UNE MAÎTRESSE DE NAPOLÉON

LIVRE II. — LA FEMME QUI COUCHA AVEC L'EMPEREUR

 

II. — LES QUATRE NUITS DE SAINT-CLOUD RACONTÉES PAR MLLE GEORGE.

 

 

I. — PROLOGUE.

L'histoire de la liaison du Premier Consul et de Mlle George, contée souvent, mais brièvement, ne le fut jamais dans tous ses détails. Dans cet amour on n'a pas été sans voir le goût de Napoléon pour la tragédie. Ce goût, cette passion, il l'eut incontestablement. Le théâtre Feydau qu'il fréquentait assidûment en 1795, ne lui avait pas désappris le chemin du Théâtre de la République.

Cette vertu qu'il vantait à son camarade Des Mazis, il lui était loisible de l'exalter là, de sa place de parterre, au rythme des grands vers majestueux de la tragédie française, il y mettait une sorte de passion, la seule qu'il se soit jamais sentie pour la littérature. Lui qui, en maître, réglementait tout, reconnaissait là la supériorité du poète, s'inclinait devant son rôle. Lors de son entrevue avec Gœthe, il dit « Il faudrait que la tragédie fût l'école des rois et des peuples c'est le point le plus élevé auquel un poète puisse atteindre. » Rare et admirable aveu A lui « la tragédie apparaît grave, noble et forte. Nulle vulgarité en elle. Il y écoute parler ses pareils les rois, les héros et les dieux. Il s'y écoute parler lui-même, car c'est ainsi, et en cette langue, qu'il devra s'exprimer devant la postérité quand le recul des temps permettra que l'on mette sa vie sur la scène[1]. » De là sa ferveur pour Corneille. Corneille Il lui apparaît comme une sorte de héros digne de la pourpre royale, comme le premier après le souverain dans la hiérarchie de l'État. Que ne peut le poète pour le prince Grâce à Corneille, à Racine, le nom de Louis XIV s'auréole dans l'Histoire d'une immortelle splendeur. Désarmé devant la pierre tombale du père de Cinna[2], Napoléon, du moins, prétend l'honorer dans sa, postérité. Il apprend la situation misérable où se trouvent les descendants du grand homme, et il ordonne la rédaction d'un décret en leur faveur, à lui soumettre. Il reçoit cette proposition :

Nous accordons à la demoiselle Catherine Corneille, fille de Louis-Ambroise, et à la demoiselle Marie-Alexandrine, fille de Jean-Baptiste-Antoine, toutes deux descendant en ligne directe de Pierre Corneille 1° à la première, une pension annuelle et viagère de 300 francs ; 2° à la seconde, également une pension annuelle et viagère de 300 francs.

 

Il trouve l'aumône mesquine et misérable au point de répliquer péremptoirement

 

DÉCISION.

Ceci est indigne de celui dont nous ferions un Roi. Mon intention est de faire baron l'aîné de la famille, avec une dotation de 40.000 francs je ferai baron l'aîné de l'autre branche avec une dotation de 4.000 francs, s'ils ne sont pas frères. Quant à ces demoiselles[3], savoir leur âge et leur accorder une pension telle qu'elles puissent vivre[4].

 

Lui qui dit que « la tragédie échauffe l'âme, élève le cœur, peut et doit créer les héros, » méprise ceux qui ne tâchent qu'à amuser. « Je gage qu'il n'aurait pas fait de Molière un chambellan, » dit Fleury[5]. Ce goût pour l'héroïsme cornélien, il prétend l'imposer au peuple, à son peuple, à la France. Pour ce il trouve des moyens propres à exciter en même temps 1 enthousiasme. Au milieu des représentations des tragédies, brusquement apparaît le commissaire de police, ceint de son écharpe. La scène s'arrête, les acteurs se rangent, et le commissaire lit les bulletins de la Grande Armée, et, dans le silence de la salle, s'envolent ces noms obscurs encore Eylau, Friedland, Tilsitt, Essling, Wagram, que l'histoire recueille[6]. Et la représentation continue, mêlant ainsi l'épopée présente à l'épopée antique, rejoignant César et Napoléon, l'Empereur romain et l'Empereur français. Il a l'orgueil déçu de croire que sa prodigieuse destinée, que sa gloire lourde de lauriers, peut inspirer le Corneille nouveau, le Corneille de son siècle. D'avance il lui est tout acquis.

A M. de Champagny.

Posen, 12 décembre 1806.

Monsieur Champagny, la littérature a besoin d'encouragements. Vous en êtes le ministre proposez-moi quelques moyens pour donner une secousse à toutes les différentes branches des belles-lettres, qui ont de tout temps illustré la nation[7].

 

La médiocrité des poètes de l'Empire lui semble une insulte à sa gloire, à l'honneur de la nation. Pour un mauvais couplet d'Opéra, deux lettres nobles et furieuses

A M. Cambacérès.

Berlin, 21 novembre 1806.

Si l'armée tâche d'honorer la nation tant qu'elle le peut, il faut avouer que les gens de lettres font tout pour la déshonorer. J'ai lu hier les mauvais vers qui ont été chantés à l'Opéra. En vérité, c'est tout à fait une dérision. Comment souffrez-vous qu'on chante des impromptus t'Opéra ? Cela n'est bon qu'au Vaudeville. On se plaint que nous n'avons pas de littérature, c'est la faute du ministre de l'Intérieur. Il est ridicule de commander une églogue à un poète comme on commande une robe de mousseline. Le ministre aurait dû s'occuper de faire préparer des chants pour le 2 décembre[8].

A M. de Champagny.

Berlin, 21 novembre 1806.

Monsieur Champagny, j'ai lu de mauvais vers chantés à t'Opéra. Prend-on à tâche, en France, de dégrader les lettres, et depuis quand fait-on à l'Opéra ce qu'on fait au Vaudeville, c'est-à-dire des impromptus ? S'il fallait deux ou trois mois pour composer ces chants, il fallait les employer. La littérature étant dans votre département, je pense qu'il faudrait vous en occuper, car en vérité, ce qui a été chanté à l'Opéra est par trop déshonorant[9].

 

Tant de soins devaient rester vains. Seul théâtre répondait à de si hautes et si belles espérances, et faute de trouver un Corneille, dont faire un roi, Napoléon trouva un Talma, dont il fit son ami, et George dont il fit sa maîtresse.

 

II. — PREMIÈRE NUIT[10].

C'est à George qu'il appartient de conter cette liaison. Elle l'a fait avec un luxe de détails et une précision dont on saisit toute l'importance, quand on sait que, aux jours de déchéance, cette liaison lui semblait le plus beau fleuron de sa couronne. Nous n'interviendrons pas dans son récit. Aussi bien importe-t-il d'en conserver toute la saveur et tout le pittoresque. A ceux qui le lui pourraient reprocher elle peut répondre que, fixant une page d'histoire, elle ne s'est guère préoccupée de la littérature.

 

* * *

 

« Je venais de jouer Iphigénie en Aulide (Clytemnestre). Le Consul assistait à la représentation. En rentrant chez moi, je trouvai le premier valet de chambre du Consul, Constant, qui venait me prier, de la part du Consul, de permettre que l'on vint me prendre le lendemain, à huit heures du soir, pour me rendre à Saint Cloud ; que le Consul voulait me complimenter lui-même sur mes succès[11]. — Je fus saisie d'une manière affreuse, moi qui, quelques jours avant, manifestais au Prince[12] le désir ambitieux de parler au Consul. On m'offre cette occasion, et je me trouve pétrifiée. Étais-je contente ? En vérité, non, et dans ce moment j'étais fort désireuse de grandeurs Que vais-je faire ? que répondre à ce Constant qui était là avec sa figure réjouie et qui paraissait fort étonné de l'immobilité de la mienne ? Moi qui ne pensais jamais au prince Sapieha, j'y pense alors ; lui, si excellent, si grand seigneur, qui m'offre tout ce que je peux désirer, qui est très amusant, qui a d'excellentes manières, qui ne demande qu'à baiser le bout de mes doigts, qui me laisse parfaitement libre, et dans ma tranquille innocence, chose bien convenue entre nous et bien respectée ! Que pouvais-je désirer, mon Dieu ? rien. Eh bien, si, j'avais besoin d'être ingrate, et allais l'être en effet. Je l'avoue, la curiosité l'emporta, l'amour-propre, peut-être, que sais-je, moi ?

Je réponds à Constant :

—Dites au Premier Consul, Monsieur, que j'aurai l'honneur de me rendre demain à Saint-Cloud. Vous pourrez venir me prendre à huit heures, mais pas chez moi, au théâtre.

Au théâtre pourquoi ? Je n'en sais rien. Pour me compromettre tout de suite, sans doute. Sotte vanité qui venait honteusement s'emparer d'une pauvre jeune fille !

J'étais triste après avoir congédié Constant. Je passai une nuit toute d'agitation, j'étais mécontente de moi. Mais que vais-je lui dire, moi, au Consul ? Que me veut-il ? D'ailleurs, il pouvait bien venir chez moi. Décidément cette entrevue me trouble et je suis bien tentée de ne pas y aller à son Saint-Cloud ? Malgré toutes ces réflexions, je calculais comment il faudrait m'habiller. En blanc ou en rose ? Une belle toilette ou un joli néglige Bah je verrai cela demain. Je vais dormir, à la tin mon Dieu, pourquoi le Consul a-t-il la fantaisie de me voir ? H est maitre, on ne peut le refuser. C'est juste, ce n'est pas ma faute, je ne pouvais pas refuser. Ainsi, dormons.

A huit heures je sonnai ma femme de chambre.

— Eh bien ! Clémentine, je n'ai pas fermé l'œil, j'avais envie de vous sonner pour causer. Voyous, parlez, que vais-je mettre pour aller là ?

— Ah ! mademoiselle, que vous êtes de mauvaise humeur ! Il y en a tant d'autres qui voudraient être à votre place !

— Tu crois cela, toi ! C'est joli !

— Oui, oui, mademoiselle, si la Volnais, la Bourgoin, voire, même Mlle Mars, pouvaient être appelées à votre place, elles seraient ravies. Songez donc ce que c'est que le Premier Consul Si vous ne le comprenez pas, c'est que vous êtes tout à fait une enfant.

Cette Clémentine était une servante maîtresse, très fine et très rusée. Elle piquait mon amour-propre par vanité, elle allait au but. Pauvre humanité

La journée me parut d'une longueur démesurée ; je ne pouvais rester en place ; j'allais au Bois de Boulogne, je revenais chez mon parfumeur, chez ma marchande de modes au théâtre, je rencontrai mon bon Talma.

— Qu'as-tu donc ? Tu as l'air d'une folle. Je te dis bonjour, tu ne me réponds pas, tu me pousses pour passer. Es-tu malade ? ou en veux-tu au régisseur ?

— C'est vous, Talma, qui êtes fou de me dire ce que vous dites, je n'ai rien.

Fleury[13], me prit par les mains, le vilain moqueur.

— Voyons, regardez-moi, vous êtes rouge comme une cerise aujourd'hui, vous ordinairement pâle comme le lys de la vallée. Etes-vous en colère ? Voyez donc, Contat ; ne lui trouvez-vous pas l'air étrange, un air de conquête ? Hé ! hé ! il y a quelque chose !

— Ah ! mon Dieu, saurait-on déjà ? Qu'est-ce qu'ils me veulent donc, tous ces gens-là !

— J'ai mal à la tête, est-ce que je ne puis avoir mal à la tête ? Vous avez bien la goutte, vous, monsieur Fleury, qui vous moquez de moi ; eh bien, est-ce que vous êtes de bonne humeur, quand vous avez la goutte ?

— Oh qu'elle est méchante ! Ne lui parlons plus ; elle est en train de nous maltraiter tous, même son bienaimé Talma. Embrassons-ta pour la punir et sauvons-nous.

Charmant et aimable Fleury ! Il était toujours marquis, même dans ses pantoufles et dans sa robe de chambre. Je rentrai vite chez moi ; il me semblait que j'avais un écriteau sur le dos où l'on avait écrit mon rendez-vous. Enfin six heures.

— Allons, Clémentine, habillez-moi un négligé blanc en mousseline, rien sur la tête, un voile de dentelle, un cachemire, voilà tout.

Je vais aller au théâtre pour passer les deux heures mortelles.

— Venez avec moi ; vous m'avertirez quand Constant sera là.

Je m'installe dans une loge pour être bien là seule.

Volnais vient m'y trouver. Que le bon Dieu la bénisse

Quel ennui ! On jouait Misanthropie et Repentir[14], je ne l'oublierai jamais.

— Verrez-vous tout le spectacle, George ?

— Non, et vous ?

— Non plus, j'ai affaire à neuf heures.

— Bon, elle aussi.

— Où allez-vous donc dans une toilette si riche ? Y a-t-il un bal quelque part ?

— Non, je vais en soirée. Vous avez une parure bien éclatante. — J'avoue que je préférais la mienne ; elle était plus simple. — Pauvre Volnais Elle allait chez son brave gouverneur, le général Junot. Cette parure faisait présager un mauvais goût de l'adorateur. Cette liaison a duré assez de temps elle lui a flanqué sur le dos des enfants qu'il n'a jamais faits, mais que Michelot[15] a pris soin de fabriquer[16].

Clémentine vint :

— On vous attend.

— Ah ! Clémentine, que je voudrais revenir chez moi !

Je trouvai Constant au bas de l'escalier de l'entrée des artistes. Nous allâmes prendre la voiture conduite par le fameux César, qui heureusement aimait à se rafraîchir ce qui, le jour de la machine infernale rue Nicaise, sauva l'Empereur et l'Impératrice qui se rendaient à l'Opéra, car notre César, étant un peu trop désaltéré, mena ses chevaux avec une telle rapidité que le coup affreux fut manqué[17].

Nous voilà partis. Ce qui se passa en moi pendant la route, il m'est impossible de le décrire. Mon cœur battait à me briser la poitrine. Je ne causais pas, allez. De temps à autre, je disais à Constant :

— Je meurs de peur, vous feriez bien de me reconduire chez moi et de dire au Premier Consul que je me suis trouvée indisposée. Faites cela et je vous promets de revenir une autre fois.

— Ah ! oui, je serais bien reçu !

— Mais quand je vous dis, monsieur, que j'ai une peur tellement forte que je ne pourrai dire un. mot ; que je serai glacée, et que votre Premier Consul me jugera pour la plus grande bête qu'on ait jamais vue. Savez-vous que j'en serai fort humiliée ?

Ce Constant riait de tout son cœur, ce qui me parut assez impertinent.

— Rassurez-vous, vous verrez combien le Consul est bon ; vous serez bien vite remise de votre frayeur. Soyez donc tranquille, il vous attend avec une vive impatience, etc. Ah nous voilà arrivés Allons, mademoiselle, rassurez-vous.

Nous traversons l'orangerie, puis nous arrivons devant la fenêtre de la chambre à coucher donnant sur la terrasse, où Roustan nous attendait. II soulève le rideau, terme la fenêtre sur moi, passe dans une autre pièce. Constant me dit

— Je vais prévenir le Premier Consul.

Me voilà seule dans cette, grande chambre : un immense lit, au fond et en face tes croisées, de grands rideaux de soie verte, un grand divan agrandi ; estrade en face de la cheminée. De grands candélabres, chargés de bougies allumées, un grand lustre. Eh mon Dieu c'est, éclairé comme un jour de bal est-ce enrayant ? rien ne peut échapper aux regards, une tache de rousseur serait vue. Tout est grand ici, pas le moindre petit coin mystérieux où l'on puisse se dérober, tout est à 'découvert, c'est trop beau pour moi Mettons-nous dans -cette bergère. Là, entre le lit et la cheminée, je serai un peu cachée, on ne m'apercevra pas de suite. Ah ! cela me rassure puis, mon voile baissé, je serai plus hardie.

J'entends un petit mouvement. Ah ! comme le cœur me bat !

C'est lui. Le Consul entre par la porte qui était de l'autre côté de la cheminée, porte donnant dans la bibliothèque[18].

Le Consul était en bas de soie, culotte satinée blanc[19], uniforme vert, parements et collets rouges, son chapeau[20] sous le bras. Je me levai. Il vint à moi, me regarda avec ce sourire enchanteur, qui n'appartenait qu'à lui, me prit par la main et nie fit asseoir sur cet énorme divan, leva mon voile, qu'il jeta par terre sans plus de façon. Mon beau voile, c'est aimable s'il marche dessus ! Il va me le déchirer, c'est fort désagréable.

— Comme votre main tremble ! Vous avez donc peur de moi, je vous parais effrayant moi, je vous ai trouvé bien belle, hier, madame, et j'ai voulu vous complimenter. Je suis plus aimable et plus poli que vous, comme vous voyez.

— Comment cela, monsieur ?

— Comment ? je vous ai fait remettre 3.000 francs après vous avoir entendue dans Émilie, pour vous témoigner le plaisir que vous m'aviez fait. J'espérais que vous me demanderiez la permission de vous présenter pour me remercier. Mais la belle et fière Emilie n'est point venue.

Je balbutiais, je ne savais que dire.

— Mais je ne savais pas, je n'osais prendre cette liberté.

— Mauvaise excuse vous aviez donc peur de moi ?

— Oui.

— Et maintenant ?

— Encore plus.

Le Consul se mit à rire de tout son cœur.

— Dites-moi votre nom ?

— Joséphine-Marguerite.

— Joséphine me plait : j'aime ce nom, mais je voudrais vous appeler Georgina, hein ! Voulez-vous ? Je le veux.

(Le nom m'est resté dans la famille de l'Empereur)

— Vous ne parlez pas, ma chère Georgina ?

— Parce que toutes ces lumières me fatiguent, faites-les éteindre, je vous prie, il me semble qu'alors je serai plus à l'aise pour vous entendre et vous répondre.

— Ordonnez, chère Georgina.

Il sonne Roustan :

— Éteins le lustre. Est-ce assez ?

— Non, encore la moitié de ces énormes candélabres.

— Fort bien, éteins.

— A présent y voit-on trop ?

— Pas trop, mais assez[21].

Le Consul, fatigué quelquefois de ses glorieuses et graves préoccupations, semblait goûter quelque plaisir à se trouver avec une jeune fille qui lui partait tout simplement. C'était, je le pense, nouveau pour lui.

— Voyons, Georgina, racontez-moi tout ce que yous avez fait soyez bonne et franche, dites-moi tout.

Il était si bon, si simple, que ma crainte disparaissait.

— Je vais vous ennuyer, puis comment dire tout cela ? Je n'ai pas d'esprit : je vais très mal raconter.

— Dites toujours.

Je fis le récit de ma très petite existence, comment je vins à Paris, toutes mes misères.

— Chère petite, vous n'étiez pas riche, mais à présent comment êtes-vous ? Qui vous a donné ce beau cachemire, le voile, etc. ?

Il savait tout. Je lui racontai toute la vérité sur le prince Sapieha.

— C'est bien vous ne mentez pas ; vous viendrez me voir, vous serez discrète, promettez-le-moi[22].

Il était bien tendre, bien délicat, il ne blessait pas ma pudeur par trop d'empressement, il était heureux de trouver une résistance timide[23]. Mon Dieu je ne dis pas qu'il était amoureux, mais bien certainement je lui plaisais. Je ne pouvais en douter. Aurait-il accepté tous mes caprices d'enfant ? Aurait-il passé une nuit à vouloir me convaincre ? Il était très agité pourtant, très désireux de me plaire, il céda à ma prière qui lui demandait toujours grâce.

— Pas aujourd'hui. Attendez, je reviendrai, je vous le promets.

Il cédait, cet homme devant lequel tout pliait. Est-ce peut-être ce qui le charmait ? Nous allâmes ainsi jusqu'à cinq heures du matin[24]. Depuis huit heures c'était assez.

— Je voudrais m'en aller.

— Vous devez être fatiguée, chère Georgina. A demain vous viendrez.

— Oui, avec bonheur, vous êtes trop bon, trop gracieux pour que l'on ne vous aime pas, et je vous aime de tout mon cœur.

Il me mit mon châle, mon voile. J'étais loin de m'attendre à ce qu'il allait arriver à ces pauvres effets. En me disant adieu, il vint m'embrasser au front. Je fus bien sotte, je me mis à rire et lui dit :

— Oh ! c'est bien, vous venez d'embrasser le voile du prince Sapieha.

Il prit le voile, le déchira en mille petits morceaux : le cachemire, fut jeté sous ses pieds[25], puis j'avais au col une petite chaîne, qui portait un médaillon des plus modestes, de la cornaline, au petit doigt une petite bague plus modeste encore, en cristal, où Mme de Ponty avait mis des cheveux blancs de Mlle de Raucourt[26]. La petite bague fut arrachée de mon doigt, le Consul fa brisa sous son pied. Ah ! il n'était plus doux alors. Je fus interdite et me disais :

— Quand tu me reverras, il fera beau !

Je tremblais. Il revint tout gentiment près de moi.

— Chère Georgina, vous ne devez rien avoir que de moi. Vous ne me bouderez pas, ce serait mal, et j'aurais mauvaise opinion de vos sentiments, s'il en était autrement.

On ne pouvait pas en vouloir longtemps à cet homme il y avait tant de douceur dans sa voix, tant de grâce, qu'on était forcée de dire :

— Au fait, il a bienfait[27].

— Vous avez bien raison. Non, je ne suis pas fâchée, mais je vais avoir froid, moi.

II sonna Constant.

— Apporte un cachemire blanc et un grand voile d'Angleterre.

II me conduisit jusqu'à l'orangerie.

— A demain, Georgina, à demain.

Voici littéralement ma première entrevue avec cet homme immense.

Constant ne me dit rien, il faisait bien. Je n'étais pas disposée à faire conversation avec lui. II tombait de sommeil et ne fit qu'un somme durant la route. Je ne dormais pas, moi. Je trouvais le Consul très séduisant, mais assez violent. C'est une existence toute d'esclavage que je vais me donner pas la moindre liberté à espérer et j'aime beaucoup mon indépendance ! Retournerai-je demain, comme je l'ai promis ? Je suis dans une incertitude. Il me plait, je le trouve si bon, si doux avec moi. Puis, sais-je bien si ce n'est pas un caprice ? Il serait fort triste et fort humiliant d'être quittée. La nuit porte conseil, attendons. En arrivant chez moi, Constant me dit :

— A ce soir, huit heures, madame, je viendrai vous prendre.

— Je ne suis pas décidée venez à trois heures, je verrai. Dites au Consul que je me trouve un peu fatiguée, que je ferai mon possible pour ne pas manquer à la promesse que je lui ai faite. »

 

Et ainsi se termina, suivant Mlle George, sa première nuit à Saint-Cloud[28].

 

III. — DEUXIÈME NUIT.

Le lendemain :

« Talma vint me voir. Je disais tout à mon bon Talma.

— Comment, tu hésites ? mais tu es donc folle ? Vois quelle position pour toi ! Tu ne connais pas, enfant que tu es, le Premier Consul. Honnête homme d'abord j'ignore quelle sera la durée de son goût pour toi. Mais je suis certain qu'il sera toujours excellent. On n'abandonne pas une jeune fille qui, malgré toutes les séductions qui l'entourent, n'a pas faibli tu me l'as dit et je le crois.

— Vous avez raison de me croire, bon Talma, pourquoi vous mentirais-je[29] ? Mais voyez-vous, Talma, c'est justement parce que c'est mon premier pas, que je suis très effrayée. De là, voyez-vous, dépend ma destinée. Je raisonne, allez je ne suis pas si enfant que vous le croyez. Le Consul est bon, oui, je vous l'accorde, j'en suis certaine. Mais c'est le Premier Consul, et moi une cabotine Lui ne pense qu'à la gloire croyez-vous, que la gloire aille avec l'amour ? Non, moi je veux que l'on soit amoureux de moi. Je serai bien heureuse, n'est-ce pas, si j'aime enfin le Consul, de n'être près de lui que par ses ordres, quand cela lui plaira Voyons, Talma, c'est l'esclavage, ai-je raison ?

— Et bien, alors, marie-toi.

— Joli conseil que vous me donnez là ! je crains l'esclavage et vous voulez que je me marie[30] ?

— Tiens, veux-tu que je te dise ? Tu iras ce soir à Saint-Cloud, c'est ta destinée, suis-la donc ; si tu n'y vas pas, tu feras quelques sottises qui te seront bien plus funestes.

— Tenez, c'est vrai. J'irai, car je sens que je l'aime. Dînez avec moi, Talma, si vous n'avez rien de mieux à faire ; nous parlerons de lui, vous qui l'avez beaucoup connu ; car vous le voyez souvent chez sa femme, cette gracieuse et charmante Joséphine.

—Oui, je l'ai beaucoup vu. Je te conterai cela une autre fois. Je ne puis diner avec toi, ma chère amie, à mon grand regret, mais ma femme m'attend. Mariez-vous donc c'est plus honnête, c'est vrai mais quelquefois bien gênant ! On se marie par amour, je le pense du moins quand on n'est plus amoureux, il faut se souvenir qu'on l'a été. Vous vous en souvenez, Talma. C'est encore quelque chose on doit des égards à sa femme, cela n'est pas chaud, mais cela est honnête.

— Où donc as-tu appris tout cela ?

— En voyant des gens maries ! Allons, cher Talma, partez, il' est tard. Mes compliments à Madame. A demain. Nous jouons Cinna, la représentation tient-elle toujours ?

— Jusqu'à présent.

— Tant pis, mais il faut faire son devoir.

A huit heures, Constant entrait dans la cour : il était venu à trois heures prendre les ordres. Me voilà encore en tête à tête avec ce bon et joyeux serviteur. La conversation pendant la route fut très laconique, mon côté du moins. Constant avait beau me dire

— Le Consul est enchanté de vous, il vous trouve charmante, il vous attend avec encore plus d'impatience.

Je restais fort silencieuse en me disant

— Le Consul cause donc avec son valet de chambre. Au fait, pourquoi pas ? Je cause bien avec Clémentine la familiarité du Consul avec son valet de chambre est une distraction, voilà tout Puis il lui est dévoué. Hélas il ne l'a pas été le misérable[31]

Le Consul m'attendait

— Bonjour, Georgina, sommes-nous de bonne humeur ?

— Oui, toujours pour vous.

C'était vrai il était vraiment séduisant, son sourire céleste, ses manières si douces il vous attirait, vous fascinait.

— Eh bien, Georgina, vous m'avez dit la vérité : cette petite bague que j'ai brisée sous mon talon venait bien de Mlle Raucourt, les autres objets de votre beau prince Sapieha vous lui avez déjà fait dire sans doute de cesser ses visites et ses prodigalités ?

— Non, je vous avouerai franchement que je n'y ai pas songé.

— C'est bien, ne vous en préoccupez pas. Il le comprendra, vous ne le verrez plus.

Je me dis en moi-même :

— Pauvre Prince, te voilà bien récompensé.

Il n'avait pas d'amour pour moi, son cœur ne sera pas froissé, mais il aura le droit de me croire bien ingrate et pourtant ce n'est pas ma faute et je ne puis blâmer le Consul il a raison. Tout homme délicat agirait ainsi. Hélas sera-ce mon bonheur Espérons, suivons aveuglément cette route quelle qu'elle puisse être Le Consul fut plus tendre que la veille, plus pressant mon trouble était palpitant, je n'ose dire ma pudeur, puisque j'étais venue de ma propre volonté il m'accablait de tendresses, mais avec une telle délicatesse, avec un empressement rempli de trouble, craignant toujours les émotions pudiques d'une jeune fille qu'il ne voulait pas contraindre, mais qu'il voulait amener à lui par un sentiment tendre et doux, sans violence. Mon cœur éprouvait un sentiment inconnu, il battait avec force, j'étais entraîné malgré moi. Je l'aimais, cet homme si grand, qui m'entourait de tant de ménagements, qui ne brusquait pas ses désirs qui attendait la volonté d'une enfant, qui se pliait à ses caprices.

— Voyons, Georgina, laisse-toi aimer tout entière Je veux que tu aies une entière confiance. C'est vrai, tu me connais à peine ; il ne faut qu'une minute pour aimer, on sent tout de suite le mouvement électrique qui vous frappe en même temps. Dis-moi, m'aimes-tu un peu ?

— Certainement je vous aime, non seulement un peu, j'ai peur de vous aimer beaucoup et d'être alors fort malheureuse. Vous avez trop de grandes choses en vous, pour que votre cœur ressente une tendresse bien vive pour ce qui n'est pas la gloire. Les pauvres femmes sont prises et bien vite oubliées pour vous, c'est un joujou qui vous amuse un peu plus, un peu moins, et quoique vous soyez le Premier Consul, je ne veux pas être votre joujou.

— Mais si vous êtes mon joujou préféré, vous ne vous en plaindrez pas, j'espère. Pas de méfiance, Georgina, vous me fâcheriez.

— Eh bien, je reviendrai demain.

— Vous voyez comme je suis faible de consentir à vous laisser partir sans m'avoir donné une preuve d'abandon, qui ne nous laisse plus étrangers l'un à l'autre. Partez donc, Georgina à demain.

— Ah j'oubliais, je joue Cinna.

— Tant mieux, j'assisterai à la représentation. Soyez bien belle après Cinna la voiture vous attendra.

— Mais je serai fatiguée.

— Allons, Georgina, cette fois, je veux vous voir après Cinna et vous céderez à mon désir où je ne vous verrai jamais.

— Je viendrai.

J'avais de grosses larmes dans les yeux.

— Tu pleures, tu vois bien que tu m'aimes un peu, folle.

Il essuya mes grosses larmes, m'embrassa et me dit :

— A demain, ma chère Georgina. »

 

Et ainsi se termina, suivant Mlle George, sa deuxième nuit à Saint-Cloud.

 

IV. — TROISIÈME NUIT.

Le lendemain :

« On joua effectivement Cinna, rien n'avait été changé. A sept heures un quart, j'entrais en scène et le Consul n'était pas arrivé. C'est pour me punir qu'il n'est pas là. Eh bien, s'il ne vient pas, je n'irai pas demain à son 'Saint-Cloud je ne suis pas une esclave, je m'appartiens bien, je suis à moi, à moi seule, Dieu merci Ah que j'ai bien fait de résister C'était un caprice, rien de plus.

Mon cher Consul, vous voyez que j'ai ma volonté aussi et que, quoique très petite fille, je sais ne pas courber la tête devant la puissance. Tant mieux, je suis libre et je respire plus librement.

Et je sentais que j'étouffais en débitant mon monologue. Débiter, c'est le mot, j'étais détestable, absurde, et la fière Emilie était fort humiliée. Il est inouï, tout ce qui peut se passer dans la tête d'une artiste, tout en jouant, tout en étant le, personnage, en apparence du moins. Car d'autres pensées viennent vous assaillir, font de vous une machine on fait sa charge et l'on trompe parfois le public.

A la fin de mon monologue, j'entends une rumeur dans la salle et des applaudissements frénétiques c'était le Consul. Ah combien je respirais avec bonheur On cria : « Recommencez », ce qui arrivait toujours quand Je Premier Consul était on retard. Je recommençai, cette fois le cœur rempli de joie et d'ivresse, mais tout entière à mon personnage. Le bon public devait dire :

— A la bonne heure, il parait que la présence de notre grand homme l'inspire plus que cette salle comble.

Le Consul aimait beaucoup la tragédie de Cinna.

La représentation de cet ouvrage était magnifiquement jouée par Talma et Monvel ! Monvel, si simple dans Auguste, si noble On parle de diction. Ab c'est lui qui connaissait le secret d'émotionner sa diction Comme il parlait Corneille, cet homme Sans organe presque sans voix, on l'entendait de partout. Aussi quel silence admiratif quand il était en scène !

Qu'il était tragique, simple et, dans son monologue du IVe acte, quand Évandre venait de lui découvrir la trahison de Cinna, et que, dans le monologue, il récapitulait toutes les actions et qu'il finissait par dire

Rentre en toi-même, Octave,

Et soutire des ingrats après l'avoir été.

Après l’avoir été était dit dans un sentiment indéfinissable. II y avait dans ces deux mots tous ses remords c'était d'un effet tragique. Et encore dans ce même monologue, quand il se relève et qu'enfin il veut se venger de cet ingrat, il avait un retour sur lui-même, en disant :

Mais quoi toujours du sang et toujours des supplices !

Du sang était dit avec un étonnement et une expression de dégoût sur les lèvres il se laissait tomber dans un fauteuil et il disait d'une manière si fatiguée, si épuisée :

Ma cruauté se lasse[32].

 

Et la scène qui ouvre le Ve acte entre Auguste et Cinna. II entrait le premier, très agité, Cinna le suivait. Les fauteuils étaient posés à l'avance : Monvel prenait son fauteuil d'une main tremblante :

Prends un siège, Cinna.

et sur l'hésitation de Cinna, il recommençait :

Prends...

Quel effet prodigieux Ah j'étais là, palpitante, tout oreilles comme tout le public du. reste. Et les vers qui suivaient le fameux : Prends !

Sur toute chose

Observe exactement la loi que je t'impose.

Dès le commencement de cette scène, son débit était bref, serré et pourtant impétueux. Quand il rappelait à Cinna les faveurs dont it l'avait comblé et lui disait :

Tu t'en souviens, Cinna, et veux m'assassiner.

Cinna, qui veut alors se relever, était retenu par Monvel :

Tu tiens mal ta promesse.

Sieds-toi...

Rendre l’effet est impossible. Et quand il lui citait tous les conjurés, qu'il les comptait sur ses doigts, ces doigts magiques dont la flamme sortait de chaque phalange. Compter sur ses doigts, sans exciter le rire, faire frémir tout le monde au contraire, c'est pousser l'art au-delà de toute imagination et après avoir démontré à Cinna toutes ses bassesses, toutes ses ingratitudes, quand il finissait cet éloquent dialogue en lui disant :

Parle, parle, il est temps.

Je ne pense pas qu'il soit possible à aucun comédien d'atteindre une perfection semblable, aussi vraie, aussi intelligente et tout cela sans un cri, sans une exagération Ah Monvel sublime, ta réputation est bien au-dessous de ton immense talent. L'injustice dominera donc toujours Talma, dans ce personnage pusillanime, incertain, brave cependant mais faible, qui marchait sous l'influence de sa passion pour Émilie, et qui agissait contre les sentiments de son cœur que sa première entrée était belle, à Talma Tout ce beau et interminable récit était fait d'une voix basse s'animant par degrés, mais toujours à voix basse. Quelle physionomie Toutes ses fibres tremblaient. Ceci était d'un effet si épouvantablement vrai, que j'ai bien souvent vu des femmes se retourner de frayeur. C'est, je crois, du talent, mais ceux qui ne l'ont pas vu n'y croiront pas ils ont raison, ils ne l'ont pas vu et ne le verront pas. Les vieilles traditions sont aujourd'hui tournées en ridicule (à l'impossible nul n'est tenu.) Comment parler des couleurs à un aveugle ? Ce soir là et la présence du Consul y était pour beaucoup l'effet de la représentation était magnifique. Je ne parle pas de moi, mon Dieu, au milieu de ces merveilleux et immenses talents, de ces géants, je me tenais de mon mieux pour ne pas faire ombre au tableau. J'eus donc la batteuse récompense de mes efforts. Mais il m'arriva au Ve acte, un applaudissement auquel j'étais loin de m'attendre, au vers :

Si j'ai séduit Cinna, j'en séduirai bien d'autres[33].

Applaudi, ce vers, à trois reprises ; je devins pourpre. Mon Dieu, que veut dire cela ? On présume donc quelque chose ?... On ne peut rien savoir... Le Premier Consul vient souvent et on croit peut-être... Ce serait affreux. Les secrets de la Cour seraient donc comme tes secrets de la Comédie ? Que va me dire le Consul ? H sera furieux, il m'accusera peut-être d'indiscrétion et pourtant je ne me suis confiée qu'à Talma. H est trop prudent et trop peureux pour en avoir ouvert la bouche, même à sa femme. Talma me suivit dans ma loge, tout ébouriffé.

— Et bien, tu vois, tu as entendu ces applaudissements ?

— Oui, j'en suis confuse et inquiète ; pourvu que le Consul ne m'accuse pas d'indiscrétion Après tout peu m'importe, le public a peut-être voulu me faire un gracieux compliment[34]. Allez vous-en, Talma, on m'attend.

Je montai en voiture et me voilà pour la troisième fois sur la route de Saint-Cloud. Le Consul m'attendait.

— La représentation a été bien belle, me dit-il. Talma a été vraiment sublime. Monvel est un acteur bien profond malheureusement la nature l'a desservi ; on ne peut avoir une grande réputation avec une voix aussi défectueuse, un physique si grêle. Le théâtre, c'est l'idéalité on n'y veut pas voir des héros mal faits. Monvel combat ces défectuosités par la science, mais le charme est absent. C'est un acteur à étudier. Vous avez été belle aussi, Georgina.

— J'ai fait de mon mieux pour mériter votre suffrage, qui est le plus batteur pour moi.

— Eh mais, vous devenez flatteuse.

— Je cherche à me faire grande dame.

— Vous essayez à devenir méchante. Soyez ce que vous êtes ; je vous préfère Georgina que comtesse.

Il m'accablait de bontés.

— Mettez-vous là, près de moi, vous êtes un peu fatiguée. Voyons, débarrassez-vous de ce schall, de ce chapeau que l'on vous voie.

Il défaisait petit à petit toute ma toilette. Il se faisait femme de chambre avec tant de gaieté, tant de grâce et de décence qu'il fallait bien céder, en dépit qu'on en ait. Et comment n'être pas fascinée et entraînée vers cet homme ? Il se faisait petit et enfant pour me plaire. Ce n'était plus le Consul, c'était un homme amoureux peut-être, mais dont l'amour n'avait ni violence, ni brusquerie il vous enlaçait avec douceur, ses paroles étaient tendres et pudiques impossible de ne pas éprouver près de lui ce qu'il éprouvait lui-même.

Je me séparai du Consul à sept heures du matin, mais honteuse du désordre charmant que cette nuit avait causé. J'en témoignai tout mon embarras.

— Permettez-moi d'arranger cela.

— Oui, ma bonne Georgina, je vais même t'aider dans ton service.

Et il eut la bonté d'avoir l'air de ranger avec moi cette couche, témoin de tant d'oublis et de tant de tendresses[35].

Le Consul me dit :

— A demain, Georgina.

H me disait à demain pour, sans doute, calmer mes inquiétudes. C'était encore une délicatesse de son cœur. Non, jamais ceux qui liront ces détails ne voudront y croire, ils sont réels. Pour bien connaître le grand homme, il fallait le voir dans l'intimité ; là, dépouillé de ses immenses pensées, il se plaisait dans les petits détails de la vie simple et humaine ; il se reposait de la fatigue de lui-même.

— Non, pas demain, si vous te permettez, mais après-demain.

— Oui, ma chère Georgina, comme tu le veux à après-demain, aime-moi un peu et dis-moi que tu reviendras avec bonheur.

— Je vous aime de toute mon âme, j'ai peur de trop vous aimer ; vous n'êtes pas fait pour moi, je le sais, et je souffrirai ce)a est écrit, vous verrez.

— Va, tu prophétises mal, je serai toujours bon pour toi, mais nous n'en sommes pas là. Embrasse-moi et sois heureuse. »

 

Et ainsi se termina, suivant Mlle George, sa troisième nuit à Saint-Cloud.

 

V. — QUATRIÈME NUIT[36].

Plus tard :

« Avant de quitter Saint-Cloud j'oubliais une entrevue que je vais vous raconter telle qu'elle s'est passée. On vint me chercher, à huit heures du soir. J'arrive à Saint-Cloud et, ce soir-là, je passais dans là pièce attenant à la chambre à coucher. C'était la première fois que je voyais, cette pièce qui était la bibliothèque.

Le Consul vint aussitôt.

— Je t'ai fait venir, plus tôt, Georgina. J'ai voulu te voir avant mon départ.

— Ah mon Dieu, vous partez ?

— Oui, à cinq heures du matin ! Pour Boulogne. Personne ne le sait encore.

Nous nous étions assis tous (sic) simplement sur le tapis.

— Eh bien tu n'es pas triste ?

— Mais si, je suis triste !

— Non, tu n'éprouves aucune peine de me voir éloigné.

Il mit la main sur mon cœur et dit, comme s'il me l'arrachait, en me disant d'un ton moitié colère et moitié tendre :

— II n'y a rien pour moi dans ce cœur !

Ses propres paroles !

J'étais au supplice et j'aurais tout donné au monde pour pouvoir pleurer ; mais enfin je n'en avait (sic) pas envie.

Nous étions sur le tapis, près du feu, car il y avait feu. Mes yeux étaient fixés sur le feu et les chenets brillants. Restant là fixée comme une momie, soit l’éclat du feu ou des chenets ou de ma sensibilité, si vous l'aimez mieux, deux grosses larmes tombèrent sur ma poitrine et le Consul, avec une tendresse que je ne peux reproduire, baisa ces larmes et les but. (Hélas ! Comment dire cela ? Et pourtant c'est vrai.)

Je fus tellement touchée au cœur de cette preuve d'amour que je me mis à sangloter de véritables larmes. Que vous dire. Il était délirant de bonheur et de joie. Je lui aurai (sic) demandé les Tuileries dans ce moment-là, qu'il me les aurait données. II riait, il jouait avec moi, il me faisait courir après lui..

Pour éviter de se laisser attraper, il montait l'échelle qui sert à prendre les livres, et moi, comme l'échelle était sur roulettes et très légère, je promenais l'échelle dans toute la longueur du cabinet, lui riant et me criant :

— Tu vas me faire mal ! Finis ou je me fâche[37] !

Ce soir-là, le Consul me fourra dans la gorge un gros paquet de billets de banque.

— Eh mon Dieu, pourquoi me donnez-vous tout cela ?

— Je ne veux pas que ma Georgina manque d'argent pendant mon absence.

Ses propres paroles.

Il y avait quarante mille francs.

Jamais l'Empereur ne m'a fait remettre d'argent par personne. C'était toujours lui qui me le donnait. Il fut plus tendre, ce soir-là, que je ne l'avais encore vu. J'oubliais de vous dire que ce soir-là, il envoya M. de Talleyrand qui venait travailler avec lui. Le lendemain je fus chez Talleyrand où j'allais souvent, l'Empereur le savait.

— Ah ! venez, ma belle, que je vous gronde Eh bien on m'a renvoyé hier pour vous

— Je ne sais ce que vous voulez me dire Comment, on vous a refusé l'entrée de ma loge à Feydau où j'étais ? Vous m'étonnez beaucoup.

— Vous êtes un diplomate trop jeune. Vous ne savez pas encore mentir. Cela viendra. Au fait, vous avez raison : je ne suis nullement offensé d'avoir été renvoyé. J'en aurais fait tout autant. Je me suis hâté de revenir à Paris faire ma partie ; mais voilà deux fois que je suis congédié pour le même objet. Soyez fière cela n'était jamais arrivé.

Je puis certifier que ceci est encore vrai.

Du reste, ce Tayllerand était toujours charmant. Il était si spirituel[38] ! »

 

Ici se termine le conte des quatre nuits de Saint-Cloud, suivant Mlle George.

 

* * *

 

Rien d'invraisemblable dans le récit de ces quatre nuits, si ce n'est la résistance opposée par George, dans les deux premières, aux désirs de Bonaparte. C'est à nous qu'elle prétend faire croire cela, c'est à nous qu'elle prétend imposer cette légende, à nous qui n'ignorons que fort peu de chose d& ses relations avec Lucien et qui n'avons pu regarder le prince Sapieha comme un Prince charmant éternellement soupirant. Deux nuits de résistance à l'homme qui avait réduit, en moins d'une heure, la Grassini et Pauline Fourès à sa merci Deux nuits de résistance à Bonaparte Deux nuits de résistance à Napoléon Ici doit s'arrêter la légende, quelque prix que George y attache. C'est, décidément, un trop beau rôle qu'elle se veut et ce n'est point à celui qu'elle impose au Premier Consul que le vainqueur de Marengo et de Mme Walewska nous a habitué. Mandée plusieurs fois à Saint-Cloud, George pense donner le change par sa résistance. Pauvre excuse Elle avait vu de trop près celui qu'elle appelle « l'homme immense », et elle n'avait pas vu celui que devait voir l'Histoire. C'est pourquoi son doux et mélancolique mensonge a quelque chose de triste et d'attendrissant. Cette femme, qui bat monnaie de ses souvenirs, tâche à sauver, du moins, l'honneur. Elle veut se parer aux yeux de la postérité, de ce titre qui lui semble plus beau que celui de ses victoires tragiques avoir eu comme premier amant le Consul. Bonaparte. Napoléon. L'Empereur. Lui.

Peut-être aurait-on pu lui laisser ce titre s'il ne fallait compter avec la vérité due à l'histoire et la précision exigée par une biographie, ne fût-elle qu'un essai et qu'une contribution.

Ses dernières années, spectre désolé, ridicule et émouvant, d'un siècle de bataille et de triomphe, héroïne demeurée debout au-delà du fracas impérial et de la bataille romantique, survivante encore étonnée de huit régimes, elle paraît sa grâce défunte et ses « pâleurs sans charmes » de ce glorieux et unique souvenir. C'est, roulée dans le beau linceul qu'elle se tissa, qu'un froid matin de nivôse elle s'endormit. Et le Destin voulut que ce jour-là fut le soixante-quatrième anniversaire d son premier voyage à Saint-Cloud. C'était la palme anonyme que la main décharnée de l'Empli mort jetait sur son cercueil de pauvresse.

 

 

 



[1] FRÉDÉRIC MASSON, Napoléon et les Femmes : L'amour, p.127.

[2] « Le Consul aimait beaucoup la tragédie de Cinna » et encore : — « Cinna était son ouvrage favori ». Manuscrit de Mlle George.

[3] Le 15 juillet 1816, une des descendantes de Corneille écrivait au comte de Pradel, ministre de la maison du Roi, pour lui faire connaître que la représentation du 6 juin 1816, au théâtre de l'Opéra, accordée par Louis XVIII à son bénéfice, n'avait rapporté net pour elle que 4.000 francs. Elle ajoutait : « Je vois avec la plus vive douleur, que l'on croit avoir fait tout en ma faveur, et je n'ai pu, avec cette misérable représentation que payer une partie de mes dettes. Je ne les ai pourtant contractées que pour nourrir et élever les rejetons d'un homme dont la mémoire commande quelque intérêt. Je n'ai rien négligé pourtant pour réveiller l'attention royale. Cependant je suis toujours dans ta détresse ! Je prends soin d'un neveu de vingt ans à qui je fais faire son droit ; j'en ai un autre, il faudrait qu'il fut au collège, et ce qui me décire (sic) l'âme, c'est de voir que le sort de mes pauvres nièces n'est pas encore assuré d'une manière digne de notre ayeul : cette idée m'anéantie (sic). Elles savent pourtant qu'elles descendent du grand Corneille cette pensée en élevant leur âme rend leur sort que plus malheureux. » Catalogue d'autographes Laverdet ; avril 1862, p. 39, n° 325.

[4] Correspondance de Napoléon Ier, t. XXV, p. 140.

[5] Mémoires de Fleury, de la Comédie-Française (1789-1822), p. 354.

[6] Manuscrit de Mlle George.

[7] Correspondance de Napoléon Ier, t. IX, p. 85.

[8] Correspondance de Napoléon Ier, t. IX, p. 689.

[9] Correspondance de Napoléon Ier, t. IX, p. 689.

[10] M. FRÉDÉRIC MASSON, vol. cit., p. 134, place cette première visite à la date de nivôse an X, et non an XI, comme le fait écrire une coquille typographique, à M. LYONNET, vol. cit., p. 9.

[11] Alexandre Dumas, racontant l'aventure à sa manière, la place après une représentation d'Andromaque : « Un soir, ou plutôt une nuit, après une représentation d'Andromaque, la femme de chambre d'Hermione entra toute effarée dans la loge de sa maitresse en disant que le valet de chambre du Premier Consul était là. » On voit que George, au contraire, dit expressément que la visite de Constant eut lieu chez elle, après une représentation d'Iphigénie en Aulide. C'est donc bien George qu'il importe de croire.

[12] Le prince Sapieha.

[13] Abraham-Joseph Bénard, dit Fleury, né à Chartres le 27 octobre 1750, débuta à la Comédie-Française le 7 mars 1774, et fut reçu sociétaire le 12 mai 1778. Il partagea la captivité de ses camarades emprisonnes après les incidents de Paméla, rentra avec eux à la Comédie-Française et ne prit sa retraite que le 1er avril 1818. Décédé dans le Loiret, a Valençay, le 3 mars 1822, il fut inhumé à Orléans. Ses Mémoires ont été rédigés par l'acteur Laffitte.

[14] Drame adapté par Mme Mole de Pallemand. Il fut représenté pour la première fois par les comédiens français le 28 décembre 1798. Le succès en fut prodigieux, et inspira plusieurs parodies parmi lesquelles on peut citer Cadet-Roussel misanthrope et Manon repentante, par AUDE ; la Veille des noces ou l'après-souper de Misanthropie et Repentir, par DORVO ; À tout péché miséricorde, par DEMANTOUS et CHAZET, etc.

[15] Pierre-Marie-Nicolas, dit Théodore Michelot, sociétaire de la Comédie-Française le 1er octobre 1811 ; il avait débuté, suivant l'usage, à Versailles, le 10 mars 1805. Il ne quitta la Comédie-Française que le 1er avril 1831 et mourut à Passy le 18 décembre 1856. Sa tombe est au cimetière Montmartre.

[16] « Ceci pour toi, mon cher Valmore. » Note du manuscrit de Mlle George.

[17] Dans les Mémoires de Constant, premier valet de chambre de l'Empereur, sur la vie privée de Napoléon sa famille et sa cour, la légende de l'ivresse du cocher César, qui s'appelait d'ailleurs, Germain, est nettement démentie. Le rédacteur de ces Mémoires dit : « Le cocher qui conduisit si heureusement le Premier Consul s'appelait Germain. Il l'avait suivi en Égypte, et, dans une échauffourée, il avait tué de sa main un Arabe sous les yeux du général en chef qui, émerveillé de son courage, s'était écrié : « Diable, voilà un brave ! C'est un César ! » — Le nom lui en était resté. On a prétendu que ce brave homme était ivre lors de l'explosion. C'est une erreur que son adresse même dément d'une manière positive. On sait que Joséphine n'était point dans la voiture du Premier Consul. Ce soir du 3 nivôse an IX (21 septembre 1800) l'Opéra donnait, par ordre, la Création, d'Haydn.

[18] « Tous ces défaits vous paraîtront bien futiles, ma chère Marceline ; je pense pourtant qu'il faut les donner. » Note du manuscrit de Mlle George.

[19] Sur un mémoire pour le troisième trimestre de 1808, de Chevalier, tailleur particulier de !'Empereur, on trouve le prix de ces culottes de Bonaparte : « Deux culottes de pou-de-soie blanc, doublées en toile royale, 108 francs. » Document publié par ALPH. MAZE-SENSIER, les Fournisseurs de Napoléon Ier et des deux Impératrices, d'après des documents inédits tirés des Archives nationales, des Archives du ministère des affaires étrangères et des Archives des manufactures de Sèvres et des Gobelins. Parts, 1893, p. 25.

[20] POUPARD ET CIE.

Palais du Tribunat, galerie côté de la rue de la Loi, 32.

Fourni pour le service personnel de Sa Majesté l'Empereur et Roi :

Deux chapeaux castor à 60 francs : 120 francs.

Le repassage d'un chapeau et fourni une coëffe piquée en soie : 6 francs.

Le repassage : 6 francs.

Paris, 19 août 1808.

[21] « Chère Mme Valmore, tous ces détails vous semblent bien enfantins, mais ils sont vrais, très mal racontés par moi ; mais par vous, ils seront charmants. Il faut tant de goût, tant de délicatesse ; vous possédez tout cela, vous ! » Note du manuscrit de Mlle George.

[22] « George, au contraire, il y tient, il y insiste, seulement Je m'en suis repenti, dit-il, quand j'ai su qu'elle parlait. Repentir, comme chef d'État, car comme homme, l'imago qu'il a gardée d'elle l'impressionne encore. » FRÉDÉRIC MASSON, vol. cit., pp. 133, 134.

[23] Cependant, au dire de M. FRÉDÉRIC MASSON, vol. cit., p. 134, le Premier Consul, dès cette première visite, l'aurait cinglée de cette phrase : « Tu as gardé tes bas, tu as de vilains pieds. »

[24] « Hermione entrait à Saint-Cloud à minuit et demi ; elle en sortait à six heures du matin. » ALEXANDRE DUMAS, le Constitutionnel, 16 décembre 1817.

[25] « Elle en sortait victorieuse comme Cléopâtre ; comme Cléopâtre, elle avait tenu le maître du monde à ses genoux. Seulement le maître du monde, jaloux comme un simple mortel, avait mis en lambeaux le cachemire du prince Zappia. » ALEXANDRE DUMAS, vol. cit.

[26] Riaucourt avait à cette époque (1803) quarante-sept ans.

[27] « Sur ma tête, tout cela est vrai. » Note du manuscrit de Mlle George.

[28] « Le lendemain, tout Paris connut le voyage de la tragédienne. » E. DE MIRECOURT, vol. cit., p. 40.

[29] « Chère bonne, vous voyez combien il est délicat de dire pas encore failli. Enfin il faut bien que l'on sache que c'était mon premier pas, cause de la. continuité de cette illustre liaison. Je suis bête aujourd'hui a manger du foin. Tout cela me parait d'un plat désespérant. Heureusement que l'esprit, la poésie et le cœur sont chez vous pour faire de ces riens des choses charmantes. Mais je n'ai pas le sol, et l'imagination travaille pour savoir où on trouver. Voilà mon sort. » Note du manuscrit de Mite George. Ces derniers mots indiquent clairement que c'est le dénuement qui poussait la tragédienne vieillie à tirer parti de ses souvenirs.

[30] George dit que l'Empereur lui-même, plus tard, lui conseilla, lui ordonna presque le mariage. Le passage vaut d'être cité :

« Georgina, vous ne me plaisez pas ce soir. Je crois que je ferai bien de vous marier.

(Je ne me rappelle pas si je vous ai parlé de cette proposition qui m'a été faite je la répète peut-être encore. Qu'importe !)

— Me marier moi ? Et à qui donc, mon Dieu ?

— Soyez tranquille, je vous donnerai à un général. Vous quitterez le théâtre, bien entendu, et vous vivrez honorablement.

— Cette proposition que vous me faites est sérieuse ?

— Très sérieuse.

Je fus blessée jusqu'au fond du cœur. Ma résolution fut bien vite arrêtée.

— Je vous demande mille fois pardon de vous désobéir, mais je ne veux pas me marier ; je ne puis plus me marier. Quand vous avez eu le caprice de m'appeler près de vous.

— Le caprice ? dit-il.

— Eh ! mon Dieu, oui le caprice j'étais artiste, je resterai artiste Moi, prendre un mari de convention ? Ah s'il s'en trouve un assez complaisant pour jouer ce rote, convenez qu'on ne peut aimer ni estimer un pareil homme !

— Tu as raison, Georgina ; tu es une brave fille.

Je parlai ainsi à l'Empereur, sans gêne, sans fatuité, vingt fois. » Manuscrit de Mite George.

[31] Louis-Constant Wairy, valet de chambre de l'Empereur, l'abandonna, en 1814, à Fontainebleau, après avoir reçu une gratification de 50.000 francs. Le 29 septembre 1832. il demandait un emploi de concierge à Saint-Cloud a Louis-Philippe, ajoutant : « Vous n'aurez pas, sire, de serviteur plus dévoué. » (Collection de feu M. Paul Dablin) C'est lui, on le sait, que l'Empereur appelait familièrement : Monsieur le drôle !

[32] « Chère Valmore, je n'ai pas Cinna sous main ; vous l'aurez dans votre mémoire d'artiste et vous arrangerez cela en homme (sic) de goût qui se connaît en belles choses Je crois qu'il est heureux d'intercaler ces détails artistiques entre ma troisième visite à Saint-Cloud. » Note du manuscrit de Mlle George.

[33] « Un tonnerre d'applaudissements éclata du parterre aux combles. Toute la salle battit des mains, en se tournant vers la loge du Premier Consul, et le vainqueur des Pyramides ne parut pas insensible à cette ovation d'un nouveau genre. » E DE MIRECOURT, vol. cit., pp. 40, 41.

[34] On en fit plus tard une allusion à la partialité de Geoffroy pour George.

Si j'ai séduit G... j'en séduirai bien d'autres !

C'est la légende d'une estampe satirique, placée en tête de la Conjuration de Mlle Duchesnois contre Mlle George Weymer, pour lui ravir la couronne ; avec les pièces justificatives recueillies par Mi. J. BOULLAULT. Paris, Pillot et Martinet, an XI-1803, in-8°, 84 pages.

[35] « Oui ! en vérité, bonne madame Valmore, il faut une plume comme la vôtre pour faire passer ces détails historiques et très vrais pourtant. J'ai fait ce que j'ai pu, mais je suis impuissante. » Note du manuscrit de Mlle George.

[36] « Il la demanda assez fréquemment. » FRÉDÉRIC MASSON, vol. cit., p. 135.

[37] « Oh chère amie, vous pouvez tirer parti de cela, vous Ce sera si joli raconté par vous. Mon bon Valmore, vous saurez la date : l'Empereur partait pour visiter le camp de Boulogne. » Note du manuscrit de Mlle George.

[38] Dans une autre partie de son manuscrit, revenant à Talleyrand, George dit encore : « M. de Taylerand, que je voyais beaucoup et qui m'aimait assez, comme aiment les grands personnages, s'amusant de tout sans s'intéresser à rien. »