I Les sources premières n'ont joué dans la composition des Annales qu'un rôle tout à fait accessoire : elles ont servi de loin en loin à contrôler ou à compléter les données fournies par les sources dérivées. Parmi celles-ci, qui ont été au nombre de trois pour le règne de Néron, en plus grand nombre pour le règne de Tibère, il faut distinguer des sources principales et des sources secondaires. Ce serait, en effet, une erreur de croire que Tacite a accordé la même importance à toutes ses sources, qu'il a opéré une fusion totale de leurs matériaux, que de plusieurs récits fondus ensemble il a fait un récit nouveau et bien indépendant, sinon en tant qu'éléments, au moins en tant que combinaison. Dans chacun des deux groupes, il y a eu une source principale, dont le récit a été la base du récit de Tacite. Les sources secondaires ne sont intervenues que de temps en temps, quand l'auteur a jugé qu'il valait la peine de contrôler ou de compléter la source principale ; en un mot, dans les Annales, Tacite a suivi la même méthode que dans la partie conservée des Histoires, avec cette différence qu'il a eu dans les Annales une abondance beaucoup plus grande de sources secondaires. 1. Les citations de Tacite feraient croire, il est vrai, au premier abord, que, selon l'opinion traditionnelle, il a travaillé sur des matériaux considérables, les a combinés lui-même et n'a pas trouvé dans une source principale la masse déjà toute prête de son récit[1]. Mais l'étude des Histoires nous a mis en garde contre cette illusion : elle nous a prouvé qu'il ne faut pas s'adresser d'abord et en toute confiance aux citations de Tacite, si l'on veut être renseigné sur sa méthode, puisque toutes ses citations ne sont pas des traces de recherches personnelles. Pourquoi admettrions-nous que Tacite, qui a, dans les Histoires, mentionné d'après sa source des divergences ou des témoignages, comme s'il les avait constatés ou recueillis lui-même, s'est conduit autrement dans les Annales ? La défiance est encore ici légitime : aucune citation ne doit être considérée comme directe, si elle ne paraît évidemment telle. En nous en tenant à cette règle, nous ne trouvons rien dans les citations des Annales qui soit incompatible avec l'hypothèse de la source principale. Les unes ne prouvent pas que Tacite ait fait lui-même les recherches dont il produit les résultats, les autres prouvent simplement qu'il a consulté plusieurs sources sur un point particulier. Quand il dit (I, 13), à propos de trois personnages qui avaient été désignés par Auguste comme capables d'être empereurs ou comme ambitionnant cette haute situation : De prioribus consentitur, pro Arruntio quidam Cn. Pisonem tradidere, constate-t-il l'accord de ses sources sur les autres noms, leur désaccord sur le dernier, ou bien reproduit-il une mention d'accord et de divergence qu'il trouve dans sa source principale ? On ne sait. Quand il déclare (IV, 10), à propos de la mort de Drusus : In tradenda morte Drusi, quæ plurimis maximæque fidei auctoribus memorata sunt, rettuli, il est manifeste qu'il a consulté plusieurs récits, mais cette citation et d'autres semblables ne nous ôtent nullement le droit d'affirmer que Tacite a composé l'ensemble de son récit d'après une seule source, puisque nous avons d'excellentes raisons de le croire. 2. Ces raisons nous ne les déduirons pas, ici comme dans les Histoires, de comparaisons détaillées entre le récit de Tacite et d'autres récits parallèles. Sans parler de Velléius, qui ne peut évidemment nous donner aucune indication sur la méthode de Tacite, la comparaison est possible, et a souvent été faite, avec Suétone et Dion. Tacite et Suétone[2] sont indépendants l'un de l'autre. Le biographe a beaucoup de choses que n'a point l'historien et, quoique, en général, tout l'avantage soit pour Tacite au point de vue de l'exactitude, il arrive que Suétone, dans des passages correspondants, d'ailleurs assez semblables, ou bien est en désaccord avec lui pour un fait précis, ou bien lui est supérieur : donc il n'a pas eu Tacite parmi ses sources. D'autre part, il serait impossible d'admettre que l'historien, ayant à sa disposition, pour toute l'époque des Annales, d'excellents ouvrages historiques, se fût adressé à un biographe, même si un argument chronologique ne tranchait pas la question : les Vies des Césars n'ont paru que vers 120, les premiers livres des Annales furent composés et publiés entre 115 et 117[3]. Mais les différences sont telles entre les deux récits, qu'il n'y a certainement pas eu communauté de source principale ; ce qui ne veut pas dire pourtant que les deux écrivains ne doivent rien aux mêmes sources[4]. Entre Dion et Tacite[5], la comparaison n'est guère possible que pour le règne de Tibère. Le règne de Caligula manque entièrement dans les Annales avec les premières années de Claude, jusqu'en 47. A partir du chapitre 28 du livre LX, qui est consacré au règne de Claude, c'est-à-dire è partir de 47, l'ouvrage de Dion ne nous est parvenu qu'à l'état de fragments[6]. Encore convient-il de remarquer qu'il y a une lacune considérable dans le cinquième livre de Tacite et que Dion, en général, omet ou résume très brièvement l'histoire des affaires extérieures, des expéditions militaires surtout[7]. Même dans les autres parties, son récit est beaucoup moins développé que celui de Tacite : il raconte en deux livres le règne de Tibère, qui en occupe six dans Tacite. En dehors des suppressions dont nous venons de parler, la différence d'étendue est particulièrement frappante dans les comptes rendus des séances du sénat. Elle tient aussi à ce que Dion se renferme volontiers dans les généralités, donnant moins de relief que Tacite aux actions individuelles et produisant moins de faits précis. Parfois, au contraire, il se complaît à exposer longuement des choses insignifiantes, prodiges ou anecdotes[8]. Dans ces conditions, les ressemblances entre les deux auteurs sont encore nombreuses et importantes ; elles vont parfois jusque dans le détail et l'expression[9]. Elles ne peuvent s'expliquer que par l'usage d'une source principale commune ou par la dépendance de Dion. La plupart des philologues qui se sont occupés en dernier lieu de la question adoptent la première hypothèse, en faveur de laquelle ils font valoir, dans des passages correspondants semblables, une foule de traits particuliers à Dion, qui font corps avec le récit et n'ont pas du tout l'air d'être des intercalations. Cependant leurs conclusions sont loin d'être certaines. On peut leur opposer, entre autres arguments favorables à la seconde hypothèse, une prédiction faite par Tibère à Galba, qui se trouve dans Tacite (VI, 20) : Et tu, Galba, quandoque degustabis imperium, et que Dion rapporte (LVII, 19), non pas, il est vrai, dans les mêmes circonstances, mais en termes identiques : Καί σύ ωοτε τής ήγεμονίας γεύση[10]. Ou la formule par laquelle Tacite introduit cette prédiction : Non omiserim præsagium Tiberii de Servio Galba tum consule, indique qu'il ne l'a pas empruntée à sa source ordinaire, que c'est une intercalation ; alors, dira-t-on que, dans le récit de Dion, c'est aussi une intercalation ? La coïncidence serait merveilleuse. Ou bien il faut voir dans la formule de Tacite, non la trace d'une intercalation, mais l'excuse d'un auteur qui n'a pas l'habitude de mentionner les prodiges et les présages ; et l'anecdote provient de la source principale. Mais alors cet auteur doit avoir écrit après le règne éphémère de Galba[11], sous les Flaviens, et nous ne connaissons pas d'historien romain qui ait raconté sous la dynastie flavienne le règne de Tibère ; nous en connaissons au contraire plusieurs, dont deux au moins, Nonianus et Bassus, furent parmi les sources de Tacite, qui l'ont raconté sous Caligula, sous Claude et sous Néron. Cette seconde supposition est donc inadmissible ; et, en somme, la dépendance de Dion parait ici certaine. Les conclusions des partisans de la communauté de source étant très discutables, nous ne ferons aucun usage des renseignements qu'ils tirent d'une comparaison de Tacite et de Dion, relativement à la méthode de Tacite. 3. De ce que Tacite a composé ses Histoires, aussi longtemps qu'il l'a pu, d'après une source principale, il ne serait pas juste de conclure, sans autre preuve et par analogie, qu'il a suivi la même méthode pour ses Annales. Les conditions, en effet, étaient bien différentes. Pour les règnes de Galba, d'Othon, de Vitellius et de Vespasien, il n'y avait, à l'époque où écrivait Tacite, qu'une source générale, la continuation d'Aufidius Bassus par Pline l'Ancien[12]. Pour les règnes de Tibère, de Caligula, de Claude et de Néron, il y avait, à la même époque, plusieurs sources générales. L'auteur des Histoires, à moins de travailler, contrairement aux principes des historiens anciens, d'après les sources premières déjà exploitées, devait donc nécessairement travailler d'après une source principale ; l'auteur des Annales avait le choix entre cette méthode et celle qui eût consisté à combiner plusieurs sources. Pourtant celle-là était beaucoup plus conforme aux usages de l'historiographie ancienne et, tant que l'histoire fut considérée surtout comme un art, comme un genre littéraire, elle était assurément la plus naturelle[13]. Tacite, qui n'avait pas de l'histoire une autre conception que ses devanciers, l'étude de son premier grand ouvrage nous en a convaincus, devait la préférer aussi. Et nous allons démontrer qu'il l'a préférée. 4. Nous avons trouvé dans Tacite (Hist., I, 13), dans Suétone (Othon, 3) et dans Plutarque (Galba, 19), trois récits des relations d'Othon avec Néron, les deux premiers très sommaires, le troisième beaucoup plus riche en détails, mais identique au fond avec les deux autres. Ces trois récits dérivent de la source principale commune, ils représentent la version de Pline l'Ancien. La voici en quelques mots. Néron aimait Poppée, mariée alors à Crispinus. N'osant encore, par égard pour sa femme Octavie et par crainte de sa mère Agrippine, l'installer au Palatium, il chargea son ami Othon de la suborner, de la détacher de son mari et de l'épouser. Mais le partage déplut à Othon, qui s'était mis lui aussi à aimer Poppée ; et Poppée n'était pas fâchée, parait-il, de le voir jaloux. Un jour qu'Othon était absent, elle refusa de recevoir Néron : était-ce habileté de femme qui veut se rendre plus désirable, ou bien lui répugnait-il d'épouser Néron, quoique par coquetterie elle fût heureuse de l'avoir pour amant ? Othon, dans cette rivalité, courut danger de mort. Grâce à l'intervention de Sénèque, Néron se contenta pourtant de l'exiler loin de Poppée, dans le gouvernement de la Lusitanie. Suétone ne raconte pas comme Plutarque l'incident de l'exclusion, et la divergence provient sans doute, avons-nous dit, d'une méprise de Plutarque. Suétone dit qu'Othon, jaloux de Néron, non seulement refusa de lui envoyer Poppée un jour qu'il la demandait, mais le laissa lui-même à la porte malgré ses menaces et ses prières. La façon dont Tacite raconte les mêmes faits dans les Annales est toute différente (XIII, 45 et 46). Poppée était mariée au chevalier romain Crispinus. Elle se laissa séduire par Othon, jeune, riche, et qu'elle savait être très avant dans les bonnes grâces de l'empereur. Le mariage succéda bientôt à l'adultère. Comme on le voit, ce n'est pas pour le compte de Néron qu'Othon épouse Poppée, c'est pour le sien ; et ce n'est pas Néron qui songe le premier à devenir l'amant de Poppée, c'est Poppée qui espère, grâce aux relations de son mari avec l'empereur, devenir la maîtresse de Néron. Othon, soit imprudence d'amoureux, soit pour enflammer les désirs de Néron et augmenter encore son crédit en l'admettant au partage de sa femme, vante chez l'empereur les qualités de Poppée. Mis en goût par ces éloges, Néron la fait venir ; elle feint d'éprouver pour lui une violente passion ; puis, quand elle le sent bien épris, elle redevient fière, elle parle de ses devoirs de femme mariée, de son attachement pour Othon, bien supérieur par les sentiments et le genre de vie à Néron, qui s'est avili dans les amours de l'affranchie Acté. La comédie réussit à souhait. Othon perd d'abord les bonnes grâces de l'empereur, puis il est envoyé comme gouverneur en Lusitanie. Tacite avait suivi la version de Pline dans les Histoires, il en a suivi une autre dans les Annales. De là nous tirerons tout à l'heure la conclusion que Pline n'est pas la source principale de Tacite pour le règne de Néron ; ce que nous en concluons ici, c'est que Tacite a eu une source principale pour le règne de Néron. Nous savons en effet qu'il a eu trois sources pour ce règne : Pline, Fabius et Cluvius. S'il les avait placées toutes trois sur la même ligne, si son récit était la fusion de leurs trois récits, la version de Pline serait mentionnée. Puisqu'il l'a tout à fait négligée, les trois sources n'ont pas joué un rôle d'égaie importance : l'une a servi de base, les deux autres n'ont été mises à contribution que subsidiairement. Qu'on n'essaye pas d'expliquer la conduite de Tacite en disant que peut-être Pline avait signalé les deux versions et que notre auteur, trouvant ses deux autres sources d'accord sur la dernière, l'a adoptée et a considéré la première comme fausse et négligeable. Pline n'avait certainement donné qu'une version, la première : car ni dans les Histoires, ni dans Suétone, ni dans Plutarque, qui est pourtant très détaillé, il n'y a trace de version divergente. De cette comparaison si instructive entre les Annales et les Histoires il faut tirer encore une conséquence à laquelle nous reviendrons bientôt. Tacite avait promis (XIII, 20) de noter les divergences qu'il trouverait entre ses trois sources et de les nommer là où elles ne seraient pas d'accord. Il n'a pas toujours tenu sa promesse : c'est qu'entraîné par la source principale, il a souvent perdu de vue les autres. Voilà donc l'existence d'une source principale démontrée pour le règne de Néron. Si Tacite, sans y être obligé, a suivi cette méthode dans les derniers livres des Annales, après l'avoir déjà suivie dans les Histoires, il est évident qu'il l'a suivie aussi dans les premiers livres ; si, à la fin comme au début de sa carrière d'historien, il s'est conformé à l'usage, il n'y a pas dérogé au milieu. Parmi ses sources pour le règne de Tibère, il en est une également qui lui a fourni la grande masse de son récit. II 1. Quelle est cette source ? Il faut la chercher parmi les devanciers de Tacite qui nous sont connus et ne pas songer à quelque annaliste dont le nom aurait péri avec son ouvrage. Tacite s'est naturellement adressé à celui qu'il jugeait le meilleur ; or les meilleurs historiens de Tibère avant lui, nous le savons par deux témoignages dont l'un est sans doute celui de Tacite lui-même, par Quintilien et par le Dialogue des Orateurs, c'étaient Aufidius Bossus et Servilius Nonianus. Sénèque le Rhéteur, tout estimable qu'il a pu être, ne saurait entrer en ligne de compte. On doit affirmer sans hésitation que la source principale fut Aufidius Bassus ou Servilius Nonianus ; il est beaucoup plus difficile de se décider entre les deux[14]. Ni l'un ni l'autre n'est cité comme source par Tacite : il ne nomme, dans toute cette partie des Annales, que deux auteurs, Pline et Agrippine, qui n'ont pu être que sources secondaires. Il est vrai qu'il parle de Servilius Nonianus et de sa renommée d'historien[15], mais sans indiquer d'un seul mot qu'il s'en est servi, et d'une façon tout accidentelle, à propos de sa mort, qui est mentionnée comme celle de tous les personnages illustres. Aufidius Bassus est mort lui aussi sous le règne de Néron. Pourquoi Tacite ne lui a-t-il pas fait l'honneur d'une notice nécrologique ? Sans doute parce que ses sources pour le règne de Néron s'étaient abstenues de mentionner cette mort : Aufidius Bassus n'était qu'un écrivain, Servilius Nonianus était de plus l'un des personnages éminents de la société romaine, princeps civitatis, comme dit Pline l'Ancien. De cette différence il n'y a donc pas lieu de conclure en sa faveur dans la détermination de la source principale. Ils se recommandaient tous les deux également au choix de Tacite par leur qualité de contemporains, et la célébrité de leur œuvre historique était sensiblement la même. Enfin leurs récits finissaient à peu près au même point. Nous avons déjà remarqué, en étudiant le rôle des sources premières dans la composition des Annales[16], que les comptes rendus des séances du sénat, par l'étendue et par la précision du détail, dénotent un auteur qui non seulement a travaillé d'après les procès-verbaux officiels, mais encore a été témoin oculaire, c'est-à-dire sénateur, ou tout au moins a été renseigné par des témoins oculaires. Certains traits, comme ceux que nous avons signalés alors, se conçoivent beaucoup mieux, il faut le dire, si l'auteur du récit original a été sénateur, que s'il a été simplement confident d'un sénateur. Or Servilius Nonianus remplit la première condition : il a eu un cursus honorum sénatorial. Aufidius Bassus la remplit-il ? La faiblesse de sa santé, qui l'empêcha d'avoir une carrière militaire, n'était pas un obstacle absolu pour la carrière politique[17]. Pourtant, dans l'incertitude où nous sommes sur ce point, nous pourrions être tentés d'incliner vers Servilius. Le fait qu'il a été consul sous Tibère ne saurait être invoqué contre lui : Tacite, qui avait été préteur sous Domitien, devait être bien convaincu qu'une telle faveur n'avait pas altéré l'impartialité de l'historien. 2. Mais voici quelques considérations qui font, à notre avis, pencher la balance du côté d'Aufidius Bassus. Quintilien, quoiqu'il lui reproche des défaillances, le préfère en somme à Servi-fias Nonianus, lui reconnaît un mérite qui manque à son rival et qui dut faire impression sur Tacite : Quam (historiæ auctoritatem)... Bassus Aufidius egregie... præstitit, tandis que Servilius est minus pressus quam historiæ auctoritas postulat[18]. Sans doute l'auteur du Dialogue a l'air de les considérer comme tout à fait égaux[19] ; mais si cet auteur est bien Tacite, c'est Tacite jeune homme ; et la différence que signale Quintilien est de celles qui frappent surtout les hommes mûrs : Tacite ne put manquer de l'apercevoir à l'époque où il composa les Annales. Bassus avait plus de ressemblance avec Tacite que Nonianus : n'est-il pas naturel de penser qu'entre deux historiens de grande valeur il choisit celui chez lequel il trouvait plus de cette gravité que Pline le Jeune admirait déjà dans son éloquence[20] et que nous admirons dans son œuvre historique ? D'un autre côté, le développement donné par Tacite au récit des campagnes de Germanicus nous a porté à conjecturer, avec assez de vraisemblance, croyons-nous, que Tacite s'était servi de l'ouvrage spécial d'Aufidius sur les guerres de Germanie[21]. Si l'ouvrage spécial de Bassus a été la source principale d'une partie déterminée des Annales, il est bien probable que son grand ouvrage a été la source principale des Annales, en général, pour toute l'époque qu'il embrassait. Enfin, il convient de signaler, sans y attacher trop d'importance, ce fait que Cassiodore a pris pour source, là où Tite Live lui a manqué, non pas Servilius, mais Aufidius[22] : n'est-ce pas jusqu'à un certain point l'indice que le jugement de Quintilien avait fait loi et qu'il n'avait pas été seul à mettre Bassus un peu au-dessus de Nonianus ? Donc il n'est pas certain, sans doute, mais il est vraisemblable que Bassus a été la source principale de Tacite pour le règne de Tibère, pour celui de Caligula et pour la plus grande partie de celui de Claude[23]. Car une fois qu'il lui eut accordé sa confiance, Tacite dut le suivre aussi longtemps que possible, même si le récit de Cluvius remontait jusqu'à l'avènement de Claude. Son estime pour Cluvius est sans doute très grande, nous le verrons tout à l'heure[24] ; mais il n'y a aucune raison de croire qu'il le place au-dessus d'Aufidius, et, d'autre part, il avait dès longtemps, depuis le commencement des Annales, l'habitude de suivre celui-ci comme guide principal. Tant qu'a duré le récit d'Aufidius, le récit de Cluvius n'a donc joué, si toutefois il remontait assez haut, que le rôle d'une source secondaire. Il nous a été impossible[25] de déterminer avec certitude le point oh s'était arrêté Aufidius. Tout ce que nous avons pu affirmer, c'est qu'il n'était pas allé jusqu'à l'avènement de Néron, mais qu'il avait raconté la plus grande partie du règne de Claude. Même si la source principale de Tacite, pour les règnes de Tibère, de Caligula et de Claude, a été, non pas, comme nous le croyons, Aufidius Bassus, mais Servilius Nonianus, il est certain que cette source n'a pas conduit Tacite jusqu'à l'avènement de Néron. L'empoisonnement de Claude est raconté par notre historien d'une façon qui dénote un original postérieur à la mort de Néron et surtout à celle d'Agrippine. Or Servilius Nonianus est mort en 59, huit ans avant Néron, la même année qu'Agrippine. La citation de Tacite : Adeoque cuncta inox pernotuere, ut temporum illorum scriptores prodiderint infusum delectabili cibo boleto venenum (XII, 67), ne se rapporte ni à Bassus ni à Servilius ; elle désigne les nouvelles sources, des historiens qui, ayant écrit sous la dynastie flavienne, n'avaient pas eu à atténuer, avaient pu parier en toute liberté du crime qui prépara l'avènement de Néron. Un autre récit de Tacite, celui du mariage de Claude et d'Agrippine (XII, 1-7), dénote également une source postérieure à la mort d'Agrippine. L'historien, pour ne citer qu'un détail, constate en ces termes (7) que le mariage incestueux de Claude avec sa nièce, malgré la nouvelle loi qui permettait de telles unions, eut un seul imitateur : Nec tamen repertus est nisi unus talis matrimonii cupitor, Alledius Severus, eques romanus, quem plerique Agrippine gratin inpuleum ferebant. Mais il ne faut pas se hàter d'en conclure que le changement de source principale a eu lieu dès l'année 48, dès la mort de Messaline, que suivit de près ce mariage. Il est très possible, en effet, qu'Aufidius ait survécu à Agrippine[26], et lui ait survécu assez longtemps pour ajouter à son histoire, s'il l'avait interrompue à la mort de Messaline, les événements qui vinrent ensuite. Nous avons remarqué, d'ailleurs, que l'ouvrage d'Aufidius, étant donné le titre adopté par Pline pour le sien, devait s'arrêter à un fait quelconque, et non à un fait important, comme la mort de Messaline, qui aurait fourni à son continuateur un titre plus précis[27]. — De même Servilius, étant mort en 59, n'a pas pu raconter, comme le fait Tacite (ch. 22), les procès de Lollia et de Calpurnia, victimes de la haine ou de la jalousie d'Agrippine, en 49 ; mais Aufidius l'a pu, s'il a survécu quelque temps à Agrippine. En somme, nous ne savons pas si pour les années 48 et 49 Tacite a suivi encore la source principale qui le guidait depuis le commencement des Annales, ou s'il a déjà travaillé d'après celle qui devait le conduire jusqu'au point où les Annales rejoindraient les Histoires. Mais, dans le récit de l'année 50, nous trouvons un événement qui, à coup sûr, n'a été raconté ni d'après Servilius, ni d'après Aufidius, qui moururent l'un et l'autre avant la fin du règne de Néron. Il s'agit de l'adoption de Domitius, fils d'Agrippine, par Claude. Déjà ce détail : Adnotabant periti nullam antehac adoptionem inter patricios Claudios reperiri, eosque ab Atta Clauso continuos duravisse (XII, 25), est plutôt malveillant. Mais voici des appréciations que n'auraient certainement pas relatées des historiens écrivant sous la tyrannie de Néron, de celui qui, après avoir supplanté Britannicus, l'avait empoisonné : Quibus patratis (l'adoption) nemo adeo expers misericordiæ fuit, quem non Britannici fortunæ mæror adficeret. Desolatus paulatim etiam servilibus ministeriis puer intempestiva novercac officia in ludibrium vertebat, intellegens falsi. Neque enim segnem ei fuisse indolem ferunt... Ce serait donc au plus tard à partir de 50 que Tacite aurait changé de source principale. Si Aufidius Bassus était allé jusque-là, il n'avait guère pu songer à aller plus loin. Môme après la disgrâce et la mort d'Agrippine, la matière était trop périlleuse : il fallait dire comment Britannicus fut peu à peu sacrifié par son père, esclave de sa terrible marâtre, à un frère adoptif qui n'était qu'un rival. Il était impossible de le dire sans émouvoir la pitié en faveur de Britannicus et la haine ou au moins l'antipathie contre Néron. Ou bien il fallait travestir odieusement la vérité, et ce que nous savons du caractère d'Aufidius nous empêche de le croire capable d'une telle lâcheté. Le plus simple était pour lui de se taire. Il se tut, sans aucun doute, et Tacite ne se vit pas obligé de lui retirer la confiance qu'il lui avait si longtemps accordée. Les onze premiers livres des Annales tout entiers étaient donc une dérivation d'une seule source principale. Une partie du livre XII remonte à la même origine, probablement les chapitres 1 à 24. III 1. Nous savons déjà, par la comparaison des deux récits de Tacite sur les relations de Néron et d'Othon[28], que Pline n'a pas été sa source principale pour le règne de Néron et les dernières années de Claude[29]. Tacite n'a pas cru devoir attribuer au continuateur d'Aufidius Bassus le rôle prépondérant qu'il avait fait jouer à Aufidius Bassus Il nous suffit de nous reporter à l'étude que nous avons consacrée aux Histoires de Pline dans notre première partie[30] pour trouver les raisons de cette différence de traitement. Comme écrivain, Pline était resté bien au-dessous d'Aufidius Bassus, il n'était pas sorti de la médiocrité. Son grand mérite était la conscience dans les recherches, l'abondance dans les détails ; mais il avait exagéré ces qualités et il était tombé dans la minutie, du moins au jugement de Tacite, qui lui a reproché d'avoir encombré son histoire de choses insignifiantes, bonnes tout au plus pour un journal quotidien (XIII, 31), sans le nommer, il est vrai, mais en termes qui caractérisent trop bien sa manière, telle que nous la connaissons par l'Histoire naturelle, pour qu'il s'agisse d'un autre que lui[31]. Enfin chez Pline l'intelligence n'égalait pas la puissance de travail : Quod C. Plinius memorat ; nobis quoquo modo traditum non occultare in animo fuit, guaranis absurdum videretur.... (XV, 53). Sans doute Tacite adopte deux fois la version de Pline en rejetant celle de Fabius (XIII, 20, et XIV, 2). Mais dans aucun des deux cas ce n'est la version de Pline seul : dans le premier, Cluvius est nommé comme garant avec Pline ; dans le second, Cluvius seul est nommé, Pline est désigné par le pluriel indéterminé ceteri. Sans doute aussi, Tacite a fait de Pline sa source principale dans la partie conservée des Histoires ; mais on ne peut tirer de là aucune présomption en faveur de Pline, quand il s'agit de déterminer l'importance de son rôle dans les Annales. La situation de Tacite n'était plus la même ici : l'auteur des Histoires avait pris pour source principale Pline par nécessité, son livre étant le seul ouvrage général sur cette époque qui existât alors. L'auteur des Annales avait le choix, pour le règne de Néron, entre les trois ouvrages généraux de Pline, de Fabius et de Cluvius. 2. Fabius était un écrivain autrement remarquable que Pline. Songeons au magnifique éloge que lui décerne Quintilien .... ornat ætatis nostræ gloriam vir sæculorum memoria dignus (X, 1, 104). Tacite lui-même l'avait appelé dans l'Agricola (10) : recentium eloquentissimus. De cette appréciation si flatteuse il ne faudrait pourtant pas conclure tout de suite en faveur de Fabius. D'abord, c'est l'auteur de l'Agricola qui l'a formulée, c'est Tacite quand il n'avait pas encore approfondi, comme il dut le faire pour composer les Annales, l'histoire du règne de Néron, quand il n'avait pas encore comparé de près l'ouvrage de Fabius avec d'autres ouvrages parallèles, quand il avait été charmé par les qualités séduisantes de la forme et n'avait pas aperçu les défauts du fond. Lorsqu'il l'examina plus attentivement, il soupçonna Fabius d'avoir été partial en faveur de Sénèque, dans l'amitié duquel il avait tenu l'une des premières places : Sane Fabius inclinat ad laudes Senecæ, cujus amicitia floruit[32]. Or cette partialité avait pu avoir pour conséquence des altérations assez graves dans toute l'histoire du règne de Néron, non seulement parce que Sénèque y joue lui-même un rôle important, mais encore parce qu'un personnage bien plus considérable de ce règne est Agrippine, la mère de l'empereur, la bienfaitrice de Sénèque. Fabius avait donc été porté à embellir Sénèque, à excuser Agrippine et à noircir Néron. Il avait embelli Sénèque dans le récit de l'accusation intentée à Agrippine, en prétendant que Burrus fut préservé par lui d'une disgrâce (XIII, 20) : il avait attribué à Néron la monstrueuse pensée de l'inceste, que les autres attribuaient à Agrippine (XIV, 2)[33]. Tacite ne le prit point pour source principale. Cela est manifeste dans le récit de l'accusation intentée à Agrippine (XIII, 19-21). Fabius avait affirmé que Burrus fut menacé de révocation, que son successeur fut même désigné. Or Tacite lui fait jouer un rôle d'où il résulte clairement qu'il n'a pas été suspecté : c'est lui qui empêche Néron d'ordonner la mort immédiate d'Agrippine. Était-il déjà auprès de l'empereur au moment de la dénonciation, ou bien a-t-il été appelé aussitôt ? Tacite ne précise pas, mais peu importe : sa présence et son ascendant prouvent assez qu'il n'a pas été dénoncé tout à l'heure comme complice, que sa fidélité n'a pas été mise en doute. Il prend la défense de l'accusée : le ferait-il, s'il était lui-même sous le coup du soupçon de complicité, s'il venait à peine d'échapper, par l'intervention de Sénèque, au danger d'être révoqué ? Enfin, c'est Burrus qui est chargé, le lendemain, de procéder à l'interrogatoire d'Agrippine. Néron aurait-il songé à lui confier une telle mission, si le dénonciateur l'avait nommé parmi les complices d'Agrippine ? Que Néron, sur les instances de Sénèque, eût consenti, si Burrus avait été dénoncé, à ne pas le révoquer sans l'entendre, nous le concevrions ; mais qu'après cette dénonciation, sans avoir à se justifier et par le fait seul des instances de Sénèque, Burrus fût passé de sa situation d'accusé à celle de conseiller écouté et, en somme, de président de la commission devant laquelle comparait la principale accusée, cela ne se concevrait pas. Ce n'est donc pas le récit de Fabius que Tacite a pris pour base du sien : il a simplement intercalé dans le récit de sa source principale l'incident relatif à Burrus, mentionné par Fabius seul. D'après la source, l'affranchi Paris était venu au milieu de la nuit dénoncer Agrippine et Plautus, et Néron avait aussitôt songé à les faire périr. D'après Fabius, Paris avait dénoncé aussi Burrus, et la révocation de celui-ci était un fait accompli, si Sénèque ne fût intervenu. Le rôle que joue ensuite Burrus dans le récit de Tacite, le premier rôle, c'était probablement Sénèque qui le jouait dans le récit de Fabius[34]. Tacite n'a pas noté cette divergence : elle allait de soi ; il suffisait d'avoir indiqué d'abord, comme il l'avait fait, que, selon Fabius, Burrus avait été dénoncé et menacé. 3. La source principale de Tacite pour la fin de Claude et tout le règne de Néron fut donc Cluvius[35]. Ce que nous avons dit de lui au chapitre précédent nous le montre tout à fait digne de la préférence que lui a donnée Tacite. Il était remarquable comme écrivain, et par là bien supérieur à Pline, sinon absolument égal à Fabius. Pline, semble-t-il, s'était tenu à l'écart sous Néron, s'absorbant dans ses travaux d'érudition. Fabius avait été d'abord en situation d'être bien informé ; la disgrâce de Sénèque[36] l'avait, dans les dernières années du règne, privé de sa principale source de renseignements sur les choses de la cour. Cluvius, personnage considérable, avait vécu dans cette cour, avait su y vivre jusqu'au bout sans nuire à personne. L'amitié de Fabius pour Sénèque avait eu une influence fâcheuse sur certaines parties de sa narration ; si l'impartialité de Cluvius n'avait pas été complète, c'est seulement parce qu'il avait écrit sous l'inspiration d'une haine récente. Ce qui lui manquait aussi à Fabius et à Pline[37]. Deux faits caractéristiques trahissent, malgré le silence de Tacite, le rôle capital qu'il a fait jouer à Cluvius. Il cite Pline comme garant d'un détail : la complicité d'Antonia, fille de Claude, dans la conjuration de Pison (XV, 53). Il cite Fabius comme garant d'un autre détail relatif à cette même conjuration : le tribun chargé de porter à Sénèque l'ordre de mourir serait allé, en sortant de chez l'empereur, faire part de sa mission au préfet du prétoire et lui aurait demandé s'il devait obéir (XV, 61). Fabius est encore cité (XIII, 20) comme garant du danger qui aurait menacé Burrus et dont Sénèque l'aurait préservé. Pareille chose n'arrive jamais pour Cluvius. Qu'est-ce à dire ? Son récit est la base du récit de Tacite, il est parfois complété au moyen de détails empruntés aux deux autres récits. Il y a une addition de Pline, il y en a deux de Fabius, il n'y en a aucune de Cluvius, parce que Cluvius est la source principale. A cause de cette situation prépondérante, Cluvius n'est cité que s'il y a divergence et discussion. Il est cité conjointement avec Pline (XIII, 20) contre Fabius. Il est cité encore contre Fabius (XIV, 2), mais ici lui seul est nommé, Pline se cache dans le pluriel ceteri. C'est le deuxième fait caractéristique en faveur de notre opinion : de Cluvius et de Pline, Fabius, dont la version est rejetée, n'entrant pas en ligne, la source principale est certainement ici Cluvius, dont le nom est mis en vedette[38]. Puisque Tacite a pris Cluvius pour source principale, il y a tout lieu de croire qu'en dehors de ses autres mérites Cluvius avait celui de remonter au moins jusqu'au point final d'Aufidius Bassus, et sans doute plus haut, car il n'est pas admissible qu'il se soit posé lui aussi en continuateur d'Aufidius Bassus. Mommsen, avons-nous vu, pense qu'il avait raconté la mort de Caligula : nous pouvons, grâce à cette discussion, affirmer avec une grande vraisemblance qu'il avait raconté au moins la fin du règne de Claude. IV 1. Nous avons déjà vu[39] quel emploi insignifiant Tacite a fait des sources premières dans la composition des Annales : il applique à leur égard ce principe qu'il n'y a pas lieu de refaire les recherches une fois faites. S'il n'a eu recours aux matériaux exploités par ses devanciers que pour contrôler ou compléter leur travail sur quelques points déterminés, nous venons maintenant de voir que, parmi ses devanciers, il en a toujours eu un pour source principale. Les autres ont joué un rôle semblable à celui des sources premières : avec leur aide, au fond fourni seulement par la source principale il a fait des additions et des corrections. Ce contrôle n'a pas été continu : Tacite ne s'est pas astreint à comparer point par point les récits secondaires au récit principal. Il ne s'est livré à cette besogne fastidieuse, à cette collatio onerosa, comme dit Pline le Jeune, que d'une façon tout à fait intermittente. La rareté des passages oh il signale des divergences ou des versions particulières suffirait à le prouver : il est impossible, en effet, que ses trois sources pour le règne de Néron, que ses sources plus nombreuses encore pour le règne de Tibère, aient été si constamment d'accord. Mais nous avons mieux que cette probabilité : nous sommes certains qu'à propos des relations d'Othon avec Néron l'une des trois sources de Tacite, Pline l'Ancien, avait donné une version sensiblement différente de celle que donne Tacite[40] : nous le prenons donc en flagrant délit d'omission d'une divergence, et le cas est d'autant plus grave qu'il s'est produit après le moment où l'historien s'était engagé formellement à noter les divergences et à nommer ses sources toutes les fois qu'elles ne seraient pas d'accord[41]. S'il n'a pas fait, à partir de ce moment, la colla lion rigoureuse qu'impliquait une telle promesse, à plus forte raison ne l'a-t-il pas faite dans la partie antérieure des Annales. Qu'on ne dise pas qu'il a omis seulement les divergences insignifiantes : l'omission que nous sommes en mesure de constater a son importance : le récit de Pline, que Tacite n'a pas cru devoir mentionner, montrait Poppée sous un jour moins défavorable que celui de Cluvius, qu'il a adopté. En somme, nous avons le droit d'affirmer que Tacite a contrôlé, non constamment, mais de temps en temps, sur les points qui l'ont particulièrement intéressé : alors il a quitté le récit principal pour consulter l'endroit correspondant des autres récits. Il a fait des sources secondaires dérivées, comme des sources premières, un usage très peu considérable. 2. Pline l'Ancien, historien des guerres de
Germanie[42],
C. Plinius Germanicorum bellorum scriptor
(I, 69), est la seule source secondaire
dérivée que Tacite nomme pour le règne de Tibère : elle ne pouvait servir que
pour les affaires de Germanie, surtout pour les campagnes de Germanicus
racontées au premier et au deuxième livre. L'ouvrage de Pline n'a bien
certainement joué, dans les passages en question, que le rôle d'une source
secondaire[43].
La preuve en est d'abord dans la citation elle-même. Tacite ne nomme sa
source principale que par exception, lorsqu'il veut la contredire ou
contredire par elle une autre source, ou encore lorsqu'il veut lui laisser la
responsabilité de ses affirmations. Or la citation de Pline ne rentre dans
aucun de ces cas. Le fait emprunté à Pline n'est pas contredit par Tacite ;
il n'est pas en contradiction avec le reste du récit ; il n'est pas tel que
Tacite puisse décliner la responsabilité de l'affirmation. Après avoir exposé
pour son propre compte que, pendant l'absence de Germanicus, sa femme
Agrippine s'acquitta des devoirs d'un général, qu'elle s'opposa à la rupture
du pont sur le Rhin, qu'elle distribua aux soldats qui revenaient, blessés ou
sans ressources, de l'autre rive, des vêtements et des remèdes, il ajoute,
d'après Pline, qu'elle se serait tenue à la tète du pont, donnant des éloges
et des remerciements aux légions qui rentraient de Germanie. L'historien qui
a d'abord affirmé, sans citer sa source, qu'Agrippine se conduisit comme un
général d'armée, peut bien risquer, sans dégager sa responsabilité par une
citation, ce détail qu'on la vit debout à la tête du pont pendant le défilé
des troupes. S'il y a citation, c'est qu'il y a intercalation. D'ailleurs, le
détail emprunté à Pline se laisse facilement détacher du contexte, qui, sans
lui, est parfaitement clair : Agrippine s'est
conduite comme un général, elle a distribué aux soldats des secours de toute
sorte. Il déplaît à Tibère qu'une femme visite les manipules, s'approche des
enseignes, distribue des largesses. Tout se tient : la suppression de
la scène du pont ne fait pas lacune. La citation signifie donc que Pline
n'est pas la source principale : son autorité n'est pas assez grande sur
Tacite pour que son renseignement soit accepté sans mot dire. L'ouvrage d'Aufidius Bassus, qui fut, selon nous[44], la source principale de Tacite pour cette partie des Annales, l'Histoire des guerres de Germanie, finissait très probablement, avons-nous dît, au rappel de Germanicus ; celui de Pline, composé beaucoup plus tard, allait sans doute plus loin. Or, tandis que Tacite développe longuement le récit des campagnes de Germanicus, il n'accorde, à partir de son rappel, aux événements de Germanie que des mentions très sommaires[45] : moins considérables que ceux qui se sont passés sous le commandement de Germanicus, ils ont pourtant leur importance. Cette excessive brièveté s'explique beaucoup mieux, si l'ouvrage spécial que consultait Tacite finissait au rappel de Germanicus, que s'il allait plus loin, si la source principale était Bassus, que si elle était Pline. Enfin Tacite (II, 23) parle d'îles rocheuses voisines du continent, dans la mer du Nord, insulas saxis abruptis, il parle (24) d'écueils où erre Germanicus naufragé sur le rivage de cette mer, entre l'embouchure de l'Ems et celle du Weser, apud scopulos et prominentes ores. Cette description ne répond pas du tout à la réalité. Pour les îles, on peut tout au plus penser à Héligoland, et Tacite met le pluriel. Quant aux côtes de la mer du Nord, elles sont plates. Tacite n'a donc pas eu pour source principale Pline, qui connaissait la Germanie, qui donne une description exacte du littoral en question dans son Histoire naturelle (XVI, 1), mais un auteur qui, n'ayant point vu la Germanie, s'était figuré que les rivages de ce pays ressemblaient à ceux de l'Italie, Aufidius Bassus. L'emploi des Guerres de Germanie de Pline n'a été que subsidiaire. La citation de I, 69, en est la seule trace certaine. A cet endroit nous voyons très bien pourquoi Tacite a jugé bon de consulter la source secondaire. Il rencontrait, dans la source principale des détails assez extraordinaires sur la conduite d'Agrippine : il a voulu vérifier si Pline les avait donnés comme Bassus. Il a trouvé les deux sources d'accord ; Pline lui a incline fourni un détail qui n'était pas dans Bassus, mais qui ne faisait que confirmer le récit de Bassus. On peut considérer, à la rigueur, comme empruntées à Pline une version sur la fuite d'Arminius (II, 17) introduite par la formule indéterminée : Quidam... tradiderunt, et la seconde version sur les cadavres de Vibulenus et de Percennius (I, 29) : Tradunt plerique intra tabernaculum ducis obrutos, alii corpora extra vallum abjecta ostentui. Mais il n'est pas impossible non plus que ces citations remontent jusqu'à la source principale et désignent tout simplement des indications orales ou autres recueillies par elle. Quoi qu'il en soit, Pline n'a été qu'une source secondaire et très accessoire. Cependant sa qualité de soldat, son séjour en Germanie auraient dû le recommander à l'attention de Tacite ; de plus, son histoire des guerres de Germanie ne rentrait pas dans la catégorie des matériaux exploités par la source principale[46]. Mais Tacite n'avait pas l'esprit assez scientifique pour apprécier ces raisons à leur juste valeur. Aufidius Bassus était supérieur à Pline comme écrivain, ses libri belli Germanici avaient mérité une mention particulièrement élogieuse de la part de Quintilien. D'ailleurs, son histoire générale était la source principale adoptée par Tacite pour tout le règne de Tibère. Aux yeux de Tacite, Pline ne pouvait entrer en concurrence avec Bassus. 3. Ses autres sources secondaires dérivées pour le règne de Tibère, Tacite ne les a pas nommées. Il en a eu plusieurs cependant, parmi lesquelles se trouvaient certainement Servilius Nonianus et très vraisemblablement Sénèque le Rhéteur. Nous ne prétendons pas dresser l'inventaire exact de ce qu'il leur doit : dans la plupart des cas où il cite des versions particulières ou divergentes, la formule de citation est telle qu'il est impossible de dire avec certitude si elle dénote une consultation directe ou seulement le travail de la source principale. Nous négligerons tous ces passages, pour n'examiner que ceux où la consultation directe est certaine. Au sujet des élections consulaires qui eurent lieu sous le règne de Tibère, Tacite n'a pas trouvé d'indications satisfaisantes dans Aufidius Bassus. Il a eu recours, s'il faut s'en tenir aux termes de la formule, pour toutes les élections de ce règne à toutes ses sources secondaires : De comitiis consularibus, quæ tum primum illo principe ac deinceps fuere, vix quicquam firmare ausim ; adeo diversa non modo apud auctores, sed in ipsius orationibus reperiuntur. Le résultat de ses recherches a 'été négatif. Il y a eu dans ce passage (I, 81) contrôle, mais non rectification ou enrichissement de la source principale. Lorsque (II, 88), à propos de la lettre par laquelle le prince des Chattes, Adgandestrius, promettait d'empoisonner Arminius, si les Romains lui fournissaient le poison, et de la belle réponse qui lui fut faite, Tacite déclare : Reperio apud scriptores senatoresque eorundem temporum Adgandestrii lectas in senatu litteras... on peut se demander si ce pluriel ne cache pas tout simplement la source principale. Qua gloria æquabat se Tiberius priscis imperatoribus, ajoute-t-il : il décerne un éloge, un très grand éloge à Tibère ; il veut prouver au lecteur qu'il le décerne à bon escient : il tient le fait d'un historien bien placé pour savoir, puisqu'il a été contemporain et membre du sénat, où furent lues la lettre du Germain, et aussi, naturellement, la réponse de l'empereur. On voit qu'une citation exceptionnelle dé la source principale aurait ici sa raison d'être, et l'on comprend pourquoi Tacite ne l'aurait pas citée par son nom : ce qui importait, ce n'était pas le nom du garant, c'était sa double qualité de contemporain et de sénateur. Mais il se peut aussi que le pluriel ait sa véritable force, que Tacite, jugeant la chose très extraordinaire et voulant se bien convaincre qu'elle était vraie, ait comparé sur ce point la source principale avec d'autres sources parmi lesquelles se trouverait alors probablement le sénateur Servilius[47]. Ici encore les sources secondaires auraient servi à contrôler, mais non à compléter, la source principale. Car il n'y a pas lieu de croire que ce pluriel désigne seulement les sources secondaires : le fait était trop important, au point de vue romain, pour qu'un auteur comme Bassus l'eût omis, et il est raconté à la suite de plusieurs autres faits qui se sont également passés au sénat : rien, ni dans le fond ni dans la forme, ne dénote donc une intercalation. Tacite, surpris de ne rencontrer dans sa source principale
aucune indication relative au rôle d'Antonia, mère de Germanicus, dans les
funérailles de son fils, s'est adressé aux autres sources dérivées et même
aux Acta diurna. Le résultat de ce contrôle a été encore négatif : Non apud auctores rerum, non diurna actorum scriptura
reperio (III, 3). — Sur la
mort de Drusus avait cours, au temps de Tacite, une version orale très
défavorable à Tibère (IV, 11).
Était-elle vraie ? Elle n'était pas d'accord avec celle d'Aufidius Bassus :
dans l'esprit de Tacite, nous l'avons vu[48], une version
garantie par un nom propre l'emporte toujours sur une version anonyme. Mais,
pour plus de sûreté, comme l'événement dont il s'agissait était l'un des plus
considérables du règne de Tibère, il en lut le récit dans ses sources
secondaires : In tradenda morte Drusi, quæ
plurimis maximæque fidei auctoribus memorata sunt rettuli (IV, 10)... Neque
quisquam scriptor tam infestus extitit, ut Tiberio objectaret... (11). Le contrôle a confirmé le témoignage de
la source principale. — Tacite a pris (IV, 53)
dans les Commentaires de la seconde Agrippine une anecdote relative aux
rapports de la première avec Tibère. Elle ne se trouvait pas dans la source
principale ; il a voulu vérifier si elle était dans quelqu'une des sources
secondaires dérivées. Il ne l'a trouvée dans aucune : Id ego a scriptoribus annalium non traditum repperi in
commentariis Agrippinæ filiæ. Ce ne sont pas les sources dérivées,
c'est une source première qui a complété la source principale. Pourquoi Tibère
s'éloigne-t-il de Rome ? Ce problème a piqué la curiosité de Tacite. Il ne
s'est pas contenté de la solution donnée par la source principale : il a
consulté les autres, et cette vérification lui a montré tous ses auteurs
d'accord pour attribuer ce départ aux manœuvres de Séjan (IV, 57) : Causam
abscessus... secutus plurimos auctorum
ad Sejani artes retuli.... — Pour les procès qui suivirent la
chute de Séjan, Tacite n'a pas trouvé sa source principale assez complète : Neque sum ignarus a plerisque scriptoribus omissa multorum
pericula et pœnas..... Nobis pleraque
digna cognitu obvenere, quamquam ab allia incelebrata (VI, 7). Il l'a comparée aux sources
secondaires : parmi celles-ci, les unes étaient incomplètes aussi, d'autres
lui ont fourni les compléments qu'il annonce. — Le viol de la fille de Séjan
par le bourreau est introduit par cette formule : Tradunt
temporis ejus auctores (V, 9).
Si le pluriel a bien toute sa force, Tacite a cherché dans les sources
secondaires la confirmation de cet ignoble artifice employé quia triumvirali supplicio adfici virginem inauditum
habebatur. Si le pluriel est emphatique, Tacite a voulu indiquer
que le fait, invraisemblable à force d'atrocité, était garanti par un contemporain,
la source principale[49]. En somme, le plus souvent, pour le règne de Tibère, la source principale a été simplement contrôlée par les sources secondaires, et ce contrôle n'a nulle part mis Tacite en mesure de la rectifier. Partout où il a eu manifestement recours aux sources secondaires, nous voyons sans peine pourquoi. Un exemple frappant achèvera de nous démontrer qu'il ne l'a pas fait toujours, qu'il ne l'a pas fait à tous les endroits importants. Sur la mort de Tibère il ne donne qu'une version (VI, 50). Suétone (Tib., 71 sq.) en donne plusieurs, dont une de Sénèque le Rhéteur[50]. Même en admettant que Sénèque le Rhéteur ne fût pas au nombre des sources de Tacite, la différence ne pourrait s'expliquer que par le peu d'attention qu'il a accordé aux sources secondaires : car il est certain qu'il en a eu plusieurs et il est impossible que, toutes, elles aient donné, et donné uniquement, sans la moindre mention de versions divergentes, la même version[51]. 4. Pour le règne de Néron, Tacite prend cet engagement (XIII, 10) : Nos consensum auctorum secuturi, si qui diversa prodiderint, sub nominibus ipsorum trademus. Nous avons déjà constaté[52] qu'il n'a pas tenu cette promesse de noter les divergences, que ses trois sources n'étaient pas d'accord partout où il n'a pas indiqué le désaccord, qu'en un mot il n'a pas tiré des sources secondaires tout le profit possible. Voici, à partir du moment où Cluvius devient sa source principale, tout ce dont nous sommes sûrs qu'il leur est redevable. Cluvius racontait que Claude avait été empoisonné au moyen d'un plat de champignons, et qu'avant de faire périr Britannicus Néron avait abusé honteusement de son enfance. Tacite a pensé que les deux assertions étaient assez importantes pour qu'il fût intéressant de les contrôler. Il a fait ce contrôle et constaté l'accord des trois sources, en insistant sur leur qualité de contemporains par ces deux formules : ... ut temporum illorum scriptores prodiderint (XII, 67)[53], et Tradunt plerique eorum temporum scriptores (XIII, 17). — Fabius Rusticus a été lu par Tacite, ainsi que Pline, pour la conspiration de Junia Silana contre Agrippine. Pline semble n'avoir rien fourni à Tacite que la confirmation du récit de Cluvius. Tacite a trouvé dans Fabius un détail qui n'était pas dans les deux autres : le péril qu'aurait couru Burrus dans cette affaire. Il le mentionne, mais en laissant clairement voir qu'il ne le considère pas comme exact (XIII, 20). — Le récit de l'année 57 était très court et très pauvre dans la source principale. Tacite a consulté les deux autres pour essayer de l'enrichir. Mais elles ne lui ont fourni aucun fait nouveau de quelque intérêt. Cependant il a lu dans Pline une longue description de l'amphithéâtre de Néron, qu'il a dédaigneusement laissée de côté comme indigne de l'histoire (XIII, 31)[54]. — Dans la tentative d'inceste, à qui, d'Agrippine ou de Néron, revenait la plus grande responsabilité, la préméditation et la provocation ? Tacite a jugé qu'il ne fallait pas s'en tenir à l'opinion de Cluvius, qui chargeait Agrippine. Il a interrogé Fabius et Pline. Celui-ci, d'accord avec la source principale, a désigné Agrippine ; Fabius seul a accusé Néron (XIV, 2). — Néron incendié Rome ? Sur ce point capital Tacite a trouvé ses sources divisées : Sequitur clades, forte an dolo principis incertum, nain utrumque auctores prodidere... (XV, 38). Nous savons de quel côté était Pline : dans l'Histoire naturelle il accuse formellement Néron : ... duraverunt... ad Neronis principis incendia quibus cremaxit urbem (XVII, 1, 5). Quant à Cluvius et à Fabius, se prononçaient-ils pour l'une des deux opinions, ou restaient-ils incertains comme Tacite ? Nous l'ignorons. Ce que nous voyons très bien, c'est que Tacite, en présence de l'incertitude de sa source principale, ou d'une affirmation péremptoire qu'il ne pouvait accepter sans examen, ayant entendu émettre, lui contemporain, l'affirmation contraire, a éprouvé le besoin de se renseigner auprès de toutes ses sources[55]. — La conjuration de Pison est l'un des événements les plus considérables et les plus dramatiques du règne de Néron. Tacite en a lu les trois récits. Il a trouvé dans Pline seul qu'Antonia, fille de Claude, avait été parmi les complices de Pison. Il n'a pas cru devoir omettre ce renseignement, quoique la chose lui paraisse très invraisemblable (XV, 53). Il a trouvé dans Fabius seul que le tribun chargé de porter à Sénèque son arrêt de mort le communiqua d'abord au préfet du prétoire. Ce détail complémentaire, dont il laisse d'ailleurs la responsabilité à Fabius, puisqu'il le nomme, lui a paru bon à mentionner, parce qu'il met en lumière la lâcheté dont firent preuve tous les conjurés, fatali omnium ignavia. Ce préfet du prétoire, Fænius, de même que le tribun, était du complot, et cependant il engagea le tribun à s'acquitter de sa mission (XV, 61) ! L'incertitude même que Tacite exprime sur l'origine de la conspiration : Nec tamen facile memoraverim quis primus auctor... (XV, 49), nous montre qu'il n'a pas trouvé ses sources d'accord, ou bien qu'elles étaient indécises comme lui, et, par conséquent, qu'il les a toutes consultées. — Enfin, Tacite a consulté toutes ses sources pour savoir la vérité sur la mort de Poppée. Il croit qu'elle mourut d'un coup de pied de Néron, mais non qu'elle fut empoisonnée par Néron, quamvis quidam scriptores tradant (XVI, 6). Puisqu'il y avait ici désaccord entre les sources, Tacite aurait dû les nommer ; comme aussi à propos de la responsabilité de l'incendie, puisque Pline représentait là une opinion qui certainement n'était point partagée et par Cluvius et par Fabius. Il avait promis de le faire (XIII, 20). Mais faut-il s'étonner qu'il n'ait pas nommé partout les garants des versions divergentes, quand on sait qu'il n'a même pas pris soin de mentionner simplement partout les versions divergentes[56] ? Il est impossible de savoir quelles sont les deux sources désignées par le pluriel quidam. Peut-être même n'est-ce en réalité qu'un singulier[57]. Dans ce cas, selon toute probabilité, la source ainsi désignée serait Cluvius : Tacite ne se fait pas scrupule de blâmer ouvertement Pline et Fabius[58]. Il aurait eu plus d'égards pour celui dont ii avait fait sa source principale et auquel, partout ailleurs, quand il constate un désaccord, il donne plus d'autorité qu'aux deux autres[59]. Sans prétendre que notre énumération des services rendus
par les sources secondaires soit complète[60], nous pouvons
affirmer que Tacite leur doit en somme peu de chose et que leur rôle a été
insignifiant par rapport à celui de la source principale. Tacite semble les
avoir consultées le plus souvent, non pas sur les événements les plus importants,
mais sur les actions dont la source principale ne donnait pas, à son avis,
une explication satisfaisante. |
[1] Clason, Tac. u. Suet., p. 59 sqq., prétend au contraire démontrer par l'étude des citations l'existence d'une source principale (pour les 12 premiers livres). Il n'y a rien de solide dans son argumentation. — Sans autre argument que ces citations de Tacite, Ziegler, prog. de 1884, cherche inversement à montrer qu'il a fondu ensemble plusieurs récits.
[2] Lehmann, Claudius, p. 47 sqq., croit que Tacite s'est servi de Suétone. Nous montrons dans le texte l'invraisemblance de cette opinion. — Pour Sievers, Studien zur Geschichte der römischen Kaiser, p. 49, Cornelius, p. 5 sqq., Suétone s'est servi de Tacite. — D'après Reichau, p. 38, Suétone a eu pour source surtout les Acta diurna, et Tacite les Acta senatus. Nous avons répondu d'avance à cette conclusion dans notre chapitre sur Tacite et les sources premières. — Weidemann, prog. de 1868, p. 22 sqq., est d'avis que, pour le règne de Tibère, les deux auteurs n'ont pas eu les mêmes sources. — Cimon, Tac. u. Suet., p. 51 sqq., adhère à cette opinion, sans adopter tous les arguments de Weidemann : d'après lui, beaucoup de différences proviennent de l'inexactitude de Suétone ou de ses préoccupations de biographe. Pour le règne de Tibère, la source principale de Suétone est Servilius, celle de Tacite, Aufidius (p. 76). Il en est de même pour le règne de Claude (p. 50 sq.). Pour le règne de Néron, l'une des trois sources de Tacite, Fabius plutôt que les deux autres, a été la source principale de Suétone (p. 20 sqq.). — D'après L. von Ranke, p. 334, Binder, p. 71, Thamm, p. 33 sqq., Suétone et Tacite ont eu, pour Tibère, une source commune. Mais Thamm ajoute qu'après la publication des Annales, Suétone a retouché son Tibère, déjà composé. — Ziegler, prog. de 1885, p. 19 sqq., pense que Suétone et Tacite ont eu une source commune pour Claude, Cluvius sans doute. — H. Schiller, p. 23 sq., est du même avis en ce qui concerne Néron. — Cette bibliographie, incomplète assurément, suffit à donner une idée de la diversité des opinions émises.
[3] Cf. 1re partie, chap. I, § I, n° 2, et chap. II, § I, n° 2.
[4] Ainsi, il me parait difficile que les citations identiques (Tacite, VI, 6, et Suétone, Tib., 67) du début d'une lettre de Tibère ne dérivent pas de la même source.
[5] Knabe, p. 40, tient pour la complète dépendance de Dion par rapport à Tacite, pour les livres LVII-LX (règnes de Tibère, de Caligula et de Claude). Cornelius, p. 9 sqq., adopte cette opinion pour toute l'époque racontée dans les Annales. — Egli, Feldzüge in Arminien (cité par Sickel, p. 5), affirme la même chose pour la guerre contre les Parthes sous le règne de Néron (LXII, 19 à 23). — Weidemann, prog. de 1868, trouve les différences trop grandes pour admettre la communauté de source entre Tacite et Dion. — D'après Haupt, Philologus, t. 64, p. as sqq., Tacite et Dion ont eu, pour Tibère, une source commune, mais non pas la même source principale. — Pour ce même règne, Reichau, 38, admet l'indépendance de Dion et explique sa parenté avec Tacite par l'usage commun de Pline pour les guerres de Germanie et des Acta matas pour le reste. Sans parler des autres difficultés, cette opinion est réfutée par une déclaration de Dion lui-même (LIII, 19). — D'après H. Schiller, p. 29 sqq., il y a communauté de source pour Tibère et pour Néron. — D'après Sickel, p. 37, Thamm, p. 10 sqq., et 28, et Froitzheim, pour Tibère il y a communauté de source (Aufidius Bossus). — C'est aussi l'opinion de Horstmann. — Pour Néron, Christensen pense que ni Suétone ni Tacite ne sont parmi les sources de Dion (p. 20 et 29), et que Dion a souvent avec Suétone une source commune qui n'est pas employée par Tacite (p. 73). — Pour Claude et Néron, Sickel (p. 41) pense que Dion a eu pour source principale Pline, qui a été la source secondaire de Tacite.
[6] Même pour le règne de Tibère, Dion n'est pas complet : il ne dit rien des événements de 26 et 27 (Tacite, IV, 46-67).
[7] Cf. Horstmann, 10.
[8] Cf. sur tous ces points le travail de Horstmann.
[9] Cf. les parallèles établis par Froitzheim, Thamm, Sickel, etc.
[10] D'après Suétone (Galba, 4) la prédiction aurait été faite par Auguste : Καί σύ τής άρχής ήμών παρατρώξη. C'est sans doute une méprise.
[11] Car personne n'admettra qu'avant le règne de Galba un historien ait pu songer à noter cette prédiction.
[12] Cf. 1re partie, chap. IV, § I, n° 1.
[13] Cf. 1re partie, chap. I, § VII, n° 4.
[14] Avec plus ou moins d'hésitation, c'est Aufidius Bassus que désignent tous les philologues qui admettent l'existence d'une source principale : Clason, Tac. u. Suet., 58 sq., 73 sqq. ; Froitzheim, 38 ; Thamm, 32 ; Sickel, 37 ; Horstmann, 57.
[15] XIV, 19.
[16] Chap. I, § I, n° 1.
[17] Cf. chap. II, § II, n° 1 et 2.
[18] X, I, 102 sq.
[19] Chap. 23.
[20] Ep., II, 11, 17 : ... Tacitus eloquentissime et, quod eximium orationi ejus inest, σεμνώς.
[21] Cf. chap. II, § II, n° 1.
[22] Cf. Mommsen, Abhandl. d. sächs. Gesell., etc., p. 559.
[23] Clason pense (p. 35 sqq.) que le changement de source coïncide avec la fin du livre XII. Il s'appuie sur certaines redites qu'il rencontre dans les premiers chapitres du livre XIII comparés avec les derniers du livre XII. Mais il reconnaît qu'à la rigueur elles peuvent s'expliquer par ce fait que Tacite aurait publié les Annales par parties et que le livre XII aurait été le dernier d'une de ces parties. D'ailleurs, c'est la nature même du sujet qui a, pour ainsi dire, forcé Tacite à ces redites : il avait pu, à la fin du livre VI, raconter la mort de Tibère indépendamment de l'avènement de Caligula ; il ne pouvait ici séparer la mort de Claude et l'avènement de Néron, qui furent tout à fait simultanés. Au début du livre XIII, il dut revenir, pour en parler plus en détail, à propos du règne commençant de Néron, sur certains faits qu'il avait déjà indiqués à la fin du livre XII à propos de la mort de Claude. — Enfin l'hypothèse de Clason a contre elle les arguments que nous faisons valoir dans le texte.
[24] Cf. aussi chap. II, § III, n° 1.
[25] Cf. 1re partie, chap. III, § II, n° 1, et 2e partie, chap. II, § II, n° 1.
[26] Chap. II, § II, n° 1.
[27] 1re partie, chap. III, § II, n° 1.
[28] Cf. plus haut, § I, n° 4.
[29] Entre l'Histoire naturelle et la partie des Annales pour laquelle Tacite a pu consulter Pline, les ressemblances sont insignifiantes. Detlefsen rapproche les passages suivants : Ann., XIII, 30, mort de Volusius : cui tres et nonaginta anni spatium vivendi ; Hist. nat., XI, 38, 223 : ... nonagensimum annum etiam excessit. Il est encore question de Volusius, VII, 14, 62 ; et 48, 156 ; mais ces deux passages ne donnent rien qu'on puisse rapprocher de Tacite. — Ann., XIII, 25, esclandres nocturnes de Néron : ... ut ipse quoque exciperet ictus et ore præferret ; Hist. nat., XIII, 22, 126, remède dont Néron se servait pour effacer promptement la marque des coups : Nocturnis grassationibus converberata facie inlinens id... et secuta die contra famam cutem sinceram circumferens. — Ann., XIII, 53 ; Hist. nat., XXXIII, 11, 143 : Pompeius Paulinus ; rien à rapprocher. — Ann., XIII, 41, prodige après la prise d'Artaxata : Cuncta Artaxatis tenus sole inlustria fuere ; quod mœnibus cingebatur, repente ita atra nube coopertum fulguribusque discretum est, ut quasi infensantibus deis exitio tradi crederetur. Pline, II, 70, 180, parle simplement, et d'après Corbulon, d'une éclipse de soleil : visum circuitu globi alia aliis detegente et occultante. — Tacite signale deux apparitions de comètes sous le règne de Néron, l'une à XIV, 29, l'autre à XV, 47, avant la conspiration de Pison ; il ajoute ici : sidus... sanguine inlustri semper Neroni expiatum. Pline, II, 25, 92, parle d'une comète qui apparut avant la mort de Claude (cf. Suétone, Cl., 46) ; il ajoute : deinde principatu ejus (Neronis) adsiduum prope ac sævum. — Ann., XV, 42 : la maison d'or ; Pline, XXXVI, 15, 111 sq. (cf. XXXIII, 3, 54), ne la décrit pas, se bornant à indiquer qu'elle était immense. — Ann., XV, 45 : Néron, après la reconstruction de la ville, dépouilla de leurs statues les temples de la Grèce et de l'Asie ; Hist. nat., XXXIV, 8, 84 : Clarissima quæque in urbe jam sunt... violentia Neronis in urbem convecta et in sellariia domus aureæ deposita. — Ann., XIII, 45 : Poppée ; Pline ne donne sur elle que des détails insignifiants, XI, 41, 238 ; XXVII, 12, 183 ; XXXIII, 11, 140. — Ann., XVI, 6 : funérailles de Poppée ; Pline donne un détail qui n'est pas dans Tacite (XII, 18, 83). — A ces rapprochements de Detlefsen on peut en ajouter d'autres : Ann., XII, 56 : Ipse insigni paludamento neque procul Agrippina chlamyde aurata præsideren (Claude donne un simulacre de combat naval) ; Hist. nat., XXXIII, 3, 63 : Nos vidimus Agrippinam Claudi principis, dante eo navalis prœlii spectarulum, adsidentem ei indutam paludamento aureo textili sine alia materia. Le fait s'étant passé en 51, peut-être même avant (cf. Nipperdey-Andresen, à Ann., XII, 56), il n'est pas sûr qu'il ait été relaté dans la continuation d'Aufidius. — Ann., XIII, 57 : Flumen gignendo sale fecundum... Super ardentem arborum struem fusa (unda) ex contrariis inter se elementis, igne atque aquis, concretum ; Hist. nat., XXXI, 7, 82 : Galliæ Germaniæque (il s'agit dans Tacite d'un fleuve de Germanie) ardentibus lignis aquam salsam infundunt. — Ann., XIII, 58, et Hist. nat., XV, 18, 77 : détails analogues sur le Ruminal ; Pline ne parle pas du fait particulier à propos duquel Tacite donne ces détails. — Ann., XIV, 15 : le théâtre particulier de Néron et la fête des Juvénales ; Hist. nat., XXXVII, 2, 19 : allusion à ce théâtre. — Ann., XV, 42, Néron entreprend de faire creuser ab lacu Averno navigabilem fossam usque ad Ostia Tiberina ; Hist. nat., XIV, 6, 61 : fossa Neronis quam a Baiano lacu Ostiam usque navigabilem inchoaverat. — Quant à la ressemblance de Pline, XVI, 40, 200, (l'amphithéâtre de Néron), et Ann., XIII, 31, elle s'explique, comme nous allons le dire, par l'emploi de Pline comme source secondaire. — Pline, XXII, 22, 92, dit, comme Tacite, XII, 67, qu'Agrippine mêla le poison donné à Claude à des champignons (boletos). Ici encore, il a été source secondaire : ... ut temporum illorum scriptores prodiderint..., dit Tacite. — Par contre, il y a deux divergences importantes entre Tacite et Pline : d'après Tacite, Ann., XIII, 1, Silanus périt ignaro Nerones ; d'après Pline, VII, 13, 58, veneno ejus interemptus est. — D'après Pline, XVII, 1, 5, c'est Néron qui a incendié Rome ; il y a doute aux yeux de Tacite, XV, 38. — Mais Detlefsen a tort, comme nous allons le voir, de conclure de tout cela que Pline n'a pas été non plus la source principale des Histoires.
[30] Chap. III, § II.
[31] Cf. d'ailleurs : ... nisi cui libeat laudandis... trabibus... volumina implere, avec Hist. nat., XVI, 40, 200 : Amplissima arborum ad hoc ævi existimatur Romæ visa, quam propter miraculum Tiberius Cæsar in eodem ponte naumachiario exposuerat advectam cum reliqua materie, duravitque ad Neronis principis amphitheatrum. Fuit autem trabs ea e larice, longa pedes CXX, bipedali crassitudine æqualis, quo intellegebatur vix credibilis reliqua altitudo fastigium ad cacumen æstimantibus.
[32] XIII, 20.
[33] En plusieurs endroits où Tacite parle de Sénèque, il est évident qu'il n'en parle pas d'après Fabius. — Ann., XII, 8 : Agrippine rappelle Sénèque d'exil et le donne pour précepteur à Néron : ... utque Domitii pueritia tali magistro adolesceret et consiliis ejusdem ad spem dominationis uterentur, quia Seneca fidus in Agrippinam memoria beneficii et infensus Claudio dolore injuriæ credebatur. — XIII, 18 : après la mort de Britannicus, Néron largitione polissimos amicorum auxit. Nec defuere qui arguerent viros gravitatem adseverantes, quod domos, villas, id temporis quasi prædam divisissent. — XIII, 42 : Variis deinde casibus jactatus et multorum odia meritus relu, baud tamen sine invidia Senecæ damnatur. Procès de Suillius, qui dit à Sénèque des choses très dures, par exemple : se quæstorem Germanici, ilium domus ejus adulterum fuisse. Lire aussi le chapitre 43. — XIV, 7 : rôle de Sénèque dans le meurtre d'Agrippine. XIV, 11 : effet produit par la lettre de Néron au sénat sur la mort de sa mère : Ergo non jam Nero, cujus immanitas omnium questus anteibat, sed Seneca adverso rumore erat, quod oratione tali confessionem scripsisset.
[34] Dans le récit de Tacite (XIII, 21), Sénèque fait partie de la commission devant laquelle comparait Agrippine : Burrus iis mandatis Seneca coram fungebatur.
[35] C'est l'avis de H. Schiller, p. 23 sqq. — Mommsen, Hermes, t. 4, p. 320, exprime la même opinion, mais sans être très affirmatif. — Clason, Tac. u. Suet., p. 14, n'accorde à Cluvius que la situation de primus inter pares. Fabius et Pline sont presque sur le même rang. — Cf. aussi p. 20.
[36] En 62 (cf. Tacite, XIV, 52 sqq.).
[37] Pline est un simple chevalier romain : il n'a pas assisté aux séances du sénat, auxquelles Tacite donne beaucoup d'importance, même dans son récit du règne de Néron.
[38] Cluvius était en bons termes avec le gendre de Thraséa, Helvidius Priscus, qui fait son éloge (Hist., IV, 43). Il avait dû être très favorable à Thraséa. Il est donc inutile de supposer, avec H. Schiller, p. 18 sq., que Tacite a parlé de Thraséa d'après la laudatio d'Arulenus Rusticus (cf. Agricola, 2).
[39] Chap. I.
[40] Annales, XIII, 45 sq., cf. plus haut, § I, n° 4.
[41] XIII, 20.
[42] Cf. chap. II, § II, n° 6.
[43] L'opinion contraire est soutenue par Raffay, p. 14 ; cf. tout le passage, depuis la page 11. — Clason, Tac. u. Suet., p. 62 sq. et 73 sq. ; Horstmann, p. 41 sqq., pensent comme nous.
[44] Cf. chap. III, § II, n° 1, et chap. II, § II, n° 1.
[45] II, 44-46, 62-63 ; XI, 16-20 ; XII, 27-30.
[46] Nous avons démontré que la priorité appartenait à Aufidius Bassus ; cf. chap. II, § II, n° 1 et 6.
[47] Pour que Servilius ait été sénateur à cette époque, en 19, il suffit qu'il soit né en 7 avant J.-C., ce qui est très possible ; cf. chap. II, § II, n° 2.
[48] Chap. I, § III, n° 3.
[49] A propos du faux Drusus, Tacite dit (V, 10) : Neque nos originem finemve ejus rei ultra comperimus. Cette formule ne se conçoit bien que s'il a vainement consulté toutes ses sources. — La prédiction de Tibère à Galba (VI, 20) provient soit de la tradition orale, soit d'un historien de Galba. Nous avons vu (§ I, n° 2) qu'elle ne peut provenir de la source principale.
[50] Cf. chap. II, § II, n° 3.
[51] Cf. la critique de cette version dans L. von Ranke, p. 301 sqq.
[52] Cf. plus haut n° 1.
[53] L von Ranke, p. 310, parle, à propos de la mort de Claude, d'obscurités et de contradictions qui proviennent, dit-il, de ce que Tacite a fondu ensemble plusieurs récits. Tout se tient et tout est clair dans le récit de Tacite.
[54] Cf. plus haut, § III, n° 1.
[55] Ici encore, L. von Ranke, p. 312 sqq., parle de contradictions qu'il attribue à la fusion de deux récits, l'un favorable à Néron et source principale, l'autre défavorable. Ces contradictions n'existent pas ; d'un bout à l'autre de son récit, Tacite s'abstient d'accuser ou d'absoudre Néron, persistant dans son incertitude du début. Les incendiaires, dit-il (38), esse sibi auctores vociferabantur, sive ut raptus licentius exercerent seu jussu. Néron a-t-il chanté pendant l'incendie ? Pervaserat rumor ipso tempore flagrantis Urbis inisse eum domesticam scænam... (39). L'incendie se rallume : Plusque infasniæ id incendium halmil, quia pntediis Aemilianis proruperal ; ridehaturqffe Nero condendæ urbis novæ... gloriam quærere (40). Néron a beau faire, le bruit public l'accuse toujours : Sed non ope humana, non largitionibus principis... decedebat infamia, quin jussum incendium crederetur. Ergo abolendo rumori Nero subdidit reos... (44). Tacite rapporte ce qui s'est dit, mais ne formule pas, pour son compte, d'accusation.
[56] Cf. plus haut, n° 1.
[57] Comme Invenio apud quosdam auctores (Hist., II, 37) ; cf. 1re partie, chap. IV, § I, n° 3.
[58] XIII, 90 ; XIV, 2 ; XV, 53.
[59] Cf. XIII, 20, et surtout XIV, 2.
[60] Il peut se faire que des passages comme celui-ci : Hæc consensu produntur (sur la mort d'Agrippine). Aspexeritne matrem exanimem Nero... sunt qui tradiderint, sunt qui abnuant (XIV, 9), soient le résultat d'une consultation des sources secondaires ; mais il peut se faire aussi qu'ils dénotent simplement les recherches de la source principale. De même, XV, 53 : sive, ut alii tradidere... ; 54 : Ut plerique tradidere... ; XVI, 3 : Quidam tradidere... ; XIV, 37 : sunt qui... tradant ; 59 : sunt qui... ferant. Les formules analogues ne manquent pas non plus dans la partie consacrée à Tibère (I, 13, 29, 53, 80 ; II, 17, 29, 40, 70 ; III, 73, etc.). L'étude des Histoires nous a rendus très sceptiques au sujet de leur signification.