NAPOLÉON III ET LES FEMMES

LIVRE II. — LES MAÎTRESSES DE L'EMPEREUR

 

II. — L'AMOUREUSE AMBASSADE.

 

 

Mme de Castiglione et l'ardeur italienne. — Son mariage. — Sensation que fait à Paris sa beauté. — Elle a peu d'esprit. — Morbidesse de l'adoration personnelle. — Aventure du docteur Arnal. — Les bals des Tuileries. — L'audacieuse impudeur de Mme de Castiglione. — Ses déshabillés publics. — Le fichu mal placé. — L'ermite qui fait scandale. — La légende de l'ambassade galante et politique. — Relations de l'Empereur et de l'Italienne. — Les habitations de Mme de Castiglione. — L'hôtel de l'avenue Montaigne et l'aventure qui y arrive à Napoléon III. — La chambre à coucher de l'amoureuse. — Les munificences de l'Empereur. — Mme de Castiglione et la cassette impériale. — Un mari complaisant. — Sa fin. — La comtesse après l'Empire. — Fut-elle passionnée ?— Mme de Castiglione et l'amour. — Son fils. — Le logis de la place Vendôme. — Elle veut écrire ses mémoires. — La plus belle femme du siècle. — Souvenirs d'une nuit de jeunesse. — Mort de Mme de Castiglione. — Son tombeau.

 

COMME sainte Thérèse, dedans son pierreux et triste Avila, en Vieille Castille, celle-ci eût pu dire : C'est une grande grâce que Dieu m'a faite : partout où j'ai été on m'a toujours vue avec plaisir, à l'heure où, de la beauté enfuie, elle ne gardait plus que les grâces fléchissantes et mélancoliques de la ruine. En effet, dans la vie de Virginie Oldoïni, marcheza di Castiglione, la beauté est le Deus ex machina de ses aventures et la raison qui demeure pour en écrire en faveur de la curiosité contemporaine. Elle est comme l'incarnation même du poison étranger glissé aux veines de la France impériale, l'élément de décomposition cosmopolite inoculé à cette société en fête et en plaisir qui, de 1852 à 1870, a, avec une si magnifique allégresse, préparé et excusé la venue des Barbares. Avec elle, elle apportait l'image et le souvenir des langueurs italiennes, des voluptés éparses parmi ces lacs parfumés, ces soirs languissants, ces jardins accablés, où la douce et molle fureur des cieux italiques flotte et se fond des ifs toscans aux cyprès florentins. Sous son nom de vieille victoire jacobine, évocatrice des temps radieux de naguère, son nom de ville magique et sublime, avec sa beauté, sa blondeur, sa langueur et sa hauteur, superbe et dédaigneuse, elle était le symbole conquis et vaincu de la terre vers laquelle s'élançaient toutes les espérances et tous les souvenirs avides des prestiges exténuants des apparences de l'autrefois.

Née d'hier, presque, c'est le 22 mars 1835, à Florence[1], qu'elle avait ouvert de beaux yeux à la noble lumière italienne. Son père était le marquis Filippo Oldoïni, lequel fut, en 1848, le premier député de la Spezzia au parlement de Sardaigne, et, plus tard, ambassadeur d'Italie à Lisbonne, homme modeste et aimable collègue[2], qui en revint pour prendre froid à une chasse à la perdrix, et en mourir à la Spezzia. La mère était née Lamporrecchi, de cet Antoine Lamporrecchi, avocat et jurisconsulte toscan fameux, qui fut tuteur de Louis-Napoléon[3]. Virginie était-elle bien la fille du marquis Oldoïni ? Elle-même, plus tard, tout en disant : Il n'est pas discret d'accuser sa mère[4], insinuait qu'elle descendait de Joseph Poniatowski, prince de Monte-Rotundo, attaché à la cour du grand-duc de Toscane[5]. Il lui arrivait de prétendre à cette filiation sur le tard,

Mais j'avais quarante ans quand cela m'arriva.

La mère de Virginie mourut tôt, et cette mort fit que la petite-fille, adulée, gâtée, et on sait comme gâtent les grands-pères, fut élevée par Antoine Lamporrecchi. Quoi de trop beau pour elle et que pouvait-elle désirer qu'elle n'obtînt aussitôt ? Une loge à la Pergola ? Elle fut louée. Une voiture pour goûter aux Cascines la langueur fraîchissante des crépuscules ? Elle fut achetée. Un mari ? Non, point. Cependant il en était qui, obscurément, brûlaient pour elle, qui les dédaignait, des plus tendres feux. Tel le jeune Francesco Verasis, comte de Castiglione de Castigliola d'Asti, qui, veuf à vingt-six ans, aspirait à recevoir de nouvelles chaînes. Il s'en ouvrit à Virginie, qui, tout aussitôt, le découragea. Quoi ? Lui ? Mais elle ne l'aimait point ! Ce lui importait fort peu. Qu'importe ! protesta-t-il, vous ne m'aimerez jamais, soit ! Mais j'aurai l'orgueil d'avoir la plus belle femme parmi les femmes de mon temps ![6] Heureux et sage mortel qui des apparences se déclarait satisfait ! Il ne demandait que cela ? A merveille ! Et Virginie l'épousa.

A ces noces, Oldoïni, qui n'ignorait point ce qui se débitait sur la naissance de sa fille, ne parut point, comme si, trop instruit de certaines médisances, il n'eût pas eu la certitude assez complète qu'il mariait sa propre fille[7]. Cependant, et je cite ici le témoignage de M. de Méneval, attaché à l'ambassade de France, en Portugal, de qui je le tiens, le marquis Oldoïni s'exaltait facilement au nom de sa fille et il abondait en termes enthousiastes pour en dire la beauté. Devenue comtesse de Castiglione, elle fut installée en un luxueux château sur une de ces belles collines de Turin, et présentée à la cour. Y fut-elle la maîtresse du duc de Gênes, époux de cette princesse de Saxe, Élisabeth-Maximilienne, devenue la marquise Rapallo[8] ? On n'en disputera point. C'est la partie française de la vie sentimentale de Mme de Castiglione qui nous occupe ici. De même je veux ignorer ce dont on a pu jaser à Londres où elle passa une saison, pour arriver à celle de Paris où elle apparut, pour la première fois, quasi ruinée et dans la plus splendide aurore de sa beauté.

Belle, elle l'était d'une manière offensante pour les femmes des salons où elle entrait. Mais impossible de nier la beauté. Dans l'hommage auquel ses rivales sont condamnées par l'évidence, on devine cette amertume d'une défaite sans consolations. De là d'aigres et habiles restrictions dans l'éloge. Elle était assurément d'une grande beauté, dit une familière des Tuileries, belle de la tête aux pieds, mais, à mon sens, une beauté de chair et non pas d'âme. Ce genre de femme me fait plutôt l'effet d'un objet d'art, bon pour l'ornement d'un salon et l'occupation des oisifs, mais peu capable de toucher le cœur[9]. Et, comme elle avait un air de hauteur olympienne, on était peu disposé à lui pardonner cette merveilleuse beauté dont elle était si fière[10]. Mais les hommes ! N'est-ce pas leur suffrage qui lui devait être le plus précieux ? Ils ne le lui marchandaient point. C'est, pour l'un, la plus belle femme connue[11], pour l'autre, quoique grande comme un tambour major[12], et, au début, mal habillée[13], la femme vraiment belle[14], à laquelle rien n'a été vu de supérieur[15]. Cependant, dit le comte de Reiset, en Piémont, Mme de Castiglione passait complètement inaperçue[16]. C'est donc que le Piémont était, alors, tout au moins, la pépinière des Vénus de ce genre. Mais à Paris, où des créatures comme elle ne couraient point les salons avec de magnifiques yeux de violette[17], des bras et des mains d'un contour irréprochable[18], un front et des traits tout académiques[19], elle était loin de demeurer l'humble violette des fêtes. Viel-Castel en donne un exemple dans le récit qu'il fait de la présence de Mme de Castiglione au bal costumé du Ministère des Affaires étrangères, le mardi 17 février 1857. Elle y parut déguisée en dame des cœurs, costume le plus hardi qui puisse être imaginé. Paisiblement elle jouissait de l'extraordinaire curiosité soulevée à son passage. Elle portait avec insolence le poids de sa beauté, elle en étalait les preuves avec ostentation. Et, lyriquement, Viel-Castel entonne cette manière de Magnificat :

La fière comtesse n'a pas de corset ; elle poserait volontiers devant quelque Phidias s'il s'en trouvait un par le temps qui court, et elle poserait parée de sa seule beauté. Sa gorge est vraiment admirable, elle se dresse fièrement comme la gorge des jeunes Mauresques ; les attaches n'ont pas de pli ; en un mot, les deux seins semblent jeter un défi à toutes les femmes.

 

Mais était-ce les femmes qu'elle défiait vraiment ? Viel-Castel, lui-même, nous rassure sur-le-champ en citant ce mot d'un invité ébloui par la beauté de la dame : Prenez garde, comtesse, tout à l'heure les vêtements des hommes vont devenir trop étroits. Et, paraît-il, le propos n'a pas déplu à la comtesse[20]. Cette citation permet de répondre à qui a écrit qu'au regard de la beauté de Mme de Castiglione, l'admiration exclut tout autre sentiment[21]. Ce ne fut point l'avis de toute la partie masculine du bal du 17 février 1857, — ni même de Napoléon III.

L'intelligence, toutefois, ne complétait pas cette étonnante beauté. Elle ne m'a pas paru grandement spirituelle, notait le maréchal de Castellane à la date du 3 mars 1856[22]. Et, le 6 mars : Elle ne sait rien dire[23]. Sur ce point, concert unanime : Elle est trop belle et fort heureusement, elle n'est que belle[24]. C'était l'opinion d'un diplomate. Voici celle de Napoléon III : Elle est insignifiante et insipide [25]. A un de ses voisins, dans un concert, elle priait : Dites-moi donc quand il faut applaudir, car je n'y entends rien[26]. Et c'est pourquoi, sans doute, un Anglais affirme nettement qu'elle exprimait ses vues élégamment et vigoureusement [27]. Oui, mais sur quel terrain ?

Mais, de cette beauté, sans intelligence, elle était fière et idolâtre. Dans son admiration pour elle-même, il y avait quelque chose de morbide et de maladif. Paul Baudry lui ayant demandé la faveur de la figurer en pied, fit d'elle un portrait qu'elle trouva beau au point qu'elle en devint jalouse. Elle taillada la toile à coups de ciseaux, et, finalement, la jeta au feu[28]. Elle devait aimer la blancheur laiteuse de sa peau, car, chez elle, dans une chambre éclairée par une veilleuse, elle couchait dans des draps de soie noire[29]. Elle est belle et pare sa beauté avec un soin extrême, observe une femme qui l'approcha. On la regarde, on l'admire, et elle rentre chez elle contente de son succès et convaincue qu'elle a été la reine du bal. Autant une divinité qui daigne se montrer un instant à ses adorateurs et disparaît aussitôt. Grand bien lui fasse, si ça l'amuse ![30] Pour elle ce n'était pas un amusement, mais bien un sacerdoce. Il est telle anecdote qui ne permet point d'en douter. Ainsi, étant un jour au Havre, elle se trouva malade et pria le docteur Arnal, médecin de l'Empereur, de la venir voir. Malgré ses malades et son auguste client, le docteur Arnal prit le train pour le Havre et, en arrivant, alla se présenter à l'hôtel de la comtesse. Par malheur, elle n'était pas visible dans l'instant. Arnal, docilement, alla faire un tour, et revint. Cette fois encore Mme de Castiglione n'était pas en état de le recevoir. Cette comédie se répéta une ou deux fois encore. Lassé et furieux, à une dernière visite, le docteur déclara qu'il ne reviendrai point et qu'il allait reprendre le train. Alors seulement, Mme de Castiglione l'autorisa à pénétrer dans une chambre où il la trouva en un lit, couverte de dentelles, de fourrures, en coiffure de bal, tous ses diamants dehors, tout un écrin. Comédie de névrosée, mise en scène de malade ? Le docteur Arnal était un vieillard et de cet âge où on renonce aux séductions[31]. Ce trait dénonce la morbidesse et complète ce que de sa psychologie on peut recueillir chez les contemporains. C'est excellemment que le comte de Maugny résume ce caractère, écrivant : Très infatuée de sa supériorité, dédaigneuse et hautaine, elle avait pour elle-même un culte qui frisait l'idolâtrie. Elle s'imaginait, de très bonne foi, être d'une autre pâte que les simples mortelles, et lorsqu'il s'agissait de faire valoir ses avantages physiques et d'étaler devant la galerie les merveilles qu'elle daignait, de temps à autre, lui permettre de contempler, elle ne reculait devant rien[32]. Et ici, de plain-pied, nous entrons dans la légende audacieuse de Mme de Castiglione.

La première fois que la comtesse parut dans le monde, ce fut à un bal de la duchesse de Bassano, née Pauline Van der Linden d'Hooghvorst, qui, décédée à Paris, en 1867, dame d'honneur de l'Impératrice, avait épousé en 1843, à Bruxelles, le duc de Bassano, fils aîné du premier duc du nom. M. de Bassano, né en i803, avait été officier volontaire dans l'état-major du duc d'Orléans lors du siège d'Anvers en 1832, secrétaire d'ambassade à Constantinople, Madrid et Bruxelles, ministre plénipotentiaire à Bade et en Belgique, et le second Empire, en l'appelant au Sénat, l'avait fait grand chambellan[33]. On peut dire de son salon, sans impertinence ou malice, qu'il était l'antichambre des salons des Tuileries. Et, de fait, des soirées de l'un, Mme de Castiglione, avec aisance, passa aux bals costumés et aux fêtes des autres. Dans l'histoire de la fête de l'Empire, ces bals marquent des épisodes capitaux. Le luxe y éclatait avec une somptuosité qui attestait de la prospérité des finances. Les habits rouges brodés d'or des chambellans se mêlaient dans la cohue aux uniformes bleu de ciel galonnés d'argent des officiers d'ordonnance. Magnifique, l'écuyer de service y paraissait en culotte de peau et en bottes à l'écuyère en cuir verni. Fonctionnaires et civils encombraient les salons en habits de cour avec collets et parements brodés, épée au flanc, claque sous le bras. Et à travers la haie maintenue par les officiers de la Maison, en culotte de casimir blanc, bas de soie et escarpins à boucles, l'Empereur, presque pareil à eux, lentement, le doigt lissant la moustache, passait. Sans blague aucune, c'était splendide, disait, en sortant d'un de ces bals, Flaubert à George Sand[34]. Tel était le théâtre réservé aux triomphes de Virginie.

Ce fut au bal du 24 novembre 1855, qu'elle parut pour la première fois[35]. Elle était au bras d'un éblouissant queue-rouge, en cheveux blancs soigneusement bouclés, appelé familièrement Chinchilla, par les dames de l'entourage de l'Impératrice[36], et qui n'était autre que Jules-Agésilas-Alexandre-Marie-François, comte de Grossoles-Flamarens, né à Münster (Westphalie), le 15 mars 1806, et sénateur de l'Empire depuis le 4 décembre 1854[37]. Blond, empressé, frisé comme un caniche, bête comme deux oies, avec ses 30.000 francs de rente, complétés par les 30.000 francs de son traitement de sénateur, il avait été pendant quinze ans l'amant de Mme de la Châtaigneraie. Cette marquise était sotte comme une grenouille, mais ces caillettes-là gardent longtemps leurs amants, disait Viel-Castel[38]. Pour Mme de Castiglione, c'était un chaperon d'importance. Elle en avait besoin, car presque nue, à ce bal, elle nous permit d'admirer ses divines perfections, se réjouit le marquis de Massa[39]. Elle inaugurait là ces costumes impudiques, audacieux et scandaleux, qui ont permis à un censeur de 1871, de dire qu'au bal les dames se montrèrent dans des costumes de courtisanes, demi-nues[40]. Pour en juger dans l'espèce, il est demeuré un croquis de témoin oculaire qu'on donnera ici en exemple de tous ceux auxquels on ne peut s'arrêter :

Je n'oublierai jamais, note le comte de Maugny, un certain bal costumé, aux Tuileries, où elle apparut à demi nue comme une déesse antique. Ce fut une révolution. Elle était en Romaine de la décadence, la chevelure dénouée, retombant épaisse et soyeuse sur ses luxuriantes épaules ; sa robe, fendue sur le côté, laissait voir une jambe moulée dans un maillot de soie et un pied invraisemblable de perfection, surchargé de bagues de prix à tous les doigts, à peine protégé par de mignonnes sandales. Précédée du comte Walewski, qui faisait écarter la foule, et donnant le bras au comte de Flamarens, encore très décoratif quoiqu'il eût passé depuis longtemps l'âge de la galanterie, elle arriva vers deux heures du matin, après le départ de l'Impératrice, et provoqua un tumulte indescriptible. On l'entourait, on se pressait pour la voir de plus près. Les femmes, perdant la tête, et n'ayant plus aucun souci de l'étiquette, montaient sur les banquettes afin de la mieux observer ; quant aux hommes, ils étaient littéralement hypnotisés[41].

 

C'est en songeant, vraisemblablement, à cette soirée fameuse que Viel-Castel écrit, sans plus : La Castiglione est une courtisane comme les Aspasie, elle est fière de sa beauté et ne la voile qu'autant qu'il le faut pour être reçue dans un salon[42]. Ce qu'un Anglais résume galamment : The countess was remarkably extravagant[43]. On se chargea quelquefois de le lui rappeler, comme à cette soirée où, décolletée, suivant son habitude jusqu'à la ceinture, elle apparaît avec un soupçon de corsage. Quelqu'un qui la suivait, lui marcha sur la robe, ce qui lui attira un magistral et vigoureux : Fichu maladroit, va ! Et l'autre, qui avait de l'esprit, de riposter doucement : Ah ! madame, voilà un fichu qui est bien mal placé sur vos jolies lèvres et qui serait bien mieux ailleurs ![44] Se souvint-elle de la leçon où voulut-elle prouver qu'elle aussi, à ses moments, pouvait avoir de l'esprit ? Un soir, à une fête de charité organisée par la comtesse Stéphanie de Tascher de la Pagerie, l'annonce de son apparition dans des tableaux vivants avait attiré de nombreux amateurs de petits spectacles galants et déshabillés. Quand le rideau se leva, on la vit, au seuil d'une grotte, les mains dévotement jointes, drapée dans un austère costume d'ermite[45]. Naturellement, comme on attendait mieux, — c'est pis que je veux dire, — on s'estima volé et on siffla. Furieuse et hérissée de colère, Mme de Castiglione décampa grondant : Ils sont infâmes ![46] Mais non ! Mais non ! Ils n'étaient pas infâmes ! Ils étaient les amateurs trompés d'autre chose, voilà tout. Elle me produisit l'impression d'une personne parfaitement calme et froide, préparant et ménageant ses effets, et tendant sans dévier au but qu'elle s'était proposé, dit la comtesse Tascher de la Pagerie. Cette fois, du moins, le but était manqué. Mais ses véritables satisfactions devaient être des satisfactions d'amour-propre[47]. Dans ce cas, par sa liaison avec Napoléon III, elle fut servie au delà de toutes ses espérances.

***

L'Empereur, un jour, demanda, paraît-il, à Mme de Castiglione, pourquoi elle ne se souciait pas davantage des hommages qui lui étaient prodigués. Si Votre Majesté, lui répondit-elle, au temps où elle avait six ans n'avait rien entendu autre chose que : Comme elle est belle ! elle serait aussi dégoûtée que je le suis[48]. L'était-elle vraiment, à ce point ? Les soins étonnants pris de cette beauté qui la lassait, plaident la thèse contraire, et tout, dans sa liaison avec Napoléon III, prouve qu'elle ne le pensait guère. A cette liaison, on a voulu trouver, sur la foi de la comtesse elle-même, il est vrai, des dessous diplomatiques et politiques. Sa légende en fait une ambassadrice galante, envoyée auprès de Napoléon III pour plaider, entre deux épanchements familiers, la cause de l'Italie opprimée[49]. On a cité un fragment de lettre de Cavour à Cibrario, chargé des affaires étrangères, où, parlant d'elle, il précise : Je l'ai invitée à coqueter, et, s'il le faut, à séduire l'Empereur[50].

Mais, pourquoi le texte intégral de la lettre n'a-t-il pas été publié ? Qu'est-ce que ce fragment prouve, au reste ? Invitée à séduire Napoléon III, la comtesse y a réussi, et il a été prouvé que ce n'était guère difficile, ni pour elle ni pour les autres. Mais a-t-elle joué son rôle politique ? Autre affaire ! Plus haut j'ai montré qu'elle était peu intelligente, et ce qui le prouve, au reste, c'est que, en récompense d'une mission politique aussi importante, Cavour lui promettait, quoi ? De faire nommer le frère de la comtesse secrétaire d'ambassade à Saint-Pétersbourg[51] ! C'était mettre à bon marché l'affranchissement de l'Italie[52] ! Je sais bien qu'elle disait volontiers : J'ai fait l'Italie et sauvé la papauté ![53], mais qui pouvait y aller voir ? Et c'est à cette haute et délicate tâche qu'elle passait ses jours à Paris ?

Hé ! quoi ! vous n'avez pas de passe-temps plus doux ?

On veut nous en faire accroire. Les zélateurs de la légende politique de Mme de Castiglione ne semblent pas soupçonner tout le comique de leurs graves hypothèses, et je me range bien volontiers à l'avis de qui assure qu'elle était assez belle pour séduire, sans que la diplomatie eût à s'en mêler[54]. Au résumé : elle vint, il la vit, elle plut, et, comme le dit le prince de Ligne, le reste vient en jasant, car elle était de cette  race des Italiennes de 1817, dont Stendhal avait observé qu'elles adorent les moustaches, surtout celles qui ont passé les revues de Napoléon[55]. Hé ! mais de ce Napoléon-là, les moustaches étaient belles !

C'est à un bal chez la princesse Mathilde, que, le 9 janvier 1856, Mme de Castiglione fut officiellement présentée à l'Empereur[56]. De fait, il la connaissait depuis longtemps. Chez son tuteur, l'avocat Lamporrecchi, le grand-père de Virginie, n'avait-il pas souvent fait sauter la fillette sur ses genoux[57] ? Il la retrouvait femme, et quelle femme ! Toutefois, dès la première fois, elle ne le séduisit pas. Elle était belle, dit un témoin de cette rencontre, mais très coquette et de peu de moyens. Sa mise et surtout sa coiffure étaient prétentieuses. Elle avait des plumes roses dans ses cheveux bouffant sur les tempes ; le reste de sa chevelure était rejeté en arrière avec deux boucles pendantes. Elle semblait une marquise d'autrefois, coiffée à l'oiseau royal. Elle ne sut rien répondre à l'Empereur, dont la première impression ne fut pas bonne, car il dit en la quittant : Elle est belle, mais elle paraît être sans esprit[58]. Il est donc exagéré de dire que, à peine parue, elle triompha[59]. Néanmoins, la conquête, et à cette rapidité Louis-Napoléon nous a habitués, ne fut point longue. Dès le 6 février suivant, on lit dans un mémorial contemporain : On a beaucoup parlé de l'astre du jour, une jeune dame florentine ou piémontaise, belle à ravir, et qui fait bien des ravages dans les cœurs. L'Empereur est fort attentif auprès d'elle, elle est à la mode[60]. A la vérité, il commençait à montrer pour elle une admiration très vive et à ne point cacher son goût très prononcé pour la belle Italienne[61]. Il y mettait même de l'indiscrétion, car, le mercredi 23 juillet suivant, Viel-Castel consigne dans ses notes : A la dernière fête de Villeneuve-l'Étang, la comtesse de Castiglione s'est longtemps égarée dans une île placée au milieu du petit lac, avec l'Empereur ; elle en est revenue, dit-on, un peu chiffonnée[62].

Certains indices permettent, toutefois, de croire que ce ne fut qu'en 1857, pendant le séjour de la cour à Compiègne, qu'elle devint la maîtresse de l'Empereur. The affair was notorious[63]. C'est à cette époque qu'on voit la cousine de Napoléon III, sa fiancée de naguère, la princesse Mathilde, protéger ouvertement Mme de Castiglione, lui faire obtenir à un bal du Ministère de la Marine des invitations que refuse le ministre à l'Italienne, et pousser Giraud, son peintre favori, à faire le portrait de Virginie[64]. Mais il n'y a pas que la princesse qui s'occupe de la comtesse, il y a encore la police. Elle ouvre la correspondance de Mme de Castiglione[65]. La comtesse a, publiquement, des mots qui se répètent et se commentent. A un bal, — les bals jouent un grand rôle dans la vie de la comtesse, — donné au Palais-Royal par le prince Jérôme, elle arrive dans l'instant qu'avec l'Impératrice Napoléon III le quitte. — Vous arrivez bien tard, madame la comtesse ! reproche en souriant l'amant. Et elle, de répondre : C'est vous, Sire, qui partez bien tôt ![66] Mot insuffisant, cependant, pour prétendre que, de l'Empereur, Mme de Castiglione sut faire une sorte de Louis XV galant[67]. Galant, il le fut toujours, avec elle comme avec les autres ; peut-être v ajouta-t-il. Dans l'intimité il l'appelait Mina[68]. Est-ce une raison pour le mettre en justaucorps et lui donner de la dentelle aux manchettes ?

C'était chez elle que l'Empereur lui allait présenter ses devoirs. Pour l'hiver de 1856, elle avait loué un hôtel au n° 17 de la rue Matignon. Viel-Castel faisait remarquer que cet hôtel a un grand et étroit jardin qui, à son extrémité du côté des Champs-Élysées, jouit d'une petite porte donnant accès dans un bosquet touffu, et, par conséquent, très favorable à l'introduction d'un visiteur qui craint la publicité[69]. Elle habita ensuite rue de la Pompe, et, n°53, avenue Montaigne, dans un hôtel appartenant à M. de Lesseps petit bijou mauresque[70]. Il était situé entre cour et jardin, et était loué à raison de 1.000 francs par mois, tout meublé, à un soi-disant grand seigneur russe, assez original, qui ne parut jamais. Cette maison était surveillée par la police[71]. On assure que l'Empereur faillit y être assassiné certain jour. Entre les lignes du pamphlet de l'agent Griscelli on croit deviner que la comtesse avait été envoyée à Paris par les patriotes italiens pour les débarrasser de Napoléon III. A un rendez-vous, le premier[72], la gouvernante de la comtesse, Luisa Corsi, sa nourrice, essaya d'introduire un homme armé dans le salon, à la suite de l'Empereur. Mais Griscelli, le décidé, le dévoué, le terrible Griscelli était là. Avant d'arriver à la porte du salon, il était mort. Un coup de poignard, de haut en bas, lui avait percé le cœur. L'Empereur, ayant examiné ce poignard, le trouva empoisonné, ce qui lui fit accorder une gratification de 4.000 francs à l'intrépide Griscelli. Pendant ce temps, le général Fleury retournait à l'hôtel, prenait la Castiglione et la conduisait aux frontières d'Italie[73]. Et qui, à ce beau conte ne croit pas, y aille voir[74] ! Il y eut, cependant, une tentative de meurtre, avenue Montaigne, dirigée contre l'Empereur. Si on doit croire Viel-Castel, en avril 1857, sortant en coupé, à trois heures du matin de l'hôtel, l'Empereur fut attaqué par trois hommes rués à la tête des chevaux. Vigoureusement enlevé par le cocher de confiance, l'attelage bondit et renversa les assaillants qui demeurèrent sur le carreau[75]. Je me le demande, pendant ce temps que faisait l'estimable M. Hyrvoix ? Il ronflait ? Ou, rue Caumartin, se consolait-il des complications de sa tâche, entre les bras de cette dame dont, si indiscrètement, ses collègues de la mouche, ouvraient les lettres ?

Je n'ai pas besoin de dire que Mme de Castiglione ne fut ni expulsée, ni condamnée à venir rejoindre son impérial amant aux Tuileries, où l'Impératrice n'eut pas, par conséquent, à la surprendre en flagrant délit[76]. C'est à Passy, rue Saint-Pierre, qu'on la retrouve ensuite, dans une maison plus que modeste, bourgeoise, mal meublée, presque pauvre. Le salon était nu, la chambre à coucher tendue en percale blanche à nœuds blancs. Elle était couchée là sur une chaise longue, avec une coiffe à la Marie-Stuart, ornée de jais blanc et d'un grand voile noir et blanc, des perles au cou, roulée dans une robe de chambre en satin blanc bordée de jais blanc. Et partout, autour d'elle, une profusion de ses portraits, dans toutes les poses, dans tous les costumes, dans tous les déguisements, même qu'un pastel la représentait malade et en deuil d'elle-même[77]. Et, une fois de plus, c'est l'excentrique et la morbide saisie sur le vif.

Naturellement, à ce luxe baroque et bohême, c'était l'Empereur qui subvenait. De Napoléon III, elle n'avait jamais aimé que la cassette, a-t-il été dit[78]. Sans trancher ce problème, on peut convenir que le souverain lui fut un magnifique amant. S'il lui donnait, — chiffre que, pour ma part, je crois assez exagéré, — 50.000 francs par mois pour ses dragées et ses gants[79], il la comblait aussi de ce dont elle était la plus friande, de pierreries et de bijoux. L'Empereur Napoléon, écrit le 28 mars 1857, la duchesse de Dino[80], a donné tout dernièrement à. Mme de Castiglione une émeraude de cent mille francs, la plus belle qui existe. On dit que jamais belle n'a été aussi intéressée. Ajoutons-y un collier de perles, qui, après sa mort, fut vendu 422.000 francs[81]. Beau cadeau, et fait après quelle nuit ? S'il ne donne pas le chiffre des libéralités amoureuses de l'Empereur, il en indique l'étalon, et il suffit à faire comprendre comment, ruinée dès le début de son mariage, Mme de Castiglione sut mourir deux ou trois fois millionnaire.

Mais le mari ? A tout venant, sans se lasser, il répétait : Je suis le modèle des maris, je n'entends rien et je ne vois jamais rien[82]. Je ne lui dirai point de gros mots, mais je constate l'élasticité de sa morale. Au reste, il n'en avait guère. C'est une fable grossière et niaisement sotte que celle qui le montre jaloux de sa femme[83]. S'il le fut, elle sut l'en déshabituer promptement. Du temps qu'elle habitait avenue Montaigne, dans le corps principal de l'hôtel, il y était, lui, dans une affreuse niche à chien du rez-de-chaussée[84]. Elle le montrait, quelquefois, dans le monde, où il s'évertuait à des extases conjugales d'un goût douteux, comme de dire : Voyez donc le beau train de maison que ma femme s'entend à avoir avec 10.000 francs par mois ![85] Viel-Castel, après une discrète enquête, avait établi que le couple ne possédait que 18.000 francs de rentes, tout en dépensant de 60 à 80.000 francs par an. Ceci en 1856[86]. Philibert Audebrand portait, plus tard, ce chiffre à 300.000 francs[87]. Ce mari complaisant, toutefois, n'en profita guère. Vers 1860 il avait repassé en Italie, où, affirme Griscelli — et je ne le fais point après lui —, il avait pris l'intendance des menus plaisirs de Victor-Emmanuel et dirigeait avec succès le parc-aux-cerfs de Sa Majesté piémontaise[88]. Ce n'était point là, on s'en doute, son titre officiel. Il avait celui de chef de Cabinet du Roi. Le 30 mai 1867, escortant à cheval la voiture du prince Humbert et de la princesse Marguerite, au lendemain de leur mariage, sa monture le jeta sur le pavé, et il en mourut du coup[89]. J'en garde encore les 3 fr. 40 qu'il avait en poche, écrivait la comtesse[90]. Misérable souvenir serré en un tiroir avec l'épée de gala, le grand collier et les décorations de ce mort déshonoré.

A cette époque, ayant passé comme un météore, elle n'était déjà plus dans les mémoires qu'un lointain souvenir[91]. Deux ans avaient suffi pour flétrir la passion de Napoléon III. Le 25 mai 1859, lord Malmesbury notait encore : l'Empereur fait des parties de campagne avec Mme C..., mais des feux mourants de cet amour, c'étaient les derniers éclats[92]. Elle avait reparu alors après un an d'absence. Le 8 avril 1857, Mme de Dino disait : Mme de Castiglione, dont le règne finit, retourne en Piémont, munie de sa colossale émeraude[93]. Vers 1860, elle s'était enterrée dans la villa Gloria, près de Turin, solitaire et ennuyée, au haut d'une colline presque à pic, parmi des domestiques vêtus de noir, sans recevoir personne. Elle usait ses jours à rêver devant le paysage où le Pô roulait ses belles eaux, et que, derrière la ville aux tours élancées, fermait la chaîne des Alpes[94]. Quelle neurasthénie la condamnait, là, à l'abandon d'elle-même et de son présent en plaisirs et fêtes ? On ne sait, mais brusquement le goût lui revint de Paris. Elle y arriva en septembre 1860 et s'y claquemura. On n'a pas encore parlé d'elle, disait le 17 novembre suivant Viel-Castel[95]. Sans intérêt pour elle, le monde la regardait avec curiosité[96]. Derechef, elle plongea dans l'obscurité, et chercha l'ombre. De 1864 à 1870, entre l'Italie et la France, elle partageait les heures de ses errances, rôdeuse d'elle ne savait quelles ruines, condamnée elle ne devinait point à quelles expiations. Le don fatal de sa beauté lui a causé déjà d'amers chagrins[97], disait un de ses discrets admirateurs. Que cherchait-elle et à l'oubli quelles consolations demandait-elle pour ses amoureuses amertumes ? Et l'amour, enfin, était-ce lui qu'elle poursuivait ?

Sans doute, aventures et amants ne lui avaient point manqué. Nieuwerkerke, le surintendant des beaux-arts et amant de la princesse Mathilde, était tombé dans ses filets. Quoiqu'il affirmât qu'il n'avait aucune envie d'être son amant, il la recevait seul à des thés intimes, et, à minuit, du haut des toits du Louvre, lui donnait le spectacle de Paris endormi sous le large clair de lune. Du fait que, convié avec elle à des dîners, il se gardait bien de lui offrir le bras et avait soin de se placer loin d'elle, Viel-Castel concluait qu'ils avaient, très certainement, couché ensemble[98]. Le prince Napoléon affirmait qu'elle avait été la maîtresse de ce lord Hertford qui, chez lui, avait deux cent cinquante pendules admirables, qui faisaient son désespoir et empoisonnaient sa vie, parce qu'elles ne marchaient jamais d'accord[99]. Ce Hertford, contre reçu, avait donné un million à Mme de Castiglione pour passer une nuit avec elle. Et le prince donnait des détails : Comme une nuit payée un million est une nuit exceptionnelle, Hertford a voulu expérimenter la comtesse en toutes sortes de voluptés. Il payait et payait cher, il s'était réservé de dicter des lois. La comtesse a dû passer par toutes les épreuves du libertinage le plus raffiné, rien n'a été omis. Après cette nuit, la comtesse est restée trois jours au lit[100]. On y fut demeuré à moins. Je n'affirme point l'authenticité de l'anecdote, mais je pense que connue de Mme de Castiglione, en la supposant innocente du fait, elle n'eût point été pour lui déplaire et qu'elle y eût pris de l'agrément. Les compliments salés et les propos grivois n'étaient pas pour l'épouvanter. On peut lui dire les choses les plus graveleuses et elle ne fait point la prude, observe Viel-Castel. A titre d'exemple, il cite ce dîner du 10 mai 1857, chez la princesse Mathilde, où un des convives, regardant la comtesse manger un bonbon à la fleur d'oranger et en aspirer la liqueur sucrée en le tenant serré entre les lèvres, lui demanda : Aimez-vous à sucer, comtesse ? — A quoi, souriante et égrillarde, elle répliqua : A sucer, quoi ? Elle avait pourtant compris quel point il fallait mettre sur cet i[101].

Elle était donc amoureuse et passionnée ? De ce Hertford, avec qui on lui attribue une si magnifique nuit, elle disait : Il a courtisé les femmes, mais ce n'est pas une preuve d'amour[102]. De même, ne pourrait-on point dire d'elle : Elle a eu beaucoup d'amants, mais ce n'est pas une preuve qu'elle fût passionnée ? Et, à la vérité, quoi qu'on ait parlé de sa dépravation[103], de sa chair faite de luxures[104], elle passait pour être froide[105]. C'est, sans doute, pourquoi, en matière d'amour, elle n'estimait point qu'il convînt d'y attacher tant d'importance[106]. Opinion qu'elle eut sur le tard, mais qui, à l'examen attentif de ses aventures connues, paraît bien avoir été celle de toute sa vie. Elle eut de l'amour les images sans en avoir la flamme et l'âme, et d'avoir été, tour à tour, la maîtresse de J. Laffitte, d'Alphonse de Rothschild, du duc d'Aumale, du duc de Chartres, du général Estancelin, quelle autre preuve à tirer que celle de son activité à consolider sa fortune et à mépriser les longues passions qui flambent le cœur, le déchirent et accordent cet infini qui se dérobe à ceux qui ignorent les délicatesses de l'amour ?

Mais par tous ces hommages, demeurés fidèles, peut-être s'ingéniait-elle, — car maintenant l'âge venait, et elle vieillissait, — à prolonger l'illusion de la puissance d'une beauté qui était sa raison d'être. Dans le temps qu'elle passait en Italie, l'Empire craquait, s'effondrait dans la catastrophe de l'émeute populaire, et, à ce passé qui s'abattait dans la boue des charniers et la flamme des incendies fratricides, elle survivait, — et elle avait trente-cinq ans. Sans doute, pour une femme qu'est-ce, sinon la fleur et le parfum de sa grâce, l'heure où la rose ouvre son cœur de tous ses pétales et enivre le crépuscule qui vient d'une odeur qui défie la brise qui déjà l'emporte ? Mais elle, elle est Italienne, née sous ce ciel qui mûrit vite et fane tôt. Il lui faut se défendre contre cette venue sournoise de la ride, contre l'intrusion clandestine du premier cheveu blanc. Et puis, à côté d'elle, elle a un fils, Georges, né de son mariage avec M. de Castiglione, fils qui grandit et par son âge accuse celui de sa mère. Accablant et innocent témoin ! Elle l'habilla en groom, et, froidement, l'installa dans son antichambre avec ses domestiques[107]. L'enfant, naturellement, se déroba au plus tôt à cette curieuse éducation, et entra dans la diplomatie. Il épousa une San-Marzano, et, de la variole[108], fort jeune, il mourut à Buenos-Ayres[109]. A ce propos, Mme Carrette écrit : On ne la disait pas bonne mère[110]. Cependant, Mme de Castiglione, déplorant la perte de son fils, soupirait avec mélancolie : J'aurais pu et dû avoir d'autres enfants !... Pour les faire monter derrière sa voiture, costumés en petits laquais, probablement ?

La chute de l'Empire laissa, un moment, la comtesse effarée. Comme elle avait, de par sa naissance et sa race, le goût de l'intrigue, elle se remit à intriguer. Après avoir sauvé le Pape et fait l'Italie, du moins à l'entendre, elle allait s'évertuer à rétablir les d'Orléans sur le trône de France, tâche à laquelle sa qualité d'Italienne la désignait tout particulièrement. Elle commença donc par devenir la maîtresse du duc d'Aumale, liaison décorative, à laquelle elle devait préférer celle, plus pratique, du duc de Chartres qui lui écrivait : Samedi 13, vous me donnerez une leçon d'italien. Je suis en veine d'y travailler...[111] Galant euphémisme ! Il appelait cela une leçon d'italien, ce prince ! Mais l'éducation ne dura guère. Mme de Castiglione ne fut pas longue à renoncer aux illusions nées de son commerce avec ces altesses pour qui le trône ne valait point les douceurs de la vie bourgeoise. Et elle demeura seule avec son orgueil foudroyé.

Revenue à Paris, après la pacification versaillaise, elle s'était, pendant quelques mois, logée dans un petit appartement au-dessus du Café Anglais. Son factotum était ce fameux Ernest, le maître d'hôtel, qui dans la haute noce du second Empire joua un grand rôle et pour qui les dames de l'endroit prodiguaient leurs faveurs[112]. Elle habita aussi un hôtel, rue de Volney[113]. Mais c'est place Vendôme, au n° 26, qu'elle devait fixer le plus légendaire de ses logis. C'était un entresol bas, au coin de la rue de la Paix, où elle s'installa le 25 décembre 1875. Aux portes elle établit un système de serrures compliquées et multipliées[114]. Les volets furent clos hermétiquement, et ce pour dix-sept ans. Quand, après son départ, on les poussa, vermoulus et chancis, ils tombèrent en poussière[115]. L'appartement fut garni de feutre noir à franges violettes, de meubles recouverts de velours noir. Des moulures noires coururent au plafond. Et une lampe discrète éclairait ce tombeau où elle s'enfouissait.

En compagnie d'une vieille servante, qui, peut-être, était sa nourrice, et de deux chiens abominables et jappeurs, elle vivait là, cloîtrée, offensée par la lumière du jour, remuant la cendre des souvenirs, parmi la poussière qui mettait sa housse légère et impalpable sur les meubles et l'odeur des bêtes enfermées dans les pièces où elle rôdait, silencieuse et taciturne[116]. D'entre les fentes de ses volets clos, elle apercevait, dorée de neuve et jeune lumière, la place Vendôme dans l'axe de laquelle, cri de bronze vers la victoire battant de l'aile au-dessus d'elle, s'élançait la colonne de l'Empereur et de l'Empire, et, plus loin, les façades vieillies et toujours intactes de cet Hôtel du Rhin, où, en 1848, était descendu Louis-Napoléon, et cet appartement où, avant son mariage, habitait Mlle de Montijo. Entre ces deux maisons, quel passé en cendres maintenant ! Et, plus loin, vomitoire de la place pleine de voitures rapides et de passants hâtifs, cette rue qui portait son nom à elle, cette rue de Castiglione où, du temps de Balzac, une honnête femme pouvait habiter au troisième étage[117]. Atteinte de la manie des habitations multiples elle y avait loué un appartement. Elle en possédait un autre rue Cambon, un troisième aux Batignolles, ce qui, avec celui de la place Vendôme, lui coûtait 18.000 francs de loyer par an[118]. Et dans ces logis-là, encombrés de meubles et de toilettes, elle ne mettait jamais les pieds. Au monde, pour lequel elle n'était plus, d'ailleurs, qu'un objet de curiosité rétrospective, elle se dérobait. Place Vendôme, derrière ses portes closes et les serrures de sûreté, elle jouissait de l'amertume désenchantée de se survivre. Quelquefois, cependant, un coup de sifflet retentissait sous ses fenêtres. Vite, à la fente des volets, elle se penchait, et, debout sur le trottoir, elle voyait son amant, — un des derniers, — Estancelin annonçant ainsi, du dehors, sa visite[119]. Et elle tirait les verrous. En janvier 1894, il fallut se résoudre à les tirer tout à fait. A la bijouterie Boucheron, installée au rez-de-chaussée de l'immeuble, le propriétaire venait de céder l'entresol de la comtesse, destiné à disparaître dans les agrandissements du magasin. Le cœur déchiré, elle déménagea. Ce fut, comme naguère au-dessus du Café Anglais, au-dessus du Restaurant Voisin qu'elle alla se fixer, rue Cambon, n° 14. Elle touchait maintenant à la soixantaine, et nettement s'accusait chez elle ce dérangement d'esprit qu'elle semble avoir eu dès l'heure de ses débuts à Paris. Désireuse de se laver de trente années de légendes galantes, elle projetait d'écrire ses mémoires[120]. Le titre était à lui seul une trouvaille :

LA PLUS BELLE FEMME DU SIÈCLE,

(naturellement), par

MME LA COMTESSE DE CASTIGLIONE

Dommage qu'elle se soit arrêtée au projet ! On en eût lu de joyeuses sur la formation de l'Italie et le sauvetage du Pape, par la belle Virginie ! D'ailleurs, elle abondait en projets de ce bord. A l'Exposition Universelle de 1900, elle voulait se faire réserver une salle spéciale, qu'elle décorerait de cinq cents portraits d'elle[121]. En attendant, la plus belle femme du siècle avait des bontés amoureuses pour Charles, son domestique[122], et couchait avec sa concierge. La pipelette était avec moi, dans mon lit, écrit-elle à un ami[123]. J'ajoute que cette préposée au cordon avait été appelée en cet endroit pour chauffer Mme la comtesse de Castiglione, laquelle avait froid. Après cela je veux bien qu'on dise que Virginie avait gardé toute sa raison.

***

Jours bénis de naguère où la discipline d'un labeur tyrannique et cher ne m'avait point encore condamné aux veilles sévères parmi les livres de mes chambres ! Poète, alors, avec des amis précieux et enthousiastes, retraités depuis dans des sous-préfectures ou des études de notaire, je cherchais le sourire de la gloire dans ces tavernes où la fumée des pipes dérobe le visage de la Muse à ceux qui l'y viennent chérir. Il vous en souvient, vous qui, alors, à la suite de l'Hellène Moréas à la belle moustache bleue, touchiez la lyre française suivant le mode de Ronsard, jeune et noble Emmanuel Signoret, descendu, depuis, au royaume des ombres heureuses, et toi qui, maintenant, après avoir instauré une école poétique nouvelle, rédige des contrats de mariage dans cette salle basse où le pampre jaunit à la fenêtre à croisillons anciens ! Il vous en souvient, de cette nuit légère de mai, où, au long des arcades sonores et désertes de la rue de Castiglione nous descendions vers ces bars où jusqu'à des heures tardives nous trompions le rêve de nos jeunesses oisives. Et l'un de nous dit : Il y a un beau poème à faire sur cette vieille petite Mme de Castiglione qui promène ses chiens dans la rue de Castiglione. Beau poème, c'est vrai, mais qui, dans ses rimes eût enclos moins de mélancolie que cette ombre que nous regardâmes aller à petits pas et disparaître au coude de la rue de Rivoli, sans qu'à aucun de nous trois son nom eût rappelé ce que, depuis, nous avons appris. Et qui de nous y songeait encore, quand, descendant la rue des Capucines, la haute voix d'Emmanuel Signoret proclamait vers la lune rasant le faîte bleu et luisant des toits :

L'aile en fureur, l'hiver sur les monts vole et vente,

Du sang glacé des fleurs se paissent les janviers,

Votre pleine verdure étincelle vivante,

Vous, oliviers que j'aime, oliviers ! oliviers !...

Voilà le souvenir qui m'est demeuré de la première et seule fois où je vis Mme de Castiglione. Alors, il lui demeurait peu d'années à vivre. Elle se disait atteinte de treize maladies, parmi lesquelles celles de la paralysie des reins et de la déviation de la colonne vertébrale, paraissaient incurables[124]. Pourtant ce ne furent point celles-là qui l'achevèrent et l'emportèrent. Un dimanche, ce fut une hémorragie cérébrale qui la coucha. Le 28 novembre 1.899, à trois heures du matin, seule, au-dessus du restaurant déserté, elle trépassait. Par son testament elle décidait avec minutie des détails de sa dernière et funèbre toilette. Pour envelopper son beau corps accablé des maux de la terre, elle voulait la chemise de nuit de Compiègne, de 1857, — la première nuit avec l'Empereur, — et un peignoir de velours noir et de peluche blanche. A son cou flétri et ruiné, elle se voulait le collier à neuf rangs de perles noires et blanches ; à ses poignets maigris deux bracelets. Sa tête à la chevelure blanche devait reposer sur un oreiller en tapisserie à point en croix, de soie floche doublée de satin violet avec des bouquets de pensées et une cordelière violette. Ses chiens étaient morts ; elle les exigeait posés, empaillés, sous ses pieds, leur poil serré dans une robe d'hiver bleue et violette à son chiffre, des colliers de fleurs au cou[125]. Sur cette mise en scène théâtrale, le charpentier allait clouer la planche du cercueil.

Le 29 novembre, à trois heures de l'après-midi, il fut porté à l'église de la Madeleine. Huit ou dix amis entouraient la bière, parmi la fade odeur des cires jaunes et des fleurs fanées de l'enterrement. Tel fut le cortège de la divine Virginie. Le silence, la solitude, l'abandon. L'absoute donnée, sous ses gouttes d'eau bénite humides encore, le cercueil fut descendu provisoirement dans les caves de l'église[126]. Quelque temps plus tard, on l'inhumait au cimetière du Père La Chaise, 85e division, 3e ligne, face 84, n° 43 de la 87, dit dans son sinistre laconisme le bulletin de situation de sépulture, que j'ai là devant moi. C'est là-haut, dominant Paris, tout près de la mosquée qui tombe en ruines, dans cette mélancolique partie du cimetière encore inculte, où le gravat se mêle au chardon et où traînent, sous un ciel bas, les épaisses et lourdes fumées du four crématoire. Sur la pierre, neuve encore, déjà la pluie et la poussière commencent à effacer la sobre et sèche épitaphe :

VIRGINIE OLDOÏNI

COMTESSE

VERASIS DE CASTIGLIONE

DÉCÉDÉE

LE 28 NOVEMBRE 1899.

Un instant égaré dans l'enclos de la mosquée pourrissante, parmi les hautes herbes, je songeais à cette pierre, à cette mort. Avoir connu et vécu les langueurs italiennes, avoir erré parmi ces jardins napolitains et turinois où l'odeur des roses crée les accablants prestiges dont on défaille, promené des désirs inutiles et des dégoûts sans raison au long de ces mers dont les vagues battent des plages désertes et des grèves vides, et venir choir, là, dans un trou boueux de cimetière faubourien ! Motifs désolés qui faisaient que cet effacement me touchait fortement l'imagination. A ses obsèques elle avait défendu la pompe et l'éclat ; sur sa mémoire elle avait réclamé l'oubli et le silence. Mais, par cette jaune après-midi finissante du Père La Chaise, tandis que les sifflets des usines déchiraient l'air atone, je commandais à mon souvenir la méditation des paroles de Jules Barbey d'Aurevilly : Quand on a osé se faire amazone, on ne doit pas craindre les massacres sur le Thermodon...

 

 

 



[1] C'est la date donnée par M. FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite ; La comtesse de Castiglione ; 1840-1900 ; d'après sa correspondance inédite et les lettres des princes ; Paris, 1912, in-8°, p. 4. — Elle est dite née en 1840, par HENRY D'IDEVILLE, Journal d'un diplomate en Italie ; notes intimes pour servir à l'histoire du second Empire ; Turin, 1859-1862 ; Paris, 1872, in-18, p. 91. — Enfin, sur son acte de décès, à la mairie du Louvre, (1er arrondissement), elle est indiquée comme née à La Spezzia (Italie), sans autre indication.

[2] Comte DE REISET, Mes Souvenirs ; Paris, 1902, in-8°, t. II, p. 328.

[3] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 7.

[4] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 4.

[5] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 244.

[6] HENRY D'IDEVILLE, Journal d'un diplomate en Italie... ; pp. 92, 93.

[7] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 14.

[8] HENRY D'IDEVILLE, Journal d'un diplomate en Italie... ; p. 93.

[9] Comtesse STÉPHANIE DE TASCHER DE LA PAGERIE, Mon séjour aux Tuileries... ; t. I, p. 130.

[10] MME CARRETTE, Troisième série des souvenirs intimes de la cour des Tuileries ; Paris, 1891, in-18, pp. 123, 124.

[11] UN ANCIEN FONCTIONNAIRE, Histoire anecdotique du second Empire... ; p. 281.

[12] Comte DE MAUGNY, Souvenirs du second Empire... ; p. 37.

[13] Sir WILLIAM FRASER, My recollections... ; p. 114.

[14] Journal du maréchal de Castellane... ; t. V, p. 128.

[15] Sir WILLIAM FRASER, My recollections... ; p. 114.

[16] Comte DE REISET, Mes Souvenirs... ; t. II, p. 328.

[17] ANTHONY B. NORTH-PEAT, Paris sous le second Empire ; les femmes ; la mode ; la cour (1864-1869) ; traduit par EVE-PAUL MARGUERITTE ; Paris, 1911, in-18, p. 176.

[18] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. IV, p. 65.

[19] Comte DE MAUGNY, Souvenirs du second Empire... ; p. 41.

[20] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. IV, pp. 22, 23.

[21] HENRY D'IDEVILLE, Journal d'un diplomate en Italie... ; p. 84.

[22] Journal du maréchal de Castellane... ; t. V, p. 128.

[23] Journal du maréchal de Castellane... ; t. V, p. 130.

[24] HENRY D'IDEVILLE, Journal d'un diplomate en Italie... ; p. 85.

[25] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t- IV, p. 337.

[26] CHARLES NAUROY, Les Secrets des Bonaparte... ; p. 46.

[27] Sir WILLIAM FRASER, My recollections... ; p. 115.

[28] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Les Femmes du second Empire... ; p. 42.

[29] PIERRE DE LANO, Les Bals travestis et les Tableaux vivants sous le second Empire... ; p. 23.

[30] Comtesse STÉPHANIE DE TASCHER DE LA PAGERIE, Mon séjour aux Tuileries... ; t. III, p. 8.

[31] MME CARRETTE, Souvenirs intimes de la cour des Tuileries... ; t. I, p. 241.

[32] Comte DE MAUGNY, Souvenirs du second Empire... ; pp. 41, 42.

[33] Le duc de Bassano suivit Napoléon III en exil et mourut en 1898.

[34] ROGER BOUTET DE MONVEL, Les Variétés ; 1850-1870 ; Paris, s. d., in-18, p. 118.

[35] UN ANCIEN FONCTIONNAIRE, Histoire anecdotique du second Empire... ; p. 281, dit, par erreur, que ce bal fut donné dans l'hiver de 1859.

[36] MME CARRETTE, Souvenirs intimes de la cour des Tuileries... ; t. I, p. 230.

[37] Décédé à San-Remo le 8 janvier 1879. — LÉONCE DE BROTONNE, Les Sénateurs du Consulat et de l'Empire ; tableau historique des Pairs de France ; 1789, 1814, 1848 ; Les Sénateurs du second Empire ; Paris, 1895, in-8°, p. 292.

[38] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. I, pp. 9, 149, t. III, pp. 94, 95.

[39] Marquis PHILIPPE DE MASSA, Souvenirs et impressions ; 1840-1871 ; Paris, 1897, in-18, p. 144. — On sait que le marquis de Massa est l'auteur de la revue fameuse : Les Commentaires de César, revue de l'année, en deux actes, représentée les 26 et 27 novembre 1865, sur le théâtre du palais de Compiègne ; Paris, 1865, in-12.

[40] ÉMILE LECLERCQ, Le Second Empire français ; de la prison de Ham aux jardins de Wilhelmshöhe ; régime de l'ordre ; Bruxelles, 1871, in-18, p. 111.

[41] Comte DE MAUGNY, Souvenirs du second Empire... ; pp. 42, 43.

[42] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. IV, p. 23.

[43] LE PETIT HOMME ROUGE, The Court of the Tuileries... ; p. 111.

[44] Comte DE MAUGNY, Souvenirs du second Empire... ; pp. 37, 38. — Lord Malmesbury fait Mme Korsakoff l'héroïne de cette anecdote. Cf. Mémoires d'un ancien ministre... ; pp. 348, 349.

[45] Ce costume était, en vérité, très suggestif, ainsi qu'on dit aujourd'hui. Entièrement noir, il enveloppait la comtesse de façon à ne permettre de deviner aucune de ses formes ; les mains ramenées l'une sur l'autre et couvertes des vastes plis des manches, disparaissaient également et seul le visage, entièrement encadré d'un capuchon rapproché des tempes, était apparent. Une large croix blanche sur l'épaule, portait simplement quelque impression de coquetterie à ce travestissement. — PIERRE DE LANO, Les Bals travestis et les Tableaux vivants sous le second Empire... ; p. 23.

[46] Comtesse STÉPHANIE DE TASCHER DE LA PAGERIE, Mon séjour aux Tuileries... ; t. II, pp. 186, 187.

[47] Comtesse STÉPHANIE DE TASCHER DE LA PAGERIE, Mon séjour aux Tuileries... ; t. I, p. 131.

[48] Sir WILLIAM FRASER, My recollections... ; p. 119.

[49] Elle plaidait auprès de Napoléon III l'affranchissement de l'Italie. FRÉDÉRIC LOLIÉE, Les Femmes du second Empire... ; p. 52.

[50] Cité par FRÉDÉRIC LOLIÉE, Les Femmes du second Empire... ; p. 15.

[51] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 38.

[52] A propos du rôle politique attribué à Mme de Castiglione, je cite ce texte à. titre de curiosité : Pour remercier Napoléon III des services rendus, disaient les uns, ou, comme disaient les autres, pour faire résoudre dans un sens italien une affaire pendante, Victor-Emmanuel, n'hésitant point à se changer en ruffian, prenait l'homme du 2 décembre par son faible, et, sous couleur de diplomatie, lui expédiait le plus magnifique échantillon de la race latine qu'il eût pu trouver dans les terres italiques. Le colis soigneusement envoyé sous la garde même du mari, le rusé Savoyard n'a pas manqué de se frotter les mains d'aise. — A présent, je le tiens ! disait-il à M. Urbain Ratazzi, son premier ministre. — PHILIBERT AUDEBRAND, Un café de journalistes sous Napoléon III ; Paris, 1888, in-18, p. 198.

[53] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 301.

[54] MME CARRETTE, Souvenirs intimes de la cour des Tuileries... ; t. I, p. 236.

[55] STENDHAL, Napoléon ; notes et introductions par JEAN DE MITTY ; Paris, 1898, in-18, p. 139. — Revue des curiosités révolutionnaires ; Paris, 1912, in-8°, t. II, p. 271.

[56] Comte DE REISET, Mes Souvenirs... ; t. II, p. 327.

[57] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Les Femmes du second Empire... ; p. 9.

[58] Comte DE REISET, Mes Souvenirs... ; t. II, pp. 327, 328.

[59] Mémoires secrets du second Empire... ; pp. 52, 53.

[60] Docteur PROSPER MENIÈRE, Mémoires anecdotiques sur les salons du second Empire... ; p. 237.

[61] Comtesse STÉPHANIE DE TASCHER DE LA PAGERIE, Mon séjour aux Tuileries... ; t. I, pp. 130, 131.

[62] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. III, p. 272.

[63] LE PETIT HOMME ROUGE, The Court of the Tuileries... ; p. 111.

[64] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. IV, pp. 53, 56.

[65] Papiers et correspondance de la famille impériale... ; t. II, p. 93.

[66] MME CARRETTE, Souvenirs intimes de la cour des Tuileries... ; t. I, p. 237.

[67] PIERRE DE LANO, L'Empereur (Napoléon III)... ; p. 29.

[68] PIERRE DE LANO, Le Secret d'un Empire ; l'Impératrice Eugénie ; Paris, 1891, in-18, p. 207.

[69] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. III, p. 273.

[70] Le Palais pompéien ; études sur la maison gréco-romaine, ancienne résidence du prince Napoléon ; Paris, s. d., in-4°, p. 4.

[71] UN ANCIEN FONCTIONNAIRE, Histoire anecdotique du second Empire... ; p. 281.

[72] Griscelli place ce premier rendez-vous à l'hôtel Beauveau, j'ignore pourquoi, et ne trouve point cette demeure parmi les logis de Mme de Castiglione à Paris.

[73] Mémoires de Griscelli... ; pp. 158, 159, 160.

[74] Cf. une autre version dans Vingt ans de police ; souvenirs et anecdotes d'un ancien officier de paix ; Paris, 1881, in-18, pp. 34 et suivantes.

[75] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. IV, pp. 43, 130.

[76] Mémoires secrets du second Empire... ; pp. 57, 58, 59.

[77] Comtesse STÉPHANIE DE TASCHER DE LA PAGERIE, Mon séjour aux Tuileries... ; t. II, pp. 182, 183.

[78] PHILIBERT AUDEBRAND, Un café de journalistes sous Napoléon III... ; p. 200.

[79] UN ANCIEN FONCTIONNAIRE, Histoire anecdotique du second Empire... ; p. 281.

[80] Duchesse DE DINO, Chronique de 1831 à 1862... ; t. IV, p. 250.

[81] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Les Femmes du second Empire... ; p. 60.

[82] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. IV, p. 65.

[83] Mémoires secrets du second Empire... ; p. 53 à 55.

[84] UN ANCIEN FONCTIONNAIRE, Histoire anecdotique du second Empire... ; p. 282.

[85] PHILIBERT AUDEBRAND, Un café de journalistes sous Napoléon III... ; p. 199.

[86] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. III, p. 273.

[87] PHILIBERT AUDEBRAND, Un café de journalistes sous Napoléon III... ; p. 200.

[88] Mémoires de Griscelli... ; p. 160.

[89] HENRY D'IDEVILLE, Journal d'un diplomate en Italie... ; p. 94.

[90] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 77.

[91] Comte DE MAUGNY, Souvenirs du second Empire... ; pp. 43, 44.

[92] Lord MALMESBURY, Mémoires d'un ancien ministre... ; p. 290.

[93] Duchesse DE DINO, Chronique de 1831 à 1862... ; t. IV, p. 253.

[94] HENRY D'IDEVILLE, Journal d'un diplomate en Italie... ; pp. 83, 84.

[95] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. IV, p. 97.

[96] Mémoires secrets du second Empire... ; pp. 62, 63.

[97] HENRY D'IDEVILLE, Journal d'un diplomate en Italie... ; p. 89.

[98] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. IV, p. 59, 60, 65.

[99] Journal des Goncourt... ; t. IV, p. 180.

[100] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. IV, p. 173.

[101] Mémoires du comte Horace de Viel-Castel... ; t. IV, p. 65.

[102] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Les Femmes du second Empire... ; p. 32.

[103] LE PETIT HOMME ROUGE, The Court of the Tuileries... ; p. 111.

[104] PIERRE DE LANO, L'Impératrice Eugénie... ; p. 207.

[105] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Les Femmes du second Empire... ; p. 28.

[106] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Les Femmes du second Empire... ; p. 28.

[107] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 307.

[108] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 78.

[109] Le Gaulois, 30 novembre 1899.

[110] MME CARRETTE, Souvenirs intimes de la Cour des Tuileries... ; t. I, p. 238.

[111] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 181.

[112] ZED [comte DE MAUGNY], Le demi-monde sous le second Empire ; Souvenirs d'un sybarite ; Paris, s. d., in-18, pp. 50, 51.

[113] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Grandeur et Déclin d'une favorite, dans La Revue, 15 mars 1912, p. 202.

[114] Le Gaulois, 30 novembre 1899.

[115] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 154.

[116] Sur la vie de Mme de Castiglione, à la place Vendôme, voici quelques notes qui me paraissent intéressantes à publier : Sa vie était alors tout à fait bizarre. C'est à peine si elle autorisait quelques rares amis à franchir le seuil de sa porte. Il semblait qu'elle eût pris le jour en horreur. Ses appartements étaient perpétuellement clos. Elle voulait vivre seule, seule au milieu d'un entassement extraordinaire de richesses vouées à l'abandon. C'est à peine si elle autorisait une vieille servante à pénétrer de temps en temps au milieu de l'encombrement des salons pour y mettre un peu d'ordre et de soin. On lui apportait ses repas du dehors, sans pénétrer jusqu'à elle, s'entourant de toute une mystérieuse complication de serrures et de portes closes, paraissant vouloir se soustraire à tous les assujettissements de l'humanité... Mme de Castiglione était devenue noctambule, dormant une partie du jour et ne se réveillant que le soir. Vers deux heures du matin, elle sortait et faisait plusieurs fois le tour de la place Vendôme pour prendre l'air. Puis, à la lueur d'une lampe vacillante, elle parcourait son logis, sortant parfois des caisses closes des parures royales, des dentelles, des toilettes entièrement fraîches et non portées. — Le Gaulois, 30 novembre 1899.

[117] Une femme logée au troisième étage (les rues de Rivoli et de Castiglione exceptées), n'est pas une honnête femme. — H. DE BALZAC, Études analytiques ; Physiologie du mariage ou Méditations philosophiques éclectiques sur le bonheur et le malheur conjugal ; Paris, s. d., in-18, p. 42.

[118] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Les Femmes du second Empire... ; p. 53.

[119] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 194.

[120] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 234.

[121] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 249.

[122] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Les Femmes du second Empire... ; p. 60.

[123] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; p. 284.

[124] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Grandeur et Déclin d'une favorite, dans La Revue, 15 mars 1912, p. 205.

[125] FRÉDÉRIC LOLIÉE, Le Roman d'une favorite... ; pp. 292, 293.

[126] Hier, à trois heures, dans l'immense nef de la Madeleine, un cercueil voilé de noir, autour duquel huit ou dix personnes se pressaient, recueillies, prévenues au hasard par une vieille servante ; la bénédiction, les vêpres des morts psalmodiés par quelques membres du clergé, nulle pompe, aucune parenté. Le corps déposé dans les caveaux de l'église en attendant les ordres venus d'Italie... — Le Gaulois, 30 novembre 1899.