HISTOIRE DE LA DÉMOCRATIE ATHÉNIENNE

 

CHAPITRE II.

 

 

Lutte des partis après la promulgation des lois de Solon. - Tyrannie de Pisistrate et de ses fils. - Affranchissement d'Athènes. - Clisthène achève de constituer le gouvernement démocratique.

 

La constitution de Solon était une transaction offerte à tous les partis. Mais, comme le dit Solon lui-même dans un distique que Plutarque nous a conservé : Le plus difficile, en pareille matière, c'est de contenter tout le monde[1]. Chacun voulait interpréter les lois nouvelles selon ses passions et ses intérêts. Pendant l'absence du législateur, qui avait cru rendre son œuvre plus sacrée en s'éloignant de son pays, les anciens partis se reformèrent. La Plaine, le Rivage et la Montagne étaient en présence, tout prêts à recommencer le combat. La Plaine, dont le chef était un certain Lycurgue, était le parti des Eupatrides, dont Solon avait bien restreint les privilèges. La Montagne, dont Pisistrate était le chef, c'étaient les pauvres, les thètes exclus des magistratures, mais maîtres, par leur nombre, des élections et des jugements ; ils accusaient Solon d'avoir constitué l'aristocratie en paraissant la réduire. Le Rivage ou les Paraliens, dirigés par Mégaclès, de la race des Alcmœonides, formèrent un parti intermédiaire, une sorte de bourgeoisie athénienne. C'étaient eux qui avaient accepté avec le plus de confiance les lois conciliatrices de Solon. Quant aux deux partis extrêmes, ils regrettaient amèrement ce qu'ils avaient sacrifié de leurs prétentions, et ils s'imaginaient que, après une lutte nouvelle, ils obtiendraient des conditions plus favorables.

Quand Solon revint à Athènes, il fut reçu partout avec honneur et respect ; mais il s'aperçut avec douleur qu'une révolution était imminente. Plus de trente ans s'étaient écoulés depuis son archontat, et il ne se sentait plus la force d'affronter les orages de la place publique. Il essaya, par des entretiens particuliers, de rapprocher les chefs des différents partis ; mais tous ses efforts échouèrent. Les Montagnards firent à Athènes ce qu'avait fait la populace dans un grand nombre de villes grecques : pour humilier l'aristocratie, ils se donnèrent un tyran. Presque tous les tyrans, dit Aristote[2], sont d'anciens démagogues, qui ont gagné la confiance du peuple en attaquant les principaux citoyens.

On sait comment Pisistrate se fit donner des gardes, et s'empara de l'Acropole (561). Les riches avaient pris la fuite ; Mégadès lui-même avait quitté la ville. Les modérés, privés de leur chef, avaient perdu tout courage ; Solon essaya de les ranimer. Tout vieux qu'il était, il se traîna sur la place publique ; il parla aux citoyens qui s'y trouvaient, leur reprochant leur folie, leur lâcheté, et les engageant à ne pas laisser périr leur liberté. Sans doute, dit-il, il aurait été plus facile de prévenir la révolution ; mais puisque la tyrannie est établie, il vous sera plus glorieux de l'anéantir. Ces paroles ne trouvant pas d'échos et personne n'étant prêt à agir, Solon rentra dans sa maison ; il prit ses armes, et les jetant devant sa porte : Pour moi, dit-il[3], j'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour défendre les lois et la liberté de mon pays. Depuis ce moment, Solon vécut dans la retraite, et ne se mêla plus du gouvernement.

Pisistrate n'était point un tyran vulgaire : c'était un homme d'une habileté et d'une prudence consommées. Il avait de grandes qualités, et savait se donner l'apparence de celles qu'il n'avait pas. Il affectait surtout le désintéressement et un profond amour du peuple. Il avait, dit Plutarque, la parole douce et aimable ; il se montrait secourable envers les pauvres, et modéré même envers ses ennemis. Loin de faire un crime à Solon de son opposition, il l'entoura de toutes sortes d'honneurs, et le consulta même sur plusieurs affaires importantes. Il avait d'ailleurs maintenu les lois de Solon, et ïl affectait de les observer exactement. Cité un jour devant l'Aréopage pour cause de meurtre, il se présenta, comme un simple citoyen, pour répondre aux charges portées contre lui ; mais l'accusateur abandonna la poursuite[4] : Pisistrate fit aussi rendre quelques lois nouvelles, entre autres celle qui ordonnait que tout citoyen mutilé à la guerre Mt entretenu aux frais de l'État. Il parait que Solon avait déjà fait adopter une mesure pareille au profit d'un certain Thersippe ; Pisistrate fit une loi générale de ce qui n'avait été jusque-là qu'une faveur particulière.

La tyrannie de Pisistrate fut, comme le remarque Aristote, une des plus longues dont l'histoire grecque ait fait mention ; mais elle ne fut point continue. Pisistrate fut forcé de prendre deux fois la fuite, et, en trente-trois ans, il n'en régna réellement que dix-sept. Ce fut le chef des Paraliens, Mégaclès, qui fut le principal auteur de ces révolutions successives. En prêtant son appui tantôt à la Plaine, tantôt à la Montagne, il renversa, rétablit et renversa de nouveau Pisistrate. Mais celui-ci, après dix ans d'exil dans Pile d'Eubée, parvint à rentrer dans Athènes sans le secours de Mégaclès, et, cette fois, il établit son pouvoir sur une base plus solide. Il fit venir des troupes étrangères de plusieurs pays voisins, et principalement de la Thrace. Il se fit livrer en otage les enfants de ceux de ses principaux adversaires qui n'avaient pas pris la fuite, et il les envoya dans l'île de Naxos. Il désarma les Athéniens, non par la force, mais par la ruse, et il fit déposer les armes dans le temple d'Aglaure[5].

Si l'on en croit Théophraste, ce fut Pisistrate, et non Solon, qui renouvela la loi de Dracon contre les oisifs[6]. Il obligea ceux qui n'avaient point de profession dans la ville à aller demeurer à la campagne pour y travailler, et il leur donna un vêtement particulier qu'ils ne devaient jamais quitter. Il exigea que ceux qui possédaient des terres allassent les habiter et les cultiver eux-mêmes. Lorsqu'il en rencontrait d'oisifs sur la place publique, il leur demandait pour quoi ils restaient ainsi à ne rien faire ; s'ils manquaient de semences, il leur permettait d'en prendre dans ses greniers[7]. Le sol de l'Attique était aride et pierreux : Pisistrate encouragea, par toute sorte de moyens, la plantation des arbres et surtout celle des oliviers, qui devinrent plus tard une des richesses du pays. Il y avait à Athènes une loi dont parle Démosthène, et qui défendait aux particuliers d'arracher plus de deux oliviers par an sur leurs terres[8]. Les historiens anciens ne nous ont point dit à quelle époque fut rendue cette loi ; mais il est très-probable, comme l'a conjecturé un critique moderne[9], qu'elle datait du temps de Pisistrate.

Les guerres qui ont eu lieu pendant cette période eurent pour résultat de débarrasser Athènes d'une population surabondante, et d'établir dans les pays conquis des colonies en faveur des pauvres. Tel fut l'objet de la conquête de Sigée, dans la Troade. Pisistrate s'en était emparé dès le commencement de son premier règne, et il y avait établi pour tyran son fils naturel, Hégésistrate[10]. Plus tard, il reprit Salamine, que les Athéniens avaient perdue au milieu de leurs querelles politiques. Il se rendit maître de Délos, qu'il purifia suivant l'ordre des oracles, en faisant exhumer tous les corps qu'on avait enterrés dans les environs du temple. Il soumit aussi l'île de Naxos, où il aida Lygdamis à détruire une oligarchie oppressive[11]. Ce fut à la même époque que Miltiade, fils de Cypsélus, s'empara de la Chersonèse de Thrace. Diogène de Laërte attribue à Solon la première idée de cette conquête[12]. C'était, en effet, un pays qui convenait beaucoup aux Athéniens, parce qu'il leur ouvrait la Propontide et le Pont-Euxin, et parce qu'il leur fournissait en abondance les grains dont ils avaient besoin.

Quelques reproches qu'on puisse faire à Pisistrate quant à l'origine de son pouvoir, on ne peut nier que la plupart de ses actes n'aient été marqués au coin de l'intérêt populaire, et qu'il n'ait été, suivant l'expression attribuée par Diogène de Laërte à Solon lui-même, le meilleur de tous les tyrans. Les auteurs anciens citent de lui plusieurs traits remarquables de clémence et de générosité. Ses jardins étaient ouverts à tous les citoyens et chacun pouvait y cueillir ce qu'il voulait : exemple d'hospitalité suivi plus tard par les chefs du parti aristocratique. Allen et Suidas disent que ce fut Pisistrate qui rassembla le premier les poésies d'Homère, et qui les fit mettre dans l'ordre où elles nous ont été transmises[13]. Il fonda à Athènes la première bibliothèque dont il soit fait mention dans l'histoire de la Grèce[14]. Il dota la ville de plusieurs monuments publics, tels que le Lycée, la fontaine Ennéacrounos, et le temple d'Apollon Pythien[15].

Après la mort de Pisistrate (528), ses enfants héritèrent de la tyrannie ; mais les anciens n'étaient pas d'accord sur celui qui lui succéda. Thucydide dit que ce ne fut point Hipparque, comme la plupart le pensent, mais Hippias, fils aîné de Pisistrate, qui s'empara du commandement[16]. Hérodote ne contredit point cette opinion ; car, en parlant du meurtre d'Hipparque, il dit que c'était le frère du tyran Hippias. Cependant Hippias ne faisait rien sans consulter ses frères, particulièrement Hipparque, qui eut toute sa vie une grande influence sur le gouvernement. Thucydide lui-même n'en disconvient pas ; car il dit qu'Hipparque ne voulait pas que sa puissance eût rien de blessant pour le peuple, et qu'il gouvernait sans exciter la haine. Ces tyrans, continue l'historien, affectèrent longtemps la sagesse et la vertu. Contents de lever sur les Athéniens le vingtième des revenus, ils embellissaient la ville, dirigeaient la guerre, et présidaient aux sacrifices. Du reste, la république conservait ses lois anciennes ; seulement la famille de Pisistrate avait soin de placer quelqu'un des siens dans les charges. Ce passage confirme ce que nous avons dit plus haut, que les magistratures étaient électives à cette époque ; car si le sort en eût disposé, les tyrans n'auraient pas pu réserver certaines places pour leur famille. Un fils d'Hippias, qui portait le nom de son aïeul Pisistrate, éleva, pendant qu'il était archonte, l'autel des douze dieux dans l'Agora, et celui d'Apollon dans l'enceinte d'Apollon Pythien. Dans la suite, quand le peuple eut remplacé, par un plus grand autel, celui qui était dans l'Agora, l'inscription disparut ; mais celle de l'autel d'Apollon subsistait encore au temps de Thucydide, quoique les caractères en fussent presque effacés.

Hipparque laissait à son frère aîné les principaux soins du gouvernement. Il paraissait surtout préoccupé de continuer l'œuvre paternelle en ce qui concernait la civilisation athénienne. Ce fut lui qui établit l'usage de chanter les vers d'Homère aux Panathénées. Il envoya vers Anacréon de Téos un navire à cinquante rames, qui ramena le poète à Athènes. Il avait toujours auprès de lui Simonide de Céos, qu'il comblait d'honneurs et de présents. Il s'efforça de répandre parmi les Athéniens le goût des lettres, et, pour propager l'instruction jusque dans les derniers rangs du peuple, il fit placer, dans les principales rues d'Athènes et même dans les bourgs, des colonnes en forme d'hermès, sur lesquelles il fit graver des sentences que Platon nous a conservées. Sur l'une on lisait : Marche toujours dans la voie de la justice ; sur l'autre : Sois fidèle à l'amitié[17]. Le disciple de Socrate, enclin par la nature de son génie à idéaliser comme un poète, va jusqu'à dire que cette période de tyrannie fut l'âge d'or des' Athéniens, et peut être comparée au règne de Saturne.

Mais, dans un pays accoutumé à la liberté, le bien même que produit le despotisme ne suffit point pour le faire absoudre. Après un règne de dix-huit ans, les Pisistratides furent renversés. L'assassinat d'Hipparque, par Harmodius et Aristogiton, est antérieur de deux ans à la chute d'Hippias. Thucydide, qui avait approfondi avec beaucoup de soin cette partie de l'histoire athénienne, ne voit, dans cet attentat, qu'une querelle particulière, dont le motif était honteux[18]. La tradition populaire attribua plus tard à l'enthousiasme de la liberté ce qui était l'effet d'une vengeance personnelle. Les meurtriers d'Hipparque furent transformés en héros fondateurs de l'isonomie. Mais ce qui prouve, selon Thucydide, qu'Harmodius et Aristogiton n'avaient voulu frapper qu'un seul homme, c'est qu'Hippias a continué de régner après la mort de son frère. Jusque-là doux et modéré, il devint cruel et soupçonneux. Il fit mourir un grand nombre de citoyens ; il se livra à toutes sortes d'exactions, spécula indignement sur la monnaie, et établit de nouveaux impôts.

La tyrannie devenait tous les jours plus pesante : mais les Athéniens étaient impuissants à s'en affranchir. Les Alcmæonides et les autres bannis avaient fait de vains efforts pour rentrer dans leur patrie en lui rendant la liberté. Ils s'étaient emparés de Lipsydrion, petite place de l'Attique, au-dessus de Pæonia ; mais ils n'avaient pu s'y maintenir et ils s'étaient retirés à Delphes. Là ils firent avec les Amphictyons un marché par lequel ils s'engagèrent à reconstruire le temple, qui avait été brûlé quelques années auparavant. La Pythie, cédant à leurs conseils, ou plutôt à leurs présents, si l'on en croit Hérodote, engagea les Lacédémoniens à rétablir la liberté athénienne[19]. Les Doriens de Sparte, qui avaient constitué chez eux une si forte aristocratie, ne voulaient pas laisser s'organiser au dehors des tyrannies qui favorisaient le menu peuple aux dépens des grands ; ils avaient donc intérêt à combattre les Pisistratides. La première expédition lacédémonienne ne réussit point : Hippias fut vainqueur, grâce à un renfort de mille cavaliers que lui avait envoyé un tyran de Thessalie, nommé Cinéas. Mais les Spartiates firent une seconde expédition sous le commandement de Cléomène, l'un de leurs rois, et, cette fois, ils furent vainqueurs. La cavalerie thessalienne, qui avait perdu plus de quarante hommes, se retira dans son pays. Cléomène arriva dans la ville avec ceux des Athéniens qui voulaient la liberté, et il assiégea l'Acropole, où Hippias s'était renfermé.

Hérodote croit qu'il aurait été absolument impossible aux Lacédémoniens de chasser les Pisistratides de cette forteresse, bâtie par les Pélasges. Aussi, dit-il, ne songeaient-ils pas à rester longtemps devant la place, qui était abondamment pourvue de vivres, et, après l'avoir tenue assiégée pendant quelques jours, ils seraient retournés à Sparte, s'il n'était survenu un incident qui leur donna l'avantage. Les Pisistratides rendirent la citadelle pour sauver leurs enfants, qui étaient tombés aux mains de leurs ennemis. Ils s'engagèrent à sortir de l'Attique dans le délai de cinq jours, et ils se retirèrent à Sigée, où Pisistrate avait fondé une colonie athénienne, et de là à Lampsaque, dont le tyran était gendre d'Hippias[20]. Plus tard, ils se rendirent à la cour du roi de Perse, qu'ils excitèrent contre la Grèce.

C'étaient donc les Spartiates, aidés de quelques bannis, qui avaient détruit la tyrannie à Athènes (540). Mais quand un peuple intervient dans les affaires de ses voisins, c'est pour tourner à son profit la révolution qu'il a fait triompher. Les Doriens de Sparte auraient voulu établir à Athènes une aristocratie qui leur servit d'instrument. Ils soutenaient Isagoras, chef du parti oligarchique. Hérodote dit qu'Isagoras était d'une famille illustre, dans laquelle on offrait des sacrifices à Jupiter Carien ; ce qui semble prouver qu'il était originaire de cette partie de l'Asie Mineure où dominaient les Doriens. Mais l'esprit des Athéniens était contraire à l'oligarchie ; les lois de Solon s'y opposaient. Il y avait à Athènes un parti démocratique qui voulait organiser la victoire à son profit ; et, par ces mots de parti démocratique, il ne faut pas entendre ici la classe infime qui avait soutenu la tyrannie, mais les Paraliens, la classe moyenne. La noblesse intelligente se ralliait à ce parti ; Clisthène, de la race des Alcmæonides, en était le chef. Il capitula avec les partisans des Pisistratides, en élargissant la base de la démocratie de Solon.

Clisthène augmenta le nombre des tribus et celui des citoyens. Il porta le nombre des tribus de quatre à dix. Aux anciens noms ioniens, qui semblaient rappeler des castes diverses, il substitua des noms nouveaux, qui appartenaient à des héros, soit athéniens, soit étrangers. Il y avait huit noms athéniens : Cécrops, Érecthée, Pandion, Ægée, Œnée, Acamas, Hippothoüs et Leos. Les deux noms étrangers étaient Ajax de Salamine, dont les descendants s'étaient établis dans l'Attique, et Antiochos, l'un dei fils d'Hercule, qui, selon la tradition, avait habité quelque temps Marathon[21]. C'était donc une réaction qui s'opérait en faveur de l'ancienne race, antérieure à la conquête des Éoliens et des Ioniens ; ou plutôt c'était une fusion complète entre les races anciennes comme entre les partis nouveaux. Clisthène répartit dans les tribus les bourgs ou dèmes de l'Attique, qui m'avaient été exclus jusqu'à cette époque. Hérodote dit qu'il n'y eut d'abord que cent dèmes, dix par tribu ; mais un auteur cité par Strabon porte le nombre de ces dèmes à cent soixante-dix ; d'autres disent cent-soixante-quatorze[22]. Clisthène parait avoir conservé les anciennes phratries ; mais elles furent désormais isolées par l'abolition des tribus auxquelles elles se rattachaient ; elles perdirent leur importance politique, et ne servirent plus qu'à constater la descendance légitime de leurs membres. C'était le dernier coup porté à l'ancienne organisation. Le dème, circonscription territoriale, avait remplacé les antiques agrégations de familles. C'est, dit Aristote, l'un des secrets des fondateurs de démocraties : créer de nouvelles tribus, de nouvelles phratries ; substituer aux sacrifices domestiques des fêtes communes, confondre autant que possible les relations des citoyens entre eux, en rompant toutes les associations antérieures[23].

Le nombre des citoyens s'accrut en même temps que celui des tribus. Pour constituer la démocratie, les chefs du peuple, dit encore Aristote, ont soin d'inscrire au rôle civique le plus de gens qu'ils peuvent ; ils n'hésitent point à comprendre au nombre des citoyens, non-seulement ceux qui méritent ce titre par la légitimité de leur naissance, mais jusqu'aux bâtards et aux étrangers. Tout leur est bon pour former la masse qu'ils dirigent à leur profit. Ce fut ainsi que Clisthène introduisit en foule dans les tribus des étrangers domiciliés, ce qu'on appelait des métèques, et même des esclaves. Par suite de ces changements, le nombre des sénateurs, qui n'était que de quatre cents sous Solon, fut porté à cinq cents : chaque tribu dut en nommer cinquante. En vain Isagoras recourut de nouveau au patronage des Lacédémoniens. Il parvint quelque temps à dominer Athènes ; il bannit Clisthène et ses amis, et substitua au sénat un conseil aristocratique de trois cents membres ; mais Clisthène rentra bientôt dans la ville avec ses partisans, et la démocratie athénienne fut définitivement constituée[24].

 

 

 



[1] Plutarque, Solon.

[2] Aristote, Politique, V, 9.

[3] Plutarque, Solon.

[4] Plutarque, Solon.

[5] Hérodote, 1, 64. — Polyen, I, 21.

[6] Plutarque, Solon.

[7] Ælien, Histoires diverses, IX, 25.

[8] Démosthène, Discours contre Macartatos.

[9] Clavier, Histoire des premiers temps de la Grèce, t. II, p. 403.

[10] Hérodote, V, 94.

[11] Hérodote, I, 64.

[12] Diogène de Laërte, Solon.

[13] Ælien, XIII, 14. — Suidas, au mot Όμηρος.

[14] Athénée, Banquet, livre I. — Aulu-Gelle, Nuits Attiques, VI, 17.

[15] Pausanias, Attique, 44.

[16] Thucydide, VI, 54.

[17] Platon, Hipparque.

[18] Thucydide, VI, 54 et suivants.

[19] Hérodote, V, 63.

[20] Hérodote, V, 64 et 65.

[21] Hérodote, V, 66. — Pausanias, Attique, 5.

[22] Strabon, Géographie, IX, 1.

[23] Aristote, Politique, VI, 2.

[24] Hérodote, V, 72. — Wachsmuth, Hellenische Alterthumskunde, III, 3.