GRANDEUR ET DÉCADENCE DE ROME

 

TOME V. — LA RÉPUBLIQUE D'AUGUSTE

CHAPITRE III. — LA RENAISSANCE RELIGIEUSE ET « L'ÉNÉIDE ».

 

 

Le gouvernement rétabli en l'an 27 commençait déjà à se désorganiser en l'an 25. A Rome cette année-là on ne trouva pas de candidats en nombre suffisant pour les vingt places de questeurs[1] ; et si Agrippa inaugura le Panthéon[2], tous les services publics, depuis les routes jusqu'aux distributions de blé, continuèrent à fonctionner aussi mal qu'auparavant ; la nouvelle magistrature des præfecti ærarii Saturni ne donnait non plus aucun résultat satisfaisant[3]. Dans les provinces les gouverneurs s'occupaient en général si peu de remplir leur charge avec zèle, que bientôt Auguste sera chargé de les surveiller tous. C'était en vain qu'au moment du rétablissement de la république, on leur avait alloué un traitement pour exciter leur zèle : la plupart prenaient bien l'argent, mais ne se donnaient aucune peine. De même le sénat n'usait de l'autorité qui lui était rendue que comme d'un oreiller pour y poser sa tête et dormir. On ne venait guère aux séances ; les discussions n'avaient plus aucune vigueur ni aucun intérêt ; on préférait laisser à Auguste le soin de prendre toutes les décisions et on se bornait à les approuver[4]. Mais Auguste, qui était au loin en Espagne, ne voulait au contraire s'occuper que des finances ; et, silencieusement, presque en cachette, il continuait ses petites expéditions dont le but était de pourvoir l'empire de métaux précieux. Au printemps de cette année-là[5], un officier du préfet d'Égypte, Ælius Gallus, embarquait dans un port de la mer Rouge dix mille soldats et un contingent envoyé par le roi de Judée pour tenter, aux frais du trésor de l'Égypte, l'expédition dans le Yémen. Auguste avait décidé cette expédition, quand il avait cru pouvoir compter sur l'appui des Nabatéens qui habitaient sur les confins de la Syrie, et qui avaient accepté le protectorat romain. Peu après, vers la moitié de L'an 25, la guerre contre les Cantabres et contre les Astures semblait terminée, et les mines d'or reconquises. Cette même année Muréna menait à bonne fin son expédition dans la vallée des Salasses, en employant d'ailleurs un stratagème infâme pour capturer et rendre esclave la partie valide de la population[6] ; puis il commença à construire une colonie romaine, Augusta Prætoria Salassorum, qui est aujourd'hui Aoste. Enfin cette année-là probablement dans les derniers mois, et par un décret du sénat, Auguste imposait aux populations alpines, à la Gaule, à la Dalmatie, à la Pannonie, les nouveaux tributs dont Licinius avait dressé les plans, et parmi lesquels étaient sans doute compris un impôt foncier, et, au moins pour la Gaule, la fameuse quadragesima Galliarum, droit de deux et demi pour cent sur toutes les marchandises importées[7]. Mais si ces petites expéditions militaires et ces petites réformes fiscales avaient un jour fait tomber sur l'Italie la pluie d'or tant désirée, elles ne pouvaient pas enthousiasmer et griser l'Italie au point d'assoupir en elle ce vague malaise qui provenait du désordre intérieur. Maintenant que, la guerre civile étant terminée, on recommençait partout à redouter Rome dans la personne de son nouveau chef, des ambassades arrivaient de toute part. Les Scythes qui habitaient les steppes de la Russie méridionale avaient envoyé une légation à Auguste en Espagne, et les ambassadeurs d'un roi des Indes se rendirent aussi jusqu'en Espagne pour aller porter leurs hommages au successeur des Ptolémées dans le gouvernement de l'Égypte, pays avec lequel les Indiens faisaient un commerce considérable[8]. Tous ces hommages flattaient beaucoup l'orgueil national de l'Italie ; mais eux non plus, ils ne suffisaient pas à apaiser le mécontentement populaire.

On commençait à comprendre que le rétablissement de la république, décidé quelques années auparavant avec tant d'enthousiasme et tant d'espérance, n'était qu'un expédient nécessaire mais décevant. La dernière révolution, si funeste, avait par contre-coup rendu de la force et de l'autorité à l'aristocratie historique ; mais celle-ci était trop décimée, trop appauvrie, trop découragée par les événements terribles des vingt dernières années, trop amollie par cet esprit nouveau de jouissance, d'égoïsme et de paresse, que la conquête de l'Égypte avait tant contribué à répandre dans la société romaine, et que Tibulle exprimait dans ses plaintives et douces élégies. Même avec l'aide des hommes les plus intelligents, les plus vigoureux, les plus riches du parti révolutionnaire, elle n'avait plus la force de relever l'édifice de l'empire qui s'effritait partout. Presque tous les nobles ne songeaient qu'à se donner du bon temps. Les uns invitaient Mécène qui avait épousé la très jolie Térentia et s'était retiré dans la vie privée. D'autres songeaient plutôt à s'enrichir qu'à s'occuper des affaires publiques. D'autres encore s'adonnaient à la littérature, comme Pollion et Messala, et écrivaient l'histoire des guerres civiles ou leurs mémoires, faisant de Rome une grande usine littéraire Mais si dans l'universelle dissolution de toutes les force„ politiques, l'aristocratie était incapable de gouverner, elle avait cependant recouvré des forces suffisantes pour empêcher l'organisation d'un gouvernement qui serait en désaccord avec ses préjugés et son orgueil, et où les honneurs et les avantages du pouvoir appartiendraient à d'autres classes. Le parti populaire était fini, ou n'existait pour ainsi dire plus ; c'était en vain qu'un petit nombre de sénateurs, parmi lesquels Égnatius Rufus, Muréna et Fannius Cépion, s'efforçaient de rendre la vie à ce qui restait de lui[9]. Bien que le fils de César fût à la tête de l'État, les grands chefs du parti conservateur, Brutus, Cassius et surtout Pompée, étaient devenus l'objet de l'admiration universelle, au point que Titius, cet officier d'Antoine qui avait tué Sextus Pompée, ayant été reconnu un jour au spectacle dans le théâtre de Pompée, en avait été chassé par le public[10]. Et ce nouveau prestige de l'aristocratie était si grand dans l'opinion publique, que, pour ne pas la blesser. Auguste se résignait à laisser en désordre les services de l'État ; il était même allé jusqu'à reprocher à Rufus d'avoir sauvé du feu les maisons des pauvres, sans y être autorisé par la noblesse, et il se contentait de recommander aux édiles de remplir leur charge avec plus de zèle[11]. Mais qui voudrait maintenant se donner ces tracas, puisque Rufus, pour avoir accompli son devoir avec trop de zèle, encourait la haine de l'aristocratie redevenue puissante et puisque Auguste lui-même n'osait pas le couvrir ? La situation était absurde, mais comment la modifier ? Pour le moment Auguste se bornait à s'arranger pour que la tâche de l'administration romaine ne devint pas plus grande. Ainsi cette année-là comme il fallait enfin régler la situation de la Mauritanie qui depuis six ans était sans roi, il ne proposa pas au sénat d'en faire une province, mais de la donner à Juba, roi de Numidie, qui deviendrait roi de Mauritanie et épouserait Cléopâtre Séléné, la fille d'Antoine et de Cléopâtre[12]. Mais l'Italie, irritée et déçue, commençait à s'agiter. Il ne s'agissait pas cependant de faire au gouvernement une opposition politique, car le parti populaire était bien mort et ne devait pas renaître. Les plaintes et le mécontentement du peuple accéléraient maintenant le mouvement en faveur d'une réforme morale et sociale, auquel la dernière révolution avait donné naissance, et qui peu à peu s'étendait à l'État tout entier. A mesure que l'expérience révélait, même aux esprits les plus obtus, le sens de la question posée par Horace :

Quid leges sine moribus

Vanæ proficiunt ?

tout le monde comprenait que le rétablissement de la république était inutile, si l'on ne revenait pas aussi aux anciennes mœurs républicaines. On cherchait donc partout des remèdes à la dépravation universelle. Dans les hautes classes et sous l'influence de la pensée grecque, on comptait beaucoup sur l'étude de la philosophie morale. L'épicurisme, qui était matérialiste et athée, perdait rapidement la faveur dont il avait joui à l'époque de César ; de plus en plus la préférence du public était pour les doctrines qui formulaient une morale plus rigide, comme le stoïcisme ; pour les doctrines qui cherchaient à explorer le mystère de l'au-delà si obscur alors et si vague, aussi bien dans les croyances populaires que dans les théories philosophiques ; pour les doctrines qui se demandaient si la justice si imparfaite dans cette vie, ne s'accomplissait pas après la mort. Tel était le pythagorisme, ou, plus exactement, certaines doctrines que l'on attribuait au fabuleux philosophe, et où les idées de différentes écoles se mêlaient aux mythes et aux croyances populaires, pour en faire une règle morale de la vie qui pût se répandre dans les masses. Un souffle divin, l'âme du monde, ainsi que disait la poétique doctrine, pénètre toute chose et vivifie l'univers. De même que toute chose qui vit et qui respire, les âmes des hommes sont des parcelles de cette âme universelle ; mais en entrant dans le corps et en se mêlant à lui, elles perdent une partie de leur essence divine ; et la mort elle-même qui les détache du corps ne peut pas aussitôt les purifier complètement : il faut après la mort une purification de mille années pour que l'âme retrouve la pureté immaculée de son origine ; et, ces mille années écoulées, quand l'âme est redevenue tout à fait elle-même, Dieu la plonge dans le fleuve Léthé, pour lui faire oublier le passé et la renvoyer de nouveau sur la terre animer un autre corps. La roue de la vie tourne ainsi éternellement sur elle-même ; et les âmes, dans cette prison temporaire du corps, prison obscure qui les empêche de voir le ciel dont elles descendent, doivent chercher à se rendre dignes autant qu'elles le peuvent, par une vie vertueuse, de leur nature divine[13]. C'était de ces idées et d'autres idées semblables, mêlées aux doctrines stoïciennes, que se servaient les Sextius, père et fils, pour fonder une secte à Rome et y ouvrir, pour ainsi dire, une école pratique de vertu, où l'on ne se contentait pas d'enseigner, mais où l'on pratiquait les vertus les plus difficiles, la frugalité, la tempérance, la sincérité, la simplicité, et jusqu'au végétarianisme[14]. L'école avait alors beaucoup de succès[15] ; tandis que la plupart des gens s'adonnaient au luxe et à la débauche, d'autres éprouvaient tout à coup le besoin de vivre d'une façon frugale, chaste et austère ; les disciples arrivaient de toute part. La conversion de Lucius Crassicius avait surtout fait du bruit. Crassicius était un affranchi, très connu comme homme de lettres et comme professeur, qui avait parmi ses élèves Iulus Antonius, fils d'Antoine et de Fulvie. Mais l'idée de réformer les mœurs par la philosophie n'était à la portée que de quelques esprits qui y étaient préparés par leurs études et par leur lectures. Dans cette nation forte mais grossière, de soldats, de politiciens, de marchands, de juristes, d'agriculteurs, et qui n'avait jusqu'alors ambitionné et exercé que l'empire sur la matière, la plupart des gens, même quand il s'agissait de réformer les mœurs, ne savaient compter que sur les forces matérielles et sur les moyens politiques. Ce n'étaient point des fantaisies de philosophes et des prédications morales qui régénéreraient la république ; mais des lois, des magistrats, des menaces, et des châtiments. Puisque la noblesse négligeait ses devoirs, dissipait sa fortune, préférait la débauche aux magistratures, et les amours à la guerre, il fallait l'obliger à accomplir ses devoirs par des lois sévères ; il fallait renouveler les anciennes magistratures qui avaient veillé sur les mœurs des classes supérieures ; il fallait rétablir une justice rigide et impartiale. On réclamait surtout instamment les élections des censeurs[16]. C'est ainsi que l'on voyait se développer surtout dans les classes moyennes, parmi les sénateurs et les chevaliers peu fortunés, parmi les écrivains, les affranchis, les artisans, un grand mouvement puritain qui voulait déraciner de Rome, par de nouvelles lois et de nouveaux châtiments, tous les vices que la richesse y avait apportés : l'impudicité des femmes, la complaisance vénale des maris, le célibat, le luxe, la concussion. Les idées et les sentiments qui alimentaient dans les masses ce mouvement étaient très nombreux et très différents. Il y avait avant tout une préoccupation patriotique sincère. Beaucoup de gens se demandaient ce qu'il adviendrait de Rome, si la noblesse ne se montrait pas de nouveau digne de sa grandeur comme elle l'avait été jadis. Quand une noble matrone, pour de l'argent, devenait la maîtresse d'un affranchi, d'un étranger, d'un plébéien riche, bien des gens voyaient là comme un outrage porté à la dignité de Rome, et une marque d'infamie jetée sur son glorieux passé. On souhaitait aussi que le gouvernement des provinces devint plus équitable et plus humain ; soit parce que les doctrines de Cicéron sur le gouvernement des peuples soumis se répandaient et que les sentiments se faisaient moins durs ; soit parce que l'on commençait à comprendre qu'étant moins puissante, Rome devait être plus juste. II y avait aussi la force de la tradition. Pendant des siècles, la morale traditionnelle avait inculqué aux Romains la simplicité, les vertus familiales, la chasteté ; et il fallait des siècles pour effacer ce qui avait été enseigné pendant des siècles. Il y avait enfin, il faut bien le dire, la jalousie des classes moyennes, déjà assez dépravées pour convoiter les jouissances des classes riches, mais trop pauvres pour se les procurer. Si les artisans et les entrepreneurs de Rome admiraient le nouveau luxe des riches, qui leur faisait gagner tant d'argent, les petits propriétaires d'Italie, les intellectuels, les chevaliers et les sénateurs peu fortunés, rageaient de voir quelques privilégiés s'avancer à leur fantaisie dans les champs du plaisir et du vice, tandis qu'ils étaient obligés de marcher tout droit dans le sentier de la vertu, entre les haies infranchissables de la pauvreté. Le même mécontentement qui avait rendu l'opinion publique si furieuse contre Cornelius Gallus, poussait maintenant les masses non plus à s'acharner sur un homme, mais à juger sévèrement les mœurs du temps, à s'exagérer la corruption des classes élevées, à réclamer des lois qui rendraient plus difficiles ou plus dangereux pour les riches, les plaisirs que la pauvreté interdisait aux hommes peu fortunés ; des lois qui puniraient l'adultère, qui limiteraient le luxe, qui contraindraient les gouverneurs à exercer dans les provinces leur pouvoir, avec douceur et justice, qui imposeraient à tout le monde le même idéal de vertu, uniforme et modeste.

Le puritanisme, dont la vogue allait croissant, portait en lui bien des germes différents : des germes de rancune et d'envie, et des germes de sentiments nobles et salutaires ; comme le respect de la tradition, qui est pour les peuples ce que le sentiment de la famille est pour les individus ; comme aussi ce sens élémentaire du bien et du mal qui est inné dans tout esprit sain, quand la passion ou l'intérêt ne l'égarent pas ; et enfin comme les préoccupations sincères de la dissolution sociale qui serait le résultat inévitable de l'égoïsme débordant et du régime de la force brutale. Ainsi s'explique qu'il y eut des défenseurs sincères et ardents du mouvement puritain, même parmi l'oligarchie privilégiée, que le mouvement visait, et que l'un d'eux fut Tibère, le beau-fils d'Auguste. Né dans une grande famille, et élevé par Livie qui était une patricienne romaine de la vieille roche, lui aussi, au contact de ce mouvement général des esprits, il se prenait d'admiration pour l'ancienne noblesse romaine, et se proposait d'imiter toutes les vertus qu'à tort ou à raison on lui attribuait. Et l'on comprend aussi qu'un grand poète comme Virgile ait puisé dans ce courant d'idées et de sentiments le sujet d'un grand poème. Admirateur de la littérature grecque, mais irrésistiblement attiré par les préoccupations dominantes de l'esprit public, Virgile s'était proposé de donner à l'Italie sa grande épopée nationale qui devait être à la fois l'Iliade et l'Odyssée des Latins, et le poème de sa régénération morale et religieuse ; de fondre, dans le sujet et dans la forme, ce qu'il y avait de plus élevé dans le génie romain, et de plus pur dans le génie grec, les croyances populaires et les doctrines philosophiques, la religion et la guerre, l'art et la morale, l'esprit de tradition, et le sentiment impérial. Mais pour exécuter ce plan immense, il fallait un puissant effort d'imagination et un travail gigantesque. Auguste en Espagne demandait souvent à Virgile des nouvelles de son poème, le sommait, en plaisantant, de lui en envoyer quelques fragments. Virgile répondait invariablement qu'il n'en avait encore rien achevé qui fût digne d'être lu par lui, qu'il se sentait parfois comme effrayé par la. grandeur de la tâche entreprise, car elle semblait grandir à mesure qu'il avançait[17]. Ce n'étaient pourtant que de courts découragements et des fatigues passagères ; car le délicat poète possédait la ténacité qui manquait à l'inconstant Horace, et il revenait bientôt avec une nouvelle vigueur à sa tâche gigantesque, tandis qu'il passait des mois à achever quelques poèmes de trente ou quarante vers. Depuis plusieurs siècles, et en réalité depuis que Rome et l'Orient avaient eu des contacts plus fréquents, les érudits grecs s'étaient efforcés de rattacher à la légende d'Énée et de ses voyages après la chute de Troie, légende du cycle troyen, les plus fameuses légendes du Latium, celles surtout qui avaient trait à la fondation de Rome, pour établir entre les Latins et les Grecs une espèce de parenté mythique. Accréditée par le sénat romain, qui, à différentes reprises, s'en était servi pour sa politique orientale, la légende d'Énée s'était peu à peu ramifiée ; plusieurs grandes familles romaines, parmi lesquelles la yens Julia, avaient rattaché leur origine aux compagnons que la légende attribuait à Énée ; la grande légende et les légendes secondaires issues de la grande étaient si bien entrées dans la tradition mythique de la préhistoire de Rome, que personne n'osait plus y toucher. Tite-Live lui-même laisse comprendre dans sa préface qu'il tient toutes ces légendes pour des fables ; mais il déclare qu'il va les rapporter, sans les réfuter, ni les accepter, par respect pour l'antiquité. Et en effet il commence son histoire en racontant l'arrivée d'Énée en Italie, son alliance avec le roi Latinus, son mariage avec sa fille, la fondation de Lavinium et la guerre faite à Turnus roi des Rutules, et à Mézenco roi des Étrusques ; il énumère ensuite la longue descendance d'Énée, les villes et les colonies fondées par son fils, par ses petits-fils, par ses arrière-neveux jusqu'à Romulus et Remus. Il est donc facile de comprendre pourquoi Virgile a choisi pour sujet de son poème cette légende. Mais il ne se borne pas à reprendre la légende, telle que la tradition la lui donnait ; il la transforme, il l'agrandit, il s'en sert pour exprimer, sous des formes littéraires empruntées au plus pur hellénisme, la grande idée nationale de son époque, l'idée que la religion était le fondement de la grandeur politique et militaire de Rome ; l'idée que le rôle historique de Rome était de fondre ensemble l'Orient et l'Occident, prenant à l'Orient les rites et les croyances sacrées, à l'Occident la sagesse politique et les vertus militaires ; que Rome devait être à la fois la capitale d'un empire et une cité sainte. Dans les six premiers livres, Virgile se proposait de composer un poème d'aventures et de voyages à l'imitation de l'Odyssée, en faisant le récit des pérégrinations d'Énée, depuis la nuit fatale où Troie fut brûlée, jusqu'à l'arrivée en Italie. Dans les six derniers livres il voulait au contraire refaire une petite Iliade, en racontant les guerres livrées en Italie par Énée contre les Rutules jusqu'à la mort du roi Turnus. Mais dans la nouvelle Iliade comme dans la nouvelle Odyssée, Énée ne devait pas être le héros humain des poèmes homériques, violent ou rusé, hardi ou prudent, naïf ou faux, que les dieux aiment et protègent par amour pour lui-même. Il devait être un personnage symbolique, une espèce de héros religieux, auquel les dieux, ou du moins une partie des dieux ont confié la mission de porter à la race belliqueuse du Latium, le culte qui fera de Rome la maîtresse du monde et que les dieux protègent à cause de leurs vues lointaines sur la destinée historique des peuples[18]. Il va donc pietate insignis et armis[19], presque comme un somnambule, dans son voyage aventureux, sans lutter comme les héros homériques avec toutes les énergies de son esprit contre les dangers qui le menacent, sans même s'inquiéter du but de son long voyage, se laissant porter par la volonté divine qui est la loi suprême de toutes choses. Les vrais protagonistes de ce drame ne sont pas les hommes mais les dieux. Virgile, qui veut qu'on les aime et qu'on les craigne, leur donne cette beauté à la fois solennelle et gracieuse qu'avait imaginée pour eux la mythologie grecque ; et il leur fait sans cesse, comme pour prouver leur puissance, contrarier les lois de la nature et parfois aussi de la justice et de la raison. Ils poussent Énée dans les dangers les plus terribles, et ils le sauvent par les prodiges les plus inattendus. Ils rendent Énée amoureux de Didon, puis ils l'obligent à l'abandonner, simplement parce que cela est nécessaire à la gloire de Rome qui doit grandir sur les ruines de Carthage. Ils conduisent Énée en Italie et là ils lui donnent une femme, un royaume et une patrie, contre toute raison d'opportunité et de justice. N'est-il pas un intrus dans le Latium ? Lavinia n'avait-elle pas été promise à Turnus ? Autour d'Évandre et de Turnus, le poète a représenté, dans un joli tableau, la simplicité primitive des anciennes mœurs latines que ses contemporains corrompus admiraient tant, au moins dans la littérature. En comparaison des Latins, les Phrygiens d'Énée ne sont donc autre chose que des Orientaux sans énergie et sans valeur ? Et cependant cela n'empêche pas Énée de ravir à Turnus, avec l'aide des dieux, son royaume et sa fiancée, de vaincre avec ses faibles Phrygiens les valeureux Latins. Il apporte au Latium les choses saintes dont le Latium a besoin, parce qu'il devra conquérir le monde en combattant et en priant : et cela suffit pour justifier l'issue de la guerre, son injustice révoltante et son invraisemblance. Aussi Énée, même au milieu des plus grands dangers, ne se soucie pas d'autre chose que de connaitre la volonté mystérieuse des dieux et d'observer, dans les plus tristes comme dans les plus joyeuses occasions, les rites de la religion qu'il apporte à la nouvelle nation. Il interroge constamment les oracles ; il tend l'oreille aux bruissements du feuillage, et observe avec attention le vol des oiseaux et les éclairs ; il ne cesse jamais de regarder dans l'immense mystère qui l'entoure, par les fenêtres étroites de la science augurale. Au milieu de l'incendie de Troie, il songe à sauver le feu de Vesta qui brûlera éternellement dans la petite vallée située au pied du Palatin et du Capitole ; au moment même où il va sortir de Troie avec son père, après avoir combattu toute la nuit, il se souvient que, souillé de sang comme il l'est, il ne peut toucher aux pénates, et il demande à son père de les prendre ; du matin au soir, dans tous les dangers, dans toutes les circonstances tristes ou joyeuses, il prie toujours, il prie sans cesse, au point d'ennuyer, sinon les dieux, du moins les lecteurs. Mais le poète a ainsi l'occasion de décrire minutieusement, avec une précision d'archéologue et de théologien, toutes les cérémonies du rituel latin, même celles qui, depuis longtemps, étaient tombées en désuétude. Enfin pour obéir aux dieux, Énée n'hésite même pas à prendre le chemin tracé par les légendes populaires et à descendre dans un enfer qui est à la fois rempli des monstres mythologiques, et éclairé par la philosophie pythagoricienne, pour y chercher la justice qui n'existe pas sur la terre et pour connaître l'avenir. Une vieille légende italique dont Lucrèce s'était moqué, plaçait la porte de l'enfer dans la grotte du lac Averne, auprès de Naples ; Virgile, qui cependant avait été l'élève de Siron, reprend cette légende poétique, en se détachant ainsi presque entièrement de l'épicurisme qu'il avait professé dans sa première jeunesse, et il fait entrer Énée dans l'enfer par cette porte, accompagné par la sibylle de Cumes. La terre mugit, les montagnes vacillent, les chiens hurlent, et Énée par son chemin souterrain, comme dans une forêt par une nuit sans lune, arrive au vestibule de l'enfer où dans les branches d'un orme, immense et touffu, habitent les songes, et où les allégories latines du mal se tiennent auprès des monstres de la légende grecque, les Remords avec les Centaures ; les pâles Maladies et la triste Vieillesse avec la Chimère et les Gorgones ; la Peur, la Faim, la Pauvreté, avec l'hydre de Lerne, et les Harpies. Le seuil de l'enfer une fois franchi, arrive un des personnages les plus populaires de la mythologie antique, Charon, le rude nocher du Styx, qui ne transporte au delà de l'étang que ceux qui ont reçu une sépulture. La sibylle donne au nocher les explications nécessaires ; puis Énée, conduit au delà du Styx, se trouve devant le juge Minos, et il voit autour de lui les premiers habitants de l'enfer : les victimes du sort, les hommes dont la destinée a été brisée, sans qu'il y ait de leur faute, par un accident malheureux ; ceux qui sont morts étant encore enfants ; les guerriers tués dans les batailles, les suicidés, les innocents condamnés à mort et exécutés. Ils sont là dans une condition qui n'est ni triste, ni heureuse, exempts de tourments, mais souffrant du regret de la vie dont ils ont si peu joui. Auprès de là Énée voit les champs des pleurs où errent les âmes de ceux qui ont été les victimes d'une passion amoureuse. Puis la route se bifurque. Elle conduit à gauche au Tartare où aucun homme juste ne peut entrer. Énée ne peut donc qu'entrevoir, par les portes ouvertes, des flammes rouges, qu'entendre de loin des cris désespérés, des bruits de fers et de chaînes ; mais la sibylle lui décrit longuement ce qu'il ne peut voir, la prison sombre où d'horribles supplices punissent les crimes et le vice que le mouvement puritain voulait à ce moment déraciner de Rome. Là sont les frères ennemis, les fils ingrats, les patrons qui ont volé leurs clients, les affranchis infidèles, les adultères, les incestes, ceux qui ont pris les armes contre leur patrie, les magistrats qui se sont laissé corrompre. Les châtiments sont éternels et si atroces que la sibylle se refuse à les décrire. Puis Énée et son guide se hâtent vers les heureux bosquets et les demeures fortunées des Champs-Élysées où Énée retrouve son père Anchise. Celui-ci lui fait connaître l'avenir de Rome, et il lui explique la doctrine pythagoricienne de l'âme et du corps, de la contamination et de la purification, de l'oubli et de la réincarnation :

Principio cœlum ac terras camposque liquentis

Lucentemque globum lunæ titaniaque astra

Spiritus intus alit...

Beaux vers et idées sublimes, qui superposent cependant d'une façon assez étrange à l'enfer grossier des légendes populaires, plein de monstres, de supplices et de choses matérielles, un au-delà philosophique et idéal.

Horace est un esprit puissant, mais solitaire, qui sait se mettre en dehors des choses et à la distance nécessaire pour les bien juger, qui, indifférent et presque étranger à Rome, à l'Italie, à son passé, à son présent, examine, analyse et fixe les mille phénomènes contradictoires du moment merveilleux où a brillé son génie ; Virgile est la grande âme communicative, qui, avec le sentiment, l'imagination, la science, l'érudition, entre en contact avec la vie, communie avec elle, s'en grise, la décrit, la célèbre, la grandit, la purifie de toutes les souillures, en concilie les contradictions, l'ennoblit, et qui, à cette même époque merveilleuse où son génie a brillé à côté de celui d'Horace, a su exprimer, dans une synthèse imparfaite mais grandiose toutes les aspirations contradictoires qui agitaient alors l'élite de l'Italie. L'Énéide est comme une amplification poétique des préoccupations religieuses, morales et militaires qui renaissaient alors ; elle est comme la voix solennelle non pas seulement d'un poète, si grand soit-il, mais d'une époque tout entière. Cependant, tandis que Virgile, dans ses vers, travaillait à la régénération religieuse et militaire de l'Italie, tandis que le public attendait avec impatience la publication de son poème, la direction du culte demeurait confiée à un pontifex maximus tel que Lépide, et la direction des guerres à un général tel qu'Auguste. L'ancien triumvir qui, plein d'amertume, s'était retiré à Circéium ne s'occupait plus de rien ; quant à Auguste, il avait encore moins de succès en Arabie qu'en Espagne. L'expédition d'Ælius Gallus avait mal débuté ; car l'armée, après s'être embarquée à Miosorne et avoir traversé la mer Rouge, avait dû s'arrêter à Leucocome, le port où elle avait débarqué, à cause d'une maladie mystérieuse qui avait atteint un grand nombre de soldats. C'était du moins ce que l'on disait[20]. Sur ces entrefaites une horde d'Éthiopiens ayant su qu'une partie des troupes de l'Égypte étaient en Arabie, avait envahi l'Égypte et était arrivée jusqu'à Philæ, pour se venger de l'expédition de Cornélius Gallus. Petronius, le préfet, était alors occupé à la repousser[21]. Auguste avait donc eu raison de trouver dangereuse la politique du premier præfectus. Cependant de nouvelles difficultés, plus graves peut-être, surgissaient en Orient. Tandis qu'il était encore en Espagne, Auguste avait été rejoint par Tiridate, le prétendant au trône de Perse, qui s'était mis sous la protection de Rome. Au cours des années précédentes, profitant des discordes intérieures, Tiridate avait réussi à chasser Phraatès qui était devenu orgueilleux et cruel après sa victoire sur Antoine. Phraatès s'était réfugié chez les Scythes ; il y avait enrôlé des bandes. et à leur tête il avait réussi à reconquérir son royaume et à chasser de nouveau Tiridate. Celui-ci, d'autre part, en fuyant, avait pu s'emparer du fils aîné de Phraatès, et il l'avait conduit à Auguste[22]. C'était un précieux otage, mais en l'acceptant, ne s'exposait-on pas à provoquer des représailles de la part du roi des Parthes, et à rallumer la question orientale qui pour le moment semblait éteinte ? Ces guerres civiles de la Perse réjouissaient et inquiétaient à la fois Auguste : elles le réjouissaient, parce qu'elles affaiblissaient l'empire ennemi ; elles l'inquiétaient, parce qu'on pouvait redouter des complications et des répercussions, plus ou moins dangereuses, dans les provinces et dans les États que Rome protégeait. A ce moment même, pour comble de malheur, Amyntas, le roi de Galatie, périssait dans une expédition contre un petit peuple de brigands, les Onomadensi, et il ne laissait que des enfants en bas âge[23]. Rome perdait en Orient son allié le plus fidèle et le plus fort, le seul qui, si une guerre eût éclaté, eût pu mettre en campagne contre la Perse une armée sérieuse, organisée avec la discipline romaine. Le sénat, en l'absence d'héritiers capables de monter sur le trône, avait déclaré la Galatie province romaine, et il en avait donné le commandement, en même temps que celui des armées galates, à Auguste. C'était un grand honneur, mais aussi un lourd fardeau, et une responsabilité périlleuse, si une guerre venait à éclater en Orient. En somme l'esprit public était de nouveau inquiet et troublé vers la fin de l'an 25 ; les expéditions militaires auxquelles on avait songé échouaient ou ne donnaient pas les résultats que l'on en avait attendus ; les affaires d'Orient semblaient devoir se compliquer de nouveau. Toutes ces difficultés, auxquelles vint s'ajouter le projet de marier son neveu Marcellus avec sa fille Julie, décidèrent enfin Auguste, dans la seconde moitié de l'an 25, à revenir à Rome. S'il avait pu au moins assurer aux Romains qu'il avait fait véritablement la conquête du pays des Cantabres et de l'Asturie, riches en mines d'or ! Au contraire il était à peine sorti d'Espagne que les Astures et les Cantabres se soulevaient de nouveau[24]. Sa santé enfin était de plus en plus mauvaise. Il parait avoir été atteint à cette époque-là de la crampe des écrivains, et il tomba malade en voyage, si bien qu'il dut s'arrêter et charger Agrippa d'assister aux cérémonies nuptiales de Julie et de Marcellus[25].

Son retour pourtant fit beaucoup de plaisir à toute l'Italie. On s'imaginait en général que maintenant qu'il était revenu. il saurait remédier à tous les maux dont on s'était plaint pendant son absence ; Horace exprimait la confiance du public dans des vers où, exagérant un peu, il comparait à Hercule Auguste qui revenait victorieux d'Espagne[26] ; tel était aussi, par servilité, par paresse ou par sincère admiration, l'avis de la majorité du sénat. Dans la séance du 4 janvier de l'an 24, le sénat approuva tout ce qu'Auguste avait fait, et il prêta serment, comme c'était la coutume pendant la révolution, c'est-à dire qu'il s'engagea à ne plus retirer son approbation[27]. Il alla bientôt plus loin ; quand Auguste, qui approchait de Rome, voulut donner à tous les plébéiens 400 sesterces et demanda au sénat d'être dispensé d'observer la lex Cintia qui interdisait de semblables dons, le sénat répondit en l'exemptant de toutes les lois[28]. Ce privilège ne parut pas excessif pour l'homme dont Horace fêtait le retour par ces vers :

Hic dies, vere mihi festus, atras

Eximet curas ; ego nec tumultum

Nec mori per vim metuam, tenente

Cæsare terras[29].

La légende d'Auguste. comme un arbre, quand revient le printemps, fleurissait de nouveau. Mais Auguste croyait encore moins à sa légende que quand il était parti. Comment pourrait-il faire pour contenter tant de désirs vagues et contradictoires ? Il ne voulut pas, bien entendu, accepter d'être complètement dispensé d'obéir aux lois[30]. Peu après son retour qui eut lieu clans la première moitié de l'an 24[31], arrivèrent à Rome, envoyés par Petronius, mille esclaves éthiopiens qui avaient été capturés dans l'expédition faite pour repousser les envahisseurs de la Haute Égypte[32]. Cette entreprise-là du moins, avait été menée à bonne fin, et l'Égypte était de nouveau à l'abri du danger. Si Ælius Gallus qui, à la fin de l'hiver, s'était mis en marche et se dirigeait sur le Yémen, parvenait à s'emparer des trésors des Sabéens, l'Italie pourrait au moins célébrer une victoire et Auguste disposer de beaucoup d'argent pour toutes les réformes demandées. Cependant, pour contenter un peu l'opinion publique qui réclamait des réformes immédiates, et comme les élections pour l'an 23 approchaient, il fit proposer au sénat que Marcellus fût autorisé à solliciter les charges dix ans et Tibère cinq ans avant l'âge légal ; et il fit présenter la candidature du premier à l'édilité, et celle du second à la questure[33]. L'édilité et la questure étaient des charges auxquelles on cherchait plutôt à se soustraire ; Auguste, en offrant ainsi à l'avance les services de sa famille à la république, rappelait à la noblesse que ses privilèges devaient être justifiés par son zèle. Puis il voulut, ainsi qu'il avait coutume de le faire quand il habitait Rome, montrer à tout le monde que malgré sa mauvaise santé, il remplissait avec le plus grand soin tous les devoirs de magistrat, de sénateur, de grand seigneur, de citoyen. Et ces devoirs étaient nombreux et variés. Comme consul il devait rendre justice sur son siège d'ivoire, mettre à l'encan les entreprises publiques[34], recevoir toute la correspondance de l'État, convoquer le sénat, l'informer de toutes choses, être présent à un nombre infini de cérémonies civiles et religieuses. Proconsul de trois provinces, il avait à les administrer au moyen de légats ; comme généralissime, il avait à surveiller et à commander de loin vingt-trois légions et d'innombrables corps auxiliaires, épars dans tout l'empire. Que de difficultés à résoudre, que de fautes à corriger, que d'oublis à réparer, que de lettres à lire et à écrire tous les jours ! Auguste avait même eu l'idée de prendre Horace comme secrétaire, mais il avait refusé[35]. Comme princeps senatus, Auguste devait en outre présider les séances de cette assemblée ; comme membre du collège des augures, du collège des pontifes, du collège des quindecemviri sacris faciundis, il lui fallait être présent à des réunions, à des cérémonies, à des banquets ; comme chef de l'État, élu pour être le citoyen exemplaire, modèle des vertus civiques, il devait accomplir tous les devoirs que la tradition imposait aux nobles romains, donner par conséquent son assistance gratuite dans les procès, à tous les clients de la famille, à ses amis, aux plébéiens pauvres avec qui il avait eu des relations, c'est-à-dire à tous les vétérans des guerres civiles[36] ; il devait assister à tous actes publics, depuis les séances du sénat jusqu'aux élections pendant lesquelles, pour donner le bon exemple, il parcourait les tribus, avec ses candidats pour demander les suffrages, comme aux beaux temps de la république, et où il votait comme le dernier des citoyens[37]. Il devait enfin offrir un grand nombre de banquets[38], et, ce qui était pire, accepter un nombre non moins grand d'invitations et avaler, en faisant bon visage, les dîners les plus médiocres, car s'il avait fait mine de ne pas goûter l'hospitalité des maisons trop modestes, il aurait offensé tous les citoyens en paraissant se croire supérieur à eux[39]. Les faits démontraient, en somme, que le cumul des fonctions, imaginé par Jules César, avait pu être un expédient opportun pour un homme extraordinairement actif, à une époque malheureuse et troublée ; mais ce cumul ne pouvait pas être le principe nouveau d'un gouvernement régulier, qui ne fût pas dirigé par des demi-dieux, mais par des hommes exposés à la fatigue, comme le commun des mortels. Il eût fallu un homme de fer pour résister, à lui tout seul, à un travail si énorme ; et Auguste ne le pouvait pas. En effet, au mois de juin, il tomba de nouveau malade[40], si bien que le reste de l'année, il ne fut plus capable de rien faire, si ce n'est de dépenser de l'argent pour des constructions et pour des fêtes. Cependant Ælius Gallus terminait son expédition en Arabie, mais avec peu de succès. Il arriva, après une marche pénible, jusqu'à la ville principale des Sabéens, Mariba ; mais il ne trouva nulle part les trésors tant désirés, et il dut s'en retourner bien vite et les mains vides, avec son armée décimée par les maladies. On fit responsable de cet insuccès les Nabatéens, et surtout les ministres du roi Silleus qui accompagnait Gallus, et qui, sous prétexte de l'aider, l'aurait trahi. Il serait difficile de dire si cette explication répond à la vérité, ou si elle n'est qu'une invention des Romains pour cacher leur propre faute[41]. On pourrait, cependant, s'expliquer assez facilement pourquoi les Nabatéens auraient trahi Rome, s'ils l'ont trahie. L'Arabie et l'Égypte faisaient toutes les deux le commerce entre la Méditerranée, l'Inde et la Chine :toutes les populations arabes avaient donc intérêt à empêcher que le nouvel État, qui était devenu maitre de l'Égypte, ne s'emparât de la route de l'Extrême-Orient qui faisait concurrence à celle d'Alexandrie, et qui, par Leucocome et Pétra, arrivait en Phénicie[42].

L'an 23 commençait donc mal et il continua plus mal encore, bien que l'édile Marcellus cherchât à égayer la métropole, en donnant des fêtes magnifiques avec l'argent de son oncle[43]. Une maladie à laquelle les anciens donnaient le nom de peste, et dans laquelle un écrivain moderne a cru reconnaître une épidémie de typhus, remplit de deuil l'Italie d'abord, et Rome ensuite, et elle fut sur le point d'amener une catastrophe politique quand, après tant de victimes, Auguste fut atteint à son tour. Ce fut sans doute au printemps, et certainement avant le mois de juin, qu'il tomba malade pour la troisième fois, mais plus gravement qu'il ne l'avait été jusque-là[44]. Rome apprit un jour qu'Auguste était mourant, et qu'il avait déjà pris ses dernières dispositions, fait son testament, remis à Pison, qui était consul avec lui, tous les papiers d'intérêt public, y compris les comptes des finances, qu'il avait fait faire chez lui : il s'était enfin permis de recommander au sénat et au peuple, comme son successeur, Agrippa, mais d'une façon discrète, qui ne pouvait blesser même les plus austères républicains. Il s'était contenté en effet de lui donner son anneau et son cachet[45]. On imagine facilement quelle émotion produisit cette nouvelle. Qu'allait-il arriver si Auguste mourait tout à coup, à quarante ans, laissant tout en suspens, et la république encore si débile ? Personne n'eût pu le prévoir. Mais on vit soudain apparaître pour sauver la république du danger imminent un affranchi oriental, un médecin. Auguste croyait à la vertu de la tradition, lorsqu'il s'agissait de soigner les maladies de l'État, mais non lorsqu'il s'agissait de sa santé ; et il avait préféré aux recettes traditionnelles des grandes familles romaines la science grecque. Il avait auprès de lui un célèbre médecin qui avait été celui de Juba II, roi de Mauritanie, et qui avait fondé une nouvelle école médicale, Antonius Musa. Antonius Musa, alors que tout le monde croyait Auguste déjà mort, le guérit par une cure de bains froids[46]. La joie fut très vive, et le médecin fut comblé d'honneurs. Par souscription publique on lui éleva une statue qui fut placée auprès de celle d'Esculape : le sénat lui attribua une récompense en argent et l'inscrivit sur le livre des chevaliers[47]. Ce ne fut pas tout ; l'admiration pour Musa rejaillit sur tous les médecins ; dans un moment d'enthousiasme universel le sénat vota l'immunité, c'est-à-dire l'exemption de tous les impôts et charges publiques, pour quiconque exercerait la médecine à Rome et en Italie[48]. Ainsi en un instant, par le seul fait de la guérison d'Auguste, tout le monde semblait s'être converti à l'admiration pour la médecine scientifique des Grecs, dont tant de Romains se défiaient encore si fort. C'était là une nouvelle preuve et une des plus curieuses que l'on n'était à cette époque fermement attaché à aucun sentiment : ni à l'admiration des choses anciennes, ni à la défiance pour les choses nouvelles, ni au désir de revenir aux traditions, ni aux tendances à introduire dans l'État la culture orientale. Ce n'était pas simplement par caprice ou par sottise que les grands défenseurs de la tradition romaine détestaient la médecine grecque comme un mélange impur de charlatanisme et de cupidité[49]. Toute aristocratie militaire est naturellement portée à déprécier les professions intellectuelles, et surtout les médecins et les avocats qui forment toujours le noyau des classes moyennes le plus puissant par sa culture, par ses relations, par ses influences et qui peuvent par suite, quand ils acquièrent de la puissance, contrecarrer dans la vie publique et dans la vie privée, dans la famille et dans l'État, l'influence d'une aristocratie militaire, répandre des idées et des sentiments en contradiction avec celles dans lesquelles une aristocratie militaire fait consister l'idéal de la vie. L'aristocratie romaine s'était depuis des siècles réservé le monopole du barreau, et, méprisant la médecine, elle l'avait abandonnée aux Orientaux parce qu'ils n'étaient que des affranchis. Mais l'aversion pour cette profession devait être d'autant plus vive à Rome à ce moment, que ces affranchis orientaux venaient d'écoles lointaines, et professaient sur toutes choses des idées profondément différentes de celles qui étaient enracinées dans la tradition romaine. Quelle puissance eût été celle de ces gens-là s'ils avaient pu faire croire aux Romains qu'ils possédaient le secret de la vie et de la mort ? Aussi l'ancienne défiance était-elle toujours là pour persuader que les vieilles prescriptions, transmises de père en fils, valaient mieux que toute la médecine grecque. Mais voici que soudain un de ces médecins, devenu célèbre, recevait les honneurs réservés aux conquérants et aux grands diplomates, et que, d'un jour à l'autre, les législateurs se mettaient à protéger des hommes envers qui ils avaient été jusque-là défiants et hostiles.

 

 

 



[1] Voy. DION, LIII, 28.

[2] DION, LIII, 27.

[3] Nous verrons qu'en l'an 22 Auguste proposa une nouvelle réforme de cette magistrature : cela prouve que les réformes que l'on venait de faire ne donnaient pas de bons résultats.

[4] Nous verrons en effet qu'il y eut pendant les années suivantes de nombreuses réformes du sénat dont le but était de secouer la paresse des sénateurs.

[5] Il ne me parait pas douteux qu'Ælius Gallus ait commencé son expédition vers la fin du printemps de l'an 25 avant J.-C. JOSÈPHE (A. J., XV, IX, 3) nous dit que l'expédition eut lieu la treizième année du règne d'Hérode, c'est-à-dire entre le printemps de l'an 25 et le printemps de l'an 24. STRABON (XVII, I, 54) nous dit que, tandis que Gallus était en Arabie, les Éthiopiens envahirent l'Égypte, que Petronius accourut pour les repousser et qu'il envoya mille prisonniers à Auguste. Or, nous verrons qu'Auguste revint à Rome dans la première moitié de l'an 24. C'est donc pendant l'hiver de l'an 25 à l'an 24 que Petronius revint à Alexandrie après sa campagne contre les Éthiopiens, qui eut lieu par conséquent pendant l'automne de l'an 25. Ainsi, pendant l'automne de l'an 25, Ælius Gallus était déjà hors de l'Égypte. Mais STRABON (XVI, IV, 24) nous dit que Ælius Gallus arrivé à Leucocome dut y passer l'été et l'hiver à cause des soins à donner à ses soldats malades. Il s'agit de l'été et de l'hiver de l'an 25, puisque, pendant l'automne de l'an 25, il était, comme nous l'avons vu, déjà hors d'Égypte. Il partit donc vers la fin du printemps, comme le dit Josèphe avec son exactitude habituelle. Nus en avons une dernière preuve dans Dion qui (LIII, 29) nous raconte l'histoire de l'expédition de l'an 24. Le récit de Strabon nous montre en effet que la partie la plus importante de l'expédition eut lieu en l'an 24. Après avoir passé l'hiver de l'an 25-24 à Leucocome à faire donner des soins à ses soldats malades, Gallus se met en marche au commencement du printemps de l'an 24 ; il lui faut six mois pour aller et deux mois pour revenir (XVI, XIV, 24) ; il est donc de retour vers la fin de l'an 24, et c'est en l'an 24 qu'il fait sa véritable expédition.

[6] STRABON, IV, VI, 7 ; SUÉTONE, Auguste, 21 ; DION, LIII, 25. Selon Beloch il est impossible que Varron ait fait 36.000 prisonniers ; et vraiment on peut se demander si ce qui est aujourd'hui le val d'Aoste pouvait jadis nourrir une population aussi considérable, au moins dans des temps normaux. Il faut toutefois remarquer que depuis de longues années ce val était devenu un refuge d'émigrés, qui vivaient de brigandage et de rapine, et ainsi il pouvait se trouver là une population plus nombreuse que la population habituelle,

[7] SAINT JÉRÔME, ad. ann. Abrahm., 1992 (25 a-C.) Augustus Calabriam (sic) et Gallos vectigales fecit ; Chronichon Paschale, I, p. 365 (Bonn) ; G. SYNCELLUS, I, p. 592 (éd. Bonn). Il me parait certain que les Γαλάται dont il est ici question sont les Gaulois transalpins et non les Galates d'Asie. Saint Jérôme en effet dit Gallos et non Galatas ; et c'est là un argument d'une certaine valeur ; en effet, comme l'a démontré Perrot, De Galatia provincia Romana, Lutetiæ Parisiorum, 1867, p. 34-35, dès le premier siècle de l'empire les écrivains latins appellent Galli les Gaulois d'Europe, et Galatæ les Gaulois d'Asie. Mais cet argument nous est confirmé définitivement par saint Jérôme lui-même et par Syncellus qui distinguent ce tribut imposé aux Gaulois de la réduction de la Galatie en province romaine, qui fut faite l'année suivante. On lit quelques lignes plus loin dans SAINT JÉRÔME, ad an. Abrah., 1993 : M. Lollius Galatiam romanam provinciam facit. SYNCELLUS, t. I, p. 592 (Bonn). Le Chronichon Paschale ne parle pas de la réduction en province de la Galatie. Il me parait donc évident que les Gaulois à qui saint Jérôme nous dit que l'on imposa des tributs en l'an 25, sont un autre peuple que les Galates qui furent réduits à la condition de sujets romains l'année suivante, et qu'il y eut là deux opérations très différentes : dans le premier cas on imposa un tribut à un peuple déjà soumis ; dans le second, on réduisit un peuple allié à la condition de sujets. La première est une opération fiscale, la seconde, une opération politique. En outre saint Jérôme et le Chronichon Paschale citent, en même temps que ce peuple soumis à un impôt de l'an 25, un autre peuple : Calabres. Il y a là une erreur évidente puisque la Calabre faisait partie de l'Italie ; mais cette erreur même nous montre qu'il s'agit bien là d'une opération financière, qui n'a rien à voir avec l'annexion de la Galatie d'Asie qui fut un acte isolé. Aucun peuple ces années-là ne fut annexé à l'empire à la même époque que les Galates. Mais quel est ce peuple sur lequel on fit peser des impôts en même temps que sur les Gaulois ? Nous ne pouvons faire que des conjectures, et supposer par exemple qu'il faut lire Dalmatas. De lourds impôts durent être imposés à cette époque à la Dalmatie, puisque quelques années plus tard elle se révoltera, fatiguée de supporter un poids si lourd. Enfin si l'on considère que, comme nous l'avons dit, la seule explication plausible du voyage qu'Auguste fit en Gaule, en l'an 27, et du cens qu'il ordonna, est son projet d'augmenter les impôts en Gaule, il devient manifeste que les simples mots de saint Jérôme nous conservent le souvenir et la date de cet événement de l'histoire fiscale de Rome, qui devait avoir de si grandes conséquences pour l'histoire du monde. Il est évident que les anciens eux-mêmes en avaient compris l'importance, puisque le souvenir en avait été si durable que saint Jérôme l'a noté dans sa Chronologie. J'ai donc supposé que l'on augmenta en même temps les nouveaux tributs qui avaient été imposés aussi aux Pannoniens et aux populations alpines qui allaient bientôt se révolter précisément à cause de ces tributs.

[8] OROSE, VI, XXI, 19-21.

[9] L'idée communément admise que sous Auguste il n'y eut plus d'agitations politiques, est une erreur. Les épisodes de Rufus, de Fannius et de Cépion, dont nous avons déjà parlé ou dont il sera question plus tard, nous montrent qu'il y eut des hommes qui tentèrent par des moyens détournés d'enlever la domination des comices aux grands seigneurs et à Auguste lui-même. Ces hommes devaient, à mon sens, chercher à raviver la tradition populaire, et je m'appuie pour le dire sur une considération et sur un fait ; ce fait, c'est que l'aristocratie, comme on peut le voir dans Velleius Paterculus, s'opposa avec force à ces mouvements ; la considération, c'est que le rétablissement de la république dut rendre une certaine force à la tradition démocratique.

[10] VELLEIUS PATERCULUS, II, LXXIX, 6.

[11] DION, LIII, 24.

[12] DION, LIII, 26 ; STRABON, XVII, III, 7. Pour ce qui est des deux textes qui se contredisent et des questions qui se posent à ce sujet, voy. BOUCHÉ-LECLERCQ, Histoire des Lagides, Paris, 1901, vol. II, p. 363, note 1. — Cependant un passage de DION (LI, 15) nous porterait à croire que le mariage n'eut lieu qu'en l'an 30 avant J.-C.

[13] BOISSIER, la Religion romaine d'Auguste aux Antonins, Paris, 1892, vol. I, p. 295.

[14] SÉNÈQUE, Epist., LXXIII, XV ; CVIII, 17.

[15] SÉNÈQUE, Nat. quæst., VII, XXXII, 2 : Sextiorum nova... secta... cum magno impetu cœpisset.

[16] Sans un mouvement de l'opinion publique semblable à celui que je suppose ici, on ne pourrait expliquer comment, en l'an 22, alors que l'esprit public était tourmenté par les désordres de la famine, Auguste ait tout à coup fait nommer des censeurs, et comment, ceux-ci ne remplissant pas leur devoir, il se soit substitué à eux. Le chapitre suivant donnera là-dessus des explications. Mais sans ce mouvement d'opinion, cette nomination subite des censeurs ne pourrait s'expliquer.

[17] MACROBE, Sat., I, XXIV, 2 ; DONATUS, p. 61, 14 R.

[18] C'est Gaston Boissier qui a le premier découvert que l'Énéide est un poème religieux. Dans les pages qui suivent, je n'ai fait que résumer sa longue, magnifique et définitive analyse du poème de Virgile. Voyez la Religion romaine d'Auguste aux Antonins, Paris, 1892, t. Ier, p. 221 et suiv.

[19] Æneide, VI, 403.

[20] STRABON, XVI, IV, 24.

[21] STRABON, XVII, I, 54.

[22] JUSTIN, XLII, V, 5-7.

[23] STRABON, XII, VI, 5 ; DION, LIII, 26 ; EUTROPE, VII, 10. Lollius fut propréteur l'année suivante, c'est-à-dire en l'an 2. Aucun historien ne nous donne la raison pour laquelle la Galatie fut réduite en province romaine, au lieu d'être donnée aux successeurs d'Amyntas dont il n'est pas plus question que s'ils n'existaient pas. Nous savons au contraire par une inscription (C. I. G., 4039) que le roi galate avait un fils qui s'appelait Pélamène et qui vivait encore à la fin du gouvernement d'Auguste et au commencement du gouvernement de Tibère. Comment faut-il expliquer que Pélamène ait été écarté du trône ? J'ai dit qu'il devait être alors tout enfant ; cela me parait, en effet, l'hypothèse la plus vraisemblable. Elle s'accorde avec la date de l'inscription grecque si tardive et elle nous explique comment, alors que partout ailleurs la politique d'Auguste répugnait à la transformation en provinces des États protégés par Rome, la Galatie fut cependant réduite en province romaine. Nous avons vu que l'année précédente Auguste n'annexa pas la Mauritanie. Nous verrons qu'il agira de même quelques années plus tard avec l'Arménie. Il me parait donc probable que la Galatie fut déclarée province romaine, parce qu'il ne se trouva pas de successeur capable de prendre le pouvoir.

[24] DION, LIII, 29.

[25] DION, LIII, 27. — D'après JACOBY (Études sur la sélection, Paris, 1881, p. 56.) c'est de la crampe des écrivains qu'il s'agirait dans le passage de SUÉTONE (Auguste, 80) dextræ quoque manus digitum salutarem... Et comme nous savons qu'il fut malade à cette époque-là nous pouvons supposer que c'est alors qu'il en fut atteint.

[26] Odes, III, XIV, 1-2.

[27] DION, LIII, 28.

[28] DION, LIII, 28.

[29] Odes, III, XIV, 13-16.

[30] On peut ainsi concilier l'affirmation explicite de Dion avec ce fait que, dans la suite, il n'est plus question de cette dispense. Il ne me semble pas qu'il y ait de raison pour supposer une erreur dans Dion.

[31] Dion, après avoir énuméré les décrets qui furent rendus au commencement de l'an 24, dit qu'ils furent rendus en son absence. Auguste revint donc à Rome après le 1er janvier de l'an 24, et avant le mois de juin, comme le prouve le C. I. L., XIV, 2240.

[32] STRABON, XVII, I, 54.

[33] DION, LIII, 28. Ces décrets, comme le dit Dion lui-même, s'expliquent par le nombre des questeurs qui était insuffisant cette année-là Ce n'était donc pas une usurpation dynastique des pouvoirs, mais c'était à la fois un blâme à l'adresse de l'aristocratie paresseuse et un expédient pour conjurer les mauvais effets de cette paresse.

[34] OVIDE, Pont., IV, V, 17 et suiv.

[35] SUÉTONE, Vita Hor.

[36] SUÉTONE, Auguste, 56.

[37] SUÉTONE, Auguste, 56.

[38] SUÉTONE, Auguste, 74.

[39] MACROBE, Sat., II, IV, 13 : pæne se nulli invitanti negabat.

[40] C. I. L., XIV, 2240, v. 11.

[41] STRABON, XVI, IV, 24 ; DION, LIII, 29 ; MON. ANC., V, 22-23 (lat.). L'Adulis de Dion doit être une erreur et c'est de Mariba qu'il s'agit.

[42] STRABON, XVI, IV, 24.

[43] DION, LIII, 31.

[44] DION, LIII, 30. Au mois de juin il devait déjà être guéri, puisque, comme nous le verrons, il abdiqua le consulat. (SUÉTONE, Auguste, 81.)

[45] DION nous dit en deux endroits d'une façon très nette qu'Auguste ne désigna pas de successeur (LIII, 30 et LIII, 31). La remise de l'anneau à Agrippa n'était qu'un acte de confiance personnelle, touchant ses affaires privées ; ce pouvait être cependant une recommandation au sénat et au peuple de le choisir pour son successeur. Il y a du moins deux choses de certaines, c'est qu'il ne fit aucune recommandation en faveur de Marcellus (Voy. DION, LIII, 31), et que l'indication d'Agrippa, que quelques-uns virent dans la remise de l'anneau, était si vague, que bien des gens crurent que sa volonté était que, lui mort, la charge de princeps fût abolie (DION, LIII, 31). Il est donc bien évident qu'Auguste était très préoccupé de montrer au peuple que toute trace du principe dynastique et héréditaire était exclue du nouveau régime.

[46] SUÉTONE, Auguste, 81 ; DION, LIII, 30.

[47] DION, XXXIII, 30 ; SUÉTONE, Auguste, 39.

[48] DION, LIII, 30.

[49] Au sujet du mépris dans lequel la haute société romaine tenait encore la médecine grecque dans la seconde moitié du premier siècle, voy. PLINE, N. H., XXIX, I, 11, 15-27.