Les travaux militaires antiques de l'époque de la conquête tiennent la meilleure place parmi les camps romains qui existent dans la Gaule. Tous sont généralement appelés camps de César. Il y a cependant une distinction à faire entre eux. Ceux qui remontent à la conquête sont clairement indiqués dans les Commentaires par l'envoi de quelques légions chez certains peuples, soit pour y passer l'hiver, soit pour y séjourner seulement quelques mois afin de maintenir la tranquillité du pays. Cette étude nous a servi pour la rédaction de notre carte ; elle nous a convaincu que tout camp d'hiver, tout camp présentant les traces d'une longue occupation, et qui ne se trouve pas dans un pays où des troupes furent envoyées, n'est pas un camp de César. Nous faisons cette réflexion à propos de l'hiberna de Saint-Pierre, qui existe dans la forêt de Compiègne et qui présente des traces d'un séjour assez prolongé des légions. Quelques antiquaires le regardent comme étant contemporain de la conquête, sans réfléchir qu'il y a eu des camps d'hiver dans la Gaule même après César. Nous ne partageons donc pas leur opinion. En effet, que nous consultions les Commentaires, nous verrons que le conquérant n'a fait que traverser deux fois et rapidement le pays des Suessions pour se rendre chez les Bellovaces : la première fois après sa campagne sur l'Aisne, la seconde après qu'il eut écrit d'Orléans à Fabius de venir le rejoindre dans le Soissonnais avec ses deux légions : ut in fines Suessionum legiones II quas habebat adduceret (lib. VIII). On ne peut pas dire que César avait passé l'hiver chez les Suessions, puisqu'il était resté à Bibracte. Il en est de même de Fabius, que le conquérant n'aurait pas appelé chez le même peuple si ce lieutenant eût hiverné dans la forêt de Compiègne. Or, si les légions n'ont jamais passé l'hiver dans le Soissonnais, l'hiberna de Saint-Pierre ne peut appartenir à l'époque de la conquête des Gaules. Ce motif nous a engagé à faire opérer la jonction de César avec Fabius à Champlieu, localité située près de la même forêt, et où il existe une enceinte militaire ayant l'apparence d'un simple camp de passage. Nous rangeons dans la classe du camp de Saint-Pierre celui de Vermand, voisin de Saint-Quentin, situés l'un et l'autre en dehors du Belgium. Outre les hiberna, on remarque en France une foule de camps de passage, surtout dans les lieux où les légions en marche durent s'arrêter pour prendre un jour de repos. Ces retranchements ont généralement disparu, car ils n'étaient entourés que de fossés peu profonds maintenant détruits, et qui n'ont l'apparence que d'une simple clôture de propriété privée. Les personnes qui en rencontreraient pourront consulter notre itinéraire et voir si ces vestiges ne se trouvent pas à la portée des grandes lignes que durent suivre les légions ; s'il en est ainsi, on aura le moyen de leur assigner une date précise. Il y a évidemment une autre catégorie de camps antiques dans notre pays : ce sont ceux qui furent élevés trois ou quatre siècles après la conquête, dans le nord-est de la Gaule, contre les invasions germaniques ; et ceux que l'on remarque sur les rives maritimes de la Manche alors qu'elles étaient attaquées par les pirates saxons. Mais ces camps offrent toujours deux ou trois enceintes, c'est-à-dire qu'ils possèdent plusieurs boulevards qui les divisent en deux ou trois compartiments. Ils ne peuvent être confondus avec ceux de César, qui n'ont jamais eu qu'une seule enceinte entourée d'un vallum et souvent de doubles fossés. |