roi vient prendre à Augsbourg le commandement de l'armée qui devait l'accompagner en Italie. De là il gagne le Brenner. Le 23 mars, il est à Milan où il se fait couronner, afin de témoigner par cette modification aux usages traditionnels son ressentiment envers la population de Pavie. Après Pâques, il va dévaster la campagne autour de la cité rebelle dont il entrave le commerce en coupant toutes ses communications avec le dehors, puis, jugeant inutile d'entreprendre le siège d'une ville aussi bien fortifiée, il se dirige vers le Sud-Est. C'est par Ravenne qu'il veut aller à Rome, en évitant là Toscane dont il redoute l'hostilité. Le séjour dans l'ancienne capitale byzantine est endeuillé par des rixes sanglantes entre la population et les soldats, suivies de brutales mesures de répression. Conrad II, devenu odieux aux habitants, n'ose prolonger son séjour, mais il ne continue pas sa marche sur Rome ; il redoute un été qui s'annonce pénible et envoie son armée se refaire dans les Alpes du Trentin. En octobre, il reprend la route du Sud, traverse cette fois la Toscane dont le marquis Renier se décide enfin à l'assurer de sa fidélité. Le 21 mars 1027, il est aux portes de Rome[182].

COURONNEMENT IMPÉRIAL DE CONRAD II (26 MARS 1027). — Il y est reçu par le pape Jean XIX. Benoît VIII avait devancé Henri II dans la tombe de quelques semaines, en juin 1024. Les comtes de Tusculum s'étaient empressés, pour que la dignité pontificale ne sortît pas de leur famille, de substituer au pape défunt son propre frère, simple laïque qui, si l'on en croit le moine Raoul Glaber, aurait acheté son élection à prix d'argent[183]. Quoi qu'il en soit, Jean XIX, qui n'avait aucune des qualités requises pour devenir successeur de saint Pierre, fit preuve dans le gouvernement de l'Église d'un fâcheux laisser-aller[184]. Envers le roi de Germanie il n'éprouvait aucune hostilité préconçue. Sentant qu'il pouvait avoir besoin de lui pour se maintenir sur le siège apostolique, il l'accueillit fort bien et, le 26 mars 1027, couronna empereur, en présence d'une nombreuse assistance où figuraient notamment les rois Rodolphe III de Bourgogne et Cnut de Danemark. Il posa également le diadème sur le front de la reine Gisèle, bien que l'union du couple royal fût canoniquement illicite[185], mais il n'avait pas le droit de se montrer d'une exigence excessive : sa propre élection n'était-elle pas illégale, puisqu'il avait reçu tous les ordres en un seul jour ?

CONCILE DU LATRAN (6 AVRIL 1027). — D'ailleurs Jean XIX révèle très vite son inexpérience et son insouciance. Un concile se réunit au Latran le 6 avril. D'importantes questions y sont débattues et c'est l'empereur qui leur apporte une solution plus conforme à ses intérêts politiques qu'aux règles canoniques. Un conflit mettait aux prises les patriarches d'Aquilée et de Grado : Poppon d'Aquilée avait profité d'une révolution à Venise et de l'exil du doge Otton Orseolo pour s'introduire à Grado et y implanter son autorité, mais, Orseolo ayant été rappelé, Orso de Grado, rétabli sur son siège, s'était empressé, afin de prévenir une nouvelle usurpation, de faire confirmer par Jean XIX ses privilèges traditionnels. Or, sur l'ordre de Conrad II, dont Poppon était l'ami, le pape, au concile du Latran, proclame, contrairement à sa décision antérieure, que l'évêque de Grado doit reconnaître l'autorité métropolitaine du patriarche d'Aquilée[186]. Il était impossible d'humilier davantage le siège apostolique. Pour Conrad II, en revanche, le succès est double : le, césaro-papisme, en forçant le pape à réformer une décision canonique, enregistre une victoire sans précédent et la puissance impériale, dont Poppon était le meilleur auxiliaire, gagne du terrain dans l'Italie du Nord.

POLITIQUE ITALIENNE DE CONRAD II. — L'empereur s'attarde quelque temps en Italie pour régler toutes choses à sa guise. Par les marches de Spolète et de Camerino, il s'achemine vers l'Adriatique, séjourne, au début de mai, à Ravenne et ensuite à Vérone, où il tient un grand plaid[187]. Au cours de ces diverses étapes, une politique nouvelle se dessine. Henri II s'était appuyé exclusivement sur le haut clergé ; Conrad II ne songe pas à renoncer à ce concours d'une valeur éprouvée, mais il s'attache davantage encore à réconcilier la monarchie allemande avec l'aristocratie laïque, jalouse de l'Église dont elle convoitait les riches domaines. Entre les deux forces qui se partagent l'Italie, il veut tenir la balance égale. En général, on répond favorablement aux avances de l'empereur qui voit venir à lui des hommes tels que Manfred II, marquis de Turin, solidement établi sur le rebord des Alpes, où il tient les comtés de Turin, d'Asti, d'Auriate, et dans la plaine du Pô, où il occupe la citadelle de Suse, ou encore Boniface de Canossa, possesseur des comtés de Modène, Reggio, Mantoue, Brescia, Ferrare. Conrad II enfin s'efforce de pallier à la pénible impression laissée parmi les masses par les excès des troupes allemandes en réduisant les féodaux qui désolaient les campagnes italiennes : le fameux Thasselgart, dans le comté de Fermo, est pendu sur son ordre[188]. Il démontre par là l'utilité bienfaisante du pouvoir impérial, garant de la paix et de l'ordre.

RETOUR DE CONRAD II EN ALLEMAGNE (JUIN 1027). — Jamais l'hégémonie allemande en Italie n'a paru aussi forte. Conrad II peut donc, en juin 1027, repasser les Alpes sans crainte. De sérieuses raisons le rappellent : l'opposition s'est regroupée pendant son absence et les affaires de Pologne nécessitent un sérieux examen. Avec sa méthode habituelle, l'empereur s'applique pendant une année à dompter les résistances qui gênent l'exercice de son autorité absolue, puis, quand il en a triomphé, il s'attelle à la solution de la question polonaise[189].

LUTTE AVEC LA POLOGNE (1028-1031). — Celle-ci se pose en effet avec une acuité nouvelle. Mesko II nourrit à l'égard de l'Allemagne les mêmes sentiments que son père. Au cours de l'année 1028, il a rétabli la situation intérieure et, comme Conrad II refuse toujours de lui reconnaître son titre royal, il se jette sur la Saxe orientale qu'il met à feu et à sang[190]. L'empereur prépare aussitôt sa revanche et, après s'être assuré l'appui des Liutices, concentre, en 1029, une armée à Leitzkau, sur la rive droite de l'Elbe, puis se dirige vers le Sud-Est pour donner la main aux Bohémiens alliés qui, conduits par Bretislas, fils du duc Ulrich, avaient déclenché une attaque en Silésie.

L'expédition aboutit, une fois de plus, à un échec. Comme son père, Mesko resta insaisissable et Conrad II ne put même pas s'emparer de Bautzen. Seuls, les Bohémiens remportèrent quelques succès et recouvrèrent les villes de Moravie qui leur avaient autrefois appartenu. Mesko ne chercha pas à les reprendre. Il préféra, en 1030, exploiter sa victoire en envahissant de nouveau la Saxe. Le pays entre Elbe et Saale fut atrocement dévasté ; plus de cent villages furent incendiés avec leurs églises ; l'on massai a à tort et à travers, en n'épargnant ni les femmes ni les enfants. La résistance finit pourtant par s'organiser et les Polonais furent contraints à la retraite, mais neuf mille prisonniers, dont l'évêque de Brandebourg, restèrent entre leurs mains[191].

Toutefois Conrad II avait tiré la leçon des événements et compris qu'une autre tactique s'imposait. Lorsqu'en 1031 il reprit l'offensive, il n'emmena avec lui qu'une petite armée très légère et très mobile. On ne connaît pas dans le détail les résultats qu'il a obtenus, mais ils durent être heureux, car, un mois après l'entrée en campagne, une paix favorable fut conclue. Mesko, qui avait cependant les moyens de résister, redoutait une attaque des Russes, combinée avec celle des Allemands. Il offrit donc de renoncer aux pays germaniques que son père avait reçus en 1018 et de restituer, avec le butin, les prisonniers qu'il avait faits au cours des campagnes de 1028 et de 1030. Conrad accepta ces propositions, sans reconnaître au duc de Pologne le titre royal qu'ill convoitait. En 1032 ou 1033, Mesko se rendit à Mersebourg et très humblement, sans couronne ni insignes royaux, se prosterna devant l'empereur qui lui accorda son pardon et lui reconnut la possession d'une partie de la Pologne[192]. Les désastres du règne précédent étaient enfin réparés grâce à l'énergie féconde de Conrad II.

INTERVENTION DE CONRAD II EN BOHÊME. — Au même moment, Conrad II signifie à la Bohême qu'elle doit elle aussi se considérer comme vassale du royaume germanique. L'alliance, conclue lors de la compagne de 1029, n'avait pas duré et, pour des raisons que l'on ignore, un refroidissement s'était produit entre les deux pays[193]. En 1032, le duc Ulrich, invité à la diète de Mersebourg, n'y paraît pas et cette abstention déchaîne la colère de l'empereur qui, obligé de se rendre en Bourgogne, charge son fils, Henri, duc de Bavière, de procéder à une exécution. Ulrich se soumet et est envoyé en Bavière ; la Bohême est remise à son frère Jaromir qui, depuis 1012, végétait en prison à Utrecht. Il en résulte une effroyable anarchie qui dure jusqu'au jour où le vainqueur. de la Pologne, Bretislas, devient duc à son tour, succédant à son père Ulrich auquel le pouvoir venait d'être rendu et qui meurt brusquement le 9 novembre 1034. Son premier soin est d'aller jurer fidélité à Conrad II lors de la cour tenue à Bamberg le 18 mai 1035. La Bohême, comme la Pologne, est désormais vassale de l'Allemagne qui devient suzeraine des États situés sur ses frontières orientales[194].

CONRAD II ET LES SLAVES DU NORD. — Au Nord également, les peuples slaves, un moment affranchis de la tutelle germanique, sont contraints de la subir à nouveau. L'activité missionnaire s'est pourtant de plus en plus ralentie pendant le règne de Conrad II, qui n'a pas vu le parti qu'il pouvait tirer de la pénétration chrétienne. Aussi le paganisme a-t-il repris le dessus ; dans les diocèses de Brandebourg et de Havelberg, les évêques ne peuvent plus résider et, à l'exception de Pribigniev-Udon, qui fit élever son fils Godescalc dans la religion chrétienne, les princes des Wagriens et des Obotrites pratiquent le culte des idoles. Toutefois ces peuplades, pas plus que les Liutices, qui fournirent à plusieurs reprises des contingents pendant les luttes contre la Pologne, ne témoignent d'aucune hostilité envers l'Allemagne et, si la guerre reprend en 1033, c'est par la faute des Saxons qui, cette année-là, sans motif plausible, attaquent Werben sur l'Elbe. Conrad II, après avoir essayé tout d'abord d'apaiser le conflit, juge plus sûr d'installer une garnison dans cette place. De là un réel mécontentement des Liutices qui, en 1034 1035, livrent aux Saxons des combats victorieux. Pour les punir, l'empereur à la fin de 1035, saccage leur pays avec la plus sauvage férocité, puis en 1036, avant de partir en Italie où l'appelle l'insurrection des villes lombardes, il fait encore une apparition et impose à ses adversaires un tribut : les Liutices sont de nouveau les vassaux de l'Allemagne, mais lui gardent rancune pour les dévastations commises chez eux et aspirent à la revanche[195].

GUERRE AVEC LES HONGROIS. — Conrad II aurait voulu également étendre la suzeraineté allemande à la Hongrie, mais de ce côté il aboutit à l'échec le plus complet.

A partir du jour où les Magyars, renonçant à leurs incursions, s'étaient fixés dans la plaine du moyen Danube, les empereurs saxons avaient eu les meilleures relations avec eux. Un refroidissement très sensible s'est au contraire produit au début du règne de Conrad II. Peut-être faut-il voir là une conséquence de la rupture de ce prince avec Venise, à propos de la rivalité des patriarches d'Aquilée et de Grado, car le doge Otton Orseolo était gendre du roi de Hongrie, Étienne. D'autre part, en 1028, Conrad II a songé à faire épouser à son fils Henri une fille de l'empereur byzantin, Constantin IX ; ce projet a été mal vu des Hongrois, voisins et rivaux de l'empire grec depuis la victoire de celui-ci sur les Bulgares, à tel point qu'Étienne ne permit pas aux ambassadeurs allemands qui se rendaient à Constantinople de traverser son royaume[196]. Quoi qu'il en soit, en juin 1030, Conrad II force brusquement la frontière hongroise. Il se heurte aussitôt à toutes sortes de difficultés : fleuves, forêts, marécages constituent pour lui autant d'obstacles insurmontables et, par surcroît, la famine vient compléter l'œuvre de la nature. Il faut battre en retraite, et de la magnifique armée qui avait pénétré en Hongrie il ne revient en Allemagne que de lamentables débris[197]. Toutefois le roi Étienne, essentiellement pacifique, ne songeait pas à tirer de sa victoire un parti immodéré et, devant ces dispositions favorables, Conrad II s'empressa de traiter. On ne connaît pas avec précision les clauses territoriales de la convention intervenue, mais il semble que le roi de Hongrie se soit contenté de se faire céder le pays le long du Danube, délimité au Nord par la Leitha[198]. C'était là une bonne frontière pour l'Allemagne ; toutefois le royaume magyar gardait sa pleine indépendance.

ANNEXION DU ROYAUME DE BOURGOGNE. — Grâce à la sécurité obtenue sur les frontières orientales, Conrad II a pu, à la fin de son règne, réaliser, à l'Ouest, une acquisition importante, celle du royaume de Bourgogne.

Henri II avait obtenu du roi Rodolphe III une promesse de succession. Au lendemain de la mort de l'empereur, Rodolphe III, sous la pression de son entourage, essaya de se dégager en soutenant qu'il avait légué ses États à Henri II personnellement et non pas au roi de Germanie, mais une vigoureuse intervention de Conrad II, qui occupa Bâle (1025), l'obligea à composer et à conclure un nouveau traité accordant au successeur de Henri II l'expectative de son propre héritage[199]. Avant de mourir (5 ou 6 septembre 1032), il fit parvenir à Conrad II dont la femme, Gisèle, petite-fille de Conrad le Pacifique, se trouvait être sa propre nièce, la couronne et la lance de Saint-Maurice. Malgré cela, Conrad II vit surgir un compétiteur en la personne d'Eude II, comte de Blois et Champagne, apparenté lui aussi au prince défunt, type du grand feudataire entreprenant et hardi, décidé à risquer les plus périlleuses aventures pour augmenter une puissance territoriale bien assise. Eude fit preuve, en la circonstance, de son audace habituelle : il trouva le moyen de s'emparer des deux places de Morat et de Neuchâtel qui constituaient de solides points d'appui, puis, au moment où Conrad II se préparait à envahir son fief champenois, il pénétra lui-même en Lorraine où l'évêque Brunon réussit pourtant à l'arrêter devant Toul (août 1033). Cela n'empêcha pas Conrad de se faire élire et couronner roi de Bourgogne à Saverne (2 février 1033), de s'assurer dans son nouvel État quelques solides appuis, comme celui du comte de Savoie, Humbert aux Blanches-Mains, de faire en Champagne, après une entrevue à Deville, sur la Meuse, avec le roi de France Henri Ier, la diversion projetée. Eude fut alors contraint de traiter et de renoncer à ses prétentions. Après avoir reçu la soumission de son rival, Conrad II se rendit dans son nouvel État (mai 1034), et la chute de Morat mit fin aux dernières résistances[200].

C'est seulement en 1038 que l'acquisition du royaume de Bourgogne reçut sa consécration définitive. A la fin de septembre ou au début d'octobre de cette année-là, une grande assemblée d'évêques et de prélats se tint a Soleure et Conrad donna à son fils le royaume de Bourgogne[201], ce qui veut dire qu'il l'associa à son pouvoir, le désignant ainsi comme son successeur. Tous les assistants jurèrent fidélité et, à la mort de Conrad II (1039), la transmission du pouvoir s'opéra sans la moindre difficulté.

L'annexion de la Bourgogne reste le grand événement du règne de Conrad II. I] en est résulté pour l'Empire un sérieux accroissement territorial, puisqu'une bonne partie de la Suisse actuelle, avec les pays de la Saône et du Rhône, et même quelques enclaves sur la rive droite de ces cours d'eau, y a été incorporée. L'empereur n'a pas été aussi ' heureux en Italie où il n'a pu implanter la domination allemande.

LA PÉNÉTRATION ALLEMANDE EN ITALIE APRÈS 1027. — Depuis 1027, les progrès de la germanisation n'avaient cessé de s'accentuer dans la péninsule. Pour maintenir l'alliance traditionnelle de la royauté germanique avec l'épiscopat, Conrad II a pensé que le meilleur moyen était de peupler les évêchés de ses créatures à Padoue, Trévise, Belluno, Parme, d'autres villes encore ont reçu, par la volonté de l'empereur et au mépris des règles canoniques, des prélats allemands. A Aquilée le patriarche Poppon, à Ravenne l'archevêque Gebhard se sont appliqués avec une inlassable persévérance à faire des clercs de leurs provinces respectives les agents dévoués de la politique impériale. Seule parmi les métropoles du Nord, Milan oppose quelque résistance : son archevêque, Aribert, a une nature fière et indépendante qui ne peut s'accommoder d'un rôle jugé par trop servile. En revanche, à Rome, la mort de Jean XIX, survenue le 6 novembre 1032, a livré la papauté à un enfant, le neveu du pontife défunt, Théophylacte, qui, élu sous le nom de Benoît IX, songe surtout à mener joyeuse vie ; l'influence du Saint-Siège se trouve ainsi diminuée et l'empereur ne demande qu'à la confisquer à son profit[202]

A l'égard de l'aristocratie laïque, Conrad II a suivi une politique analogue. Au lieu de chercher à briser sa puissance, il lui a infusé du sang allemand par des alliances matrimoniales habilement choisies. Au marquis Albert-Azzon II il a fait épouser la fille du défunt comte bavarois Welf II. Lorsque Manfred, comte de Turin, mourut en 1034 ou 1035, laissant trois filles, il s'empressa de marier l'aînée, Adélaïde, au duc Hermann de Souabe auquel il donna l'investiture des fiefs de son beau-père. Au même moment, Boniface de Montferrat qui, par la volonté de l'empereur, s'était, à la mort du marquis Renier, enrichi de la Toscane (1030), convola avec la propre nièce de l'impératrice, Béatrix, fille du duc de Lorraine, Frédéric, qui était mort en 1033[203].

Ainsi les grands fiefs de l'Italie septentrionale et centrale tendent à se germaniser et, par là même, les foyers d'opposition s'éteignent peu à peu. Le soulèvement des villes lombardes devait permettre à Conrad II de gagner les dernières positions qui restaient à conquérir, mais ses violences allaient mettre fin à son alliance avec l'épiscopat.

SOULÈVEMENT DES VILLES LOMBARDES. — Les villes de la plaine du Pô ont connu, à la fin du Xe et au début du XIe siècle, grâce à la renaissance de la vie économique, une période de réelle prospérité. Pavie, admirablement située au point de convergence des deux passages du Grand Saint-Bernard et du Splügen, s'est enrichie par le commerce du drap ; Crémone et Brescia ont vu se développer celui des grains ; plus à l'Est, Venise, Trévise, Belluno ont pris également une activité de plus en plus grande. Il s'est ainsi formé une classe de marchands qui détient la fortune et supporte mal la domination de l'épiscopat ou des seigneurs laïques dont elle est en général fort jalouse.

D'autre part les mêmes désirs d'indépendance se font jour parmi la féodalité inférieure, celle des valvassores qui s'oppose à celle des capitanei. Ces derniers, devenus tout-puissants, transmettent librement leurs fiefs à leurs descendants, tandis que les autres n'ont obtenu que des concessions temporaires qu'ils rêvent, sans y parvenir, de rendre héréditaires. De là des jalousies et des rancunes qui dégénéreront bientôt en un mouvement violent contre la haute féodalité ecclésiastique ou laïque, hostile aux revendications de ces milites inferiores, comme on les appelle encore quelquefois. Ceux-ci vont avoir recours à la violence et déchaîneront, en 1035-1036, un véritable soulèvement des villes lombardes contre le haut clergé et la haute aristocratie[204].

Le conflit s'annonce dès les premières années du XIe siècle à Turin, où l'évêque est chassé par les vavasseurs, à Brescia, où il est contraint à des concessions, à Crémone surtout où il est également expulsé et où les habitants s'emparent des biens qui appartenaient à l'église. Il est beaucoup plus grave à Milan, où la tyrannie de l'archevêque Aribert était d'une excessive dureté. En 1035, les vavasseurs forment une conjuration qui éclate à la suite de la confiscation des fiefs d'un des leurs. Aribert cherche à négocier, mais en vain. Il réprime alors l'insurrection avec la dernière violence ; les vavasseurs sont obligés de quitter la ville, mais ils trouvent de précieux appuis dans les cités voisines, organisent une armée qui marche sur Milan, rencontre à Campo-Malo les troupes des capitanei et des serviteurs de l'église qu'elle contraint à la retraite, sans pouvoir forcer l'entrée de la capitale lombarde[205].

NOUVELLE EXPÉDITION DE CONRAD II EN ITALIE. — Le soulèvement des vavasseurs a produit en Allemagne une impression profonde. L'empereur peut d'autant moins s'en désintéresser que son appui est sollicité de part et d'autre, mais il se trouve dans un cruel embarras. Personnellement, il a peu de sympathies à l'égard des insurgés. Il éprouve plus d'aversion encore pour l'orgueilleux archevêque qu'il considère comme le pire de ses adversaires. La guerre contre les Liutices lui laisse le temps de réfléchir, de s'informer, puis, quand il a battu les Slaves, il descend en Italie où il va jouer le rôle d'arbitre suprême entre les parties en présence (décembre 1036).

Bien accueilli à Milan, où il s'arrête tout d'abord, Conrad II réunit à Pavie, en mars 1037, une grande assemblée devant laquelle il cite Aribert et les vavasseurs. L'archevêque prend une attitude arrogante qui a le don de l'exaspérer, si bien que cédant à une de ces violentes impulsions dont il est coutumier, il se saisit de lui et le remet à la garde du patriarche Poppon d'Aquilée, en laissant répandre le bruit que le prélat avait conspiré contre sa propre vie, mais Aribert réussit à tromper la surveillance de ses gardiens, à s'enfuir et à rentrer dans Milan où il est acclamé par le menu peuple. Conrad II, de plus en plus furieux, s'en prend à Poppon qu'il accuse de haute trahison, si bien que le patriarche, fort inquiet, s'éloigne à son tour en toute hâte[206].

L'empereur s est aliéné le haut clergé. Pour compenser cette défection, il va se rapprocher de la petite féodalité laïque. Le 28 mai 1037, un diplôme, demeuré fameux, décide que tous ceux, ecclésiastiques et laïques, qui ont reçu un fief, ne peuvent le perdre sans un jugement de leurs pairs et que ceux qui ont été récemment dépouillés doivent recouvrer ce qui leur a été enlevé ; en outre, le principe de l'hérédité des fiefs est solennellement proclamé, non seulement en ligne directe, mais même pour les collatéraux[207]. Une telle législation ne peut manquer d'être agréable aux vavasseurs, tandis qu'elle mécontentera forcément les évêques et les capitanei, obligés à de douloureuses restitutions ; la résistance d'Aribert a conduit l'empereur à modifier l'axe de sa politique.

Conrad II ne retire pourtant pas de cette mesure le bénéfice immédiat qu'il en attendait. Il est obligé de lever le siège de Milan qu'il avait vainement essayé, le 19 mai, d'enlever par un assaut. Un nouvel accès de colère lui fait déposer Aribert de sa propre autorité, sans même réunir un synode, et nommer, à sa place, un chanoine du nom d'Ambroise, ce qui soulève la désapprobation générale. Ambroise n'est reconnu par personne et tous ceux qui auraient scrupule de ne pas suivre les directions de l'Église se rangent derrière l'épiscopat qui serre les rangs autour d'Aribert[208]. La situation devient tout à fait critique. Un mouvement national est à craindre ; il faut à tout prix l'empêcher de se produire.

Pour le prévenir, l'empereur cherche à diviser le haut clergé. Il se réconcilie avec Poppon d'Aquilée qui va au-devant de ses désirs en sollicitant son pardon. Ce succès diplomatique est suivi, en septembre 1037, de victoires militaires en Lombardie, si bien qu'à la fin de l'année, Conrad II peut sans danger gagner la Toscane. Il va au-devant du pape Benoît IX qu'il rencontre à Foligno et obtient de ' lui l'excommunication d'Aribert, sans doute aussi la reconnaissance d'Ambroise comme métropolitain de Milan[209]. Cette décision singulière n'entraîne pourtant pas la soumission de l'archevêque rebelle qui est bien décidé à lutter jusqu'au bout et à se maintenir sur son siège malgré la volonté du pape conjuguée avec celle de l'empereur.

Conrad II ajourne d'ailleurs l'exécution de la sentence. Il médite pour le moment une intervention dans l'Italie méridionale, où le prince de Capoue, Pandolf III, s'efforçait, avec un acharnement méthodique, de détruire ce qui pouvait rester d'influence germanique. Maître de Gaète depuis 1032, l'ambitieux seigneur était parvenu à mettre la main sur le Mont-Cassin et à y installer son protégé, le Calabrais Basile. C'est là ce qui donne prétexte à l'intervention de Conrad II : il somme Pandolf de respecter l'indépendance de l'abbaye, puis pénètre en Campanie, passe au Mont-Cassin, où il installe comme abbé le Bavarois Richer, prononce la déchéance de Pandolf et remet Capoue au prince de Salerne, Guaimar V, neveu de Pandolf, sur la fidélité duquel il se fait quelques illusions, après quoi il se retire. Le prestige germanique paraît rétabli, mais l'accueil qu'ont reçu à Bénévent les troupes impériales laisse clairement entendre qu'au fond les sentiments des populations n'ont pas changé[210].

MORT DE CONRAD II (4 JUIN 1039). — Il semble que Conrad II ait eu hâte de quitter l'Italie, car son armée a beaucoup souffert du climat. Sans passer par Rome, il se dirige en toute hâte vers le Pô qu'il franchit au milieu de juillet 1038. Il ne peut, à cause de l'état sanitaire, aller châtier, comme il l'eût souhaité, l'archevêque de Milan. Par Brescia et Vérone, il regagne l'Allemagne. Les deuils causés par l'épidémie s'accumulent autour de lui : il voit successivement succomber son beau-fils, Hermann de Souabe, et sa belle-fille, Cunégonde, épouse de Henri III[211]. Lui-même tombe malade au printemps de 1039 et meurt le 4 juin, à Utrecht[212].

L'ŒUVRE DE CONRAD II. — Le règne de Conrad II, caractérisé par un retour très accusé à la tradition d'Otton le Grand, a eu, on l'a déjà noté, les plus heureux résultats territoriaux : à l'Est, les pays cédés par Henri II à la Pologne ont été recouvrés ; à l'Ouest, le royaume de Bourgogne a été annexé ; l'Empire s'étend de l'Oder au Rhône et à la Saône. A ne considérer que la carte, des conclusions exclusivement optimistes s'imposeraient et l'on pourrait célébrer l'œuvre réparatrice du premier empereur franconien, mais les deux dernières années du règne ont été franchement néfastes et la crise italienne de 1037-1038 a affaibli une situation très forte au lendemain des victoires sur les Slaves et de l'annexion de la Bourgogne. Par ses violences envers les prélats et son dédaigneux mépris de la loi canonique, Conrad II a détaché de lui l'Église et créé de ce côté une opposition dont vingt ans plus tard l'Empire subira les rudes contre-coups

L'OPPOSITION ECCLÉSIASTIQUE. — Ce prince autoritaire a toujours considéré les évêques comme de simples vassaux. Lorsque Aribert de Milan s'est dressé devant lui, il lui a infligé, pour des-raisons d'ordre purement politique, des sanctions canoniques qu'il n'avait pas qualité pour édicter. De même, à Lyon, l'archevêque Bouchard, coupable lui aussi de rébellion, a été emprisonné sur l'ordre de l'empereur[213]. Cette audacieuse désinvolture a fait scandale et c'est elle qui explique, beaucoup plus encore que la simonie éhontée qui a sévi pendant tout le règne, la désaffection de l'Église à l'égard d'un régime dont jusque là elle n'avait eu qu'à se louer. Sans doute les tentatives d'opposition sont encore timides, mais, à certains indices, on soupçonne la transformation qui est en voie de s'accomplir dans les esprits. N'est-il pas significatif, par exemple, qu'un Gérard de Cambrai affirme toute sa vie son indépendance vis-à-vis de l'empereur ou qu'un Aribon de Mayence, après avoir songé à créer en Allemagne une église nationale, se rende en pèlerinage à Rome au déclin de sa vie pour s'incliner devant ce siège apostolique contre lequel il s'insurgeait si fièrement lors du concile de Seligenstadt[214] ? Après la crise des dernières années du règne, ces tendances ne feront que s'accentuer et seule l'indignité de Benoît IX explique pourquoi le mouvement qui détourne les hommes d'Église de l'empereur vers le pape ne se précipite pas davantage. Pourtant, au début du règne suivant, certains faits, isolés sans doute, mais tels que l'on n'en avait jamais enregistrés, attestent le travail qui. s'opère dans certains milieux ecclésiastiques : un abbé de Gorze déclare, en 1043, que malgré son respect envers l'empereur, il craint et aime davantage le Seigneur, et Wason de Liège affirme, en 1048, que la primauté romaine ne peut être limitée par le même empereur[215].

Henri III a vu le danger et essayé de le conjurer par un retour à la tradition de Henri II, mais son gouvernement réformateur ne pourra se dégager de l'ornière césaro-papiste et, en outre, en élevant à la papauté des hommes dont la haute vertu devait rallier les esprits et les cœurs, il favorisera l'évolution provoquée par des mesures d'un absolutisme irrespectueux des canons de l'Église.

HENRI III. — Henri III qui, au début de juin 1039, succède à Conrad II, est alors âgé de vingt-deux ans. Élevé par sa mère Gisèle, par les évêques Brunon d'Augsbourg et Gilbert de Freising, il est à la fois plus cultivé et plus religieux que son père, mais il hérite de ses instincts dominateurs. Il se rapproche de Henri II par sa modération, par son horreur de la simonie, par son zèle réformateur qui lui a valu les éloges enthousiastes des hommes d'Église, mais, comme Henri II aussi, il entend rester la maître absolu des évêchés, y compris celui de Rome, dont il nomme ou dépose les titulaires, et ne peut concevoir une Église dont il ne serait pas le chef suprême. Il a d'ailleurs une très haute idée de la fonction impériale et par là il se distingue de ses deux prédécesseurs immédiats[216].

POLITIQUE D'APAISEMENT EN ITALIE. — La première préoccupation du nouveau souverain est d'apporter une solution à l'affaire milanaise. L'attitude de son père a choqué ses sentiments personnels et, s'il n'a pas osé manifester publiquement sa réprobation[217], il veut du moins témoigner de son respect pour les canons de l'Église. L'armée italienne, prête à marcher contre Aribert, se dissout aussitôt après la mort de Conrad II et l'archevêque, sensible à ce geste, vient en Allemagne apporter sa soumission (1040) ; il jure fidélité à Henri III, reçoit son pardon, recouvre sa dignité[218]. L'Italie est pacifiée et le roi peut porter son attention vers les frontières orientales où Slaves et Hongrois vont le retenir pendant sept ans.

LUTTE DE HENRI III CONTRE BRETISLAS, DUC DE BOHÊME. — En Bohême, le nouveau duc Bretislas, quoique ayant reçu, le 18 mai 1035, l'investiture de Conrad II et aidé l'empereur dans sa guerre contre les Liutices, nourrissait de vastes ambitions. Il avait profité de l'anarchie qui sévissait en Pologne depuis la mort de Mesko II (10 mai 1034)[219] pour s'emparer de Cracovie, de Gnesen, d'où il avait ramené à Prague les reliques de saint Adalbert, et de Breslau (1039)[220]. La Pologne se trouvait réduite à ses provinces orientales, et c'était autour de la Bohême que paraissait devoir s'agréger désormais le grand empire slave dont la politique impériale avait toujours redouté la formation. Déjà l'évêque de Prague, gardien maintenant des reliques de saint Adalbert, sollicitait de Benoît IX le pallium archiépiscopal, gage de l'émancipation religieuse à l'égard de l'Allemagne et, pour préparer l'indépendance politique, Bretislas négociait une alliance avec le roi Pierre de Hongrie, ennemi lui aussi du royaume germanique.

On comprend que Henri III se soit ému de cette situation qui risquait de compromettre l'œuvre paternelle. En août 1040, remettant à plus tard son couronnement impérial, il réunit une armée en Bavière et essaie de forcer les passages de la forêt de Bohême, mais, après une malencontreuse surprise qui coûte aux Allemands beaucoup de morts, il est obligé de battre en retraite. L'année suivante (1041), il prépare son offensive avec plus de soin, parvient, le 8 septembre, devant Prague et obtient la capitulation de Bretislas qui promet de payer huit mille marcs d'argent, de restituer les prisonniers tombés en son pouvoir et de démolir les fortifications de la forêt de Bohême. Quelques jours plus tard, ce prince ardent et ambitieux paraît devant Henri III à Ratisbonne et reçoit en fief le duché qu'il avait rêvé de transformer en royaume indépendant (22 octobre 1041)[221].

LUTTE CONTRE LES HONGROIS. — Une des raisons qui explique la défaite de Bretislas, après les brillants succès de 1040, c'est la défection de la Hongrie. Ce pays était en proie, depuis la mort du roi Étienne (15 août 1038), aux plus anarchiques convulsions. Le successeur du prince défunt, son neveu Pierre, avait dû fuir devant un compétiteur, Samuel Aba ou Ovo, qui était, plus ou moins apparenté à la famille royale. Excommunié par le pape. il essaya d'abord de se faire reconnaître par Henri III, mais, trouvant sans doute que le roi ne mettait pas assez d'empressement, il se jeta sur l'Allemagne qu'il envahit par la vallée du Danube, puis se retira, chargé de butin, après avoir réédité les traditionnelles incursions qu'Otton le Grand croyait avoir étouffées pour toujours (février 1042)[222].

Henri III riposta presque aussitôt en envahissant la Hongrie par la vallée du Danube (septembre 1042) et en réinstallant comme duc un neveu du roi Étienne dont on ignore le nom, mais à peine s'était-il retiré qu'Ovo réapparaissait et obligeait son compétiteur à s'enfuir en Bohême, en sorte que pratiquement l'expédition n'avait abouti à aucun résultat[223]. En 1043, Henri III, après avoir réuni une flotte sur le Danube, attaque les fortes positions de la Rabaniza, affluent du Raab, mais, au moment où il va donner l'assaut, les Hongrois sollicitent la paix qui cette fois est conclue : Ovo est reconnu, moyennant une forte indemnité et la rétrocession des territoires autrefois abandonnés à Étienne qui formeront en 1045 la nouvelle marche d'Autriche. Tout n'était pas fini cependant : à la suite de nouveaux troubles, Henri III dut venir encore une fois en Hongrie et, après un combat victorieux sur le Raab, il restaura le roi détrôné, Pierre[224].

VICTOIRE DE HENRI III SUR LES SLAVES. — Aux frontières du Nord, Henri III a remporté une autre victoire sur les Liutices qui, après être restés calmes pendant les premières années du règne, sont tombés sur la Saxe en 1045. Ils furent assez vite repoussés. En juin 1046, le roi eut, à la frontière wende, une entrevue avec les princes slaves qui reconnaissaient sa suzeraineté, Bretislas de Bohême, Casimir de Pologne, Zemuzil de Poméranie[225]. Il Consacrait par là les succès qu'il avait remportés au cours des sept dernières années et grâce auxquels il avait affermi et complété la grande œuvre accomplie par son père.

AFFERMISSEMENT DE LA ROYAUTÉ GERMANIQUE EN BOURGOGNE. — Des résultats identiques ont été obtenus à l'Ouest. En 1042, profitant d'un moment d'accalmie aux frontières orientales, Henri III s'est rendu dans son royaume de Bourgogne qu'il a organisé sur le plan d'une parfaite autonomie, avec une chancellerie spéciale qu'il confia à l'archevêque de Besançon, Hugue Ier, tout dévoué à l'empire. Grâce à l'appui de l'Église notamment, à partir de 1046, de l'archevêque de Lyon, Halinard, et aussi du comte de Savoie, Odon, dont la fille Berthe de Maurienne sera fiancée, en 1055, au fils aîné de Henri III, le pouvoir du roi, combattu par Renaud 1er comte de Bourgogne, par Gérold, comte de Genève, et par quelques autres seigneurs, s'est rapidement consolidé dans son royaume bourguignon qui ne lui donnera plus de soucis[226].

MARIAGE DE HENRI III (NOVEMBRE 1043). — Le mariage de Henri III, veuf de la princesse danoise Cunégonde, avec Agnès, fille du duc d'Aquitaine, Guillaume V, célébré à Besançon en novembre 1043, devait resserrer les liens qui l'unissaient à son dernier royaume ; par sa mère, également nommée Agnès, la jeune reine était la petite-fille d'Otte-Guillaume, comte de Bourgogne, auquel Rodolphe III avait dû quelques mauvaises heures[227].

LA QUESTION ITALIENNE. — En 1046, enfin libre de tout souci a l'Est et à l'Ouest, Henri III peut songer à descendre en Italie. Depuis 1043, l'urgence d'un voyage dans la péninsule se faisait vivement sentir. En Lombardie, le meurtre d'un vavasseur par un noble pour un motif d'ordre privé avait déchaîné la guerre civile que ni l'envoi de légats du roi de Germanie, ni la mort d'Aribert (10 janvier 1045) n'avaient réussi à éteindre[228]. A Rome, la population s'était révoltée contre Benoît IX et lui avait substitué, le 22 février 1044, Silvestre III qui dut, au bout de quelques semaines, s'effacer devant son rival, mais celui-ci, bientôt las du pontificat, avait abdiqué, le 1er mai 1045, en faveur de Jean Gratien, archiprêtre romain de Saint-Jean-Porte-Latine qui prit le nom de Grégoire VI[229]. L'Italie méridionale enfin connaissait une période de vive agitation. A la faveur des rivalités entre les princes, les Normands, installés à Aversa par le duc Serge IV de Naples, s'étaient de plus en plus insinués dans le pays ; autour de leur chef, Rainolf qui, en 1042, avait reçu de Guaimar V de Salerne la ville de Gaète, se groupaient maintenant des aventuriers entreprenants et sans scrupules parmi lesquels émergeaient les fils de Tancrède de Hauteville, Guillaume Bras de Fer et Dreu. Ceux-ci, en intervenant dans la lutte entre les Grecs et le Lombard Arduin, avaient réussi à se rendre maîtres de toute la Pouille occidentale, si bien qu'en 1043 l'autorité du basileus se trouvait limitée au littoral apulien, à la Calabre, à Tarente et à la terre d'Otrante. Toutefois la situation était loin d'être désespérée pour Byzance, en raison des divisions qui existaient dans le camp adverse. Si Guillaume Bras de Fer et son frère Dreu, devenu le gendre de Guaimar V de Salerne, mettaient leur activité au service de ce prince, en revanche Guaimar s'entendait mal avec les Normands d'Aversa. L'arrivée de Pandolf III, revenu de Constantinople en 1031, avait amené un nouvel élément de trouble. Bref, l'Italie méridionale se débattait dans la confusion et le moment paraissait propice pour une intervention germanique[230].

HENRI III ET LE SAINT-SIÈGE. — A l'automne de 1046 Henri III franchit les Alpes. Sa seule présence en Lombardie suffit à ramener la paix. Après avoir tenu un concile à Pavie (25 octobre 1046)[231], il se rend à Plaisance où il a une entrevue avec Grégoire VI qu'il prie de convoquer un synode à Sutri. Au cours de cette assemblée, d'un geste impérieux, il dépose le pontife contre lequel il n'avait jusque là élevé aucune objection (20 décembre 1046). Il se prononce en même temps contre l'antipape Silvestre III, puis, dans un autre concile réuni à Rome le 24 décembre, il prend la même sanction à l'égard de Benoît IX, dont la restauration se fût imposée, si Grégoire VI était considéré comme illégitime. Après quoi, sans consulter personne, il substitue aux trois papes déchus son ami, l'évêque de Bamberg, Suidger, qui, après avoir reçu l'assentiment du clergé et du peuple de Rome, est consacré, le jour de Noël, sous le nom de Clément II[232]. Jamais le césaro-papisme ne s'est aussi brutalement affirmé ; Henri III, qui se pique d'être réformateur, a bouleversé toutes les traditions canoniques et, plus audacieux que ne l'avait été son père simoniaque et impie, il a ligoté l'Église romaine dont il a besoin pour briser les dernières résistances italiennes et pour imposer partout l'absolutisme impérial. Un pape allemand est en effet incapable de contrarier sa volonté toute-puissante et de briser l'esclavage impie sous lequel il vient de courber le siège apostolique.

COURONNEMENT IMPÉRIAL DE HENRI III (25 DÉCEMBRE 1046). — Le jour même de sa consécration, Clément II donne la preuve de sa servilité en posant la couronne sur la tête de Henri III et de son épouse, Agnès, puis le nouvel empereur reçoit le titre de patrice des Romains qui lui permettra de se rendre maître de la ville éternelle et des élections pontificales[233]. Après quoi il poursuit sa marche vers le Sud, afin d'achever de réduire l'Italie à sa merci.

HENRI III EN CAMPANIE. — Le premier soin de Henri III est de reprendre Capoue où s'était installé Guaimar de Salerne et de la restituer à Pandolf, afin de rétablir l’équilibre. Ensuite l'empereur décide que les Normands, dont l'appui pouvait assurer la prééminence de l'un ou l'autre des deux princes rivaux, relèveront directement de lui, après quoi il confère à Dreu l'investiture du comté de Pouille et à Rainolf II celle du comté d'Aversa[234].

Cette politique ne manque pas d'habilité. Elle prévient la constitution dans l'Italie méridionale d'un pouvoir fort ; en maintenant la division et le morcellement, Henri III espère étendre enfin la domination germanique jusqu'à l'extrémité de l'Italie. Toutefois un échec devant Bénévent, qui refuse de lui ouvrir ses portes[235], laisse prévoir qu'il faudra encore beaucoup de persévérance pour parvenir à l'un des grands buts poursuivis par la politique impériale depuis Otton le Grand. Henri III, obligé de rentrer en Allemagne où l'appellent d'autres préoccupations, doit renoncer à faire le siège de la ville et son prestige supportera fatalement les conséquences de ce départ précipité.

L'EMPIRE CHRÉTIEN EN 1046. — Il n'en est pas moins vrai que l'époque du couronnement impérial de Henri III marque le point culminant du chemin parcouru depuis 962. Il semble que le programme d'Otton le Grand soit à la veille d'être réalisé. Jamais l'Empire n'a été aussi étendu : non seulement il atteint l'Oder d'un côté, le Rhône et la Saône de l'autre, mais il progresse le long du Danube comme au sud de Rome. Henri III règne sur les trois royaumes de Germanie, de Bourgogne et d'Italie ; Slaves et Hongrois reconnaissent sa suzeraineté. L'Église elle-même est sous la coupe de l'empereur qui s'achemine vers la direction spirituelle et temporelle de la chrétienté où seuls les pays de l'Ouest échappent à son influence. Toutefois sous ces brillantes apparences se dissimulent des causes de faiblesse : l'extension même de l'Empire, le manque de cohésion, l'assimilation incomplète de races très diverses constituent autant de forces dissolvantes. Pour prévenir leur action, il eût fallu une armée solide et des revenus suffisants : or l'empereur ne peut compter que sur les contingents féodaux et sur les ressources domaniales[236]. D'autre part le césaro-papisme, s'il a contribué à la formation de la puissance impériale, en préparera aussi le déclin : Conrad II et Henri III, en allant trop loin dans la voie où s'étaient engagés les Ottons, vont déchaîner la réaction ecclésiastique d'où sortira l'affranchissement de l'Église romaine. De là une crise qui s'ouvrira après la mort de Henri III, mais dont on observe les premiers symptômes à la fin du règne.

LA RÉACTION HONGROISE. — Déjà, pendant l'absence de Henri III, la Hongrie a secoué le joug impérial. Au moment ou le souverain partait pour l'Italie, le roi Pierre était assassiné et les magnats lui substituaient un certain André qui, quoique porté au trône par le parti païen et antiallemand, se fit couronner par l'Église et offrit de reconnaître la suzeraineté germanique. Malgré ces avances, l'évêque de Ratisbonne, avec l'autorisation de Henri III, pénétra en Hongrie pendant l'hiver de 1049-1050 ; il fut battu, mais cette escarmouche fut suivie, en 1051, d'une plus vaste expédition 1 dirigée par l'empereur en personne et qui aboutit à un nouvel échec, infiniment plus grave : l'armée allemande, qui était descendue le long du Danube, dut battre en retraite à travers un pays qu'elle avait dévasté et la famine fit parmi elle de terribles ravages. André offrit la paix. Henri III repoussa ses propositions et, s'entêtant à vouloir venger sa défaite, il alla, en 1052, investir Presbourg dont il ne put s'emparer, bien qu'il eût amené avec lui un puissant matériel de siège. Les Hongrois invaincus échappèrent désormais à la suzeraineté germanique et, en 1054, recommencèrent leurs incursions en ravageant la Carinthie[237].

LA RÉACTION SLAVE. — Les mêmes aspirations à l'indépendance se font jour en Bohême. Jusqu'à sa mort (10 janvier 1055)[238], le duc Bretislas s'est montré le plus fidèle des vassaux et son successeur, son fils Spitignev, s'est, aussitôt après son avènement, rendu à Ratisbonne pour recevoir l'investiture impériale. Cet acte de déférence ne l'empêche pas, peu de temps après, d'expulser tous les Allemands de ses États, ce qui indiquait clairement une nouvelle orientation politique[239]. La mort surprendra Henri III avant qu'il puisse intervenir.

Au même moment (1056), une attaque des Liutices vient rappeler l'existence du péril slave que l'on pouvait croire conjuré en raison des progrès de l'évangélisation à laquelle l'archevêque de Hambourg, Adalbert, un grand prélat, marqué du sceau d'une belle intelligence[240], et le prince chrétien des Obotrites, Godescalc, avaient donné un essor nouveau. Les princes saxons n'arrivent pas à repousser les envahisseurs. Henri III, alors en Italie, revient en toute hâte, mais il arrive pour apprendre, quelques jours avant sa mort, la nouvelle d'une sérieuse défaite sur les bords de la Havel[241]. Une fois de plus l'œuvre d'Otton le Grand, si bien reprise et complétée par les premiers empereurs franconiens, se trouve remise en question.

LA RÉACTION ITALIENNE. — Il en est de même en Italie, où le règne de Henri III, après l'apothéose du couronnement impérial de 1046, finit aussi sous les plus fâcheux auspices.

Tout d'abord l'assassinat de Boniface de Toscane (6 mai 1052) prive l'Empire d'un de ses meilleurs serviteurs. Le prince défunt ne laissait que des enfants mineurs. Aussi sa veuve ; Béatrix, qui possédait déjà des biens en Lorraine, s'empresse-t-elle de revendiquer pour elle le marquisat de Toscane. Henri III ne met aucun empressement à lui donner satisfaction et il en résulte un refroidissement sensible qui s'accentue encore le jour où, sans que l'empereur ait été informé, Béatrix épouse le duc de Lorraine, Godefroy, tête de l'opposition allemande (1054)[242].

L'Italie méridionale est davantage encore un sujet d'alarmes. De nouveaux afflux y grossissent constamment les effectifs normands. Aussitôt après le départ de Henri III, entrent en scène le plus jeune fils de Tancrède, Robert Guiscard, qui s'engage au service de Pandolf III, et Richard qui, à la mort de Rainolf (1047), est choisi comme comte par les habitants d'Aversa. Tous deux sont d'intrépides guerriers, mais aussi de véritables spécialistes du pillage, dont l'astuce proverbiale s'accompagne d'un souverain mépris pour tout ce qui est loyauté ou scrupules ; à leurs yeux le meurtre et le vol ne sont que vétilles sans importance ; pour acquérir des terres, tous les moyens sont bons, quel que soit le dommage qui puisse en résulter pour le prochain, laïque ou ecclésiastique, séculier ou régulier, auquel incombe principalement le devoir de les enrichir le plus largement possible. L'application de tels principes a engendré une terreur favorable au succès de leurs entreprises. Dès 1048, les Normands de Pouille enlèvent Troia, tandis que Robert Guiscard pénètre dans la province de Calabre dont il entend poursuivre la conquête jusqu'à l'expulsion totale des Grecs. Le moment est propice : le gouvernement de Constantinople, accablé de soucis en Orient, ne peut distraire aucun contingent vers l'Italie. Peut-être y a-t-il plus à redouter du côté du Nord où les papes allemands, Clément II (1046-1047), Damase II (1047-1048), Léon IX (1048-1054) travaillent vigoureusement à sauver les intérêts de leur patrie. Léon IX, notamment, essaie de grouper autour de lui les victimes de la rapine normande. Il accueille les doléances des Bénéventins qui, indépendants et isolés, commencent à se repentir de leur attitude envers l'empereur en 1047 et, d'accord avec Henri III qu'il va voir à deux reprises en Allemagne (1049 et 1050), il envoie le cardinal Humbert prendre possession de la ville au nom du Saint-Siège (1051). Il cherche ensuite à s'appuyer sur les petits princes plus ou moins menacés, mais il éprouve des déconvenues, notamment à Salerne où Gisulf, successeur de Guaimar V qui a été assassiné en 1052, est reconnu comme suzerain par les Normands et par suite obligé de les soutenir contre leurs adversaires. Il se rapproche alors des Grecs avec lesquels, en 1053, il essaie de combiner une offensive, mais, au moment où il va opérer sa jonction avec eux dans la Pouille septentrionale, il est attaqué près de Civitate par Richard d'Aversa et Robert Guiscard (23 juin 1053). L'armée pontificale est mise en déroute ; le pape lui-même tombe entre les mains des Normands qui lui rendent la liberté après l'abandon par lui sinon de la ville, du moins de la campagne de Bénévent. Tous les projets de empereur, dont Léon IX n'est en somme que le représentant, s'effondrent : c'est au profit des Normands et non des Allemands que s'opérera la chute définitive de la domination byzantine sur l'Italie méridionale[243].

Ainsi, au sud comme au centre de la péninsule, la situation n'a cessé d'empirer depuis le couronnement impérial. En 1055, Henri III, ému tout à la fois du mariage toscan et de la défaite de Civitate, vient en Italie pour essayer de regagner le terrain perdu, mais il n'aboutit pas à grand'chose. Sans même l'attendre, Godefroy se réfugie en Lorraine. L'empereur se venge en emprisonnant Béatrix qu'il est bien obligé de libérer sans trop tarder. Il envoie une ambassade au Sud, sans faire avancer d'un pas la solution du problème normand, et l'attaque des Liutices le rappelle en Allemagne, avant qu'il ait pu procéder à un règlement général des affaires italiennes[244]. Il ne peut compter que sur le Saint-Siège, mais qu'une révolution à Rome vienne une fois de plus briser les liens dans lesquels l'Empire a enchaîné le Sacerdoce, et c'en est fini de l'hégémonie germanique. Or cette révolution se prépare et l'initiative viendra cette fois non-pas de l'aristocratie romaine, mais du haut clergé, ce qui est infiniment plus grave.

LA RÉACTION ECCLÉSIASTIQUE. — Les symptômes de réaction contre l'asservissement de l'Église à l'empereur, qui se dessinent dès le début du règne, se précisent en effet après l'attentat de 1046. C'est à l'évêque de Liège, Wason, que revient le mérite d'avoir dénoncé les singuliers abus de pouvoir commis par Henri III lors du concile de Sutri. Consulté, après la mort de Clément II (9 octobre 1047) sur le choix d'un nouveau pontife, ce courageux prélat, qui avait donné à l'empereur de multiples preuves de fidélité, n'hésita pas à lui reprocher d'avoir déposé Grégoire VI et nommé, du vivant du pape légitime, un titulaire du siège apostolique, alors que de toute évidence les lois divines et humaines ne lui concédaient pas ce droit, le souverain pontife ne pouvant être jugé par personne si ce n'est par Dieu seul[245]. Précédemment, en 1044, au moment où Henri III manifestait l'intention de déposer l'archevêque de Ravenne, Widger, Wason avait défendu avec la même énergie les droits du pouvoir spirituel et l'indépendance du Sacerdoce[246]. C'était la condamnation de toute la politique religieuse de la dynastie saxonne et de la dynastie franconienne. L'idée d'affranchir l'Église romaine du césaro-papisme impérial prenait ainsi naissance dans l'ancien royaume de Lorraine où, déjà un siècle plus tôt, Rathier de Liège, précurseur de Wason, avait posé, avec une surprenante netteté, le principe de la supériorité de la puissance sacerdotale par rapport à la puissance royale.

POLITIQUE RÉFORMATRICE DE HENRI III. — Henri III a vu le danger et il a essayé de sauver son système religieux par une politique résolument réformatrice. Les papes qu'il a donnés à l'Église, Clément II (1046-1047), Damase II (1047-1048), Léon IX (1048-1054), Victor II (1055-1057) sont tous nimbés d'une auréole de sainteté et, aussi dociles à la volonté de l'empereur qu'à leurs propres impulsions, ils n'ont cessé de combattre les abus qui désolaient le clergé. En 1049, trois conciles, présidés par le pape en personne, se sont tenus successivement à Rome, à Reims, à Mayence, et ont renouvelé les condamnations antérieures contre la simonie et le nicolaïsme, en les accompagnant de sanctions efficaces[247]. Henri III appuie ce mouvement et donne aux décisions synodales force de loi dans tout l'Empire ; cela lui vaut les éloges enthousiastes de Pierre Damien qui le compare à un nouveau Daniel et le félicite d'avoir arraché la chrétienté à la gueule de l'insatiable dragon, en tranchant avec le glaive de la divine vertu les têtes multiples de l'hydre qui a nom simonie[248].

Toutefois Henri III ne change rien à son programme de politique ecclésiastique. Il entend rester le maître absolu des évêchés dont il nomme et, au besoin, dépose les titulaires aussi bien que du siège apostolique, et ne songe nullement à s'incliner devant les canons de l'Église. Or ceux-ci, sous le pontificat de Léon IX, se précisent avec une rigueur nouvelle sous l'influence d'un pape, formé dans le milieu lorrain, et qui, s'il n'a pas osé s'élever contre un souverain auquel il devait sa dignité, n'en était pas moins acquis aux idées nouvelles.

L'ŒUVRE DU PAPE LÉON IX. — Léon IX en effet, sans que l'empereur s'en rendît compte, a forgé les armes qui permettront à ses successeurs de se libérer de l'étreinte césaro-papiste. On lui doit notamment d'avoir donné une vive impulsion aux études de droit canon. C'est dans son entourage qu'a été composée, autour de 1050, la collection dite en 74 titres qui débute par une série de textes empruntés au recueil des Fausses Décrétales, composé vers 850 dans la province de Tours sous le nom d'Isidore, et où, sous le titre significatif De primatu ecclesiæ, sont énoncés les droits et les pouvoirs du pontife romain[249]. Ceux-ci ont été également exposés sous une forme dogmatique dans le traité Adversus Græcorum calumnias, rédigé au nom du pape par un de ses meilleurs auxiliaires, le cardinal Humbert de Moyenmoutier, pour combattre les prétentions du patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire.

Ces idées ont reçu, dès le pontificat de Léon IX, un commencement d'application. Le pape s'est efforcé, par la tenue de conciles plus fréquents, de resserrer les liens qui unissaient à Rome les différentes églises de la chrétienté, de manifester par de continuelles interventions la supériorité de la juridiction pontificale. De plus en plus, les yeux se tournent vers le siège apostolique auquel il ne reste plus qu'à conquérir sa liberté à l'égard de l'Empire. La disparition de Henri III et la minorité de son successeur allaient permettre aux réformateurs lorrains, venus à Rome sous le pontificat de Léon IX[250], de franchir la suprême étape et de porter un coup mortel au césaro-papisme impérial.

MORT DE HENRI III (5 OCTOBRE 1056). — Ainsi, de 1046 à 1056, de tous côtés se pressent les symptômes de crise : les peuples slaves et hongrois tendent à se libérer de la tutelle allemande ; l'Italie balaye la domination germanique ; l'Église, jusque là inféodée à l'Empire, est prête à secouer le joug césaro-papiste. Henri III n'a pu avoir raison de ces diverses tentatives qui sapent l'édifice élevé par ses prédécesseurs. Sa mort (5 octobre 1056)[251] aggrave la situation. Son héritier est un enfant de quatre ans, Henri IV, placé sous la tutelle de sa mère Agnès. Du même coup, les forces de résistance s'affaiblissent et rien ne pourra désormais endiguer-les vagues qui, de tous côtés, déferlent sur l'Empire. Dès 1057, l'Église romaine s'affranchit par l'élection d'Étienne IX[252]. Une période nouvelle s'ouvre dans l'histoire de la chrétienté occidentale.

 

 

 



[1] Sur Otton Ier, voir, outre les ouvrages déjà cités, Karl Hampe, Otto der Grosse dans Meistern der Politik, t. I. Pour le règne d'Otton II, on consultera surtout K. Uhlirz, Jahrbucher des deutschen Reichs unter Otto II und Otto III, Leipzig, 1902. Cf. aussi, pour ces deux règnes et pour les suivants, Richter und Kohl, Annalen des deutschen Reichs im Zeitalter der Ottonen und Salier, t. I, 1890, où l'on trouvera, comme dans les autres volumes des Jahrbucher, un bon nombre de textes. Pour la politique italienne on verra, outre les ouvrages déjà cités de Hartmann, Duchesne et Gay, G. Romano, Le dominazione barbaricheinItalia (395-1024), Milan, 1909 ; pour la politique orientale, voir l'article de H. Brackmann, Die Ostpolitik Ottos des Grossen, dans Historische Zeitschrift, t. CXXXIV, 1926, p. 242-256 ; pour les rapports avec l'Orient, P. E. Schramm, Kaiser Basiletts und Papst in der Zeit der Ottonen, dans Hist. Zeitschrift, t. CXXIX, 1924, p. 424-475.

[2] On connaît surtout ces faits et ceux qui suivent par Liudprand (Historia Ottonis) qui les a parfois déformés dans un sens favorable au souverain dont il est le panégyriste, mais le continuateur de Réginon et Flodoard, a. 962, permettent en général de le contrôler. Cf. Hartmann, Geschichte Italiens im Mittelalter, t. IV, Ire p., p. 3 et suiv.

[3] La lutte contre Bérenger est racontée par le continuateur de Réginon, a. 963. Cf. Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 4-5.

[4] On n'a sur ces événements que le seul témoignage de Liudprand de Crémone (Hist. Ottonis, c. 6-7), qui a sans doute un peu noirci le rôle de Jean XII. D'après Liudprand, une première ambassade de Jean XII serait venue, pendant le siège de San-Leo, pour démentir les faux bruits qui couraient sur le compte du pape et pour reprocher en même temps à Otton de s'être emparé des biens de l'Église romaine. L'empereur aurait alors envoyé à Rome des légats (parmi lesquels Liudprand) qui ne furent pas reçus par le pape et celui-ci, toujours pour tromper Otton, lui aurait dépêché une nouvelle ambassade, au moment même où se terminaient les préparatifs de l'entrée d'Adalbert à Rome. Cf. Köpke et Dümmler, Kaiser Otto der Grosse, p. 344 et suiv.

[5] Liudprand, Hist. Ottonis, c. 8 et suiv. Cf. Héfélé-Leclercq, Histoire des conciles, t. IV, 2e p., p. 805-810 ; L. Duchesne, Les premiers temps de l'État pontifical, p. 339 et suiv. Liudprand s'est efforcé d'atténuer les responsabilités de l'empereur qui n'avait pas qualité pour convoquer un concile ni pour juger le pape. Jean XII a été accusé surtout de débauche et de simonie ; on lui avait également reproché son goût pour la guerre et pour la chasse, ainsi que le meurtre du cardinal-diacre Benoît. Il semble qu'il ait invoqué, pour se défendre, le caractère intangible du pouvoir pontifical, car, dans sa seconde lettre, en date du 22 novembre, Otton s'exprime en ces termes : Aussi longtemps que Judas fut au nombre des apôtres, il eut le pouvoir de lier et de délier, mais lorsqu'il cessa d'en faire partie, il ne conserva plus que celui de se lier lui-même avec une corde.

[6] Sur les discussions auxquelles a donné lieu le privilège de 963, voir A. Fliche, La Réforme Grégorienne, t. I, p. 7, n. 1 ; et Duchesne, op. cit., p. 341-347.

[7] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 1380.

[8] Duchesne, op. cit., p. 346.

[9] Héfélé-Leclercq, op. cit., t. IV, 2e p., p. 812-814.

[10] Duchesne, op. cit., p. 348.

[11] Duchesne, op. cit., p. 348-349.

[12] Héfélé-Leclercq, op. cit., t. IV, Z8 p., p. 816-818. Cf. aussi Duchesne, op. cit., p. 349 ; Hauck, Kirchengeschichte Deutschlands, t. III, p. 236.

[13] Duchesne, op. cit., p. 350-351. Benoît V meurt au même moment, à Hambourg, en laissant une grande réputation de sainteté.

[14] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 380-381 et 403 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 14-15 ; Duchesne, op. cit., p. 351. Il est à remarquer que Liudprand de Crémone passe sous silence la révolte de la Lombardie, que l'on ne connaît que par le continuateur de Réginon, a. 965.

[15] Benoît du Mont-Soracte, Chronicon, c. 39.

[16] Duchesne, op. cit., p. 351-353 ; Köpke et Dümmler, op. cit., p. 412 et suiv. ; Uhlirz, op. cit., p. 9,

[17] Sur les prétentions italiennes d'Otton Ier, voir les excellentes pages de Gay (L'Italie méridionale et l'empire byzantin, p. 295-296), qui montre fort bien, en s'appuyant sur un diplôme d'Otton, en date du 2 novembre 968 (Diplomata, n° 367) et sur un passage de Liudprand (Legatio, c. 7), qu'Otton Ier a revendiqué tous les pays de race et de langue italiennes.

[18] En 944, l'empereur Romain Lécapène a envoyé à Otton Ier une ambassade chargée de présents, puis, après la chute de Lécapène (16 décembre 944), Constantin, en 946, a renouvelé ce geste. La même année, une ambassade allemande se rend à Constantinople. Ce sont là de simples échanges de politesses sans résultats diplomatiques. Cf. Köpke et Dümmler, op. cit., p. 133-134 et 171-173.

[19] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 420-422 ; Gay, op. cit., p. 302-303.

[20] Gay, op. cit., p. 296-299. Sur la formation de la puissance de Pandolf Ier et de Gisulf Ier, cf. ibid., p. 233.

[21] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 436-439 ; Gay, op. cit., p. 304-305.

[22] Liudprand a laissé lui-même un récit de sa légation, dont on trouvera l'essentiel dans Köpke et Dümmler, op. cit., p. 454-456 et dans Gay, op. cit., p. 306-310.

[23] Diplomata, t. I, n° 367.

[24] Telle est du moins l'hypothèse, très plausible, de Köpke et Dümmler, op. cit., p. 461-462.

[25] L'histoire de cette guerre a été entièrement renouvelée, grâce à une judicieuse critique des sources, par Gay, op. cit., p. 310-315, que nous avons suivi de préférence aux précédents historiens.

[26] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 476 et suiv. ; Uhlirz, op. cit., p. 25. Voir aussi G. Wartenberg, Ueber die Herkunft der Théophano, Gemählin Kaisers Otto II dans Byzantinische Zeitschrift, t. IV, 1895, p. 467-480, et P. E. Schramm, article dans Hist. Zeiischr., t. CXXIX, p. 428-436.

[27] Sur la politique slave, voir avant tout l'article de Brackmann, cité dans la première note de ce chapitre, qui a, sur bien des points, renouvelé la question d'une façon tout à fait décisive. Cf. aussi K. Uhlirz, Geschichte des Erzbistums Magdeburg unter den Kaisern aus sâchsischem Hause, Magdebourg, 1887 ; et P. Kehr, Das Erzbistum Magdeburg und die erste Organisation der christlichen Kirche in Polen dans Abhandlungen der Preuss. Akad. der Wissenschaften, 1920, n. 1j

[28] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 385-387.

[29] Hauck, Kirchengeschichte Deutschlands, t. III, p. IOZ-108.

[30] Diplomata, t. I, n° 14 et 15.

[31] On trouvera les actes des conciles dans Mansi, t. XVIII, col. 499 et suiv. Cf. Héfélé-Leclercq, op. cit., t. IV, 2e p., p. 827-829 ; et Jaffé-Wattenbach, 3690. La fondation de l'archevêché de Magdebourg a suscité les plus vives protestations de la part de l'évêque d'Halberstadt, dont relevait la ville de Magdebourg, et de l'archevêque de Mayence qui soutint son suffragant. On trouvera l'exposé du conflit de ces prélats avec Otton Ier dans la dissertation de Uhlirz et dans Hauck, op. cit., t. III, p. II3-I27.

[32] C'est ce qu'a fort bien montré M. Brackmann dans l'article cité.

[33] Hauck, op. cit., t. III, p. 130-136.

[34] Jaffé-Wattenbach, 3728. Cf. Hauck, op. cit., t. III, p. 128, n. 6.

[35] Hauck, op. cit., t. III, p. 136-141.

[36] Brackmann, article cité, p. 243-252 ; Hauck, op. cit., t. III, p. 200-202.

[37] Brackmann, article cité, p 252-254. Cf. aussi W. Schulte, Die Gründung des Bisthums Prag dans Historisches Jahrbuch, t. XXII, I90r.

[38] Hauck, op. cit., t. III, p. 155 et suiv. Sur Piligrim, voir Dümmler, Piligrim von Passau, 1854 ; Schröder, Passavia sacra, 1879, p. 77 et suiv.

[39] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 494-495.

[40] Hauck, op. cit., t. III, p. 171-182 ; Köpke et Dümmler, op. cit., p. 495-497 ; Brackmann, article cité, p. 254-255.

[41] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 498-499 ; Brackmann, article cité, p. 254.

[42] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 510, n. 1.

[43] Voir à ce sujet le témoignage de Thietmar, III, 1.

[44] Uhlirz, op. cit., p. 31.

[45] Voir chapitre III.

[46] Bretholz, Geschichte Bohmens und Mährens, p. 107 ; Uhlirz, op. cit., p. 54.

[47] Uhlirz, op. cit., p. 55-56. Cette invasion danoise sera, il est vrai, facilement repoussée par le duc de Saxe, Bernard, et par le comte de Stade, Henri, qui contraignirent Harald à demander la paix.

[48] Voir Hauck, op. cit., t. III, p. 239 et Brackmann, article cité, p. 247-254.

[49] Sur ces événements voir : Uhlirz, op. cit., p. 57 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 68-69 ; Duchesne, op. cit., p. 353-354 ; Gregorovius, Geschichte der Stadt Rom im Mittelalter, t. III, p. 363 et suiv.

[50] Diplomata, t. II, n° 231.

[51] Uhlirz, op. cit., p. 139-140.

[52] Héfélé-Leclercq, op. cit., t. IV, 2e p., p. 835-836 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 71-74 ; Uhlirz, op. cit., p. 152.

[53] Hartmann, op. cit., t. IV, Ira p., p. 73 ; Uhlirz, op. cit., p. 151.

[54] Gay, op. cit., p. 331-333.

[55] Thietmar, III, 12. Cf. Gay, op. cit., p. 328 et suiv., où cette politique d'Otton II a été bien mise en lumière.

[56] Voir Gay, op. cit., p. 333 et suiv., qui, en indiquant à nouveau les différentes versions, a modifié l'opinion que l'on avait auparavant sur cette première partie de l'expédition.

[57] Il ne semble pas qu'il y ait lieu de modifier l'indication in civitate Columnæ donnée par Lupus Protospatarius. M. Gay, op. cit., p. 337, place la bataille plus au Sud, à Stilo.

[58] Gay, op. cit., p. 335-340 ; Uhlirz, op. cit., p. 155-182 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., 82-83.

[59] D'après Gerbert (epist. 11 et 12), l'empereur aurait été irrespectueusement traité d'âne.

[60] Uhlirz, op. cit., p. 63 et suiv., Bretholz, op. cit., p. 107-108.

[61] Hauck, op. cit., t. III, p. 196 ; Bretholz, op. cit., p. 84 et suiv.

[62] Hauck, op. cit., t. III, p. 143-146. A la mort de l'archevêque de Magdebourg, Adalbert, Otton II a promu sut ce siège l'évêque de Mersebourg, Gisiler, auquel il n'a pas donné de successeur dans son diocèse.

[63] Hauck, op. cit,, t. III, p. 251-352.

[64] Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 85-86.

[65] Uhlirz, op. cit., p. 185-187 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 86-88.

[66] Uhlirz, op. cit., p. 188-195 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 89-90.

[67] Diplomata, t. II, n° 316-317.

[68] Duchesne, op. cit., p. 355.

[69] Uhlirz, op. cit., p. 206 ; Duchesne, op. cit., p. 355.

[70] On connaît surtout cette offensive slave par Thietmar III, 18 et 19. Cf. Hauck, op. cit., t. III, p. 251-252.

[71] Bretholz, op. cit., p. 88-90 ; Hauck, op. cit., t. III, p. 244 et suiv.

[72] Uhlirz, op. cit., p. 208, tout en constatant l'échec de la politique d'Otton II, note que du moins l'empereur a affaibli l'opposition en Bavière et en Lorraine, affermi la frontière du côté du Danemark et de la France. Ce jugement est trop optimiste : comme on le verra dans les chapitres suivants, l'opposition bavaroise ne tardera pas à reprendre son acuité et le Danemark connaîtra, à la fin du Xe et au début du XIe siècle, un essor extraordinaire que la politique impériale n'a pas su prévenir ni empêcher.

[73] Pour l'Allemagne, cf. infra, chapitre III. Pour la situation en Italie, voir Duchesne, op. cit., p. 355 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 96-97. Cf. aussi M. Hôlzer, Die Streit und die Nachfolge Kaisers Ottos II, Luckau, 1895.

[74] Comme l'a fort bien observé P. Kehr, Zur Geschichte Ottos III dans Historische Zeitschrift, t. CLXVI, 1891, et p. 415 et suiv. la régence a été tout d'abord partagée entre les impératrices Adélaïde, veuve d'Otton Ier et Théophano, veuve d'Otton II, mais les deux femmes s'entendirent mal et dès le printemps de 985 Théophano réussit à éliminer sa belle-mère.

[75] Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 96-97. Sur Hugue de Toscane, voir Davidsohn, Geschichte von Florenz, t. I, p. 102 et suiv.

[76] Duchesne, op. cit., p. 355-357 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 97-99.

[77] Bretholz, op. cit., p. 110-111.

[78] Hauck, op. cit., t. III, p. 253.

[79] Thietmar, IV, 10 ; Annales Quedlinbursenses, a. 991.

[80] Thietmar, IV, 10.

[81] Cf. P. Kehr, article cité, p. 430-432.

[82] Thietmar, IV, 13-15 ; Annales Hildesheimenses 991-995.

[83] Hauck, op. cit., t. III, p. 254. Willigis ne s'est pas désintéressé non plus de la Bohême. Afin de christianiser le duché où le paganisme avait repris ses positions anciennes, il a, au concile romain de 992, provoqué le retour d'Adalbert à Prague, mais le malheureux prélat, en butte à la constante hostilité de Boleslas que manœuvrait le parti païen a dû, au bout d'un an, fuir devant la persécution. Cf. Hauck, op. çit., t. III, p. 248-250 ; Bretholz, op. çit,, p. 90-92 et 110 113 ; Voigt, Adalbert von Prag, Berlin, 1898, p. 260 et suiv.

[84] Le règne d'Otton III n'a pas encore été traité dans la série des Jahrbücher der deutschen Geschichte publiée par l'Académie de Munich, le volume d'Uhlirz, s'arrêtant, malgré son titre, à la mort d'Otton II. Outre les ouvrages généraux précédemment mentionnés, on pourra utilement consulter : P. Kehr, Die Urkunden Ottos III, Innsbruck, 1890 et Zur Geschichte Ottos III dans Histotische Zeitschrift, t. LXVI, 1891, p. 385-443 ; P. E. Schramm, Studien zur Geschichte Kaisers Ottos III, Diss. Heidelberg, 1923 ; M. Ter Braak, Otto III, Ideal und Praxis im friihen Mittelalter, Amsterdam, 1928.

[85] Le dernier historien d'Otton III, M. Ter Braak, op. cit., p. 1-40, a bien montré toute la complexité du personnage et a légitimement reproché à ses devanciers d'avoir trop négligé l'examen des idées religieuses et ascétiques de l'empereur dont il faut tenir le plus grand compte si l'on veut pénétrer cette extraordinaire personnalité.

[86] Sur ce personnage, voir P. E. Schramm, Kaiser, Basileus und Papst in der Zeit der Ottonen, dans Historische Zeitschrift, t. CXXIX, p. 443 et suiv.

[87] Gerbert, epist. 26.

[88] Sur les tendances ascétiques d'Otton III, cf. M. Ter Braak, op. cit, p. 208-239.

[89] Gerbert, epist. 185, 186, 187. Cf. C. Lux, Papt Silvester II, Einfluss auf die Politik Kaisers Ottos III, Bresslau£i898.

[90] Sur Adalbert, voir Hauck, op. çit., t. III, p. 248-250 ; Bretholz, op. çit,, p. 90-92 et 110 113 ; Voigt, Adalbert von Prag, Berlin, 1898, p. 260 et suiv. ; sur saint Nil, on consultera les excellentes pages de Gay, op. cit.. p. 376 et suiv.

[91] Diplomata, t. II, n° 390, p. 821.

[92] M. Dietrich Schäfer, dans sa brève mais fort intéressante histoire d'Allemagne, estime (p. 178 et suiv.) que l'idée de monarchie universelle, sous l'empire ottonien, n'est pas sortie du domaine des idées et n'a subi aucun commencement de réalisation ; que les interventions extérieures des empereurs dérivent d'une volonté de conquête et non d'un souci d'ordre plus général. Cette appréciation est très exacte pouf les deux premiers Ottons, mais, en ce qui concerne le troisième, elle semble plus difficile à admettre

[93] On trouvera un bon portrait d'Otton III dans Hauck, op. cit., t. III, p. 255 et suiv., et une analyse fort intéressante de ses idées dans M. Ter Braak, op. cit., p. 28 et suiv. M. Ter Braak remarque fort justement que les idées d'Otton III ne sont pas nouvelles, qu'on les trouve chez la plupart de ses contemporains et notamment chez Gerbert ; ce qui est nouveau, c'est leur interprétation, c'est l'essai d'application, et malheureusement l'empereur est mort trop jeune pour que l'on puisse même soupçonner ce que ce programme eût pu donner pratiquement.

[94] Sur la situation de l'Italie en 996, voir surtout Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 99-100. Cf. aussi F. Schneider, Papst Johann XV und Ottos Romfahrt dans Mitteilungen des Instituts fur œster. Geschichtsforschung, t. XXXIX, 1923, p. 193-218.

[95] Duchesne, op. cit., p. 357-358 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 100 101.

[96] Duchesne, op. cit., p. 358 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire, p., p. 101.

[97] Duchesne et Hartmann, loc. cit.

[98] Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p. p. 109-110 ; Hauck, op. cit., t. III, p. 266.

[99] Annales Quedlinburgenses, a. 997.

[100] Duchesne, op. cit., p. 359-360 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 110-111.

[101] Duchesne, op. cit., p. 360-361 ; Hartmann, op. cit.. t. IV, Ire p., p. 112-114.

[102] Cf. Vita S Nili, c. 93 et suiv.

[103] Hartmann, op. cit., t. IV, 1re p., p. 123-125 ; Gay, op. cit., p. 370-375.

[104] Duchesne, op. cit., p. 362 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 125.

[105] Hauck, op. cit., t. III, p. 267-268.

[106] On verra plus loin quelle a été son attitude dans la fameuse affaire du siège de Reims, sur lequel il a rétabli Arnoul, déposé par les évêques français. Aux conciles de Pavie (janvier 997) et de Rome (mai 998), il a excommunié ou déposé des évêques simoniaques. En outre, à ce dernier synode, il a suspendu les évêques français qui avaient consenti à l'union incestueuse du roi Robert avec sa cousine, Berthe. Cf. Héfélé-Leclercq, op. cit., t. IV, 2e p., p. 886 et 890-891.

[107] Duchesne, op. cit., p. 362 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 125. Sur Silvestre II, outre l'ouvrage déjà cité de Lux, on pourra consulter, parmi l'abondante littérature dont ce pape a été l'objet : F. Picavet, Gerbert, un pape philosophe, d'après l'histoire et la légende, Paris, 1897 ; K. Schultess, Papst Silvester II (Gerbert) als Lehrer und Staatsmann, Hambourg, 1891 ; Fr. Eichengrun, Gerbert (Silvester II) als Personlichkeit, Berlin et- Leipzig, 1928

[108] Sur l'affaire de Gandersheim, voir Hauck, op. cit., t. III, p. 268-270. L'abbaye de Gandersheim, où Sophie, sœur d'Otton III, avait pris le voile, était sur les confins des deux diocèses de Mayence et d'Hildesheim. En 1000, l'abbesse Gerberge invita l'archevêque de Mayence, Willigis, à venir y consacrer une église nouvellement bâtie ; l'évêque d'Hildesheim, considérant que c'était là une atteinte à ses droits, protesta avec la dernière énergie et suscita ainsi l'intervention pontificale. Ce débat était loin d'être terminé à la mort d'Otton III et.de Silvestre II.

[109] Hauck, op, cit., t. III, p. 271-272. On a beaucoup discuté sur l'authenticité de la bulle adressée à Waïk par Silvestre II (J. W. 3909), mais le fait même de la création par le pape en Hongrie d'une royauté nationale et indépendante reste indiscutable.

[110] Hauck, op. cit., t. III, p. 272-273.

[111] Hauck, op. cit., t. III, p. 256-257.

[112] Annales Quedlinburgenses, a. 999. C'est à Mathilde qu'Otton III avait confié l'administration du royaume germanique pendant son absence, avec l'archevêque de Mayence, Willigis, comme principal conseiller.

[113] Sur son itinéraire en 1000, voir Annales Quedlinburgenses, a. 1000 ; Thietmar, IV, 44-45 ; Diplomata, t. II, n° 362 et suiv.

[114] Gerbert, epist. 187.

[115] Certains historiens ont poussé trop loin les analogies entre la cour d'Otton III et la cour byzantine. Les choses ont été très heureusement remises au point par L. Halphen, La cour d'Otton III à Rome (998-1001) dans Mélanges d'archéologie et d'histoire de l'École française de Rome, t. XXV, 1905, p. 349-363.

[116] Schramm, article cité, p. 449 et suiv.

[117] Thietmar, IV, 47.

[118] On trouvera plusieurs textes intéressants dans Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 156, n. 26 et 27. Sur l'organisation de la chancellerie, voir surtout l'article de P. Kehr, Zur Geschicht, Ottos III dans Historische Zeitschrift, t. LXVI, p. 394 et suiv.

[119] Diplomata, t. II, n° 389, p. 818-820.

[120] Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 127-132. Cf. aussi Loewenfeld, Leo von Vercelli, Posen, 1877.

[121] Duchesne, op. cit., p. 363-364 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 140 et suiv. ; Gay, op. cit., p. 373-374.

[122] Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 149-152.

[123] Pour le règne de Henri II, la principale source est la chronique de Thietmar de Mersebourg, que complètent très heureusement les annales d'Hildesheim et de Quedlinbourg, déjà utilisées pour le règne précédent. Voir : S. Hirsch, Jahrbücher des deutschen Reichs unter Heinrich II, herausgegeben von R. Uringer, H. Pabst und H. Bresslau. Leipzig, 1862-1874, 3 vol. On trouvera un résumé fidèle et consciencieux du règne dans H. Lesêtre, Saint Henri, Paris, 7e édit., 1926, et quelques bonnes pages sur les rapports de Henri II avec la papauté et l'Église, dans Gay, Les papes du XIe siècle et la chrétienté, Paris, 1926.

[124] On trouvera un très bon portrait de Henri II dans Hauck, op. cit., t. III, p. 391 et suiv. Celui de Lesêtre, op. cit., sent un peu trop le panégyrique.

[125] Bretholz, op. cit., p. 113 et suiv.

[126] Hirsch, op. cit., t. I, p. 204-211.

[127] Hartmann, op. cit., IV, Ire p., p. 163-164 ; Hirsch, op. cit., t. I, p. 235-242.

[128] Duchesne, op. cit., p. 365-366 ; Hartmann, op. cit., t. IV, 1re p., p. 172-173.

[129] Bretholz, op. cit., p. 113-118 ; Hirsch, op. cit., t. I, p. 231-232 et 251-253.

[130] Sur la première guerre avec la Pologne, voir le récit de Thietmar, VI, 2, et Hirsch, op. cit., t. I, p. 252 et suiv.

[131] Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 164-169 ; Hirsch, op. cit., t. I, p. 300-315.

[132] On connaît surtout cette expédition par Thietmar, VI, 8, avec lequel les sources bohémiennes ne concordent pas toujours. Cf. Hirsch, op. cit., t. I, p. 316-322.

[133] Thietmar, VI, II et suiv. Cf. Hirsch, op. cit., t. I, p. 322-326 et 367-370. — Thietmar fait allusion à des négociations qui auraient eu lieu, au même moment, entre Henri II et les Slaves, mais il ne donne aucune précision. Il est possible que le roi, poursuivant l'organisation de la paix, ait cherché, après avoir vaincu la Pologne, à provoquer une entente générale avec tous les peuples établis le long des frontières allemandes.

[134] Thietmar, VI, 24 et suiv. Cf. Hirsch, op. cit., t. II, p. 14-15 et 291-293.

[135] Bretholz, op. cit., p. 118.

[136] Hirsch, op. cit., t. II, p. 327-337.

[137] Bretholz, op cit., p. 119 ; Hirsch, op. cit., t. II, p. 337-339.

[138] Thietmar, VI, 55 ; Annales Quedlinburgeuses, a. 1013. Cf. Hirsch, op. cit., t. II, p. 392-393.

[139] Sur les rapports d'Arduin et de Léon de Verceil, voir Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 169 et suiv.

[140] Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 171-175 ; Duchesne, op. cit., p. 366-369 ; Hauck, op. cit., t. III, p. 516-519 ; Gregorovius, Geschichtt der Stadt Rom, t. IV, p. 1 et suiv.

[141] Duchesne, op cit., p. 368-369 ; Hartmann, op. cit., t. IV, Ire p., p. 176-182 ; Hirsch, op. cit., t. II, p. 413 et suiv. ; Gay, op. cit., p. 72-73.

[142] Hartmann, op. cit., t. IV, Ire, p., p. 178-180 ; Hirsch, op. cit., t. II, p. 438.

[143] Hirsch, op. cit., t. III, p. 11-23.

[144] Hirsch, op. cit., t. III, p. 48-64.

[145] Thietmar, VIII, 1.

[146] Hirsch, op. cit., t. III, p. 93-96 ; Hauck, op cit., t. III, p. 647-649. Il semble bien comme le remarque Hauck, que Henri II ait craint, en combattant trop ouvertement le paganisme, de rejeter les Slaves du côté polonais. De là cette politique d'abstention qui s'est traduite par un ralentissement du mouvement missionnaire et a quelque peu surpris les contemporains chez un empereur foncièrement chrétien.

[147] Hirsch, op. cit., t. III, p. 185 et suiv.

[148] Sur la fondation de l'évêché de Bamberg et les difficultés auxquelles elle a donné lieu avec l'évêque de Würtzbourg, cf. Hauck, op. cit., t. III, p. 418 et suiv.

[149] Pirenne, Histoire de Belgique, t. I, p. 101 ; Hirsch, op. cit., t. I, p. 401-403 et t. II, p. 14-15.

[150] Pirenne, op. cit., t. I, p. 102 ; Hirsch, op. cit., t. II, p. 317-324.

[151] Pirenne, op. cit., t. I, p. 102-103.

[152] Les origines de l'intervention de Henri II sont assez obscures. Dès 1006, pour des raisons en somme inconnues, Henri a annexé la ville de Baie (cf. Hirsch, op. cit., t. I, p. 391 et Poupardin, Le royaume de Bourgogne, p. 120, n. 3). On sait d'autre part qu'avant l'entrevue de Strasbourg, en 1016, l'empereur a mandé Rodolphe à Bamberg et que le roi, n'osant abandonner ses États de crainte, sans doute, d'être dépouillé de la couronne en son absence, pria Henri II de venir jusqu'à lui. Cf. Poupardin, op. cit., p. 123-126.

[153] Sur les caractères de ce traité, cf. Poupardin, op. cit., p. 126-128.

[154] Poupardin, op. cit., p. 128-136.

[155] Sur la date de cette lettre, cf. Poupardin, op. cit., p. 121, n. 8.

[156] Telle est l'hypothèse fort ingénieuse de Poupardin, op. cit., p. 123.

[157] Duchesne, op. cit., p. 369 ; Hirsch, op. cit., t. III, p. 132-134.

[158] Gay, op. cit., p. 399 et suiv. ; Chalandon, Histoire de la domination normande en Italie et en Sicile, t. I, p. 42 et suiv.

[159] Hirsch, op. cit., t. III, p. 134.

[160] Hirsch, op. cit., t. III, p. 138-143.

[161] Il y a tout lieu de penser avec Hauck, op. cit., t. III, p. 523-525 que c'est l'empereur, qui a convoqué le pape, mais il est difficile d'admettre avec lui que la question de l'Italie méridionale ait été étrangère à cette convocation.

[162] Gay, op. cit., p. 419 et suiv.

[163] Hauck, op. cit., t. III, p. 433-435.

[164] Héfélé-Leclercq, op. cit., t. IV, 2e p., p. 905-907 et 907-908.

[165] Héfélé-Leclercq, op. cit., t. IV, 2e p., p. 908-910 ; Hauck, op. cit., t. III, p. 429 ; Fliche, Réforme grégorienne, t. I, p. 98. Sur la date de ces diverses assemblées, cf. Réforme grégorienne, I, p. 98, n. 2.

[166] Mansi, t. XIX, p. 343. Cf. Réforme grégorienne, t. I, p. 98.

[167] Sur la réforme des abbayes allemandes, voir Hauck, op. cit., t. III, p. 499 et suiv., qui devra être rectifié à l'aide de l'article de E. Sabbe, Note sur la réforme de Richard de Saint-Vannes dans les Pays-Bas, dans Revue belge et philologie et d'histoire, t. VII, 1928, p. 556-570.

[168] Réforme grégorienne, t. I, p. 100.

[169] Hauck, op. cit., t. III, p. 408-409 et 449 et suiv. ; Réforme grégorienne, t. I, p. 97.

[170] Hauck, op. cit., t. III, p. 411-418.

[171] Hauck, op. cit., t. III, p. 443-449, 458-460, 478-499. Voir aussi Diplomata, t. III, n° 371.

[172] Hauck, op. cit., t. III, p. 521 et suiv.

[173] Héfélé-Leclercq, op. cit., t. IV, 2e p., p. 923 ; Hauck, op. cit., t. III, p. 534-535.

[174] Hirsch, op. cit., t. III, p. 298-300.

[175] Les deux ouvrages, essentiels pour cette période sont : H. Bresslau, Jahrbücher des deutschen Reichs unter Konrad II, Leipzig, 1879-1884, 2 vol., et E. Steindorff, Jahrbücher des deutschen Reichs unter Heinrich III, Leipzig, 1874. On y trouvera tous les textes provenant des diverses annales, plus nombreuses surtout pour le dernier règne. Conrad II et Henri III ont trouvé un biographe assez impartial en la personne de Wipon, De Gestis Chonradi et Heinrici. Cf. aussi J. Harttung, Studien sur Geschichte Konrads II, Bonn, 1876 ; J. von Pflugk-Harttung, Untersuchungen zur Geschichte Konrads II, Stuttgart, I890.

[176] C'est ce qui arrive au début du règne, en 1025, à Liège où Rainard a acheté sa dignité à Conrad II, et à Bâle où Ulrich a fait de même. On ne compte, sous le règne de Conrad II, que deux élections qui n'aient pas été entachées de simonie ; ce sont celles de Brunon (le futur Léon IX), à Toul et de Nithard, à Liège. Cf. Réforme grégorienne, t. I, p. 101-102.

[177] Bresslau, op. cit., t. I, p. 52-54. Il ne semble pas que l'autorisation du pape ait été sollicitée et il est probable que Boleslas s’est fait couronner par l'archevêque de Gnesen, sans demander l'avis de personne.

[178] Bresslau, op. cit., t. I, p. 98-101.

[179] Bresslau, op. cit., t. I, p. 101-104.

[180] Bresslau, op. cit., t. I, p. 68.

[181] On connaît surtout ces négociations par le chroniqueur milanais, Arnulf, et par la correspondance de Guillaume V avec le marquis de Turin, Manfred. Cf. Bresslau, op. cit., t. I, p. 72-79 et 106-113.

[182] Pour l'itinéraire de Conrad II, voir Wipon, c. 11-15 et Diplomata, t. IV, n° 51 et suiv. Cf. Bresslau, op. cit., t. I, p. 116-139.

[183] Raoul Glaber, IV, 1.

[184] Sur le gouvernement de Jean XIX, voir surtout Hauck, op. cit., t. III, p, 556 et suiv.

[185] Hauck, op. cit., t. III, p. 558 ; Bresslau, t. I, p. 139-140.

[186] Héfélé-Leclercq, op. cit., t. IV, 2e p., p. 944-945.

[187] Sur l'itinéraire de Conrad II, cf. Stumpf, n08 1944 et suiv. On a longtemps placé à ce moment (cf. Bresslau, op. cit., t. I, p. 132) une première expédition de Conrad II dans l'Italie méridionale. M. Gay a prouvé (op. cit., p. 442-443) que Wipon, le seul écrivain qui en parle, a certainement confondu Campanie et Apulie.

[188] Bresslau, op. cit., t. I, p. 178-180.

[189] Son activité extérieure, pendant cette période, se traduit uniquement par une négociation matrimoniale, à laquelle il ne semble avoir attaché qu'une médiocre importance, avec la cour byzantine. Il s'agissait de faire épouser au fils de Conrad, le futur Henri III, une fille de l'empereur Constantin IX, mais la mort soudaine du basileus fit avorter le projet. Cf. Bresslau, op. cit., t. I, p. 232-234 et 271-275.

[190] Annales Hildesheimenses, a. 1028. Cf. Bresslau, op. cit., t. I, p. 246 et suiv.

[191] Bresslau, op. cit., t. I, p. 276-279 et 289-292.

[192] Bresslau, op. cit., t. I, p. 327-334 et t. II, p. 6-9 et 79-81 Cf. aussi J. R. Dieterich, Die Polenkriege Konrads II und die Friede von Merseburg, Giessen, 1895. — La chronologie des derniers événements est très obscure par suite des contradictions entre les textes. Certaines sources placent en juillet 1032 la venue de Mesko à Mersebourg ; d'autres parlent, cette année-là, d'une nouvelle campagne de Conrad II en Pologne, auquel cas il faudrait reporter la conclusion du traité à la cour tenue à Mersebourg le 29 juin 1033. De même, on ne sait pas exactement quel a été le sort réservé à la Pologne. Suivant Wipon et les Annales Hildesheimenses, elle aurait été partagée entre Mesko II et son parent, Thierry de Wettin, mais celui-ci aurait été très vite éliminé.

[193] Il est possible que Conrad II ait été jaloux, en 1029, des succès bohémiens, alors que ses propres troupes étaient battues. Le même fait se reproduisit l'année suivante, au cours d'une campagne en Hongrie. Ce qui est certain, c'est que le duc Ulrich n'a pas participé à la guerre de 1031 contre la Pologne.

[194] Bresslau, op. cit., t. II, p. 84-85, 98, 101-102, 120-121, 131-133 ; Bretholz, op. cit., p. 128.

[195] Bresslau, op. cit., t. II, p. 89-98, 131-132, 150-152 et 216-217.

[196] Bresslau, op. cit., 1.1, p. 296, voit dans le projet de mariage byzantin la cause essentielle de la rupture entre Conrad II et la Hongrie ; la chronologie des événements semble bien autoriser cette hypothèse.

[197] Bretislas et les Bohémiens, encore alliés aux Allemands, avaient du moins remporté quelques succès et poussé jusqu'à Gran.

[198] Bresslau, op. cit., t. II, p. 294-301 et 311-313.

[199] Sur ces événements, voir Poupardin, Le royaume de Bourgogne (888-1038), p. 136-144.

[200] Poupardin, op. cit., p. 145 et suiv. Sur Eude de Blois, cf. Lux, Eudes II, comte de Blois. Troyes, 1892. — En 1037, Eude, profitant d'une absence de Conrad II, envahira encore une fois la Lorraine, mais il sera battu à Bar (15 novembre) et périra dans la mêlée.

[201] Wipon, c. 38. Cf. Poupardin, op. cit, p. 173-175.

[202] Bresslau, op. cit., t. II, p. 171 et suiv ; Hauck, op. cit., t. III, p. 559 ; Duchesne, op. cit., p. 372-373.

[203] Bresslau, op. cit., t. II, p. 188-194.

[204] Sur les origines du mouvement, voir Bresslau, op. cit., t. II, p. 194-202.

[205] Bresslau, op. cit., t. II, p. 202-213.

[206] Bresslau, op. cit., t. II, p. 218-219 et 227-237.

[207] Stumpf, 2092.

[208] Bresslau, op. cit., t. II, p. 238-253.

[209] Bresslau, op.. cit., t. II, p. 260-267 et 284-287 ; Duchesne, op. cit., p. 373.

[210] Gay, op. cit., p. 437-447. Nous avons suivi, avec cet historien, la version de la chronique du Mont-Cassin, qui paraît s'imposer, de préférence aux versions allemandes généralement adoptées par ses devanciers.

[211] Bresslau, op. cit., t. II, p. 316 et suiv. Après son retour en Allemagne, Conrad II a été en Bourgogne où s'est tenue l'assemblée de Soleure.

[212] Bresslau, op. cit., t. II, p. 333-337.

[213] Poupardin, op. cit., p. 170.

[214] Gesta episcoporum Cameracensium, III, I et suiv. ; Hauck, op. cit., t. III, p. 526.

[215] Réforme grégorienne, t. I, p. 114 et suiv.

[216] Sur les tendances du gouvernement de Henri III, voir Réforme grégorienne, t. I, p. 104 et suiv.

[217] Wipon, c. 35.

[218] Steindorff, Jahrbücher des deutschen Reichs unter Heinrich III, t. I, p. 84-85.

[219] Le successeur de Mesko, Casimir, avait été renversé et contraint de se réfugier en Allemagne. Cf. Annales Hildesheimenses, a. 1039.

[220] Bretholz, op. cit., p. 128-130 ; Steindorff, op. cit., t. I, p. 61 et suiv.

[221] Bretholz, op. cit., p. 132-134 ; Steindorff, op. cit., t. I, p. 89 et suiv. Il paraît probable que, lors de l'entrevue de Ratisbonne, Bretislas a renoncé à la plus grande partie de la Pologne où Casimir rentre à peu près au même moment.

[222] Steindorff, op. cit., t. I, p. 114-122 et 148-152.

[223] Steindorff, op. cit., t. I, p. 152-164. On peut se demander si Hermann de Reichenau et les Annales Altahenses n'ont pas attribué une importance excessive aux succès de Henri III qui paraît s'être retiré bien précipitamment.

[224] Steindorff, op. cit., t. I, p. 177-183, 202-215, 229-235.

[225] Steindorff, op. cit., t. I, p. 285-286 et 298-299.

[226] Sur le royaume de Bourgogne au temps de Henri III, voir surtout : L. Jacob, Le royaume de Bourgogne sous les empereurs franconiens, Paris, 1906, p. 39 et suiv.

[227] Jacob, op. cit., p. 46-47 ; Steindorff, op. cit., t. I, p. 187-193. Quelque temps auparavant, Henri III a eu à Ivois (avril 1043) avec le roi de France, Henri 1er, une entrevue qui se rapporte sans doute à ce mariage en vue duquel il aurait voulu avoir l'assentiment du suzerain de sa fiancée. Cf. Jacob, op. cit., p. 45.

[228] Steindorff, op. cit., t. I, p. 239-248. Pour remplacer Aribert, l'empereur a nommé un clerc du nom de Guy, qui a pu prendre assez facilement possession de son siège.

[229] Réforme grégorienne, t. I, p. 106-108 ; Duchesne, op. cit., p. 374-377.

[230] Gay, op. cit., p. 437 et suiv. ; Chalandon, Histoire de la domination normande en Italie et en Sicile, t. I, p. 87 et suiv.

[231] Sur ce concile et le prétendu discours de Henri III, voir Réforme grégorienne, t. I, p. 108, n. 1.

[232] Réforme grégorienne, t. I, p. 108-112 ; Duchesne, op. cit., p. 379-381.

[233] Steindorff, op. cit., t. I, p. 475 et suiv. ; Réforme grégorienne et Duchesne, loc. cit.

[234] Gay, op. cit., p. 475-476 ; Chalandon, op. cit., t. I, p. 113-114.

[235] Gay, op. cit., p. 476 ; Chalandon, op. cit., t. I. p. 114-115.

[236] Ce fait a été bien mis en lumière par F. L. Ganshof, Quelques aspects de l'histoire de l'Empire au XIe siècle, p. 37-40. -

[237] Steindorff, op. cit., t. I, p. 305-306 ; t. II, p. 7-15, 105-112, 153-160, 179-183, 283-284.

[238] Bretholz, op. cit., p. 135.

[239] Steindorff, op. cit., t. II, p. 289-294 et 347-349 ; Bretholz, op. cit., p. 147, conteste le fait de l'expulsion des Allemands, rapporté par Cosmas, sous prétexte qu'il s'harmonise mal avec l'acte de vassalité accompli par Spitignev aussitôt après son avènement. Le caractère tyrannique du gouvernement de ce prince rend cependant la chose parfaitement plausible.

[240] On trouvera un très beau portrait de ce prélat dans Hauck, op. cit., t. III, p. 649 et suiv.

[241] Steindorff, op. cit., t. II, p. 350-353.

[242] Steindorff, op. cit., t. II, p. 172-175 et 272-273.

[243] Chalandon, op. cit., t. I, p. II5-142 ; Gay, op. cit., p. 477-490.

[244] Steindorff, op. cit., t. II, p. 297-316 ; Chalandon, op. cit., t. I, p. 162.

[245] Gesta episcoporum Leodiensium, II, 65.

[246] Sur les idées de Wason et leur origine, voir Réforme grégorienne, t. I, p. 113 et suiv.

[247] Sur le pontificat de Léon IX, voir Réforme grégorienne, t. I, p. 129 et suiv. ; Hauck, op. cit., t. III, p. 595 et suiv. ; J. Drehmann, Papst Leo IX und Simonie, Leipzig, 1907 ; O. Delare, Saint Grégoire VII et la Réforme de l'Église au XIe siècle, tome I.

[248] Pierre Damien, Liber gratissimus, 38.

[249] Sur cette collection, voir P. Fournier, Le premier manuel canonique de la réforme du XIe siècle dans Mélanges d'archéologie et d'histoire publiés par l'École française de Rome, t. XIV, 1894, p. 144-223.

[250] Cf. Réforme grégorienne, t. I, p. 152-153.

[251] Steindorff, op. cit., t. II, p. 353-357.

[252] Réforme grégorienne, t. I, p. 167.